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31/05/2014

La Trilogie Nostradamus de Mario Reading

La Trilogie Nostradamus, traduit de l’anglais par Florence Mantran, T. 1, Les Prophéties perdues, septembre 2013, 576 pages, 14 € ; T. 2, L’Hérésie maya, septembre 2013, 640 p. 21 € ; T. 3, Le Troisième Antéchrist, février 2014, 592 pages, 21 €

Edition: Le Cherche-Midi

 

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Difficile de résumer une telle trilogie, tellement elle est dense, mais ce qui est certain c’est que le premier tome nous embarque pour une aventure des plus captivantes où se retrouvent impliqués, parfois bien malgré eux, des personnages de milieux qui a priori n’ont rien à voir entre eux. Ainsi Adam Sabir, un écrivain franco-américain, spécialiste de Nostradamus, arrive à Paris sur les traces de 52 prophéties inédites dont nul n’a eu connaissance, des prophéties perdues.

Légende ou réalité ? Toujours est-il qu’il se retrouve aussitôt mêlé à une sombre histoire de meurtre, celui d’un gitan surnommé Babel Samana qui semblait savoir quelque chose à leur propos. Adam Sabir est le principal suspect de cet assassinat plutôt sauvage. À la fois en fuite et toujours sur les traces des prophéties perdues, il a sur ses propres traces le policier Calque, qui tient plus de l’érudit fou d’histoire que du policier, et son adjoint bien moins érudit, mais plus zélé. Le tueur de Babel Samana aussi est sur ses traces, Adam Sabir n’est pas le seul à rechercher ces prophéties.

Après avoir frôlé la mort dans le camp de gitans où il recherche la sœur de Babel, Yola Dufontaine, il se retrouve contre toute attente désigné comme frère de sang de cette dernière et tous deux seront impliqués ainsi que Calque, jusqu’au cou et jusqu’au bout de cette trépidante trilogie, mêlant intrigue et suspens à la sauce policière, thriller ésotérique, amour et aventure multiculturelle à travers la France, l’Europe et le Mexique, d’abord la piste des Vierges Noires, puis entre autres les crânes de cristal et la prophétie des Mayas pour finir par trouver le troisième antéchrist et la parousie, au fin fond de la Roumanie, et avec continuellement aux trousses un obscur et redoutable Corpus Maleficus, chargé de protéger le monde en provoquant le chaos…

Et tout ça, sans jamais tomber dans un délire new-âge, mais au contraire très documenté, drôle, intelligent, poétique, pure fiction mais des plus crédibles, passionnante. Cela dit le premier tome étant si prenant, il est difficile de tenir sur la longueur un rythme aussi haletant, et la fin peut sembler du coup un peu décevante, mais à vrai dire elle n’importe pas tant que ça, l’essentiel s’étant passé avant. A lire donc sans hésiter, il y a à boire et à manger.

 

Cathy Garcia

 

 

 

mario_reading_-_credit_claudia_reading.jpgGlobe-trotter insatiable, Mario Reading a vécu en Autriche et en Afrique du Sud. Expert en livres anciens, il est considéré comme l’un des grands spécialistes de Nostradamus. Après Les Prophéties perdues, paru une première fois en 2009 aux éditions First, L’Hérésie maya et Le Troisième Antéchrist viennent compléter La Trilogie Nostradamus.

 

Note paru sur le site de la Cause Littéraire

 

 

 

 

 

 

 

30/05/2014

Bernard Laponche : “Il y a une forte probabilité d'un accident nucléaire majeur en Europe”

 

Quelle énergie pour l'avenir ? | Physicien nucléaire, polytechnicien, Bernard Laponche est formel : la France est dans l'erreur. Avec le nucléaire, elle s'obstine à privilégier une énergie non seulement dangereuse mais obsolète. Alors que d'autres solutions existent, grâce auxquelles les Allemands ont déjà commencé leur transition énergétique.

Le 18/06/2011 à 00h00- Mis à jour le 27/06/2011 à 11h24
Propos recueillis par Vincent Remy - Télérama n° 3205

 Bernard Laplonche - Photo : Pierre-Emmanuel Rastoin pour...

Bernard Laplonche - Photo : Pierre-Emmanuel Rastoin pour Télérama

Il est des leurs. Enfin, il était des leurs. Polytechnicien, physicien nucléaire, Bernard Laponche a participé, dans les années 1960, au sein du Commissariat à l'énergie atomique, à l'élaboration des premières centrales françaises. La découverte des conditions de travail des salariés de la Hague sera pour lui un choc : il prend conscience du danger de l'atome, qu'il juge moralement inacceptable. Dès les années 1980, Bernard Laponche, désormais militant au sein de la CFDT, prône la maîtrise de la consommation énergétique et le développement des énergies renouvelables. Les décennies suivantes lui ont donné raison. Mais la France, seul pays au monde à avoir choisi l'option du tout-nucléaire, s'obstine dans l'erreur, déplore-t-il, et s'aveugle : énergie du passé, sans innovation possible, le nucléaire ne représente pas seulement une menace terrifiante, pour nous et pour les générations qui suivront ; il condamne notre pays à rater le train de l'indispensable révolution énergétique.

 On présente toujours l'énergie nucléaire comme une technologie très sophistiquée. Vous dites qu'il s'agit juste du « moyen le plus dangereux de faire bouillir de l'eau chaude » (1) . C'est provocateur, non ?
Pas vraiment... Un réacteur nucléaire n'est qu'une chaudière : il produit de la chaleur. Mais au lieu que la chaleur, comme dans les centrales thermiques, provienne de la combustion du charbon ou du gaz, elle est le résultat de la fission de l'uranium. Cette chaleur, sous forme de vapeur d'eau, entraîne une turbine qui produit de l'électricité. L'énergie nucléaire n'est donc pas ce truc miraculeux qui verrait l'électricité « sortir » du réacteur, comme s'il y avait une production presque spontanée...

Pourquoi cette image s'est-elle imposée ?
Les promoteurs du nucléaire ne tiennent pas à mettre en avant la matière première, l'uranium. C'est lié au fait qu'à l'origine le nucléaire était militaire, donc stratégique. Et puis en laissant penser que l'électricité est produite directement, ils lui donnent un côté magique, ainsi qu'une puissance trois fois plus élevée, car c'est la chaleur produite que l'on évalue, pas l'électricité. Or les deux tiers de la chaleur sont perdus, ils réchauffent l'eau des fleuves ou de la mer qui sert à refroidir les réacteurs.

La centrale de Grafenrheinfeld, en Allemagne. - Photo : J&uu

La centrale de Grafenrheinfeld, en Allemagne. - Photo : Jürgen Nefzger

 

Parlons donc du combustible...
Ce sont des crayons d'uranium, de l'uranium légèrement enrichi en isotope 235, pour les réacteurs français. La fission est une découverte récente (1938) : un neutron tape un noyau d'uranium qui explose, produit des fragments, donc de l'énergie, et des neutrons, qui vont taper d'autres noyaux – c'est la réaction en chaîne. La multiplication des fissions produit de la chaleur. Or les fragments de la fission sont de nouveaux produits radioactifs, qui émettent des rayons alpha, bêta, gamma... A l'intérieur des réacteurs, vous produisez donc de la chaleur, c'est le côté positif, mais aussi des produits radioactifs, notamment du plutonium, le corps le plus dangereux qu'on puisse imaginer, qui n'existe qu'à l'état de trace dans la nature. On aurait dû s'interroger dès l'origine : ce moyen de produire de l'eau chaude est-il acceptable ?

Cette réaction en chaîne, on peut tout de même l'arrêter à chaque instant, non ?
Dans un fonctionnement normal, on abaisse les barres de contrôle dans le cœur du réacteur : elles sont constituées de matériaux qui absorbent les neutrons, ce qui arrête la réaction en chaîne. Mais il faut continuer de refroidir les réacteurs une fois arrêtés, car les produits radioactifs continuent de produire de la chaleur. La nature même de la technique est donc source de risques multiples : s'il y a une panne dans les barres de contrôle, il y a un emballement de la réaction en chaîne, ce qui peut provoquer une explosion nucléaire ; s'il y a une fissure dans le circuit d'eau, il y a perte de refroidissement, la chaleur extrême détruit les gaines du combustible, certains produits radioactifs s'échappent, on assiste à la formation d'hydrogène, cet hydrogène entraîne des matières radioactives et peut exploser.

“Puisque le point de départ, c'est la création
de produits radioactifs en grande quantité, la catastrophe
est intrinsèque à la technique. Le réacteur fabrique
les moyens de sa propre destruction.”

Mais on multiplie les systèmes de protection...
Vous avez beau les multiplier, il y a toujours des situations dans lesquelles ces protections ne tiennent pas. A Tchernobyl, on a invoqué, à juste titre, un défaut du réacteur et une erreur d'expérimentation ; à Fukushima, l'inondation causée par le tsunami. Au Blayais, en Gironde, où la centrale a été inondée et où on a frôlé un accident majeur, on n'avait pas prévu la tempête de 1999. Mais on a vu des accidents sans tsunami ni inondation, comme à Three Mile Island, aux Etats-Unis, en 1979. On peut aussi imaginer, dans de nombreux pays, un conflit armé, un sabotage... Puisque le point de départ, c'est la création de produits radioactifs en grande quantité, la catastrophe est intrinsèque à la technique. Le réacteur fabrique les moyens de sa propre destruction.

Y a-t-il eu des innovations en matière nucléaire ?
Aucun progrès technologique majeur dans le nucléaire depuis sa naissance, dans les années 1940 et 1950. Les réacteurs actuels en France sont les moteurs des sous-marins atomiques américains des années 1950. En plus gros. Les réacteurs, l'enrichissement de l'uranium et le retraitement, sont des technologies héritées de la Seconde Guerre mondiale. On a juste augmenté la puissance et ajouté des protections. Mais parce que le système est de plus en plus compliqué, on s'aperçoit que ces protections ne renforcent pas toujours la sûreté.

On a du mal à croire qu'il n'y ait eu aucune innovation majeure...
Si, le surgénérateur ! Avec Superphénix, on changeait de modèle de réacteur. Et heureusement qu'on l'a arrêté en 1998, car il était basé sur l'utilisation du plutonium. Le plutonium est un million de fois plus radioactif que l'uranium. Comment a-t-on pu imaginer faire d'un matériau aussi dangereux le combustible d'une filière de réacteurs exportable dans le monde entier ?

Nicolas Sarkozy affirme que si l'on refuse le nucléaire, on doit accepter de s'éclairer à la bougie. Qu'en pensez-vous ?
Il est lassant d'entendre des dirigeants qui n'y connaissent rien continuer à dire n'importe quoi. Nicolas Sarkozy ne croit pas si bien dire ; un jour, et pourquoi pas dès cet été, les Français s'éclaireront à la bougie : comme nous sommes le seul pays au monde à avoir choisi de produire 80 % de notre électricité avec une seule source, le nucléaire, et une seule technique, le réacteur à eau pressurisée, si nous sommes contraints d'arrêter nos réacteurs, nous retournerons à la bougie ! Pas besoin d'une catastrophe, juste un gros pépin générique, ou une sécheresse et une canicule exceptionnelles. Car on ne peut pas faire bouillir l'eau des rivières. En revanche, si l'on décidait de sortir du nucléaire en vingt ans, on pourrait démultiplier notre inventivité énergétique pour justement éviter la bougie.

Les défenseurs du nucléaire disent qu'en France, avec notre nouveau réacteur, l'EPR, que l'on construit à Flamanville, on arrive à un risque quasi nul...
Chaque pays assure que ses réacteurs sont mieux que les autres. Avant Fukushima, le discours des Japonais était le même que celui des Français. On en est déjà à cinq réacteurs détruits (Three Mile Island, Tchernobyl, et trois réacteurs à Fukushima) sur quatre cent cinquante réacteurs dans le monde, des centaines de kilomètres carrés inhabitables. La probabilité théorique, selon les experts de la sûreté nucléaire, devait être de un pour cent mille « années-réacteur » [une année-réacteur, c'est un réacteur fonctionnant pendant un an, NDLR], voire un million d'années-réacteur pour un accident majeur, type Tchernobyl ! La réalité de ce qui a été constaté est trois cents fois supérieure à ces savants calculs. Il y a donc une forte probabilité d'un accident nucléaire majeur en Europe.

Une innovation majeure pourrait-elle vous conduire à revoir votre jugement ?
Je ne vois pas de solution dans l'état actuel, non pas de l'ingénierie, mais de la connaissance scientifique. Je ne dis pas qu'un jour un savant ne trouvera pas un moyen d'utiliser l'énergie de liaison des noyaux de façon astucieuse, qui ne crée pas ces montagnes de produits radioactifs. Mais pour le moment, il n'y a pas !

Pourquoi vous opposez-vous à Iter, expérience sur la fusion menée à Cadarache, sous l'égide de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) ?
La fusion, c'est l'inverse de la fission. On soude deux petits noyaux, deux isotopes de l'hydrogène, le deutérium (un proton et un neutron) et le tritium (un proton et deux neutrons), et cette soudure dégage de l'énergie. Mais il faut arriver à les souder, ces noyaux ! Dans le Soleil, ils se soudent du fait de la gravitation. Sur Terre, on peut utiliser une bombe atomique, ça marche très bien. L'explosion provoque la fusion des deux noyaux, qui provoque une seconde explosion beaucoup plus forte : c'est la bombe à hydrogène, la bombe H. Pour une fusion sans bombe, il faut créer des champs magnétiques colossaux afin d'atteindre des températures de cent millions de degrés. Iter, à l'origine un projet soviétique, est une expérience de laboratoire à une échelle pharaonique, des neutrons extrêmement puissants bombardent les parois en acier du réacteur, ces matériaux deviennent radioactifs et doivent d'ailleurs être remplacés très souvent. Je ne suis pas spécialiste de la fusion, mais je me souviens que nos deux derniers Prix Nobel français de physique, Pierre-Gilles de Gennes et Georges Charpak, avaient dit qu'Iter n'était pas une bonne idée. Ils prônaient les recherches fondamentales avant de construire cet énorme bazar. Personne n'a tenu compte de leur avis, et nos politiques se sont précipités, sur des arguments de pure communication – on refait l'énergie du Soleil – pour qu'Iter se fasse en France.

Pourquoi ?
Parce que les Français veulent être les champions du nucléaire dans le monde. Les Japonais voulaient Iter, mais leur Prix Nobel de physique Masatoshi Koshiba a dit « pas question », à cause du risque sismique. Je pense que ce projet va s'arrêter parce que son prix augmente de façon exponentielle. Et personne ne s'est posé la question : si jamais ça marchait ? Que serait un réacteur à fusion ? Comme disent les gens de l'association négaWatt, pourquoi vouloir recréer sur Terre l'énergie du Soleil puisqu'elle nous arrive en grande quantité ?

Que répondez-vous à ceux qui pensent que l'impératif du réchauffement climatique, donc la nécessaire réduction des émissions de CO2, nous impose d'en passer par le nucléaire ?
Tout d'abord, on ne peut pas faire des émissions de CO2 le seul critère de choix entre les techniques de production d'électricité. Faut-il accepter qu'au nom du climat, tous les cinq ou dix ans, un accident de type Fukushima se produise quelque part dans le monde ? Ensuite, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) a montré que si l'on voulait tenir nos objectifs de réduction des émissions de CO2, la moitié de l'effort devait porter sur les économies d'énergie. Pour l'autre moitié, le recours aux énergies renouvelables est essentiel, la part du nucléaire n'en représentant que 6 %. Il faut donc relativiser l'avantage du nucléaire.

“Comme on a fait trop de centrales, il y a eu
pression pour la consommation d'électricité,
en particulier pour son usage le plus imbécile, le
chauffage, pour lequel la France est championne.”

Vous avez commencé votre carrière au CEA et avez été un artisan de cette énergie. Que s'est-il passé ?
J'ai même fait une thèse sur le plutonium, et je ne me posais aucune question. Tout est très compartimenté au CEA, je faisais mes calculs sur la centrale EDF 3 de Chinon, n'avais aucune idée des risques d'accident ni du problème des déchets. Je travaillais avec des gens brillants. Et puis j'ai commencé à militer à la CFDT, après 68, et on s'est intéressé aux conditions de travail des travailleurs de la Hague. Je me suis aperçu que, moi, ingénieur dans mon bureau, je ne connaissais rien de leurs conditions de travail, et que les gens de la Hague ne savaient pas ce qu'était un réacteur nucléaire. On a donc écrit, en 1975, un bouquin collectif qui a été un best-seller, L'Electronucléaire en France. Le patron du CEA de l'époque a d'ailleurs reconnu la qualité de ce travail. Pour cela, j'ai travaillé pendant six mois à partir de documents américains, parce qu'en France il n'y avait rien. La CFDT a alors pris position contre le programme nucléaire. J'ai commencé à travailler sur les alternatives au nucléaire et, en 1982, je suis entré à l'Agence française pour la maîtrise de l'énergie.

Cela fait trente ans... Que prôniez-vous à l'époque ?
Mais la même chose qu'aujourd'hui : économies d'énergie et énergies renouvelables ! Les principes de l'électricité photovoltaïque, donc des panneaux solaires, étaient déjà connus. Aujourd'hui, on ne parle que de l'électricité, mais ce qu'il faudrait d'abord installer partout, c'est des chauffe-eau solaires ! Rien de plus simple : un fluide caloporteur circule dans un tube sous un panneau vitré, et permet d'obtenir de l'eau à 60 degrés. L'Allemagne, pays moins ensoleillé que la France, a dix fois plus de chauffe-eau solaires. Dans le Midi, il n'y en a pas, ou si peu !

Cela ne demande pas beaucoup d'innovation...
L'innovation permet avant tout de réduire les coûts. L'éolien, sa compétitivité face au nucléaire est acquise. En ce qui concerne le photovoltaïque, les Allemands anticipent des coûts en baisse de 5 % chaque année. Il y a beaucoup de recherches à faire sur les énergies marines, les courants, l'énergie des vagues, la chaleur de la terre avec la géothermie. Les énergies renouvelables, sous un mot collectif, sont très différentes, et peuvent couvrir à peu près tous les besoins énergétiques. Les Allemands estiment qu'elles couvriront 80 % des leurs d'ici à 2050. C'est plus que crédible, à condition de toujours rechercher les économies d'énergie.


Photo : CC by HeyRocker (www.flickr.com/photos/heyrocker)

Photo : CC by HeyRocker (www.flickr.com/photos/heyrocker)

 

Le fait qu'on ait produit de l'électricité à partir du nucléaire à un coût modique, ne prenant pas en compte les coûts du démantèlement et de la gestion à long terme des déchets radioactifs, a-t-il pénalisé les énergies renouvelables ?
Oui, et comme on a fait trop de centrales nucléaires, il y a toujours eu pression pour la consommation d'électricité, et en particulier pour son usage le plus imbécile, le chauffage électrique, pour lequel la France est championne d'Europe. On construit des logements médiocres, l'installation de convecteurs ne coûte rien, cela crée du coup un problème de puissance électrique globale : en Europe, la différence entre la consommation moyenne et la pointe hivernale est due pour moitié à la France ! Résultat, l'hiver, nous devons acheter de l'électricité à l'Allemagne, qui produit cette électricité avec du charbon… Hors chauffage, les Français consomment encore 25 % de plus d'électricité par habitant que les Allemands. Qui n'ont pas seulement des maisons mieux isolées, mais aussi des appareils électroménagers plus efficaces, et qui font plus attention, car l'électricité est un peu plus chère chez eux.

“Les Allemands étudient des réseaux
qui combinent biomasse, hydraulique, éolien,
photovoltaïque. Ils réussissent la transition
énergétique. Parce qu'ils l'ont décidée.”

Quelles sont les grandes innovations à venir en matière d'énergie ?
Les « smart grids », les réseaux intelligents ! Grâce à l'informatique, on peut optimiser la production et la distribution d'électricité. A l'échelle d'un village, d'une ville ou d'un département, vous pilotez la consommation, vous pouvez faire en sorte, par exemple, que tous les réfrigérateurs ne démarrent pas en même temps. Les défenseurs du nucléaire mettent toujours en avant le fait que les énergies renouvelables sont fluctuantes – le vent ne souffle pas toujours, il n'y a pas toujours du soleil – pour asséner que si l'on supprime le nucléaire, il faudra tant de millions d'éoliennes... Mais tout change si l'on raisonne en termes de combinaisons ! Les Allemands étudient des réseaux qui combinent biomasse, hydraulique, éolien, photovoltaïque. Et ils travaillent sur la demande : la demande la nuit est plus faible, donc avec l'éolien, la nuit, on pompe l'eau qui va réalimenter un barrage qui fonctionnera pour la pointe de jour... C'est cela, la grande innovation de la transition énergétique, et elle est totalement opposée à un gros système centralisé comme le nucléaire. Le système du futur ? Un territoire, avec des compteurs intelligents, qui font la jonction parfaite entre consommation et production locale. Small is beautiful. Les Allemands réussissent en ce moment cette transition énergétique. Parce qu'ils l'ont décidée. C'est cela, le principal : il faut prendre la décision. Cela suppose une vraie prise de conscience.

Comment expliquez-vous l'inconscience française ?
Par l'arrogance du Corps des ingénieurs des Mines, d'une part, et la servilité des politiques, de l'autre. Une petite caste techno-bureaucratique a gouverné les questions énergétiques depuis toujours, puisque ce sont eux qui tenaient les Charbonnages, puis le pétrole, et ensuite le nucléaire. Ils ont toujours poussé jusqu'à l'extrême, et imposé aux politiques, la manie mono-énergétique.

Cela vient de notre pouvoir centralisé ?
Complètement ! Dans les années 1970, un chercheur suédois a écrit une étude sur le fait que le nucléaire marche dans certains pays et pas dans d'autres. Et il en a conclu qu'une structure politico-administrative autoritaire et centralisée avait permis qu'il se développe dans deux pays : l'URSS et la France. Pour de fausses raisons – indépendance énergétique, puissance de la France –, on maintient le lien entre le nucléaire civil et militaire – le CEA a une branche applications militaires, Areva fournit du plutonium à l'armée. Ce complexe militaro-étatico-industriel fait qu'ici on considère madame Merkel comme une folle. Au lieu de se dire que si les Allemands font autrement, on pourrait peut-être regarder… Non, on décide que les Allemands sont des cons. Nos responsables claironnent qu'on a les réacteurs les plus sûrs, que le nucléaire c'est l'avenir, et qu'on va en vendre partout. C'est l'argument qu'on utilise depuis toujours, et on a vendu péniblement neuf réacteurs en cinquante ans, plus les deux qui sont en construction en Chine. Ce n'est pas ce qui était prévu… En dix ans, les Allemands, eux, ont créé près de 400 000 emplois dans les énergies renouvelables.

En dehors des écologistes, personne, y compris à gauche, ne remet en cause le nucléaire...
Les choses évoluent vite. Fukushima ébranle les pro-nucléaire honnêtes. Je pense que la décision allemande aura une influence, pas sur nos dirigeants actuels, mais sur nos industriels et aussi sur les financiers. Ils doivent se dire : vais-je continuer à mettre mes billes dans un truc comme ça ? Il y avait jadis l'alliance Areva-Siemens pour proposer des réacteurs EPR, mais Siemens en est sorti depuis des années. On peut toujours se rassurer en pensant que les Allemands se trompent, mais on peut difficilement soutenir qu'ils aient fait ces dernières décennies de mauvais choix et que leur industrie soit faiblarde...

Les écologistes peuvent-ils peser sur les socialistes ?
Bien sûr. Déjà, en 2000, tout était prêt pour l'EPR, mais Dominique Voynet, ministre de l'Environnement, a dit à Lionel Jospin : « Si tu fais l'EPR, je démissionne. » C'est la seule fois où elle a mis sa démission dans la balance et l'EPR ne s'est pas fait à l'époque. Je travaillais auprès d'elle comme conseiller sur ces questions, j'ai pondu trois cent cinquante notes. Il y avait une bagarre quotidienne entre le ministère de l'Environnement et le ministère de l'Industrie, qui se moquait complètement de la sécurité. Malheureusement, l'EPR est reparti avec Chirac en 2002. Et il va nous coûter très cher. En un demi-siècle, on a gaspillé l'énergie, on a fait n'importe quoi. Il est urgent de choisir une civilisation énergétique qui ne menace pas la vie.

(1) Titre d'une contribution dans les pages Rebonds de « Libération » (24 mars 2011).


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23:44 Publié dans NUCLEAIRE | Lien permanent | Commentaires (0)

Au Chiapas, on a assassiné Galeano, ange gardien zapatiste et maestro ès démocratie

 

La tension est vive au Chiapas après l’attaque contre le centre régional zapatiste de La Realidad, dans la forêt Lacandone, au Mexique. C’est le cœur d’une expérience d’autonomie rebelle, d’une ampleur qui n’a guère d’équivalent, qui est ainsi visé.

Comme des dizaines de milliers de zapatistes, Galeano, sauvagement assassiné, était un maestro, de ceux qui partagent avec humilité leur expérience, un maître dans l’art trop rare de pratiquer une démocratie véritable, un artisan ordinaire et modestement héroïque des utopies réelles.


Galeano, assassiné le 2 mai au Chiapas (DR)

Attaque contre La Realidad

Le 2 mai dernier, en effet, un groupe de choc de la CIOAC-H (Centrale indigène d’ouvriers agricoles et paysans – branche historique), une organisation manipulée par les autorités, a attaqué le caracol de La Realidad, l’un des cinq centres régionaux où siègent les Conseils de bon gouvernement zapatistes (instaurés en 2003 afin de mettre en pratique des Accords de San Andrés, signés par le gouvernement fédéral mais jamais transformés en norme légale).

Le solde est une école et une clinique détruites, une quinzaine de blessés et l’assassinat prémédité du « compañero Galeano », l’un des responsables régionaux de la « Petite école » zapatiste, dernière initiative en date de l’EZLN (Armée zapatiste de libération nationale).

Il faut bien comprendre qu’au Chiapas de nombreuses organisations non zapatistes sont incitées par les gouvernements à entrer en conflit avec les membres de l’EZLN (on vient de mettre au jour une correspondance de 2010 entre l’un des assassins présumés de Galeano et Luis H. Alvarez, ancien président de la Commission nationale pour le développement des peuples indigènes).

On leur promet, par exemple, de financer leurs projets productifs, à condition qu’ils reprennent aux zapatistes des terres, des hangars, bloquent leur accès aux ressources en eau, en sable, etc.

« Affrontements intracommunautaires » ?

Les cas ne manquent pas où les familles zapatistes, voire des hameaux entiers, sont chassés, les armes à la main. Il s’agit là d’une stratégie de contre-insurrection, plus discrète que le recours à l’armée fédérale et qui permet de mettre la violence sur le compte des « affrontements intracommunautaires », stratagème déjà amplement mis à profit lors du massacre d’Acteal, en décembre 1997.

C’est cela qui vient de se passer à La Realidad. Pour faire monter la tension, les membres de la CIOAC ont prétendu interdire aux zapatistes l’accès à une carrière de sable dont l’usage était de longue date collectif et se sont emparés, plusieurs mois durant, d’une camionnette du Conseil de bon gouvernement.

Au moment même où un processus de dialogue était en cours entre des envoyés de la CIOAC et le Conseil de bon gouvernement de La Realidad, avec la médiation du Centre des droits de l’homme Fray Bartolomé de Las Casas, et semblait pouvoir aboutir, les dirigeants de la CIOAC ont envoyé un groupe armé afin d’attaquer le caracol de La Realidad.

C’est alors que l’école et la clinique ont été détruites, tandis que Galeano, pris en embuscade par une vingtaine d’hommes en armes, a été sauvagement frappé puis transpercé de trois balles assassines.

Recours à l’armée zapatiste

Face à la violence de cette attaque, qui vise l’un des centres les plus symboliques des territoires zapatistes, le Conseil de bon gouvernement, instance civile, a décidé d’en appeler à l’EZLN pour faire face à la situation dérivant de cette agression.

C’est la première fois depuis leur création, en 2003, que l’un des cinq Conseils de bon gouvernement s’en remet ainsi à l’Armée zapatiste.

Aussitôt, l’EZLN a annoncé la suspension de toutes ses activités publiques, notamment une importante rencontre nationale avec les peuples indiens rassemblés dans le Congrès national indigène et un Séminaire international qui devaient se tenir fin mai et début juin et au cours desquelles devaient être annoncées et discutées les initiatives de la prochaine étape de la lutte zapatiste.

Les récents communiqués du sous-commandant Marcos rendaient palpable le climat à La Realidad : le temps était à la douleur et à la colère, au deuil et à l’hommage à Galeano (qui lui sera rendu, sur place, et un peu partout au Mexique et à travers le monde, le samedi 24 mai), mais aussi à la mobilisation et à la vigilance, face aux rumeurs évoquant une attaque pour « prendre le caracol » de La Realidad.

« Justice pour Galeano »

Solidarité
Des dizaines et des dizaines de messages de dénonciation de cet assassinat et de soutien à la lutte zapatiste sont envoyés, rassemblant de nombreuses organisations, collectifs, syndicats, en France, en Italie, en Espagne, en Allemagne, aux Etats-Unis, au Canada et en Amérique latine, ainsi que l’adhésion de personnalités parmi lesquelles Noam Chomsky, John Berger, Angela Davis, Naomi Klein, Arundhati Roy, Michael Hardt, Immanuel Wallerstein, Eric Hazan, Serge Latouche, Michael Löwy, Jean Robert et bien d’autres. [Une lettre solidaire peut être signée jusqu’au 25 mai en envoyant son nom à chiapas@solidaires.org (texte de la lettre sur http://cspcl.ouvaton.org/spip.php ? article986].

Une campagne mondiale, « Justice pour Galeano. Halte à la guerre contre les communautés zapatistes », se développe. Les mobilisations se multiplient dans de nombreux pays.

S’en prendre à Galeano, c’était viser la Petite école zapatiste, et on le comprend, car celle-ci a pour objet de faire connaître largement le bilan concret de vingt ans de construction de l’autonomie dans les territoires rebelles du Chiapas.

C’est ainsi qu’au cours des trois cessions réalisées entre août 2013 et janvier 2014 plus de 5 000 personnes, venues de plusieurs continents, ont pu séjourner dans des familles zapatistes, partager leurs tâches quotidiennes et mieux comprendre le fonctionnement des instances de gouvernement zapatiste, de la santé et de l’éducation autonomes, patiemment construites à partir des besoins réels des communautés indiennes.

Galeano, qui outre son rôle dans l’organisation de la Petite école au niveau régional, avait été l’un des milliers de Votan (gardien, en langue maya), chargé d’accompagner personnellement chaque participant de la Petite école, de veiller sur lui et de lui fournir toutes les explications souhaitées, en a expliqué lui-même la portée, quelques semaines avant son assassinat :

« Je considère que la Petite école est très importante ; c’est un moyen pour que nous puissions communiquer avec les gens de la ville, pour que nous puissions partager nos expériences, partager les avancées de l’autonomie.

Les “ élèves ” ont pu venir jusqu’à nos territoires ; ils sont venus pour partager avec les familles, pour apprendre. Ils ont pu connaître nos manières d’agir, nous les zapatistes, nos manières de nous organiser, nos moyens d’autoproduction, et comment nous construisons notre propre système de gouvernement […]

La chose la plus grande, c’est qu’ici le gouvernement ne dirige plus ; ici, c’est le peuple qui dirige. C’est le peuple qui décide comment il souhaite que soient les choses. C’est ça qui doit être clair pour les gens : ils avaient entendu dire que, chez nous, le peuple dirige et le gouvernement obéit.

Maintenant, ils sont venus voir de leurs propres yeux comment le peuple gouverne depuis les villages, au niveau des communes et au niveau régional, avec les Conseils de bon gouvernement. C’est ça le plus important, qu’ils viennent connaître ce qu’est l’autogouvernement des zapatistes. »


Hommage à Galeano (DR)

Le rêve partagé d’un autre monde

En lisant ces lignes, je pense à Galeano, dont la photo récemment publiée montre le regard étincelant de conviction généreuse et de force sereine.

Mais je pense aussi à Maximiliano, que j’ai eu l’honneur d’avoir pour votan durant la Petite école, en août 2013. Il y a en ce moment, à travers le monde, plus de 5 000 « élèves » de la Petite école zapatiste, et chacun d’eux, chacune d’elles, a sans doute dans le cœur son propre votan, qui aurait pu être Galeano.

Qui, comme Galeano, comme Maximiliano, l’a accompagné chaleureusement, a mis le meilleur de lui-même pour répondre à ses interrogations sur l’autonomie zapatiste, a nourri une réflexion commune sur le rêve partagé d’un monde libéré de la tyrannie capitaliste.

Un votan qui, comme Galeano, pourrait être mort aujourd’hui, assassiné pour avoir engagé sa vie dans la construction de la seule démocratie qui mérite véritablement ce nom. C’est-à-dire une démocratie qui ne se limite pas au choix rituel de gouvernants qui ne sont finalement rien d’autre que les courroies de transmission des contraintes découlant des logiques productivistes du capitalisme, mais qui consiste en une réappropriation effective des tâches de gouvernement, afin de mettre en œuvre des options de vie collectivement élaborées et débattues.

Je pense à cette incroyable expérience qu’est la Petite école zapatiste.

  • Incroyable effort d’organisation collective.
  • Incroyable ouverture aux autres et bouleversante générosité.
  • Incroyable invention d’une forme si singulière de partage de l’expérience populaire, au plus près de sa pratique et très loin de la rigidité des exposés théoriques et des rationalisations productrices de prétendus modèles.
  • Incroyable imbrication de l’expérimentation politique, du lien sensible et de l’intensité de la rencontre interpersonnelle.
  • Incroyable force d’humanité qui se dégage des êtres ordinaires (que nous sommes tous) lorsqu’ils brisent la chape de plomb de la résignation et de la passivité, acquièrent le goût de la liberté et commencent à se gouverner eux-mêmes.

C’est tout cela que, comme chaque votan de la Petite école zapatiste, Galeano symbolise maintenant. C’est cela qu’on a voulu assassiner. C’est cela – cet autre monde non seulement possible mais tangible, réel, de chair et d’os, et nourri de dignité rebelle – que l’on peut souhaiter faire nôtre et défendre.

 

Jerôme Baschet | chercheur à l'EHESS

http://rue89.nouvelobs.com/2014/05/21/chiapas-a-assassine...

 

 

Espagne : parc naturel à vendre

 

Pour tenter de renflouer ses caisses et de rembourser sa dette publique, l'Etat espagnol met en vente 30% de son patrimoine public. Des Hôpitaux, des petits palais, des milliers de logements, des casernes militaires, et même, un parc naturel protégé : celui des Alcornocales, en Andalousie. Le plus grand d'Europe, et l'un des plus riches. Pour villas et hôtel de luxe, aérodrome pour jets privés, golfs... Le reportage de Sandrine Mercier et Joseph Gordillo.

 

 

Il était une fois un pays, l’Espagne qui, grâce au dieu marché néolibéral, devint “l’Espanistan”

plus que jamais d'actualité...ça continue...

16 novembre 2013
Par

espanistan2 espanistan4Courte vidéo satirique en langue espagnole, avec sous-titrage en français, qui retrace avec beaucoup d’à-propos, les fondements politiques de la faillite bancaire et immobilière espagnole. Document proposé pour CHAIRECOOP par Alejandro Muchada. « Màs que una casa ». Architecte et membre de la chaire.espanistan7

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  1.  Il était une fois un pays, l’ESPAGNE qui, grâce au dieu marché néolibéral, devint “l’ESPANISTAN“…

 

     2.« ESPANA EN VENTA ». Film documentaire en langue espagnole de Jordi Evola & Ramon Lara. (Novembre 2013 ) proposé pour CHAIRECOOP par Alejandro Muchada. « Màs que una casa ». Architecte et membre de la chaire.

  • En 2013, la communauté d’agglomération de Madrid vend la totalité d’un ensemble locatif social public (« vivienda de protecciónofficial ») dénommé « Ensanche de Vallegas », soit 3000 logements sociaux. Cette vente intervient au bénéfice de deux fonds de pension américains, pour un montant de 201 millions d’€.

espana1espana3Les fonds de pension et organismes bancaires désormais propriétaires de cet ensemble immobilier sont Blackstone et Goldman Sachs. En conséquence, les locataires en place ont perdu leur statut de locataire social et le patrimoine immobilier public financé par l’impôt, relève désormais du marché libre.

Cette vente immobilière qui a été décidée par la communauté urbaine de Madrid sans aucune concertation auprès des populations concernées, intervient au moment même où s’achève la période de versement des aides au logement. Ce qui place les locataires concernés dans une situation de totale incertitude.

Ainsi que l’on peut en prendre connaissance dans un extrait de la profession de foi de Goldman Sachs : «We stress creativity and imagination in everything we do. While recognizing that the old way may still be the best way, we constantly strive to find a better solution to a client’s problems. We pride ourselves on having pioneered many of the practices and techniques that have become standard in the industry.”[1] espana4

Le marché financier est en effet à même de se renouveler en permanence, dans sa recherche d’invention illimitée de nouveaux “produits”, qui sauront générer pour son propre compte, les plus grands profits.

espana2En réalité, il s’agit de remettre en perspective sur un temps long, ce processus de privatisation du logement social public en cours en Espagne.  Cette démarche de marchandisation de biens publics n’est pas un phénomène isolé. Elle intervient à l’inverse, comme une lame de fond et ce, du nord au sud du continent européen. Portée par le courant de pensée néo-libéral, Margareth Thatcher initie le processus en Grande Bretagne dès le début des années, 1980 avec le « Right to Buy » (2 millions de logements sociaux publics vendus entre 1979 et 1999)[2]. Thatcher imprime ainsi sa vision du monde de la ” ownership society” (société de propriétaires).

Aux Pays-Bas, sur la seule année 2000, ce sont 20.000 logements sociaux publics propriété des sociétés publiques de logements (« woning corporaties »), qui sont vendus sur le marché immobilier.

En 2001 en Italie, le gouvernement Berlusconi crée un consortium bancaire international – la SCIP [3]- ayant en charge la vente de 100.000 logements publics, propriété des entreprises de prévoyance publiques (« Ente previdenziali ») pour un montant évalué à plus de 4 milliards d’€.

espana8En 2004, la municipalité social-démocrate de Berlin vend d’un coup 70.000 logements sociaux publics propriété de la société communale “GSW”, au fonds de pension américain CERBERUS, pour un montant de 2 milliards d’€. La ville de Berlin efface ainsi du même coup sa dette publique estimée à 1,6 milliards d’€…espana7 

Cette tendance générale à l’œuvre en Europe, où toute aide publique est considérée comme une entrave avérée à la sacro-sainte règle de la “concurrence libre et non faussée“,  peut au fond être traduite de la manière suivante : le logement social peut rapporter gros. A une condition toutefois, s’en débarrasser…

Yann Maury. Chairecoop. Décembre 2013.

Pour des analyses complémentaires, consulter infra le chapitre CHAIRECOOP. ESPAGNE. ”Surproduction immobilière et crise du logement en ESPAGNE “.


[1] « Nous insistons sur la créativité et l’imagination dans tout ce que nous faisons. Tout en reconnaissant que la manière traditionnelle peut-être encore être la meilleure, nous nous efforçons constamment de trouver une meilleure solution aux problèmes du client. Nous nous glorifions d’avoir initié de nombreuses pratiques et techniques qui sont devenues la norme dans l’industrie ».

[2] Cf. Yann Maury. 2006. « Le logement social dans quatre métropoles européennes. (Londres, Rome, Barcelone, Berlin) ». Les cahiers du CPVS. N° 66.

[3] Societa di cartolarizzazione degli immobili publici.

Ateliers au Centre d'accueil des demandeurs d'asile par Brigitte Giraud (2011)

 

"Ce film retrace plusieurs séquences de rencontres de parole et d'écriture que j'ai menées en 2011 au CADA. On arrive ici, "poète" de rien. Juste humble. Juste humble !

Il me semble qu'aujourd'hui, je peux montrer ce documentaire. Puisque, s'agissant d'images du réel, d'un réel qui parle, c'est un documentaire. 


J'ai filmé des fragments de ces ateliers pour les résidents du Centre d'Accueil des Demandeurs d'Asile, des êtres en détresse et en espoir, en exil, le plus souvent broyés par leur histoire.

Ce film, je l'ai fait pour ces hommes et ces femmes, mes frères de cœur, une trace  d'existence, durant ce moment de précarité de leur vie. Ils écrivent, apportent avec eux leurs poètes, font résonner leur musique, disent l'angoisse qui les tient sans cesse, et oublient un peu, pour un moment, un moment seulement, la désespérance de leur vie de guingois. Parfois, leurs lèvres s'étonnent d'un sourire.


Ces rencontres ont fait liens, ont été très importantes pour moi. De l'émotion brute et vive. Des tendresses aussi. Pour tous ceux qui également sont entourants, et bénévoles, totalement engagés pour la cause humaine et la vie libre.


On écoute, on est présent, on apporte sa petite pierre à un édifice incertain,  son cœur ouvert. On voudrait édifier des Tours Eiffel pour chacun.
Mais il y a les lois, ...et sa colère. On se dit qu'on écoutera sa justesse. On se dit aussi qu'on est si peu, mais que peut-être, quelquefois, on pourra beaucoup.


Ainsi, à présent que quelques années ont passé, et sous le choc du score du FN de dimanche soir dernier, je crois que ce film témoignage peut être destiné à tous. "

 

Brigitte Giraud

http://paradisbancale.over-blog.com/

 

 

 

 

Alexandre Jardin - Des gens très bien

 
"Dès que les gens très biens rejoignent les fous, c'est la fin du monde..."

 

 

 

 

27/05/2014

Revue Agone n° 54 : Les beaux quartiers de l'extrême droite

Coordination Samuel Bouron et Maïa Drouard
http://agone.org/revueagone/agone54

« Sur la base des qualités de naissance des membres de la noblesse, l'Association d'entraide de la noblesse française, présidée par un membre du Club de l'horloge, dispense un certain nombre d'aides matérielles aux plus démunis d'entre eux : "Ces bourses vont soit à des familles dans le besoin, soit à des familles nombreuses. Une deuxième forme d'entraide pour nos jeunes et nos moins jeunes concerne la recherche d'emploi sous toutes ses formes : méthodologie, conseils, recours, rédaction de CV, etc. Une autre forme d'entraide, souvent oubliée, est constituée par le vestiaire, qui distribue chaque année plusieurs tonnes de vêtements. »

Le Front national en particulier et l’extrême droite en général aiment à se présenter comme les porte-parole de la colère des « sans-grades ».
Ce leitmotiv est parfois repris tel quel par les journalistes et sondeurs qui dressent volontiers des classes populaires un portrait réactionnaire.
Ce racisme de classe journalistique occulte un point essentiel. Se réclamant d’une légitimité « par en bas », les réactionnaires d’aujourd’hui opèrent un important travail de normalisation qui prend appui sur différentes fractions du champ du pouvoir avec la complicité d’une partie de la grande bourgeoisie et des élites.
On connaît mal les alliances que certains leaders et militants tissent dans ces lieux : la haute fonction publique, les fondations culturelles d’utilité publique, la philosophie ou la sociologie académique, le monde des lettres dont les œuvres de quelques auteurs sont inscrites au panthéon de l’édition… Prenant appui sur les codes de la sociabilité mondaine, se diffusant dans les « clubs », les vernissages, les salons académiques, ces entrepreneurs en réaction assurent un mélange souvent imprévisible de références de droite et de gauche qui entretient toutes les confusions sans nuire, hélas, à l’efficacité.
Ce numéro explore quelques aspects d’une nébuleuse qui, plus ou moins formellement, mais objectivement, constitue le terreau qui permet à l’extrême droite de commencer à jouer un rôle social dont elle a longtemps été privée.

Au sommaire

— Alain Bihr, « L’extrême droite à l’université : le cas Julien Freund », avec une introduction de Sylvain Laurens
— Maïa Drouard, « Le patrimoine pour tous. Étude d’une contribution de l’extrême droite au maintien des classes dominantes »
— Samuel Bouron, « Un militantisme à deux faces : stratégie de communication et politique de formation des Jeunesses identitaires »
— Sylvain Laurens, « Le Club de l’Horloge et la haute administration : promouvoir l’hostilité à l’immigration dans l’entre-soi mondain »
— Stéphanie Chauveau, « Au-delà du cas Soral : corruption de l’esprit public et postérité d’une nouvelle synthèse réactionnaire »
— Michel Vanoosthuyse, « Ernst Jünger, itinéraire d’un fasciste clean : dernières publications, derniers masques »
— Évelyne Pieiller, « Céline mis à nu par ses continuateurs, même »
— Thierry Discepolo, « À l’abri de la religion littéraire française. L’"affaire Millet" comme erreur d’ajustement d’un consensus hégémonique
apolitique »

La leçon des choses
— « Alfred Döblin et la littérature comme activité politique. “État et écrivain” », textes traduits de l’allemand par Michel Vanoosthuyse et introduits par Marie Hermann

À paraître le 13/06/2014
208 pages (15 x 21 cm) 20.00 €
ISBN : 9782748902112

 

 

 

26/05/2014

l'oeil & la plume : complainte des mendiants de la Casbah & de la petite Yasmina tuée par son père ( fragment VI )

à lire sur : http://jlmi22.hautetfort.com/

casbah ismail-ait-djaferneg VII.jpg
texte de ismaël ait djafer  1951                                                                  collage jlmi  2014

 

Je vous insulte

Hyènes et chacals

Avec toutes les injures de mon

Alphabet

Et je vous jette au crâne

toutes les potiches de mon

impuissance

Car

Hyènes et chacals

Vous meublez le long tunnel de votre ennui

Des dimanches et des jours creux

Avec le casse-croûte des faibles

Et vous en tapissez les murs avec la chair

De poule des gens qui dorment dans les

 

Igloos des nuits d'octobre

Parlez-moi

De plaisirs quand les gens criant famine et

Désolation

Mettent en marche le phonographe de leurs plaintes

Et battent

Les tambours de leur misère

Sur une place publique

Personne

Ne s'arrête

Rien ne compte plus

Que ce vide des ventres

A combler qui résonne comme une orgue

Dans les crânes des abrutis satisfaits

Comment pouvez-vous vivre, gens de l'argent et de caviar avec ces poux

Que vous ne grattez pas?

Comment pouvez-vous avaler la pâtée

Gens de cravates et parfums que les cravates

N'étranglent

Pas et que le parfum

N'étouffe

Pas?

Comment pouvez-vous caresser vos femmes, lisser votre moustache,

Hausser les épaules, acheter un timbre, applaudir le Cid au théâtre

Des vies, distiller l'anis de vos satisfactions dans l'alambic de vos

Gosiers de pierre, marcher les pieds au sec et la tête dans un chapeau

Curer les ongles de vos chiens, avoir des enfants, tambouriner

Des doigts sans honte, aller la tête haute et le coeur lourd, rire du rire

Faux

Des gens sans conscience, mâcher le chewing-gum des ânes désabusés,

Décortiquer la croûte

D'un poème

Ou la coque d'une chanson pour en avaler sinistrement le fruit

Se dire comblé

Se dire ravi

Se dire heureux

Se dire bon

Se dire humain

Quand les saltimbanques de la misère

Chantent

Et dansent

Le ballet des petits pains devant des banquettes vides

Quand les clowns

poussifs

Epoumonés

Tuberculeux

De la charité

Soufflent dans le tube de leur intestin grêle

Pour bien vous montrer qu'il est

Vide

 

 

(d'après, Editions Bouchène, Alger, 1987. N° d'édition 001/87. Dépôt légal 1er trimestre 1987. Re-publié  par le n°10 de la revue Albatroz, Paris, janvier 1994).

 

Source   http://albatroz.blog4ever.com/ismaal-aat-djafer-complaint...

24/05/2014

Anaïs, 24 ans : un rêve, un combat.... (TV Rennes)

 

Anaïs a 24 ans. Elle vit seule dans une petite maison au milieu d’un champ en Bretagne. Rien ne l’arrête. Ni l’administration, ni les professeurs misogynes, ni le tracteur en panne, ni les caprices du temps, ni demain ne lui font peur. En accord avec ses convictions profondes, portée par son rêve de toujours : celui de devenir agricultrice et de faire pousser des plantes aromatiques et médicinales.

Le film accompagne cette jusqu’au-boutiste. Seule contre tous. Peu lui importe. Elle sait qu’elle gagnera.

 

 

23/05/2014

Comment penser une « prospérité sans croissance » ? par Jean Gadrey

Je mettrai l’accent dans cet article non pas sur des scénarios de transition (il en existe d’excellents dans certains secteurs : agriculture, énergie, bâtiments, transports…), mais sur les catégories de pensée et sur leur renouveau selon moi nécessaire. Je retiens pour commencer une hypothèse que je développerai peu, car je l’ai fait dans d’autres écrits, dont mon livre Adieu à la croissance : la voie d’une « prospérité sans croissance », en référence au titre du livre de Tim Jackson, est nécessaire, désirable, et crédible. Elle ne pourra pas être empruntée sans une forte réduction des inégalités.

Cette voie est nécessaire. De nombreux constats l’indiquent. D’abord, de fortes corrélations passées et récentes existent entre la pression écologique des humains et la croissance économique mondiale. Ensuite, d’autres résultats montrent que, indépendamment de l’écologie, la croissance n’apporte plus rien ou plus grand-chose dans les pays riches en termes de « développement humain », de bien vivre et de lien social [1].

Cette voie est, ou peut être, désirable. Le terme même de prospérité choisi par Tim Jackson correspond à cette conviction. Prosperare, en latin, c’est « rendre heureux ». C’est lié à l’espoir ou à la confiance dans l’avenir, sans connotation d’abondance matérielle.

Enfin cette voie est crédible, moyennant bien évidemment des réorientations profondes elles aussi crédibles. C’est ce que montrent les scénarios auxquels je faisais allusion. En passant, si une voie absolument nécessaire pour éviter le pire était inenvisageable, je ne sais pas ce qu’il faudrait en conclure sur notre avenir et celui de nos descendants…

Mais cette voie ne pourra pas être empruntée sans une forte réduction des inégalités, pas seulement les inégalités économiques. Je renvoie sur ce point à mon livre et, plus récemment, à ce papier d’Eloi Laurent, accessible en ligne, mais en langue anglaise : « Inequality as pollution, pollution as inequality » [2].

1. Quatre catégories pour penser autrement le « progrès » ou le bien vivre

Pour penser une « bonne société s’inscrivant dans la durée », mais aussi une bonne économie, il faudrait privilégier d’autres catégories, non économiques, relevant d’abord de la philosophie morale et politique et de disciplines autres que l’économie.

Je retiens quatre hypothèses, autour de quatre catégories non économiques : 1) prendre soin au-dessus de produire, 2) biens communs à préserver au-dessus de biens privés à accumuler, 3) qualités au-dessus de quantités, 4) sobriété matérielle plutôt que démesure. La question de la justice traverse ces quatre catégories, mais je ne l’évoquerai pas dans les limites de cet article.

Ces quatre catégories entretiennent de fortes relations et peuvent former l’ébauche d’un système ou cadre cognitif. Aucune des quatre ne supprime la catégorie « ancienne » à laquelle je l’oppose, mais chacune désigne un basculement des priorités, selon moi nécessaire pour penser et donc réussir la « transition ».

Pour résumer la façon dont les nouvelles catégories ont une priorité sur les anciennes sans les abolir, il faudrait selon mes hypothèses :

  1. mettre l’activité dite de production (économique ou non) au service du « prendre soin » ;
  2. conditionner la production et l’usage des biens privés à l’intégration de biens communs ;
  3. produire et consommer des quantités sous condition de qualités diverses, dont des qualités écologiques dites de soutenabilité ;
  4. conceptualiser la sobriété individuelle et collective comme exigence de recours mesuré à des ressources matérielles limitées, mais ne concernant pas des activités, plaisirs ou passions dans d’innombrables domaines autres que la consommation matérielle.

1.1. « Prendre soin » au-dessus de « produire »

Selon cette hypothèse, les économies et sociétés du futur seront non plus dominées par les catégories de production et de consommation croissantes de quantités, mais d’abord des économies et des sociétés du « prendre soin ». Je m’inspire très librement, en étendant sa portée, de la sociologie et de la philosophie du « care ». En voici cinq axes :

  • Prendre soin des personnes, de leur santé, éducation, culture, bien-être, avec le souci non seulement d’aider ces personnes mais surtout de favoriser leur autonomie et leur activité propre, leurs « capabilités ». Prendre soin du travail aussi, de sa qualité et de son sens. Prendre soin de soi aussi…
  • Prendre soin du lien social, à préserver et renforcer, de la solidarité de proximité à des solidarités plus globales, et de l’accès à des droits universels liés à des biens communs ;
  • Prendre soin des choses et des objets, pour les faire durer, les utiliser, les concevoir et les produire à cet effet, les recycler lorsque cela s’y prête ;
  • Prendre soin de la nature et des biens communs naturels, dans toutes les activités humaines, afin de rester dans les limites des écosystèmes et de transmettre aux générations futures des patrimoines naturels en bon état ;
  • Prendre soin de la démocratie, vivante et permanente, bien au-delà de la démocratie à éclipse des élections, souvent décevante ou trompeuse. C’est peut-être le premier des biens communs, ou le plus transversal. Il faudrait lui associer le « prendre soin des savoirs », en tout cas de ceux qui correspondent, ou devraient correspondre, à des biens communs.

Depuis plus de deux siècles, les idées économiquement et politiquement dominantes ont affirmé le primat de la production, entendue comme production dans la sphère économique et monétaire (il a fallu attendre 1976 pour que la production non marchande des administrations publiques soit intégrée dans le PIB, ce qui est légitime et important, mais donne une idée des présupposés initiaux du grand projet des comptes nationaux, si indispensables soient-ils à l’analyse). La richesse des sociétés a alors été assimilée à sa richesse économique, par la suite comptabilisée dans le PIB. La croissance des « volumes » est devenue une finalité ultime et le critère central de progrès, ou dans le meilleur des cas sa condition impérative. Ce mode de pensée a conduit à ne pas voir ce que l’on perd en route, les dommages collatéraux de la croissance de la production, dommages sociaux, écologiques et humains. Ils sont en train de devenir massifs et centraux.

1.2. Biens communs à préserver au-dessus de biens privés à accumuler

Ce que l’on perd en chemin, dans les sociétés de croissance, ce sont souvent des patrimoines ou des biens communs dont certains sont essentiels pour inscrire les sociétés dans la durée, et dont aucun n’est comptabilisé dans le PIB.

Les biens communs désignent [3] des qualités d’ordre collectif jugées d’intérêt commun, accessibles à tous, dont la gestion est commune et passe par la coopération d’acteurs multiples. Ils sont donc trois fois « communs » : intérêt collectif, accessibilité commune, responsabilité commune.

Prenons un exemple, celui de la qualité de l’air en ville. Ce n’est pas un bien public au sens usuel d’une infrastructure publique prise en charge par les pouvoirs publics. Il existe un grand nombre de parties prenantes de la « production » et gestion de cette qualité. Les citoyens, ménages, associations, entreprises, organismes divers sont amenés à coopérer comme « co-concepteurs, coproducteurs et coresponsables, y compris comme fournisseurs de ressources financières et non financières, aux côtés des pouvoirs publics comme financeurs partiels, coordinateurs, incitateurs, éducateurs, législateurs, etc. Il s’agit d’un bien commun, ni privé, ni public.

Cette catégorie est essentielle pour penser une transition écologique, énergétique, climatique, parce que, au-delà de cet exemple, presque tous les grands enjeux écologiques constituent des qualités d’intérêt général dont il faut « prendre soin » en commun par la coopération d’acteurs multiples. C’est vrai aussi d’enjeux sociaux majeurs, dont la protection sociale, l’égalité entre les femmes et les hommes, etc.

Les biens communs (écologiques et sociaux) ne s’opposent pas systématiquement aux biens privés. L’objectif d’une transition écologique et sociale bien menée devrait être non seulement de prendre soin des biens communs en tant que tels, comme la qualité de l’eau, de l’air, de la biodiversité ou de la protection sociale, mais surtout d’enrichir la production des biens privés (et publics) en biens communs écologiques et sociaux via notamment des normes plus exigeantes (haute qualité sociale et environnementale).

Dans d’autres cas toutefois, la préservation et la gestion coopérative des biens communs vont s’avérer incompatibles avec leur gestion capitaliste. La « déprivatisation » de l’eau, de l’énergie, de la finance, entre autres, ou le refus de la privatisation de la protection sociale, sont des exemples de combats nécessaires. L’accent mis sur les biens communs va dans le sens non seulement de la réduction de la sphère capitaliste, celle dont les acteurs visent à (presque tout) privatiser, mais aussi dans le sens de la démarchandisation (et parfois de la gratuité) de biens associés à des droits universels existants ou à conquérir. Il faudrait ajouter à ces considérations un bien commun économique et social central : la monnaie, aujourd’hui non seulement privatisée, mais dont la gestion est dominée par la loi de la « valeur pour l’actionnaire ». Aucune prospérité sans croissance n’adviendra vraiment, en dépit d’expériences partielles ou locales concluantes, sans une socialisation de la monnaie et du système financier, pouvant passer par une articulation de monnaies locales et de monnaies communes à de larges espaces.

1.3. Qualités plutôt que quantités (une extension de la catégorie précédente)

Les constats statistiques de découplage, dans les pays riches, entre la croissance économique et de multiples variables associées à l’idée de bien vivre conduisent tous à cette idée : ont été oubliées en route d’innombrables qualités sacrifiées sur l’autel des quantités produites et consommées sous contrainte de gains de productivité. Qualité de vie, du travail, de l’emploi, des écosystèmes, du climat, des biens et des services, etc. Une partie de ces qualités sont des biens communs, d’autres relèvent notamment de la « qualité de service », services des prestataires ou services rendus par des biens, leur « valeur d’usage » ou mieux leur valeur dans l’usage.

La prospérité sans croissance est une transformation de nature qualitative. Les quantités (produites, consommées, de travail…) n’y prennent sens que sous des conditions ou normes de qualité. L’économie elle-même (section suivante) y est pensée comme une économie des qualités, des qualités dont on ne peut juger qu’à l’aune d’une économie comme science morale et politique.

1.4. Sobriété matérielle plutôt que démesure ou ébriété matérielles

Je me permets de renvoyer à ce texte : « La sobriété : une riche idée ! » [4]. Il y est montré que, loin d’être seulement une injonction individuelle pouvant parfois se révéler culpabilisante, la sobriété regroupe nombre de priorités écologiques collectives presque unanimement admises : l’économie « de fonctionnalité » et tous les usages partagés, l’économie « circulaire », le recyclage et la réparation, les circuits courts, la valorisation des activités gratuites, le combat contre le culte de la vitesse, etc.

2. Cette voie implique de « faire de l’économie » avec d’autres concepts et catégories, au-delà du PIB, de la croissance et des gains de productivité

Dans les raisonnements économiques usuels, ceux qui fondent les scénarios des politiques à venir en reproduisant ceux du passé, la croissance est supposée fournir les « marges de manœuvre » de toute l’action publique et des stratégies privées. Elle dépend largement des gains de productivité du travail, mais ces derniers suppriment du travail à quantités produites identiques. Pour ajouter du travail dans l’économie, il faut donc que la croissance soit plus importante que les gains de productivité.

Compte tenu de la révision précédemment proposée des grandes catégories permettant de penser autrement le « progrès », ces concepts économiques clés vont devoir eux aussi passer au second plan au bénéfices d’autres concepts. En tenant compte de travaux existants et des quatre grandes catégories que j’ai mises en avant, je propose de premiers points d’appui pour une telle révision.

Il faut selon moi réformer le cœur du raisonnement, à savoir le triptyque croissance, gains de productivité, volume de travail requis. Il me semble inadapté à une économie des qualités, du prendre soin, des biens communs et de la sobriété énergétique et matérielle. Voici deux arguments liés entre eux. Le premier concerne le culte des gains de productivité, le second la relation supposée entre la croissance et l’emploi. La possibilité de scénarios de prospérité sans croissance passe par ces deux critiques et par des propositions alternatives.

2.1. Le culte des gains de productivité et le rendement décroissant du concept

Il s’agit d’une croyance forte et ancienne, traversant presque tous les courants de pensée et courants politiques, à l’exception des familles diverses de la pensée écologique, et encore... car même André Gorz faisait des gains de productivité un des leviers d’une quête de l’autonomie et d’une prise de distance avec la société « travailliste ».

Selon cette croyance, les gains de productivité du travail sont libérateurs car ils permettent par définition de produire autant ou plus avec moins de travail. Ils libèrent les humains des « corvées productives » parce qu’il y a « substitution du capital au travail ». Ils autorisent donc la réduction du temps de travail, la progression du temps libre, l’élévation du « niveau de vie » et/ou l’affectation de richesses économiques en expansion à des besoins collectifs, à la protection sociale, et même à la réduction des inégalités via « le partage des gains de productivité ». Ils résument donc le « progrès des forces productives ».

L’illustration la plus éclatante serait la suivante : pour nourrir la population d’un pays, il fallait jusqu’au XIXe siècle que la grande majorité des individus travaille la terre, et la travaille durement. Aujourd’hui, dans les pays les plus « riches », 1 % à 2 % de la population active, soit moins de 0,5 % de la population totale, sont employés dans une agriculture devenue à 90 % industrielle et chimique, et suffisent en gros à répondre aux besoins alimentaires de toute la société, permettant même que 20 à 30 % de la nourriture achetée finisse dans les poubelles…

Pourtant, cet hymne puissant aux gains de productivité, ici agricoles, ailleurs industriels, s’accompagne de fausses notes devenues dissonances puis musique alternative. Ces gains s’accompagnent de pertes, et ces dernières deviennent massives. Pour une raison simple : pour produire plus de quantités avec autant de travail, ce qui est la définition des gains de productivité, il faut, sauf exceptions, plus de matériaux, d’eau, d’énergie, avec plus de pollutions et d’émissions. On pompe de plus en plus dans des biens communs disponibles en quantité limitée, dont les plus décisifs depuis les Trente Glorieuses ont été les énergies fossiles, pétrole en tête. Ce sont elles qui ont propulsé vers le haut les gains de productivité industriels et agricoles. Et qui ont de ce fait propulsé aussi vers le haut les émissions de gaz à effet de serre et quelques autres « dommages collatéraux » devenus des risques centraux.

Mais ce qui perturbe le plus les économistes, majoritairement indifférents aux enjeux écologiques, est le constat que les gains de productivité s’effondrent, décennie après décennie, depuis les « Trente Glorieuses » : 5 % par an en moyenne entre 1949 et 1973, 3 % entre 1973 et 1989, 2 % entre 1989 et 2009. Ils ont désormais retrouvé les niveaux du XIXe siècle, avant le pétrole et l’électricité, soit 1 % par an.

Or ce que, pour l’instant, ces économistes refusent d’admettre, c’est que le déclin des gains de productivité, tels qu’ils sont définis et mesurés, reflète essentiellement le déclin du concept, ses rendements intellectuels décroissants pour penser les transformations contemporaines des activités économiques et les grandes transformations à venir. Pourquoi le déclin du concept ? Plusieurs arguments interviennent, mais les deux plus importants sont les suivants.

D’abord, les économies contemporaines sont toutes caractérisées par le fait que les activités de service y occupent entre 75 % et 80 % de l’emploi. Or, les plus gros bataillons de cet emploi tertiaire sont constitués de services, publics, privés, ou associatifs où l’on ne peut pas, ou presque pas, réaliser de gains de productivité sans dégrader la qualité : éducation, santé, justice, services aux personnes âgées et à la petite enfance, services sociaux, recherche, etc. Mais c’est vrai aussi de services privés où la « relation de service » est déterminante et où la substitution du capital au travail a soit des perspectives limitées, soit des incidences négatives sur la qualité ou sur l’utilité sociale. On rejoint d’ailleurs ici l’une des dimensions du « prendre soin ».

Précisons encore, moyennant une brève incursion dans la technique : pour pouvoir définir et mesurer aussi bien la croissance « en volume » que les gains de productivité, il faut impérativement s’appuyer sur la notion d’unités produites et de prix unitaires, afin de construire des indices de prix, lesquels serviront à « déflater » les mesures en valeur monétaire courante. Or, depuis des décennies, les statisticiens rencontrent un problème insurmontable, à nouveau mentionné dans le « rapport Stiglitz » (2009) : personne ne sait définir, dans de très nombreux services qui ont connu une forte expansion, ce que sont les unités produites, donc les prix unitaires, donc les « volumes ».

Que sont les « unités produites » dans l’enseignement, la santé, la recherche, l’action sociale, les services aux personnes âgées, mais aussi les banques, les assurances, la protection sociale, le conseil, voire le commerce de détail ? On ne sait pas, et pourtant ces activités où « on ne sait pas » représentent désormais la majorité des activités et de la valeur ajoutée, donc du PIB. Comment définir des gains de productivité ou un taux de croissance en volume dans ces activités ? On ne sait pas plus. L’évaluation « à prix constants » perd son sens lorsqu’on ne sait pas répondre à la question : le prix constant de quoi ? Les comptes nationaux en volumes et les mesures des gains de productivité globaux ont été mis au point avec des références industrielles et agricoles dans une période particulière. Celles des activités de service qui résistent à la rationalisation industrielle, en dépit de tentatives pour y introduire des pratiques productivistes, résistent aussi à leur inscription dans cette conceptualisation d’origine industrielle. Les conventions retenues par les comptables nationaux confrontés à cette difficulté reviennent plus ou moins, faute de pouvoir disposer d’unités de produits séparables de leurs producteurs, à prendre des unités de prestations de services, soit très souvent… le temps de travail des prestataires (enseignants, aides à domicile, etc.). On met alors au numérateur du ratio de productivité presque la même chose qu’au dénominateur…

Le deuxième argument à l’appui du déclin du concept de productivité est écologique. Car ce qui est vrai de ces services et de leur qualité l’est aussi de la qualité écologique des produits et des processus, enjeu majeur de la période à venir. Les gains de productivité tels qu’on les mesure sont parfaitement indifférents aux « externalités environnementales ». Ils ne tiennent aucun compte par exemple des bilans carbone, des bilans de la consommation d’eau dans la production, de la déforestation liée à certaines productions ou des substances chimiques nocives embarquées dans d’innombrables produits de consommation courante, perturbateurs endocriniens, substances cancérogènes ou mutagènes, etc.

Au total, les gains de productivité passent, sauf exceptions, à côté des quatre exigences principales que sont la priorité au « prendre soin », l’attention aux biens communs, la qualité plutôt que la quantité, et la sobriété énergétique et matérielle. Ils ne sont plus émancipateurs.

Remarque : l’interprétation précédente d’un lien entre le déclin des gains de productivité et le déclin du concept lui-même fait l’objet de controverses parmi les économistes hétérodoxes, y compris ceux qui s’intéressent de près aux enjeux écologiques et qui partagent l’exigence d’une autre vision du « progrès ». Selon certains, on pourrait « sauver » le concept de gains de productivité, tout comme celui de croissance, moyennant des innovations méthodologiques et statistiques leur permettant de tenir compte des gains de qualité et de soutenabilité écologique. Je n’entrerai pas ici dans cette controverse, qui revêt des aspects très techniques. J’ai précisé mes convictions à plusieurs reprises sur mon blog [5]. Mais pour le dire de façon illustrée, il est selon moi illusoire et dangereux de vouloir faire entrer dans des prix fictifs ou corrigés toutes les externalités environnementales qui font qu’une fraise produite en Andalousie sur la base de la destruction de la qualité organique des sols, avec force pesticides et engrais azotés, une consommation d’eau considérable, des transports réfrigérés sur longue distance, et des conditions de travail indécentes, est différente (bien que moins chère sur les étals) d’une fraise de saison issue de l’agriculture biologique de proximité. Il s’agit d’une tentation de l’économisme prétendant pouvoir tout traduire en valeur monétaire.

2.2. La relation supposée entre la croissance et l’emploi

La question qui revient constamment dans les débats publics est celle de l’emploi dans un tel « modèle » ou dans la transition vers ce modèle. Créer des emplois sans croissance ? Les gens sont incrédules, mais ils le sont parce que presque tous les économistes et les responsables politiques affirment que c’est impossible. Ces économistes ont d’ailleurs raison s’agissant du passé : avec les gains de productivité des décennies passées, à une époque – celle des « Trente Glorieuses » de la « production de masse industrielle et agricole » – où la signification de ces gains était moins altérée qu’aujourd’hui, il était impossible d’ajouter des emplois sans croissance, sauf à réduire la durée du travail plus vite que les gains de productivité.

Le problème est que l’usage des raisonnements économiques du passé est incompatible avec les exigences et les urgences du présent et du futur. Le mieux pour prendre conscience de cette impasse est de partir d’un exemple, celui de la production agricole, que j’ai déjà emprunté car c’est le secteur qui a connu depuis 60 ans les gains de productivité les plus énormes, plus que l’industrie, tout en multipliant les dommages collatéraux sur l’environnement et sur la santé.

Supposons qu’on remplace progressivement l’agriculture industrielle par de l’agriculture biologique ou agro-écologie de proximité. À production identique en quantités, il faudrait en moyenne 30 à 40 % d’emplois en plus. Les comptes nationaux actuels nous diraient alors que la croissance de ce secteur « en volumes » est nulle (mêmes quantités produites) et que la productivité du travail baisse fortement. Pourtant, on aurait créé de nombreux emplois, il y aurait plus de valeur ajoutée agricole, et surtout la qualité et la durabilité de la production auront été bouleversées positivement.

Passer à une économie des qualités, de la soutenabilité, du prendre soin et des biens communs écologiques et sociaux sous condition de justice est très probablement bon pour l’emploi, croissance ou pas, mais mauvais pour les chiffres de productivité, parce que ces derniers ignorent ces catégories nouvelles.

La liste est longue des productions et des secteurs où une stratégie de montée en qualité et en durabilité restera invisible dans nos comptabilités. Les grands gisements d’emploi et de valeur ajoutée du futur résideront dans des transformations qualitatives « hors croissance », dans une économie dont le principe sera de « prendre soin » des personnes (des services de bien-être sans visée de productivité), des biens, de la nature et de la cohésion sociale. La prospérité sans croissance mais riche en emplois et en biens communs (et « pauvre en injustices ») repose sur cette réorientation, couplée avec une poursuite du mouvement historique de réduction de la durée du travail (RTT). Cette dernière exigence doit être aujourd’hui politiquement et moralement dissociée de toute référence à la croissance et à la productivité, d’abord parce qu’il y a cinq à six millions de chômeurs, et parce que ce résultat, qui ronge la société, est le fruit de décennies où l’on a mis en avant la croissance (reposant essentiellement sur des gains de productivité) comme principale solution, au lieu du partage équitable. Un remède qui rend de plus en plus malade devrait être abandonné.

Deux chiffres sur la RTT : la durée annuelle moyenne du travail des salariés était d’environ 1800 heures en 1970. Elle a régulièrement diminué jusqu’en 2002, et, depuis, elle stagne autour de 1400 heures, tous types de salariés confondus, y compris les petits boulots à temps très partiel. Si on en était resté à la durée de 1970, il y aurait aujourd’hui des millions de chômeurs en plus des cinq à six millions actuels (si l’on compte tous les chômeurs, et pas seulement ceux au sens du BIT).

Deuxième chiffre. Si l’on divise le volume total de travail en France par la population active, chômeurs BIT compris, on obtient environ 31,5 heures par semaine, et moins de 30 heures en tenant compte des chômeurs « non BIT ». En Allemagne, ce chiffre est de 29 heures. En d’autres termes, un « partage du travail équitable » entre tous ceux qui ou bien ont un emploi ou bien aspirent à en avoir, aboutirait à une semaine de 30 heures environ. L’idée d’un autre partage du travail, plus égalitaire, sans perte de salaire pour l’immense majorité, sur « toute la vie », avec comme mesure phare la semaine de 32 heures, n’est peut-être pas à la mode, mais il va bien falloir s’affranchir de la mode de la pensée unique travailliste qui fait exploser le chômage bien plus surement que la « panne de croissance », laquelle, probablement, va s’installer dans la durée, s’agissant de la croissance quantitative ou « en volume ».

Enfin, au delà de l’éthique du partage, une telle réduction serait favorable, moyennant des dispositifs innovants, à la participation des citoyens à la vie démocratique et militante, à la vie associative, à la « croissance » des innombrables richesses non marchandes et souvent non monétaires issues du bénévolat coopératif. Ce serait bon également pour réduire la pression écologique, car une corrélation significative existe entre cette dernière et la durée du travail. [6]

Bien entendu, dans le même temps, l’emploi devra diminuer progressivement (mais avec des conversions négociées, limitant les réductions d’emplois et préservant la sécurité professionnelle des salariés sur leur territoire) dans certains secteurs à forte pression écologique ou haut niveau d’émissions et de pollutions : énergies fossiles, transports routiers, industrie automobile, etc. Mais ce que montrent les meilleurs scénarios dont on dispose, c’est que ces pertes d’emplois seraient plus que compensées par les créations dans les secteurs porteurs de la transition.

Notes

[1Voir, outre les livres déjà cités, celui de Richard Wilkinson et Kate Pickett, Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous, Les Petits matins, 2013, ainsi que mon livre Adieu à la croissance, op. cit.

[3Je m’inspire ici de réflexions collectives menées depuis plusieurs années dans la région Nord-Pas-de-Calais, plus que de travaux théoriques, quel que soit leur intérêt.

[4J. Gadrey, «  La sobriété : une riche idée    », 14 février 2014.

[6Devetter François-Xavier, Rousseau Sandrine, «  Working time and sustainable consumption  », Review of Social Economy, vol. 69, n° 3, 2011.

 

 

 

22/05/2014

Zapatisme: la rébellion qui dure

Vient de sortir de presse, un nouveau numéro de la collection "Alternatives Sud"

 

Points de vue du Sud
Éditions Syllepse - Centre Tricontinental
Volume XXI (2014), n°2, 208 pages

 
 
 
 
 

 

Deux longues décennies ont passé depuis le soulèvement armé des zapatistes du Chiapas dans le Sud-Est mexicain, le jour de l’entrée en vigueur de l’Accord de libre-échange nord-américain. Aujourd’hui pourtant, à coup de mobilisations détonantes et de communiqués fleuris du sous-commandant Marcos, la rébellion des indigènes mayas encagoulés défraie à nouveau la chronique, sur fond de tensions palpables.

Guérilla guévariste, mouvement civil d’affirmation identitaire, forum altermondialiste, autogouvernement rebelle… la dynamique zapatiste a revêtu au fil du temps des formes diverses pour revendiquer d’abord, construire ensuite – sur ses propres territoires désormais «autonomes de fait» – la democracia, la libertad et la justicia.

La viabilité d’une telle expérience profondément émancipatrice et radicalement démocratique est questionnée. Fragmentation politique des régions indigènes, stratégies contre-insurrectionnelles et assistancialisme gouvernemental, pénétration des transnationales de l’industrie extractive, touristique, agroexportatrice… l’adversité du contexte est tangible. Tout comme les limites internes de la rébellion dont les logiques d’action, sociales et politiques, peuvent converger ou se heurter.

Comment se profilent aujourd’hui les perspectives du mouvement zapatiste? Quelle signification recèle cette critique en actes du modèle économique dominant et d’un certain rapport au politique? Au Mexique et au-delà, quelle est la portée de cette lutte, aussi atypique que légitime, pour la dignité, la redistribution et la reconnaissance?

 

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19/05/2014

Green, destruction of World

Son nom est Green, une femelle orang-outan, seule dans un monde qui ne lui appartient plus. C'est un voyage bouleversant à travers les yeux et les sentiments de l'un des derniers grands singes de Bornéo. Un témoignage puissant, une œuvre rare qui modifie pour longtemps le regard que nous portons sur la Nature et notre société. Green est le résultat du travail et de la volonté d'un seul homme : Patrick Rouxel, parti pendant plusieurs mois sans financement, seul avec une caméra dans la jungle de Bornéo. Un documentaire exceptionnel récompensé par 22 prix décernées aux quatre coins du globe. Une chose est sûre : impossible d'oublier les yeux de Green...

 

 

 

France: Mise en garde contre les nanomatériaux par l'agence française de sécurité sanitaire

Des nanotubes de carbone, utilisés comme additifs ou revêtements dans l'industrie, peuvent entraîner le développement anormal d'embryons, causer des cancers ou bien des maladies respiratoires.

Les effets des nanomatériaux sur l'homme restent largement méconnus, faute d'étude, relève un rapport de l'ANSES. Les effets à long terme des nanotechnologies, en pleine expansion, devraient être étudiés et leur usage réglementé. 


Sommes-nous en train de jouer ave le feu? L'Agence française de sécurité alimentaire et sanitaire (Anses) met en garde, ce jeudi, contre les dangers potentiels mais encore largement inexplorés des nanomatériaux. L'agence réclame, dans un nouveau rapport, une réglementation européenne plus stricte à leur égard. 


Les nanomatériaux sont des matériaux naturels ou manufacturés constitués de particules dont la taille se situe entre 1 et 100 nanomètres, soit 1 à 100 milliardièmes de mètre. Cette taille intermédiaire entre la taille des atomes et celle des matériaux classiques leur confère des propriétés physiques, chimiques et biologiques particulières. 


Un domaine de recherche scientifique et technique en pleine expansion 


« Les nanomatériaux représentent un domaine de la recherche scientifique et technique en pleine expansion » en raison de ces propriétés et de leurs applications industrielles, explique dans son rapport l'Anses. 


« L'utilisation des nanomatériaux est en plein essor et désormais, ils entrent dans la composition de nombreux produits de la vie courante disponibles sur le marché: cosmétiques, textiles, aliments, peintures, etc », indique l'agence. 


Absence d'études épidémiologiques 


Mais les effets de ces nanomatériaux sur l'homme restent encore largement méconnus, faute d'étude. « Il n'existe pas à l'heure actuelle de données » sur la toxicité directe de ces produits sur l'homme « en raison de l'absence d'études épidémiologiques », relève l'Agence. 


Plusieurs éléments plaident pour la prudence vis-à-vis de ces nouveaux matériaux. En premier lieu, la petitesse de leurs particules leur permet de franchir les barrières physiologiques, comme la peau ou les muqueuses qui constituent les protections naturelles du corps. Ensuite, des tests in vitro et in vivo sur l'animal indiquent une toxicité pour certains d'entre eux. 


En particulier, des nanotubes de carbone, utilisés comme additifs ou revêtements dans l'industrie, peuvent entraîner le développement anormal d'embryons, causer des cancers ou bien des maladies respiratoires, souligne le rapport. 


Ces mêmes nanotubes de carbone peuvent aussi avoir des effets toxiques sur l'environnement avec par exemple un effet antimicrobien lorsqu'ils sont dispersés dans le sol. 


Des études plus approfondies sur ces nanotubes de carbone et sur leurs effets à long terme seraient donc nécessaires, souligne l'Agence. 


De manière générale, l'Anses « recommande la mise en œuvre de projets pluridisciplinaires permettant de développer les connaissances sur les caractéristiques des nanomatériaux et de leurs dangers, tout au long du cycle de vie des produits ». 


« Renforcer la traçabilité »et de mieux contrôler l'exposition de la population aux nanomatériaux 


En attendant, l'Agence recommande la prudence et « appelle, dès à présent, à un encadrement réglementaire renforcé des nanomatériaux manufacturés au niveau européen, afin de mieux caractériser chaque substance et ses usages, en prenant en compte l'ensemble du cycle de vie des produits ». 


La règlementation européenne en matière de classification et d'étiquetage (CLP) et celle sur les produits chimiques (REACh) devrait s'appliquer au nanomatériaux afin d'en « renforcer la traçabilité » et de mieux contrôler l'exposition de la population, estime l'Anses. 


Selon un premier recensement officiel pour ce type de matériaux, publié en novembre, 282.000 tonnes de nanomatériaux ont été produites en France en 2012 et 222.000 tonnes ont été importées. 


Notes : 



Commentaire : Il faut bien prendre conscience qu'effectivement, l'action des nanoparticules se fait sentir jusqu'au niveau de notre ADN et qu'il peut être difficile de s'en prémunir. 



L'entrée des nanoparticules dans l'organisme par le tractus intestinal 


« La consommation des produits issus des nanotechnologies favorise l'entrée dans le corps des nanoparticules par voie intestinale. 


L'épithélium intestinal diffère des autres du fait de sa fonction primaire d'absorption des substances exogènes. Il est depuis longtemps connu que des particules peuvent passer à travers la barrière épithéliale de la lumière intestinale. 


Concernant les nanomatériaux, différents travaux ont été réalisés afin de faciliter l'absorption des médicaments. Une étude a montré l'importance de deux facteurs dans la pénétration des nanoparticules :leur taille et leur charge électrique. 


Ces nanoparticules peuvent donc franchir la barrière du mucus et une fois cette barrière franchie, les nanoparticules peuvent pénétrer dans les vaisseaux lymphatiques et les capillaires. Une étude de Jani et Al montre qu'en utilisant les nanotubes de carbone (diamètre moyen 1,4 nm, marqués à l'iode 125, 

administrés par gavage chez la souris), dès trois heures, on retrouve un marquage aux niveaux pulmonaire, rénal et osseux

Ceci revêt une importance particulière dans le cadre des effets potentiels des nanoparticules sur la santé. C'est le cas des pâtes dentifrices contenant des nanoparticules, déjà vendues sur le marché, qui sont utilisées par la population en général et certaines de ces nanoparticules peuvent être avalées. 


En plus, les produits alimentaires contenant des nanoparticules comme des huiles actives anticholestérol permettent aux nanos de se retrouver dans l'organisme via l'alimentation. »

 

Source : nature alerte

 

François Ruffin dans Fakir

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15/05/2014

Appel à souscription

Pour       

 

 

GUERRES

 

ET AUTRES GÂCHIS

 

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poèmes de Cathy Garcia

illustrations de JL Millet

 

 

A paraître en juin aux Ed. Nouveaux Délits

 

32 pages, agrafé et imprimé sur beau papier calcaire 100gr

et 250 gr pour la couverture (papier recyclé)

 

10 €  plus 1,20 de port

 

 

 

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"Il y aura bien comme de coutume des traîtres des lâches 

Des gens simplement comme vous et moi 

Il y aura comme toujours du sang de nombreux ossuaires 

Du sordide et une fleur peut-être nucléaire

 

 Pour que tout puisse recommencer les plus jamais ça ! 

Tout comme avant, au bon vieux temps. "

 

 

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 Les pères sont toujours en train de faire une guerre,

et quand ils en reviennent, les enfants ont grandi

et les mères sont mortes.


René Barjavel

in Colomb de la lune

 

 

 

 

Pour commander voir : http://associationeditionsnouveauxdelits.hautetfort.com/ 

 

 

12/05/2014

Ces Iraniennes qui retirent leur voile

 

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La page "Libertés furtives des femmes iraniennes" sur Facebook. Le rendez-vous de ces Iraniennes qui jettent le voile et qui se prennent en photo.

Ce sont des jeunes filles, des mères et parfois des grand-mères, toutes sans voile, obligatoire dans l'espace public en république islamique d'Iran. Elles sont au bord de la mer Caspienne ou du golfe Persique, à Persépolis, à Shiraz, dans une voiture, dans les montagnes au nord de Téhéran, sur l'autoroute qui mène à Khoramabad, dans le sud-ouest du pays ou même dans la ville religieuse de Qom. Elles jettent leur foulard et se prennent en photo et envoient ensuite les clichés à la page Facebook des Libertés furtives des femmes iraniennes.

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« Trois générations dans un seul cadre, écrit une jeune Iranienne qui a envoyé la photo publiée ci-dessus. Grand-mère, mère et fille, nous avons créé notre propre avenue Azadi [située à Téhéran, azadi voulant dire « liberté » en persan]. Que la prochaine génération puisse obtenir ses droits les plus basiques avant que ses cheveux deviennent tout blancs. Est-ce que cela est un rêve trop ambitieux ? »

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A Tabriz, au nord-ouest du pays.

L’administratrice de cette page est la célèbre journaliste iranienne Masih Alinejad, exilée au Royaume-Uni. Sur sa page Facebook, elle a d'abord proposé que les Iraniennes envoient les photos sur lesquelles elles ont osé jeter leur voile. « Toutes les filles et les femmes iraniennes ont affaire à des restrictions et ne peuvent pas choisir librement leurs tenues. Malgré ces limites, elles expérimentent parfois de brefs moments de liberté. Cette page a pour vocation d'enregistrer ces moments », écrit-elle dans la description de la page.

Succès inédit

Lancée le 3 mai, la page Libertés furtives des femmes iraniennes connaît un succès impressionnant : aujourd'hui, elle compte 93 000 abonnés. Cette soudaine popularité est d'autant plus parlante que Facebook est bloqué en Iran, tout en restant accessible par le biais de différents logiciels antifiltrage.

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"Dans le désert de Dasht-é Kavir, au centre du pays".

Sur cette page, certaines femmes se sont prises en photo devant des affiches prônant le bon respect du hidjab... Un explicite pied de nez aux autorités.

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« Sur ordre de la police, se promener sur la plage sans tenues dignes est interdit et passible d'une poursuite judiciaire », peut-on lire sur l'affiche devant laquelle ont posé ces deux Iraniennes, le foulard tombé sur les épaules, en train de faire un bras d'honneur à l'affiche en question (photo publiée ci-dessus).

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"Les sœurs! Respectez le hidjab islamique!", peut-on lire sur cette affiche.

Le commentaire qu'a envoyé une autre Iranienne pour accompagner sa photo (ci-dessus) sans voile devant une affiche invitant au respect du hidjab en dit long sur cette nouvelle tendance, en progression depuis quelques années parmi les Iraniennes. « Ma photo est bien parlante. Est-ce qu'ils se demandent pourquoi beaucoup de filles se prennent en photo sans voile devant les affiches moralisatrices sur le hidjab ? Le message est facile à comprendre », écrit-elle.

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Au bord de la mer Caspienne, dans le nord du pays.

 Manifestations pour plus de contrôles vestimentaires

Quelques jours après le lancement de cette page, l'agence d'information semi-officielle Fars, proche des gardiens de la révolution, s'en est prise à son initiatrice, Masih Alinejad, la qualifiant d'« antirévolutionnaire » qui cherche à « abolir le hidjab ».

Manifestation

Manifestation des bassijis contre le relâchement vestimentaire, à Téhéran, mercredi 7 mai.

Les plus conservateurs ont ensuite multiplié les actions en faveur d'une surveillance plus stricte des codes vestimentaires et du respect du hidjab. Mercredi 7 mai, un groupe de bassijis s'est rassemblé sur la place Fatemi, dans le centre de Téhéran, et a continué sa marche vers la place Valiasr. Les manifestants ont scandé des slogans tels que « Homme ! où est passée ta dignité ? Où est passé le hidjab de ta femme ? » ou « Mort à celles qui n'ont pas de hidjab ! »

Ils ont terminé leur rassemblement par un communiqué exigeant la poursuite judiciaire de celles ou de ceux qui ne respectent pas les règles vestimentaires, ainsi que le renforcement des actions de la police des mœurs, chargée du contrôle du hidjab des Iraniennes. Le nombre de manifestants a été estimé entre « des centaines », à en croire l'agence d'information officielle IRNA, et « quatre mille », selon le site très conservateur Serat.

Cette manifestation semble une mise en garde explicite à l'adresse du président modéré, Hassan Rohani, qui prône une approche plus souple en ce qui concerne les contrôles vestimentaires. Or, la réponse du gouvernement n'a pas tardé à tomber. « L'Etat n'est pas d'accord avec les manifestations sans autorisation, et celle qui s'est tenue mercredi était illégale », a annoncé le gouverneur de Téhéran, Hossein Hachémi.

A l'approche de l'été, chaud, la saison où les Iraniennes sont moins enclines à respecter les codes vestimentaires, la guerre est déclarée entre le gouvernement et les plus conservateurs.

 

Source : http://keyhani.blog.lemonde.fr/2014/05/10/ces-iraniennes-...

 

 

 

 

L’Anthologie de la Poésie mauricienne contemporaine d’expression française

vient de paraître aux éditions Acoria

 

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Textes réunis par Yusuf Kadel
Préface Eileen Lohka
Introduction Robert Furlong

Existe-t-il, comme pour la mesure du progrès humain, des paramètres, des indices permettant de mesurer le développement poétique ? Probablement pas, car la poésie transcende le temps et un poème d’il y a mille ans peut paraître plus contemporain qu’un poème tout juste accouché… L’outil pouvant faciliter à la fois une vision panoramique, voire une lecture diagonale d’échantillons d’une production littéraire tant romanesque que poétique reste l’anthologie. Même si celle-ci n’est jamais totalement exempte de directivité, l’anthologie reste un acte littéraire fondateur en soi, car, à travers elle, un auteur ou un collectif d’auteurs considère que telle ou telle somme de production littéraire est représentative d’un génie particulier et/ou reflète une maturité littéraire suffisante… En quelque sorte, elle est une vitrine rassemblant de façon quasi muséale ce qui mérite d’être pérennisé en bloc et qu’il convient de considérer comme emblématique.

 

Y figurent donc avec bien d 'autres à découvrir, trois auteurs publiés dans la revue Nouveaux Délits : Yusuf Kadel, Alex Jacquin-Ng et Umar Timol.

 

Pour commander : http://www.acoria.site-fr.fr/produit/210040/

 

 

 

 

11/05/2014

Question

Quand est ce qu'on va se décider à enseigner partout dans les écoles, l'histoire objective des religions, sans parti pris, sans dogmatisme, de toutes les religions et philosophies depuis les débuts de l'humanité et le fondement spirituel à dégager de tout ça, que certains peuvent appeler morale laïque si ça leur chante, mais surtout et avant tout les outils pour que chacun puisse avoir la capacité de choisir et de se forger sa propre morale ? Afin que nul intégrisme, quel qu'il soit, ne puisse prendre racine sans ce terreau là.

 

Cathy Garcia

 

 

 

08/05/2014

Fugitive lu par Laurence Biava pour la Cause Littéraire

 

Plasticienne autodidacte, elle compose ce qu’elle appelle des gribouglyphes, mélange de diverses techniques et de collages. Elle obtient un premier Prix de poésie à 18 ans. Ses premiers recueils sont publiés en 2001. Elle illustre plusieurs revues littéraires et des recueils d’autres auteurs. Elle crée en 2003 la revue de poésie vive Nouveaux délits. Son travail est présenté publiquement depuis fin 2008 et sur le net. Fin 2009, elle fonde l’association du nom éponyme Nouveaux délits. Elle s’exprime aussi à travers la photo, pas en tant que photographe professionnelle, mais en tant que poète ayant troqué le crayon contre un appareil photo :

Après Claques et boxons et Les mots allumettes, Cathy Garcia revient en ce mois de mars 2014 avec un recueil court de poésie prosaïque très intéressant qui fait à la fois la part belle aux souvenirs des tragédies antiques, aux flottements des corps en souffrance, à la beauté des matériaux. Il y a aussi de belles envolées sur les aurores, la lumière de la lune, d’où jaillissent fulgurances, contemplation, rédemption.

« Une tragédie antique ensevelie dans le jardin des masques… L’oiseleuse pleure dans les fumées de myrrhe. Un corps de femme à lapider, encore et encore… Juste un saccage de coquelicots. Conjuration du vide… La meute aime le rut ».

 

Chaque fragment hybride est court et complété par une illustration personnelle de l’auteur.

« Je marche… je dois marcher… Je cours et je danse ». Cette ode à la fragilité de la vie se déroule avec douceur sous nos yeux, et cette sensation est renforcée par la grande qualité de plume de Cathy Garcia. On y voit, on y sent, on imagine la vie d’un individu égaré en pleine nature. On lit et on regarde se dérouler, en petites en grandes attentes, la vie d’un personnage, qu’on imagine être une femme, croqué au trait noir. Les instants heureux ou douloureux de la vie sont là, esquissés en quelques traits et liés les uns aux autres, par les ressacs des histoires d’amour, de séparation ou de transition. On entend des cris sourds parfois et se dessine (et se devine) alors une couleur particulière, différente à chaque page, à chaque murmure souffrant. Et l’air, la lumière, le souffle reviennent vite pour combler les manques, les trahisons, les inépuisables toxicités. Animée de tourments intérieurs et d’observations éclairées sur la mémoire et la fuite, l’histoire de chaque scène se déploie sous nos yeux, on la regarde et on l’aide à son déroulé en touchant du doigt les mots qui sursautent et s’empilent, parsemés. Les mots qu’on aimerait remettre dans la main du personnage, pour ne pas la voir s’enfuir et souffrir. On devine des coupures entre les phrases, qui renforcent la narration de cette histoire, ode poétique au temps, à l’errance, à l’exil.

Ces fragments d’une femme naufragée renforcent les émotions que l’on ressent, en résonance, à l’écoute et au visionnage de cette vie, notre vie, qui passe entre douceurs et tristesses. C’est vrai ! Comme le dit l’auteur, « notre bonheur est bossu ».

« Je marche et glisse dans la nuit, je compte les spectres. Un spectre, deux spectres, trois spectres… Quatre spectres… Les violoncelles saluent la vanité des cérémonies… Tout brûle, irrattrapable capharnaüm ».

 

Laurence Biava

 

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