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20/09/2006

PÉNALISATION DE L'AGRICULTURE SENSÉE

Entre préfecture et cathédrale, au coeur de Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor), une grande bâche accrochée aux halles de la place du Martray interpelle les passants : «Ici des paysans jeûnent, ceux qui ont choisi l'environnement sont lourdement pénalisés.» Le mouvement a été lancé il y a une semaine par la Confédération paysanne, le Cedapa (association de paysans en agriculture durable) et le GAB (groupement des agriculteurs biologiques) des Côtes-d'Armor. Sous une tente, avec couvertures et bouteilles d'eau minérale, une vingtaine de paysans qui pratiquent une agriculture durable ou biologique entourent les cinq jeûneurs du week-end. Reconductible chaque semaine, l'action entend protester contre l'application française de la nouvelle politique agricole commune (PAC), qui pénalise les pratiques soucieuses de l'environnement au profit d'une agriculture intensive, principale responsable de la mauvaise qualité des eaux, particulièrement en Bretagne.

«Absurde». «On était dans une situation déjà injuste qui a encouragé la culture du maïs fourrage, une plante très demandeuse en azote et pesticides que l'on retrouve dans les cours d'eau, alors que le recours à l'herbe, qui ne demande aucun engrais, était très peu aidé. On va institutionnaliser cette injustice», enrage Jean Cabaret, 49 ans, un des jeûneurs. Depuis 2006, chaque Etat de l'Union européenne choisit les modalités d'attribution des aides de la PAC. La France a décidé de calculer, pour chaque agriculteur, le montant de ces aides en fonction de ce qu'il touchait en moyenne en 2000, 2001 et 2002. Résultat : ceux qui cultivaient des céréales ou du maïs, subventionné 350 euros l'hectare, continueront à percevoir ces aides, alors que l'agriculture biologique ou les producteurs de lait ou de viande bovine qui utilisaient l'herbe comme fourrage, aidée seulement à hauteur de 45 euros l'hectare dans le cadre de contrats limités à cinq ans, ne toucheront plus rien, ou presque.

«C'est absurde. Même si l'exploitant qui faisait du maïs dans les années de référence ne produit plus rien, ses aides resteront inchangées», souligne Jean Cabaret. Converti à l'herbe pour nourrir ses vaches laitières dans les années 90, ce solide gaillard dit avoir eu «honte de [son] métier» en voyant la baie de Saint-Brieuc envahie par les algues vertes. Un phénomène qui est favorisé par l'azote utilisé dans la culture du maïs, qui rejoint la mer avec les eaux de ruissellement. A son côté, Laurent Petite, ex-maître nageur qui produit de la viande bovine biologique «pour ne pas empoisonner les gens», est inquiet. «Avec ma femme, on vit avec un Smic chacun. Mais avec la fin de notre contrat agroenvironnemental, en 2007, c'est 9 400 euros par an qui vont disparaître. Beaucoup de trésoreries sont fragiles et, sans aides, certains ont des soucis pour leur avenir.»

Autonomie. C'est le cas de Frédéric, 36 ans, qui a prévu de jeûner dans quinze jours si le mouvement perdure. Pour cet ingénieur agricole qui utilise des vaches laitières nourries à l'herbe, la «distorsion de concurrence» induite par le nouveau système d'aides, prévu jusqu'en 2013, va mettre son exploitation en péril. «Tout ce qu'on demande est un traitement au moins égal. Ceux qui produisent la même quantité de lait avec des cultures de maïs toucheront plusieurs milliers d'euros en plus. C'est un manque de respect total de notre travail, avec, au bout du compte, de l'argent public qui va garantir l'agriculture industrielle», dit-il.

«Pour juger la valeur d'une exploitation, certains banquiers ne raisonnent déjà plus qu'en fonction des primes auxquelles elle peut prétendre, renchérit un autre agriculteur. Des primes qui sont désormais figées et sans rapport avec la production. Les fermes qui n'ont droit à rien, souvent les plus petites et celles qui respectent la nature, ne vaudront rien.»

Tous ces paysans ont choisi l'agriculture durable pour contribuer à améliorer la qualité de l'eau et des produits agricoles, ainsi qu'une pratique de leur métier différente : les prairies, contrairement au maïs, demandent un travail moins mécanisé sur toute l'année. D'autres ont voulu également conquérir leur autonomie vis-à-vis de l'agro-industrie en n'ayant plus recours aux phytosanitaires. En cas de sécheresse ou de maladie, leur survie pourrait être franchement compromise.

(Article Libé - que je ne lis pas - 19 septembre 2006)


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