17/01/2014
Documentaire-fiction marionnettique : Blue Jeans de Yeung Faï
Le cinéma d’animation projeté sur paravents, l’art de la marionnette – bunraku ou à gaine – et le théâtre d’objets permettront aux trois interprètes de Blue Jeans de révéler quelques-unes des 501 façons d’oublier la dignité de l’homme.
Dans l’un de ses précédents spectacles, le très salué Hand Stories, Yeung Faï, acteur et marionnettiste génial, racontait sans parole, avec humour et gravité – le sujet y invitait – l’exil qui lui avait permis d’échapper à l’emprise idéologique de la Chine communiste où il avait grandi. L’histoire de son père aussi, auquel il doit l’art de la manipulation et de la fabrication des marionnettes à gaine, si violemment critiqué et humilié par le régime lors de ladite « révolution culturelle ». L’émotion qui était l’une des grandes qualités de ce spectacle – inscrite sur les visages figés des figurines ou dans l’absence des mots – est à nouveau au rendez-vous dans Blue Jeans, sa nouvelle création. Un retour vers la Chine, et plus généralement vers l’Asie, pour dire l’horreur d’un esclavage moderne que chacun d’entre nous porte à même la peau sous couvert de liberté : le blue jean. Toile dont la teinture s’appelait Bleu de Gênes (ville dont le nom anglophone était Jeane), beaucoup plus tard transformé en vêtement de travail et adopté par les États-Unis, exporté dans le monde entier et aujourd’hui cousu, teint, délavé, artificiellement vieilli… par des femmes et des enfants majoritairement asiatiques et tous fondamentalement exploités. La fable, « visuelle, politique et poétique » écrite par Yeung Faï met en scène une famille de paysans pauvres contraints de vendre l’une de leurs filles pour l’envoyer travailler dans une usine des grands centres industriels. Deux vies, celles des deux sœurs, que le spectacle invite à suivre en parallèle, où s’entrechoquent traditions immémoriales et sauvagerie impitoyable du monde du travail. Le cinéma d’animation projeté sur paravents, l’art de la marionnette – bunraku ou à gaine – et le théâtre d’objets permettront aux trois interprètes de Blue Jeans de révéler quelques-unes des 501 façons d’oublier la dignité de l’homme.
09:28 Publié dans RÉSONANCES | Lien permanent | Commentaires (0)
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