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31/12/2006

Revue Nouveaux Délits, numéro 21, janvier 2007


divisez en dansant le claquement des fouets
(Paul Eluard)

Dans un numéro de janvier, il est de mise de présenter ses vœux, les meilleurs de préférence.
Je vous souhaite donc à toutes et à tous une merveilleuse année 2007 pleine de jours et de nuits.
Une année 2007 remplie de petits matins volés et de joyeuses heures apéritives, une année gorgée de sourires, de chaudes poignées de mains, de baisers, de câlins.
Une année 2007 pleine de regards aimant, de mains tendues, de mains levées aussi…
Pour dire stop ! Suffit la logique marchande qui voudrait nous séduire pour toujours mieux nous réduire. Je sais je me répète, mais si c’était si évident que ça…
Une année 2007 où les nantis remettent en circulation toute l’énergie qu’ils ont amassé, pour que les caillots bancaires cessent de faire crever bien plus d’un tiers du monde.
Une année 2007 où les fachos fondent au soleil comme neige sale, où les manipulateurs en tout genre ne trouvent plus aucun pantin au bout de leurs ficelles.
Une année 2007 où le mot justice signifie justice pour tous.
Y’a du boulot ! Chaque nouvelle année qui passe nous met face à des choix essentiels. Chacun d’entre nous, individu unique, est en devoir et en droit d’assumer son originalité propre, d’en tirer le meilleur et de l’apporter au monde comme une richesse ajoutée à d’autres innombrables richesses, absolument non quantifiables, non reproductibles industriellement, non marchandisables.

Oh oui, je pourrais vous souhaiter tant et tant de choses, mais à vrai dire tout ça est pur égoïsme, car en réalité tout ce que je vous souhaite, c’est pour moi que je le souhaite.
Pour moi et mon enfant, et les enfants de mon enfant, et les enfant des enfants de nos enfants…
CG
 
 
 

L'abondance ne peut durer que si des groupes toujours plus larges sont appelés à la partager,
car c'est seulement alors que le mouvement peut se poursuivre sans se muer en son opposé.
Hexagramme Fong
in Yi-king, Le Livre des Transformations

 AU SOMMAIRE


Mes complices du Délit de poésie :
Pierre Colin (Hte Pyrénées), Trouble en moyenne parole ;
Daniel Leduc (Val d’Oise), Quelques traces dans le vent ;
Jacques Zabor (Paris), un extrait de Clap de fin plus La canopée
Christian Erwin Andersen (Belgique), des extraits de Bris de verre, nouveau recueil à paraître
 
Délit alimentaire à la sauce Marlène Tissot (Drôme)
 

Illustratrice Invitée :
Corinne Pluchart (Seine et Marne)
corinne.pluchart@free.fr

 
 
 
- Je vous apporte mes vœux.
- Merci. Je tâcherai d'en faire quelque chose.

Jules Renard
in Journal (28 janvier 1901)
 
 

26/12/2006

PLUME

Parure d’ange et d’os

Ballerine des murailles

La poser un peu

 

Et lisser comme si elle n'était qu’une

 

Que le vent emporte

Dépose à son gré

25/12/2006

Il y a une vie après noël

à tous ceux qui sont seuls aujourd'hui et que le hasard viendrait perdre ici, une bonne nouvelle :

Il y a une vie après noël !

 Et vlà le dessert :  http://www.dailymotion.com/video/xsidk_entartage-de-sarkozy

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24/12/2006

Joyeux Amour

à toutes et à tous et avec une pensée avant tout pour tous les souffrants, les exclus, tous ceux pour qui ces périodes sont juste pires que d'habitude...
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Respect ma soeur

 Bonjour mademoiselle, que vous êtes jolie, j’nique votre race nonobstant !

- D’accord mais laquelle ?

- Heuu... celle qui vous rend la plus jolie, sans conteste...

- L’une ne va pas sans l’autre, allons.

- Alors j’nique vos races pour le prix d’une.

- Avec plaisir

- J’espère ! je veux dire... je vous en prie.

- Voici mon téléphone, ta mère.

- Je t’en remercie, tes races.

- Respect, mon frère.

- Respect, ma soeur.

Lieu du larcin : commentaire à propos du texte Mais ki sont drôles, à c’t’âge là ! du même auteur (que le commentaire) sur le site Fricotages http://fricotage.net/spip.php?article58

 

19/12/2006

Les Akuntsu, plus que six…

 
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Les Akuntsu sont un groupe d’Amazonie constitué de six individus. 
 
Les Akuntsu sont un petit groupe d’Indiens d’Amazonie constitué de six individus. Ils sont les derniers survivants connus de leur groupe. Les Kanoê, leurs voisins, ne sont plus que trois. Ces deux groupes vivent dans l’Etat de Rondônia au Brésil.
Comment vivent -ils ?
Un groupe de cinq Kanoê fut contacté en 1995 par les employés par la FUNAI, la fondation nationale brésilienne des affaires indiennes. Peu après, les Kanoê leur parlèrent d’un autre groupe d’Indiens isolés qu’ils appelaient Akuntsu. Le contact fut établi avec ces derniers quelques mois plus tard. Ils ne représentaient alors qu’un groupe de sept personnes ayant survécu aux vagues de massacres perpétrés par les éleveurs et leurs hommes de main durant les années 1970 et 1980. Aujourd’hui, les trois Kanoê et les six Akuntsu occupent une parcelle de forêt appelée Omerê, qui a été officiellement démarquée mais qui est entourée de vastes fermes d’élevage et de plantations de soja. Ils vivent dans deux villages séparés, dans deux petites malocas (maisons communautaires) couvertes de palmes. Ce sont d’excellents chasseurs (qui affectionnent les pécaris, les agoutis et les tapirs) ; ils ont également de petits jardins dans lesquels ils cultivent du manioc et du maïs. Ils cueillent aussi les fruits de la forêt et pêchent parfois des petits poissons dans les criques.
Les Akuntsu fabriquent des flûtes en bois utilisées dans les danses et les rituels et ils portent aux bras et aux chevilles des bracelets en fibre de palmier. Les coquillages avec lesquels ils fabriquaient leurs colliers ont été remplacés par du plastique multicolore récupérés des bidons de pesticides abandonnés par les fermiers.
À quels problèmes sont-ils confrontés ?
Bien que leur terre ait été officiellement reconnue et que la FUNAI maintienne une présence permanente dans cette région, les Akuntsu et les Kanoê sont encerclés par des fermiers hostiles. Les deux groupes ont été traumatisés d’avoir assisté à l’extermination de leur peuple et subi d’extrêmes violences de la part des hommes de main des fermiers.Ils sont à présent très craintifs et méfiants à l’égard des étrangers. Personne ne connaît la langue akuntsu et de ce fait il leur est très difficile de faire connaître leurs besoins et de raconter leur histoire. En tant que peuples isolés, ils sont très vulnérables aux maladies apportées de l’extérieur.
À moins que les Akuntsu n’acceptent de se marier avec des personnes issues d’une autre communauté indigène, cette petite tribu disparaîtra définitivement de la surface de la terre. Un autre petit groupe de Kanoê, contacté il y a plusieurs décennies, vit dans la partie occientale de l’Etat de Rondônia.
La campagne de Survival
Survival fait pression sur le gouvernement brésilien pour qu’il démarque, reconnaisse et protège les terres de tous les groupes indigènes isolés et non contactés du Brésil. Ils disparaîtront si leurs droits humains collectifs ne sont pas reconnus et respectés.

L'abondance

L'abondance ne peut durer que si des groupes toujours plus larges sont appelés à la partager, car c'est seulement alors que le mouvement peut se poursuivre sans se muer en son opposé.

Lieu du larcin : Yi-king, Le Livre des Transformations (hexagrame Fong) 

 

12/12/2006

J'ai lu Terre somnambule de Mia Couto

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(Terra Sonâmbula, 1993), roman, traduit du portugais par Maryvonne Lapouge-Pettorelli. [Paris], Éditions Albin Michel, « Les Grandes traductions », 1994

Sur une route déserte, un vieil homme et un enfant marchent, épuisés. Alentour, un Mozambique déchiré entre troupes régulières et bandes armées. Devant eux, un car-brousse, ou ce qu'il en reste : tôles incendiées, corps pêle-mêle ; un asile, pourtant, où le vieillard et l'enfant vont faire halte et découvrir, miraculeusement intacts, les cahiers d'un certain Kindzu. Le récit de cet homme parti vers l'inconnu pour renouer avec l'esprit des sorciers et des guerriers sacrés leur livrera peu à peu la clé de leur destin.

Premier roman du jeune écrivain mozambicain António Emílio Leite Couto. Fils du poète Fernando Leite Couto (1924). Biologiste de formation. Militant du Frelimo (Front de libération du Mozambique). Collaborateur de nombreuses publications (África, Colóquio Letras, Hora de Poesia, etc.). Il a été directeur de l’Agence d’information du Mozambique, des revues Tempo et Domingo, et du journal Notícias de Maputo. Après un livre de poèmes (Raiz de Orvalho, 1983), deux recueils de nouvelles (Vozes Anoitecidas, 1986 ; Cada Homen É Uma Raça, 1990), et un volume de chroniques (Chronicando, 1991), il publie son premier roman en 1992 (Terres somnambules), qui a comme toile de fond la guerre civile dans son pays. Depuis, il a fait paraître de nombreux ouvrages (romans, nouvelles, contes) traduits un peu partout dans le monde. Il a également collaboré à plusieurs films. Prodigieux conteur, artisan d'une langue portugaise subvertie, métissée de parlers populaires, « mozambicanée».


Ce que j'en pense :

il est d'abord déroutant ce roman, deux histoires y avancent en filigrane. Un aller-retour incessant entre le présent des deux protagonistes, le vieil homme et l'enfant réfugiés dans un car-brousse incendié, au-milieu des morts, un no man's land sinistre cerné de violence, où passé et présent, réel et rêvé, s'entremêlent constamment et la lecture des cahiers trouvés là, dans lesquels aussi se mélangent l'histoire et le mythe, le vécu et le rêvé... Il n'est pas forcément nécessaire de connaître l'histoire du Mozambique même si cela aide à la compréhension du fond de ce roman. Par contre il est nécessaire de lire avec les tripes, plus qu'avec sa tête, de lire avec cet organe indéfinissable qui se met à vibrer dès qu'on le confronte à la dimension poétique. L'écriture de ce roman est belle, étrange et fascinante, et c'est bien de poésie qu'il s'agit ici. Une poésie qui puise dans l'imaginaire africain autant qu'à la beauté de la langue, ici donc celle de l'ancien colon, le Portugais, en les mêlant eux aussi pour en créer de nouvelles images, riches et surprenantes et qui donnent un style très particulier qui rappelle certains romans latino-américains. Une poésie où se diluent dans une sorte de fièvre, de lent cauchemar, le tragique des destins, la barbarie des guerres civiles comme les paysages qui en sont le décor. L'absurde violence, l'abysse des souffrances, là où l'homme se confond avec l'animal, n'en sont que plus palpables. Etrange, magnifique et bouleversant roman dont on ne sait pas exactement comment on y est entré, ni quand on en est sorti

11/12/2006

10 canoës, 150 lances et 3 épouses, avant-première au profit de Survival International

Survival est heureux d'accompagner la sortie dans les salles françaises du film "10 canoës, 150 lances et 3 épouses"

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Une avant-première est organisée au profit de Survival France
le mardi 19 décembre 2006
à 20h
au cinéma les 7 Parnassiens (Paris)

En des temps reculés, dans le nord de l'Australie. Le jeune Dayindi convoite l'une des trois femmes de son frère aîné, Ridjimaril, menaçant ainsi la loi tribale. Afin de ramener Dayindi dans le droit chemin, le vieux Minygululu lui raconte une légende ancestrale d'amours interdits, d'enlèvement, de sorcellerie et de vengeance qui tourne mal.

Le film de Rolf De Heer, l'un des cinéastes australiens les plus respectés, a été entièrement tourné en langue aborigène. Il constitue une plongée dans la culture traditionnelle et l'histoire du peuple aborigène, 'une histoire qui, comme le dit l'acteur aborigène David Gulpilil, n'est pas terminée. Elle se poursuit encore et encore car c'est celle de notre peuple et de notre terre...'

Cinéma les 7 Parnassiens
98 BD du Montparnasse
75014 Paris
M° Vavin

Renseignements et réservations possibles au 01 43 35 13 89

Tarif : 8,50 Tarif réduit : 6,70

Cliquez ici pour en savoir plus sur l'avant-première de "10 canoës, 150 lances et 3 épouses" :
http://survivalfrance.org/events.php?event_id=224

Le film sera le 20 décembre à l'affiche dans les villes suivantes :
Paris, Strasbourg, Lyon, Montreuil, St Ouen l'Aumone, Marseille, Aix en Provence, Dijon, Nîmes, Toulouse, Bordeaux, Montpellier, Rennes, Tours, Grenoble, Nantes et Lille.
Cliquez ici pour connaître le détail des salles :
http://survivalfrance.org/events.php?event_id=228


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Survival aide les peuples indigènes à défendre leur vie, protéger leurs terres et déterminer leur propre avenir.
Survival n'accepte aucune subvention gouvernementale et dépend exclusivement de ses membres et donateurs pour financer ses campagnes.

Pour en savoir plus ou apporter votre soutien :
http://www.survivalfrance.org

info@survivalfrance.org

Sens dessus dessous, Eduardo Galeano, Homnisphères 2004

Sens dessus dessous

Profession de foi clairvoyante et malicieuse, le discours de l’écrivain uruguayen lors du 50e anniversaire du Monde diplomatique, le 8 mai 2004.

Par Eduardo Galeano

ENIGMES

Qu’est-ce qui fait rire les têtes de mort ?

Qui est l’auteur des blagues sans auteur ? Qui est le petit vieux qui invente les blagues et les dissémine de par le monde ? Dans quelle cave se cache-t-il ? Pourquoi Noé a-t-il fait entrer des moustiques dans l’Arche ? Saint François d’Assise aimait-il aussi les moustiques ?

Les statues qui manquent sont-elles aussi nombreuses que les statues qui restent ?

Si la technologie de communication est de plus en plus développée, pourquoi sommes-nous chaque jour plus sourds et plus muets ?

Pourquoi personne, pas même le Bon Dieu, ne peut comprendre ce que disent les experts en communication ?

Pourquoi les livres d’éducation sexuelle te coupent-ils toute envie de faire l’amour pendant plusieurs années ?

Dans les guerres, qui vend les armes ?

POINTS DE VUE

1

Du point de vue du hibou, de la chauve-souris, du bohémien et du voleur, le crépuscule est l’heure du petit déjeuner.

La pluie est une malédiction pour le touriste et une bonne nouvelle pour le paysan.

Du point de vue des autochtones, ce qui est pittoresque, c’est le touriste.

Du point de vue des Indiens des îles Caraïbes, Christophe Colomb, avec son chapeau à plumes et sa cape de velours rouge, était un perroquet aux dimensions jamais vues.

2

Du point de vue du Sud, l’été du Nord est l’hiver.

Du point de vue d’un ver de terre, une assiette de spaghettis est une orgie.

Là où les hindous voient une vache sacrée, d’autres voient un gros hamburger.

Du point de vue d’Hippocrate, de Galien, de Maimonide et de Paracelse, il existait une maladie appelée indigestion, mais pas de maladie appelée faim.

3

Du point de vue de l’Orient du monde, le jour de l’Occident est la nuit.

En Inde, ceux qui portent le deuil sont vêtus de blanc.

Dans l’Europe antique, le noir, couleur de la terre féconde, était la couleur de la vie, et le blanc, couleur des os, était la couleur de la mort.

Selon les vieux sages de la région colombienne du Chocó, Adam et Eve étaient noirs, et noirs étaient leurs fils Caïn et Abel. Quand Caïn tua son frère d’un coup de bâton, la colère de Dieu tonna. Devant la furie du Seigneur, l’assassin pâlit de culpabilité et de peur, et il pâlit et pâlit tant qu’il demeura blanc jusqu’à la fin de ses jours. Nous, les Blancs, sommes tous fils de Caïn.

4

Si les saints qui ont écrit les Evangiles avaient été des saintes, comment se serait déroulée la première nuit de l’ère chrétienne ?

Saint Joseph, raconteraient les saintes, était de mauvaise humeur. Il était le seul à faire la tête dans cette crèche où l’enfant Jésus, nouveau-né, resplendissait dans son berceau de paille. Tous souriaient : la Vierge Marie, les petits anges, les bergers, les chèvres, le bœuf, l’âne, les mages venus d’Orient et l’étoile qui les avait conduits jusqu’à Bethléem. Tous souriaient, sauf un. Saint Joseph, assombri, murmura :

« Je voulais une fille. »

Le droit au délire

Un millénaire s’en va, un autre arrive.

Le temps se moque des limites que nous lui inventons pour croire qu’il nous obéit ; mais le monde entier célèbre et craint cette frontière.

L’occasion est propice pour que les orateurs pleins d’un feu de paroles pérorent sur le destin de l’humanité et pour que les porte-parole de la colère de Dieu annoncent la fin du monde et la désintégration générale, tandis que le temps poursuit, bouche cousue, sa randonnée au long de l’éternité et du mystère.

Pour être franc, personne n’y résiste : si arbitraire que soit cette date, chacun éprouve la tentation de s’interroger sur ce que seront les temps à venir. Mais qui pourrait le savoir ? Nous ne possédons qu’une seule certitude : nous sommes déjà des gens du siècle passé et, pis encore, du millénaire passé.

Pourtant, si nous ne pouvons deviner ce que sera l’époque, nous avons au moins le droit d’imaginer ce que nous voulons qu’elle soit.

En 1948 et en 1976, les Nations unies ont établi une longue liste des droits de l’homme ; mais l’humanité, dans son immense majorité, n’a que le droit de voir, d’écouter et de se taire.

Et si nous commencions à exercer le droit, jamais proclamé, de rêver ? Et si nous délirions durant quelques instants ?

Utopies

Nous allons porter les yeux au-delà de l’infamie, pour deviner un autre monde possible. Un autre monde où :

l’air sera exempt de tout poison qui ne viendra pas des peurs humaines et des passions humaines ;

dans les rues, les automobiles seront écrasées par les chiens ;

les gens ne seront pas conduits par l’automobile, ni programmés par l’ordinateur, ni achetés par le supermarché, ni regardés par la télé ;

le téléviseur cessera d’être le membre le plus important de la famille, et sera traité comme le fer à repasser ou la machine à laver ;

les gens travailleront pour vivre au lieu de vivre pour travailler ;

on introduira dans le code pénal le délit de stupidité, que commettent ceux qui vivent pour posséder ou pour gagner, au lieu de vivre tout simplement pour vivre, comme un oiseau chante sans savoir qu’il chante et comme un enfant joue sans savoir qu’il joue ;

on n’emprisonnera plus les jeunes qui refusent de faire leur service militaire, mais ceux qui veulent le faire ;

les économistes n’appelleront plus niveau de vie le niveau de consommation, et n’appelleront plus qualité de vie la quantité de choses ;

les chefs de cuisine ne croiront pas que les langoustes adorent être bouillies vivantes ;

les historiens ne croiront pas que les pays sont enchantés d’être envahis ;

les politiciens ne croiront pas que les pauvres sont enchantés de se nourrir de promesses ;

la solennité cessera de croire qu’elle est une vertu, et personne ne prendra au sérieux l’individu incapable de rire de lui-même ;

la mort et l’argent perdront leurs pouvoirs magiques, et le décès ou la fortune ne feront pas d’une canaille un homme vertueux ;

nul ne sera considéré comme un héros ou un imbécile parce qu’il fait ce qu’il croit juste au lieu de faire ce qui lui convient le mieux ;

le monde ne sera plus en guerre contre les pauvres, mais contre la pauvreté, et l’industrie de l’armement n’aura plus d’autre solution que de se déclarer en faillite ;

la nourriture ne sera pas une marchandise, ni la communication un commerce, parce que la nourriture et la communication sont des droits humains ;

nul ne mourra de faim, car nul ne mourra d’indigestion ;

les enfants de la rue ne seront plus traités comme s’ils étaient de l’ordure, car il n’y aura pas d’enfants de la rue ;

les enfants riches ne seront plus traités comme s’ils étaient de l’argent, car il n’y aura pas d’enfants riches ;

l’éducation ne sera pas le privilège de ceux qui peuvent la payer ;

la police ne sera pas la malédiction de ceux qui ne peuvent l’acheter ;

la justice et la liberté, sœurs siamoises condamnées à vivre séparées, seront à nouveau réunies, épaule contre épaule ;

une femme noire sera présidente du Brésil et une autre femme, noire, présidente des Etats-Unis ; une Indienne gouvernera le Guatemala et une autre le Pérou ;

en Argentine, les folles de la place de Mai – las locas de la plaza de Mayo – seront un exemple de santé mentale, car elles refusèrent d’oublier à l’époque de l’amnésie obligatoire ;

Notre Sainte Mère l’Eglise corrigera les erreurs des Tables de Moïse, et le sixième commandement ordonnera de fêter le corps ;

l’Eglise dictera aussi un autre commandement que Dieu avait oublié : « Tu aimeras la nature, dont tu fais partie » ;

les déserts du monde et les déserts de l’âme seront reboisés ;

les désespérés seront espérés et les égarés seront retrouvés, car ce sont eux qui se désespérèrent à force d’espérer et qui s’égarèrent à force de chercher ;

nous serons les compatriotes et les contemporains de tous ceux qui voudront la justice et qui voudront la beauté, quels que soient l’endroit où ils seront nés et l’époque où ils auront vécu, sans accorder aucune importance aux frontières de la géographie ou du temps ;

la perfection restera l’ennuyeux privilège des dieux, mais, dans ce monde fou et foutu, chaque nuit sera vécue comme si elle était la dernière et chaque jour comme s’il était le premier.

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Il y a cent trente ans, après avoir visité le pays des merveilles, Alice entra dans le miroir pour y découvrir le monde à l’envers. Si Alice renaissait de nos jours, elle n’aurait besoin de traverser aucun miroir : il lui suffirait de se pencher à la fenêtre.

 

 

A l’école du monde à l’envers, le plomb apprend à flotter, le bouchon à couler, les vipères à voler et les nuages à ramper le long des chemins.

Dans le monde d’aujourd’hui, monde à l’envers, les pays qui défendent la paix universelle sont ceux qui fabriquent le plus d’armes et qui en vendent le plus aux autres pays. Les banques les plus prestigieuses sont celles qui blanchissent le plus de narcodollars et celles qui renferment le plus d’argent volé. Les industries qui réussissent le mieux sont celles qui polluent le plus la planète ; et la sauvegarde de l’environnement est le plus brillant fonds de commerce des entreprises qui l’anéantissent.

Le monde à l’envers nous apprend à subir la réalité au lieu de la changer, à oublier le passé au lieu de l’écouter et à accepter l’avenir au lieu de l’imaginer : ainsi se pratique le crime, et ainsi est-il encouragé. Dans son école, l’école du crime, les cours d’impuissance, d’amnésie et de résignation sont obligatoires. Mais il y a toujours une grâce cachée dans chaque disgrâce, et tôt ou tard, chaque voix trouve sa contre-voix et chaque école sa contre-école.

 

 

Eduquer par l’exemple

 

 

 

De toutes les institutions éducatives, l’école du monde à l’envers est la plus démocratique : elle n’exige aucun examen d’admission, ne nécessite aucune inscription et délivre gratuitement ses cours, à tous et partout, sur la terre comme au ciel : elle est la fille du système qui a conquis, pour la première fois dans toute l’histoire de l’humanité, le pouvoir universel.

 

 

Les modèles de la réussite

Le monde à l’envers présente la particularité de récompenser à l’envers : il méprise l’honnêteté, punit le travail, encourage l’absence de scrupules et alimente le cannibalisme. Ses maîtres calomnient la nature : l’injustice, disent-ils, est une loi naturelle. Milton Friedman, l’un des membres les plus prestigieux de son corps enseignant, parle du « taux naturel de chômage ». Selon la loi naturelle, prétendent Richard Herrnstein et Charles Murray, les noirs se situent au plus bas degré de l’échelle sociale. Pour expliquer ses succès en affaires, John D. Rockefeller se plaisait à déclarer que la nature récompense les plus aptes et punit les inutiles. Et plus d’un siècle plus tard, de nombreux maîtres du monde continuent à croire que Charles Darwin a écrit ses livres pour leur prédire la gloire.

Comment survivent les plus aptes ? L’aptitude la plus utile pour se frayer un chemin et survivre, le killing instinct, l’instinct assassin, est considéré comme une vertu humaine lorsqu’il sert aux grandes entreprises à digérer les petites et aux pays puissants à dévorer les plus faibles, mais il est preuve de bestialité quand n’importe quel pauvre type sans travail sort chercher de quoi manger un couteau à la main. Les malades atteints de pathologie antisociale, danger et folie qui habite chaque pauvre, s’inspirent des modèles de bonne santé de la réussite sociale. C’est de tout en bas, en levant les yeux vers les sommets, que les petits délinquants apprennent ce qu’ils savent. Ils étudient l’exemple de ceux qui ont réussi et, tant bien que mal, font ce qu’ils peuvent pour imiter leurs qualités. Mais ceux qui sont dans la merde resteront toujours dans la merde, comme aimait le répéter Emilio Azcárraga, qui fut seigneur et maître de la télévision mexicaine. La probabilité pour un banquier qui vide une banque de profiter, en paix, du fruit de son labeur est exactement proportionnelle à celle, pour un voleur qui braque une banque, de finir en prison ou au cimetière.

Quand un délinquant tue pour quelque dette impayée, l’exécution se nomme règlement de comptes, et l’on appelle plan d’ajustement l’exécution d’un pays endetté, lorsque la technocratie internationale décide de lui régler son compte. Le banditisme financier prend les pays en otage et met le nez dans leurs affaires s’ils ne payent pas la rançon : en comparaison, n’importe quel gueux devient plus inoffensif que Dracula sous le soleil. L’économie mondiale est l’expression la plus efficace du crime organisé. Les organismes internationaux qui contrôlent la monnaie, le commerce et le crédit, pratiquent le terrorisme contre les pays pauvres, et contre les pauvres de tous les pays, avec une froideur professionnelle et une impunité qui humilierait le meilleur des poseurs de bombes.

L’art de tromper son prochain, que les escrocs exercent en chassant leurs proies crédules dans les rues, touche au sublime quand quelques politiciens à succès déploient leur talent. Dans les banlieues du monde, les chefs d’Etat bradent des pans entiers de leurs pays, à des prix de fin de soldes, comme dans les banlieues des villes les délinquants vendent, à bas prix, le fruit de leurs larcins.

Les tueurs à gages accomplissent, au détail, la même besogne que celle qu’exécutent, à grande échelle, les généraux décorés pour des crimes hissés à la catégorie de gloire militaire. Les braqueurs, les pickpockets au coin des rues, n’emploient que la version artisanale des fortunes d’un coup monté par les grands spéculateurs qui dévalisent des foules par ordinateur. Les violeurs les plus cruels qui s’en prennent à la nature et aux droits de l’homme ne vont jamais en prison. Ce sont eux qui détiennent les clefs des geôles. Dans le monde d’aujourd’hui, monde à l’envers, les pays qui défendent la paix universelle sont ceux qui fabriquent le plus d’armes et qui en vendent le plus aux autres pays. Les banques les plus prestigieuses sont celles qui blanchissent le plus de narcodollars et celles qui renferment le plus d’argent volé. Les industries qui réussissent le mieux sont celles qui polluent le plus la planète ; et le salut de l’environnement est le plus brillant fonds de commerce des entreprises qui l’anéantissent. Ceux qui tuent le maximum de gens en un minimum de temps, qui gagnent le maximum d’argent en un minimum de travail et qui pillent le plus la nature au moindre coût méritent impunité et félicitation.

Marcher est un danger, et respirer un exploit dans les grandes villes du monde à l’envers. Qui n’est pas prisonnier de la nécessité est prisonnier de la peur : les uns ne dorment pas à cause de l’envie d’obtenir les biens qu’ils n’ont pas, et les autres ne dorment pas à cause de la panique de perdre les choses qu’ils possèdent. Le monde à l’envers nous forme à voir notre prochain comme une menace et non comme un espoir, il nous réduit à la solitude et nous console avec des drogues chimiques et des amis cybernétiques. Nous sommes condamnés à mourir de faim, de peur ou d’ennui, à moins qu’une balle perdue ne nous abrège l’existence.

Est-ce notre seule liberté possible, celle de choisir parmi toutes ces menaces ? Le monde à l’envers nous apprend à subir la réalité au lieu de la changer, à oublier le passé au lieu de l’écouter et à accepter l’avenir au lieu de l’imaginer : ainsi se pratique le crime, et ainsi est-il encouragé. Dans son école, l’école du crime, les cours d’impuissance, d’amnésie et de résignation sont obligatoires. Mais il y a toujours une grâce cachée dans chaque disgrâce, et tôt ou tard, chaque voix trouve sa contre-voix et chaque école sa contre-école.

 

 

Sens dessus dessous, publié en septembre 2004 chez Homnisphères –

 

diffusion Co-Errances, 45, rue d’Aubervilliers, 75018 Paris.

 

 

 

Traduit de l’espagnol (Uruguay) par Lydia Ben Ytzhak

ouvrage illustré avec 150 iconographies de l’artiste mexicain José Guadalupe POSADA (1852-1913)

 

 

Ref GAL 9083 - Format 14 / 19

 

358 pages

 

ISBN : 2-915129-06-1 - Prix : 20 €

 

 

 

 

Eduardo GALEANO

 

 

Né à Montevideo en 1940, Eduardo Galeano a exercé très jeune de nombreux métiers avant de publier des bandes dessinées, notamment pour l’hebdomadaire du Parti socialiste uruguayen El Sol. Au début des années 1960, il débuta une carrière de journaliste et devint rédacteur-en-chef de Marcha, un hebdomadaire influent au sein duquel collaborèrent Mario Vargas Llosa, Mario Benedetti, Manuel Maldonado Denis et Roberto Fernández Retamar. Pendant deux années, il fut également éditeur du quotidien Epoca et travailla comme directeur éditorial de University Press de 1965 à 1973. Cette année-là, à la suite du coup d’Etat uruguayen, il fut emprisonné quelques temps avec des dizaines de milliers d’autres opposants puis partit se réfugier en Argentine où il fonda et édita le magazine culturel Crisis à Buenos Aires. En 1975, lorsque la dictature militaire s’empara du pouvoir, Eduardo Galeano fut immédiatement « blacklisté » par les escadrons de la mort et, forcé de s’exiler une nouvelle fois, il émigra en Espagne à Barcelone. En 1985, après que l’administration civile fut restaurée en Uruguay, il revint s’établir à Montevideo où il vit actuellement.

En 1970, Las venas abiertas de América Latina - Les Veines ouvertes de l’Amérique latine -, pour lequel il obtint le prix Casa de las Américas, fut son premier ouvrage à être traduit en langue anglaise. Cette œuvre de référence, pour tous ceux qui veulent comprendre l’histoire et la réalité de l’Amérique latine, débute par une question en forme d’énigme : pourquoi cette terre si richement dotée par la nature a-t-elle été si peu favorisée sur le plan social et politique ? Débute alors l’histoire de ce que Galeano appelle « le pillage » du continent latino-américain, d’abord par les Espagnols et les Portugais, puis par l’Occident en général et les élites locales.

Figure littéraire en Amérique latine, Eduardo Galeano présente la singularité de mélanger les différents genres littéraires. Ses livres, au carrefour de la narration et de l’essai, de la poésie et de la chronique, rapportent les voix de l’âme et de la rue et offrent une synthèse de la réalité actuelle et de la mémoire. Mais sa voix dépasse largement les frontières du continent sud-américain. Outre ses engagements auprès du mouvement des Sans-Terre au Brésil et du mouvement zappatiste au Chiapas, Eduardo Galeano est un militant très impliqué dans le mouvement contre-mondialisation et une figure de proue des opposants au modèle unique et à l’uniformisation (voir le film Davos, Porto Alegre et autres batailles réalisé par Vincent Glenn et co-écrit avec Christopher Yggdre, Les Films du Safran, 2002).

 

 

 

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Des bouées de sauvetage de plomb par Eduardo Galeano

18 août 2006
Nos pays se modernisent. Aujourd’hui le discours officiel nous dit d’honorer la dette (même si elle est déshonorante), d’attirer les investissements (même s’ils sont indignes), et d’entrer dans le monde (même si c’est par la porte de service).
En réalité, on continue à croire aux histoires de toujours.
L’Amérique latine est née pour obéir au marché mondial, quand le marché mondial ne portait pas encore ce nom, et tant bien que mal nous sommes toujours liés au devoir d’obéissance.
Cette triste routine des siècles a commencé avec l’or et l’argent, puis avec le sucre, le tabac, le guano, le salpêtre, le cuivre, l’étain, le caoutchouc, le cacao, la banane, le café, le pétrole... Que nous ont laissé ces splendeurs ? Elles nous ont laissés sans héritage ni patrie. Des jardins transformés en déserts, des champs abandonnés, des montagnes percées, des eaux pourries, de longues caravanes de malheureux condamnés à une mort précoce, des palais vides où les fantômes déambulent ...
Aujourd’hui c’est au tour du soja transgénique et de la cellulose. Et à nouveau l’histoire des gloires fugaces se répète, qui, au son de leurs trompettes, nous annoncent des malheurs sans fin.

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Le passé serait-il muet ?
Nous refusons d’écouter les voix qui nous alertent : les rêves du marché mondial sont les cauchemars des pays qui se soumettent à ses caprices. Nous continuons à applaudir le détournement des biens naturels que Dieu, ou le Diable, nous a donnés, et nous travaillons ainsi à notre propre perdition, et contribuons à l’extermination du peu de nature qui reste dans ce monde.
L’Argentine, le Brésil et d’autres pays latino-américains sont en train de vivre la fièvre du soja transgénique. Des prix alléchants, des rendements démultipliés. L’Argentine est, depuis longtemps, le deuxième producteur mondial de transgéniques, derrière les Etats-Unis. Au Brésil, le gouvernement Lula a réalisé l’une de ces pirouettes qui ne rendent pas un fier service à la démocratie : il a dit oui au soja transgénique, alors que son parti avec dit non durant toute la campagne électorale.
C’est le pain d’aujourd’hui et la faim de demain, comme le dénoncent certains syndicats ruraux et organisations écologiques. Mais on sait bien que les compatriotes ignorants refusent de comprendre les avantages des pâturages en plastique et de la vache à moteur, et que les écologistes sont des rabat-joie à toujours cracher dans la soupe.

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Les défenseurs des transgéniques affirment qu’il n’est pas prouvé qu’ils soient mauvais pour la santé humaine. En tout cas, il n’est pas non plus prouvé qu’ils ne le soient pas. Et s’ils sont aussi inoffensifs que ça, pourquoi les fabricants de soja transgénique refusent de spécifier, sur les emballages, qu’ils vendent ce qu’ils vendent ? Ou serait-ce que l’étiquette de soja transgénique n’est pas la meilleure publicité qui soit ?
Par contre, il y a bien des preuves que ces inventions du docteur Frankenstein sont mauvaises pour la santé du sol et qu’elles réduisent la souveraineté nationale. Exportons-nous du soja, ou exportons-nous du sol ? Et n’est-on pas pris, par hasard, dans les filets de Monsanto et autres grandes entreprises dont nous devenons dépendants des semences, des herbicides et des pesticides ?
Des terres qui produisaient de tout pour le marché local, se consacrent aujourd’hui à un seul produit pour la demande étrangère. Je me développe vers l’extérieur, et je m’oublie de l’intérieur. La monoculture est une prison, elle l’a toujours été, et aujourd’hui, avec les transgéniques, elle l’est plus encore. La diversité, au contraire, libère. L’indépendance se réduit à l’hymne et au drapeau si elle ne se fonde pas sur la souveraineté alimentaire. L’autodétermination commence par la bouche. Seule la diversité productive peut nous défendre des subites chutes de prix qui sont une habitude, une habitude mortifère, du marché mondial.
Les immenses extensions destinées au soja transgénique rasent les forêts natives et expulsent les paysans pauvres. Ces exploitations hautement mécanisées occupent peu de bras, et en échange exterminent les petites plantations et les potagers familiaux, à cause des poisons qu’elles épandent. L’exode rural vers les grandes villes se multiplie, où l’on suppose que les expulsés vont consommer, si la chance est de leur côté, ce qu’auparavant ils produisaient. C’est l’agraire réforme : la réforme agraire à l’envers.

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La cellulose aussi est devenue à la mode, dans plusieurs pays.
L’Uruguay, par exemple, veut devenir un centre mondial de production de cellulose pour fournir en matière première bon marché les lointaines fabriques de papier.
Il s’agit de monocultures d’exportation, dans la plus pure tradition coloniale : d’immenses plantations artificielles qu’on dit être des forêts, et qui se transforment en cellulose au cours d’un processus industriel qui vomit des déchets chimiques dans les rivières et rend l’air irrespirable.
Ici ça a commencé par deux énormes usines, dont l’une est déjà à moitié finie. Puis s’est rajouté un autre projet, et on parle d’un autre, et d’un autre encore, tandis que de plus en plus d’hectares sont destinés à la fabrication d’eucalyptus en série. Les grandes entreprises internationales nous ont trouvés sur la carte, et d’un seul coup ils se sont découvert un amour pour cet Uruguay où il n’y a pas de technologie capable de les contrôler, où l’Etat leur accorde des subventions et les exempte d’impôts, où les salaires sont rachitiques et où les arbres poussent en un clin d’œil.
Tout indique que notre tout petit pays ne pourra pas supporter l’étreinte suffocante de ces très grands. Comme d’habitude, les bénédictions de la nature se transforment en malédictions de l’histoire. Nos eucalyptus poussent dix fois plus vite que ceux de Finlande, et cela se traduit ainsi : les plantations industrielles seront dix fois plus dévastatrices. Au rythme prévu d’exploitation, une bonne part du territoire national sera pressé jusqu’à sa dernière goutte d’eau. Les géants assoiffés vont assécher notre sol et notre sous-sol.
Paradoxe tragique : l’Uruguay est le seul endroit au monde où la propriété de l’eau a fait l’objet d’un référendum. A une majorité écrasante, les Uruguayens ont décidé, en 2004, que l’eau serait une propriété publique. N’y a-t-il rien à faire pour éviter ce détournement de la volonté populaire ?

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La cellulose, il faut le reconnaître, s’est transformée en une sorte de cause patriotique, et la défense de la nature ne soulève pas d’enthousiasme. Pire encore : dans notre pays, malade de cellulolitis, certains mots qui n’étaient pas des gros mots, tels que écologistes et environnementalistes, deviennent des insultes qui crucifient les ennemis du progrès et les saboteurs du travail.
On fête le malheur comme s’il s’agissait d’une bonne nouvelle. Mieux vaut mourir de pollution que de faim : nombre de chômeurs pensent qu’il n’y a pas d’autre choix que de choisir entre deux calamités, et les marchands d’illusions débarquent en offrant des milliers et des milliers d’emplois. Mais la publicité est une chose, la réalité en est une autre. Le MST, le Mouvement des paysans sans terre, a diffusé des informations éloquentes qui ne valent pas que pour le Brésil : la cellulose crée un emploi pour chaque 185 hectares, alors que l’agriculture familiale crée cinq emplois pour chaque dix hectares.
Les entreprises promettent des merveilles. Travail à flots, investissements millionnaires, contrôles stricts, air pur, eau propre, terre intacte. Alors on se demande : mais pourquoi diable n’installent-ils pas ces merveilles à Punta del Este, pour améliorer la qualité de vie et stimuler le tourisme dans notre principale station balnéaire ?
Source : ALAI, Agencia Latinoamericana de Información (http://www.alainet.org/index.phtml.es), 16 juillet 2006.
Traduction : Isabelle Dos Reis, pour le RISAL (www.risal.collectifs.net).

06/12/2006

L'ENRÔLEUSE de Christian SAINT-PAUL (335° Encres Vives).

Vient de paraître

À commander à :
Encres Vives 2 allée des Allobroges 31770 COLOMIERS       
6,10€
 

L'image de la femme, poursuivie sur ses pistes fascinantes, saisie en ses parades pathétiques, continue de hanter le parcours poétique de Christian Saint-Paul. "L'Essaimeuse" la présentait naguère, "pétrie de volupté", mais aussi hasardée, téméraire, victime, au terme de l'épreuve sans fin qu'elle y faisait de son désir. Aujourd'hui, avec L'Enrôleuse" (Encres Vives n° 335), Christian Saint-Paul accentue l'âpreté de la quête érotique. Si la femme guette "la promesse d'une flamme plus haute qui pourrait monter le long de son échine", l'homme rallume sans fin "la torche incendiaire/d'une simple caresse".
Car il s'agit de se vouer à la femme, corps et âme, de la connaître par la "texture langoureuse" de sa chair, pour, désarmé par sa grâce, se laisser terrasser par ses fatalités.
Ce pacte sensuel, dévorant, de l'homme et de la femme, ou plutôt de la Femme et des hommes, conduit à une amertume telle que la quintessence de la félicité se trouve menacée de toutes parts.
Comment les hommes en détresse, "martelés de mythes" par la Femme et déterminés à "tuer le futur", sauveraient-ils du dérisoire la conquête inépuisable de la beauté ?
Comment éviteraient-ils le vertige d'une autodestruction qui va jusqu'à l'âme en faisant jaillir "les escarbilles de leur conscience" ?
Tout est-il faux dans cette "allégresse mouvante et chaude" ? Qui, de l'homme ou de la femme, se trouve finalement vaincu par la lassitude de la beauté ? Et qui possède, encore ici, la clé de cette "parade sauvage" (Arthur Rimbaud) ?

                                                  Gilles LADES

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04/12/2006

Mexique : Le mouvement d’Oaxaca devient « gouvernement alternatif »

La chute des barricades ne freine pas le mouvement social d’Oaxaca. Sans arrêter de réclamer le départ du gouverneur corrompu Ulises Ruiz, les « communards » mexicains se concentrent sur leur expérience autogestionnaire.

par Christophe Koessler
« Oaxaca, c’est moi. Nous sommes tous Oaxaca. » Le slogan qui retentit chaque jour dans les rues des villes de Mexico et de Oaxaca symbolise l’espoir que soulève aujourd’hui, dans tout le pays, la lutte des 300 organisations sociales, communautés indigènes et syndicats de cet Etat du Sud du Mexique pour la démocratie et la satisfaction des besoins de la population. Après 184 jours de conflit, 22 morts, 34 disparus, et plus de 104 détentions illégales, le mouvement social, réuni au sein de l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca (APPO), continue à tenir tête pacifiquement au gouvernement local du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI), au pouvoir depuis plus de septante ans.
Répression et prédation
Quotidiennement, des milliers de personnes défilent dans les rues, exigeant la démission du gouverneur Ulises Ruiz, ainsi que le repli de la police fédérale, qui occupe depuis fin octobre la place centrale de la ville, après avoir balayé les centaines de barricades dressées par les insurgés. Si des voyageurs s’aventurent à nouveau dans la très touristique ville d’Oaxaca dans ce climat surréaliste, un graffiti tout récent en anglais vient les mettre en garde : « Touristes ! La ville est fermée momentanément, et sera réouverte dès que nous obtiendrons justice.  »
La semaine passée, à la suite de trois jours de débats exténuants, un millier de délégués de l’APPO ont formellement constitué l’organisation du mouvement, adopté ses statuts et élu ses 230 membres, tous sur pied d’égalité. A la satisfaction générale : « Il y avait de grands risques que le mouvement se divise ou que soit adoptée une structure très verticale, car ce sont deux spécialités de la gauche traditionnelle  », assure Gustavo Esteva, chercheur et directeur de l’Université de la terre, à Oaxaca.
Or rien de tout cela. C’est à travers 23 commissions de travail thématiques que les délégués vont organiser la résistance civile et coordonner leur appui aux communautés locales, sans comité central.
A court terme, l’objectif de l’APPO est de pousser à la démission le gouverneur Ulises Ruiz, qui cristallise à lui seul le mécontentement populaire. Arrivé au pouvoir par la fraude en décembre 2004, le cacique du PRI a immédiatement réprimé toute contestation. Avant même le début des grandes mobilisations de mai 2006, les organisations locales de défense des droits humains dénombraient déjà 32 assassinats commis par les autorités locales et les groupes paramilitaires.
Un autoritarisme qui a fait l’unité contre lui - alors que les groupements étaient très dispersés jusqu’alors - surtout après la dure répression qui s’est abattue le 14 juin sur les instituteurs, alors en grève pour une simple augmentation salariale. « Les puissants ont cru que la violence pouvait résoudre le conflit. En réalité, ils n’ont fait que jeter de l’huile sur le feu », explique Rodolfo Rosas Zarate, jeune sociologue, militant du Comité de défense des droits du peuple.
Le pouvoir par le bas
Loin de répondre aux besoins criants en eau, santé et éducation des populations marginalisées, Ulises Ruiz s’est lancé dans de grands travaux de rénovation des places principales de la Ville de Oaxaca. « Il a détruit les places de la ville pour attirer des fonds de l’Etat fédéral, sans aucun égard pour le patrimoine national. Remplacer la pierre verte d’Antequera de nos régions par des dalles de béton est une absurdité, tout comme l’abattage d’arbres centenaires  », s’emporte M. Esteva. Une pratique qui avait pour but de détourner une grande partie de cet argent pour les besoins de son parti et de son entourage, assurent les militants.
L’outrance avec lequel le régime local poursuit les pratiques classiques de prédation, de népotisme et de corruption a encouragé le mouvement à se lancer dans un processus de changement radical du politique. « Nous voulons construire un pouvoir qui va peu à peu détruire de lui-même le pouvoir existant  », explique Soledad Ortiz Vázquez, déléguée élue de l’APPO. D’où le nom du nouvel organe constitutif de l’organisation : le « Conseil étatique » (Consejo estatal), qui vise non seulement à faire tomber les caciques actuels, mais aussi à assumer actuellement des fonctions dévolues à l’Etat. Au plus fort du conflit, par exemple, l’APPO se chargeait de sanctionner les délits de droit commun, le plus généralement par l’assignation des coupables à des travaux d’utilité publique. Aujourd’hui, le Conseil veut aussi répondre de lui-même aux besoins les plus pressants de la population. Il a ainsi constitué une commission de sécurité sociale, une autre de développement communautaire et rural, ou encore de santé publique. « Il s’agit d’un gouvernement parallèle, et ces commissions sont nos départements  », explique fièrement Mme Ortiz. « A long terme, nous l’installerons au palais du gouvernement.  »
Valeurs indigènes
Les valeurs du Conseil s’inspirent en grande partie des pratiques politiques des communautés indigènes : « L’APPO a fait un grand pas dans notre direction en adoptant les principes de communauté et d’autonomie comme premiers principes de l’organisation  », s’enthousiasme Adelfo Regino, président de l’Organisation des peuples Mixes. Si les nations autochtones n’ont pas été suffisamment intégrées à l’APPO à ses débuts, le mouvement s’est toutefois fortement inspiré des us et coutumes indigènes : l’organisation en Assemblée, où toutes les décisions importantes sont prises, le tequio, travail collectif non rémunéré et obligatoire, et la guelaguetza, solidarité ou aide désintéressée entre les membres d’une communauté.
Mais la déclaration de principe du nouveau Conseil va encore plus loin : elle stipule qu’aucun des 230 membres ne pourra être réélu à l’issue d’une période de un à deux ans, intègre le principe de l’égalité des genres et fait sienne la consigne des zapatistes du Chiapas : « Ordonner en obéissant  » (mandar obedeciendo).
Au-delà, c’est à une véritable transformation économique et sociale qu’en appelle l’APPO, en se prononçant pour l’avènement d’un monde non capitaliste et non impérialiste, sur une base démocratique.
Pour l’heure, les esprits sont à la mobilisation. Après cinq mois de conflit et une situation d’ingouvernabilité de fait dans la ville d’Oaxaca, le gouverneur s’obstine toujours. Cette semaine, l’APPO a d’ores et déjà prévu d’occuper le Palais du gouvernement, d’ériger des barricades symboliques devant les bureaux de l’Etat pour dissuader les fonctionnaires de se rendre à leur travail, et de bloquer des routes régionales.
L’organisation participe aussi, depuis hier, à une grève nationale lancée par le mouvement zapatiste et se joindra aux protestations massives contre l’entrée officielle à la présidence du pays de Felipe Calderon le 1er décembre. Son élection a également été entachée de fraudes. Inspirées par l’Assemblée d’Oaxaca, 25 organisations sociales du Chiapas ont fondé, le 11 novembre dernier, une APPCH. Une assemblée populaire de Mexico devait être constituée ce week-end. Le mouvement d’Oaxaca sera-t-il le déclencheur d’un changement radical pour l’ensemble du pays ?

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Les femmes s’emparent de la télévision d’état
« Nous étions 20 000 », raconte Soledad Ortiz Vázquez, déléguée de l’APPO. « Nous avions décidé de convoquer une manifestation le 1er août pour rendre plus visible notre force. Car depuis le début de la résistance, nous avons joué un rôle fondamental au sein du mouvement.  » Casseroles à la main, « en hommage aux femmes chiliennes  », les femmes défilent au centre-ville et « ferment » un hôtel qui jouait le rôle de Chambre des députés (le Parlement ayant été occupé depuis longtemps par les insurgés). Spontanément, arrivées au Zocalo (la place centrale), elles décident de demander un espace d’antenne à la chaîne de télévision publique Canal 9, pour exprimer leurs revendications. Devant le refus de la direction, celles-ci décident tout simplement de... « prendre » la télévision. Pendant deux mois, les femmes se chargeront de gérer ce qui devient la chaîne de l’APPO, malgré leurs faibles connaissances techniques, les hommes étant appelés pour protéger les antennes de diffusion situées sur les collines alentours. L’aventure se termine avec l’entrée en force de groupes paramilitaires lourdement armés à 4 h du matin, à la fin septembre. Qu’à cela ne tienne. A 6 h, elles décident d’occuper les douze radios commerciales et étatiques, qu’elles garderont plus d’un mois.
Désormais, il faudra compter avec la Coordination des femmes de Oaxaca du 1er août pour promouvoir la place des femmes aux postes à responsabilité. Car, sur les 230 membres du Conseil étatique de l’APPO, seules vingt-cinq sont des femmes : « Peu de femmes ont pu participer aux congrès. Les leaders de communautés sont en général des hommes. Nous devons construire l’égalité peu à peu, ce sera un travail intense. Nous avons rendu visible notre rôle. Les hommes se sentent plus sûrs avec nous », assure Mme Ortiz Vázquez.

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Trois questions à Gustavo Esteva, de l’Université de la Terre
Gustavo Esteva a créé, il y a quatre ans, l’Université de la Terre, destinée aux jeunes des communautés indigènes. Celles-ci ont pour la plupart chassé l’école publique de leurs terres, car perçue comme un instrument de domination.
Vous analysez le mouvement oaxaqueño comme la convergence de trois luttes démocratiques. Lesquelles ?
Ce qui se construit à Oaxaca anticipe notre futur et est porteur d’énormément d’espoir. Le mouvement a réuni d’abord ceux qui souhaitent renforcer la démocratie formelle, dont les faiblesses sont bien connues à Oaxaca. Les gens sont fatigués des manipulations et des fraudes et ceux qui ont confiance dans le système électoral veulent qu’il soit propre et efficace. D’autres insistent davantage sur la démocratie participative, par le biais d’initiatives populaires, de référendums, de plébiscites, de budgets participatifs, et la possibilité de révoquer les élus. Enfin, de manière surprenante, un très grand nombre de groupements souhaitent étendre la démocratie autonome ou radicale, comprise comme l’exercice direct du pouvoir par les gens eux-mêmes. Dans l’Etat d’Oaxaca, quatre municipalités sur cinq ont leur propre forme de gouvernement, sans passer par l’intermédiaire des partis. Mais, bien que leur autonomie, leur droit de se régir eux-mêmes par us et coutumes leur a été reconnu légalement en 1995, elles continuent à être l’objet de harcèlement de la part des autorités. Les partisans de la démocratie radicale souhaitent qu’avec le temps, ces municipalités se coordonnent jusqu’à constituer une forme de gouvernement à l’échelle de l’Etat.
La tradition autochtone semble rejoindre ici l’idéal anarchiste. Qu’en pensez-vous ?
L’anarchie est associée à l’idée qu’il n’y a pas de gouvernement. Les gens d’ici veulent se gouverner eux-mêmes, avoir un gouvernement constitué d’eux-mêmes. Il y a un respect de l’autorité, à partir du moment où elle respecte le principe zapatiste d’« ordonner en obéissant ». L’APPO s’est aussi abstenue de chercher à prendre le pouvoir. Plutôt que de grimper sur les chaises vides de ceux qui ont abusé du pouvoir, les organisations sociales tentent de reconstruire la société depuis le bas et de créer un nouveau type de relations sociales. Comme disent les zapatistes : changer le monde est très difficile, si ce n’est impossible. Une attitude plus pragmatique est la construction d’un monde nouveau.
Cette construction peut-elle se faire sans violence ?
Pour Gandhi, la non violence était la plus grande vertu et la lâcheté le pire de vices. Il ajoutait que la non violence était réservée aux forts, tandis que les faibles n’avaient d’autre choix que d’utiliser la violence. Mais il est difficile d’expliquer aux jeunes de Oaxaca qu’en réalité ce sont eux les forts. Je suis étonné que l’on y soit arrivé. Très franchement, je craignais un bain de sang quand la police fédérale est entrée en ville. Nous avons fait un énorme effort pour que cela n’arrive pas. Beaucoup ont montré l’exemple en se couchant devant les blindés et, surtout, en montrant qu’ils n’avaient pas peur.

Source : Le Courrier (www.lecourrier.ch), 21 novembre 2006.
RISAL - Réseau d'information et de solidarité avec l'Amérique latine http://risal.collectifs.net/

Pas touche à mon numéro de Sécu

Jamais les outils informatiques n’ont atteint une telle puissance et cependant jamais le gouvernement n’a été aussi désinvolte et irrespectueux de la vie privée des citoyens. Aujourd’hui, il propose au Parlement d’autoriser l’interconnexion de tous les fichiers sociaux au moyen du numéro de Sécurité Sociale (NIR) ; tandis qu’un amendement est déposé pour utiliser ce même numéro pour toutes les connections au Dossier médical personnel (DMP) des 60 millions de personnes concernées.
Le numéro de Sécurité sociale est un numéro qui associe à chaque chiffre une information qui renseigne sur son titulaire. Pour éviter qu’il ne soit dangereux en terme de liberté, son usage a été très fortement limité par la loi.
Retrouver ce numéro signifiant dans de multiples fichiers serait la dernière étape avant l’interconnexion des fichiers. Est-il acceptable qu’un même identifiant soit utilisé à la fois pour la gestion du droit à la sécurité sociale comme aujourd’hui, et également demain pour croiser nos fichiers sociaux et accéder à notre DMP, et comme certains l’ont déjà demandé pour identifier notre dossier fiscal, voire notre dossier chez l’assureur ? Peut-on considérer que le droit à une vie privée serait aussi bien préservé avec de telles extensions ? Évidemment, non.
Aucun argument technique pour étendre l’usage du NIR n’est pertinent. Aujourd’hui comme depuis trente ans, ces arguments techniques ont toujours été utilisés pour légitimer l’objectif politique de pouvoir interconnecter des fichiers concernant une même personne. Tous ces arguments ont maintes fois été écartés par les démocrates, notamment dans des débats à l’Assemblée nationale.
Une nouvelle fois, avec une forte détermination du gouvernement, le dossier revient sur le tapis de l’Assemblée et c’est la CNIL qui se verrait confier la décision de l’usage de ce numéro pour accéder et au DMP et à notre dossier médical à l’hôpital ou chez le médecin traitant. La CNIL a toujours été fermement opposée à l’usage de ce numéro, mais des voix y compris en son sein semblent s’élever pour accepter de modifier cette doctrine.
Une extension de l’usage du NIR porterait un coup décisif au respect de la sphère privée protégée par la non connexion des fichiers. Nous exigeons que cette garantie des libertés individuelles demeure encore et toujours au premier plan des préoccupations de l’État.
Ceci est donc un appel solennel adressé à la CNIL et à toute personne qui disposerait d’un pouvoir pour les décisions dans ce domaine à ne pas autoriser l’extension de l’usage du NIR, et ce dès aujourd’hui dans le cadre du Dossier médical personnel, afin de préserver les droits et libertés des citoyens. On ne doit pas jouer à l’apprenti sorcier avec nos vies privées.
Appel à l’initiative de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) e
t de DELIS (Droits Et Libertés face à l’Informatisation de la Société).

Voir et signer l’appel
http://www.pastouchenumerosecu.org/petitions/

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J'ai lu Barrio Flores de Philippe Claudel

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Ce livre aux allures de fable s’attache à de pittoresques personnages qui font battre le cœur du Barrio Flores, bidonville à l’improbable géographie. « Petite musique », espiègle gamin des rues, sert ainsi de trait d’union entre les différents habitants du quartier, jamais à court d’idées pour égayer le quotidien... « Traduit de l’imaginaire » par Philippe Claudel, ce roman est enrichi d’un cahier photographique de Jean-Michel Marchetti.

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la Dragonne, 2000, 100 pages ISBN : 2-913-465-09-9


 
Mon avis : Barrio Flores est comme l'indique son sous-titre, une "petite chronique des oubliés". Barrio Flores aux relents d'Amérique latine, évoque un de ces innombrables bidonvilles, et les oubliés qui y vivent, y survivent. " j'avais dévalé la nuit. Le jour me prenait dans les parfums de fritures. Des ivrognes à l'angle d'un immeuble éboulé s'accrochaient à leur aube de tromperies et d'alcool de canne." Un gamin comme il en existe tant, enfant des rues d'autant plus vivants qu'ils cotoient la mort au quotidien, nous y promène comme une "petite musique", "Je marchais sur des trottoirs blancs comme des fesses d'agneaux", une comptine entêtante. J'ai été séduite, envoûtée par le chant des mots, la beauté de ce texte qui rend hommage aux exclus "dans le matin du quartier de tôles et de carton, dans le matin hésitant des chiens maigres et des loups de fortune". Un hommage à ceux dont l'existence n'est parfois qu'une brève étincelle "le battement de son coeur, si rapide, qui se précipitait de vivre en quelques mois une vie entière". Un texte poétique, vibrant et juste, qui résonne encore longtemps après lecture. " Elle a lampé à la bouteille un oubli aux couleurs de lune morte."

Cathy Garcia

 
 
Philippe Claudel est né en 1962. Écrivain et scénariste, il a publié une quinzaine de livres, salués tant par le public que par la critique. On lui doit notamment « Les âmes grises » (éd. Stock), roman couronné en 2003 par le Prix Renaudot.

DÉGRINGOLADE

une étoile est tombée
tout au fond de moi
ne la cherche pas
trop brûlante encore
 
l’amour est un accident
qui défigure au dedans
mais le cœur
est un leurre
 
il saigne
mais ne meurt pas
 
le cœur est un fauve
aux accrocs incisifs
une émotion
qui ne sait ni se taire
ni dire son nom
 
ça mord
à l’entrecuisse
 
des traces de toi
périmées
 
mon sexe abysse
une mâchoire
à langue coupée
noire mais surtout
 
exaltée à l’extrême
 
jonction
 

mots clés florilège 2

voici de nouveaux chemins qui ont amené les internautes sur ce blog :  

 

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