28/03/2017
Le ciel du dessous de Jean Azarel
la Boucherie littéraire, coll. Sur le billot
24 octobre 2016. 64 pages, 12€.
Entre paganisme et mysticisme, la frontière est charnelle et Jean Azarel la franchit allègrement dans les deux sens, et en invente d’autres, des sens, dans une langue toute personnelle et s’il nous guide, tel le lapin d’Alice, c’est pour mieux nous perdre dans la touffeur du ciel du dessous. Là où il n’y rien à comprendre, mais beaucoup à capter, à sentir, voire à renifler, que ce soit l’origine du monde, façon Courbet ou sa fin.
J’ai connu un temps
où les forêts étaient épaisses,
le gibier joyeux.
Ce qui vivait au dessus
était mû par le règne
du dessous.
Mais nulle lourdeur, et surtout nul regret, remord ou autres bestioles du genre. Juste une ode à l’animalité des corps, à la jubilation des sens et aux racines qu’ils s’en vont planter bien profond dans l’humus des forêts. Savoureuse sauvagerie.
Courez lièvre des éboulis,
que s’accouplent partout
le souple et l’indécis
dans le bruissement
des fougères.
Ce recueil est une sorte d’hommage au livre de la suédoise Kerstin Ekman, Les brigands de la forêt de Skule, pour celles et ceux qui l’auront lu (et si vous ne l’avez pas lu, alors lisez-le !). L’exultation des corps, c’est aussi la conscience qui s’envoie en l’air, paradoxe des trois cieux, dessus dessous milieu et par-dessus tête, ce qui n’empêche qu’il y a un prix à payer pour toute transgression, que le temps fait son racket et que la chair est corruptible de bien des façons, la dernière étant la plus pourrie.
L’un avec l’autre,
couchés.
Valse finissante des draps,
au mitan dépassé
de l’arbre de vie,
la chair encore si chaude
en son achèvement.
Mais qu’importe la fin, régalons-nous de poésie qui gambade fesses à l’air, y trace des signes magiques et fond tous les cieux en un seul, le poète lui n’est pas dupe, il sait bien que :
Celui qui croit écrire
ne fait que raboter
les mots trouvés
en soulevant la chape
de ses effritements.
Par bonheur, le cheminement intérieur
oublie sa fin.
Cathy Garcia
Jean Azarel est né en 1954 à Montréal au Canada. Il vit dans un village proche d'Uzès. Dans la filiation d’un père journaliste, poète et écrivain, il gribouille des petits romans policiers et des histoires de cow-boys et indiens dès l’âge de 8 ans. Il puise son inspiration dans la comédie spectacle du quotidien, la musique pop-rock et le cinéma d’auteur, la baie d’Audierne, les pentes granitiques du Mont Lozère pour fabriquer des œuvres initiatiques et éclectiques où se côtoient humour acide, témoignages de vie, et romantisme quasi mystique. L’écriture est pour lui un mode de survie où comme dans le patinage artistique les figures imposées alternent avec les figures libres.
21:25 Publié dans CG - NOTES DE LECTURE | Lien permanent | Commentaires (0)
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