29/11/2019
Marche avec les loups, documentaire de Jean-Michel Betrand (2019)
A la suite du film "La Vallée des loups" de Jean-Michel Bertrand, sorti en 2016, dont l'ASPAS était partenaire, plusieurs questions se sont posées sur ce que deviennent les loups qui quittent la meute et comment ils font pour survivre. C'est ainsi qu'a été imaginée "La Marche des loups". Cette suite singulière nous plonge pendant des mois aux côtés du même Jean-Michel Bertrand qui mène une véritable enquête pour comprendre comment les jeunes loups quittent le territoire qui les a vus naître et la façon dont ces aventuriers partent à la conquête de nouveaux horizons. Ce voyage se déroule comme un road-movie à travers les régions les plus reculées des Alpes.
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23/11/2019
AINIELLE, LA MÉMOIRE JAUNE
Je suis tombée sur cet article sur ce très beau site de Vincent Duseigne : http://tchorski.morkitu.org/2/3202.htm qui m'a aussitôt fait penser à un court mais magnifique et bouleversant roman : La Lluvia amarilla de Julio Llamazares et pour cause...
VOYAGE DANS L'ÉLOIGNEMENT
LES VILLAGES ABANDONNÉS DU SOBREPUERTO
Ce très vaste documentaire concerne les montagnes du Sobrepuerto, dans la province de Huesca, Alto Aragón, au sein des Pyrénées espagnoles. C’est un rectangle d’une immense surface, qui s’est vu désertifié dans les environs des années 60 (cela fut graduel de 1950 à 1973). Dans ces forêts subsistent des villages abandonnés relativement nombreux, comme cela est le cas dans la Sobrarbe, Soria, Zaragoza, etc.
Les lieux furent sous les feux de la rampe lorsqu’en 1988, l’écrivain Julio Llamazares réalisa un roman : La pluie jaune (La lluvia amarilla), qui décrit la vie fictionnelle du dernier habitant d’Ainielle : Andrés de Casa Sosas. Ce livre est éminemment conseillé à tout passager de ce site, pour l’intensité des propos, la vérité crue et l’immense poésie amère de ce texte. Les derniers habitants d’Ainielle furent Angel Azón et Rosalia Azón, qui ont déménagé à Sabiñanigo. Le dernier habitant à quitter le Sobrepuerto était alors domicilié à Cortillas.
Il existe une immensité de documentaires sur le Sobrepuerto, sur les pueblos deshabitados et sur la Lluvia amarilla, à tel niveau que l’on peut quasiment se dire qu’il n’y a plus rien à ajouter. Le texte de Llamazares est à ce point une épure qu’il ne faut assurément rien adjoindre, ce serait des lignes d’empoisonnement. Quant aux traits non fictionnels, les études qui furent menées sont si tant complètes qu’elles en sont remarquables (historique, ethnologie, géographie, etc). Nous conseillons à ce titre les ouvrages d’Enrique Satue Oliván, ainsi que « El guia de Sobrepuerto », un ouvrage collectif remarquablement bien documenté (José María Satué, Adolfo Castán, Enrique Satué, José Miguel Navarro, Juan Carlos Ascaso, Ánchel Belmonte, Jesús Sánchez, Ricardo Blanco).
Deux sites font le point sur le dépeuplement, celui de Cristian Laglera et celui de Faustino Calderón. Le premier site internet est assorti de deux livres sur le sujet (en 2014).
Pour autant que ce sujet ait été étudié, il existe peu – voire très peu – de photos sur le sujet. De simples recherches sur internet permettent de déterminer au minimum que c’est un thème très peu parcouru. Hormis Ainielle, les livres de souvenirs témoignent bien que sont rares les gens qui se promènent par là. Il est vrai que plus d’un accès se trouve rédhibitoire.
Ces pages présentent donc le Sobrepuerto comme un récit de passage. Je n’oserais dire de voyage – préférant passage, car le plus généralement, on voyage dans le but de visiter, voir des lieux insolites, apprendre. Ici, la finalité était relativement autre (bien que la curiosité ne soit certainement pas exempte) ; il s’agissait surtout et avant tout d’un pèlerinage. Nul de ces anciens habitants n’a besoin d’un hommage, voire même d’un piédestal. Leurs vies étaient simples, agricoles, en communion avec la nature, dure aussi certainement. Pour certains, ils ont vécu un arrachement à quitter les lieux. Jamais jamais jamais ils ne pouvaient se résoudre à partir. Mais, lorsqu’on se retrouve les derniers comme les parents d’Enrique Satué, la solitude commence à faire un peu peur. C’est vrai qu’on est loin de tout.
Nombreux furent ceux qui ont parcouru les sentiers en pèlerinage après La lluvia amarilla. Notre chemin se situe à la frontière d’un peu tout ça, à se dire ici il y eut tant de vie ; des décennies passées à paver les chemins, construire les murets et les maisons, s’occuper des terres. Aujourd’hui il n’en reste pas loin de plus rien. Quel gâchis (peut-être ?), la nature reprend ses droits, les vautours planent au-dessus des terrasses éventrées par les ajoncs, les buis sentent fort dans les pentes abruptes. Que pouvons-nous critiquer, estimer, deviner ? Quel est notre droit de regard ? Sommes-nous assez humbles ou notre vision comporte encore quelque part un soupçon de jugement ?
Nous espérons que la beauté de ces lieux vous fera vibrer. C’est bien là tout.
Ce documentaire est dédié à Pascual Sanromán Sampietro, de Casa Royo. Après tout, on lui doit bien ça !
Cela fait 16 ans que le voyage devait être effectué. De telles valeurs font peur ! Et pourtant, c’est bien cela, une longue attente à laquelle en fin de compte, on ne pense plus trop.
Au tout départ, c’est d’abord compliqué de se localiser dans cette immensité, les cartes ne sont autres que de très grands espaces verts : de la forêt, parcourue par quelques sentiers au tracé flou - quelquefois ça va nulle part. Le tunnel de Cotefablo sert de repère. Assez bêtement, on sait qu’à partir de là, quelques encablures au sud nous font plonger dans le cœur du sauvage Sobrepuerto. Les villages sont repérés un à un : Oliván, Susín, Berbusa, Ainielle, Otal, Bergua, Escartín, Cillas, Cortillas, Basaran, Sasa, Yosa. Ces noms inconnus, aux consonances sympathiques, deviennent peu à peu des toponymies habituelles et en quelque sorte des buts. Sans jamais y avoir mis un pied, on commence à se dire qu’on maitrise la situation. On voit, se projette, imagine, échafaude.
Et puis le jour arriva. Le trajet est long, c’est chose sûre. Ce n’est pas la porte à côté depuis la Belgique.
Tout est repéré depuis des lustres et lorsque l’on passe devant l’église d’Oliván, on se flatte assez stupidement de la reconnaître comme si elle était une vieille amie. Sans nul doute, la piste qui démarre vers Susín est aussi un paysage connu. A ce titre, c’est à ce point poussé loin qu’on s’étonne de ne plus voir la barrière au dessus du barranco de Oliván ; elle a disparu on ne sait où ni pourquoi. A peine passé le rio Gallego, Josette le GPS se perd complètement dans le vert. Dès à présent, on se dit que c’est bon signe. Au revoir la civilisation agitée, stressée et bruyante ! C’est d’ailleurs devenu une expression : on est dans le vert signifie qu’on est loin de tout, perdu et bien. Finalement, serait-ce quelque part dans le Sobrepuerto ?
Le sac est prêt, nous partons. Nous attendions-nous à ne voir personne durant ces grandes journées de balades ? Quelque part oui. On s’interrogeait franchement si ça allait être le cas, ce le fut.
Le chemin est long, c’est le moins qu’on puisse dire. Quel que soit l’endroit, c’est toujours très isolé. La plus grande inquiétude était de trouver des sentiers refermés par la végétation, surtout du fait que les cartes IGN espagnoles sont souvent lacunaires en matière de chemin – et franchement pas que dans El Serrable de Sobrepuerto. La végétation espagnole est de deux types : soit très-dense-du-genre-impénétrable, soit piquante-version-musclor. Autant dire qu’il faut tout de même rester attentif. De tous les parcours dans le Sobrepuerto, le paysage a été semblable : une immense immensité déserte d’activité humaine présente. C’est une merveille de forêts quasiment vierges de passages. En plus d’un lieu on se dit : mais qui vient là ? En réalité dès que l’on sort un tout petit peu des chemins, la réponse est réellement plus personne.
De ces chemins longs et très jolis, malgré les distances rédhibitoires je le redis, pas un ne fut réellement insurmontable, sauf peut-être Otal qui fut certainement quand même assez difficile. A chaque pas revient le souvenir des gens d’antan : un mur effondré qui servait à délimiter les propriétés, un muret tout joli qui servait à ce que les bêtes ne tombent pas dans le précipice, des terrasses éventrées par la végétation, par-ci ou par-là aussi souvent une petite borie. Sans exagérer, rien de plus. En fait, la nature a beaucoup regagné ses droits, peut-être même ne les a jamais-t-elle perdus.
Et puis à un moment, le village apparait.
Quelquefois tout d’un coup, après avoir passé un semblant de porte marqué par quelques pierres au sol, ou bien majestueux s’offrant sur les pentes du versant opposé.
Les hameaux ne m’ont jamais paru être la tristesse écrasante d’une pluie jaune. Les rares discussions des anciens, dans ça ou là quelques reportages, non plus. Certainement il y eut une très grande sensation d’arrachement, oui probablement ces gens ont perdu quelque chose de leurs eux-mêmes. Ils ne voulaient absolument pas partir ; pour certains, ils y furent contraints par la situation. La pluie jaune raconte la fiction de quelqu’un qui se serait entêté, jusqu’au bout, à rester après le départ des autres. Cela n’existât pas, mais combien cela aurait pu être possible.
Les villages m’ont paru être une gigantesque solitude. Avant tout c’est loin. Puis c’est silencieux. Puis il n’y a rien alentours. Puis oui, certainement, c’est totalement abandonné. Mais par-dessus ces choses là, banales en quelque sorte, il y a la solitude. Une solitude dense et palpable, un isolement du monde, un exil, une séparation du monde, un retranchement violent, vivant et volontaire. Les villages sont très loin d’être âme-morte. On est là-bas dans un ailleurs, qu’on quitte tous, je dis tous, avec peine, non pas fulgurante, mais bien présente tout de même. Jamais cela dans un village vivant : Broto, Oto, voire même la bruyante Torla. Ici on pourrait quasiment dire : Otal, Escartín, Ayerbe, on sait ce qui est perdu pour ainsi dire à tout jamais, et le peu qui reste en devient précieux. C’est en ça qu’il est dur de repartir. Et pourtant, c’est contradictoire, on n’y habiterait pas.
Ces retraites dans la solitude profonde amènent un sens à ce que l’on voit ; on n’est plus au cœur d’un bien qui appartient à tout le monde, le lieu appartient ici à ceux qui le recherchent vraiment. On n’arrive pas là, jamais ô jamais, par le fruit du hasard. La quête est longue, il y a quasiment un sentiment de mérite, même si en réalité c’est quelque chose d’un peu ridicule.
Les terres sont parcourues par des troupeaux de vaches qui sont, elles, pas loin d’être abandonnées. On a l’impression que les bêtes sont lâchées en montagne, sans soins et sans attention, et on verra bien qui rentre à la fin de la saison. Les vaches, innombrables, défoncent les portes des maisons et utilisent les rez-de-chaussée comme étables. Leurs sabots fouillent, affouillent, détruisent. Ces animaux sont meurtriers envers les maisons, qui ne cessent de souffrir. Dans ces niveaux bas, parfois quarante centimètres d’épaisseur de bouses jonchent le sol. Ces (gros) bovins achèvent ce qui est déjà fragile. Les bêtes ruminent sous des planchers en décomposition, des poutres arrachées, des toits entiers branlants.
Lorsque l’une ou l’autre périt, alors de grands groupes de vautours s’amassent sur la proie. Immenses et beaux en vol, les vautours tournoient lentement dans le ciel, s’élevant au fil des courants ascendants.
Bien des maisons sont en état de ruine. C’est quelquefois si avancé que c’est avec difficulté qu’on perçoit ce que pouvait être l’habitation. Les orties dévorent les pierres, les sureaux défoncent les murs pantelants, les ronces fabriquent d’énormes taillis impénétrables. Au sein de cette végétation luxuriante se nourrissant de la mort du village, un rouge-queue lance son cri amusant entrecoupé d’une décharge électrique. Aussi, une fauvette lance son tictictic obsédant et inquiet, tandis que sur les lauzes instables d’un toit, un corbeau nous regarde, à la fois curieux de la présence et soucieux de cet intrus peu fréquent.
Au loin, les cimes sont familières : le Pelopín, l’Erata, le Yésero, la Manchoya. Bien qu’aimées, ces montagnes ne sont jamais amies non plus. Elles sont des obstacles. Le Pelopín ressemble si tant au fond d’écran par défaut de Windows XP, on en vient à se dire qu’on fait un voyage de geek. Passée cette aparté, le voyage de retour est également très long, inévitable, lourd de beaux souvenirs. Le puerto d’Otal est un lieu d’isolement lui aussi, car qui vient en cet endroit où l’on atterrit qu’en se perdant par pure mégarde ?
Durant le long trajet de retour, je me suis demandé comment j’allais parler de ces villages. Je ne trouvais pas de solution satisfaisante. Par fiction, par description méticuleuse ? Que faire… Je me refusais à ne pas en parler, non plus, car ce serait une omission, une véritable triste omission. Non ces lieux n’ont rien fait pour mériter l’oubli. Alors, je n’ai trouvé aucune autre manière d’aborder le sujet si ce n’est ce que ce fut, le récit d’un passager attentif. Attentif au silence d’un lieu effacé. Sur les cartes, il n’apparait plus rien. Les noms ne figurent plus. On est dans le vert, comme dirait Josette.
Il y eut dans cette absence momentanée – le lieu où la carte est vide – une transfiguration, ce qui de par la définition signifie transformer en rendant beau. Il est bon de temps à autre de s’éloigner du monde, ce dont j’espère ces quelques pages témoigneront.
0:00 - Oto, un rougequeue chante brièvement sur la place du village, déserte à cette heure.
0:57 - Oto, un groupe de jeunes hirondelles réclame de la nourriture aux parents, fort affairés. Au fond, des villageois couvrent le toit d'une vieille voiture avec du bois.
2:17 - Otal, un troupeau de vaches lointain sillonne les terrasses, nous sommes à l'approche du village.
3:02 - Otal, des vaches occupent une maison abandonnée et s'en servent d'étable.
5:55 - Le moulin d'Ainielle ; on y entend le bruit du barranco del Molino et le vent dans les peupliers.
7:50 - Bergua, des oiseaux chantent dans les fourrés, alors que nous arrivons au village.
9:30 - Escartín, des veaux ont investi une ancienne aire de battage des blés, ils ruminent paisiblement dans le silence des lieux abandonnés.
11:09 - Ayerbe de Broto, une courte pluie toute fine tombe sur un champ de chardons.
14:44 - Ayerbe de Broto, des oiseaux ont investi une ancienne étable croulant sous le poids des ans.
16:38 - Artouste, un grand troupeau de moutons s'approche lentement.
18:50 - Artouste, quelques vaches paissent tranquillement dans la beauté des pentes.
21:00 - Bramatuero, dans un lieu fort sauvage, les vaguelettes du lac s'éteignent sur la pente abrupte.
22:17 - Parzán, un criquet et des grillons dans un bosquet de buis.
24:03 - Néouvielle, lac d'Aumar, des vaguelettes font un son très étrange sur la berge rocheuse.
26:15 - Parzán, circo de la Barrosa, un ruisseau descend lentement la pente bordée de gentianes.
28:07 - Broto, après plusieurs heures de menaces, un orage nocturne secoue la vallée.
Durée : 42:52
Le documentaire "Ainielle tiene memoria".
Il faut passer outre les premières secondes de musique insupportable de truc à la mode...
Sinon c'est relativement intéressant, ils ont été à la rencontre des Azón, qu'on voit dans le village.
En fait, le documentaire commence à 4mn45. Avant c'est stérile.
©Vincent Duseigne
12:37 Publié dans RÉSONANCES | Lien permanent | Commentaires (0)
La colonie pénitentiaire du Luc
Source :
http://tchorski.morkitu.org/15/luc.htm?fbclid=IwAR0b_M0SG...
L’image ci-dessus est un lien qui mène vers le reportage le plus complet réalisé à ce jour au sujet du bagne du Luc, y compris en considérant des publications plus anciennes. L’historique de ce lieu est extrêmement bien documenté par l'auteur, ce pourquoi cette page ne sera qu’un bref rappel des principaux faits historiques. Le seul apport nouveau de notre document est un essai de photographie panoramique de l’aven et une photo qualitative de l’escalier. Le document de Baguenaudes est complet dans le sens où de nombreuses recherches ont été faites et la colonie pénitentiaire a été visitée.
Cette page est un petit documentaire un peu particulier. Il s’agit d’une brève description de la colonie pénitentiaire du Luc, ou encore colonie agricole du Luc, sur la commune de Campestre-et-Luc, dans le Gard en France. Les lieux sont plus connus sous les noms de l’abîme de Saint-Ferron ou encore l’abîme de Saint-Ferréol. Ce lieu se situe au cœur du petit causse de Campestre, qui fait partie du grand causse du Larzac.
Il s’agissait d’une colonie pénitentiaire pour enfants.
Bref historique
Le Roquefort est un fromage qui s’obtient à partir du brebis au lait cru. Ce fromage est maturé en cave afin qu’il développe sa moisissure. Cette maturation lui donne son goût si particulier.
Au sein de la très petite commune du Luc, aujourd'hui intégrée dans le territoire de Campestre, quelques personnes eurent l’idée d’utiliser l’aven de Saint-Ferron (version française) ou Saint-Ferréol (version occitane) afin d’amener leur fromage à maturation. C’est un aven de 62 mètres de profondeur, qui s’ouvre sur le causse de Campestre. La salle du fond, partiellement oblique, est à -80 mètres. Dès 1863, l'idée d'utiliser cet abîme germait dans les esprits.
En 1882, il fut bâti une maison, ou disons plutôt un bâtiment à vocation industrielle, au-dessus de l’abîme. Sa situation immédiatement à l’aplomb du vide en fait un lieu extrêmement vertigineux. La ruine existe toujours. Bien qu'étant dans un état de dégradation qui commence à devenir préoccupant, elle surplombe toujours l'aven avec audace.
Dans la partie basse de cette maison, un treuil fut installé, permettant de monter et descendre dans l'abîme. Vu son utilisation malaisée, les propriétaires eurent une idée quelque peu géniale mais aussi pharaonique. A 200 et quelques mètres de la maison existe une immense doline d’effondrement karstique. Ils utilisèrent cette excavation afin de rejoindre l’abîme. Il fut creusé une galerie de 200 mètres de long, en pente douce. Ce tunnel avait vocation de faciliter les transports. Ainsi, il était possible de mener les fromages en sous-sol par wagonnets.
Cette activité fromagère eut intensément lieu de 1883 à 1929. Il est peut-être possible de dire que l’effondrement de cette industrie fut dû au classement AO (appellation d'origine) du Roquefort en 1925. Campestre se voyait dès lors exclue de la zone territoriale admise à affiner et emballer. Ceci étant, ce n’est que pure supputation car nous n’en savons rien.
Au fond de l’aven subsistent quelques vestiges très abîmés des rayonnages en bois. Dans la maison, dont l’accès est relativement périlleux en cas de pluie, il existe encore le treuil.
Mundatur culpa labore
Cette installation est ingénieuse et peu banale. L’histoire pourrait s’en arrêter là, à contempler les vestiges historiques d’une activité artisanale qui fut florissante en son époque. Ceci étant, c’est occulter l’un des aspects les plus importants de la mémoire de ce lieu. Cette installation fut un bagne pour enfants, au même titre que Le Mettray à Tours.
Comme il est expliqué dans le document mentionné dans le lien en entête, la France est au début du XIXème siècle dans un état économique, sanitaire et social terrifiant. Nombre d’enfants errants sont en situation très difficile : orphelins ou abandonnés, vivant de vols, de mendicité, voire même de prostitution.
Lorsqu’ils sont capturés, ils sont envoyés en colonie pénitentiaire agricole. Ce sont des colonies de redressement, érigées afin qu’ils rentrent dans le droit chemin, tout en étant éloignés de la promiscuité des prisons. Ces colonies sont des suites données à l’échec de « la Petite Roquette » à Paris, une prison dont les gens sortaient fort diminués pour cause de mauvais traitements. A Campestre, il était mis en avant le fait qu’il s’agit d’un lieu rural, permettant des travaux agricoles sains et vivifiants.
A Campestre surtout et au-delà d'autres colonies (c’est encore le cas aujourd’hui), les lieux sont très isolés, à l’abri de tout regard. C’est un bout du monde. A vrai dire, si c’est le cas aujourd’hui, que devait est-ce être à l’époque ?... De ce fait, de multiples travaux pouvaient se dérouler en discrétion, au contraire d'autres pénitenciers. Au Luc, il y eut 70 morts au total, ce qui est largement en dessous des valeurs des autres colonies.
Le causse est froid et venteux en hiver, brûlant et étouffant en été.
C’est de cette manière qu'environ 200 enfants furent cordialement conviés à la colonie du Luc, dont la devise était « Mundatur culpa labore », c'est-à-dire : la faute est purifiée par le travail. Deux cent est la valeur maximale du nombre d’enfants. En certaines périodes, il y en eut moins. Le camp ouvrit en 1856.
Les plus jeunes (6 à 12 ans) étaient chargés de travaux agricoles, au sein d'une terre plus qu’inculte qu’est nous le rappelons ce territoire caussenard. Les plus âgés (13 à 20 ans) étaient chargés des travaux lourds. On y relève de la construction, des déblaiements, des chargements lourds, etc. Dans l'ensemble, de terribles travaux de bagnards.
Une personne du surnom de Baguenaudes ajoute quelques précisions quant à cette galerie : D’après un ancien colon du Luc, ils mangeaient du pain blanc tous les jours, ce qui n’était pas forcément le cas des paysans du coin. Cela n’enlève rien au fait que les petites mains ont dû avoir des travaux très lourds à réaliser quand on voit les impressionnants tas de cailloux sortis des champs.
Afin d'améliorer l'accès, il fut foré ensuite la galerie de jonction, longue de 200 mètres, creusée avec grande régularité dans un calcaire tout particulièrement dur. Cette galerie est percée depuis l'effondrement karstique jusqu'à l'aven. Elle offre un cheminement horizontal aisé vers le fond du gouffre. D'après plusieurs sources, les travaux furent exécutés au pic et par les enfants, en 1882. Or, il est pouvé qu'elle fut simplement minée par des professionnels. Cette galerie est toujours visitable à ce jour. Sous l'impatience de la direction, elle fut creusée en un délai record, c'est-à-dire en moins d'un an.
Quelques précisions quant à cette galerie : Après discussion avec le propriétaire des lieux, il semblerait que le pathos entourant cet épisode a été exagéré. Le tunnel porte des traces de foration et n'a donc pas été fait uniquement au pic. Les travaux auraient été dirigés par un ingénieur d'Alès. Même si l'image du pic, souvent associée à celle du bagne, est exagérée, les enfants du Luc ont certainement participé durement au percement du tunnel.
Les plus jeunes furent de même chargés de déblayer le bas de l’aven, utilisant à cette fin le treuil placé dans la maison. Au bas de l’aven fut bâti un immense mur, ayant pour but d’isoler de la pluie la salle du fond avec le gouffre en lui-même.
A ce jour, tout cela est encore visible, bien qu'en état de ruine partielle. Un témoignage d’autant plus poignant est toujours d’actualité : les marches de l’escalier de 12 mètres de haut sont construites avec de la pierre de taille. La régularité des marches est telle qu’on en croirait un béton moulé, sans défaut. Chaque marche pèse probablement allègrement plus de 100 kilogrammes. Ahurissant…
Bien d'autres choses seraient à dire… Les photos ci-dessous sont de toute évidence banales, si ce n’est qu’elles ne seront qu’un témoignage supplémentaire en mémoire des bagnards.
Toutes les photos indiquées (GADJO) proviennent d'un visiteur des lieux.
Notre voyage débute par le passage dans le village de La Cavalerie, dans le Larzac.
Voici la ruine de la partie supérieure de la fromagerie.
Elle surplombe un aven à peine visible.
Nous sommes ici au bas du gouffre. Voyez-vous le bâtiment au sommet ?
Dès lors, vous pouvez imaginer quelle fut la folie des adultes en ce lieu...
Le bas du gouffre, à -80 mètres.
L'escalier est impressionnant.
De par le passé, il existait un mur de séparation. Celui-ci s'est effondré.
La silhouette permet de bien donner l'échelle de ce gigantisme.
Voici la galerie taillée au roc avec l'aide des jeunes colons.
A l'approche de l'aven, les terrains sont ébouleux, donc ce fut maçonné.
Non loin du jour par contre, la régularité est notoire Quel travail soigné...
D'un côté ou de l'autre, c'est cet aspect monotone impliquant l'idée d'un travail laborieux.
Le sol semble avoir été recouvert de fins stériles afin de faciliter le déplacement. Des documents évoquent qu'il existât une voie ferrée de type Decauville. A l'état actuel des recherches, il n'est pas évident d'affirmer que cela à vraiment existé. Il se pourrait que ça ne soit resté qu'à l'étape du projet. (GADJO)
Nous allons désormais rejoindre la sortie. (GADJO)
Le chemin menant à la fromagerie. (GADJO)
A l'intérieur de la fromagerie, et donc dans la partie basse du bâtiment à l'aplomb du gouffre. (GADJO)
Il reste difficile de croire que ce treuil servait à descendre le personnel au fond du gouffre au début des travaux. Même pour des fromages, cela semble risqué ! Ce treuil comporte toutefois un cliquet
anti-retour ; c'est un treuil Piat & Fils. (GADJO)
Une vue plongeante vers l'abîme. (GADJO)
La tour d'aération de la fromagerie. (GADJO)
Les chemins alentours sont bordés de murets d'une largeur impressionnante. (GADJO)
Les champs ont été épierrés, comme en témoignent encore de nombreux tas conséquents. (GADJO)
Les champs sont dès lors aussi clôturés de murs en pierres sèches. (GADJO)
Le bâtiment du Luc, qui cerne une des six citernes. Elles alimentaient en eau la colonie. L'aile gauche
du bâtiment se termine par la chapelle. (GADJO)
La ferme est en cours de rénovation en 2014, afin de faire des appartements, mais cela reste encore assez délabré à ce jour. Elle a la forme d'un U pourvu à une de ses extrémités d'une chapelle et de cinq cellules à l'autre. Un symbole ? La maison du fondateur de la colonie est devenue un gite. (GADJO)
La plaque nommant les lieux. (GADJO)
COLONIE AGRICOLE DU LUC
FONDEE EN 18(63?)
Par Mr MARQUES du LUC (...)
Doyen du Conseil Général du Gard.
L'aile gauche de la ferme avec ses quatre cellules. (GADJO)
Brefs passagers de ce lieu, nous retournerons au soleil et à la joie de la liberté.
Sans évoquer que ce lieu devrait être plus connu, disons qu'il gagnerait à être moins oublié. Habitué
du pays viganais, je n'en avais jamais entendu parler.
Les routes nous avalent vers un ailleurs, certainement confortable. Que ces quelques modestes
photos soient dédiées à la mémoire des enfants du bagne.
©Vincent Duseigne
Vincent Duseigne
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22/11/2019
Block friday
12:05 Publié dans RÉSONANCES | Lien permanent | Commentaires (0)
20/11/2019
Toi mon autre
Alireza Pakdel
Enrico Bertuccioli
Silvano Mello
15:00 Publié dans RÉSONANCES | Lien permanent | Commentaires (0)
18/11/2019
l'oeil & la plume... un jour le peuple kurde par Ferruccio Brugnaro
texte de ferruccio brugnaro 11-2019 ill. jlmi 11-2019
En ces jours la mort
commande sarcastique
sur toute la terre
Le cœur des enfants kurdes
à genoux en ces heures
brûle
dans un martyre
et une solitude
cruels.
Où nous cacherons-nous un jour
quand le peuple kurde
descendra en aval
dans nos villes
sur nos routes ?
Baragouinerons-nous encore avec arrogance
l’ordre international,
la convivialité, les règles civiles ?
Où nous réfugierons-nous, comment éviterons-nous la honte…
Un jour le peuple kurde
descendra des montagnes
avec le poids de l’extermination
dans l’âme,
avec l’angoisse de ces nuits
terribles et ces neiges
avec la terreur glaciale
des fusils pointés,
les bombes sur la tête.
Comment pouvons-nous évoquer encore
l’amour
comment pouvons-nous évoquer encore
la vie.
Il n’y aura aucun abri
nous ne trouverons aucun abri.
Le peuple kurde reviendra
en aval
un jour…
Nous ne trouverons plus, nous ne retrouverons plus
d’explications claires
nulle part.
Ferruccio Brugnaro, Venise, Italie ( trad. : Jean-Luc Lamouille ) 2019
15:06 Publié dans RÉSONANCES | Lien permanent | Commentaires (1)
16/11/2019
La cordillera de los sueños de Patricio Guzmán (2019)
12:04 Publié dans FILMS & DOCUMENTAIRES A VOIR & A REVOIR | Lien permanent | Commentaires (0)
POUR SAMA de Waad al-Kateab (2019)
12:00 Publié dans FILMS & DOCUMENTAIRES A VOIR & A REVOIR | Lien permanent | Commentaires (0)
06/11/2019
Pas de fusils dans la nature de Pierre Rigaux
Dans ce livre, je décortique tout ce que les chasseurs ne veulent pas montrer, sans aucune concession pour eux bien sûr, ni pour l'État qui les protège.
Sans concession non plus envers le milieu associatif qui n'ose pas toujours s'attaquer à ce puissant lobby.
Éditions HumenSciences
288 pages, 22€
https://www.pierrerigaux.fr/%C3%A9crits/
13:48 Publié dans LIVRES A LIRE ET A RELIRE | Lien permanent | Commentaires (0)
03/11/2019
PSYCHOMAGIE, UN ART POUR GUÉRIR de Alejandro Jodorowsky (2019)
Si chacun d’entre nous a un héritage génétique, il possède aussi un héritage psychologique qui se transmet de génération en génération. Alejandro Jodorowsky, cinéaste et artiste multidisciplinaire convaincu que l’art n’a de sens profond que s’il guérit et libère les consciences, a créé la Psychomagie. Au moyen d’actes théâtraux et poétiques s’adressant directement à l’inconscient, cette thérapie permet de libérer des blocages. Psychomagie, un art pour guérir est l’expérience artistique la plus complète sur l’évolution de l’œuvre créative et thérapeutique d’Alejandro Jodorowsky.
Sortie en salles le 2 Octobre 2019.
12:23 Publié dans FILMS & DOCUMENTAIRES A VOIR & A REVOIR | Lien permanent | Commentaires (0)