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27/02/2017

Pour un bout de papier - Emission du 17 février 2017 - Travail social et Délit de solidarité

 

dimanche 26 février 2017 par CLIME |

Sans frontière ni nation, l’émission Pour un bout de papier vous propose en février de discuter du soutien aux migrants migrantes : Du délit de solidarité qui criminalise l’entraide aux transformations du travail social dans les centres d’accueil des migrant.e.s.

Au sommaire cette semaine :

1 . Les nouvelles du Centre de rétention administrative de Cornebarieu
2 . Travail social ou flicage ? Les travailleuses sociales prennent la parole. En quoi consiste le travail social dans les centres d’accueil et d’orientation mis en place à la suite de l’expulsion de Calais ?
3. Qu’est ce que le délit de solidarité ? Histoire et actualité d’un concept juridique.
4 . Rencontre avec les membres de l’association Amigrants de Cahors.

En complément d’infos :

Le blog DormiraJamais avec un dossier complet sur Denko Sissoko

Un lien Arte (émission de une heure sur Denko Sissoko, les structures pour mineurs isolés étrangers avec des témoignages)

Réécouter l’émission :

http://www.canalsud.net/?Pour-un-bout-de-papier-Emission-...

 

 

 

26/02/2017

Petit guide de déradicalisation économique à usage électoral

 

Alors que nous allons bientôt élire le prochain président de la République, il est indispensable d’alerter sur les conséquences des propositions des candidats à cette élection. C’est un des objectifs du livre intitulé L’intégrisme économique, qui sort le 1er mars prochain.

 

 

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Une question est à l’origine de L’intégrisme économique
[1]. Pourquoi continue-t-on de promouvoir les recettes économiques néo-libérales alors que près de 40 ans d’application ont montré leurs effets pervers : multiplication des crises financières ; explosion des inégalités combinée à une hausse de la précarité et de la pauvreté qui fragilisent la cohésion sociale ; dégradations environnementales toujours plus importantes, etc. ? Leurs promoteurs continuent pourtant d’affirmer qu’il n’y a pas d’alternative et que de telles politiques économiques bénéficieront à tous, tôt ou tard.

 

Et si, derrière cette rhétorique de façade, l’objectif n’était pas de servir l’intérêt général mais celui d’une minorité ? C’est ce sillon que nous creusons tout au long de cet ouvrage. L’économie n’y apparaît plus comme une science objective et neutre mais plutôt comme une religion ou, pire, comme un intégrisme religieux qui tente d’imposer une lecture rigoriste d’évangiles économiques dont les dogmes peuvent être rassemblés en dix commandements (l’austérité budgétaire tu prôneras ; la dépense publique tu diminueras ; plutôt que les plus riches, les pauvres tu taxeras ; la libéralisation financière tu assureras ; etc.). Tout en promettant le paradis économique à tous, l’intégrisme économique cherche en réalité à imposer un Ordre néolibéral qui ne bénéficie qu’à ses promoteurs. Pour ce faire, il dispose d’une armée de disciples dont la mission est de convaincre les foules de la bonté du Dieu qu’il vénère, le Marché, et de dénoncer toute pensée hérétique.

Ce livre fournit les clés permettant de comprendre les dérives sectaires de l’intégrisme économique. Nous dévoilons tout d’abord son mode opératoire, c’est-à-dire la façon dont il exerce son pouvoir, en particulier en utilisant la manipulation (chapitre 1). Nous décortiquons ensuite ses dogmes – les dix commandements – et faisons apparaître toute la cohérence d’un projet politique, mené par une minorité pour son propre profit, qui dessert la plus grande partie de la population mondiale (chapitre 2). Nous démasquons enfin ses adorateurs (missionnaires du FMI, inquisiteurs européens, apôtres économiques et clergé médiatique) et déconstruisons leur rhétorique intégriste (chapitre 3). Ce parcours nous conduit à dessiner les contours d’une indispensable dé-radicalisation des esprits touchés, ou seulement tentés, par l’intégrisme économique (épilogue).

L’intégrisme économique fait peser de lourdes menaces sur la démocratie comme sur le débat d’idées. C’est en effet une approche intégriste de la construction européenne qui l’entraine aujourd’hui dans une fuite en-avant anti-démocratique, comme le montre le traitement de la crise grecque, et participe du rejet croissant du projet européen, ce que traduit le Brexit. C’est aussi une vision intégriste de l’économie qui condamne toute approche alternative. La croisade contre le pluralisme des idées au sein de l’université a été menée en 2014 par l’apôtre Saint Jean Tirole, tout juste canonisé par l’intermédiaire de son « prix Nobel d’économie ». Elle se poursuit aujourd’hui à l’appel de Pierre Cahuc et André Zylberberg – dont le récent pamphlet a suscité de nombreux débats[2] – qui se lancent dans une chasse au « négationnisme économique » et appellent à l’épuration de toute pensée dissidente. Face au dogmatisme des intégristes économiques, il est essentiel de réaffirmer que l’économie est toujours plurielle et éminemment politique, et de montrer que d’autres voies sont possibles.

L’introduction de ce livre est reproduite ci-dessous.

 

Introduction : Le dieu Marché

Selon le dictionnaire Larousse, l’intégrisme est « une attitude et une disposition d’esprit de certains croyants qui, au nom du respect intransigeant de la tradition, se refusent à toute évolution ». Si une bataille s’est engagée contre l’intégrisme religieux et ses idées rétrogrades, un autre intégrisme, économique celui- là, sévit plus sournoisement. Il n’a pas eu besoin de recourir à des moyens barbares pour s’imposer. Mais, comme l’intégrisme religieux, il vénère un dieu, le Marché en l’occurrence, et défend une tradition, celle de l’économie néolibérale, avec les dogmes sur lesquels elle repose – austérité, concurrence, libéralisation, etc. –, et ne tolère aucune remise en question. Les prosélytes du Marché, c’est-à-dire les intégristes économiques, nous somment d’agir en son nom et de l’adorer, car lui seul œuvrerait pour le bien de tous. Ils le placent ainsi au centre de toutes nos décisions.

Les intégristes économiques peuvent être rangés en deux catégories. D’un côté, les théologiens et les évangélistes, à savoir les économistes orthodoxes les plus fanatisés, construisent la doctrine et élaborent les tables de la loi, dont les dogmes peuvent être rassemblés en dix commandements. De l’autre, le clergé, composé des principaux responsables politiques et des milieux d’affaires, avec leurs relais médiatiques et économiques, se charge de diffuser une lecture rigoriste des évangiles économiques. Malheureusement, de trop nombreux citoyens, dont l’esprit a été perverti par la propagande intégriste, ont également prêté allégeance à un mouvement qui les dessert pourtant largement.

Bien que nous n’en ayons pas toujours pleinement conscience, l’intégrisme économique nous entoure et rythme nos vies au nom du Marché. Pas un jour en effet sans analyses ou débats sur la croissance: est-elle suffisante ? Va-t-elle revenir ? Quand reviendra-t-elle ? Comment la faire revenir ? Pas un jour non plus sans indications sur les cours de la Bourse et l’évolution du sacro-saint CAC40, baromètre économique de nos sociétés « modernes » qui nous dit le temps qu’il fait sur des marchés financiers dont l’état de santé conditionnerait le nôtre. Pas un jour encore sans questionnements sur l’évolution des prix dont on nous assure qu’ils dépendent d’une loi de l’offre et de la demande quasi divine, puisque assurant le bon fonctionnement du Marché. Pas un jour enfin sans lamentations sur les (mauvais) chiffres du chômage et considérations sur le type d’offrandes au Marché qui permettraient de le réduire.

L’intégrisme économique s’est tellement immiscé dans les esprits que de nombreuses informations sont traitées principalement sous l’angle de leur coût économique, reléguant au second plan les aspects sociaux, politiques, environnementaux ou encore psychologiques, quand ils ne sont pas tout simplement occultés. Ainsi en est-il des conflits sociaux, où le coût économique à court terme d’une grève, évalué en points de croissance perdus pour faire plus sérieux, l’emporte sur l’intérêt des revendications pour le bien-être de la population. De même, l’impact d’une catastrophe naturelle est réduit à une facture de réparations à venir et laisse dans l’ombre la détresse psychologique des personnes touchées par l’événement, donc les moyens de la traiter.

Cette fascination pour le Marché a de quoi interroger. Les intégristes économiques, qui sont devenus les oracles des temps modernes, interprètent le réel, livrent leurs prophéties – sous forme de prévisions économiques – et promettent de nous conduire vers la Terre promise de l’abondance. L’intégrisme économique se présente pourtant comme une science, sérieuse et objective de surcroît, et, à ce titre, se pare d’un formalisme mathématique supposé lui fournir ses galons de science exacte. Dans les faits, il est l’instrument du pouvoir exercé par une minorité à son propre profit et s’emploie à nier toute existence d’alternative, promettant l’enfer – sur terre, dans ce cas – aux récalcitrants, aux hérétiques, bref, à tous ceux qui douteraient de la véracité de ce catéchisme.

Depuis près de quarante ans, nous avons laissé prospérer la religion du Marché et avons accepté de nous soumettre à ses dérives intégristes, ce qui nous a conduits à intérioriser des dogmes économiques qu’il devient de plus en plus difficile de questionner. Face à un tel aveuglement, il est indispensable de comprendre les dérives sectaires de l’intégrisme économique, ce qui implique de dévoiler son mode opératoire (le mode d’exercice de son pouvoir) afin de décortiquer ses fondements (les dogmes) et de démasquer ses adorateurs (les disciples), qu’il convient de déradicaliser pour leur faire retrouver le chemin de la raison (scientifique), de la tolérance et de l’intérêt général, donc celui de l’espoir.

 

 


 

[1] Eric Berr, L’intégrisme économique, Paris, Les Liens qui Libèrent, 2017, 176 pages.

[2] Pierre Cahuc et André Zylberberg, Le négationnisme économique. Et comment s’en débarrasser, Paris, Flammarion, 2016.

 

 

25/02/2017

Quatre banques françaises contre les Sioux du Dakota, expulsés par Trump

 

 

par Olivier Petitjean

Ce 22 février, les forces de l’ordre ont procédé à l’évacuation du principal campement des Sioux et de leurs alliés qui s’opposaient encore à la construction de l’oléoduc Dakota Access, aux États-Unis. Les forces de l’ordre ont procédé à plusieurs arrestations et des incidents ont émaillé l’évacuation. Selon le compte-rendu du Guardian, deux mineurs auraient été victimes de brûlures graves suite à une explosion inexpliquée dans un tipi du camp.

L’oléoduc Dakota Access doit amener, sur plusieurs centaines de kilomètres, le pétrole de schiste extrait dans le Dakota du Nord vers l’Est des États-Unis. Une portion de cette infrastructure doit traverser, à proximité de la rivière Missouri, des terres ancestrales des Sioux, menaçant leurs sources d’eau potable. Après des mois de manifestations et d’occupation des terrains, l’administration Obama avait finalement bloqué le chantier et demander l’étude d’un tracé alternatif. Dès son arrivée à la Maison blanche, Donald Trump a cassé cette décision et ordonné la reprise rapide des travaux. Le nouveau président possède des actions dans Energy Transfer Partners (ETP), l’entreprise qui construit l’oléoduc, et compte parmi ses plus proches alliés un magnat du pétrole de schiste (lire notre article).

Les banques françaises débloquent des fonds supplémentaires

La lutte se poursuit sur le terrain juridique, les Sioux ont déposé un recours contre le décret de Donald Trump. Une autre bataille importante se déroule autour du financement du projet par plusieurs banques, invitées par les opposants à rompre leurs liens avec Energy Transfer Partners. Les pétitions ont reçu plus de 700 000 signatures. Plusieurs banques européennes sont concernées, dont les françaises BNP Paribas, Société générale, Natixis et le Crédit agricole.

« La banque néerlandaise ABN Amro a annoncé le 2 février qu’elle arrêterait toute relation avec Energy Transfer Equity, la principale entreprise derrière le projet, et la banque suédoise Nordea a carrément exclu les trois principales entreprises du projet, souligne Lucie Pinson, de l’association Les Amis de la Terre. Malheureusement, jusqu’à présent, les banques françaises n’ont pris aucun engagement similaire. Natixis et Crédit Agricole ont même récemment refinancé ETP. » Les grandes banques françaises avaient répondu à ces interpellations en indiquant qu’elles attendaient les résultats d’une expertise sur le projet et la consultation des populations concernées pour se prononcer.

En attendant, les affaires continuent. Selon les données collectées par les Amis de la Terre et l’organisation spécialisée Banktrack, Natixis et le Crédit agricole ont débloqué en janvier, au moment de l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, plusieurs dizaines de millions de dollars au profit d’Energy Transfer Partners (72 millions pour Natixis et 35 millions pour le Crédit agricole). Aux côtés de BNP Paribas, elles auraient également participé à un prêt pour la même entreprise de 2,2 milliards de dollars au début du mois de février.

Olivier Petitjean

Lire aussi : Les grandes banques françaises derrière le projet d’oléoduc combattu par les Sioux

 

 

24/02/2017

Vient de paraître : Le vin des crapauds - Saïd MOHAMED, Bob De GROOF (linogravures)

 

aux Ed. des Carnets du Dessert de Lune 

poésie, février 2017

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70 pages (carré, collé) 19 x 29 cm, 18 €



Préface :



Pas dit qu’on en boirait de ce vin là, mais on a bien envie d’en savoir plus, alors on ouvre la bouteille… Et d’entrée, c’est l’uppercut, un relent d’enfance qui marche au pas et de pourriture tranquille… Et on sait très vite que oui, nous allons boire tout notre saoul, parce que voici venu l’heure du néant, et Saïd Mohamed en dix lignes nous crache le portrait du monde et ses victoires qui ne sont que défaites/Des noces d’étreintes de sang et de merde.
Un uppercut crescendo, et on n’en sort pas indemne.
Le vin des crapauds a vieilli pendant 21 ans dans la cave du poète, et il a le goût acide d’un mauvais vin nouveau, sans doute parce que le malheur, la violence, la bêtise, l’ignorance, les injustices, sont toujours les mêmes, en grappes lourdes, noires, amères, toujours plus grosses et grasses.
Nous récoltons sur nos mains le sang de nos enfants,
Tandis que nos maitres boivent le divin nectar
Des bénéfices de cette boue pétrie aux alliances vénales
Le poème ici fait sauter le bouchon de la bouteille, celle du vin des fous, du vin des nausées, du vin dont s’enivrent ceux qui ont trop vu œuvrer les bouchers adulés par un bétail sans mémoire. Il ne s’adresse même plus à ceux-là mais à l’acier lui-même, non sans ironie.
Bel acier cherche ta voie dans les entrailles,
La viande chaude et le sang doux.
Couvre-toi de gloire, bel acier.
Le vin des crapauds, pauvres crapauds, c’est pour trinquer et vomir à tous les morts pour rien, qui pavent les siècles de leurs chairs pourries.
Je voulais du vin et du silence, dit le poète, mais puisqu’il faut supporter le vain des maux, voilà le vin des mots rances.
Il faut le boire, comme on dit, jusqu’à la lie et faire la nique d’un rire sans dents aux horreurs, car du poète c'est le lot que de la guerre/ devoir encore extraire l'or de l'amour, nommer l’innommable et égrener les mots magiques, envers et contre, envers et contre… Des cendres de l’espoir, on peut toujours tracer des signes. Vraiment ?
Le poète ici, dérisoire manchot face à un énième tsunami de ténèbres, s’écroule de lui-même.
Je ne suis pas ignoble, j'ai honte de vivre.


© Cathy Garcia, le 9 novembre 2017

 



Postface: 


Le vin des crapauds a été écrit en grande partie pendant la première guerre d’Irak, de 1990-91 Certains de ces textes ont été publiés dans la revue Kitoko Jungle Magazine de Guido Kuyl en Belgique, avec des dessins de Bob De Groof. Ensuite, Jacques Morin en a fait en 1995 un numéro de Polder avec des dessins de Fatmir Limani qui publiait lui aussi dans Kitoko. Que Jacmo soit ici remercié.
Devant les événements récents et ceux à venir provoqués par ce Nouvel Ordre Mondial, comme il a été qualifié, et qui a désigné l’Axe du Mal, les Bons et les Méchants. Ce qui n’est rien d’autre qu’un plan pour détruire les vieilles civilisations en les assujettissant mieux aux lois du marché. Construire du nouveau, sur les cendres de l’ancien qui obéit mieux à son maître. Il m’est apparu essentiel de republier l’ensemble de ces textes qui ont été retravaillés et auxquels des nouveaux poèmes sont venus s’ajouter, dont certains ont été publiés par Alain Boudet sur la Toile de l’un.
Bob De Groof, à qui j’ai fait part de mon projet, a tout de suite accepté de s’y investir et pendant un an il a travaillé à la gouge sur les grandes plaques de linogravure. Un tirage de tête sur velin d’Arches et au format 50 x 65 cm en a été fait à vingt exemplaires sur BFK Rives 250 grammes dans l’atelier à Fleur de Pierre par l’ami Étienne de Champfleury sur sa presse Marinoni Voiron de 1912.
Jean-Louis Massot des Carnets du Dessert de Lune qui me publie depuis Souffles en 2006 en fait ici une nouvelle édition. La maquette est de Morgane Pambrun typographe tombée dans les lettres dès sa plus tendre enfance et ensuite formée à l’école Estienne. Des expositions des 14 linogravures sont prévues dans diverses galeries à Paris, Bruxelles, Düsseldorf.
Ces textes et ces dessins sont notre façon de dire « Non à l’horreur ! »


Les auteurs :


Saïd Mohamed est né en Basse-Normandie d’un père berbère, terrassier et alcoolique et d’une mère tourangelle lavandière et asociale. Nomade dans l’âme, il est tour à tour, ouvrier imprimeur, voyageur, éditeur, enseignant à l’école Estienne. A aussi publié en poésie au Dé bleu et à Décharge dans la collection Polder, aux éditions Tarabuste.
Il a obtenu le prix Poésimage en 1995 pour Lettres Mortes, le prix CoPo pour l’éponge des mots en 2014. Boursier du CNL en 2015. Son blog : http://ressacs.hautetfort.com


Bob De Groof est peintre, collagiste, graveur-imprimeur, et photographe. Il a fait des assemblages, installations, du street art et a sculpté des totems.
Des expositions de ses œuvres ont eu lieu en Belgique, France, en Allemagne, aux Pays-Bas et aux États-Unis. À travers les années, il a exposé une quarantaine de fois individuellement et a participé à une cinquantaine d’expositions de groupe. Ses travaux se trouvent entres autres dans des collections de pays aussi divers que les États-Unis, la Russie et le Maroc.
Faisant la connaissance de Saïd Mohamed pendant leur collaboration respective au fanzine KITOKO JUNGLE MAGAZINE, plus récemment ils ont décidé de réaliser un vieux rêve : la réédition et illustration du poème apocalyptique « Le Vin des Crapauds » écrit par Saïd.
Son site : http://www.bobdegroof.eu/tekst/engels/welkom.htm

 

Pour passer commande :

http://www.dessertdelune.be/store/p826/Le_vin_des_crapaud...

 

 

12/02/2017

Agriculture industrielle : produire à mort

 

 

07/02/2017

Rencontre avec Jacques Auberger et Alexandre Gain, chercheurs au Centre National de Recherche du Vortex, pour une analyse détaillée de leurs expériences du Vortex

 

 

06/02/2017

Ni vivants, ni morts – La disparition forcée au Mexique comme stratégie de terreur, de Federico Mastrogiovanni

Métailié, février 2017

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228 pages, 18 €.

 

 

Ce livre est terrifiant, il donne la nausée et ici le macabre n’est pas juste un folklore. Le Mexique a déjà une très longue histoire de violence et de luttes, mais on aimerait croire aujourd’hui, que le pire est derrière. On se souvient notamment de la date du 2 octobre 1968, où plus de 200 étudiants sont assassinés lors d’une manifestation.

 

Le Mexique est donc une république démocratique et la population doit pouvoir faire confiance aux institutions et au gouvernement qu’elle a élu. Confiance dans les efforts du gouvernement actuel pour lutter contre le crime organisé et réduire les inégalités, protéger ses citoyens. Nombreux d’ailleurs sans doute, sont ceux qui ont confiance ou qui en tout cas n’ont pas envie de creuser au-delà du message officiel. Seulement voilà, il y a des faits et il y a des chiffres, et même si on s’en tient qu'aux officiels, ces chiffres sont déjà effarants et ils ne cessent de grimper de façon exponentielle depuis 2006. Ces chiffres sont ceux des disparus, les ni vivants ni morts, celles et ceux dont les familles ne peuvent faire le deuil, trouver un peu de paix dans la certitude de savoir au moins la vérité, pouvoir récupérer un corps, un morceau de corps, des ossements, « des lambeaux de vêtements en putréfaction », quelque chose à quoi se raccrocher, quelque chose à quoi donner une sépulture et une mémoire.

 

Sur toutes ces disparitions, le message officiel fait planer le soupçon, il y aurait eu un lien avec tel ou tel cartel. Ces derniers, donc la violence est indéniable, sont bien utiles dès qu’il s’agit de faire régner la terreur dans telle ou telle région, d’en faire partir les habitants ou de les tenir tranquilles, dénués de toutes velléités de contestation ou revendication politiques. Tout le monde se souvient de la disparition des 43 étudiants de l’école normale rurale d’Ayotzinapa, de la version officielle qui aujourd’hui encore ne tient pas la route, mais la lumière n’est toujours pas faite, et pour cause, à chaque fois, et ce dans tous les cas de disparitions forcées, les experts, les activistes, les familles des disparus, les journalistes qui cherchent la vérité, sont diffamés, intimidés, menacés et souvent disparaissent à leur tour.

 

Ce n’est pas un hasard si la carte de la violence au Mexique est étroitement liée à celle des ressources naturelles et minières, l’or notamment et actuellement le gaz de schiste, le Mexique étant la quatrième réserve mondiale. Sachant que la fracturation hydraulique nécessite une quantité phénoménale d’eau et que les gisements se situent dans le sous-sol de territoires semi-désertiques, dont les trois-quarts des ressources en eau sont nécessaires à la survie des petites exploitations agricoles, il n’est pas difficile de comprendre qui sont les gêneurs.

 

« La stratégie de nombreuses compagnies pétrolières multinationales consiste à soutenir les gouvernements autoritaires de pays riches en ressources énergétiques. En retour, les gouvernements doivent s’engager à laisser se développer, dans les zones de gisements importants, un haut niveau de violence et de terreur, avec un grand nombre d’assassinats et de disparitions, afin de faciliter le déplacement forcé des populations qui y vivent.

 

(…)

 

Dans les zones de conflit, où règnent violence et pétrole, la disparition forcée des personnes et une stratégie des plus efficaces pour semer la terreur parmi la population. Avec les assassinats massifs, la torture ou les décapitations, c’est un des éléments les plus sûrs pour que les gens abandonnent par vagues entières leurs foyers et leurs villages. »

 

 

Ce livre est le récit d’une enquête, fouillée, qui a duré des années, par un journaliste d’origine italienne qui vit au Mexique depuis 2009. Une enquête qui ne fut pas facile, dangereuse aussi bien pour l’auteur lui-même que pour les personnes qu’il a rencontrées, interrogées.

 

Il faut lire ce livre pas seulement pour tenter de comprendre ce qui se passe au Mexique, mais parce que cela nous concerne, parce qu’il est question ici d’un système, basé sur la collusion entre un état, le crime organisé et les multinationales, une corruption à tous les étages au nom d’une logique froide et assassine qui profite aux uns et aux autres, aux dépends de la population d’un pays tout entier.

 

« Mais on ne peut plus ignorer les inégalités sociales, terribles au Mexique. La pauvreté du pays a été délibérément aggravée, la richesse se concentre entre les mains de quelques-uns et il y a des millions de pauvres. En même temps, on renforce l’armée et la police, parce qu’on sait que la réaction populaire peut éclater à tout moment. (…) Les personnes non seulement sont marginalisées, mais elles sont jetables. »

 

Les cartels font le sale boulot, en échange le gouvernement ferme les yeux sur leurs affaires : drogues, prostitution, migrants, trafics en tout genre… Quoi de plus efficace pour empêcher une population de se plaindre de la politique d’un gouvernement, même s’il elle est écrasée, exploitée, dépouillée, privée de terre, d’eau, empoisonnée par la pollution et la destruction de l’environnement, que d’être cernée par des guerres de cartels, plus brutaux et sanguinaires les uns que les autres, qui font régner une violence permanente. N’importe qui peut disparaître n’importe où, n’importe quand, sans être jamais retrouvé et donc en toute impunité, il suffit de faire peser sur chaque disparu, un soupçon de lien avec le crime organisé et l’affaire est close. Des cartels qui sont aussi des groupes paramilitaires, comme les Zetas, tous des anciens militaires surentraînés. On sait ce que signifie la paramilitarisation d’un pays, souvenons-nous entre autre du Plan Colombie, le prétexte de la lutte contre les narcotrafiquants qui a servi à éradiquer la population métisse, pauvre et paysanne des territoires convoités. La peur est instillée non pas seulement par la disparition, l‘assassinat, mais par l’usage de tortures, de mutilations, d’abominations, que même les imaginations les plus aguerries envisagent difficilement.

 

Ces disparitions forcées, c’est un système, une méthode, dont le sinistre précurseur n’est autre qu’Hitler, « nuit et brouillard », ça vous rappelle quelque chose ?

 

« On n’associe pas généralement cette pratique au Mexique, alors que ces dernières années, plus de 27000 disparitions ont eu lieu dans ce pays, selon les données publiées par le Ministère de l’Intérieur au début de l’année 2013 », sachant que c’est un chiffre officiel, tout porte à croire que le chiffre réel est plus important encore, de plus il grimpe chaque année en s’accélérant et ne tient pas compte des meurtres où on n’a pas à rechercher les victimes. Sans parler des migrants qui traversent le Mexique et notamment des zones contrôlées par les cartels – des états où même un bon nombre de familles « normales » se sont reconverties dans le trafic d’humains – migrants donc qui ne ressortent jamais du pays et dont on n’a aucun chiffre.

 

Mais à la différence de ce qu’on a pu appeler la guerre sale des décennies précédentes, où bourreaux et victimes étaient clairement identifiés, la pratique des disparitions forcées, surtout depuis 2006, a pour caractéristique que celles-ci sont totalement imprévisibles. Leur point commun est « leur hasard apparent et la criminalisation des victimes » aux yeux de l’opinion publique. Ces disparitions ne sont pas considérées comme forcées, alors qu’elles sont pour la majeure partie d’entre elles « commises sur intervention directe ou indirecte, par action ou passivité, de fonctionnaires publics ». La lutte du gouvernement contre le crime organisé est une façade, illuminée par quelques arrestations spectaculaires et les médias, que ce soit « la presse à scandale, vendue 3 pesos dans le métro ou les quotidiens de référence », ne font que relayer les messages officiels. Quant aux journalistes qui veulent vraiment faire leur travail, ils font partis des catégories les plus menacées de la population.

 

Il faut donc lire ce livre, car il a demandé du courage et de la détermination, il faut lire ce livre pour toutes les familles des disparus qui vivent chaque jour cet enfer de ne pas savoir si leurs enfants, leur conjoint, leur parent, sont vivants ou morts. Il faut lire pour ne pas dire qu’on ne savait pas, pour comprendre aussi que le Mexique n’est pas un cas isolé, et que la nuit et le brouillard sont en train de s’étendre un peu partout dans le monde, à l’heure où les multinationales plus que jamais, s’adonnent à une course obscène aux ressources et aux matières premières, sans aucune morale, ni scrupule, ni aucun respect pour la personne humaine.

 

«La disparition d’une personne est une violence contre tout citoyen […] une atrocité commise directement et quotidiennement contre chacun d’entre nous.»

 

Ni vivants ni morts est un livre qui tente d’appréhender et dénoncer une réalité effroyable, ne détournons pas les yeux.

 

Cathy Garcia

 

 

Mastrogiovanni-cGiulia-_Iacolutti-300x460.jpgFederico Mastrogiovanni est un journaliste et documentariste né à Rome en 1979, qui vit au Mexique depuis 2009. Il travaille actuellement pour plusieurs magazines sud-américains, parmi lesquels Variopinto, Gatopardo, Esquire Latin America et Opera Mundi.