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20/02/2008

Eglise de la très sainte consommation

Mes bien chers frères consommateurs, mes bien chères soeurs consommatrices, votre calvaire est enfin terminé !
Depuis la nuit des temps en effet, les religions nous ont aveuglé en promettant un paradis après la mort, mais le véritable Paradis est ici, dans le supermarché le plus proche et cela tous les jours !

Car je vous le dis en vérité, la Véritable Réponse, celle qui soulagera enfin votre âme et votre portefeuille, celle qui effacera vos doutes et vos peurs, celle qui occupera votre vie de la naissance à la tombe, cette réponse mes frères, cette unique voie, est celle de la Croissance Éternelle!

Et c'est pour cela que l'Église de la Très Sainte Consommation (TM) existe: pour vous aider, pour nous aider tous autant que nous sommes à répandre la parole du bonheur par la consommation.
Suivez nos guides: prions ensemble le Dieu Travail et la Déesse Croissance, car c'est pour et par eux que nous nous épanouissons!

Alors vous aussi, célébrez la Consommation en organisant vos propres actions prières devant les Temples urbains et répandez la Sainte Parole

http://www.consomme.org/

pendant la morte saison

En France il y a un scandale dont personne ne se fait l’écho, sans doute pour de basses raisons politiques.
Il était donc du devoir de « Traction-brabant » de rompre ce silence pesant pour dénoncer le sort injuste fait au teckel dans notre société dite sans tabous.
Bien qu’il s’agisse, surtout dans sa déclinaison à poil ras, d’un chien noble par excellence, la plupart des gens continue à le dénommer boudin sur pattes, jugeant cet animal sur son apparence.
Jean-Marc Agrati lui-même, dans son recueil de nouvelles « Ils m’ont mis une nouvelle bouche »[1] écrit, je cite : « C’est un teckel femelle dont le nom veut dire source en tahitien. Une vraie loose. J’aurais voulu un vrai chien, un tueur, mais au lieu de ça, j’avais ce quart de portion qui me suivait partout ».
Et qui va s’occuper des cafards ? Le teckel pardi !
Je m’insurge contre de tels propos qui dénotent l’irresponsabilité de certains de nos concitoyens, laissant leurs enfants se faire dévorer par des dogues allemands. Un teckel, lui, ne peut gober un enfant, sinon son ventre raboterait la terre.
Il n’empêche… C’est un formidable chasseur de taupes. Et dieu sait qu’il y en a et qu’il y en aura de jour en jour davantage, des taupes, dans notre pays.
Si d’autre part, vous n’avez pas besoin de lui pour chasser les gros blaireaux, c’est votre affaire. Ça vous serait pourtant bien utile en maintes circonstances. Essayez de faire pareil avec un Saint Bernard. Il restera comme un con devant le trou.
Bref, je ne vois pas pourquoi le chien devrait être un signe extérieur de richesse énorme, le 4/4 du foyer en quelque sorte.
Et d’abord, si jamais votre teckel demeure improductif un temps, pour qu’il récupère de ses battues, vous pouvez le disposer le long de votre porte-fenêtre pour vous isoler des courants d’air pendant la morte saison.
 
 
P.M.
 

[1] Les Editions Hermaphrodite 30 rue Patton 54410 Laneuveville-devant-Nancy et http://hermaphrodite.fr





Lieu du larcin : Traction Brabant n°22 - Février 2008

16/02/2008

Touche pas à mon fromage !

Ou comment en finir avec le fromage fermier ….et avec…les paysans ?
Les fromagers fermiers occupent, crime impardonnable, une part du marché : cela porte ombrage aux Lactalis, Lepetit, Danone et autre Président.
Interdire le fromage fermier soulèverait sans doute quelques remous, d’autant plus que l’image de ce dernier, via l’interprofession*, est utilisée par les industriels comme une vitrine.
Il faut donc trouver une solution : conserver le mot « fromage fermier » mais faire en sorte que celui-ci ne soit plus produit que par très peu de fromagers, fermiers de nom, mais industriels de pratique.
Allez vous trouver une solution à ce casse-tête, chers lecteurs ?
Je crains que non car, sauf vot’ respect, vous n’avez pas une imagination aussi fertile que la DGCCRF** (comprenez « les fraudes »).
Et cependant, c’est si simple : un tout petit morceau du « Décret Fromage » va permettre de tordre le coup à ces gêneurs, sans que cela provoque le moindre soulèvement populaire.
Pourquoi s’insurger quand on veut « informer le consommateur », « le rassurer » ? C’est sacré, l’information du consommateur ! (Sauf pour les résidus de pesticides et autres métaux lourds voir antibiotiques ou OGM inférieurs à 0,9% - ce serait là une mise en danger de l’agroalimentaire, de l’industrie chimique, grands bienfaiteurs de notre société).
Voici donc la solution à l’énigme :« La matière grasse d’un fromage doit être exprimée en teneur de matière grasse pour 100 grammes de produit fini. »(Applicable au1/12/07)
Mais, voilà le hic : le fromage fermier est un produit dont la composition varie selon les saisons, les animaux, le degré de dessiccation.
Quand tu as une usine à fromage, tu écrèmes ton lait (ou tu ajoutes de la crème) de façon qu’il ait un taux de matière grasse bien défini avant la fabrication du fromage. 
Quand tu es éleveur fromager fermier (ce qui veut dire que tu transformes le lait produit sur ta ferme, selon des méthodes traditionnelles), tu transformes un lait qui varie selon les saisons, qui est différent d’un élevage à un autre. Bref, ton produit varie en fonction de la nature (quelle horreur ! stérilisez- moi ça !)
Le producteur fermier devra donc effectuer des analyses extrêmement fréquentes, posséder un jeu d’étiquettes innombrables : comment supportera t’il ce surcoût de frais et ce surcroît de travail ? Seules pourront résister les très grosses exploitations, fermière par l’image mais industrielles dans la pratique.
Juste une histoire d’éleveurs ?
Pas sur ! Un jour viendra où l’on fera analyser la teneur en sucre de vos grappes de raisin, grain par grain évidemment. Normal, un diabétique pourrait être incommodé ou un pèse–personne révéler un surpoids dont vous serez tenus pour responsables.
La saisonnalité ? Juste un mot pour les marketteurs !
Dans la réalité qui est là, devant nous, c’est la standardisation totale au profit de l’industrie agroalimentaire et de ses fournisseurs.
Ce n’est pas une histoire de bonne bouffe ou de malbouffe.
C’est l’histoire d’une déshumanisation, d’une dénaturation qui n’épargnera personne.


Marie-Hélène Chambrette
*Interprofession= ANICAP, Association Nationale Interprofessionnelle Caprine (association interprofessionnelle nationale).
** Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes


Selon une « Etude de la variabilité du taux de matière grasse des fromages fermiers de chèvre et de brebis en région PACA » menée par le Centre Fromager de Carmejane, les fourchettes observées en teneur de matière grasse varient de 15% à 45%

Tchernobyl, la catastrophe continue

Pour les «liquidateurs» c'est déjà de 25 000 à 100 000 morts et plus de 200 000 invalides, et pour les populations exposées à la contamination un bilan qui sera selon les estimations de 14 000 à 560 000 morts par cancers, plus autant de cancers non mortels.

 

A la ferme du kolkhoze Petrovski, on m'a montré un porcelet dont la tête ressemblait à celle d'une grenouille: à la place des yeux il avait des excroissances tissulaires où l'on ne distinguait ni cornée ni pupille.
- C'est un de nos nombreux monstres - m'a expliqué Piotr Koudine, vétérinaire du kolkhoze - Ordinairement, ils meurent sitôt venus au monde, mais celui-là vit encore.
La ferme est petite: 350 vaches et 87 porcs. En cinq ans avant l'accident nucléaire, on n'y a enregistré que trois cas de monstruosité parmi les porcelets et pas un parmi les veaux. En un an après l'accident, il y a eu 64 monstres: 37 porcelets et 27 veaux. Dans les neuf premiers mois de 1988: 41 porcelets et 35 veaux. Ces derniers naissent le plus souvent sans tête ni extrémités, sans yeux ou côtes. Les porcelets sont exophtalmiques, ont le crâne déformé, etc.
- Et que disent les savants ? à Kiev, on a créé un institut spécial de radiologie agricole.
- Ils n'ont pas manifesté un intérêt particulier pour notre ferme, m'a répondu Piotr Koudine. Ils ont examiné plusieurs cadavres de nouveau-nés monstrueux et déclaré que ce phénomène pouvait être provoqué par des centaines de causes n'ayant rien à voir avec la radiation. Je suis vétérinaire, donc je le sais moi aussi, mais les statistiques de la monstruosité m'obligent à distinguer une cause bien déterminée. Car les fourrages sont produits par des champs contaminés par les radionucléides. Et puis, les responsables du stockage refusent notre bétail car les doses de radiations qu'il a reçues sont supérieures à la norme.
La porchère ayant sorti le porcelet monstre pour que je puisse le photographier, m'a dit, les larmes aux yeux:
- Ma fille vient de se marier. Comment sera mon petit-fils ?

Extrait de l'article «Les séquelles»,
Les Nouvelles de Moscou,
édition française du 19/2/1989
.


Comment seront les enfants ?
- Des éléments de réponse avec le reportage de Paul Fusco "Les oubliés de tchernobyl" qu'aucun magazine à part Photo de septembre 2001, n'a eu le courage de publier:

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1) Minsk, Biélorussie 1997. Scène quotidienne dans l'asile Novinski. Ce jeune garçon hurle tandis que ses amis jouent dehors.
2) Hôpital des enfants cancéreux, Minsk, Biélorussie 2000. Vova sait qu'il est gravement malade. Malgré l'amputation, son état ne s'est pas amélioré.
3) Foyer pour enfants, Minsk, Biélorussie 2000. Alla tient dans les bras un enfant de 2 ans dont le cerveau se trouve dans l'excroissance.
4) Asile Novinski, Minsk, Biélorussie 1997. Ces enfants ne peuvent pas se tenir debout et sont nourris par terre.

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5) Asile Novinski, Minsk, Biélorussie 1997. Cet asile est le principal centre d'accueil pour enfants contaminés en Biélorussie.
6) Foyer pour enfant, Minsk, Biélorussie 2000. Cet enfant de 3 ans est là depuis sa naissance. Il est inopérable: l'excroissance contient ses reins
7) Orphelinat pour enfants abandonnés, Gomel, Biélorussie 1999. Sasha, 5 ans, souffre d'une quasi absence de système lymphatique. Son organisme produit des toxines que sont corps ne peut donc plus éliminer.
8) Asile Novinski, Minsk, Biélorussie 1997. Cet enfant est en état de terreur constant.

12:00 Publié dans NUCLEAIRE | Lien permanent | Commentaires (0)

15/02/2008

Atelier fer, poste du matin


Le vent déploie ses pansements de tulle gras
sur les blessures des songes métalliques.
Légers coups de burin
contre les roches friables de l’esprit
fissures érosion
rien ne persiste vraiment
des normes giratoires des simagrées sociales.
Ma vie coincée entre les mors de l’étau
je fraise l’angle des émotions
je serai mort depuis longtemps
sans cette précision de l’ajustage.
limailles de l’ébarbage des années
poussières amas du moi
entassées dans des caisses de conventions.
Le peu de soi écrasé par la frime
des non-dits condescendants
le peu de soi autre que point sur des graphiques idiots
le peu de soi autre que chiffre à sondage
le peu de soi assourdi par la si publicitaire normalité.
Ce peu de soi quotidien dans les salles d’attente
de l’extraordinaire et de la solidarité
comme un apprentissage du merveilleux
PARLE Camarade
Ne te tais plus

Bruno TOMERA
posté mardi 12 avril 2005
Lieu du larcin : http://revoltes.free.fr/

05/02/2008

J'ai lu la Supplication de Svetlana Alexievitch

Tchernobyl, chroniques du monde après l’apocalypse (Tchernobylskaïa molitva, Russie, 1997 – JC Lattes 1998) 

Il faut lire ce livre, ces paroles de l'Après... Il le faut parce que dans un pays qui prêche, prône et vend à qui mieux mieux le nucléaire, il faut savoir, savoir la folie, la monstrueuse folie d'une telle technologie. Tchernobyl la ville des roses, Tchernobyl "réalité noire",  Tchernobyl oubliée, les enfants de Biélorussie, cobayes d'un dantesque laboratoire à ciel ouvert, Tchernobyl, le grand mensonge, Tchernobyl miroir où l'on peut lire l'avenir... Parfois en lisant la Supplication, la conscience veut s'échapper, s'imaginer dans un roman d'anticipation, fiction démente... Mais il s'agit bien de réalité, une réalité pour des milliards d'années... Tchernobyl... Il faudrait lire la Supplication en buvant des litres de vodka pour tenter de croire encore en des lendemains meilleurs... C.G.
*

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Extrait :


Monologue à deux voix pour un homme et une femme

Nina Konstantinovna et Nikolaï Prokhorovitch Jarkov. Il enseigne le travail manuel et elle, la littérature.
Elle : " J'entends si souvent parler de la mort que je ne vais plus aux enterrements. Avez-vous entendu des conversations d'enfants sur la mort ? En sixième, ils se demandent si cela fait peur ou non. Il n'y a pas si longtemps, à leur âge, ils voulaient savoir comment naissent les bébés. Maintenant, ils s'inquiètent de savoir ce qui se passerait après une guerre atomique. Ils n'aiment plus les oeuvres classiques : je leur récite du Pouchkine et ils me regardent avec des yeux froids, détachés... Un autre monde les entoure... Ils lisent de la science-fiction. Cela les entraîne, dans un monde différent, où l'homme se détache de la terre, manipule le temps... Ils ne peuvent pas avoir peur de la mort de la même manière que les adultes... Que moi, par exemple. Elle les excite comme quelque chose de fantastique.
Je réfléchis à cela. La mort tout autour oblige à penser beaucoup. J'enseigne la littérature russe à des enfants qui ne ressemblent pas à ceux qui fréquentaient ma classe, il y a dix ans. Ils vont continuellement à des enterrements... On enterre aussi des maisons et des arbres... Lorsqu'on les met en rang, s'ils restent debout quinze ou vingt minutes, ils s'évanouissent, saignent du nez. On ne peut ni les étonner ni les rendre heureux. Ils sont toujours somnolents, fatigués. Ils sont pâles, et même gris. Ils ne jouent pas, ne s'amusent pas. Et s'ils se bagarrent ou brisent une vitre sans le faire exprès, les professeurs sont même contents. Ils ne les grondent pas parce que ces enfants ne sont pas comme les autres. Et ils grandissent si lentement. Si je leur demande de répéter quelque chose pendant le cours, ils n'en sont même pas capables. Parfois, je dis juste une phrase et leur demande de la répéter : impossible, ils ne la retiennent pas... Alors, je pense. Je pense beaucoup. Comme si je dessinais avec de l'eau sur une vitre : je suis seule à savoir ce que représente mon esquisse. Personne ne le devine, ne l'imagine.
Notre vie tourne autour... autour de Tchernobyl. Où était Untel à ce moment-là ? À quelle distance du réacteur vivait-il ? Qu'a-t-il vu ? Qui est mort ? Qui est parti ? Pour où ? Je me souviens que, dans les premiers mois après la catastrophe, les restaurants se sont de nouveau remplis. Les gens organisaient des soirées bruyantes... "On ne vit qu'une seule fois...", "Quitte à mourir, autant que ce soit en musique". Des soldats, des officiers sont venus. Mais Tchernobyl est désormais tout le temps avec nous... Une jeune femme enceinte est morte soudain, sans cause apparente. Le pathologiste n'a pas établi de diagnostic. Une petite fille de onze ans s'est pendue. Sans raison. Une petite fille... Et quoi qu'il arrive, les gens disent que c'est à cause de Tchernobyl. On nous dit : "Vous êtes malades parce que vous avez peur. À cause de la peur. De la phobie de la radiation." Mais pourquoi les petits enfants sont-ils malades ? Pourquoi meurent-ils ? Ils ne connaissent pas la peur. Ils ne comprennent pas encore.
Je me souviens de ces jours... J'avais la gorge irritée et me sentais lourde. "Vous vous faites des idées sur votre santé, m'a dit le médecin. Tout le monde se fait des idées à cause de Tchernobyl." Mais non, je me sentais réellement mal, avec des douleurs partout et les forces qui m'abandonnaient. Mon mari et moi étions gênés de nous l'avouer l'un à l'autre, mais nous commencions à perdre l'usage de nos jambes. Tout le monde autour de nous se plaignait, même nos amis, de ne plus avoir la force de marcher, d'avoir envie de s'allonger au milieu de la route. Les élèves étaient avachis sur les tables et perdaient connaissance pendant les cours. Tout le monde était devenu sombre. On ne rencontrait plus de gens souriants, de visages sympathiques. Les enfants restaient à l'école de huit heures du matin à neuf heures du soir. Il leur était strictement interdit de jouer dehors, de courir dans la rue. On leur avait distribué des vêtements : une jupe et un chemisier aux filles, un costume aux garçons, mais ils rentraient chez eux dans ces vêtements et l'on ne savait pas où ils traînaient avec. Normalement, les mères devaient laver ces vêtements chaque jour, de manière à ce que les enfants aillent tous les matins à l'école avec des habits propres. Mais on n'avait pas distribué de vêtements de rechange. De plus, les mères avaient leurs tâches domestiques. Elles devaient s'occuper des poules, des vaches, des cochons... Elles ne comprenaient pas pourquoi elles devaient se charger de ce surcroît de travail. Pour elles, des vêtements sales devaient porter des taches d'encre, de terre, de graisse et non des isotopes à courte période. Lorsque j'essayais d'expliquer la chose aux parents d'élèves, j'avais l'impression de leur parler en bantou. "Qu'est-ce que c'est que cette radiation ? On ne l'entend pas, on ne la voit pas... Mais moi, je n'ai pas assez d'argent pour finir le mois. Les trois derniers jours avant la paie, nous ne mangeons que des pommes de terre et du lait. Laissez tomber..." Et la mère faisait un geste las de la main. Or, justement, on a interdit de boire le lait et de manger les pommes de terre de la région. Les magasins étaient approvisionnés en conserves chinoises de viande et en sarrasin. Seulement, les villageois n'avaient pas assez d'argent pour se les payer. Les consignes étaient destinées à des individus cultivés. Elles supposaient une certaine éducation. Or cela manquait cruellement ! Le peuple pour qui les instructions étaient rédigées n'existe pas chez nous. Et il n'est pas si simple d'expliquer la différence entre un röntgen et un rem... De mon point de vue, je qualifierais ce comportement de fatalisme léger. Par exemple, la première année, il était interdit de consommer ce qui poussait dans les potagers. Et pourtant, non seulement les gens en ont mangé, mais ils en ont même fait des conserves. De plus, la récolte était extraordinaire ! Comment expliquer que l'on ne peut pas manger ces cornichons ou ces tomates... Cela veut dire quoi : on ne peut pas ? Leur goût est normal et ils ne donnent pas mal au ventre... Et personne ne "brille" dans l'obscurité... Pour changer leur plancher, nos voisins ont utilisé du bois local. Ils ont mesuré : la radiation était cent fois supérieure à la normale. Vous croyez qu'ils ont démonté ce parquet pour le jeter bien loin ? Pas du tout, ils ont vécu avec. Les gens se disent que tout cela va se calmer et finir par s'arranger tout seul. Au début, certaines personnes apportaient des produits alimentaires aux dosimétristes. Le niveau de radiation dépassait systématiquement la norme des dizaines de fois. Mais l'habitude a été vite perdue. "La radiation, on ne la voit pas, on ne l'entend pas. Ce sont des inventions des scientifiques !" Les choses ont repris leur cours : les labours, les semailles, la récolte... L'impensable s'est produit : les gens se sont mis à vivre comme avant. Renoncer aux concombres de son potager était plus grave que Tchernobyl. Pendant tout l'été, les enfants ont été forcés de rester à l'école. Les soldats l'ont lessivée à fond et ont enlevé une couche de terre autour d'elle. Mais, à la rentrée, on a envoyé ces écoliers récolter les betteraves, ainsi d'ailleurs que des étudiants et des élèves des écoles techniques. Ils étaient tous forcés d'y aller. Tchernobyl était moins grave que de laisser des légumes non récoltés dans les champs...