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31/03/2016

Revue Nouveaux Délits, le NUMÉRO 54

                                        

 

 

 

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Avril-Mai-Juin 2016

 

 

Exister est un écartèlement permanent. Entre spleen et idéal pensait Baudelaire, mais savoir vivre c’est savoir accepter sans se résigner, savoir lâcher-prise sans lâcher la main de l’autre. Renoncer au bonheur mirage, ces innombrables projections du système sur l’écran de nos désirs jusqu’au viol même de notre intégrité. Achète, consomme, travaille encore pour acheter, consommer sans poser de question et tu seras heureux. Pas encore aujourd’hui, mais demain, oui c’est certain. C’est prouvé par la science. Demain sera le grand jour, demain tu seras riche, le héros de ta vie, admiré, adulé, envié, car tu le mérites. Avec ce qu’il faut de peur pour avoir besoin de se protéger derrière des remparts d’achats sécurisants.

 

Il y a les belles choses, les savoureuses et ce ne sont pas des choses, mais des êtres et des sentiments, des émotions, des sensations, des échanges, des partages, des solitudes aussi, pleines et débordantes de vie.

 

Il y a les peurs oui, innombrables, envahissantes, les mauvais pressentiments, les ennuis à répétition, les injustices, les coups du sort qui s’acharne et tout ce qu’il faudrait comprendre pour transformer, se transformer soi sans savoir s’il faut avancer ou reculer, s’il faut ci, s’il faut ça…. La mécanique enrayée du mental. L’envie de dormir.

 

L’argent reste le problème omniprésent, omnipotent, un piège infâme, le plus toxique des mirages, la plus cruelle des machettes. Cette peur de manquer, de chuter encore plus bas, cette tache sur soi qui s’agrandit et nous définit plus que n’importe quoi d’autre : pauvre. C’est immonde d’être défini par cette tache, tout le monde le sait, mais rien ne change, une seule chose compte : en avoir ou ne pas en avoir. Dans une société aussi férocement individualiste que la nôtre, ce qui fait lien c’est « en avoir », ce qui ouvre toutes les portes, aussi vaines soient-elles, c’est « en avoir beaucoup ».

 

Une seule planète, plusieurs mondes qui ne se côtoient pas. L’un d’eux est en train de dévorer tous les autres.

 

Cg, extrait de ©Ourse (bi)polaire

 

 

Je suis pauvre et nu, mais je suis le chef de la nation. Nous ne voulons pas de richesse mais nous tenons à instruire correctement nos enfants. Les richesses ne nous serviraient à rien. Nous ne pourrions pas les emporter avec nous dans l’autre monde. Nous ne voulons pas de richesses. Nous voulons la paix et l’amour.

Red Cloud Chef Sioux Oglala

 

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AU SOMMAIRE

  

Délit de poésie : Céline Escouteloup, Christophe Réal, Marine Gross, Vincent, Heptanes Fraxion

 

Délit de phénomène au logis : quinze extraits de Vingt d’Hervé Jamin

 

Résonance : Bienvenue à Calais – Les raisons de la colère, textes de Marie-Françoise Colombani, dessins de Damien Roudeau – Actes Sud, février 2016

 

 

Comme toujours, les coins de pages se noircissent aux Délits d’(in)citations. 

Et comme toujours vous trouverez le bulletin de complicité qui fait le malin à la sortie.

 

 

Illustrateur : Henri Cachau

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henricachau@free.fr

 

Villeneuve-sur-Lot 1945, vit et travaille à Rambouillet. Peintre, sculpteur, nouvelliste et poète, a participé à diverses expositions, nationales et internationales ; publie dans de nombreuses revues, papier et 'net' ; organise des expositions, des ateliers ainsi que des soirées poétiques ; en 2003 a publié un recueil de nouvelles intitulé : Le quotidien des choses... Pour plus d'informations voir site : www.henri-cachau.fr

 

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La femme cependant, de sa bouche de fraise,

En se tordant ainsi qu'un serpent sur la braise,

Et pétrissant ses seins sur le fer de son busc,

Laissait couler ces mots tout imprégnés de musc:

-" Moi, j'ai la lèvre humide, et je sais la science

De perdre au fond d'un lit l'antique conscience.

Je sèche tous les pleurs sur mes seins triomphants,

Et fais rire les vieux du rire des enfants.

Je remplace, pour qui me voit nue et sans voiles,

La lune, le soleil, le ciel et les étoiles !

Je suis, mon cher savant, si docte aux voluptés,

Lorsque j'étouffe un homme en mes bras redoutés,

Ou lorsque j'abandonne aux morsures mon buste,

Timide et libertine, et fragile et robuste,

Que sur ces matelas qui se pâment d'émoi,

Les anges impuissants se damneraient pour moi !

 

Baudelaire

 

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SOLDE

 

pour Aimé Césaire

 

J’ai l’impression d’être ridicule

dans leurs souliers

dans leurs smoking

dans leur plastron

dans leur faux-col

dans leur monocle

dans leur melon

 

J’ai l’impression d’être ridicule

avec mes orteils qui ne sont pas faits

pour transpirer du matin jusqu’au soir qui déshabille

avec l’emmaillotage qui m’affaiblit les membres

et enlève à mon corps sa beauté de cache-sexe

 

J’ai l’impression d’être ridicule

avec mon cou en cheminée d’usine

avec ces maux de tête qui cessent

chaque fois que je salue quelqu’un

 

J’ai l’impression d’être ridicule

dans leurs salons

dans leurs manières

dans leurs courbettes

dans leur multiple besoin de singeries

 

J’ai l’impression d’être ridicule

avec tout ce qu’ils racontent

jusqu’à ce qu’ils vous servent l’après-midi

un peu d’eau chaude

et des gâteaux enrhumés

 

Jai limpression dêtre ridicule

avec les théories qu’ils assaisonnent

au goût de leurs besoins

de leurs passions

de leurs instincts ouverts la nuit

en forme de paillasson

 

J’ai l’impression d’être ridicule

parmi eux complice

parmi eux souteneur

parmi eux égorgeur

les mains effroyablement rouges

du sang de leur ci-vi-li-sa-tion

 

Léon-Gontran Damas, poète guyanais, 1937

 

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Ce poème est extrait de

 

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Nouveaux Délits - Avril 2016 - ISSN : 1761-6530 - Dépôt légal : à parution - Imprimée sur papier recyclé et diffusée par l’Association Nouveaux Délits Coupable responsable de tout : Cathy Garcia Illustrateur : Henri Cachau    

http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/

 

Revue LICHEN - n° 2 (avril 2016)

 

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Au sommaire de ce numéro 2 :

Éditorial

Avis important aux éventuels candidat(e)s à la publication

El Angelraya : quatre pages des Carnets de traces

Patrick Chavardès : « Bouts rimés », « Dernier mot » et « Décousu »

Carine-Laure Desguin : « Et de traverser le corps »

Colette Daviles-Estinès : six poèmes récents

Khalid El Morabethi : « C cédille »

Cathy Garcia : « Passe passe » et « Février »

Gabriel Henry : « Vrai sommeil » et « Genèse »

Leafar Izen : « Les choses de la nuit », « Les vies gribouillées » et « Visage et figure »

Mark Kerjean : « La proximité des plantes » et « Hors tension »

Robert Latxague : « Plein les yeux » et « Olé ! »

Joëlle Pétillot : « Les petites coutures »

Boris Ryzji : un poème sans titre, traduit du russe par Jean-Baptiste Para 

Clément G. Second : Trois poèmes

Sabine Venaruzzo : « Dernier acte avant la bombe » et « Le démocrate »

Vu et approuvé : rencontre avec Fred Theys 

Guillemet de Parantez : bidouillage sémantique à partir du don de mot.

 

 

 

 

28/03/2016

Un extrait de "DIEU CROIT-IL EN DIEU?" rencontres au-delà des dogmes, de Patrick Lévyt

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préface d'Albert Jacquard, chez Albin Michel/Question de, 1993, 520 pages, 149 Fr, réédition, 1997.

 



CHAPITRE XXVI

CHEIKH ASSAM


NON AUCUN DIEU. QUE DIEU

Quand on vint solliciter sa direction spirituelle à Ibn Hûd, il interrogea: "Dans quelle voie? Celle de Moïse, celle de Jésus ou celle de Mahomet.

Le village, couleur ocre-beige, me donnait l'impression d'être tout entier construit en terre battue. La poussière recouvrait tout, telle une couche de peinture, uniformisant toutes formes visibles dont on eût pu croire qu'elles fussent sorties du sol comme des champignons de la pluie.

Les silhouettes des hommes et des femmes glissantes ou immobiles dans leurs robes blanches ou noires ne modifiaient pas cette impression de lune habitée. Le petit marché faisait une maigre mais salutaire exception colorée qui me semblait être une concession récréative à un univers uni et sévère. Le sang des boucs abattus à la boucherie coulait dans un sable qu'on recouvrait de sable.

Ce hameau, que les cartes géographiques ignorent, charmait la paix dans la solitude des contreforts des chaînes des Himalaya Pakistanaises. Il était relié au pays par une petite route rapiécée et un câble électrique qui acheminait le courant sporadique d'une modernité suspecte.

Deux conversations avec des inconnus m'y avaient conduit. L'une, à Dharamsala, avec un jeune étudiant occidental de l'école de rhétorique de Sa Sainteté le Dalaï Lama, m'avait amené à connaître l'existence d'un sage érudit dont il avait entendu parlé et la région où il habitait. L'autre, dans un autocar avec un voyageur pakistanais m'avait tracé l'itinéraire final. Il avait entendu parler de celui que je cherchais sans même savoir son nom mais dont la sagesse parmi les fidèles commençait à être proclamée. Je m'y suis rendu dans le petit camion qui ravitaillait, deux fois par semaine, cette population isolée.

Le vent par rafales poussait d'invisibles obstacles et soulevait un brouillard de poussière sous un soleil de fer rouge qui me cuisait les joues.

- Salam alekoum!

- Alekoum salam!

Ici, on se saluait en se croisant. Les passants lançaient sur moi des regards discrets mais curieux.

Je me promenais en quête d'une inspiration. Comment découvrirais-je l'homme que je cherchais? Comment demander? Irai-je à la mosquée interroger le muezzin? Je voulais éviter d'ébruiter la raison de ma présence. J'attendais un événement, une occasion.

- Salam alekoum! avais-je lancé alors que j'allais croiser un homme sur la route.

- Alekoum salam, répondit-il en traînant sur la dernière syllabe comme pour arrêter ma marche. Je m'étais arrêté. Nous demeurâmes face à face, immobile et silencieux. Sa longue Kurta encore assez blanche le couvrait jusqu'aux genoux. Un turban coiffait son crâne. Sa barbe noire cachait la plus grande partie de son visage gratté par le vent et le sable comme un rocher millénaire; de la terre s'accumulait dans ses rides. Je ne voyais vraiment que ses grands yeux noirs brillants, et leurs longs cils nonchalants qui m'assuraient qu'il était vivant.

- Que cherches-tu ici? me demanda-t-il dans un anglais de petite école.

Je ne me sentais ni l'envie, ni la force de répondre à l'interrogatoire dont on afflige les étrangers, ou d'entretenir une conversation qui me demanderait de sortir de mon univers et de l'impression d'irréel que m'offrait ce lieu.

- Je regarde les arbres, les hommes, les fourmis et le ciel, et j'écoute ce que je vois.

Il rit, je souris.

- Que te disent-ils?

- La patience... la paix, l'action... et le temps dis-je très lentement.

- La joie est sur toi! s'exclama-t-il.

- Quelle te caresse aussi.

- In cha Allâh (Qu'il plaise à Dieu) dit-il en traînant sur la dernière syllabe et en ouvrant les mains devant lui comme pour accueillir son souhait.

Il me dévisagea. J'acceptais cette interrogation muette. Puis il me posa quand même les "dix questions". D'où viens-tu? Où vas-tu? Restes-tu? Es-tu déjà venu? Que penses-tu de notre pays? Pourquoi voyages-tu? Avec qui? Pourquoi es-tu venu ici? Où es-tu allé déjà? Quand, pourquoi, où, combien de temps?

- Je suis toujours pour toujours où je suis, jusqu'à ce que j'aille ailleurs voir et faire la même chose, autrement. C'est partout le même monde, presque les mêmes hommes, les mêmes questions, les mêmes ignorances. C'est toujours avec moi que je suis, et c'est pour cette rencontre avec toi que je suis venu.

- Allalou Akbar! (Allâh est grand).

J'enchaînai, comme dans la prière:

- La ilâha illah-lâh. (Il n'y a de Dieu que Dieu)

Il écarquilla ses grands yeux.

- Es-tu musulman?

- S'il n'y a qu'un Dieu, je suis musulman aussi.

J'avais insisté sur aussi.

- Mais... connais-tu Mahomet, le prophète? insista-t-il.

- Je connais les prophètes, dis-je en feignant un ton de savant.

- Dans ce village habite un Cheikh, que Dieu le bénisse, qui enseigne la foi. Viens avec moi, je te conduirai chez lui.

La chance s'ouvrait-elle à mon dessein? Cet homme me conduirait-il chez celui que je cherchais? Je n'en doutais pas. J'acquiesçai. Il se présenta: Abdoul Azis.

Nous marchâmes en silence l'un derrière l'autre dans un dédale de ruelles pierreuses, étroites et quasi désertes. Nous foulions des éclats de pots et traversions des nuages de fumées montant autour de feux de détritus. Nous longions, en les rasant pour en prendre l'ombre, des murs de terre percées de portes basses et carrées. Mon guide s'arrêta devant la seule de la ville qui fût ouverte.

- C'est ici, dit-il avec respect, avant d'avancer dans une cours intérieure étonnamment paisible que quelques arbres baignaient d'une ombre protectrice. Au fond, je découvris une maison basse de briques brunes dont la porte était ouverte. Abdoul appela:

- Cheikh Assam! Cheikh Assam!

J'étais arrivé.

Il n'attendit pas de réponse pour entrer, il se déchaussa et m'invita à le suivre. Nous entrions dans une tanière. Nous fûmes immédiatement dans la nuit. Je ne voyais rien, pas même la kurta blanche de mon guide. Pendant un instant j'eus l'impression d'être seul, seul au monde. Mes yeux ne s'habituaient pas assez vite au changement de clarté. J'avançai d'abord à tâtons avant de me souvenir qu'avec un peu de confiance, si on se laisse porter par lui, le corps sent les choses lorsque les yeux ne voient pas. Au bout de la salle, un homme assis ranimait la braise d'un foyer creusé à même le sol en terre battue. Il portait un turban et une robe blanche. Une bougie était placée à coté de lui. Il l'allumait. Je me suis installé sur un tapis posé sur un autre tapis. Peu à peu je pus distinguer la longue barbe grise de celui que j'étais venu trouver, puis les contours de son visage, anguleux, sévère. Il n'avait pas de moustache. Ses yeux ne m'apparaissaient que dans des éclairs lorsqu'il tournait un peu la tête et que les petites flammes du feu s'y reflétaient. Pourquoi ce feu dans ce climat torride? Pourquoi ces volets clos en plein jour?

Abdoul et cheikh Assam se parlèrent d'abord très calmement en Ourdou, puis demeurèrent silencieux. Longtemps. Je savais qu'ils m'examinaient, autrement que par le regard. Consciemment, je rassemblai mes forces pour les dissoudre. Je fis l'effort de cesser de percevoir, de cesser d'analyser, de cesser de penser. Je me fis plus paisible, plus immobile intérieurement, moins attentif à moi-même, comme absent, pourtant lucide, vigilant; je réduisis ma présence.

Le Cheikh bougea et se racla la gorge comme pour me prévenir qu'il allait parler. Il me posa quelques-une des dix questions. Puis, il me demanda dans un chuchotement, dans un anglais parfait:

- Quelle est ta religion?

Il avait une voix douce, presque suave, pourtant plutôt aiguë, mais sans force, comme s'il se parlait à lui-même.

- En Inde je suis hindou, ici je suis musulman, ailleurs je suis parfois juif, chrétien ou bouddhiste. J'écoute, partout ce que l'on dit de Dieu.

- Allalou Akbar. Allâh, qu'Il soit exalté, est le seul Dieu. Cela veut dire le tout incluant est le plus grand.

- C'est une formule mathématique!

- Beaucoup plus que cela. Allâh est plus grand que l'addition de tout, et beaucoup plus petit que chaque fraction du tout. Car plus grand n'est pas une quantité mais une qualité. Quelle est la religion de ton père insista-t-il?

Je n'avais pas envie de répondre à cette question.

- Si la religion se transmettait avec la naissance, on n'aurait pas besoin de l'étudier, ni de se parfaire, et personne ne pourrait se convertir.

Il hochait la tête imperceptiblement, longtemps après que j'eus achevé ma remarque.

- Dieu comme héritage commence par être la langue de ton père, m'expliqua-t-il d'une voix douce et patiente, mais certainement, on peut changer de religion.

Il ne me demanda rien pendant quelque temps. Je questionnai:

- Ne faut-il pas dépasser la religion?

- Pour dépasser une chose, il faut d'abord la connaître. Nombreux sont les chemins de la vérité. Toutes les religions révèlent la vérité.

Il s'exprimait avec emphase dans des certitudes qu'il montrait solides mais qui me paraissaient suspectes, par principe.

- Mais où la cachent-elles, dis-je.

Il ne répondit pas tout de suite, il me regarda comme s'il allait trouver une réponse sur moi.

- Là où tu peux apprendre à la trouver.

Je ne compris pas qu'il parlait de la découvrir en soi. J'insistai, non tant pour démonter quelque chose, que pour essayer d'éviter d'établir entre nous un rapport de catéchisme.

- Lorsqu'on ne trouve pas la vérité, on ne reçoit que l'ordre d'obéir. C'est avilissant. Quel Dieu peut-on connaître dans l'obéissance aveugle? L'homme qui aime Dieu ne doit-il pas répandre la vérité que Dieu lui a montré, l'offrir, comme s'il l'offrait à Dieu.

Je citai un vers de din 'Attâr:

"Pour ton âme demande au Seigneur la connaissance afin que tu répandes pour Lui tout ce qu'il te donne.

Le cheikh goûta cette évocation.

- La connaissance est exigeante, on ne doit pas la donner, mais seulement en montrer la voie à ceux qui la cherchent. Certains ont besoin d'espoir et de devoir.

Il parlait anglais avec application, en roulant les r plus qu'il ne faut; sa voix, bien qu'aigrelette contenait une force de volonté puissante, de la patience et de la précision. Mais ses longs silences, nombreux, étaient plus forts encore que les mots qu'il prononçait. Je repris:

- Certains hommes ne savent pas même questionner, on leur suggère ou leur ordonne de croire; cela n'a pas de sens. On ne peut croire malgré soi; nul ne peut forcer la foi, et une religion est hypocrite qui se contenterait d'une foi d'apparence. Au nom d'un nécessaire ordre collectif, les docteurs des dogmes se sont appropriés Dieu et le Bien, et privent l'individu de la vérité ou de la connaissance qui sont essentielles à sa liberté.

- Que crois-tu que contiennent ces vérités?

- Au-delà de la loi, il y des directions qui mènent l'homme et son âme vers l'absolu.

Il approuva.

- Ici on ne s'occupe que de l'âme, ajouta-t-il. La seule guerre sainte est une guerre contre soi-même, personne d'autre. Que cherches-tu?

- Dieu, directement... La présence... Et la connaissance de la mort, dis-je en essayant de faire semblant de ne pas hésiter.

- Que sais-tu de la mort?

Je fus surpris par cette si simple question. On ne sait rien sur la mort que des théories; on la croit inconnaissable.

- Je ne connais la mort que par ce qui meure, dis-je enfin honnête.

- Tu ne connais donc que le temps, répondit-il sur le ton du médecin qui fait un examen du corps.

- La connaissez-vous?

La conversation se déroulait lentement. Quelques mots étaient jetés dans le silence et la ténèbres. Dans cette lenteur, tout était possible. Même changer. Je me sentais déjà un peu dépassé.

- Depuis des millénaires, les sages ont percé son secret, se contenta-t-il de répliquer tout en balançant sa tête.

- Puis-je le connaître, dis-je trop vite.

Il réfléchit longuement.

- Cela dépend de ce que signifie connaître, finit-il par avancer prudemment.

- Pourquoi la mort est-elle un secret? demandais-je pour éviter sa question.

- Parce que la vie ne veut pas la connaître. Les hommes en ont peur et la fuient; la mort est mystérieuse et injuste pour la vie qui ne se comprend pas. Telle est la nature du secret: la mort ne se cache pas, l'homme se dissimule.

"Cette connaissance n'est pas facile à porter. Si tu ignores que tu possèdes un trésor, tu ne crains pas les brigands. Mais si quelqu'un viens te dire que cet objet, auquel tu ne prêtais guère attention, est un trésor, alors tu le caches, tu t'inquiètes, ou bien, pour vaincre l'inquiétude, tu te détaches de lui, tu penses à lui comme s'il ne t'appartenait pas de toute façon... L'homme est son propre trésor, il prend la mort pour un brigand, et il est inquiet.

- Acceptez-vous de me parler de la mort?

- C'est un très simple secret, c'est un long chemin. Combien de temps comptes-tu rester ici?

- Le temps qu'il faudra... Le temps... de mon permis de séjour.

Je ne savais pas à quoi je m'engageais. Cet homme m'inspirait confiance. C'est pour cette rencontre, que j'avais entrepris ce long voyage. Il poursuivit:

- Qui t'a envoyé vers moi?

- Dieu sur toute chose n'est-il pas tout puissant.

Il ne dit rien pendant un long moment.

- Qui connaît la mort n'a plus peur de rien, sauf de lui-même... et de cela il ne peut pas se cacher, ni fuir.

"D'abord il te faudra du courage; du courage pour cesser de fuir, ensuite tu n'en auras plus besoin, Allâh t'aidera... s'il Lui plaît de t'aider. C'est Lui le chercheur. Dieu guide vers sa lumière qui Il veut . C'est Lui le Guide spirituel de l'univers.

Il m'annonça qu'il me recevrait tous les deux jours, un peu avant le coucher du soleil, et après la prière du soir, puis il me renvoya. C'est ainsi que je reçus la parole de ce pîr pendant plusieurs mois.

Je logeais chez un habitant dont on m'avait dit au marché, qu'il avait une chambre inoccupée. C'était une pièce aux murs bombés au bout d'une maison de pierres et de planche, dont le sol en terre durcie n'était pas plat non-plus. Elle s'ouvrait sur une cours intérieure protégée par des murets de cailloux liés par de la terre. Un palais de simplicité et de paix. Je prenais mes repas avec le propriétaire et ses enfants, en silence car nous n'avions aucune langue commune. Sa femme nous servait. Nous étions assis sur des tapis dans la plus grande pièce juste à côté de la cuisine. Elle officiait devant un four de boue dans lequel elle introduisait des morceaux de branches et de bouses sèches dont elle conservait la cendre qu'elle utilisait comme poudre à récurer la vaisselle. Des jarres gardaient l'eau et les réserves de grains tandis que des niches dans le mur servaient au rangement des ustensiles.

Une image en couleur de la Mecque vue du ciel présidait sur l'assemblée.

... Deux jours plus tard.

- Salam alekom Cheikh, dis-je en me penchant en avant, la main sur le coeur.

- Alekom salam, répondit Cheikh Assam gravement et calmement. Il me tendit la main, je lui donnais la mienne, il la garda longuement entre ses paumes.

Je m'assis à la même place que la première fois. Il me dit de m'approcher.

-Plus près, plus près.

J'étais à moins d'un mètre de lui.

Nous demeurâmes longuement silencieux. Puis il dit:

- Tu peux tout connaître par toi-même, en t'interrogeant longtemps, immobile à l'extérieur comme à l'intérieur, ou en interrogeant Dieu, ou en priant, ou en ne priant pas. Tu peux ainsi connaître toutes choses, et la mort aussi. Les sages nous ont transmis leurs méthodes de recherche et ils ont décrit pour nous les fruits que produisent ces méthodes. Lorsque nous lisons ce qu'ils ont écrit, ou ce que d'autres ont écrit sur eux, nous ne cueillons de leur méthode que la description d'un chemin et son but, mais nous ne connaissons pas le fruit. Nous chercherons le fruit.

Il parlait aussi lentement que lors de notre première rencontre, laissant de l'espace entre les mots et les phrases. Il se tut un moment. Je risquais une question:

- Y a-t-il vraiment un Dieu?

Il tiqua, comme si ma question était stupide ou plutôt grossière. En vérité j'avais voulu évaluer le maître à la qualité de sa réponse. J'étais satisfait par ce silence presque abrasif. Il poursuivit:

- Que nous apprennent les religions sur la nature de Dieu, sur l'Homme et la Création? Toutes donnent à ces questions presque les mêmes réponses, chacune grâce à ses prophètes, dans ses caractères, ses métaphores, son langage.

Il emprunta un ton plus personnel.

- On dit qu'un principe est créateur. Tout en est issue: la création et les créatures, le tangible et l'intangible, l'Homme et l'Ame. On dit d'abord de ce principe qu'on ne peut rien dire de lui. On peut le connaître, on ne peut pas le décrire, et l'on éprouve de la difficulté à parler de lui. On dit pourtant qu'il est le Potentiel, le Permanent, le tout, l'Un, l'Ineffable, le Seigneur. On dit Dieu, l'Esprit, l'âme. C'est le Pîr, le Guide spirituel de l'univers.

Il se tut longuement, puis ajouta:

- Va, regarde en toi ce que tu peux trouver qui ressemble à cela.

Et il me renvoya. Je m'étais attendu à un long discours, comme ceux de rabbi Isaac. Notre rencontre n'avait pas durée une demi-heure. Et j'avais maintenant deux jours à passer dans ce désert de montagne.

Je parcourais les rues du village en me répétant ce que le maître m'avait dit, cherchant Dieu en tout, le tout en chaque chose, traquant l'immuable, tâchant de sentir l'ineffable. Je ne trouvais pas grand chose, seulement ce que je souhaitais trouver, rien de permanent, quelques impressions vagues, évanescentes, désirées! je ne trouvais que moi. Fallait-il pratiquer les méditations que lama Shérab m'avait enseignées? Je rentrai dans ma chambre, et m'obligeai à ne rien faire, ni bouger, ni penser; je cherchai en moi un au-delà du dicible, éternellement potentiel, j'observai, autant que cela se peut, une sorte de vide mais qui était encore ma quête du vide.

...

J'étais assis à ma place devenue habituelle, j'avais fait les salutations d'usages. Cheikh Assam avait encore gardé ma main dans la sienne, puis pendant longtemps, nous n'avons pas échangé un seul mot. Par le silence, Cheikh Assam m'obligeait à l'imiter aussi impérativement que s'il m'en eût donné l'ordre. J'apprenais quelque chose sans pouvoir dire ce que ce pouvait être. Je crois que, en quelque sorte, il m'inspirait sa connaissance. Enfin, il dit:

- Ce n'est pas le créateur qu'il faut haïr, c'est la créature. Il faut aimer Dieu. Allalou Akbar, Dieu est plus grand, tout est inclus en Lui. Tout. Il est le tout-incluant, le plus grand. Va, cherche cela en toi.

Et il me fit signe de partir.

Le soir, la nuit, pendant la journée j'éprouvais le monde aux propositions du maître et m'observais en elles. Je regardais ce qui changeait du monde et en moi à travers elles. Aimer Dieu était aimer le plus grand, un plus grand inaccessible, impensable. Sans doute fallait-il le ressentir. Par la pensée, je faisais une poche et j'y plaçai tout ce que j'étais, puis je me plaçai à l'extérieur. Qu'était alors cette impression qui naissait en moi d'un au-delà du tout?... J'y demeurais.

...

Le feu était allumé; parfois avant un moment de silence, Cheikh Assam jouait à remuer les braises. On n'avait pas ici découvert la cheminée. Un trou entre le mur et le toit servait à évacuer la fumée, mais avant qu'elle n'en trouve le chemin, elle faisait, elle aussi, son détour initiatique et me suffoquait un peu.

- L'absolu est tout. Allâh est grand. Allâh est plus grand. Le tout de l'absolu est le plus grand, plus grand que l'addition de tout. Plus grand que la quantité, il y a la qualité; le plus d'Allâh est un plus qualitatif au-delà de toute qualité, qui appelle en chaque fidèle un changement qualitatif. Ce plus est la révélation elle-même, la révélation de la qualité ultime, au-delà de toute description, au-delà de toute qualité, au-delà du monde et de ce qui fait le monde. Tu dois chercher ce mode sans qualité.

"Le Dieu que tu peux connaître est aussi impeccable que toi dans l'instant où tu l'appelles, conclut-il. Il murmura ensuite quelques mots en ouvrant les mains devant lui.

Je cherchais un plus qualitatif dans la privation de toute qualité. La transcendance est une soustraction et non une aspiration. Le monde existe en moi avec mes propres limites. Lorsque je me définis, je me limite. L'infini est ce plus que soi sans qualité. Allâh est plus grand que la somme de tout. Infini, il est sans qualité.

Je cherchais un regard sans qualité, sans a priori sur le monde, ni jugement. Sans choix. Une indécision sans sujet ni objet, qui révélerait l'indéterminé qui précède toute qualité... toute qualification. Je tâchais de m'y suspendre.

...

- Lâ ilâha Illal-lâh. Il n'y a aucun de Dieu, que Dieu.

Il répéta la formule de nombreuses fois, très lentement. En arabe comme en anglais, il la brisait, en deux temps distincts.

"Lâ ilâha. Illal-lâh. Non, aucun Dieu. Que Dieu. Aucun Dieu. Que Dieu. Que Dieu.

Il ajouta:

"Il est vivant, immuable, unique, infini, transcendant toute limite.

Il demeura silencieux pendant longtemps avant de me renvoyer.

Immuable, quel mot vertigineux! Que pouvais-je trouver d'immuable en moi? Qu'est-ce qu'un je au-delà du temps, du contraste, de la conscience du partiel et du spécifique; de l'identité? Un plan général, au-delà de tout. Unique, donc central, unifiant. Infini, sans limite, sans mouvement. Illal-lâh, Que Dieu! avait répété Cheikh Assam en appuyant sur chacun des mots comme s'il souhaitait que j'entendisse quelque chose qu'il ne voulait pas dire autrement. Me suggérait-il d'abandonner tout autre rapport au monde et à moi-même que ceux que cette série d'adjectifs suggéraient et d'entrer dans le monde de Dieu avec lui; que Dieu! Il n'y a pas d'autre réalité que Dieu. Ou y en a-t-il? Non, Que Dieu!. Vivant et immuable offraient une contradiction insoluble, ou alors proposaient un mode de vie, un mode de relation: Que Dieu encore. Je tâchais de demeurer dans cette attitude, et même d'y agir. Qu'était ce Dieu? Une sacralisation intensive?

 

Le village était propice au mode d'existence contemplatif; austère comme un cloître, rien n'y était agressif. Ni les hommes ni le choses n'adhéraient. Les images qu'il offrait de lui-même semblaient brumeuses, comme un peu liquides dans le flou de l'air chaud. Ses habitants parlaient fort peu entre-eux et s'ils parlaient, ils chuchotaient. On se saluait en se croisant, on s'arrêtait rarement. Souvent les rues étaient désertes. Le silence privait la réalité de toute convention, ainsi elle était plus vide, moins solide. Le silence ici s'élevait comme une prière et il protégeait plus sûrement qu'une muraille.

C'est à ce moment que je décidai d'adopter le costume local. Dans ma nouvelle robe blanche, j'essayais de me dissoudre dans la poussière des chemins rocailleux et des maisons de glaise.

...

Je m'étais déchaussé puis assis tout proche. Ce jour-là c'est moi qui garda sa main. Nous demeurâmes longtemps sans rien dire.

- YHVH est l'être nécessaire et potentiel. Regarde en toi ce qui correspond à cela, me dit Cheikh Assam, il est à la fois vivant, immuable, nécessaire et potentiel.

Longuement, silencieusement, il considéra avec moi ce qu'il venait de dire, puis il me congédia.

Nécessaire, il n'y en a pas d'autre; potentiel, Il est toute chose; potentiel, Il est sans fin, l'infini des activités possibles; nécessaire Il est toute pensée; potentiel, Il rassemble tout en Lui; nécessaire, toute chose en émerge; potentiel, Il est avant, pendant et après tout ce qui se manifeste, donc au-delà du manifeste; nécessaire, Il existe en lui-même. Vivant et immuable, vivant mais immuable.

Cheikh Assam introduisait la religion racine de l'Islam dans son enseignement, cela n'avait pas manqué de me surprendre, mais aussi de me plaire. Rabbi Isaac n'était pas très loin...

Je n'avais personne à qui parler, mais je ne souffrais pas trop de la solitude. Grâce au silence, j'étais plus concentré sur les regards et les recherches que mon pîr me prescrivait de pratiquer. Peu à peu, ils m'habitèrent. La méthode et le silence étaient efficaces: j'avais l'impression continue de ne pas pénétrer le monde mais seulement de glisser dessus.

...

- Il n'y a qu'un seul être. Rien n'est en dehors de lui. Cet être est Brahman, disent les upanishads, Cela, le Soi sans qualité de chaque chose. Il est éternel et pur, incréé et absolu. Existant en soi.

Va, cherche en toi ce qui correspond à cela.

Je liais vivant et immuable à sans qualité et pur. C'est dans un rapport impersonnel avec la création que je cherchais Brahman. Ce qui n'a pas de qualité est infini. Ainsi qu'indescriptible. Le monde sans description s'ouvrait devant moi et m'échappait pourtant.

Le monde devenait beaucoup plus large, et moi beaucoup moins présent à mesure que je domptais le silence.

- Quel est la religion de ton père? m'avait demandé le cheikh lors de notre première conversation. J'avais refusé de lui répondre, je n'avais pas voulu choisir. Ne sachant pas dans quelle voie traiter ma question, le pîr n'avait sans doute pas choisi non plus, il m'enseignait l'hindouisme après l'islam et le judaïsme...

 

...

Tous responsables ?

Comment éviter le chaos climatique ?

L’exploitation des ressources fossiles a provoqué l’avènement d’une nouvelle ère géologique. Une prouesse des nations industrialisées et de leurs élites, qui ont bâti leur suprématie sur des échanges écologiques inégaux.

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Isaac Cordal. – « Résistance », 2013
cementeclipses.com — L’artiste expose à la galerie COA à Montréal jusqu’au 28 novembre.

Anthropocène : ce mot désigne une nouvelle époque de l’âge de la Terre, ouverte par une humanité devenue force tellurique (1). Le point de déclenchement de ce nouvel âge géohistorique reste sujet à controverse : la conquête et l’ethnocide de l’Amérique ? la naissance du capitalisme industriel, fondé sur les énergies fossiles ? la bombe atomique et la « grande accélération » d’après 1945 ? Mais il y a du moins un constat sur lequel les scientifiques s’accordent : bien plus qu’une crise environnementale, nous vivons un basculement géologique, dont les précédents — la cinquième crise d’extinction, il y a 65 millions d’années, ou l’optimum climatique du miocène, il y a 15 millions d’années — remontent à des temps antérieurs à l’apparition du genre humain. D’où une situation radicalement nouvelle : l’humanité va devoir faire face dans les prochaines décennies à des états du système Terre auxquels elle n’a jamais été confrontée.

L’anthropocène marque aussi l’échec d’une des promesses de la modernité, qui prétendait arracher l’histoire à la nature, libérer le devenir humain de tout déterminisme naturel. A cet égard, les dérèglements infligés à la Terre représentent un coup de tonnerre dans nos vies. Ils nous ramènent à la réalité des mille liens d’appartenance et de rétroaction attachant nos sociétés aux processus complexes d’une planète qui n’est ni stable, ni extérieure à nous, ni infinie (2). En violentant et en jetant sur les routes des dizaines de millions de réfugiés (22 millions aujourd’hui, 250 millions annoncés par l’Organisation des Nations unies en 2050), en attisant injustices et tensions géopolitiques (3), le dérèglement climatique obère toute perspective d’un monde plus juste et solidaire, d’une vie meilleure pour le plus grand nombre. Les fragiles conquêtes de la démocratie et des droits humains et sociaux pourraient ainsi être annihilées.

Cette logique d’accumulation a tiré toute la dynamique de transformation de la terre

Mais qui est cet anthropos à l’origine de l’anthropocène, ce véritable déraillement de la trajectoire géologique de la Terre ? Une « espèce humaine » indifférenciée, unifiée par la biologie et le carbone, et donc uniformément responsable de la crise ? Le prétendre reviendrait à effacer l’extrême différenciation des impacts, des pouvoirs et des responsabilités entre les peuples, les classes et les genres. Il y a eu des victimes et des dissidents de l’« anthropocénéisation » de la Terre, et c’est peut-être d’eux qu’il s’agit d’hériter.

A dire vrai, jusqu’à une période récente, l’anthropocène a été un occidentalocène ! En 1900, l’Amérique du Nord et l’Europe de l’Ouest avaient émis plus des quatre cinquièmes des gaz à effet de serre depuis 1750. Si la population humaine a grimpé d’un facteur 10 depuis trois siècles, que de disparités d’impact entre les différents groupes d’humains ! Les peuples de chasseurs-cueilleurs aujourd’hui menacés de disparition ne peuvent guère être tenus responsables du basculement. Un Américain du Nord aisé émet dans sa vie mille fois plus de gaz à effet de serre qu’un Africain pauvre (4).

Pendant que la population décuplait, le capital centuplait. En dépit de guerres destructrices, il a crû d’un facteur 134 entre 1700 et 2008 (5). N’est-ce pas cette logique d’accumulation qui a tiré toute la dynamique de transformation de la Terre ? L’anthropocène mériterait alors la qualification plus juste de « capitalocène ». C’est d’ailleurs la thèse des récents ouvrages du sociologue Jason W. Moore et de l’historien Andreas Malm (6).

Depuis deux siècles, un modèle de développement industriel fondé sur les ressources fossiles a dans le même temps dérouté la trajectoire géologique de notre planète et accentué les inégalités. Les 20 % les plus pauvres détenaient 4,7 % du revenu mondial en 1820, mais seulement 2,2 % en 1992 (7). Existe-t-il un lien entre l’histoire des inégalités et l’histoire des dégradations écologiques globales de l’anthropocène ? Non, répondent les tenants du « capitalisme vert », qui reprennent le vieux discours du « gagnant-gagnant » entre marché, croissance, équité sociale et environnement. Pourtant, de nombreux travaux récents, à la croisée de l’histoire et des sciences du système Terre, mettent en évidence un ressort commun aux dominations économiques et sociales, aux injustices environnementales et aux dérèglements écologiques désormais d’une ampleur géologique.

Si toute activité humaine transforme l’environnement, les impacts sont inégalement distribués. Quatre-vingt-dix entreprises sont ainsi responsables à elles seules de plus de 63 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre depuis 1850 (8). Les nations qui en ont émis le plus sont historiquement les pays du « centre », ceux qui dominent l’économie-monde (voir la carte « Pollueurs d’hier et d’aujourd’hui »). Ce fut d’abord le Royaume-Uni, qui, à l’époque victorienne, au XIXe siècle, produisait la moitié du CO2 total et colonisait le monde. Ce furent ensuite, au milieu du XXe siècle, les Etats-Unis, en concurrence frontale avec les pays sous influence soviétique, dont le système n’était pas moins destructeur. C’est de plus en plus la Chine, qui émet aujourd’hui plus de gaz à effet de serre que les Etats-Unis et l’Europe réunis. Pékin est engagé dans une compétition économique avec les Etats-Unis qui passe, à court terme, par une ruée sur les ressources fossiles et, à moyen terme, par le numérique, la finance et les technologies « vertes ». Au vu de cette réalité historique, peut-on limiter les dérèglements globaux sans remettre en question cette course à la puissance économique et militaire ?

Plus profondément, la conquête de l’hégémonie économique par les Etats-nations du centre (9) a permis la suprématie de son élite capitaliste, ainsi que l’achat de la paix sociale domestique grâce à l’entrée des classes dominées dans la société de consommation. Mais elle a été possible qu’au prix d’un endettement écologique, c’est-à-dire d’un échange écologique inégal avec les autres régions du monde. Tandis que la notion marxiste d’« échange inégal » désignait une dégradation des termes de l’échange (en substance, le montant des importations que financent les exportations) entre périphérie et centre mesurée en quantité de travail, on entend par « échange écologique inégal » l’asymétrie qui se crée lorsque des territoires périphériques ou dominés du système économique mondial exportent des produits à forte valeur d’usage écologique et reçoivent des produits d’une valeur moindre, voire générateurs de nuisances (déchets, gaz à effet de serre...). Cette valeur écologique peut se mesurer en hectares nécessaires à la production des biens et des services, au moyen de l’indicateur d’« empreinte écologique » (10), en quantité d’énergie de haute qualité ou de matière (biomasse, minerais, eau, etc.) incorporée dans les échanges internationaux, ou encore en déchets et nuisances inégalement distribués.

Ce mode d’analyse des échanges économiques mondiaux apporte depuis quelques années un regard nouveau sur les métabolismes de nos sociétés, et sur la succession historique d’autant d’« écologies-monde » (Jason W. Moore) que d’« économies-monde », selon la définition de l’historien Fernand Braudel. Chacune se caractérise, selon les périodes, par une certaine organisation (asymétrique) des flux de matière, d’énergie et de bienfaits ou méfaits écologiques.

La gloutonnerie énergétique des « trente glorieuses »

L’historien Kenneth Pomeranz a montré le rôle d’un échange écologique inégal lors de l’entrée du Royaume-Uni dans l’ère industrielle (11). La conquête de l’Amérique et le contrôle du commerce triangulaire permirent une accumulation primitive européenne ; accumulation dont les Britanniques profitaient au premier chef au XVIIIe siècle grâce à leur supériorité navale. Cela leur offrit un accès aux ressources du reste du monde indispensables à leur développement industriel : la main-d’œuvre esclave cultivant le sucre (4 % de l’apport énergétique alimentaire de leur population en 1800) ou le coton pour leurs manufactures, la laine, le bois, puis le guano, le blé et la viande. Au milieu du XIXe siècle, les hectares de la périphérie de l’empire mobilisés équivalaient à bien plus que la surface agricole utile britannique. L’échange était inégal puisque, en 1850, en échangeant 1 000 livres de textile manufacturé à Manchester contre 1 000 livres de coton brut américain, le Royaume-Uni était gagnant à 46 % en termes de travail incorporé (échange inégal) et à 6 000 % en termes d’hectares incorporés (échange écologiquement inégal) (12). Il libérait ainsi son espace domestique d’une charge environnementale, et cette appropriation des bras et des écosystèmes de la périphérie rendait possible son entrée dans une économie industrielle.

De même, au XXe siècle, la croissance forte des soi-disant « trente glorieuses » de l’après-guerre se caractérise par sa gloutonnerie énergétique et son empreinte carbone. Alors qu’il avait suffi de + 1,7 % par an de consommation d’énergie fossile pour une croissance mondiale de 2,1 % par an dans la première moitié du XXe siècle, il en faut + 4,5 % entre 1945 et 1973 pour une croissance annuelle de 4,18 %. Cette perte d’efficacité touche aussi les autres matières premières minérales : alors qu’entre 1950 et 1970 le produit intérieur brut (PIB) mondial est multiplié par 2,6, la consommation de minerais et de produits miniers pour l’industrie, elle, est multipliée par 3, et celle des matériaux de construction, quasiment par 3 aussi. C’est ainsi que l’empreinte écologique humaine globale bondit de l’équivalent de 63 % de la capacité bioproductive terrestre en 1961 à plus de 100 % à la fin des années 1970. Autrement dit, nous dépassons depuis cette époque la capacité de la planète à produire les ressources dont nous avons besoin et à absorber les déchets que nous laissons.

La course aux armements, à l’espace, à la production, mais aussi à la consommation, à laquelle se sont livrés le bloc de l’Ouest et le bloc de l’Est durant la guerre froide a nécessité une gigantesque exploitation des ressources naturelles et humaines. Mais avec une différence notable : le camp communiste exploitait et dégradait surtout son propre environnement (échanges de matières premières avec l’extérieur proches de l’équilibre et nombreux désastres écologiques domestiques), tandis que les pays industriels occidentaux construisaient leur croissance grâce à un drainage massif des ressources minérales et renouvelables (avec des importations de matières premières dépassant les exportations de 299 milliards de tonnes par an en 1950 à plus de 1 282 milliards en 1970 (13)). Ces ressources provenaient du reste du monde non communiste, qui, lui, se vidait de sa matière et de son énergie de haute qualité.

Ce drainage fut économiquement inégal, avec une dégradation des termes de l’échange de 20% pour les pays « en voie de développement » exportateurs de produits primaires entre 1950 à 1972. Mais il fut aussi écologiquement inégal. Vers 1973, tandis que la Chine et l’URSS atteignaient une empreinte écologique équivalant à 100 % de leur biocapacité domestique, l’empreinte américaine était déjà de 176 %, celle du Royaume-Uni de 377 %, celle de la France de 141 %, celle de l’Allemagne fédérale de 292 % et celle du Japon de 576 %, tandis que nombre de pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine restaient sous un ratio de 50 % (14).

On comprend que le moteur de « la grande accélération » de cette période fut le formidable endettement écologique des pays industriels occidentaux, qui l’emportent sur le système communiste et entrent dans un modèle de développement profondément insoutenable, tandis que leurs émissions massives de polluants et de gaz à effet de serre impliquent une appropriation des fonctionnements écosystémiques réparateurs du reste de la planète. Cette appropriation creuse un écart entre des économies nationales qui génèrent beaucoup de richesses sans soumettre leur territoire à des impacts excessifs et d’autres dont l’économie pèse lourdement sur le territoire.

Aujourd’hui, un échange écologique inégal se poursuit entre ceux — Etats et oligarchie des 5 % les plus riches de la planète — qui entendent asseoir leur puissance économique et leur paix sociale sur des émissions de gaz à effet de serre par personne nettement supérieures à la moyenne mondiale (voir la carte « Pollueurs d’hier et d’aujourd’hui ») et, d’autre part, les régions (insulaires, tropicales et côtières, principalement) et les populations (essentiellement les plus pauvres) qui seront les plus durement touchées par les dérèglements climatiques. Ces régions et populations sont aussi celles dont les écosystèmes — leurs forêts — sont les plus mis à contribution pour atténuer les émissions excessives de déchets des régions et populations riches ; et ce à titre gratuit — une dette écologique incommensurablement plus élevée que les dettes souveraines — ou contre une faible rémunération, via des mécanismes tels que Reducing Emissions from Deforestation and Forest Degradation (REDD) et autres marchés des biens et services environnementaux, qui constituent une nouvelle forme d’échange inégal.

Il incombe à notre génération, et il est de la responsabilité des dirigeants du monde, de rompre avec cette trajectoire destructrice et injuste. Il en va, à long terme, d’un basculement majeur de la géologie planétaire et, à court terme, de la vie et de la sécurité de centaines de millions de femmes et d’hommes, des zones côtières au Sahel, de l’Amazonie au Bangladesh. Que ces violences frappent déjà durement les populations les plus pauvres et les moins responsables des émissions passées est un héritage du capitalocène. Mais le choix d’ajouter ou non à ce bilan des dizaines de millions de déportés climatiques supplémentaires, de nouvelles violences, souffrances et injustices, relève de notre responsabilité.

Toute démarche qui retarderait le gel d’une partie des réserves fossiles et toute émission nous amenant à dépasser le seuil des + 2 °C (voire + 1,5 °C, selon certains climatologues — lire « Deux degrés de plus, deux degrés de trop »), doivent désormais être prises pour ce qu’elles sont : des actes qui attentent à la sûreté de notre planète, lourds de victimes et de souffrances humaines (15). Même si les causalités et les calculs sont complexes, on sait déjà qu’à chaque gigatonne de CO2 émise en sus du « budget + 2 ° » correspondront plusieurs millions de déplacés et de victimes supplémentaires. Comme Condorcet ou l’abbé Raynal surent le faire à propos de l’esclavage, osons donc l’affirmer : ces émissions incontrôlées de gaz à effet de serre méritent la qualification de « crimes ».

Après les crimes esclavagistes, coloniaux et totalitaires, voici donc l’idée de la valeur intangible de la vie humaine à nouveau menacée. Dès lors, comme le note l’archevêque sud-africain Desmond Tutu, autrefois engagé dans la lutte contre l’apartheid, réduire notre empreinte carbone n’est pas une simple nécessité environnementale ; c’est « le plus grand chantier de défense des droits de l’homme de notre époque (16) ». Il est désormais inacceptable que des individus et des entreprises s’enrichissent par des activités climatiquement criminelles. M. Tutu appelle à s’attaquer aux causes et aux fauteurs du réchauffement climatique comme on a combattu l’apartheid : par les armes de la réprobation morale, du boycott, de la désobéissance civile, du désinvestissement économique et de la répression par le droit international.

Mettre hors d’état de nuire les négriers du carbone

A-t-on vaincu l’esclavage, il y a deux siècles, en demandant aux dirigeants des colonies et territoires esclavagistes de proposer eux-mêmes une baisse du nombre d’êtres humains importés ? Aurait-on accordé aux négriers des quotas échangeables d’esclaves ? De même, aujourd’hui, peut-on espérer avancer en comptant sur des engagements purement volontaires d’Etats pris dans une guerre économique effrénée, ou en confiant l’avenir climatique à la main invisible d’un marché du carbone à travers une monétisation et une privatisation de l’atmosphère, des sols et des forêts ?

Ne faut-il pas rechercher plutôt les forces capables d’arrêter le dérèglement climatique dans l’insurrection des victimes du capitalisme fossile (Pacific climate warriors océaniens, militants anti-extractivistes, précaires énergétiques, réfugiés climatiques) et dans le sursaut moral de ceux qui, dans les pays riches, ne veulent plus être complices et le manifestent par diverses actions — solutions pour vivre autrement et mieux avec moins, campagnes pour contraindre les banques à se désinvestir des entreprises climaticides, pressions sur les gouvernements pour qu’ils passent des paroles aux actes en matière de réduction des émissions (17), résistance aux grands projets inutiles, etc. ?

Il faut également espérer un retour du courage politique. Nul doute que si Bartolomé de Las Casas, Condorcet, Jaurès, Gandhi ou Rosa Parks vivaient aujourd’hui, l’abolition des crimes climatiques, la mise hors d’état de nuire des quatre-vingt-dix négriers du carbone et la sortie du capitalocène seraient leur grand combat (18).

Christophe Bonneuil

Historien, coauteur de L’Evénement Anthropocène. La Terre, l’histoire et nous, Seuil, Paris, 2013, et de Crime climatique stop ! L’appel de la société civile, Seuil, 2015.

Source : « Le Monde diplomatique »

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(1) Paul J. Crutzen, « Geology of mankind », Nature, vol. 415, n° 23, Londres, 3 janvier 2002.

(2) Christophe Bonneuil et Jean-Baptiste Fressoz, L’Evénement anthropocène. La Terre, l’histoire et nous, Seuil, Paris, 2013 ; Bruno Latour, Face à Gaïa. Huit conférences sur le nouveau régime climatique, La Découverte, coll. « Les Empêcheurs de penser en rond », Paris, 2015.

(3) Lire Agnès Sinaï, « Aux origines climatiques des conflits », Le Monde diplomatique, août 2015.

(4) David Satterthwaite, « The implications of population growth and urbanization for climate change », Environment & Urbanization, vol. 21, n° 2, Thousand Oaks (Californie), octobre 2009.

(5) Calcul effectué en dollars 1990 constants à partir des données de Thomas Piketty, Le Capital au XXIe siècle, Seuil, 2013.

(6) Jason W. Moore, Capitalism in the Web of Life : Ecology and the Accumulation of Capital, Verso, Londres, 2015 ; Andreas Malm, Fossil Capital. The Rise of Steam Power and the Roots of Global Warming, Verso, janvier 2016.

(7) François Bourguignon et Christian Morrisson, « Inequality among world citizens : 1820-1992 » (PDF), The American Economic Review, Nashville, vol. 92, n° 4, septembre 2002.

(8) Richard Heede, « Tracing anthropogenic carbon dioxide and methane emissions to fossil fuel and cement producers, 1854-2010 » (PDF), Climatic Change, vol. 122, n° 1, Berlin, janvier 2014.

(9) Immanuel Wallerstein, Comprendre le monde. Introduction à l’analyse des systèmes-monde, La Découverte, 2006.

(10) Pour la méthode et les résultats récents, cf. www.footprintnetwork.org

(11) Kenneth Pomeranz, Une grande divergence. La Chine, l’Europe et la construction de l’économie mondiale, Albin Michel, coll. « L’évolution de l’humanité », Paris, 2010.

(12) Alf Hornborg, Global Ecology and Unequal Exchange. Fetishism in a Zero-Sum World, Routledge, Londres, 2011.

(13) Anke Schaffartzik et al., « The global metabolic transition : Regional patterns and trends of global material flows, 1950-2010 », Global Environmental Change, vol. 26, mai 2014.

(14) « National footprint accounts 1961-2010, 2012 edition », Global Footprint Network, 2014.

(15) Laurent Neyret (sous la dir. de), Des écocrimes à l’écocide. Le droit pénal au secours de l’environnement, Bruylant, coll. « Droit(s) et développement durable », Bruxelles, 2015 ; Valérie Cabanes, « Crime climatique et écocide : réformer le droit pénal international », dans Crime climatique stop ! L’appel de la société civile, Seuil, 2015.

(16) Desmond Tutu, « Nous avons combattu l’apartheid. Aujourd’hui, le changement climatique est notre ennemi à tous », dans Crime climatique stop !, op. cit.

24/03/2016

Quand des investisseurs spéculent sur les conflits commerciaux entre multinationales et Etats

 

par Adriana Homolova , Eva Schram , Frank Mulder

On connaissait la spéculation financière sur les denrées alimentaires, les ressources naturelles, l’immobilier, les produits financiers, et même sur les émissions de CO2. Voici venu le temps de la spéculation sur les plaintes que déposent des investisseurs contre des Etats en cas de conflit commercial ou fiscal. C’est le nouveau business que permet la multiplication des procédures intentées par des multinationales, qui se disent lésées, contre des Etats pour leur faire payer de lourdes amendes. Un business qui dispose d’une plaque tournante, les Pays-Bas, et qui pose, encore une fois, la question des conflits d’intérêt.

Épisode 4, suite de notre série sur les procédures d’arbitrages entre investisseurs et États (voir l’épisode précédent).

À mesure que les arbitres étendent leur juridiction et que le nombre de procédures ISDS (Investor-state dispute settlement, « mécanisme de règlement des différents entre Etats et investisseurs ») augmente, de nouveaux acteurs font leur entrée sur le marché : des investisseurs appelés third party funders (« financeurs tiers »). Mick Smith travaillait auparavant dans l’équipe dédiée aux marchés de capitaux de Freshfields, la grande firme anglo-allemande présente dans le monde entier. Puis, identifiant une opportunité commerciale, il décida de créer sa propre firme. Désormais, il apporte de l’argent à des entreprises qui souhaitent poursuivre un État, mais ne peuvent pas payer les frais légaux elles-mêmes. Sa firme Calunius Capital dispose aujourd’hui d’un fonds de 90 millions de livres sterling à cet effet.

Sa méthode est simple, nous explique-t-il après une conférence sur l’arbitrage à Rome. « Nous payons les frais légaux d’une entreprise qui souhaite poursuivre un État. Cela peut être un million de dollars, mais cela peut aussi être plus de dix millions de dollars. En échange, nous recevons une partie de l’amende que cet État est condamné à verser. » Cette part peut s’élever jusqu’à une fourchette allant de 10 et 40 % de l’amende totale. Si l’arbitrage est perdu, Calunius reçoit un montant fixe.

Selon Smith, il s’agit souvent d’histoires de David contre Goliath. « Imaginez une entreprise minière avec seulement un actif, une mine. Et cette mine est confisquée par un État. Les États ont souvent des ressources inépuisables à leur disposition, tandis que l’investisseur se retrouve démuni. » Que peut-il faire ? Calunius apporte son aide afin de permettre à David de lutter à armes égales contre le méchant Goliath. L’un des David que Smith aide actuellement est une entreprise minière canadienne, qui veut obtenir 400 millions de dollars du Venezuela. Les critiques caractérisent les activités de Smith d’une manière un peu différente : selon eux, il ne fait, au fond, que spéculer sur des procédures d’arbitrage contre des États.

Et si l’arbitre lui-même était lié à l’investisseur ?

On ne sait pas combien de procédures sont ainsi financées par des tierces parties. Celles-ci ne se font généralement pas connaître. Mais il est clair que même certains arbitres et avocats s’inquiètent de ce phénomène. Après tout, la justification fondamentale de l’arbitrage s’effondre s’il s’avère que les arbitres sont en conflit d’intérêts. Qu’adviendrait-il si un financeur entretenait des relations amicales avec un cabinet juridique qui fournirait un arbitre pour trancher un cas dans lequel il aurait investi ? Et si l’arbitre lui-même était lié à l’investisseur ? Vannin Capital, une firme britannique enregistrée à Jersey (île Anglo-Normande) et qui finance des procédures ISDS, a annoncé en 2015 s’être assurée les services de Bernard Hanotiau. Un peu comme si un arbitre acceptait de travailler pour un casino. Hanotiau nous a déclaré que la nouvelle avait été rendue publique trop rapidement et qu’il avait finalement refusé la proposition en raison des conflits d’intérêts potentiels.

Pour Eduardo Marcenaro, avocat italien travaillant pour un important consortium de BTP, le problème va cependant bien au-delà des conflits d’intérêts. Il doit gérer quotidiennement des procédures d’arbitrage l’opposant à d’autres firmes. « C’est la réalité : il y a des litiges. Mais à quoi sert l’arbitrage ? Pour nous, c’est une manière de trouver un compromis afin de mettre le différend derrière nous. » Or c’est exactement ce que le financement extérieur des procédures ISDS vient remettre en cause. « Je le vois régulièrement : s’il y a un financeur derrière une procédure, cela entraîne toujours davantage d’agressivité. Il ne s’agit plus de trouver un terrain d’entente, il ne s’agit plus que de gagner, à tout prix, et parfois en poussant à la limite de ce qui peut être considéré comme des moyens légaux. En vérité, c’est dégoûtant, ce à quoi ce type de financement mène en pratique. »

Le « sandwich » hollandais

Si l’on examine la liste des pays d’où ont été lancées le plus grand nombre de procédures depuis 2012, on découvre qu’un petit pays y figure en tête : les Pays-Bas. C’est là qu’ont été initiés le plus d’arbitrages en 2014, davantage même qu’aux États-Unis. Les Pays-Bas constituent un carrefour important dans le monde de l’ISDS.

Cet état de fait est le résultat d’une politique active du gouvernement néerlandais pour promouvoir le pays comme une destination attractive pour les multinationales. L’un des aspects clés de cette politique a été la construction d’un vaste réseau de traités bilatéraux d’investissement. Avec 95 traités bilatéraux d’investissement en vigueur, les Pays-Bas atteignent presque le niveau maximal de couverture possible. En outre, le modèle de traité d’investissement privilégié par les Pays-Bas figure parmi les plus larges possible, du point de vue des investisseurs. Par exemple, il n’y a pas besoin de montrer que vous exercez une quelconque activité économique substantielle dans le pays pour pouvoir prétendre au statut d’investisseur néerlandais.

Selon le gouvernement, qui se base sur les informations d’une enquête des Nations unies, 47% des procédures ISDS lancées aux Pays-Bas sont le fait de filiales de convenance n’existant que comme boîtes aux lettres. Mais une simple requête dans la base de données de la Chambre de commerce des Pays-Bas montre que ce chiffre est d’au moins 68%. Seulement 16% des plaintes sont déposées par une véritable entreprise néerlandaise. C’est ce que l’on appelle le « sandwich hollandais » : il suffit de créer une holding aux Pays-Bas entre vous et votre investissement pour devenir néerlandais.

Cela ne signifie évidemment pas que les Pays-Bas forcent les autres pays à signer des traités d’investissement. C’est un choix que ces pays font délibérément, car ils espèrent attirer ainsi les investisseurs. En ce moment même, l’Irak et l’Azerbaïdjan ont tous les deux demandé à signer un traité bilatéral d’investissement avec les Pays-Bas, où nombre de compagnies pétrolières sont présentes.

« Si tout était vraiment si injuste, les pays n’auraient jamais signé »

Dans nos discussions avec des hauts fonctionnaires néerlandais, lesquels souhaitent rester anonymes, c’est la même vision apolitique et quasi technique déjà rencontrée parmi les arbitres qui prévaut : « Nous faisons simplement notre travail. Il faut protéger les investisseurs, non ? Parfois il y a des conséquences indésirables, mais si tout était vraiment si injuste, les pays n’auraient jamais signé, n’est-ce pas ? »

Les Pays-Bas ont-ils délibérément cherché à atteindre la position qu’ils occupent dans le monde de l’ISDS ? Impossible de le prouver. Mais il est frappant de constater à quel point le gouvernement néerlandais a toujours activement défendu ses traités bilatéraux d’investissement, y compris ceux négociés avec d’autres pays de l’Union, et qui vont à l’encontre du droit européen. Détail révélateur : le haut fonctionnaire chargé de négocier les traités bilatéraux d’investissement pour le compte des Pays-Bas ces dernières années, Nikos Lavranos, a quitté ses fonctions en 2014 pour prendre la tête de l’EFILA, le lobby européen des avocats spécialisés en droit de l’investissement. Gerard Meijer est enregistré comme lobbyiste auprès des institutions européennes à Bruxelles pour cette même organisation. Jusqu’en 2014, Lavranos s’est posé en défenseur acharné du système des traités néerlandais ; désormais, sa nouvelle mission implique de rédiger des tribunes pour exiger des droits très étendus pour les investisseurs et un cadre robuste de protection des investissements dans le nouveau traité de libre-échange négocié entre l’Europe et les États-Unis (le TAFTA, aussi appelé TTIP). Il a refusé de nous parler.

À travers sa propre firme de consulting, Global Investment Protections, il aide des entreprises à s’enregistrer comme néerlandaises. Ce qu’il désigne comme une « restructuration de la propriété pour bénéficier du cadre le plus solide disponible de protection par des traités d’investissement bilatéraux ». Mais, bon, c’est un argument publicitaire mis en avant par tous les cabinets d’avocats.

Frank Mulder, Eva Schram and Adriana Homolova
Traduction de l’anglais : Olivier Petitjean

Photo : CC Rafael Matsunaga

- Voir l’épisode 1 : Plongez dans la guerre invisible que les multinationales livrent aux États
- Voir l’épisode 2 : Quand les Etats, même démocratiques, doivent payer de gigantesques amendes aux actionnaires des multinationales
- Voir l’épisode 3 : Ce petit milieu d’avocats d’affaires qui gagne des millions grâce aux traités de libre-échange

À propos de cet article

Cette enquête a été publiée initialement en néerlandais par les magazines De Groene Amsterdammer et Oneworld. Elle est publiée en exclusivité en français par Basta ! et, le même jour, en allemand par le Spiegel online. [L’article original a été légèrement modifié et abrégé pour la présente publication. Une traduction intégrale est disponible sur le site de l’Observatoire des multinationales.

Voir aussi, des mêmes auteurs, cet autre article traduit par l’Observatoire des multinationales : « Pétrole ougandais : Total cherche à échapper à l’impôt grâce à un traité de libre-échange ».

Le texte ci-dessous présente la recherche qui sous-tend l’enquête :

Les critiques du TAFTA, le traité de commerce en discussion entre l’Union européenne et les États-Unis, ont pour cible prioritaire les mécanismes de résolution des litiges État-investisseurs, ou ISDS (pour Investor-State Dispute Settlement, en anglais). Il s’agit d’un mécanisme grâce auquel les investisseurs peuvent poursuivre un État s’ils estiment avoir été traités de manière inéquitable. Selon ces critiques, les multinationales se voient ainsi donner le pouvoir sans précédent d’échapper aux lois, à travers une sorte de système de justice privatisée contre lequel aucun appel n’est possible.

En réalité, l’ISDS n’est pas un phénomène si nouveau. Les plaintes ne sont pas simplement déposées contre nous, pays européens ; au contraire, c’est plus souvent de nous qu’elles proviennent. En 2014, pas mois de 52 % de toutes les plaintes connues avaient pour origine l’Europe occidentale.

Le nombre total de cas est impossible à connaître. Les données sont difficiles à obtenir. C’est pourquoi des journalistes de De Groene Amsterdammer et Oneworld ont entrepris quatre mois de recherches, avec le soutien d’EU Journalism Grants.

Ce travail a notamment débouché sur une cartographie interactive unique en son genre de tous les cas d’ISDS, dont beaucoup n’ont jamais été cités dans la presse. Cartographie qui inclut, autant que possible, le nom des arbitres, les plaintes, les suites et, dans de nombreux cas, le résumé des différends. Pour la présente enquête, nous avons interrogé de nombreux arbitres, des avocats, des investisseurs, des chercheurs et des fonctionnaires, y compris des représentants de pays qui se sentent dupés par l’ISDS, comme le Venezuela, l’Afrique du Sud ou l’Indonésie.

La cartographie et les articles qui l’accompagnent sont disponibles sur le site www.aboutisds.org. Ils ont été publiés initialement en néerlandais à l’adresse www.oneworld.nl/isds.

 

 

 

23/03/2016

Noël Godin surnommé Georges Le Gloupier, l’entarteur

Petite citation qui accompagne depuis des années le bulletin de complicité de la revue Nouveaux Délits et un clin d'oeil appuyé.....

 

La force surprenante qui m’anime, c’est tout bêtement la volonté irréductible de refuser d’être complice du nouvel ordre autoritaire-marchand en cherchant à lui nuire joliment.

 

l'avantage de l'attentat pâtissier c'est que outre le fait qu'on est aussi bien vivant avant qu'après, s'il reste des munitions, on peut les manger...

 

 

7375_n.jpg

(Brigade activiste des clowns, République, Paris, 29/11/15)

 

 

19/03/2016

Noirs dans les camps nazis

Serge Bilé, journaliste a aussi publié un livre sur le même sujet, sous le même titre, au Serpent à Plumes en 2005, et qui parait le 24 mars, aux Ed. du Rocher dans la collection Poche :

Couv-Noirs.jpgAfricains, Antillais, Américains ont eux aussi été pris dans la tourmente, arrêtés et envoyés dans ces camps où ils étaient sujets à toutes les humiliations...

Outre les témoignages hallucinants collectés auprès des survivants ou de leurs compagnons d'infortune, ce livre révèle des faits méconnus : savait-on que les fameuses lois de Nuremberg concernaient également les Noirs installés à l'époque dans le pays ? Ces Afro-Allemands, stérilisés de force, formèrent d'ailleurs les premiers contingents de déportés expédiés par Hitler dans les camps, bien avant la guerre. Savait-on que ces camps de concentration n'étaient pas l'oeuvre des nazis, mais que les premiers avaient été construits dès 1904, en Namibie, pour éliminer le peuple herero opposé à la colonisation allemande et aux armées du chancelier Bismarck ? Autant de pages d'histoire inédites où l'on apprend aussi, au fil des chapitres, les faits d'armes de ceux qui deviendront par la suite les grands leaders de la cause noire : Nelson Mandela, Martin Luther King, Léopold Sédar Senghor ou encore Aimé Césaire.

 

Journaliste à Martinique 1ère, Serge Bilé est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages, parmi lesquels des essais à succès tels La légende du sexe surdimensionné des Noirs, Et si Dieu n'aimait pas les Noirs : enquête sur le racisme au Vatican, Quand les Noirs avaient des esclaves blancs, et dernièrement Poilus nègres. Soldats créoles et africains en 14-18.

 

voir :  http://www.sergebile.com

 

 

Voir aussi : Namibie, le génocide du IIe Reich d'Anne Poiret
 la répétition générale a eu lieu en Namibie au début du XXe siècle.

http://www.africavivre.com/namibie/a-voir/documentaires/n...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

14/03/2016

Edouard Cottin-Euziol : « Néolibéralisme versus État-providence »

 

COUV-NEOliberalismeOK-558x1024.jpgLe débat économique entre classiques et keynésiens

Comment tendre vers un système économique plus prospère, juste et durable ?

Comment se déterminent les salaires sur le marché du travail ? Quelles sont les principales causes du chômage ? L’offre crée-t-elle sa propre demande ? L’épargne peut-elle être trop abondante ? Quel est l’impact des politiques de relance budgétaires et du commerce international sur la croissance des économies ? Quelle est l’origine de l’inflation et comment la combattre ? Quelles politiques économiques conduire pour sortir les économies de la crise et bâtir un monde meilleur ?

Pour répondre à ces questions, Edouard Cottin-Euziol imagine un débat entre deux professeurs émérites, acquis à deux théories économiques opposées – les écoles (néo)classique et (post)keynésienne.

Leurs discussions offriront au public les éléments nécessaires pour mieux comprendre le fonctionnement de nos économies ainsi que les grands débats qui secouent actuellement la communauté des économistes et dont l’issue contribuera à façonner le monde de demain.

Une approche vivante et accessible des différences entre les théories (néo)classique et keynésienne.

L'auteur : Édouard Cottin-Euziol est titulaire d’un doctorat en économie portant sur les théories monétaires et la pensée keynésienne. En parallèle de sa thèse, il a enseigné l’économie pendant six ans à l’Université de Limoges. Il effectue actuellement un post-doctorat dans un institut de recherche en Allemagne, au sein d’une équipe qui réfléchit à l’avenir du système monétaire international.

>> Le blog de l'auteur

 

Sommaire :
Préface de Louis-Philippe Rochon
La controverse de Limages
L’organisation de la conférence
Lundi après-midi : Discours inauguraux
Deux siècles de progrès prodigieux
L’écart entre nos maux et nos savoirs
Mardi matin : La détermination des salaires
La productivité des travailleurs
Le pouvoir de négociation des entreprises
Mardi après-midi : L’origine du chômage
L’équilibre du marché du travail
La surproduction et le chômage involontaire
Mercredi matin : Les crises de surproduction
L’offre crée sa propre demande
La faiblesse chronique de la demande
Néolibéralisme versus État-providence
Mercredi après-midi : Les politiques budgétaires et fiscales
L’effet d’éviction
La relance de l’activité
par la dépense publique
Jeudi matin : L’inflation
Une émission excessive de monnaie
L’empreinte sociétale
Jeudi après-midi : Le commerce international
Les avantages absolus et comparatifs
La course au moins-disant social et fiscal
Vendredi matin : Quelles politiques économiques pour sortir
de la crise ?
Libérer les énergies
Relever le défi de l’abondance
Épilogue
Bibliographie

 

 

12 x 22 cm - Collection Économie - 200 pages

 Price: 12.00 €

http://www.yvesmichel.org/product-page/economie/neolibera...

 

 

 

 

 

 

12/03/2016

Angela Loij entre deux amies lors de la cérémonie du Hain de 1923 - Selk´nam - Tierra del Fuego, Chili

 

Selk´nam women, Tierra del Fuego, Chili le dernier est mort en 1974.jpg

Les Selk'nam, également nommés Ona étaient l'une des principales ethnies, chasseurs-cueilleurs nomades ils se déplaçaient sur leur territoire au grès des saisons et furent, comme la plupart des peuplades amérindiennes, victimes de massacres et d'un génocide culturel organisés par les colons européens venus s'approprier leurs terres entre la fin du dix-neuvième siècle et les années cinquante. L'ethnologue et anthropologue franco-américaine Anne Chapman (1922-2010) leur a consacré, à partir de 1964 de longues années de recherche afin de recueillir et mettre en forme leur patrimoine culturel avant que celui-ci ne s'efface complètement. Quand le Soleil voulait tuer la Lune paru en 1982, résume la somme du travail d'investigation qu'elle a mené auprès des derniers Selk'nam ayant mené une existence traditionnelle. Deux femmes en particulier, Lola Kiepja et Angela Loij, nées vers 1880 et 1900, décédées en 1966 et 1974, lui ont été d'une aide précieuse par les témoignages de ce qu'était la vie de leurs ancêtres et de ce que fut leurs existences lors des temps incertains de la colonisation.

Lola Kiepja était la dernière des Selk’nams.

Le titre du livre "Quand le Soleil voulait tuer la Lune', vient de l'un des récits fondateurs de la mythologie Selk'nam : en des temps fort lointains, la terre était peuplée d'esprits, le soleil et la lune vivaient encore parmi les humains mais diverses luttes de pouvoir s'engagèrent qui conduisirent le soleil a frapper la lune au visage pour la tuer ne réussissant cependant qu'à lui creuser de larges cratères sur sa face. Depuis cette époque mythique, les deux astres se poursuivent inlassablement dans le ciel. Les Selk'nam mettaient en scène ce récit et bien d'autres lors d'une cérémonie rituelle annuelle de plusieurs jours, le Hain, durant laquelle hommes et femmes prenaient l'apparence d'esprits en peignant leurs peaux, maquillant leurs visages, portant parures, décorations et masques de bois.

 

Un site à visiter : http://selknamstudy.blogspot.fr/

 

 

11/03/2016

Soutenez Onanyati, un documentaire de Vincent Gallet (2016)

 

 

Un documentaire sur l'association franco-péruvienne Onanyati. Ce film nous entraine sur la piste d'une aventure artistique et humaine au cœur de la forêt primaire: ses mythes, ses dieux et déesses, la nécessaire préservation de cette forêt et de ses cultures ancestrales.


On peut aider ce projet en réservant son CD à l'adresse de l'association: ONANYATI / LUZINART, ancienne usine du chemin de vaux, 91580 Etrechy avec un chèque de 20 Euros à l'ordre de Luzinart, merci). L'édition sera disponible dans 6 mois (en mai 2016) et les bénéfices versés au profit de notre projet de protection de la réserve nationale de CERRO DIVISORIA au Pérou.

 

 

 

 

10/03/2016

La comédienne et humouriste Audrey Vernon présente sa satire "Comment épouser un milliardaire".

 

 

 

 

 

08/03/2016

Appel : soutenez Kumancaya, le village qui vole

 

Mon ami Pierre Urban a réalisé ‘’Kumancaya, le village qui vole”, un documentaire tourné en Amazonie péruvienne dans la région qu’occupe le peuple Shipibo-Conibo. Vous pourrez découvrir ce film de 52’ ci-dessous et donner une appréciation de 1 à 5  avant le 11 Mars. Ceci permettra éventuellement à ce film d’être sélectionné pour son passage au festival:

http://www.webprogram-festival.tv/les-programmes/les-prog...

 

MERCI !!! Faites tourner.

 

Ce film ainsi que les précédents fait partie des objectifs de son association http://shanefrance.org : sauvegarder et valoriser le patrimoine immatériel de ce peuple de la forêt. Ce film a déjà été projeté en 2015 aux : Festival du Film Chamanique, Festival de la Paix et La Maison d’Amérique Latine à Paris.


James Arévalo, peintre shipibo et chaman est l’un un des principaux acteurs du film.

 

 

 

 

Changement de propriétaie d'Aurélien Lévêque et Luba Vink (2016)

 

Changement de propriétaire suit de l’intérieur une aventure citoyenne défendant une idée aussi fiable qu’utopique : celle de la terre comme bien commun. Rassemblés par l’action concrète, les membres du mouvement Terre de Liens mettent en œuvre les moyens nécessaires à la mutation de notre rapport à la terre. Le film montre qu’à travers cet engagement, c’est l’organisation même de notre société qui est remise en question. Et si avec le capitalisme on arrivait à collectiviser les terres ?

http://changementdeproprietaire.com/Le-film

 

 

 

Femmes sous influences

08 mars 2016

Les femmes migrantes sont de plus en plus nombreuses à quitter leur terre, par volonté d’émancipation, par souhait de ne plus soustraire aux contraintes familiales, pour fuir des rites dégradants, par désir, envie de pouvoir faire des études et imaginer une autre vie.

On les dit dominées, soumises à des traditions d’un autre temps et sans diplôme, on les dit « femme de » ou « épouse de » pour les réduire à un statut le plus souvent erroné.

Dans les faits beaucoup viennent seules. Elles accomplissent un parcours dangereux, se retrouvent le plus souvent sur notre sol sans titre de séjour. Les plus diplômées et les demandeuses d’asile peuvent aspirer à un statut légal. Mais la survie est éprouvante en attendant une régularisation par le travail sans pouvoir choisir ni métiers, ni horaires. Elles sont nombreuses à choisir la voie du travail clandestin au risque de ne pas être payées, d’être malmenées, maltraitées.

Parce qu’elles sont femmes, lorsqu’elles peuvent se mettre en démarche de recherche d’emploi, elles se heurtent à des discriminations liées au genre. Elles occupent souvent des emplois à temps partiels et en horaires décalés où les contacts humains sont rares.

Isolées, elles sont peu informées de leurs droits et ont donc des difficultés à les faire valoir.

La Cimade accompagne ces femmes dans leurs démarches juridiques, administratives et dans le cadre de procédures liées au divorce. Elle les oriente vers un suivi médical et social.

La Cimade a été longuement auditionnée dans le cadre des débats qui ont animé la proposition de loi contre le système prostitutionnel, la réforme du droit d’asile, et la nouvelle loi relative au droit au séjour des étrangers en France. Grâce à ce travail, les persécutions liées au genre devraient être prises en considération dans les demandes de protection.

Parallèlement La Cimade participe à des collectifs comme Actions et droits des femmes migrantes et exilées (ADFEM) pour échanger sur l’actualité juridique ou encore le collectif Ensemble contre la traite des êtres humains. Elle développe des partenariats avec des associations espagnoles et italiennes pour accompagner les victimes de violences au sein du couple. La Cimade a créé des espaces et des lieux d’échanges où les femmes, ensemble, mettent en place des activités communes.

 

 Photographies : ©  Vali Faucheux, permanence de La Cimade à Nevers, juillet 2015.

 


 

 

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07/03/2016

Où il est question - entre autre - de Trans(e)fusées (paru chez Gros Textes en 2015)

LE SCALP EN FEU - IX

 

 

Décembre 2015 / Février 2016

 

« Poésie Ô lapsus » Robert Desnos

 

Le Scalp en feu est une chronique irrégulière et intermittente dont le seul sujet, en raison du manque et de l’urgence, est la poésie. Elle ouvre un nombre indéterminé de fenêtres de tir sur le poète et son poème. Selon le temps, l’humeur, les nécessités de l’instant ou du jour, ces fenêtres changeront de forme et de format, mais leur auteur, un cynique sans scrupules, s’engage à ne pas dépasser les dix à douze pages pour l’ensemble de l’édifice.

 

Lecteur, ne sois sûr de rien, sinon de ce que le petit bonhomme, là-haut, ne lèvera jamais son chapeau à ton passage car, fraîchement scalpé, il craint les courants d’air.

Octobre 2015 à Mars 2016 – Michel Host

 

 

RECUEILS

 

SOMMAIRE

 

  • I – LA POÉSIE ou « On ne m’y reprendra plus » ………………… p.2
  • II – RECUEILS       Cathy GARCIA - Trans(e)fusées ………………………………. p.4       Margo OHAYON - Poussières …………………………………… p.6       Basile ROUCHIN - Détail d’intérieur …………………………. p.7       LE GOLVAN Nicolas - Psaume des Psaumes ………………. p.9          

 

  •       
  •       
  •        Anne JULLIEN - Terminus 2007, énigmes ………………….. p.8
  •        Élie-Charles FLAMAND - Percer l’écorce du jour ………….. p.7
  •        Gilles PLAZY - Ciel renversé   …………………………………… p.5
  •        Annie DANA - Pépins de Cupidon ……………………………… p.4

_________________________________________________________.

 

I - LA POÉSIE

On ne m’y reprendra plus. Et finissons-en. Si j’avais mieux cherché, j’aurais trouvé Aragon. Si j’avais plus de mémoire, je m’en serais souvenu. Ses « jeunes gens », une fois pour toutes, ont cerné les difficultés. Ils sont trois, le « premier » dit le poète, le « second » le poème, le « troisième » la poésie.

« Un poète c’est un poète à quoi voyez-vous que c’est un poète / En quoi vraiment est-ce un poète / À partir d’où peut-on se dire poète / À partir de quand / À quoi reconnaît-on qu’un garçon comme un autre un beau jour / Est un poète / La veille il ne l’était pas encore et voilà Poète / Étrange appellation non contrôlée il n’y a pas / De procès à qui sans droit en abuse   […]   Pourquoi diable a-t-il voulu ce garçon plutôt qu’ / Employé des contributions indirectes / Être poète il n’en sait rien   […]   Être ou paraître // Voulait-il donc plaire à je ne sais quelle pâle cousine / Plaire ou déplaire on plaît beaucoup en déplaisant… »

« Tu sais par cœur des mots patiemment que tu as mis / L’un près de l’autre où l’autre près de l’un paraît baroque / Jamais personne ainsi n’a fait se rencontrer les mots ensemble / Il y aura des gens qui te reconnaîtront à ces accouplements sonores » 

 

« Un poème dit le second c’est un charnier […]   Un poème dit le second c’est une place de province / Où des voitures de gitans sous les arbres sont arrêtées… […] Un poème dit le second c’est la neige des peupliers   […]   Et son silence est une menthe odorante quand on la fauche »

 

« CE QUE DIT LE TROISIÈME /// Un poète est celui qui fait des poèmes / Un poème est la forme que prend la poésie / Mais qu’est-ce que c’est qu’est-ce que c’est la poésie

Cette chose en moi cette chose en moi cette chose en dehors de moi

Et d’abord comme si c’était appeler les choses / Par un nom qui leur ressemble et qui n’est pas le leur / Et soudain comme si c’était appeler les choses / Justement de ce bizarre nom qui est le leur

[…]

J’ai souvent essayé de m’imaginer la poésie / Comme le poing fermé qu’on glisse dans une chaussette / Histoire de voir s’il faut la repriser / Ou la grimace d’un enfant à soi-même dans la glace / J’ai souvent essayé de m’imaginer la poésie / Comme la pêche à l’écrevisse / Un chiffon rouge entre les pierres du ruisseau / Ou l’étincellement nocturne d’un passage clouté / Dans une ville déserte / Ou le geste subit vers le ciel d’une charrette à bras / J’ai vainement essayé de m’imaginer la poésie »

Louis Aragon

Les Poètes, « La Nuit des jeunes gens », in

Œuvres Poétiques Complètes, vol. II, La Pléiade

 

Voilà. Tout est dit. Ou presque, mais encore, avec Cathy Garcia :

« La sensation d’être toujours en retard, ou trop en avance, allez savoir, mais en décalage permanent ça oui. C’est peut-être ça « être poète », mais à vrai dire « être » suffirait, car les étiquettes collent mal ou collent trop, et elles ne servent à vrai dire qu’à rassurer le contenu du bocal qui nous sert d’identité. »

Revue Nouveaux Délits, n°52, avril-mai-juin 2015

 

Et avec moi, qui ne prétendais pas au dernier mot, mais tentais d’allier un ridicule prurit professoral au romantisme des cuisines et des jardins :

« Je me demande ce qu'est la poésie. Comme une femme le matin dans la cuisine entend chanter un oiseau et s'interroge. La poésie, plus que toute autre forme écrite, pour moi se définit par l'usage que d'elle-même elle exige. Il est des poésies qui, sous les miroitements du verbe, ne sont qu'heureuses redditions du poète à soi-même. Il en est d'autres où, à parler de soi, il nous suggère les combats sauvages qu'un homme digne de ce nom doit livrer : Baudelaire, Rimbaud, Char - même s'il m'agace -, et Cioran, oui, poète, auront été de rudes guerriers. Et Mallarmé, qui affronta les vertiges. Et quelques autres encore qui savent dire bonheur, rire, amitié, nostalgie. Je pense à Desnos, à Supervielle… La poésie porte aux armes, à la beauté vivante. »

Carnets d’un Fou, le 6 juillet 1999

 

ARAGON, ENCORE…

« J’appelle poésie un conflit de la bouche et du vent la confusion du dire et du taire une consternation du temps la déroute absolue »

Grenade, Le Fou d’Elsa, Œuvres poétiques complètes, Pléiade, vol.II

Comme on voit, la Poésie est une bien vieille chose, elle est du temps où l’on reprisait les chaussettes, et probablement de bien avant. Elle est dans le décalage, et sans doute encore un peu dans le chant de l’oiseau. Elle est apanage du Temps de l’Après comme elle fut Avant. Nous n’en parlerons plus, ou seulement dans un bond entre deux pages. M.H.

 

 

II - RECUEILS

Ils s’accumulent, pluie d’étoiles filantes, dans ma prosaïque boîte aux lettres. On n’est pas tenu de lire des poèmes nuit et jour, jour et nuit. D’en écrire, moins encore. Je fonde cependant de grands espoirs sur les espoirs et les forces de mes amis poètes du jour d’aujourd’hui, ma confiance en leur confiance, car chacun, chacune écrit à sa plus grande hauteur, dans sa vision, son âme, son cœur. Il faut à l’humain de l’âme et du cœur. Ils peuvent éprouver des chagrins, de vraies tristesses, de ces craintes de l’après, mais tous ̶ ou presque ̶ croient en la vie. Les mots sont les premiers pas vers la preuve humaine. ̶ M.H.

 

Annie DANA. PÉPINS DE CUPIDON. Rougier V. éd. revue ficelle (Gravures - Fraîches ! Élégantes ! Belles !, de Thérèse Boucraut) – 31 pp.- 9 €. - Novembre 2015. - Atelier Rougier V. – Les Forettes – F.61380 – Soligny la Trappe.

Simple comme une après-midi d’été : « Que me veux-tu / Toi l’insolent / Que je ne veuille aussi / Moi qui ne connais que l’écorce / Et non le noyau / Cupidon riait / Il pelait le fruit du pommier / Recrachait les pépins sur ma poitrine… »

Complexe comme la complexité : « Un ciel furtif sur tes silence / me console de n’être rien / qu’humer / d’univers clos / réalité tacite / nos jouirs doubles sans mémoire… »

Désirante comme la folie de désirer : « Tu es loin / et tantôt je t’invente / dans le paysage d’une étreinte / acharnée / où contre moi désirante / ton plaisir lutte / tantôt je te devine / pareil aux marées d’Avril / refluant… »

Affrontée aux mystères agaçants des contraires et des inévitables : « nous nous relèverons / un jour / parmi les arbres / un goût d’humus / entre les dents / ainsi que / le veulent nos baisers. »

 

Cathy GARCIA. TRANS(e)FUSÉES. Gros Textes éd., (Dé/collages de C. Garcia, Furieux ! Mortels ! Mystérieux !) – 40 pp. – 9 € - 2015 - éd. Gros textes & Association Rions de Soleil, Cave de Fontfourane - 05380 – Châteauroux-les-Alpes – http://grostextes.over-blog.com/

Rêveuse, blagueuse, baladeuse : « Avant de m’endormir, octroyez-moi mon baiser de cristal, que je puisse aller saluer les pachydermes aux défenses d’émeraudes. […] C’est en toute quiétude que je ne fais nulle rature à ce texte savant. / J’étais déjà têtue dans l’utérus, malle à la dextre, à espérer n’importe quel joueur de yo-yo ou de balafon qui m’emporterait au Zaïre ou au plafond.

Son naturel découvert, extension de la nature : « Je caresse mon chat, sa nuit de fourrure étoilée, à l’écoute des grenouilles invisibles, muscles tendus sous le caoutchouc vert, qui crient l’amour et le plaisir brut. Les feuilles grasses et brillantes de ces plantes vénusiennes chuchotent sous ma fenêtre. Tout est bien.

Affrontée aux mystères insondés de la vie incompréhensible par définition : « Attendez qu’on soit mort / Écoutez un peu / Nous n’avons pas dit notre dernier mot / Nous n’avons pas tiré notre chapeau / La vie c’est plus que ça / Beaucoup, beaucoup plus que ça / Ça commence bien avant / Et ça ne finit jamais […] Le verbe est une spirale / L’ADN est une spirale / Ce qu’on avale nous avale / Tout ça me paraît normal… »

Dans un délire précieux tel un « inexcusable delirium » : « Cristal où êtes-vous mon amour ? / Améthyste nue correcte exhibée / C’est mon verre tige de l’amour / Rubis sexuel luit la nuit / Sous son chapeau de chagrin / Et les siamois sont d’été / Sous les nuits balisées de boues de lin / Crapule ovaire mité et chien perméable / Marin d’eau rousse, capsule le cul / Je suis tombée ! »

Fureur (ou autre chose ?) vers le « réel, intranquille : « Un cœur / Qui soudain a des crocs / s’auto-dévore / Vendanges lycanthropes / À la vulve du monde / Ça m’aide la nuit / À raccommoder mes étoiles / À faire jonction / Émeute solaire // Au cadran j’ai rongé les angles / Les ai polis de ma langue / Pour en faire le cercle / Aléatoire / Non parfait / Le cercle rugueux / Du réel »

 

Gilles PLAZY. Ciel renversé. Ed. La Sirène étoilée. 45 pp. – 2015 / La Sirène étoilée / 13 Hent Ar Stankennig / 29910 – TREGUNC / et lasirene.etoilee@ orange.fr / lasirene.etoilee.monsite-orange.fr

Inquiet ? Inquiétant ? En plongée profonde : « Noir amer pour une vie apocryphe dans l’étroit du ciel l’œil-silence éteint les abois // nos morts sous l’herbe témoignent d’un rien frémissant quand nous lissons les heures à l’approche du flou jusqu’à ouvrir l’instant saisir l’espace […] (Pierre haute)

Ariane es-tu encore ma sœur ? Ariane, Ariane… es-tu celle que nous rencontrions autrefois, "d’un amour blessée" ?  : « corps dansant sur le cristal déni de l’originel déclin le poing lance des appels aux portes closes une larme se pose sur la main tendue ô jachères incomprises à l’épiphanie d’un cerisier ! // l’œil métaphysique est sans complaisance /// […] Ariane étrangère Ariane subversive complice de l’eau et du souffle Ariane enfant lumineuse innocente dans le jeu vertigineux du monde Ariane lance les dé Ariane danse ailée sur le fil de l’horizon dans le chant des météores ! » (Ariane danse ailée)

Ombres tutélaires et souffrantes, « la main d’un dieu… », et celle de l’ange ! :

« L’ŒIL QUI A VU CELA SANS NOM – Tombeau de Paul Celan / la solitude la solitude est sans chemin oiseau oiseau qui meurt d’une pierre jetée le sang d’Abel n’a pas fini de couler la mort est sans promesse patience au bord de l’abîme et deuil bardé de désir silence par-dessus les murs et Job qui danse dans la tombe l’oiseau mort parle encore l’oiseau mort irradie /// […] enfant de quel abandon tiens-tu la corde ? brûlure dans la mémoire cendres dans le sang en attente d’une floraison de lys ah que la main d’un dieu dans les dangers prenne la tienne !... »

« DERRIÈRE L’ÉTOILE – Tombeau de Nelly Sachs /  […] ni la folie ni la mort n’obscurcissent le ciel en lequel brille la nostalgie et dans ta chevelure une fleur du Sinaï don d’Abraham pour celle qui se tient dans la nuit silencieuse du pays à jamais natal […] quel dieu tient la blessure ouverte ? […] dans la pierre l’enfant n’a plus peur cendres dans la plaine les chiens se taisent l’ange a élu l’enfant dans les braises l’ange a le visage de la source l’enfant boit ses larmes l’enfant est une âme solitaire le silence lui parle d’Ezéchiel l’enfant ne craint pas la mort dans la main de l’ange. »

 

Margo OHAYON - Poussières – (Numéro errant) - Éd. Le Nœud des Miroirs – 2009 - 30 pp. – (Le Nœud Des Miroirs – Caminel – 46 300 – Fajoles / redaction@noeuddesmiroirs.net / barthelemyvernet@wanadoo.fr / http://noeuddesmiroirs.net/

 

Rien qu’arithmétique ? Géométrie ? « L’hirondelle fend l’air en deux. / La verticale s’étend aussi loin que l’horizontale. /  Dans le sillon du rationnel le cœur traverse en diagonale. »

Rien que rhétorique ? « La forme est le bord du fond. / Le verbe s’exerce au génie des formes. »

Rien que de la physique ? « Le vide donne la lumière. / La lumière a un droit inconditionnel de passage. / Le vide manque d’amour. /   Un rai de poussière matérialise le passage du temps. / Il neige : l’origine redescend. »

De la sociologie ? De l’anthropologie ? « Le jour de sa naissance, heureux d’avoir quitté la nuit, son bébé blanc crie contre sa peau noire. »

Gnomiques :

Épreuves du vide et autres. « On avance au bord du vide sinon on stagne. / Par le vide vient le souffle et par le souffle le mouvement. / Face au vide l’ennfant pousse un cri au dehors. / Vivre pour soi non contre soi. / Trop penser la destruction la suscite. / Chacun construit son sommet. / Le cœur unit le corps à l’esprit. / Qui connaît l’amour rencontre la contradiction. / Tirer l’union du désaccord. / Pour surpasser sa pensée rien ne vaut celle d’autrui. / L’être visite un lieu. / La passion est un soleil qui se lève et se couche en même temps, on ne peut la comprendre. / L »économie nous colonise / La pauvreté finit par devenir un luxe. / L’être recule devant l’esprit. / La vie regarde vers la joie comme une église vers le levant. / Si elle était moins destructrice la bêtise ferait moins peur… / Parvenir au vrai qui n’existe pas. »

De l’art et du savoir. « Par l’écrit le feu resté dans la parole des morts ressort par la bouche des vivants. / Si l’écriture n’appartenait pas au mystère l’homme l’aurait détruite/ Écrire ressemble à mourir un peu. / Le poète est l’oculus de sa nuit. / Devenir un escroc par conviction. / De certains regards on ne peut s’échapper. / Une fois la vase retombée, du fond remonte le silence. »

De l’extraordinaire quotidien. « Au ciel les martinets croisent le fer. /  Trop de neige invite au sang. / Solitude, contrepoids de la neige. / Chacun a sa part du gâteau de la parole. / Tel un oiseau vient la parole. / Vieillard entre momie et sculpture. /   L’eau du linoléum réfléchit les murs d’une tour qu’un prisonnier du songe érige. / Le téléphone sonne : "C’est Michel". Elle répond : "Oui" sans reconnaître la voix. L’inconnu prévient : "La petite est sortie". / Le principe de l’eau rompt la glace. / Rouge à lèvres sur la cigarette, un rire renaît de ses cendres. »

 

Élie-Charles FLAMAND - Percer l’écorce du jour - Éd. Les Amis de la Lucarne Ovale, 2014 – Recueil dédié à Gwen garnier-Duguy. Illustrations diverses : Colonie de salpes (animaux marins) ; Le pavillon où méditer (peinture chinoises, XIXe siècle ; Gravure extraite de l’Anatomia Auri, de Johann Daniel Mylius (1628) ; Le regard de la pierre (Barytine et marcassite, Pologne) - 50 pp. – 15 €.

Qui est-il ? La question n’a pas lieu d’être, on le verra dans la brève notice biographico-littéraire qui figure ci-dessous.

-Qu’écrit-il ? - Dans ce recueil ? - Oui, dans ce recueil…

Ceci - « Sous la gifle d’un vent sévère / Coup octroyé par l’Être durant sa floraison / La façade de l’instant vient de tomber en poussière » - Dehors, dedans ? Octroi des révélations successives ?

Ceci - « Maintenant / oui maintenant j’aimerai plus que tout / Lapidifier l’esprit / Pour entendre le chant sublime de la pierre » - Calcification et chant de la matière, ou celui des anciennes cathédrales debout ?

Ceci - « Les couleurs si spontanément malaxées / Enchevêtrent leurs harmonies / Puis intensifient sans cesse ces connivences / Tandis que la trompette laque la note / Monte vivre et volatilise / Même les très secrètes nostalgies // Dessous le rythme par sa rigueur agile / Enfin réussit presque à déifier le corps » - Délicate excitation musicale, quintessence du « son », les jeunes gens aujourd’hui aiment « le son » ! « Connivences » instantanées… relations neuves de ‘Être au sentiment, dans… par la musique. (Le poème « Saint Louis blues » est dédié à Oliver Jackson P.M.)

Ceci - « La statique solennité de la blancheur / Falaise / Opposée à la langueur de la plage qui va s’élargissant / Cette estrade qui plonge dans l’amertume scellée de la mer / Écume / Au voisinage de nos gestes si frêles / Alors que pointes et tranchants des becs et des ailes / En rythme vont au vent de l’éphémère » - L’âme des paysages, des monuments de nature qui joint toute âme…

Et ceci - « La coulée du mystère / Plonge jusque dans l’eau patiente des souvenirs // Aussitôt le parc de l’acquis se clôt » - À l’abstrait se joint le concret, c’est la marque du deviner, de l’intuitif, de l’autre sapience… et il n’arrête pas, le Poète-aurige de faire tourner son char sur la piste de ce monde.

 

 

Basile ROUCHIN - Détail d’Intérieur - Ed. Interventions à Haute Voix - Collages de Cathy Garcia - Préface (excellente !) de Marie-Madeleine Fragonard - Publié avec l’aide de la M.J.C. de la Vallée (Maison pour Tous de Chaville) - 80 pp. - 10 €. / Contacter : Gérard Faucheux / 5 rue de Jouy - 92 10 €. / Contacter : Gérard Faucheux / 5 rue de Jouy - 92 370 – CHAVILLE / Tél. 01 47 50 23 93 / gerard.faucheux@numericable.fr

Une place au Soleil ouvre le feu : « État de siège. / Venir à la vie / Par le derrière. / Voir sa mère se jeter, une nuit / Tête la première. /// Déclarer sa flamme / Le cœur serré / Comme on débute une guerre, / La peur au ventre. /// […] Finir secrétaire de cabinet, / Rompu au barreau, aux hostilités / Comme aux affaires classées. //// […] Et terminer peut-être aux assises / Où attendent dans la nuit grise, / Un bourreau haute tension / Et l’ombre d’une chaise. - Le combat est mon repos ! - Don Quichotte ne fut pas le seul à le dire. L’évidence traverse le temps, les destins sont à voir de près. Seul le grand commerce, la honteuse finance, peuvent imaginer réduire l’homme à la stature du petit robot de l’Achat / Vente, des départs et retours de vacances amers quoique bien mérités !

Adoravoration. « Je vous aimais / Et mets vous étiez. /// […] Proie taillée pour être dépoitraillée. Est-il encore utile de vous amourhacher. Chère amie tendre, / Quand dans mon cœur ne reste de vous / Que des morceaux choisis ?   - Sous les mots joueurs, les jeux d’horreur. La femme, les femmes payent le prix exorbitant des bons repas de la brute. Notre monde, il faut bien dire ! Basile Rouchin ne s’exonère pas du monde. Ne nous en exonère pas.

Bague attelle. « De mon père, / Tu obtins ma main. // De rose, mon avenir / Vira hématome. / Tu t’avéras vite déçu // Et j’appris par cœur / La force tes poings. - L’ellipse, le coup de taille ou d’estoc s’inscrivent dans la matière même du poème. C’est cela le style. Le sien. Mieux que litote, l’économie absolue des mots, l’absence de récit, de roman… mais tout est dit ! D’autres « thèmes » du monde où nous baignons paraissent dans le recueil, qu’on me pardonne de ne m’être attaché qu’à un seul ou presque. Basile Rouchin doit se faire sa nouvelle «  place au Soleil », la Poésie y gagnera !

 

Anne JULLIEN - Terminus 2007, énigmes - Est-ce le titre ? L’éditeur ? Mystère ? Le bref recueil n’indique rien à leur sujet. Si l’on navigue mieux que moi dans les trucs- bazars-machins facebook, sites et blogs… On ira voir : http://ecritsanejullien.blogspot.fr/ - ou - http://annejullien.over-blog.com/ - On a quelque chance de recueillir des informations, car Anne Jullien est bien présente sur les écrans ! Ce que j’ai pu trouver figure dans la notice biobibliographique, ci-dessous. Peu ! Le dessin de couverture s’intitule « Brouillage rurbain », il est de la main d’Olivier Jullien (2008)… Quelques « énigmes », donc :    

« Qu’attendent-ils ces oiseaux sur un toit ? » / Alignés trois goélands regardent / En ordre font le guet / « Protègent-ils de semblables amants. / Mais contre quel guerrier ? » [… et plus loin…] Cela n’empêche pas une voisine, / au-delà du jardin, de convier le vent à souffler sur le linge, sur l’heure, sur celui qui ne rentre pas… Une hirondelle, qu’est-ce que c’est ? »   - Pour le vent, on croit savoir, mais les oiseaux, quelle est leur fonction exacte ? En ont-ils seulement une ? Pourquoi sont-ils là, si près des hommes, si près de leurs amours, de leurs tragédies perdues dans le cosmos ? Une hirondelle, oui, qu’est-ce que c’est ? Puissante énigme qui ne laissera de trace que dans les mots des hommes, s’ils sont attentifs…

« Les enfants ont un grand lit pour eux et sous leur ciel de coton les sorciers et les fées ne durent qu’un temps de rêve… » […] Les enfants tuent, fauchent et incendient, la gloire au cœur et le sang sous leurs paupières. » - Oui, ils font ces choses les enfants ! Ils ne peuvent s’en empêcher, il me semble. Moi-même… mais à quoi bon ! Puissante énigme des enfants assassins innocents, et pires s’ils restent enfants en grandissant ! Que fait le diable ? Où est-il caché, irréfutable, indiscernable dans nos plus beaux paysages ?

«Même si la mer est loin / Le ciel l’inaugure /// Juste après ce virage // Le ciel est un drap qui sèche au soleil et au vent /// Un papillon / Laura demande pourquoi il y a un papillon » - Plutôt que pour ne rien dire, Anne Jullien nous propose les mots qui disent que le Sens ne nous est pas donné, que notre inquiétude doit être et qu’elle est en effet, non pas invalidante, mais taraudante, ne nous laissant jamais en paix. À la fin, chacun fait ce qu’il peut et doit : «  Je fais de la poésie je fais / fabrique de la poésie / la poésie j’oublie de regarder / le bleu froid de la fenêtre / dehors le bleu de glace du ciel / dehors je fabrique de la poésie… » Puissante énigme ! Dure honnêteté de cette « fabrication » inéluctable ? Certains s’interrogent, d’autres pas ? Énigme encore. Veulent-ils seulement digérer et dormir tranquilles ? Une petite fille demande « pourquoi le papillon ? » Mal ou bien partie, la petite Laura ? En tout cas on s’interroge : pourra-t-elle dormir tranquille demain, ou longtemps après ? Énigme sur énigme : Anne Jullien les enfante pour nous et nous garde attentifs.  

 

LE GOLVAN (Nicolas) - Psaume des Psaumes sous-titré : « J’écrirai lorsque, physiquement, les autres n’en auront plus la force… » - Illustrations d’après le manuscrit d’Avranches - Ed. La Sirène étoilée – 45 pp. - 2015 - 12 €. / lasirene.etoilee@orange.fr / lasirene.etoilee.monsite-orange.fr / 13 Hent Ar Stankennig - 29910 Tregunc.

Le « psaume » (du grec ‘psalmos’) est amplement présenté en ouverture du recueil. Cet air joué sur le psaltérion, sera accompagné d’un chant religieux. Les « Psaumes de Salomon » en témoignent, avec ceux de « David »… et d’autres personnages bibliques.

Nicolas Le Golvan nous annonce se situer dans un effort ultime, un isolement, et peut-être un recommencement du chant dans un ailleurs… : « … fossile promis / voix chacune tirée au fil / la gueule un soc alors perdu en terre / là derrière / là-dessous mes pieds / de gris / combien d’autres tassés / ici seul en vérité / alors seulement j’écrirai. » David ? Éloigné de l’abjection… Disparu de cet espace et de ce temps : « David, pauvre toi / Je n’ai pas de poème pour envelopper tes restes / Je n’ai pas ouvert de ces livres linceuls… […] je n’ai rien à te dire, ma mémoire est ici, dans l’abject aujourd’hui où tu es pourtant mort David // comment peut-on mourir ici ? /// au dernier crime / tu n’as pas même pensé à te couvrir de jolis mots » - Un détachement ? Un abandon ? Non, ce n’est pas suffisant. Un rejet donc, une exécration… Et pourtant un arrêt sur le Chanteur biblique : « … tu n’es pas matière, David / à gloser dans la fumée / tu es ma bouche en vie, ma langue humide, un crachat retenu car la soif dans la fumée tu épaissis la morve // tout se mange ici tout moque / te cracher ? / non, David / je m’exécute d’abord à ma soif et te tairai » - Affrontement ? À travers les temps, les âges ? En proximité cependant : « Me pardonneras-tu, David, d’avoir oublié l’amant que tu ferais aussi ? » Le profane est profanateur, en effet : « tant que tes chairs tiendront tant qu’il y en aura / vite l’aimé les pénètre d’un amour combien profane ». – Mise en doute, et en cause, c’est ici encore une affaire de sens et de valeur : « voici ma seule science, en ta déposition, David. / que valaient tant de livres ? » - Une facette supplémentaire de la seule question qui vaille. Conversation poursuivie au bord du gouffre : « tant que je te tiendrai David en distinction nous échangerons nos rangs dans ce sourire de fosse ». - Le sentiment qu’on éprouve est d’un chaos en marche, d’une fin de tout s’approchant, d’un inutile effort : « serais-tu mon roi, serais-tu mon frère, l’insecte ou le rat / seule ma chaux est prodigue et ne se souvient pas. » - Il y aura un vainqueur du combat : « Réglons nos comptes, David […] si je tope ta main, elle rompt.» - Mais quoi ?... à la toute fin, le désastre… l’effacement… Le monde de David préfigurait-il le nôtre, d’oubli satisfait et violent, de méconnaissance « mortellement » sûre d’elle-même. C’est mon sentiment. Parmi quels cauchemars naviguent les songes de Nicolas Le Golvan ? Chacun de ses lecteurs aura à se frayer sa voie propre dans ce Psaume infernal :

« Reste ma propre mort, David, elle se sait orpheline et ne t’appartient pas plus qu’aux racines de l’arbre

de nous elle emportera la mémoire au-delà des forêts car je n’ai pas failli dans l’ordre brutal des choses  

souviens-toi longtemps à charge de nous deux car j’ai mieux à chanter que le poème des morts

je ne le connais pas. »

__________________.

 

BRÈVES NOTES BIOBIBLIOGRAPHIQUES

Annie DANA : Se consacre au théâtre, à la mise en scène, aux ateliers d’écriture en milieux étudiants, carcéraux et professionnels. Dernières publications & travaux : Odysséa (pièce diffusée sur France-Culture), Roman & fiction aux Ed. Rupture : « L’Oracle inversé »,  « Éblouie ». En revues : Nouvelle Donne ; la Barbacane, La Sœur de l’Ange, Écrit(s) du Nord…

 

Cathy GARCIA : artiste polyvalente, a donné des spectacles de rue (avec Les Plasticiens Volants- 1991-2003), a fondé la revue de Poésie Nouveaux Délits qu’elle tient en vie depuis 2003, se consacre à son art graphique multiforme. Ateliers divers, publie des notes de lecture dans La Cause Littéraire… A publié des recueils marquants : Trajectoires, Chroniques du hamac, Eskhatiaï, Les Mots allumettes, Salines… chez divers éditeurs (Asphodèle-Cardère-de l’Atlantique/DLC/ Encres Vives/ Clapàs...) Consulter :

http://gribouglyphesdecathygarcia.wordpress.com... / - http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/ - et le site de La Cause Littéraire.

 

Gilles PLAZY. Le poète réside en Bretagne selon toute vraisemblance ; il est d’une absolue discrétion quant à sa biographie. On doit pouvoir s’informer grâce à l’internet : voir lignes introductives ci-dessus.

Il a publié Les Mots ne meurent pas sur la langue, chez Isabelle Sauvage, en 2014

 

Margo OHAYON. Elle voit l’image non encore apparue sur les écrans, pense la pensée impensée, énonce celle qu’ont en vain traquée Socrate et Lao Tseu, elle a la vision inconnue des philosophes, celle ignorée de la cartomancienne, d’André Breton et des chamans les plus affûtés. Elle erre dans les champs bouleversés du conscient et du difficilement discernable… Elle vit et écrit dans le Lot, fut un temps infirmière de nuit, connut la fragilité, l’espoir, le désespoir des humains, les confrontations de la vie et de la mort, la consistance du néant. On trouvera sur l’internet la somme considérable de ses œuvres : recueils, poèmes en revues, anthologies et correspondances. Actuellement aux prises avec un éditeur douteux autant qu’indélicat, elle travaille néanmoins avec constance à une entreprise poétique monumentale.

 

Élie-Charles FLAMAND. Qui est-il ? Sa renommée est d’être lui-même au secret de l’Atelier, dans le secret des minéraux, des eaux, des pierres et des esprits-âmes et des âmes-esprits. Au cœur vivant du monde. L’œuvre poétique est immense : Cf. À propos de la Poésie d’ Élie-Charles Flamand, choix d’études, etc., à La Lucarne Ovale. Il reçut l’onction d’André Breton, d’André Pieyre de Mandiargues et de bien d’autres. De lui, ils ont écrit :

Marc KOBER, son meilleur exégète actuel : « C’est un "périple acéré" que doit affronter en lui-même celui qui sait que de la "crypte charnelle… monte le cheval de l’esprit »« Lire un recueil d’E-C Flamand est un acte qui se conçoit seulement dans la durée : c’est un être transformé qui referme le livre. » - « Accroître l’acuité de sa perception de l’univers, tel semble être le vœu souvent manifesté dans son œuvre. »

Le poète MATTHIEU BAUMIER : « La poésie de Flamand est une marche d’alchimiste vers l’étoile. Un cheminement vers la lumière intérieure, la seule réalité qui soit réellement - et aussi la plus voilée. » « … poésie en avance. Des poésies qui annoncent le rôle de la poésie dans le monde de maintenant, un rôle en train de se lever>. »

 

Basile ROUCHIN - Qui est-il ? Nul ne le sait (sauf ses amis, proches et parents, on le suppose). Nous sommes, selon toute apparence, devant son premier recueil, dont les poèmes se sont auparavant épars dans une bonne vingtaine de revues, certaines de renom et d’autres plus discrètes. Son excellente préfacière, Marie-Madeleine Fragonard, nous laisse entendre qu’il pourrait être « celui qui écrit des mots que les autres ne peuvent formuler »… ou encore, en tant que « symbole », «ce serait l’hématome, le sang captif, douloureux, réitérable, changeant, morcelé, camouflable. » Le blanc entre vers, entre strophes… une de ses marques, est un lieu où « il se passe quelque chose… : approfondissement, angoisse, découverte, résignation… » Et surtout : « Pas de lyrisme qui se satisfait de son propre envol. […] Poésie très loin des indignations véhémentes : le pathos est suspect, truqué, appel compassionnel détestable et vampirique adopté par les séries télévisées et les actualités où l’on se repaît du malheur d’autrui avant de l’oublier dans une indifférence bétonnée. » On (je !) n’ira(i) pas contre cette rare volonté de dire autrement, de ne pas se répandre en strophes dégoulinantes de beaux sentiments, de ne pas répandre le vent poétique convenable, le vers-myriade du bon faiseur, le poème au mètre linéaire comme s’usinaient autrefois les tableaux de sous-bois avec biches blessées, les couchers de soleil sous les ponts de Paris… mis en vente à La Samaritaine !

 

Anne JULLIEN - Dans la jungle des écrans, j’ai cueilli ce peu de chose : (Elle est) née à Brest en 1961. Vit (heureusement) à Porspoder (Finistère). Prix Paul Valéry en 1979. Parution en revues (Hopala!, Nouveaux délits, Interventions à Haute Voix, Décharge, Les Voleurs de feu, 7 à dire, Comme en poésie, Spered Gouez, Diérèse, Saraswati...). Parution dans l'anthologie « Femmes en littérature » chez Spered Gouez en 2009. Quatre recueils : « Dans la tête du cachalot » et « les yeux des chiens » aux éditions Asphodèle ; « Flottilles » aux éditions de l'Atlantique. "terminus 2007, énigmes". Poèmes traduits en anglais-américain par Michèle Bolduc (professeur de français et de traduction à l'Université de Wisconsin-Milwaukee).

Peu pertinent, certes, de ne citer qu’un extrait d’article. Voici cependant ce qu’écrivait il y a peu Anne Jullien d’elle-même, le premier paragraphe d’un article intitulé fonctions vitales, publié le 24 Juillet 2015 in corps. Les experts le trouveront sur l’internet :

« Je ne suis pas une espèce curieuse, juste observatrice et observée par qui passe. Ce que je vois, je l’enregistre. Je me déplace dans les rêves, nus pied et sans bouger. Chose morte mais un peu vivante, dorée par le soleil placardé à la vitre, chauffée par le soleil collé à la vitre, brûlée par le soleil cloué à la vitre. Si je regarde dans un miroir flaque fond de casserole bouclier couvercle œil carrelage, je distingue une forme trapue, retournée sur elle-même, tête sans visage inclinée vers des hauteurs, yeux vides, on ne sait pas si enfouis dans la masse il y a il pourrait se trouver s’en extirper, des membres. Un langage articulé, non. Je me nourris de ce qui passe même l’oubli. »

Nicolas LE GOLVAN - Ceci, cueilli au passage : Il est né en 1971, a publié plusieurs livres de fiction, dont le roman « Reste l’été » (Flammarion, 2012). Et aussi : « Dachau Arbamafra » (Ed. Les Doigts dans la prose, 2012) – Taravana (Ed. L’Échappée belle, 2015) - Alyah (Ed. Alna, 2015) - Et ceci, cueilli sur les écrans : « LE-GOLVAN  est la tête chercheuse d’un autre, plus complet. N’a pas de bio. Est tout de même né, notamment en 1971. Fréquente les bonnes revues, notamment Dissonances. A aussi commis dans quelques mauvaises, notamment... Écrit avant tout : roman, poésie, nouvelle, théâtre. Lit impitoyablement. Se tait lorsqu’il n’a rien à dire. »  http://nicolas-legolvan.iggybook.com/fr/ 

Michel HOST

_________________________________________________Le 6 / III / 2016

« Quel poète d’aujourd’hui ne se reconnaîtrait pas dans ces paroles fiévreuses (*), peureux comme nous sommes devenus devant l’agressivité d’une civilisation technique apparemment toute-puissante, d’une culture de masse pour le moment étouffante, et surtout d’une mentalité matérialiste, bornée, accablante ? » - (*celles de Benjamin Fondane - Magda Carneci, Manifeste pour Fondane, La Soeur de l’Ange, n°10, p.221

« Toutes les affirmations des poètes répondent en nous à quelque chose de vivant, à un trouble du cœur auquel nous reconnaissons la vie. »  -  Benjamin Fondane, Faux Traité d’esthétique, Plasma, 1980, p.14

 

 

 

 

 

 

 

 

Luis Bonet - Une auberge espagnole


couv_3045.pngTraduit du castillan par Christian Delavaud

« Nous sommes là depuis déjà plusieurs jours. Nous continuons en vain d’attendre une distribution de nourriture qui apaiserait notre faim. Et l’administration du camp demeure invisible. Nul ici n’est responsable de l’existence de ces milliers d’hommes entassés sur cette plage, sans manteaux, privés d’eau potable et de nourriture. Pour nous accueillir, seuls ont été prévus des carrés de terrain délimités par quelques piquets enfoncés dans le sable. Ils sont reliés entre eux par plusieurs lignes de barbelés, pour nous parquer comme on le fait pour les vaches. Mais nous n’avons que du sable pour ruminer notre misère et les raisons qui nous ont amenés là. Les haut-parleurs viennent d’annoncer une bonne nouvelle. Ceux qui se regrouperont par dix et dresseront une liste écrite de leurs noms et prénoms auront droit à deux kilos de pain. Je note huit noms de camarades et le mien. Il en manque un. Que faire ? Chercher un ami de plus ? Mais comment le trouver en si peu de temps ? J’inscris en tête de liste « Francisco de Goya y Lucientes ». Comme nous, mais un siècle auparavant, il connut l’exil. Aujourd’hui, grâce à la magie de son nom porté sur une liste d’affamés, Goya nous offre un morceau de pain supplémentaire. Il nous donne sa part. »

Sur un ton sans colère, ces « Chroniques d’un camp de républicains espagnols internés en février 1939 sur la plage de Saint-Cyprien (Pyrénées-Orientales) rapportées par un imprimeur et militant communiste » laissent voir l’amertume devant les trahisons et l’accueil honteux que la démocratie française a réservé à ceux qui fuyaient le fascisme.

Une première édition de ce livre est parue en 1994 dans une collection jeunesse aux éditions Gallimard.

Réfugié républicain, ancien membre du Parti communiste espagnol, Luis Bonet Lopez (1910, Valencia-1997, Montendre) a été imprimeur en Charente maritime, où il s’est installé dans les années 1940. Il a laissé de nombreuses pages, en prose et en vers, sur ses souvenirs d’exilé, de militant et de résistant ; il en a aussi souvent fait le récit, en conteur, notamment devant des publics scolaires.

À paraître le 14 mars 2016

128 pages (12 x 17 cm) 9,50 €

ISBN : 9782748902501

http://agone.org/centmillesignes/uneaubergeespagnole...

 

 

 

06/03/2016

No land's song, documentaire d'Ayat Najafi (2016)

 

Sara Najafi, jeune compositrice, défie les autorités iraniennes qui, depuis la révolution de 1979, interdisent aux femmes de chanter en solo devant des hommes. Féministe convaincue, elle prend tous les risques, avec ses amies chanteuses Parvin Namazi et Sayeh Sodeyfi en invitant trois artistes françaises, Elise Caron, Jeanne Cherhal et Emel Mathlouthi, à venir les rejoindre pour collaborer a` leur projet musical, en initiant un nouveau pont culturel entre la France et l'Iran. La question est de savoir si elle pourront réaliser leur projet...

 

05/03/2016

Bienvenue à Calais – Les raisons de la colère, textes de Marie-Françoise Colombani, dessins de Damien Roudeau

 

Actes Sud, février 2016

 

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56 pages, 4,90 €.

 

 

Un petit format, des textes et des croquis sur le vif, 56 pages et il pèse des tonnes ce carnet, des tonnes de gâchis, des tonnes d’espoir, des tonnes d’injustice et d’absurdité, un peu de rêve, beaucoup de désillusions. Des élans aussi, nombreux, de la bonté, de la solidarité, pour porter tout ça, pour sécher la boue et les larmes, adoucir un peu la cruauté, mais pas la cacher non, bien au contraire, et c’est la raison d’être de ce livre dont les bénéfices et droits d’auteurs seront reversés à l’Association l’Auberge des migrants* : montrer sans fard, exposer « les raisons de la colère », refuser la honte, dénoncer l’intolérable, sortir des chiffres et des termes génériques : migrants, réfugiés, ou le moins connu « dublinés » - qui pousse de nombreuses personnes à brûler ou mutiler l’extrémité de leurs doigts afin d’effacer leurs empreintes - pour mettre des noms sur des visages, des personnes, des parents, des enfants, des adolescents, des jeunes étudiants, des boulangers, des avocats, des profs, des commerçants…. Et raconter quelques éclats de vie, qui trop souvent sont des morts absurdes, atroces…. Impardonnables.

 

Bienvenue à Calais oui, ce sont d’abord des chiffres. 2015, 1 million de personnes se réfugient en Europe en passant par la mer, 3735 : le nombre de morts ou disparus.

 

Bienvenue à Calais c’est aussi la démonstration d’un gouvernement impuissant, qui improvise, et celui-là ou un autre, ça serait du pareil au même, voire pire : désorganisation, des pansements ci et là sur des plaies non nettoyées, et surtout aucune notion de la dignité humaine, aucune. Une seule de ces histoires que pourrait vous raconter un homme, une femme ou un enfant, piégé à Calais, devrait suffire à ce que tout, absolument tout, soit fait pour, au cas par cas, trouver des solutions honorables. Impossible n’est pas français disait-on à un moment, et bien faut croire que si.

 

6000 personnes, c’est le nombre de personnes qui étaient dans la jungle en octobre dernier, sans compter tous les autres camps dits « sauvages ». 6000 personnes, 120 latrines. La « jungle », c’est 17 hectares dont une bonne partie en zone Seveso, avec un vent quasi permanent, l’humidité. Au Centre Jules-Ferry, dans la « jungle », 60 douches, une à deux heures d’attente, 6 minutes chacune. Les conteneurs chauffés et éclairés installés en camp grillagé à l’intérieur de la « jungle », contiennent chacun douze personnes en lits superposés, 1,16 m2 par personnes, mais aucun lieu abrité pour faire la cuisine, pas de douche, 80 toilettes pour 1500 personnes.

 

Parfois plus de 10000 kms parcourus, dans des conditions effroyables, pour rester bloqué à 30 km du but : l’Angleterre. 38 pour cent de personnes ayant de la famille là-bas, de quel droit les empêche t’on de les rejoindre ? Si les lois étaient appliquées, les mineurs devraient y être autorisés d’office, mais la loi n’est pas appliquée et les mineurs disparaissent ou meurent écrasés. Un grand nombre de personnes entassées à Calais parlent Anglais, langue qui se targue d’être une des plus parlées au monde. Chaque pays redoublant d’efforts dans la non-hospitalité, mis à part peut-être l’Italie et la Grèce aux premières loges et à qui on n’a aucune leçon à donner, où iriez-vous à leur place ? Quelque part où l’on vous comprenne non ? Est-ce si difficile à comprendre ? L’horreur que toutes ces personnes fuient et ont le droit de fuir, laissant derrière elles tout ce qu’elles avaient et beaucoup de morts aussi, d’êtres chers massacrés.

 

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Pour des Syriens le passeur demande 3000 euros pour aller de Calais en Angleterre, pour des Érythréens c’est 700… Combien coûte un aller simple par l’Eurotunnel ? On ne compte plus le nombre de personnes écrasées par des poids-lourds, électrifiées dans le tunnel.

 

Leurs actes désespérés ne sont pas le fruit d’un déséquilibre, d’un caprice, risquer la vie de ses enfants, de ceux que l’on aime, sa propre vie, ne se fait pas à la légère, est-ce si difficile de se mettre à leur place ?

 

Bienvenue à Calais raconte la vie qui s’organise tant bien que mal, les bénévoles, les associations, sans qui la « jungle » serait définitivement un enfer, des gens formidables, une école, une bibliothèque, des repas, des activités, de l’accompagnement, des soins, des personnes qui prennent des risques aussi, risquent l’illégalité au bénéfice de l’hospitalité, de l’humanité, des sourires, de belles histoires donc mais tellement de violence aussi, car toutes les personnes en difficultés attirent toutes sortes de prédateurs, ainsi un nombre grandissant de mineurs isolés ont totalement disparus.

 

Il faut lire ce livre, il faut le faire lire, même s’il est désespérant, s’il déborde de drames et de souffrances qui auraient pu être évités, qui auraient dû être évités et qui doivent cesser.

 

Elle est afghane. Elle s’est enfuie avec son mari et ses deux enfants. Sur le bateau qui les emmenait en Grèce, on lui a ordonné de faire taire son bébé sous peine de faire repérer l’embarcation. Elle l’a serré très fort contre elle, il est mort étouffé. Elle n’a pas voulu jeter son corps à l’eau. La nuit, pendant son sommeil, le passeur l’a fait. Il s’est trompé : c’est sa petite fille qui est partie à la mer.

 

Cathy Garcia

 

 *http://www.laubergedesmigrants.fr/ 

  

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marie-francoise-colombani.jpgMarie-Françoise Colombani est éditorialiste à ELLE et auteur, entre autres, de Pour l'amour de Massoud (XO, 2005) avec Sédiqa Massoud et Chekeba Hachemi et de Maintenant (Hachette Littératures, 2007), un livre d'entretiens avec Ségolène Royal. Elle a également participé à Millénium, Stieg et moi (2011).

 

 

damien-roudeau.jpgNé en 1981, Damien Roudeau, originaire de Montreuil, dessinateur au profil atypique, diplômé en arts appliqués (école Estienne) et titulaire d'une maîtrise d'arts plastiques, est un « globetrottoir », un « reporter graphique ». Pourtant pas vraiment l'âme d'un grand voyageur, il réalise qu'on peut partir pour des territoires inexplorés, en prenant simplement le temps de s'arrêter au coin de sa rue. Il choisit dès lors de vivre en immersion, pour mieux les comprendre, dans des mondes présumés clos, ou nécessitant une initiation (tribus électroniques, communautés Emmaüs, groupes de sans logis, usagers de drogues, squatters...). Portraits Cachés, une relecture de la loi contre les exclusions (prix du jury Grands Reportages 2002). Quand il ne tient plus à sa table à dessin, il réalise des reportages dessinés ou en BD pour l’édition, la presse (Le Monde, Casemate, Mag de la Seine Saint Denis), les associations (Aides, Médecins du Monde, Asud, AFR...) ou dans le cadre de résidences. Il est notamment associé au collectif Argos, rassemblement de dix rédacteurs et photographes engagés dans le journalisme documentaire.

 

Note à paraître sur la Cause Littéraire

 

04/03/2016

Berta Caceres, vaillante militante écologique assassinée au Honduras

 

© Goldman Environmental Prize | L'activiste écologique Berta Caceres sur les rives du fleuve Gualcarque, dans l'ouest du Honduras, en 2015

 

Source :  FRANCE 24  03/03/2016

 

Militante écologique depuis les années 1990, Berta Caceres a été tuée par balles jeudi en rentrant à son domicile. La cause environnementale au Honduras perd l’un de ses défenseurs acharnés.

Depuis quelques années, les collègues de travail de Berta Caceres avaient préparé son eulogie. Une façon de défier avec humour les menaces de mort que la militante écologiste hondurienne recevait régulièrement. Des menaces qui ne l’empêchaient pas pour autant de mener son action pacifique contre la construction du barrage d’Agua Zarca, sur la rivière Gualcarque, dans le nord-ouest du Honduras.

Jeudi 3 mars pourtant, Berta Caceres s’est écroulée au moment où elle rentrait chez elle dans la ville de La Esperanza, tuée de plusieurs balles par des inconnus. Selon la police, il s’agirait d’un crime crapuleux, commis par de simples voleurs.

Mais pour la famille de Berta Caceres, les motifs de cet assassinat sont évidents : "Nous savons tous que c’est pour sa lutte écologique", a déclaré sa mère, Berta Flores, sur la chaine de télévision brésilienne Globo, après son décès. Une opinion partagée par Carlos Reyes, dirigeant du Front national de Résistance populaire (FNRP), mouvement d’opposition socialiste, interrogé par l’AFP : "Pour la police, des inconnus sont entrés dans la maison par la porte de derrière et lui ont tiré dessus à plusieurs reprises, mais nous savons tous que ce sont des mensonges".

Née dans les années 1980, Berta Caceres s’intéressa, dès ses études universitaires, à l’activisme politique et au sort des populations du pays les plus démunies. Issue d’une lignée indienne Lenca, elle fonde, en 1993, le Conseil national des organisations indigènes et populaires du Honduras (Copinh), pour venir en aide aux communautés indigènes dans leur lutte pour le respect de leurs droits territoriaux.

C’est en 2006 que les habitants de la région de Rio Blanco viennent pour la première fois la consulter : des machines et des équipements de construction ont fait leur apparition près de la rivière Gualcarque, sans qu’ils en connaissent la raison, ni le but.

Un combat presque remporté

Depuis le coup d’état de 2009 au Honduras, de gigantesques projets d’exploitation des ressources minières ont été lancés par le gouvernement qui a approuvé plusieurs grands projets de barrage, destinés à alimenter en eau ces nouvelles exploitations. Co-venture entre la compagnie hondurienne Desarollos Energetico, DESA, et l’entreprise chinoise Sinohydro, le projet de barrage d’Agua Zarca menace depuis ses débuts les conditions de vie de centaines d’Indiens Lenca installés dans la région.

C’est en leur nom que Berta Caceres s'est investie dans ce difficile combat, montant plusieurs campagnes de protestation. Pendant dix ans, elle dépose des plaintes auprès des tribunaux, organise des manifestations pacifiques, des blocages de route pour empêcher l’accès au site, exigeant le respect des droits des populations locales et leur consultation sur la pertinence du projet. Elle va même jusqu’à saisir la Commission des droits de l’Homme interaméricaine, pour que la Banque mondiale, qui finance une partie du barrage, s’en retire. Ce que celle-ci finira par faire, emboîtant le pas à Sinohydro qui a rompu son contrat avec DESA fin 2013.

En 2015, les efforts de Berta Caceres sont reconnus internationalement. Elle reçoit le prix Goldman Environmental, décerné depuis 1989 aux plus fervents défenseurs de la cause environnementale dans le monde. Une double récompense pour la militante qui a réussi, par sa persistance et celle de son organisation, à faire suspendre la construction du barrage.

Que Berta Caceres ait perdu la vie pour la défense d’un environnement naturel nécessaire à la vie de communautés indigènes ne sera peut-être jamais établi avec certitude. Il est sûr en revanche que les promoteurs du projet d’Aqua Zarca viennent de perdre une opposante convaincue et courageuse.

 

 

 

La grande enquête sur le maître caché de l’agriculture française

 

2 mars 2015 / Barnabé Binctin et Laure Chanon (Reporterre)



Son nom est méconnu, mais ce groupe pèse aussi lourd qu’Areva. Agrocarburants, lait, œufs, huile, finances, semences : il est partout, et influe d’autant plus sur l’agriculture française que son patron préside le puissant syndicat agricole devant lequel plient les gouvernements. Le résultat : profits d’un côté, disparition des petits paysans, artificialisation des terres et pollution de l’autre. Voici Avril-Sofiproteol. Une grande enquête de Reporterre.