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16/03/2015

cyberaction N° 692: Soutien à l'agriculture biologique

25% pour les aides aux agriculteurs Bio : Un coup de massue contre l’Agriculture Biologique

Alors que l’on travaillait depuis 2 ans avec le gouvernement pour doubler les surfaces en Bio, l’annonce par arrêté en date du 7 mars 2015 d’une coupe franche de 25% sur les aides au maintien pour la récolte 2014 fait l’effet d’une douche froide. Et ce d’autant plus qu’elles seront versées avec 3 mois de retard. Ce signal politique est incohérent pour une agriculture qui concilie production alimentaire de qualité et respect de l’environnement et qui est au cœur de l’agro-écologie pourtant si chère à notre ministre. Les acteurs de la filière, producteurs, coopérateurs et opérateurs, réagissent et appellent le gouvernement à trouver une solution.

Plus d'infos

Vous êtes en Bio ? Ça sera -25% pour 2014

Alors que les agriculteurs attendaient un paiement depuis décembre 2014 qui prévoyait bien le versement des aides sans restriction, le ministère avait annoncé un règlement en date du 5 mars. De nombreux agriculteurs ont reçu un courrier à cette date précisant le montant de leurs aides mais sans paiement. Deux jours plus tard et sans aucune information, 25 % des aides Bio à l’Agriculture Biologique sont supprimées. Face à ces contradictions, les agriculteurs biologiques se sentent floués et expriment leur incompréhension et leur colère.
Les acteurs de la filière avaient cependant alerté le ministère à plusieurs reprises (en 2010 puis en 2012) sur les risques d’insuffisance budgétaire en fin de période. Malgré nos alertes et simulations, le ministère avait maintenu son chiffrage insuffisant, résultat : 117 millions d’euros de demandes en 2014 contre 103 millions de budget et une diminution inédite des aides de 25% !

Vous voulez rester en Bio en 2015 ? On fera ce qu’on pourra !

Dans ce contexte, comment ne pas s’inquiéter du passage des aides à la Bio sur le second pilier ? Les dispositifs seront alors financés à 75% par l’Europe et 25% par l’Etat. Or de nombreuses régions, autorités de gestion, n’ont pas attribué les moyens suffisants pour les aides au maintien, voire les aides à la conversion, réussissant à mettre des centaines de producteurs Bio dans la rue, inquiets pour l’économie de leurs exploitations et l’absence de reconnaissance des services agro-environnementaux rendus par leur système de production.
Si le 2ème pilier de la PAC permet des ajustements entre des lignes, à l’inverse du 1er pilier, les producteurs Bio seront encore dépendants d’arbitrages budgétaires, avec la seule garantie de l’incertitude !
Alors que les pratiques des agriculteurs Bio et leur maintien sont les leviers incontournables d’une transition agro- écologique réussie et aboutie, quels moyens assureront, dès 2015, le développement de l’Agriculture Biologique en réponse aux besoins ?
Des efforts sont faits et seront poursuivis par les opérateurs agricoles pour développer et structurer les filières biologiques, et les rendre “moins dépendantes” de ces aides, malheureusement cette décision déstabilise ce travail et ces efforts.
Le Ministre de l’agriculture doit maintenant trouver une solution pour mettre en cohérence les paroles et les actes.


Source : Communiqué de presse APCA – COOP DE FRANCE- FNAB – SYNABIO du 10 mars 2015

 

à diffuser !

pour signer  : http://www.cyberacteurs.org/cyberactions/soutien-agricult...

 

 

 

Réponse de Philippe Mauguin, Directeur du Cabinet du ministre de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt ,reçue le 17/03/15 :

Stéphane LE FOLL annonce une aide complémentaire à l’agriculture biologique  pour faire face à l’augmentation des surfaces en 2014.

Face à la progression exceptionnelle des surfaces en agriculture biologique en 2014, l’enveloppe d’aides mobilisée, bien qu’en augmentation de 16 millions d’euros (passant de 87 millions en 2013 à 103 en 2014, conformément aux engagements du Programme Ambition bio), ne permettait pas de répondre à l’ensemble des demandes au niveau maximum. 

En cohérence avec son objectif de soutenir le développement de l’agriculture biologique, le Ministre annonce donc le déblocage de moyens complémentaires permettant d’aider chaque agriculteur bio au niveau prévu initialement pour 2014. Cette aide sera versée dans le courant de l’été. 

Depuis 2012 le Gouvernement fait du développement de l’agriculture biologique une priorité. C’est le sens du Plan « Ambition bio 2017 » présenté en 2013 dont l’objectif est le doublement des surfaces en bio d’ici 2017. Pour y parvenir les moyens financiers dégagés par le Gouvernement sont sans précédent.

Pour la période 2015-2020, la réforme de la PAC négociée par Stéphane LE FOLL permettra de doubler les aides à la bio, en les portant à 180 millions d’euros en 2020 (par rapport à 2012). Sur l’ensemble de la période 2015-2020, cet encouragement à la bio représentera ainsi une enveloppe moyenne de 160 millions d’euros par an. 

Stéphane LE FOLL a déclaré : « Je me félicite de la progression continue de l’agriculture biologique dans notre pays. Elle est désormais la troisième de l’Union européenne et vient de dépasser les superficies en bio en Allemagne. Il était important pour moi, malgré les contraintes budgétaires de pouvoir envoyer un message de confiance à la filière en garantissant le niveau d’aide prévu ».

 

 

 

11:05 Publié dans AGIR | Lien permanent | Commentaires (0)

En colère, les agriculteurs bio descendent dans la rue

Les agriculteurs bio pénalisés, malgré les discours sur le développement durable.

Les agriculteurs bio pénalisés, malgré les discours sur le développement durable.

                           

 

L'exaspération est à son comble chez les agriculteurs biologiques de Midi-Pyrénées qui se rassembleront ce 16 mars à partir de 13 heures place Saint Étienne à Toulouse. «Alors que l'on travaillait depuis 2 ans avec le gouvernement pour doubler les surfaces en bio, l'annonce par arrêté en date du 7 mars 2015 d'une coupe franche de 25 % sur les aides au maintien pour la récolte 2014 fait l'effet d'une douche froide» écrit Frédéric Cluzon, Président de la FRAB Midi-Pyrénées.

«Ce lundi 16 mars, continue M. Cluzon, le Préfet de Région, M. Mailhos et le Président du Conseil Régional, M. Malvy, lanceront officiellement une réflexion sur le projet agroécologique en région Midi-Pyrénées. Dans la lignée du Plan agroécologique de M. Le Foll, il s'agirait de rendre plus vertueuse une agriculture qui est loin de l'être. Mais quelle place est faite à l'agriculture biologique qui, n'utilisant pas de produits chimiques de synthèse, ni d'OGM, est par essence même une agriculture qui protège l'environnement, favorise l'emploi, produit des aliments sains ? Et bien, force est de constater que malgré les discours officiels, les actes ne sont pas là, pire les aides à l'agriculture biologique ne sont pas honorées».

Les acteurs de la filière, producteurs, au nombre de 2 800 en région, coopérateurs et opérateurs, réagissent et appellent le gouvernement à trouver une solution. À Toulouse, ils descendront dans la rue, ce lundi. Midi-Pyrénées est une région où l'agriculture biologique est en forte augmentation (+25 % de producteurs bio depuis 2010), 130 300 ha cultivés en 2013.

 

11:03 Publié dans AGIR | Lien permanent | Commentaires (0)

Le mémo d'Amiens de Jean-Louis Rambour

éd. Henry, coll. La main aux poètes, octobre 2014. Vignette de couverture : Isabelle Clement.

 

 

le-memo-d-amiens-de-jean-louis-rambour.jpg

96 pages, 8 euros

 

 

« C’est un pays étrange, cette ville, avec tous ces gens », c’est sur cette citation du Clézio que s’ouvre ce recueil, qui bien que tenant dans la poche, pèse son poids de vies humaines et d’un siècle condensé. 90 « poèmes-photos », 90 portraits de 14 lignes. Une ville, Amiens et des gens, des habitants. Des prénoms, quelques noms, des histoires, des rêves, des ambitions, des douleurs, des misères, des saloperies aussi de tout un siècle découpé en guerres, en entre-deux, en révolutions.

 

« Ici Julia parle de la grande souffrance d’Amiens (…)

La grande souffrance dit-elle Deux guerres mondiales

À elle seule L’idée qu’on a pris forme humaine

Pour vivre la somme des malheurs la note élevée

Pris forme humaine pour offrir ses ruines »

 

Toute cette grande machinerie de l’Histoire à coups de bottes, de pieds résolus, de pieds nus, de pieds noirs, d’escarpins tourbillonnant après l’amour, la grande marche de l’Histoire à coups de bombes, de bulldozers, de bâtiments qui s’effondrent, de bâtiments qui se dressent, de fermes qui disparaissent, de zones et d’entreprises aux noms anglo-saxons qui engraissent. Et les gens, les gens qui vivent tout ça, des gens qui habitent, font et défont la ville, des gens venus de là et d’ailleurs, tout plein de mémoire et de trous.

 

On construit on construit Les ouvriers de Pi and Dji

Ont besoin de murs autour de leurs lits

De fenêtres pour imaginer des libertés

Sans compter qu’il y a Good Year Cyclam

Plastic Omnium Unither Scott Bader Vidam

Whirpool Faiveley Mersen France Sans compter

La guerre d’Algérie qui jusqu’ici distribue ses exils

 

Beaucoup de noms dans le mémo d’Amiens, un mémo c’est fait pour ça, pour ne pas oublier, les noms de personnes, noms de rues, de places, de quartiers et de ciel et de pays aussi laissés derrière, mais dont quelques graines sont venus les unes après les autres, fleurir la ville de couleurs nouvelles. De parfums nouveaux.

 

Geneviève, Rémi, Georges, Laurent, Isabelle, Lucienne, Léon… A eux seuls, les prénoms, tout un poème. Nemrod venu du Tchad jusqu’à cette ville d’Amiens où L’eau ne fait que glisser dans les tuyaux de cuivre et où la misère pourtant est belle de ses salle de bains/Et ses terrasses de café où la bière est en or. Là où Boris flotte avec les nuages des gitanes/La bière sa petite odeur d’urine d’âne surie.

 

Il y a le travail, ses travailleurs et ses exclus et il y a le foot. Daniel (…) estime qu’un ballon est un bon résumé/De l’aventure humaine Tous les globes d’ailleurs/Plus généralement Les globes et les nombrils.

 

Jennifer, Chaïma, Yliès, Caetano, Germain, Gilles, Jacqueline. Gilles qui se fait appeler Njango. Habib, Jésus, Anna et puis les épiciers, Monsieur et Madame Tellier. On ne pèse plus les pâtes/Le riz, la levure On ne râpe plus le fromage/On ne surveille plus l’intégrité des grains de café/On ne se fait plus servir  C’est le début du non-partage/On apprend le mot de self-service On s’en repaît (…) Le curé tente d’excommunier le chewing-gum/Mais en vain/On entre dans l’ère du self et du look

 

Le château d’eau du Pigeonnier devient le poste de surpression d’eau potable dépendant du département eau et assainissement/De la mairie d’Amiens sous la responsabilité de l’agent Matthieu Bernard.

 

Les temps changent, tout change mais la nuit a t’elle perdu la manie misérable d’accoucher ses cauchemars chats noirs/Ses ogres bossus aux manches de chandail/Luisantes de pailles et du mucus des limaces ?

 

Amiens sous la plume de Jean-Louis Rambour nous laisse découvrir son intimité, les dessous de ses visages innombrables, son grand théâtre…

 

Ch’est nous chés tchots/Conmédiens/Chés viux cabotants d’Anmiens*

 

Le mémo d’Amiens est un hommage poignant, sensible mais surtout pas mièvre, au contraire digne, lucide, sans concession, hommage aux femmes et aux hommes, d’où qu’ils viennent, qui forment le vrai ciment des murs d’une ville, qui la font tenir debout, en lui offrant encore un souffle d’humanité, aussi chargé soit-il.

 

Cathy Garcia

 

 

*(C’est nous les petits comédiens/les vieux cabotins d’Amiens, dans la chanson d’adieu des marionnettes traditionnelles picardes, par Maurice Domon)

 

 

 

Jean-Louis-Rambour.jpgJean-Louis Rambour né en 1952, à Amiens, vit toujours en Picardie.

Bibliographie :

Mur, La Grisière, 1971
Récits, Saint-Germain-des-Prés, 1976
Petite biographie d’Édouard G., CAP 80, 1982
Le poème dû à Van Eyck, L’Arbre, 1984
Sébastien, Cahiers du Confluent, 1985
Le poème en temps réel, CAP 80, 1986
Composition avec fond bleu, Encres Vives, 1987
Françoise, blottie, Interventions à Haute Voix, 1990
Lapidaire, CAP 80, 1992
Le bois de l’assassin, Polder, 1994
Le guetteur de silence, Rétro-Viseur, 1995
Théo, Corps Puce, 1996 / La Vague verte, 2005
L’ensemblier de mes prisons, L’Arbre à paroles, 1996
Le jeune homme salamandre, L’Arbre, 1999
Scènes de la grande parade, Le Dé bleu, 2001
Pour la fête de la dédicace, Le Coudrier, 2002
La nuit revenante, la nuit, Les Vanneaux, 2005
L’hécatombe des ormes, Jacques Brémond, 2006
Ce monde qui était deux, Les Vanneaux, 2007

Le seizième Arcane, Corps Puce, 2008 (préface de Pierre Garnier)
Partage des eaux, Ateliers des éditions R. & L. Dutrou, 2009 (dessins de René Botti)
Cinq matins sous les arbres, Vivement dimanche, 2009
Clore le monde, L'Arbre à paroles, 2009 (frontispice de Benjamin Rondia)
Anges nus, Le Cadran ligné, 2010
mOi in the Sky, Presses de Semur, 2011
La Dérive des continents, Musée Boucher-de-Perthes d'Abbeville, 2011 (huiles de Silère et préface de Pierre Garnier)
Démentis, Les Révélés, 2011 (livre d'artiste réalisé avec le peintre Maria Desmée)
La Vie crue, Corps Puce, 2012 (encres de Pierre Tréfois et préface de Ivar Ch'Vavar)
Au Commencement était la bicyclette, Université de Picardie Jules-Verne, 2014 (25 textes pour le catalogue d'une exposition du peintre Silère)


Jean-Louis Rambour a également publié des recueils de nouvelles et des romans : Les douze Parfums de Julia (sous le nom de Frédéric Manon), La Vague verte, 2000 (Prix du livre de Picardie Club de lecteurs 2001) ; Dans la Chemise d'Aragon, La Vague verte, 2002 (Prix du livre de Picardie 2003) ; Carrefour de l'Europe, La Vague verte, 2004 ; Et avec ceci, Abel Bécanes, 2007.

 

 

 

15/03/2015

Grèce : petit guide contre les bobards médiatiques

 

Malgré l’ingérence et la pression des dirigeants de l’Union Européenne, le peuple grec a décidé de prendre courageusement son destin en main et d’en finir avec les politiques d’austérité qui ont plongé le pays dans la misère et la récession. Dans les pays victimes de la Troïka, mais aussi dans de nombreux autres pays européens, cette victoire est perçue comme un formidable encouragement à lutter pour mettre un terme à des politiques profitables aux marchés financiers et désastreuses pour les populations.

Mais déjà les grands médias relaient l’idée absurde selon laquelle l’annulation de la dette grecque « coûterait 600 euros à chaque contribuable français ». À mesure que les négociations vont se durcir entre la Grèce et la Troïka, la propagande va s’intensifier et notre travail d’éducation populaire sur la question de la dette publique va devenir de plus en plus décisif. Ces réponses aux idées reçues sur la dette grecque ont vocation à y contribuer. [Version PDF / Version ODT]

 

Idée reçue n°1 : Annuler la dette grecque: 636 € par Français ?

Le discours officiel sur la Grèce

« Il n’est pas question de transférer le poids de la dette grecque du contribuable grec au contribuable français » (Michel Sapin, ministre de l’Économie, Europe N°1, 2/02), « une ardoise de 735 € par Français » (Le Figaro, 8 janvier), 636 € selon TF1 (2 février).

Pourquoi c’est faux ?

La France est engagée à la hauteur de 40 milliards € par rapport à la Grèce : une petite partie a été prêtée à ce pays dans le cadre de prêts bilatéraux, le reste (environ 30 milliards d’euros) étant apporté en garantie au Fonds européen de solidarité financière1 (FESF), lequel a emprunté sur les marchés financiers pour prêter à la Grèce.

Dans les deux cas ces prêts sont déjà comptabilisés dans la dette publique française (environ 2000 milliards €). Leur annulation n’augmenterait donc pas la dette.

La France devra-t-elle débourser ces sommes en cas d’annulation de la dette grecque ? Non, car en fait, la France, comme la plupart des pays, ne rembourse jamais vraiment sa dette. Lorsqu’un emprunt vient à échéance, la France le rembourse en empruntant de nouveau. On dit que l’État fait « rouler sa dette ».

La seule chose que perdraient les contribuables français, ce sont les intérêts versés par la Grèce, soit 15 € par Français et par an2.

La BCE pourrait résoudre facilement le problème de la dette grecque. Elle pourrait rayer d’un trait de plume les 28 milliards qu’elle détient. Elle pourrait racheter aux institutions publiques (États, FESF) les titres grecs qu’ils détiennent, et les annuler également. Ou bien les transformer – comme le demande la Grèce – en obligations perpétuelles, avec un taux d’intérêt fixe et faible, et pas de remboursement du capital. De toute façon une banque centrale ne court aucun risque financier puisqu’elle peut se refinancer elle-même par création monétaire.

Quelles leçons pour la France et l’Europe ?

En France aussi la dette publique est insoutenable et ne pourra pas être remboursée. Les taux d’intérêt sont très faibles aujourd’hui ? Oui, mais c’est parce que la France mène une politique d’austérité qui plaît aux marchés financiers. C’est aussi parce que les investisseurs financiers ne veulent plus courir le risque d’investissements dans le secteur productif. Pour en finir avec cette politique en France et en Europe, il faudra aussi alléger le poids des dettes, d’une façon ou d’une autre : restructuration, remboursement partiel par un prélèvement exceptionnel sur les grandes fortunes, annulation partielle… toutes les hypothèses doivent être étudiées et faire l’objet de choix démocratiques.

Idée reçue n°2 : Quand on doit, on rembourse ?

Le discours officiel sur la Grèce

« La Grèce devra rembourser sa dette » (Michel Sapin, 2 février) « Une dette est une dette. Rembourser est un devoir éthique pour un État de droit » (Marine Le Pen, 4 février)

Pourquoi c’est faux ?

Sauf rares exceptions, un État ne rembourse pas sa dette : il ré-emprunte pour faire face aux échéances. Au budget de l’État figurent les intérêts de la dette, jamais le remboursement de la somme empruntée (le principal). Contrairement à un particulier, l’État n’est pas mortel, il peut s’endetter sans fin pour payer ses dettes. C’est la différence avec l’emprunt d’une mère de famille qui, elle, est obligée de rembourser sa dette.

Mais quand les marchés financiers ne veulent plus prêter à un État, ou exigent des taux d’intérêt exorbitants, et que l’Etat n’a plus accès à la création monétaire de la Banque Centrale de son pays, les choses se gâtent. C’est pourquoi en 2011, quand les banques ont pris peur devant les difficultés de la Grèce, la BCE et les États européens ont du lui prêter.

C’est ce qui leur permet aujourd’hui d’exercer un brutal chantage en menaçant de couper les crédits à la Grèce si son gouvernement maintient les mesures anti-austérité promises aux électeurs: hausse du SMIC et des retraites, ré-embauche des fonctionnaires licenciés, arrêt des privatisations.

De nombreuses expériences historiques de pays surendettés (Allemagne 1953, Pologne 1991, Irak 2003, Équateur 2008, Islande 2011, Irlande 2013…) ont pourtant abouti à la même conclusion : quand la dette est trop lourde (190% du PIB pour la Grèce !), il faut l’annuler et/ou la restructurer pour permettre un nouveau départ.

Chacun sait – même le FMI et la BCE – que l’actuel fardeau de la dette est trop lourd pour la Grèce. Une renégociation est nécessaire, portant sur une annulation partielle, sur les taux d’intérêt et l’échéancier. Il faut pour cela une conférence européenne sur la dette comme ce fut le cas en 1953 pour la République Fédérale Allemande.

Pour être efficace cette conférence doit pouvoir prendre appui sur les travaux d’une commission internationale et citoyenne d’audit de la dette grecque. Cet audit déterminera quelles est la part légitime de la dette, dont il convient de s’acquitter, même avec taux d’intérêt et des délais renégociés, et la part illégitime, qui peut être contestée.

Est légitime la dette contractée légalement pour financer des investissements ou des politiques profitables à la population. Est illégitime la dette qui n’a pas servi les intérêts de la population, mais a bénéficié à des minorités privilégiées. Selon la jurisprudence internationale, une dette peut même avoir un caractère odieux ou être illégale, selon la façon dont elle a été contractée.

Quelles leçons pour la France et l’Europe ?

En France aussi, une démarche large d’audit citoyen est nécessaire pour sensibiliser l’opinion et montrer qui sont les véritables bénéficiaires du système de la dette. Le premier rapport d’audit citoyen publié en mai 2014 a montré que 59% de la dette française pouvait être considérée comme illégitime, de par son origine (taux d’intérêt excessifs, cadeaux fiscaux). Restructurer la dette française dégagerait des ressources pour les services publics, la transition écologique… Nous allons organiser une conférence européenne des mouvements sociaux sur la dette, afin de généraliser la démarche.

Idée reçue n°3 : Les Grecs se sont goinfrés, ils doivent payer ?

Le discours officiel sur la Grèce

La Grèce, c’est une « administration pléthorique, 7% du PIB contre 3% en Europe », une « difficulté à lever l’impôt et à maîtriser les dépenses » (Claudia Senik, économiste)

Pourquoi c’est faux ?

Selon l’OCDE, les fonctionnaires représentaient en Grèce 7% de l’emploi total en 2001, et 8% en 2011, contre 11% en Allemagne et 23% en France (incluant la sécurité sociale). Les dépenses publiques de la Grèce représentaient en 2011 42% du PIB contre 45% (Allemagne) et 52% (France).

Pourquoi donc, avant même la crise financière et la récession, la dette publique grecque était-elle déjà de 103 % du PIB en 2007 ? Une étude récente montre que la flambée de la dette grecque ne résulte pas du tout d’une gabegie de fonctionnaires et de prestations sociales. Les dépenses sont restées globalement constantes en % du PIB, de 1990 jusqu’à 2007. Comme en France, ce sont les taux d’intérêt excessifs et les cadeaux fiscaux qui ont gonflé la dette. Mais en plus, les diktats de la Troïka (Commission européenne, BCE et FMI) ont fait plonger le PIB grec de 25 % depuis 2010, ce qui a provoqué mécaniquement une hausse de 33 % du rapport entre la dette et le PIB !

Les taux d’intérêt exigés par les prêteurs entre 1990 et 2000 ont été extravagants : en moyenne 7,5 % (taux réel corrigé de l’inflation), pour une croissance du PIB de 2,5 %. D’où un effet « boule de neige » : l’État grec s’est endetté pour parvenir à payer ces intérêts exorbitants. Si le taux d’intérêt réel était resté limité à 3 %, la dette publique grecque aurait représenté 64 % du PIB en 2007 au lieu de 103 %.

Concernant les recettes publiques, pour remplir le critère de Maastricht sur le déficit maximum de 3%, la Grèce a très fortement augmenté les impôts dans les années 1990 : de 28% à 42% du PIB. Mais dès l’entrée dans la zone euro en 2001, les riches grecs ont fait la fête. Ainsi entre 2004 et 2008 la Grèce a réduit les droits de succession, diminué par deux fois les taux d’imposition sur le revenu et décrété trois lois d’amnistie fiscale pour les fraudeurs (Études économiques de l’OCDE, Grèce 2009). Les recettes fiscales sont retombées à 38% du PIB. Si elles avaient gardé leur niveau de 2000, la dette publique grecque aurait représenté, en 2007, 86 % du PIB au lieu de 103 %.

Au total, avec des taux d’intérêt «raisonnables» et un simple maintien des recettes publiques, la dette grecque aurait été deux fois plus faible en 2007. Autrement dit on peut considérer que la moitié de la dette grecque était illégitime à cette date : elle a découlé d’une ponction opérée par les créanciers, nationaux ou étrangers, et d’une baisse des impôts au bénéfice principal des plus riches. L’explosion de la dette depuis 2007, quant à elle, est entièrement due à la récession infligée par la Troïka. Elle est donc encore plus illégitime.

Quelles leçons pour la France et l’Europe ?

Le Collectif pour un audit citoyen de la dette publique a déjà montré que les mêmes mécanismes (taux d’intérêt excessifs et cadeaux fiscaux) expliquent 59% de la dette publique française. En France aussi on pourrait en finir avec les politiques d’austérité si l’on remettait en cause le fardeau de cette dette, par une annulation partielle et / ou des mesures de restructuration.

Idée reçue n°4 : On a aidé les Grecs, ils doivent nous remercier?

Le discours officiel sur la Grèce

« La Grèce doit cesser d’être un puits sans fond » (Wolfgang Schäuble, ministre allemand des finances, 12/02/2012)

Pourquoi c’est faux ?

De 2010 à 2013 la Grèce a reçu 207 Milliards d’euros en prêts des États européens et des institutions européennes assortis de plans de réformes. Il s’agirait « d’aides à la Grèce ».

Une étude d’ATTAC Autriche3 décortique les destinations des 23 tranches de financement imposées à la Grèce de 2010 à 2013. 77 % de ces prêts ont servi à recapitaliser les banques privées grecques (58 Mds €) ou ont été versés directement aux créanciers de l’État grec (101 Mds €), pour l’essentiel des banques européennes et américaines.

Pour 5 euros empruntés, 1 seul est allé dans les caisses de l’État grec !

Le mensuel Alternatives économiques (février 2015) complète l’analyse : de 2010 à fin 2014, 52,8 Mds € de ces prêts ont servi à payer les intérêts des créanciers. Seuls 14,7 Mds € ont servi à financer des dépenses publiques en Grèce.

Ces 207 Mds € ont donc beaucoup « aidé » les banques et les créanciers mais très peu la population grecque. Celle-ci, en revanche, doit subir l’austérité imposée par la Troïka (BCE, Commission FMI) lors de la négociation de ces prêts. De plus, l’État grec doit payer les intérêts sur l’intégralité de ces plans d’aide. Il est endetté encore pour 40 ans, jusqu’en 2054 ; 30 Mds € sont à verser en 2015.

Qui sont les véritables créanciers de la dette grecque et qui décide de son utilisation ? Pour une dette totale de 314 Mds €, les créanciers sont : le Fonds européen de stabilité financière (FESF, maintenant remplacé par le MES, 142 Mds) , les autres États européens (53 Mds), le FMI (23 Mds), le secteur privé (39 Mds), la BCE (27 Mds) et d’autres créanciers privés (31 Mds).

Le Mécanisme Européen de Stabilité (MES), entré en vigueur en 2012, gère désormais les prêts aux États de l’UE. Il contracte des prêts sur les marchés financiers et décide de leur affectation (principalement le sauvetage des banques privées). Les acteurs des marchés financiers se financent auprès des banques centrales, dont la BCE, à des taux très inférieurs à l’inflation. Le siège du MES est au Luxembourg, paradis fiscal bien connu.

À aucun moment, l’État grec n’a la main sur les fonds souscrits par le MES. En plus des réformes imposées par la Troïka, les Grecs payent pour des prêts qui ne leur ont pas été versés et qui pour l’essentiel profitent au secteur de la finance !

Quelles leçons pour la France et l’Europe ?

Les « aides » bénéficient en fait aux banques et sont payées au prix fort par les populations. Entre satisfaire les besoins fondamentaux (nourriture, logement, protection sociale, santé et éducation) ou engraisser les principaux créanciers, le choix va de soi : la priorité n’est pas le remboursement, mais l’audit des dettes publiques et la clarté sur l’usage des fonds des soi-disant « sauvetages ».

Idée reçue n°5 : La Grèce doit poursuivre les réformes engagées ?

Le discours officiel sur la Grèce

Selon Wolfgang Schäuble, ministre allemand des finances, « la Grèce est tenue de continuer sur la voie des réformes déjà engagées, sans aucune alternative, quel que soit le résultat du futur scrutin » (Le Monde 4/01/2014). Ce que François Hollande a confirmé après la victoire de Syriza : « des engagements ont été pris et doivent être tenus » (27/01).

Pourquoi c’est faux ?

L’austérité imposée n’a pas d’autre objectif que de dégager des capacités de remboursement pour les créanciers. Or, l’échec est criant ! Oui, la Grèce a besoin de réformes économiques, sociales et politiques. Mais pas celles de la Troïka – toujours moins d’État, toujours plus de marchés et d’inégalités – qui ont lamentablement échoué. Contre les logiques financières de court terme, trois pistes complémentaires doivent permettre la réappropriation par le peuple grec de son avenir :

(i) Un plan ambitieux de reconquête de l’emploi et de développement économique qui redessine le système productif vers la transition écologique. Ce plan serait bénéfique, contrairement aux affirmations de la Troïka, car 1 euro d’investissement public aura des effets multiplicateurs sur l’investissement privé et l’activité économique aujourd’hui totalement déprimés. Les pouvoirs publics doivent maîtriser le financement de l’activité : par exemple avec la création d’une banque publique de développement, un investissement massif dans l’économie sociale et solidaire, le développement de monnaies complémentaires, la promotion des banques coopératives.

(ii) La priorité à la cohésion sociale et économique contre la compétitivité et la flexibilité. La Troïka a imposé une baisse généralisée des revenus ainsi que la suppression de droits sociaux élémentaires qui ont contracté l’activité sans pour autant réduire la dette. L’État doit donc retrouver son rôle de régulateur et d’accompagnement pour maintenir la cohésion et prendre en compte les besoins socio-économiques du pays. Le partage du travail permettrait la création d’emplois et soutiendrait la demande. Le chômage pourrait baisser rapidement. Ces réformes passeraient par une autre répartition des richesses.

(iii) La refonte de la démocratie et la réforme de l’État au service des citoyens et de la justice sociale. La souveraineté de l’État passe par une fiscalité progressive, la lutte contre la corruption, la fraude et l’évasion fiscales. Ces réformes permettront de redonner des marges de manœuvre budgétaire pour financer le plan de relance, et pour lutter contre les inégalités4 et la pauvreté. Les privilèges détenus par l’oligarchie grecque, comme les armateurs, doivent donc être abolis.

Quelles leçons pour la France et l’Europe ?

L’austérité a échoué, mais des réformes ambitieuses, radicalement différentes, sont possibles et nécessaires. Un audit des dettes publiques des pays européens pourra identifier des pistes pour leur allègement décisif. Il faut une politique économique volontariste pour renouer avec une dynamique d’investissements d’avenir vers la transition écologique. Ceci suppose la redistribution des richesses et la reconquête de la souveraineté démocratique sur l’économie, en particulier en stoppant les privatisations. Ces réformes doivent être coopératives et non soumises à la logique de la guerre économique.

Idée reçue n°6 : L’austérité, c’est dur mais ça finit par marcher ?

Le discours officiel sur la Grèce

« L’austérité, ça paye ! La Grèce repart en trombe. Selon les dernières prévisions de Bruxelles, la croissance sera cette année de 2,5 % en Grèce et 3,6 % l’année prochaine, ce qui fera d’Athènes le champion de la croissance de la zone euro! Le chômage commence à refluer de 28 à 26 %. Bref, au risque de choquer: la détestée troïka a fait du bon boulot!» (Alexis de Tarlé, JDD, 8 février)

Pourquoi c’est faux ?

Les Grecs seraient-ils stupides d’avoir mis fin à une politique qui marchait si bien ? En 2014, le PIB de la Grèce est inférieur de 25,8 % à son niveau de 2007. L’investissement a chuté de 67%. Quel bon boulot ! Le taux de chômage est de 26% alors même que nombre de jeunes et de moins jeunes ont dû quitter leur pays pour trouver un emploi. 46% des Grecs sont au-dessous du seuil de pauvreté, la mortalité infantile a augmenté de 43%. Quant aux prévisions de Bruxelles, à l’automne 2011 elles annonçaient déjà la reprise en Grèce pour 2013. Finalement, le PIB grec a chuté de 4,7% cette année-là.

Tous les économistes honnêtes le reconnaissent maintenant. Les politiques d’austérité imposées par les institutions européennes ont été catastrophiques pour la Grèce et l’ensemble de la zone Euro.

Les classes dirigeantes et la technocratie européenne ont voulu utiliser la crise pour réaliser leur vieux rêve : réduire les dépenses publiques et sociales. Sous les ordres de la Troïka et la menace des marchés financiers, les pays du Sud de l’Europe ont dû mettre en œuvre des plans drastiques de réduction des déficits publics qui les ont menés à la dépression. De 2009 à 2014, la réduction des dépenses a été de 11% du PIB pour l’Irlande, 12,5 % du PIB pour l’Espagne et le Portugal ; 28 % pour la Grèce. Les déficits ont certes été réduits, mais avec un coût social et économique monstrueux.

Et la dette a continué d’augmenter ! Pour la zone euro, elle est passée de 65% à 94% du PIB entre 2008 et 2014. L’austérité n’a pas payé, elle a au contraire enfoncé le continent dans la crise. En réduisant les impôts des hauts revenus et des sociétés, les États ont creusé les déficits, puis ont emprunté aux riches pour financer ces fameux déficits. Moins d’impôts payés d’un côté, plus d’intérêts perçus de l’autre, c’est le bingo pour les plus riches !

Quelles leçons pour la France et l’Europe ?

On demande aux Grecs de payer chaque année 4,5 points de la richesse nationale pour rembourser leur dette; aux citoyens européens, on ne demande « que » 2 points. L’effet est partout le même : toujours plus de chômage, et toujours moins de ces investissements publics qui pourraient préparer l’avenir.

C’est la leçon du calvaire grec. Y mettre fin concerne tous les pays d’Europe car il faut stopper la récession que l’austérité crée partout, et tirer les leçons de la crise pour s’engager dans un autre modèle de développement. Si austérité il doit y avoir, elle doit frapper les plus riches, ces « 1% » qui accaparent la richesse sociale et ont bénéficié du système de la dette. Il faut réduire les déficits et la dette, grâce à une fiscalité plus progressive et une restructuration des dettes publiques.

Idée reçue n°7 : Une cure d’austérité, c’est pas la mort ?

Le discours officiel sur la Grèce

Christine Lagarde, directrice du FMI : « Non, je pense plutôt aux petits enfants d’une école dans un petit village au Niger (…), ils ont plus besoin d’aide que les gens d’Athènes » (en réponse à la question d’un journaliste : « quand vous demandez des mesures dont vous savez qu’elle vont empêcher des femmes d’accéder à une sage-femme au moment de leur accouchement, ou des patients d’obtenir les médicaments qui pourraient sauver leur vie, est-ce que vous hésitez ? » (The Guardian, 25/05/2012). “Nous devrons tous perdre de notre confort“, (George Papandreou, Reuters, 15/12/2009)

Pourquoi c’est faux ?

En fait de réduire les dépenses de « confort », la Troïka a imposé une réduction de 40% du budget de la santé en Grèce. Résultat, « plus d’un quart de la population ne bénéficie plus de couverture sociale, les hôpitaux publics sont débordés et exsangues. La rigueur budgétaire a désorganisé le système de santé publique et entraîné une crise humanitaire » (4 janvier 2015 JDD international).

La tuberculose, la syphilis ont réapparu. Les cas de sida se sont multipliés par manque de moyens pour la prévention. Une étude parue dans le journal médical britannique The Lancet5 tire un bilan terrible : la mortalité infantile a augmenté de 43% entre 2008 et 2010, la malnutrition des enfants de 19%. Avec les coupes budgétaires dans la prévention des maladies mentales, les suicides ont grimpé de 45% entre 2007 et 2011. De nombreux centres pour le planning familial publics sont fermés, ceux qui restent fonctionnent avec un personnel réduit.

Selon Nathalie Simonnot, de Médecins du Monde, « un forfait de cinq euros à la charge des patients a ainsi été instauré pour chaque consultation à l’hôpital public…Pour un retraité qui touche 350 euros par mois, c’est un coût énorme, surtout que la plupart du temps il faut faire plusieurs consultations (…) Les médecins demandent aux patients d’acheter eux-mêmes pansements, seringues et gazes parce que certains hôpitaux sont en rupture de stock ».

Des témoignages de ce genre concernaient naguère l’Afrique. La politique de la troïka, des gouvernements grecs, ont créé un désastre sanitaire qui rend vital un changement de politique, notamment pour la santé. Si les choses ne sont pas encore pire, c’est grâce aux centaines de bénévoles des dizaines de dispensaires grecs, à Médecins du monde, à la solidarité internationale, qui ont limité les dégâts pour ceux qui n’avaient plus accès aux soins. Le nouveau gouvernement grec a raison de vouloir par exemple réembaucher dans les centres de santé les 3000 médecins qui ont été licenciés par la Troïka.

Quelles leçons pour la France et l’Europe ?

On sait maintenant que « l’austérité tue »6. Les responsables des politiques d’austérité se rendent coupables de véritables crimes quand ils imposent des coupes massives dans les dépenses de santé, comme cela a été le cas en Grèce, en Espagne, au Portugal. Il faut partout défendre les systèmes publics de santé contre les privatisations et les restructurations qui ne visent qu’à réduire les coûts au mépris de la santé.

Idée reçue n°8 : De toutes façons la Grèce a déjà capitulé ?

Le discours officiel

« En signant un accord à l’Eurogroupe le 20 février, contrairement aux rodomontades, le gouvernement grec a fini par accepter les conditions de la troïka. Une dure leçon pour les populistes d’extrême gauche comme d’extrême droite ». (Eric Le Boucher, Slate.fr, 21/02)

Pourquoi c’est faux

Le nouveau gouvernement grec refuse les nouvelles réformes proposées par la Troïka fin 2014 : 160.000 licenciements supplémentaires dans l’administration (santé, éducation), une nouvelle baisse de 10% des retraites, de nouvelles taxes, une nouvelle hausse de la TVA.

Ces recettes ont déjà été appliquées et ont mené la Grèce au désastre. En moins de 5 ans, 30% d’entreprises ont fermé, 150.000 postes supprimés dans le secteur public, 42% d’augmentation du chômage, 45% de baisse des retraites, 40% d’augmentation de la mortalité infantile, une hausse de près de 100% du nombre des personnes sous le seuil de pauvreté.

Le programme de Syriza proposait au contraire 1. Une renégociation des contrats de prêts et de la dette. 2. Un plan national de reconstruction immédiate : mesures pour les plus pauvres (électricité et soins médicaux gratuits, tickets-repas…), le rétablissement du salaire minimum de 751 euros, la réinstauration des conventions collectives 3. La reconstruction démocratique de l’État : lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, contre la corruption, ré-embauche des fonctionnaires licenciés 4. Un plan de reconstruction productive : arrêt des privatisations, industrialisation et transformation de l’économie par des critères sociaux et écologiques.

Après un bras de fer avec les institutions européennes, le gouvernement grec a obtenu l’abandon des objectifs d’excédents budgétaires délirants prévus dans le mémorandum signé par le gouvernement précédent. De nouvelles aides seront créées : pour financer le chauffage et l’alimentation des ménages les plus démunis. Les conventions collectives seront rétablies. La fraude et l’évasion fiscales seront fortement combattus. Les petits propriétaires endettés ne seront pas expulsés de leur résidence principale.

Mais la Grèce n’est pas libérée de l’austérité. Les nouvelles mesures devront être financées sans accroître le déficit. Les privatisations seront maintenues. La Grèce s’engage à payer l’intégralité de la dette, et à ne pas revenir en arrière sur les privatisations. La hausse du salaire minimum et la restauration des négociations salariales sont repoussées. De nouvelles épreuves de force sont à prévoir dans les mois qui viennent.

Quelles leçons pour la France et l’Europe

Les institutions européennes veulent empêcher la mise en œuvre de l’essentiel du programme de Syriza. Aujourd’hui, il s’agit donc de développer dans toute l’Europe des mouvements coordonnés contre l’austérité, pour la justice sociale, pour empêcher la Troïka et nos gouvernements d’étouffer la Grèce et les alternatives sociales et politiques qui émergent en Europe. Nous proposons notamment l’organisation par les mouvements européens d’une conférence internationale sur la dette et contre l’austérité.

L’audit citoyen des dettes publiques en Europe : un outil pour vaincre l’austérité

Le collectif pour un audit citoyen de la dette publique (CAC) salue le choix du peuple grec de rejeter massivement les politiques d’austérité lors des élections du 25 janvier. Cette victoire ouvre une brèche contre l’Europe de la finance, le diktat des dettes publiques et des plans d’austérité. Engouffrons nous dans cette brèche : une autre Europe devient possible !

Le collectif pour u audit citoyen a déjà publié un premier rapport d’audit citoyen[1], montrant qu’une large part de la dette publique française peut être considérée comme illégitime. Dans la période qui s’ouvre, notre collectif va continuer à proposer aux citoyens et à l’ensemble du mouvement social européen des lignes d’analyse juridiques, économiques, sociales, des arguments et des instruments de mobilisation contre les créanciers qui mettent en coupe réglée les populations.

Avec nos partenaires des autres pays européens, à commencer par la Grèce, notre collectif va intensifier son action pour mettre en débat le caractère illégitime, insoutenable, illégal, voire odieux d’une grande partie des dettes publiques en Europe.

Nous soutenons la proposition d’une conférence européenne sur les dettes publiques. En 1953 l’accord de Londres, annulant plus de 60% de la dette de l’Allemagne de l’Ouest, a permis sa relance, tout comme les annulations de dette de l’Équateur en 2008 ou de l’Islande en 2011.

Nous soutenons la proposition de réaliser un audit des dettes publiques afin d’identifier les responsables et les bénéficiaires réels de ces dettes, et de dégager les solutions qui permettront de libérer le pays de ce boulet.

Nous soutenons également le droit de la Grèce à désobéir à ses créanciers au cas où ils refuseraient la mise en œuvre de ces solutions. Rappelons que les memoranda imposés par la Troïka sont illégaux au regard du droit européen et international.

Tous ensemble, levons le voile sur la responsabilité des créanciers qui profitent des saignées effectuées sur le dos des peuples. Tous ensemble, renforçons une démarche citoyenne de contestation et de remise en cause de cette Europe des 1 %, des spéculateurs et des banquiers. C’est aux populations, trop longtemps victimes des plans d’austérité, de compétitivité et autres « memorandums », qu’il revient de décider de leur avenir : nous voulons mettre à leur disposition tous les outils nécessaires pour comprendre et décider comment sortir de l’étau de la dette en faisant payer non pas les contribuables ordinaires mais les véritables bénéficiaires du système de la dette.

Guide réalisé par : Jean-Claude Chailley, Thomas Coutrot, Alexis Cukier, Pascal Franchet, Michel Husson, Pierre Khalfa, Guillaume Pastureau, Henri Sterdyniak, Sofia Tzitzikou.

Notes :

1 Le FESF, Fonds européen de solidarité financière, créé en 2010, vise à préserver la stabilité financière en Europe en fournissant une assistance financière aux États de la zone euro. Cette aide est conditionnée à l’acceptation de plans d’ajustement structurel. Il a été remplacé par le Mécanisme européen de solidarité (MES) en 2012.
2 Ivan Best, La Tribune, 5 février
3 Plans de sauvetage de la Grèce : 77% des fonds sont allés à la finance : https://france.attac.org/nos-idees/mettre-au-pas-la-finance-les/articles/plans-de-sauvetage-de-la-grece-77-des-fonds-sont-alles-la-finance
4 Une plus grande justice sociale est source d’efficacité, ce que même l’OCDE démontre : http://tinyurl.com/kqgmq35
5 A. Kentikelenis, M.Karanikolos, A. Reeves, M.McKee, DSc, D. Stuckler, « Greece’s health crisis: from austerity to denialism », The Lancet, 20/02/2014,
6 D. Stuckler & S. Basu (2014), Quand l’austérité tue, Préface des Économistes atterrés, Ed. Autrement

Source : http://www.audit-citoyen.org/?p=6374

 

13/03/2015

Appel en soutien au procès de Nga contre Monsanto, Dow Chemical, et consorts, fabricants de l'Agent Orange.

Faire un don pour soutenir le procès

 

Bonjour à toutes et tous, responsables d’associations, adhérentes et adhérents, particuliers,

Nous sommes très touchés de l'élan de solidarité qui accompagne le combat de Mme Tran To Nga pour mener à bien le procès contre les 26 compagnies multinationales chimiques (dont Monsanto et Dow Chemical) ayant fabriqué l’Agent Orange. Nga dit  : "Ce n'est pas seulement pour moi mais surtout pour toutes les victimes de l'Agent Orange." À cet instant elles sont 4 millions au Viêt Nam.

Nga engage une longue bataille, coûteuse car ici aussi « l'argent est le nerf de la guerre ». La première étape a été l'assignation par voie de parquet diplomatique, dont le coût en frais réels se chiffre en dizaines de milliers d'euros comprenant, entre autres, frais d’huissiers français auxquels s’ajoutent ceux de leurs homologues états-uniens aussi nombreux qu’il y a de compagnies mises en cause afin de notifier l’assignation, débours conséquents de traduction de centaines de pages, temps passé par le cabinet W. Bourdon-Forestier et collaborateurs-trices qui ont accompli un long travail de montage, etc..

Grâce à la solidarité de petits groupes formant un Collectif, la première tranche a été réunie in extremis, éloignant ainsi le risque de tomber sous le coup de la prescription.

Les richissimes sociétés américaines se sont constituées, représentées par les plus grands cabinets d'avocats de la place de Paris. Elles vont soumettre leurs contre arguments à l'audience du 16 avril 2015. Il faudra y répondre et ce sera de nouveau un long travail, de nouvelles traductions puisqu'après chacune des audiences de mise en état il conviendra d'apporter de nouvelles preuves aux contre arguments dilatoires des parties adverses qui, depuis longtemps, organisent leur irresponsabilité.

Ne pas confondre l'aide à Nga avec mendicité, il s’agit d’un acte de solidarité et de citoyenneté. Un acte de justice. Naturellement, les adversaires seront implacables voire féroces (Dow Chemical avait un chiffre d’affaire plus élevé que le PIB du Viêt Nam il y a encore peu de temps), et si par justice ils venaient à être condamnés, ils feront appel. Alors des frais reviendront (moindres toutefois).

Sur le site dédié au suivi du procès www.agent-orange-vietnam.org la page FAIRE UN DON www.agent-orange-vietnam.org/faire-un-don  permet au moyen d'un compte PayPal de soutenir Nga. Vous pouvez selon vos moyens donner 5, 10, 20, 50, 100 euros, ou un montant libre.

Pour les personnes qui souhaitent bénéficier du reçu permettant l’abattement fiscal de 66% du don pour les particuliers, et 60% pour les entreprises - permettant parfois de donner davantage - voici le lien de l’Association Orange DiHoxyn :  www.orange-dioxin.com où le don peut être fait en le libellant Procès Nga, sans oublier de mentionner votre adresse postale pour l'envoi du reçu. Un chèque peut aussi être adressé à : Orange DiHoxyn, 19 rue Daniel Pongérard, 97419 La Possession, La Réunion

Merci de partager et d'élargir cet appel vers vos ami(e)s et contacts.

Soyez assurés de la reconnaissance de Nga pour votre soutien précieux, indispensable.

André Bouny*
*Pt. du "Comité International de Soutien aux victimes vietnamiennes de l'Agent Orange"
fondateur de "D.E.F.I. Viêt Nam" ;  auteur de "Agent Orange, Apocalypse Viêt Nam", et "Cent ans au Viêt Nam".

 


 

14:47 Publié dans AGIR | Lien permanent | Commentaires (0)

MICROBE 88

 

Microbe 88.jpgLe 88e numéro du Microbe est prêt ! Il a été concocté par Jean-Marc Couvé. Merci à lui !

Au sommaire :
Jacques Basse
C
orinne Benazet
E
va-Maria Berg
G
uy Chaty
G
eorges Friedenkraft
C
athy Garcia
A
lain Helissen
J
ean-Pierre Lesieur
P
atrice Maltaverne
F
abrice Marzuolo
D
enis Parmain
Y
ak Rivais
J
ean-Claude Tardif

Fischer - Noctu-ailes.jpgMarlène Tissot
Illustrations : Danielle Le Bricquir

Les abonnés le recevront début mars.
Les abonnés « + » recevront également le 46e mi(ni)crobe, Noctu-ailes, de Jacqueline Fischer.

Les autres ne recevront rien.

http://courttoujours.hautetfort.com/archive/2015/02/17/mi...

 

 

 

 

12/03/2015

Par Jacques Livchine : Calais, les migrants, Le Channel...

J’ai carrément une envie pressante de parler et de tout raconter. 
Je suis à Calais la ville des bourgeois de Calais et du tunnel sous la manche
et hier ça y est,  j’ai vu l’histoire du monde en train de se fabriquer sous mes yeux 
Des centaines de camions étaient bloqués à l’entrée du tunnel sous la Manche à cause d’une grève des ferries et des centaines de migrants tentaient de les prendre d’assaut, j’étais  avec Hervée, elle pourra témoigner et affirmer que je ne dis que la vérité. 
Les migrants vivent dans ce qu’ils appellent la jungle, derrière le Leaderprice  là j’ai jeté mon oeil rapidement, c’est la honte de toute l’Europe, concentrée dans un mouchoir de poche. 
Honte de l’Angleterre, honte de la France, honte de Hollande, Honte de Merkel, honte de Sarkozy. 
Ce que j’ai vu, c’est le cauchemar. Je pleurais à l’intérieur,  on t’en parle, on t’en parle, tu vois des photos, mais là c’est là devant toi,  c’est  du vrai, c’est  du réel,  tu te dis oui, ça existe, t’es pas dans une bidonville d’Afrique, t’es là en france , sixième pays le plus riche du monde, et tu vois des hommes chassés de leur pays en guerre,  dans une situation qui est au delà de la pauvreté,  ensuite le long de l’autoroute un  gosse de  20 ans se faisait massacrer à coup de batte de base ball par un chauffeur routier, et partout autour, des camions bloqués, et dans toutes les prairies le long de l’autoroute on voyait des petits points noirs, des hommes prêts à bondir sur le toit des camions. 
et là bien sûr, moi roi de la culpabilité, je me disais  , et toi tu vas faire ton  théâtre, que peut le théâtre contre l’impuissance de 29 pays incapables de régler le sort de 2500 ou 5000 ou même 100 000 migrants  ? 
Et justement, il y a  à Calais le Channel. J’avais dit à Filipetti, vous y êtes bien sûr allée au Channel ?  Elle ne savait même pas de quoi je lui parlais, et la nouvelle Fleur elle a depuis  longtemps oublié d’où elle vient.
Et hier les comédiens arrivaient pour liberté de séjour, et ils hallucinaient devant un lieu de culture totalement utopique avec ses restaurants, sa librairie, son cirque, ses salles de répétition et le look général, pas de Jean  Nouvel ici, non Delarozière, l’ex de Royal de Luxe, oui ici tout est beau. 
Mille fois plus beau que la philharmonie et son triplement de budget. 
Alors les migrants à 500 mètres et le théâtre ? 
Jacques tu fais quoi  avec ça ? 
Mais justement,   Le Channel est le lieu d’oxygénation de Calais , le lieu d’enrichissement des âmes, ici  tous ceux qui aident les migrants  se croisent et viennent quêter la vitamine de l’esprit dont ils ont besoin pour se battre, le Channel c’est un immense lieu de résistance qui ne  dit pas son nom . 
Alors nous lançons l’événement,  un des plus grands de notre vie, un événement qui n’est pas une foire aux spectacles,  qui n’est pas un lieu d’exhibition des narcissismes d’artistes. 
On va dans la rue, dans les forêts, on va partout, les nigériens arrivent les haïtiens arrivent les italiens, les franc comtois, on va jouer pour les animaux, on fait dans le symbole, réussi ou raté on s’en fout, on le fait. On l’aura fait. 
La vie culturelle parisienne continuera, aucun journaliste ne trouvera le temps de venir (à part Thibaudat), car un lieu comme le Channel qui épouse la pulsation historique de son époque est quasiment mis au ban des institutions théâtrales.  
Ce matin, j’ai de l’énergie , je sens que je suis dans le flux de l’histoire. 

http://lechannel.fr/images/documents/publiPDF/programme/Lds2015-new.pdf
 

J’ai carrément une envie pressante de parler et de tout raconter.
Je suis à Calais la ville des bourgeois de Calais et du tunnel sous la manche
et hier ça y est, j’ai vu l’histoire du monde en train de se fabriquer sous mes yeux
Des centaines de camions étaient bloqués à l’entrée du tunnel sous la Manche à cause d’une grève des ferries et des centaines de migrants tentaient de les prendre d’assaut, j’étais avec Hervée, elle pourra témoigner et affirmer que je ne dis que la vérité.
Les migrants vivent dans ce qu’ils appellent la jungle, derrière le Leaderprice là j’ai jeté mon oeil rapidement, c’est la honte de toute l’Europe, concentrée dans un mouchoir de poche.
Honte de l’Angleterre, honte de la France, honte de Hollande, Honte de Merkel, honte de Sarkozy.
Ce que j’ai vu, c’est le cauchemar. Je pleurais à l’intérieur, on t’en parle, on t’en parle, tu vois des photos, mais là c’est là devant toi, c’est du vrai, c’est du réel, tu te dis oui, ça existe, t’es pas dans une bidonville d’Afrique, t’es là en france , sixième pays le plus riche du monde, et tu vois des hommes chassés de leur pays en guerre, dans une situation qui est au delà de la pauvreté, ensuite le long de l’autoroute un gosse de 20 ans se faisait massacrer à coup de batte de base ball par un chauffeur routier, et partout autour, des camions bloqués, et dans toutes les prairies le long de l’autoroute on voyait des petits points noirs, des hommes prêts à bondir sur le toit des camions.
et là bien sûr, moi roi de la culpabilité, je me disais , et toi tu vas faire ton théâtre, que peut le théâtre contre l’impuissance de 29 pays incapables de régler le sort de 2500 ou 5000 ou même 100 000 migrants ?
Et justement, il y a à Calais le Channel. J’avais dit à Filipetti, vous y êtes bien sûr allée au Channel ? Elle ne savait même pas de quoi je lui parlais, et la nouvelle Fleur elle a depuis longtemps oublié d’où elle vient.
Et hier les comédiens arrivaient pour liberté de séjour, et ils hallucinaient devant un lieu de culture totalement utopique avec ses restaurants, sa librairie, son cirque, ses salles de répétition et le look général, pas de Jean Nouvel ici, non Delarozière, l’ex de Royal de Luxe, oui ici tout est beau.
Mille fois plus beau que la philharmonie et son triplement de budget.
Alors les migrants à 500 mètres et le théâtre ?
Jacques tu fais quoi avec ça ?
Mais justement, Le Channel est le lieu d’oxygénation de Calais , le lieu d’enrichissement des âmes, ici tous ceux qui aident les migrants se croisent et viennent quêter la vitamine de l’esprit dont ils ont besoin pour se battre, le Channel c’est un immense lieu de résistance qui ne dit pas son nom .
Alors nous lançons l’événement, un des plus grands de notre vie, un événement qui n’est pas une foire aux spectacles, qui n’est pas un lieu d’exhibition des narcissismes d’artistes.
On va dans la rue, dans les forêts, on va partout, les nigériens arrivent les haïtiens arrivent les italiens, les franc comtois, on va jouer pour les animaux, on fait dans le symbole, réussi ou raté on s’en fout, on le fait. On l’aura fait.
La vie culturelle parisienne continuera, aucun journaliste ne trouvera le temps de venir (à part Thibaudat), car un lieu comme le Channel qui épouse la pulsation historique de son époque est quasiment mis au ban des institutions théâtrales.
Ce matin, j’ai de l’énergie , je sens que je suis dans le flux de l’histoire.

http://lechannel.fr/…/do…/publiPDF/programme/Lds2015-new....

 

Jacques Livchine

 

Jacques Livchine, c'est le Théâtre de l'Unité fondé en 1968 à Issy-les-Moulineaux : http://www.theatredelunite.com/

 

 

 

 

 

 

11/03/2015

Bleu éperdument de Kate Braverman

traduit de l’anglais (USA) par Morgane Saysana

Edition: Quidam Editeur janvier 2015

 

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245 pages, 20 €   

 

 

Elles sont plusieurs, et parfois elles semblent n’être qu’une, quelle que soit leur condition sociale, toutes ces femmes que l’on découvre au fil des pages de Bleu éperdument. Ces fragments de vie rassemblés comme autant de nouvelles nous plongent dans un état fiévreux, à grand renfort d’alcool, de drogues dures ou douces et d’échappées plus tropicales : Hawaï comme un appel, refuge autant que lieu de perdition au sens premier du terme. Des femmes, célibataires, divorcées, mariées, mères ou pas, et des hommes, absents, ombres fantômes ou tortionnaires, qui les retiennent, les plombent, les manipulent, les tyrannisent, souvent des ratés, des épaves qui les tirent vers le bas, ces mères souvent seules avec leur fille… D’ailleurs l’amour, s’il y en a, est principalement maternel. De cet amour béton qui fait tenir debout envers et contre tout.

« Nous sommes coupées en deux, songe-t-elle, nous sommes distendues, nous sommes magnifiées. Nous nous asseyons au creux de fontaines d’où l’eau jaillit par trop d’orifices. Nous posons la machine à écrire à même le sol, sous la table de la salle à manger, et vivons là. En sécurité avec le bois au-dessus de nos têtes. Nous restons assises là onze jours et onze nuits de rang, à nous perforer les veines des bras et des jambes. Nous écrivons des poèmes, à l’encre de sang. Nous nous croyons alors justifiées. Nos bras sont infectés. Nous savons bien n’être pas tout à fait à l’image de Dieu. Nous, profusions de trous. Notre genre est monumental. N’est-ce pas d’ailleurs ce que notre sculpture nous raconte ? Nous sommes l’appétit dépourvu de crâne. Nous sommes amputées. Nous enfantons sans maris. Nous donnons naissance à nos bébés dans la solitude absolue, comme une espèce de renégats. Nous n’avons ni tribus ni totems. Aucun rituel de consolation. Lorsque nous naissons ou mourrons, personne n’allume de cierge. Plus personne ne se souvient des litanies, des formules pour invoquer et divertir les dieux. Nous vivons seules. Célibataires durant des décennies. Larguées sur Terre puis désertées. Peut-être sommes-nous une mélopée ? Quelqu’un nous a écoutées choir. Peut-être sommes-nous une forme de pluie avilie ? ».

Bleu éperdument est donc un livre de femmes, de mères et de filles, de femmes désabusées, perdues, des âmes éclopées, qui pour beaucoup fréquentent les Alcooliques Anonymes et qui font face au cap de la quarantaine avec plus ou moins d’aplomb et beaucoup de vertiges.

« Figée sur place. Immobile. L’impression d’être plantée là depuis des années. Il ne te vient même pas à l’idée que tu peux remuer. Il ne te vient même pas à l’idée que tu peux enfreindre les règles. Le monde est un tissu de sortilèges et de vérités absolues ».

Kate Braverman est avant tout poète et c’est une évidence ici, la poésie tient une place importante dans ces nouvelles, même si la condition de poète et l’insertion sociale y semblent antinomiques.

« Elle s’interroge quant aux poètes qui mettent leur tête dans le four et des tuyaux pleins de monoxyde de carbone dans leur bouche. Peut-être est-ce un acte suprême d’alchimie, la transmutation du gaz et du poison en une substance qui absout. Sur la cuisinière dansent des flammèches bleues. Le genre de choses qui ancrent les univers. Pour les poètes, c’est toujours l’hiver. Ils sont debout au bord du parapet des ponts nocturnes. Leurs orteils pointés vers l’immense néant bleu. Le monde se fige et retient son souffle. A nouveau nous sommes des enfants. Les définitions bleues et fraîches nous les savons comme un enfant sait qu’il ne doit pas traverser la route ni toucher la flamme. Pourtant nous la touchons ».

La couleur, dans Bleu éperdument comme son nom l’indique, a une place prépondérante. Physique. Les bleus d’abord, beaucoup de bleu, le bleu invraisemblable de l’océan ou « telle une hémorragie, prenant possession du ciel », des bleus dangereux, infectés, envahissants, traqueurs ou guérisseurs. « Elle examina sa main et l’air qui semblait bleuir à l’extrémité de ses doigts. C’est juste un glacis bleu, se dit-elle. Et sur les bords, une sorte de gaze bleue panse la blessure universelle ».

Mais aussi le vert, « désinhibé, rebelle, ahurissant dans toutes ses nuances », et les jaunes, les orangés, le rouge, le blanc, le gris et même le noir. Les couleurs, toutes les couleurs, comme des émotions, un langage à part entière. La vision explose en sensations, parfois jusqu’à l’insupportable, « à donner envie d’enfoncer les doigts dans sa propre chair pour en arracher des lambeaux, c’est dire les maux que peuvent causer les couleurs ».

Malgré la poésie, le feu de la langue, il y a quelque chose de terriblement déprimant dans Bleu éperdument, englué dans le blues de la génération post-soixante-huitarde, comme une mutation ratée, et c’est pourquoi toutes ces femmes, mères, filles, nanties ou démunies, finissent par se confondre dans un même accablement, souvent proche de l’anéantissement.

« Entrais-je le matin dans la cuisine, vêtue de mon uniforme rassurant, c’était pour trouver ma mère plantée près du four, en robe de chambre, l’air ailleurs, fumant cigarette sur cigarette. Des plateaux de cookies refroidissaient sur le plan de travail. En général, il n’était pas rare qu’elle passe la nuit à en préparer, juste avant de céder à nouveau à la tentation de boire. Et durant des semaines, voire des mois, c’en était fini des cookies. Ma mère était occupée à picoler, la porte de sa chambre verrouillée, une bouteille de vodka sur sa table de chevet. La radio diffusait les Rolling Stones ou les Eagles. Puis, tout à coup, les cookies réapparaissaient par plateaux entiers ou enveloppés dans du papier aluminium et empilés. Elle reprenait les réunions et observait les trois premières étapes. Elle admettait avoir perdu la maîtrise de sa vie. Elle priait pour qu’une puissance supérieure à sa personne lui rende la raison. La troisième étape lui donnait du fil à retordre, car il lui fallait confier sa volonté et sa vie aux soins de Dieu tel qu’elle le concevait. L’ennui, c’est que ma mère ne concevait point Dieu ».

Ennui profond, rêves avortés, cancers, tentations suicidaires, autodestruction assidue, montagnes russes de la lutte pour la survie, tout se passe sur un territoire géographique bien délimité, qu’on imaginerait pourtant plus léger, décontracté, lumineux, mais le piège est là, dans cette apparente nonchalance de ce mouchoir de poche californien des années 80 : Los Angeles, ses quartiers pauvres ou chics, comme Beverley Hills…

« Du jour au lendemain, on a enrubanné de rouge les lampadaires, maculé de neige artificielle et de faux givre les vitrines et saturé les rues de cohortes de pins massacrés, décorés, livrés en pâture. (…) Un paysage salement esquinté, à la végétation corrompue ».

Et puis les fugues contrastées vers Hawaï. « D’abord il y a l’attraction qu’exerce la verdure à l’aéroport de Lihue. Le petit avion en provenance d’Honolulu frôle dangereusement les montagnes surgies de nulle part. Les sommets d’un vert sans retenue, une sorte d’illumination de l’esprit ». Les plages, la jungle. Une sauvagerie, une innocence encore possible. Un goût, frelaté pourtant, de paradis perdu.

Bleu éperdument a cet attrait étrange des narcotiques, qui fait que le soulagement que l’on éprouve en atteignant la fin du livre se transforme très vite en une irrésistible envie d’y replonger.

« La seule source de lumière dans toute la maison est l’allumette qui embrase sa cigarette. Et elle réalise que la seule source de lumière au monde est la flamme qui nous consume à petit feu ».

 

Cathy Garcia

 

kate braverman t.jpgKate Braverman est née en 1950 à Philadelphie. Romancière, auteur de nouvelles et poétesse américaine, elle a grandi à Los Angeles. A lire aussi Lithium pour Médée, Quidam 2006.

 

 

 

 

Note parue sur http://www.lacauselitteraire.fr/bleu-eperdument-kate-brav...

 

 

 

Un excellent article de Don Juanito : ON A RETROUVÉ DON JUAN MATUS

Source : http://magick-instinct.blogspot.fr/2014/12/on-retrouve-do...

 

 

 

      Quelle commotion, n'est-ce pas ? Le très controversé Bert Hellinger, créateur de la méthode thérapeutique des constellations familiales, a retrouvé don Juan Matus, le maître mythique de Carlos Castaneda. Tata Cachora (ou Kachora), de son vrai nom Victor González Sandoval, est un yaqui originaire de Tecate, un guérisseur traditionnel qui, même avant d'avoir été identifié comme le don Juan de Castaneda, était fort respecté. C'est un herboriste remarquable, rivalisant avec nos meilleurs kallawaya, puisqu'il dit connaître 4000 plantes médicinales. "J'ai revêtu l'habit de don Juan Matus pour initier Carlos. Puis je l'ai ôté et ne l'ai plus jamais remis" assure-t-il.

      L'homme dit être né le 14 janvier 1914. Découvert dans sa 96ème année par Hellinger qui s'est de suite déclaré son disciple, le dynamique vieillard aura donc bientôt 101 ans. Entre-temps, dans le confusionnisme grandissant, les activités commerciales des deux parties ont fait un bond impressionnant au Mexique. Les constellations familiales ayant épousé le chamanisme, Bert Hellinger écrit des livres à succès, tirant profit de la gloire du Nagual. Des conférences sont organisées où le sorcier légendaire sert de figure publicitaire aux constellations familiales.

      Si don Juan Matus fait bien plus jeune que son âge canonique, c'est sans doute en vertu d'une histoire de pouvoir. Il faut dire que comme beaucoup d'indiens d'un certain âge, don Cachora n'avait pas de papiers, ce qui crée un intéressant flou artistique autour de sa date de naissance. On s'est aperçu de cette absence de documents d'identité trois semaines avant la sortie du Nagual du territoire mexicain, alors qu'il devait se rendre en Allemagne pour fêter les 85 ans de Bert Hellinger, qui est lui-même devenu depuis une vraie star au Mexique.

      Branle-bas de combat, tout le monde s'est mobilisé pour fournir un passeport à l'insigne Nagual, soudain transformé en patrimoine, en fierté nationale. Grâce à la sœur du président de la république, Tata Cachora a donc pu rapidement obtenir ses papiers et voyager vers l'Europe. "Il a fallu qu'un si grand maître voyage hors de son pays pour être enfin reconnu" s'étonne, oublieuse de l'indifférence à l'importance et à l'histoire personnelles, une dame dans la video.
 
      Malgré le grand âge du Nagual, le problème chronologique reste pourtant entier. Déjà très âgé lors de sa première rencontre avec le facétieux Carlos et plus vieux que don Genaro, don Juan Matus devrait plutôt avoir 120 ans, objectent les connaisseurs. Et Carlos n'avait-il pas écrit que le Nagual, tel Enoch, avait disparu dans la lumière en déjouant la mort ? Mais qu'à cela ne tienne, on y croit dur comme fer. Starisé, don Juan Matus est de retour.

      Et depuis, sans être avare de profondes banalités, Tata Cachora se laisse promener et rencontre les sages de la planète. Même le Dalaï-Lama l'aurait invité nous dit-on. En 2013, l'enterrement de son fils adoptif et héritier spirituel (Flecha Dorada), excellent danseur kumiai mort dans un accident de voiture, a été l'occasion de singulières rencontres œcuméniques. Le rite syncrétique mélangeant traditions locales, Nouvel Age et pratiques amérindiennes du nord, a permis au Nagual de faire connaissance, entre autres, avec un chef Dakota et un sheikh Nakshbandi, mandatés par l'ONU. Il faut dire que depuis que Flecha Dorada était entré dans la danse, les activités organisées autour de don Cachora avaient pris un tour singulièrement New Age, attirant une clientèle nouvelle, peu ou prou semblable à celle que connaît le renouveau chamanique français.
 
        Ce n'est pas la première fois que des personnages littéraires de Castaneda apparaissent soudain dans la vraie vie, dont on se demande d'ailleurs si elle n'est pas, la coquine, de plus en plus menteuse. On se souvient du coup d'éclat - pétard mouillé en vérité - de Dominique Aubier, qui prétendait être la fameuse Catalina, rencontrée par Carlos en 1962. Son envoyée spéciale, devenue la Carol du Feu du dedans, est spécialiste en diète alimentaire et journaliste à Paris-Match. Missionnée par Catalina Aubier, cette compagne de Demis Roussos, Veronique Skawinska, tentera en vain de convaincre Castaneda en lui livrant la carte de l'inconnu kabbalisée par Aubier. La bourgeoisie se spiritualise comme elle peut...
 
      Toutefois, c'est en faisant quelques recherches sur Tata Cachora que j'ai été mené à explorer, quoique trop superficiellement, le précieux enseignement du Sheikh Abdoul Rauf. Frappant contraste que cette nourriture très consistante. Rien de commun avec le commerce spirituel et ses stratégies marketing mensongères. Calife d'Amérique Latine vivant en Patagonie, Abdoul Raouf est disciple d'un maître pour lequel j'ai beaucoup de respect, le regretté Mawlana Sheikh Nazim. Mais cela n'empêche pas le Sheikh de se faire abuser comme les autres, tout émoustillé qu'il fut dans sa jeunesse par les récits de don Carlos.

      En écoutant le compte rendu de la visite du Sheikh à don Cachora, je réalise à quel point les indiens peuvent être méconnus, même de ceux qui vivent près d'eux en Patagonie. Ceci n'empêche pas de donner un avis autorisé sur ce qu'ils sont et ne sont pas, soulignant au passage le caractère viral des projections occidentales dont les indiens sont l'objet.

      Ainsi, le Sheikh Abdoul Rauf vit en Patagonie sans vraiment fréquenter les autochtones. Heureusement il les découvre. Il les rencontre en voyageant au Mexique, au Pérou, au Panama, dans un contexte souvent plus néo-chamanique que traditionnel. D'après lui, un grand nombre de rites de certaines ethnies proviennent de l'islam et seraient dus à la venue d'explorateurs musulmans bien avant Colomb. Chacun tire la couverture à soi, c'est peut-être de bonne guerre. On a beau aimer l'indien, notre approche, invasive ou captatrice, tend à l'instrumentaliser. N'a-t-on pas vu récemment le faux roi français d'Araucanie défiler à Paris contre le "mariage pour tous", au nom des valeurs mapuche, qui, comme chacun sait, sont parfaitement catholiques, hétérosexuelles et françaises ? Mais l'appropriation de l'indigène et de son image n'empêche pas celui-ci de défiler dans les rues de Santiago au coté des lesbiennes.

      Le Sheikh Abdoul Raouf s'étonne de ce que les amérindiens possèdent naturellement les qualités indispensables à la voie, qualités que nous autres occidentaux devons cultiver avec de grands efforts pour pouvoir les obtenir. Selon lui, les indiens au sud du Mexique sont des musulmans qui s'ignorent et se montrent curieux des croyances de l'autre. Il suffit de leur dire qu'ils sont musulmans sans le savoir pour qu'ils se convertissent. Car le but affirmé du Sheikh est bien entendu de convertir les indiens, et même don Cachora.

      Nous retrouvons-là un trait caractéristique du colonialisme et du monothéisme. Il ne vient pas à l'idée du Sheikh que les indiens n'ont pas besoin de devenir musulmans, puisqu'ils disposent déjà d'une spiritualité. Je me suis déjà exprimé sur cette tendance de la pensée chu'lla et n'y reviendrai donc pas. Notre universalisme devant être imposé comme exclusif et inévitable, nous exploitons souvent, pour le ramener à nos vues et changer l'autre, l'inclusivisme indigène. C'est un trait occidental commun non seulement aux grandes religions monothéistes, mais aussi au néo-chamanisme ou au New Age, tel que celui produit par Michael Harner.
      L'une des particularités de l'influence New Age est la tendance à construire des structures adoptant une forme d'entreprise plutôt que celle d'un groupe spirituel. La totalité de l'activité consiste à organiser des séminaires, proposer des formations, donner des conférences, organiser des voyages, vendre des livres, des DVD. On peut appeler ces structures "école", "méthode", "fondation", "ONG", "académie" "cercle" ou "faculté", l'esprit qui les anime reste celui de la boutique.

      On fait la promotion d'une ère nouvelle et d'une nouvelle conscience, mais l'on fonctionne sous le mode de l'ancienne. Loin de représenter une alternative réelle au monde de la marchandise, le New Age en est plutôt la représentation, le produit final qui introduit capital et marketing au Royaume des Cieux. Bientôt coté en bourse, l'être fait vendre. La corruption cerne l'essentiel au plus près pour mieux le parodier.

      Danièle Hervieu-Léger décrit fort bien ces nouveaux trusts religieux. Il s'agit de proposer des services symboliques à des consommateurs, sur un marché du "bien-être" devenu diversifié et très concurrentiel. Le consommateur peut passer de l'un à l'autre de ces produits "sans engagement" de sa part. Le mode d'emploi doit être facile et le produit rapide à consommer. L'individualisme étant poussé au paroxysme, la demande du consommateur exerce une influence déterminante sur les biens symboliques proposés et leur conception. On ne s'adapte pas à la voie, c'est la voie qui s'adapte. Autrement dit, l'épicier de l'esprit ne va pas chercher à satisfaire les besoins réels du client mais uniquement sa demande, son caprice, son rêve. Le client est roi et les boutiquiers construisent et étudient le discours pour le séduire. Il n'est pas possible à l'entreprise de dire, par exemple, que tout le monde n'est pas fait pour être "chamane". Cela équivaudrait pour elle à un suicide commercial. Pour gagner des parts de marché, il lui faut donc construire un produit qui fasse illusion et s'adresser à un public aussi large que possible.

      L'état modifié de conscience, l'extase, devient donc un simple état de méditation et de relaxation. La vision devient une visualisation et l'on part à la recherche de son animal de pouvoir grâce à la méditation guidée au son du tambour, ou pourquoi pas, du CD fourni avec la méthode. Rien n'est plus facile que cette proposition considérablement appauvrie. Le long apprentissage est remplacé par des séminaires d'un week-end. A l'engagement de toute une vie se substitue l'abonnement à l'année. Si l'on ajoute à ceci l'atrophie du chuyma que nous avons étudiée le mois dernier, on ne saurait douter du fort nivellement qu'induisent ces stratégies.

      Il est évident qu'un livre comme La Voie du Chamane de Michael Harner repose entièrement sur ces opérations de substitution. Dès sa conception, il s'agit d'un produit destiné à un vaste marché, conçu spécialement pour des consommateurs pressés. Il suit donc scrupuleusement les règles du marketing spirituel énoncées par Danièle Hervieu-Léger, ainsi que le montre ce mémoire de Constantin Lupascu. Peu importe que le fonds de commerce repose sur des thèses douteuses, puisqu'on ne lui demande pas d'être vrai mais de le paraître.

      A ce jour d'ailleurs, le néo-chamanisme ne se distingue plus du New Age. Il en est l'une des branches les plus populaires et de nombreux anthropologues étudiant le phénomène soulignent l'identité du néo-chamanisme et du New Age. Les ONG et autres fondations qui prétendent œuvrer à la sauvegarde et la préservation du soi-disant "chamanisme", tout en faisant la promotion du néo-chamanisme, sont en pleine dissonance cognitive. Elles contribuent grandement à la destruction des traditions locales, leur substituant peu à peu une forme occidentalisée de spiritualité, véritable soupe mondiale marchandisée. Les projets d'écotourisme, le tourisme spirituel et même l'alphabétisation, entraînent une occidentalisation des valeurs locales. Faire croire qu'il n'en est rien et que par de telles initiatives on protège une culture, c'est mentir. On détruit forcément d'un coté ce que l'on tente de sauver de l'autre. C'est une situation très inconfortable qui mériterait d'être reconnue plutôt que niée. Car il n'est pas possible de réfléchir sur un problème que l'on refuse de voir en face.

      Les acteurs de la destruction du mal nommé "chamanisme" ont souvent recours au sophisme pour ne pas reconnaître l'évidence de cette dissonance. Comme le suggère l'anthropologue Roberte Hamayon, le "chamanisme" n'a jamais été statique et constitue un ensemble mouvant, susceptible d'évolutions notables, de recevoir des influences. J'ajouterai en revanche qu'existent des seuils et des proportions au-delà desquelles l'effondrement est total. Pourtant cet argument suffit souvent aux néo-chamanes pour ne plus prendre de précautions, imposant partout l'étalon de leur occidentalité. S'engouffrant dans la brèche de la plasticité chamanique, ils refusent de reconnaître ce que produit mondialement la promotion de ces pratiques déculturées inconsistantes.

      Malgré les maigres avantages qu'y trouverait la ménagère de cinquante ans, l'effet est manifeste : une perte irréparable de profondeur et de diversité. L'indien yaqui se met à chanter comme un amérindien du nord, frappant sur un tambour identique à celui des "chamanes" celtiques, sibériens, lakotas, etc. Le "chamanisme" devient partout le même, là où il variait autrefois fortement d'une communauté à l'autre, à quelques kilomètres de distance seulement. Aussi Michael Harner n'a-t-il pas décrit un "chamanisme universel" : il l'a fabriqué.

      Une autre échappatoire pour ne pas mesurer les méfaits de l'entreprise consiste à minimiser les objections académiques. Pour reprendre l'exemple de Michael Harner, celui-ci est plébiscité en francophonie comme étant un homme courageux ayant fait l'objet d'attaques d'anthropologues concurrents. C'est une information édulcorée qui n'est jamais documentée. On ne nous dit pas en quoi consistent ces objections académiques, ni si elles proviennent d'observations de terrain irréfutables. Non seulement on reste aussi vague que possible, mais on discrédite le milieu qui formule ces réserves en évoquant une jalousie d'anthropologues. Rien ne saurait être plus caricatural car il existe des arguments très sérieux contre le travail de Harner, notamment du fait qu'il repose sur des hypothèses de Mircea Eliade - très largement réfutées depuis le milieu des années 80 - ou qu'il crédite la délicieuse imposture de Castaneda.

      Ce qui me semble encore plus douteux, c'est qu'à aucun moment n'est mentionnée la parole autochtone. C'est un indice très fort de l'attitude colonialiste. On prend bien soin de ne pas écrire que les autochtones eux-mêmes produisent une critique virulente du travail de Michael Harner, se plaignant d'être traités par sa Fondation avec beaucoup d'arrogance. Or, c'est tout de même leurs arguments à eux, qui devraient être écoutés en premier.

      La raison peut donc trouver des justifications à tout, même à l'injustifiable. Et tant qu'il s'agira de produire un discours permettant seulement d'avoir raison ou de pérenniser un marché, plutôt que d'ouvrir les yeux sur un problème bien réel, il est clair qu'aucune approche saine des spiritualités indiennes ne pourra voir le jour, au-delà de cet esprit boutiquier.

      Par petites touches, ce blog devenu très fréquenté et dont les visiteurs quotidiens ont doublé depuis le mois de mai 2014, tente d'explorer une autre manière de voir. C'est un très modeste début de piste qui certes, pose plus de questions qu'il n'en résout.

      Au début, je me disais que le lecteur n'allait guère apprécier le point de vue critique que j'y exprime. J'étais certain de le perdre peu à peu, mais c'est le contraire qui s'est produit, signe que nous ne sommes peut-être pas des cas aussi désespérés et pouvons accepter de ne pas être toujours caressés dans le sens du poil.

      En revanche la fréquentation du blog est honteuse, c'est-à-dire que malgré son nombre important de visiteurs, peu de gens le placent en lien sur leur site ou leur blog. On le consulte en secret et en catimini. Cet ostracisme est très compréhensible et n'empêche pas l'information de circuler. Au fond, ce blog joue le rôle qui est le sien, un rôle qui n'attend pas d'être reconnu mais qui est utile. Déjà à l'époque du site Magick-instinct, la fréquentation pouvait atteindre 2000 visiteurs par jour alors que le site n'était relayé que par peu de personnes et que je m'interdisais d'en faire la publicité ou de le promouvoir. De l'anti-marketing, en quelque sorte. Un travail, s'il sert à quelque chose, n'a pas besoin d'être claironné. On ne fait pas de publicité pour les clés USB parce que tout le monde sait à quoi ça sert. Mais on en fait pour Coca-Cola.

      Alors certes, la fréquentation de ce lieu virtuel est plus modeste que celle de Magick-Instinct en 2001. Mais elle est presque équivalente à celle des deux sites réunis d'une célèbre ONG qui fait la promotion du néo-chamanisme en Amazonie et bénéficie de nombreux liens sur les sites professionnels de néo-chamanes occidentaux. Je suis donc très satisfait et fier de ce résultat et j'en remercie vivement mes lecteurs.

      Aujourd'hui, j'aimerais bousculer de nouveau le visiteur en l'amenant à réfléchir sur certaines notions qui bouleversent les codes sémantiques habituels. Voyons par exemple ce qu'il en est des termes "chamane", "chamanisme", "extase" et "transe". De quelle manière pourrions-nous réajuster le contenu de ces termes pour y voir plus clair ?
Attractions touristiques à Iquitos. Photos C. Guislain
      Remarquons tout d'abord que le mot chamane ne veut plus rien dire du tout, tellement on en a abusé. On parle de chamanisme à propos de Jean de Patmos, d'Odin, de Socrate, du soufisme ou de soirées en boite bien arrosées. Il serait peut-être temps d'interroger ce terme, pour se rendre compte que le chamanisme n'est pas du tout une tradition vieille de milliers d'années, mais une invention occidentale du XXème siècle. A cette condition, le mot pourrait être honnêtement utilisé. Et dans ce sens, la distinction entre chamane et néo-chamane deviendrait presque superflue, puisqu'il n'y a de chamanisme que dans l'occident moderne et ses annexes touristiques. On sait que dès que surgit le mot, il s'agit d'une construction occidentale. On n'est plus dans un contexte proprement indigène mais dans celui d'une occidentalité s'appropriant un folklore, des "techniques", ou nommant l'autre par des termes qui lui sont étrangers.

      Il n'y a pas de chamane indien à proprement parler. Même en Sibérie le mot n'est pas utilisé ailleurs que dans un contexte occidentalisé, excepté chez les Evenks. Les amérindiens du nord dénoncent avec force le caractère colonial de cette appellation qu'ils détestent. Pourquoi ne tiendrions-nous pas compte, enfin, de leur avis ? Dans les milieux kallawaya, aymara et quechua que j'ai pu fréquenter, ce terme n'est jamais prononcé. Si je l'avais entendu, j'aurais immédiatement compris qu'une influence occidentale était à l'oeuvre et qu'il s'agissait en réalité de néo-chamanisme. En revanche, j'ai rencontré des paqos, des yatiris, des wachumeros, des amautas, tous très différents les uns des autres. Mais pas de "chamanes". C'est donc que le chamanisme est un concept de l'occident moderne, plutôt qu'une survivance archaïque.

      Les anthropologues modernes n'utilisent souvent le terme que par défaut, mais sont de plus en plus nombreux à en interroger la pertinence. Le spécialiste en religions comparées Daniel Noel y reconnaît un "phantasme, une fiction, une oeuvre de l'imagination". Michael Tausig parle d'une "projection de l'Ouest". L'historien Andy Letcher n'y voit qu'une "construction d'orientaliste". En 1903, Arnold van Gennep écrivait que parmi les mots " créés par les voyageurs, adoptés ensuite sans réflexion par les dilettantes de l’ethnopsychologie et employés à tort et à travers […], l’un des plus dangereux est celui de chamanisme ". Grand spécialiste des Evenks et sur les lieux mêmes où apparut le mot saman, Shirokogoroff écrit dès les années 30 que " Le 'chamanisme' comme création européenne est un échec total ". Il a été largement démontré que le chamanisme en tant que pratique archaïque ou catégorie universelle n'existait pas et n'était qu'une construction littéraire développée par Eliade. Le mot lui-même, appliqué à toutes les sauces et dans tous les contextes, continue de nous laisser croire que cette unité universelle du chamanisme existe, alors qu'elle n'est qu'une projection nous empêchant de réellement connaître les cultures et les êtres que nous désignons ainsi. Le regard de l'observateur extérieur sur ces cultures en altère dès le départ l'idiosyncrasie, la corrode, la soumet. Dans une étude intitulée Le Chamanisme aujourd'hui : construction et déconstruction d'une illusion scientifique, Håkan Rydving dénonce un piège épistémologique, là où je reconnais pour ma part une habitude culturelle de la pensée ch'ulla, autrement dit, de l'universalisme occidental :

      " Il est par trop tentant de croire qu’en décidant d’appeler « chamane » une personne dotée d’une fonction rituelle dans telle ou telle culture, on aura mieux compris le contenu particulier de sa fonction sociale. C’est en fait le contraire qui est le cas. La traduction de böö, noaidi, angakkoq, etc. par « chamane » cache plus qu’elle ne révèle, car elle laisse croire que nous « savons » ce qu’est un böö, un noaidi, un angakkoq, etc. Elle nous amène à nous concentrer sur les aspects qui correspondent à notre propre définition de « chamane », laissant de côté l’étude précise de la personne envisagée dans son contexte culturel et social et avec les variations qu’elle connaît. Par ailleurs, cela permet d’accepter des constructions théoriques larges, reposant sur une littérature de seconde main, ce qui ne répond pas aux critères d’un travail anthropologique de qualité constitués par une bonne connaissance des langues et d’autres compétences en matière d’études des civilisations."

      La dernière phrase semble être une allusion à la façon dont travaillait Mircea Eliade. Il faut bien comprendre qu'il ne s'agit pas simplement de chipoter sur des mots. L'usage des termes "chamane" et "chamanisme" a permis de construire la stratégie d'appropriation coloniale des savoirs indigènes, dont nous sommes témoins aujourd'hui. En même temps, il a détruit une diversité au profit d'une universalité uniformisante. C'est la tactique habituelle de la pensée ch'ulla. Il a fallu tout d'abord universaliser un concept, pour pouvoir s'approprier et effacer ensuite les singularités où il était projeté. Mais Mircea Eliade et Michael Harner se sont trompés sur un point : il n'y a pas de chamanisme universel proprement dit. Håkan Rydving poursuit :

" Beaucoup de collègues considèrent « chamane » et « chamanisme » comme des catégories générales et ils estiment que l’usage de ces termes est nécessaire, car il rend la comparaison possible. D’après moi, c’est tout le contraire. Si nous utilisons les catégories « chamane » et « chamanisme » pour comparer les traditions des Bouriates et des Inuit, par exemple, c’est qu’on a présupposé des similitudes entre elles. Au contraire, les études comparatives doivent se fonder sur les traditions et concepts locaux/autochtones. Sinon, la comparaison n’est pas valable puisqu’elle est en partie déjà implicite par le choix des catégories analytiques. D’un point de vue méthodologique, il est donc préférable de comparer un böö avec un angakkoq plutôt que comparer un « chamane » bouriate avec un « chamane » inuit. " 

      " Les concepts de « chamane » et de « chamanisme » ont créé une illusion d’homogénéité (régionale ou mondiale). Ils nous laissent croire que nous comprenons les phénomènes que nous prétendons étudier, alors qu’en réalité le risque est qu’ils nous empêchent de bien les comprendre. Concluons que le temps est venu d’abandonner ces termes comme concepts comparatifs."


      J'ai mis en caractères gras la phrase qui réfute l'hypothèse de travail de Mircea Eliade, reprise par Michael Harner pour élaborer son core-shamanism. C'est à raison que Mircea Eliade est considéré par bien des anthropologues comme le grand-père du néo-chamanisme, puisqu'il est l'inventeur de l'universalisation du concept de "chamanisme", tel que nous la connaissons aujourd'hui. On comprend sans difficultés les motifs pour lesquels l'auteur est adulé par les praticiens chamaniques occidentaux, sans que ceux-ci prennent la peine d'étudier les réfutations, désormais nombreuses, de l'oeuvre de l'intellectuel roumain.

      Mais cette tentative d'universalisation repose sur des bases trop fragiles. Sous prétexte qu'existent des prêtres dans presque toutes les religions, serait-il possible de regrouper celles-ci sous le concept unique de "prêtrisme" ? Et qu'aurions-nous dit de plus alors ? De même, si comme Harner nous tentions de regrouper sous un seul terme une poignée de techniques que nous croirions reconnaître dans les pratiques religieuses de toute la planète, ne pourrions-nous pas résumer en un seul terme l'ensemble des cultures pratiquant l'oraison ? Cela s'appellerait peut-être "religion". Et dans ce cas nous n'aurions finalement pas du tout avancé.

      La conclusion du travail de Håkan Rydving rejoint ce que j'ai exprimé plus haut :

      " Est-ce que cela signifie qu’il n’y a pas de contexte où les mots « chamane » et « chamanisme » pourraient être utilisés comme concepts au sens strict (sauf chez les Évenks) ? Bien sur qu’il y en a ! Avec le même point de départ que j’ai souligné pour les traditions indigènes (que l’analyse devrait être basée sur les concepts et terminologies vernaculaires) on peut maintenir que là où « chamane » et « chamanisme » sont utilisés comme auto-désignations, c’est-à-dire dans certains groupes du New Age inspirés par Eliade, Castaneda, Harner et autres, et pour les participants aux cours de développement personnel portant le label « chamanisme », ils sont appropriés comme concepts. Mais, c’est là – dans l’Occident et dans des contextes plus ou moins occidentalisés et mondialisés – et là seulement, que nous pouvons trouver un objet de recherche qu’on pourrait appeler « chamanisme » ".
Kallawaya : le maître et l'apprenti.
      Un autre point sémantique intéressant est celui de l'"extase" ou de la "transe" chamanique. En anthropologie, l'extase est un marqueur important de la catégorie "chamanisme". Depuis Eliade, la définition du chamane impose la "transe" comme moyen de communication entre le chamane et le sacré. Ceci pose néanmoins de nombreux problèmes méthodologiques et c'est pourquoi, au cours des vingt dernières années, les chercheurs ont de moins en moins utilisé la définition du chamane comme technicien de l'extase, lui préférant une acception plus large. Håkan Rydving en donne deux exemples :

      Pour Vladimir Basilov, les chamanes sont "les élus des esprits", tandis que le chamanisme est la "croyance en la nécessité d'intermédiaires particuliers entre la masse des hommes et les esprits (déités)". D'où l'inanité d'un concept tel que le "chamanisme démocratique" en anthropologie, puisque le chamanisme est, par définition, une élection des esprits.

      Pour Christian Malet, le chamane est " un homme sain de corps et d'esprit qui, ayant répondu à une vocation éprouvante, est devenu apte - au terme d'une initiation - à entrer en relation avec les puissances spirituelles auprès desquelles il intercède pour le bien des membres de sa communauté ".

      On note que dans ces deux définitions, l'extase ne sert plus de marqueur à la condition du chamane. D'autres part, les chercheurs insistent sur le rôle social et communautaire du chamane, ce qui correspond mieux à la réalité de terrain que les seules lectures neuro-psychologiques et individualistes. Mais quelles sont les raisons pour lesquelles l'extase et les états modifiés de conscience ne sont plus considérés comme le trait principal de ce qui a été qualifié de  "chamanisme" ?

      On constate aisément qu'existent de nombreuses disciplines (le tantrisme, le yoga, la magie...) travaillant sur ces aspects de la conscience, sans pour autant être qualifiées de chamaniques. De plus, à l'intérieur même de cette catégorie dite "chamanique", toutes sortes d'opérations sont exécutées sans nécessiter de transe ni d'états modifiés de conscience. Enfin, le concept d'état modifié de conscience est, nous le verrons, extrêmement flou. Eliade en vient même à le manipuler facilement, pour le soumettre à ses préjugés. Selon lui, il existe par exemple des transes licites et des transes illicites. Une transe de possession est considérée par Eliade comme une dégénérescence du chamanisme, tout comme la transe produite par l'usage de plantes hallucinogènes. C'est un a priori culturel évident.

      Il faut rappeler que le livre d'Eliade qui a défini le champ d'étude du chamanisme pendant plus de 50 ans fut écrit par un homme qui n'était ni ethnologue ni anthropologue. Eliade n'a jamais rencontré de chamane, n'a pas vécu au sein de peuplades pratiquant les rites qu'il décrit. Tout ce qu'il consigne dans son livre est composé à partir d'ouvrages rédigés par d'autres et à ceci s'ajoute le fait que les sources bibliographiques russes les plus importantes et donc, les plus directes, restèrent inaccessibles jusqu'à la fin de la guerre froide, moment à partir duquel son oeuvre commença d'ailleurs à être sérieusement mise en doute.

      Eliade ne retient de ses sources que des détails lui permettant de confirmer son opinion préconçue. A telle enseigne que Marjorie Mandelstam Balzer finit par déclarer qu'Eliade est : " remarquablement inexact sur le chamanisme sibérien ". Ignorant les faits qui ne correspondent pas à ses théories, Eliade finit par faire des affirmations générales complètement fausses. Il considère que les chamanes sont principalement caractérisés par l'extase, le vol de l'âme, l'ascension céleste, le voyage hors du corps vers le royaume de l'esprit. Mais il dévalorise tout ce qui ne correspond pas à cette description. Or, pour Anna-Leena Sikala, l'interaction avec les esprits se fait en Sibérie selon trois modes : le voyage, la possession et la convocation. Aucun de ces procédés n'est dévalorisé, ni même hiérarchisé. Les trois interviennent souvent dans une même cérémonie.

    L'ouvrage de Mircea Eliade sur le chamanisme est rempli de références au ciel, à l'ascension, à la verticale plutôt que l'horizontale. Le sacré est réduit à ce plan axial transcendant, au centre plutôt que la périphérie ou le contour des choses. C'est au centre, au pôle de la tente, de la montagne, de l'axe du monde, que le chamane communique avec le ciel, monte à travers l'ouverture centrale, ou vers la montagne sacrée, vers le paradis. L'influence du symboliste René Guénon pèse trop lourdement sur cette production, en faisant un livre d'ésotérisme plutôt qu'une oeuvre scientifique. Eliade est toujours disposé à dénigrer comme décadent ou aberrant tout chamanisme dans lequel l'ascension vers le ciel jouerait un rôle insuffisamment important. Le chamanisme toungouse d'aujourd'hui, dit-il - c'est-à-dire celui des années 1930, lorsque Shirokogoroff produit ses études les plus importantes - ne peut pas être considéré comme le chamanisme dans sa forme classique, à cause, entre autres choses, du "rôle mineur qu'y joue l'ascension vers le ciel." Ne tenant aucun compte des aspects sombres et ambigus de cette discipline, c'est cette même vision morale et chrétienne du chamanisme que nous retrouvons aujourd'hui dans le néo-chamanisme New Age.

      En accordant une importance disproportionnée au "voyage chamanique", Eliade néglige les autres formes de relation aux esprits, les diabolise même. Non seulement cette différentiation obéit à un a priori religieux personnel, mais en définissant le chamanisme comme le seul produit d'une technique, Eliade réduit l'expérience du sacré à un domaine purement cérébral et physiologique, connu désormais sous le nom de modèle neuro-psychologique. L'oeuvre de Michael Harner suit la même inclination et s'avère plus étroite encore, puisqu'elle limite le champ du chamanisme au seul soin thérapeutique individualiste. Or, celui-ci est autrement plus étendu.

      Pour ne m'en tenir qu'au domaine scientifique, autrement dit en m'abstenant d'entrer dans des considérations spirituelles, ce modèle neuro-psychologique a fait l'objet de critiques remarquées. Dans un texte devenu célèbre intitulé Pour en finir avec la "transe" et l'"extase" dans l'étude du chamanisme, Roberte Hamayon note tout d'abord l'imprécision des catégories employées. Les descriptions de "l'état chamanique" sombrent souvent dans la contradiction : " il est difficile de savoir s’il est vraiment en transe ou s'il fait seulement semblant ", " la transe peut être aussi efficace quand elle n’est que simulée ", " le rituel n’opère pas forcément même si la ‘transe’ est authentique ". Ou inversement : " le rituel peut opérer même en l’absence de ‘transe’ manifeste ". Nous sommes ici face à une catégorie aussi imprécise que la fameuse "gnose" de la chaos-magick, dont j'ai tantôt souligné le manque de précision, tant théorique que pratique.

      Quand on songe que sont utilisés parfois des termes aussi opposés entre eux que "transe" et "extase" pour désigner les mêmes "états modifiés de conscience", on ne saurait douter de l'inutilité de ces outils analytiques, tout au moins en l'état. Mais ce qui retient surtout l'attention de Roberte-Hamayon, c'est l'absence complète de notions semblables dans le discours des peuples chamanistes traditionnels :

      " À ma grande surprise, ce terme, courant dans les travaux occidentaux sur le chamanisme, surtout depuis la publication du livre d’Eliade, ne m’était apparu d’aucune utilité tout au long de mon travail de thèse sur les formes sibériennes de chamanisme. Il n’était la traduction d’aucun terme autochtone utilisé dans le discours chamanique.[...]"

      " Ainsi les peuples sibériens (comme beaucoup d’autres peuples chamanistes) qualifient l’épisode rituel que les auteurs appellent transe en termes d’actions en rapport avec des esprits (mouvement du chamane vers eux ou mouvement de ceux-ci vers le chamane). Leur discours évoque l’idée d’une rencontre ou d’un contact qui est à la fois le moyen et la preuve de l’exercice de la fonction de chamane."

      Il est tout de même curieux qu'aucune des sociétés supposées utiliser le processus de la transe chamanique ne dispose de termes spécifiques pour désigner l'état de conscience altérée, l'extase (passive) ou la transe (active). Plus encore, lorsqu'on questionne les principaux acteurs de la transe, ceux-ci ne comprennent pas du tout les questions qui leur sont posées et répondent à coté des attentes, se référant essentiellement à des données cosmologiques. C'est donc que nous errons peut-être quant à l'approche.

      Il n'est d'ailleurs pas nécessaire d'être dans un état modifié de conscience pour percevoir différemment ou pour "voir" ce qui normalement est invisible. Je pourrais sur ce sujet apporter différents témoignages personnels, ou constatés chez mes amis indiens, mais je suis peu prolixe quant aux récits intimes relevant de phénomènes paranormaux, surtout lorsqu'il s'agit de le faire par écrit. Dans ma tradition, certaines choses - et notamment les pratiques et les expériences de ce type - ne se communiquent jamais qu'oralement et en confrérie. Quoi qu'il en soit, la possibilité de percevoir à l'état de veille des choses que l'on estime ne pouvoir devenir sensibles qu'en état altéré de conscience, constitue un élément de nuance qu'il me semble très important de noter.

      Rétrospectivement, nous pouvons remarquer maintenant que le tableau du renü Aukanaw que j'ai commenté le mois dernier est en effet influencé par les conceptions occidentales de Eliade et de Harner. Il induit la pensée que pour percevoir autrement, il faut être obligatoirement dans un autre état que l'état de veille. Or, non seulement ce n'est pas toujours le cas, mais la lecture des phénomènes de vision subtile en fonction du seul modèle neuro-psychologique entretient nombre de préjugés coloniaux. Puisque toute vision peut être interprétée en termes de conscience altérée, on en déduit facilement qu'il s'agit d'hallucinations et que le pauvre "primitif" ne sait pas distinguer la réalité de l'illusion. C'est en général ce que produit l'analyse neuro-psychologique d'un phénomène de ce type, lorsqu'on l'isole du contexte cosmologique et sociétal qui en explique la pertinence.

      D'autre part, concernant la pratique, les paradigmes influencent la perception. En interprétant la visite des esprits en termes de changement d'état de conscience, nous passons du domaine mystique de l'échange au domaine pseudo-scientifique de l'individu s'auto-interprétant ; nous allons d'un symbolisme chaud vers un symbolisme froid et rationalisé, technicien et sans âme. Le mythe cosmologique a une charge, un poids, une chaleur, une force, une grâce et un pouvoir communautaire importants. Le vocabulaire scientifique est dépourvu de cette propriété dynamique et amoureuse qui donne à la pratique son élan, son énergie visionnaire. "La science remplace nos mythologies passées. C'est une mythologie bien triste", écrivait Jorge Luis Borges parlant de la psychanalyse. Dans une approche concrète de la pratique visionnaire, le modèle neuro-psychologique représente bien le même type d'appauvrissement.

       L'anthropologue mexicain Roberto Martínez González met particulièrement bien en relief l'inconvénient du modèle neuro-psychologique, notamment dans son article Lo que el chamanismo nos dejó, cién años de estudios chamánicos en México y Mesoamérica, ou encore dans El chamanismo y la corporalización del chamán : argumentos para la deconstrucción de una falsa categoría antropológica. Pour R. M. González, la diffusion du modèle neuro-psychologique, en accordant trop d'importance aux états modifiés de conscience, centrant l'investigation sur le seul cerveau du chamane, a entretenu la " représentation de l'autre comme incapable de distinguer entre la croyance et la réalité ". L'idée que l'autre croit uniquement parce qu'il l'a expérimenté au cours d'états de conscience altérée est un argument dévalorisant les croyances autochtones, utilisé depuis au moins le XVIème siècle. C'est aussi devenu l'argument décisif des sceptiques. Pourquoi entrer dans ce jeu et continuer d'y recourir alors qu'existent des perspectives plus pertinentes ?

      R. M. González cite plusieurs chroniqueurs espagnols, ainsi que des extraits du Repertorium Inquisitorum, pour montrer que les religieux utilisaient déjà ces failles du modèle neuro-psychologique afin de dénigrer l'expérience religieuse des païens européens (les sorcières) et des amérindiens : " Et nul ne doit devenir idiot au point [nec debet aliquis in tentam venire stultitam] de croire que s'est produit corporellement ce que l'on a seulement rêvé ". Dans la mesure où elle n'est pas relative à l'état de veille et objective, l'autre réalité n'est plus qu'une hallucination sans valeur, inspirée par le démon de la confusion.

      La réduction de la perception de l'autre à une hallucination continue d'être, à mon sens, le gros inconvénient de la seule lecture neuro-psychologique des spiritualités visionnaires. Or, même Harner n'en sort pas. Du vol de la sorcière à l'apparition du faune, de la vision de la Vierge Marie au voyage dans l'Autre Monde, de la transformation en jaguar à la vue à distance, tout est désormais réduit par ce modèle explicatif à l'hallucination, ce pour quoi il apparaît nécessaire de le compléter par le contexte de la cosmovision elle-même, favorisant ainsi la compréhension non plus seulement psychologique, mais sociale, politique, écologique, symbolique, imaginale, spirituelle et communautaire de ces phénomènes et de leur portée sapientielle.

Maître de l'invisible et du secret, le dieu-hibou s'abrite sous le corps arc-en-ciel du dieu-félin bicéphale. Notez les spirales doubles en symétrie inverse sur le centre thoracique (céramique mochica)

 

 

 

 
 

09/03/2015

cyberaction N° 691: Solidarité avec la lutte de In Salah contre l’exploitation du gaz de schiste

 

Depuis le 1er janvier 2015, les habitants de In Salah en Algérie manifestent, avec détermination et sans violence, leur opposition à la décision du gouvernement de procéder à l’exploitation du gaz de schiste dans le bassin de l'Ahnit, proche de la ville, aux confins du désert : plusieurs oasis des alentours sont concernés par la fracturation hydraulique mise en oeuvre. Chaque jour plus nombreux, ils dénoncent également la collusion des multinationales telles que Halliburton et Shlumberger dans l’exécution de ce projet.in salah

Plus d'infos

La mobilisation s’est étendue à toute la région, puis au Grand Sud. Elle a reçu le soutien de nombreux chercheurs scientifiques et d’experts dans le domaine des hydrocarbures. Prenant une ampleur inédite depuis les grandes manifestations de juin 2001, elle a gagné la sympathie de très nombreux citoyens à travers tout le pays, inaugurant un rapport de force nouveau au sujet de l’avenir énergétique national – jusque-là considéré comme un pré-carré d’un petit cercle de pétroliers et de technocrates –, afin d’offrir une croissance maîtrisée à toute l’Algérie dont, aujourd’hui, l’économie tourne à 97 % grâce à l’extraction des hydrocarbures du sous-sol saharien.
Un collectif constitué de militants actifs et représentatifs de la ville a vu le jour, animant et coordonnant les manifestations, assurant l'information et les liaisons avec les chercheurs et experts, la presse et les médias. Il a adressé un moratoire à la présidence de la République et au Premier ministre, ainsi qu’aux ministères de l’énergie, des ressources en eau, de l’environnement et de l’agriculture. Son objectif est d’ouvrir un espace de dialogue sérieux et franc, et de trouver une issue satisfaisante pour l’ensemble des acteurs, tant de l’Etat que de la société civile. Le moratoire contient un argumentaire solide pour démontrer que l’exploration et l’exploitation de gaz de schiste ne sont pas dans l’intérêt du pays, et ce à divers niveaux : économique, environnementale, sociale et sanitaire.
Les autorités algériennes n'ont pas répondu à cette demande de moratoire. Bien au contraire, elles démontrent jour après jour qu’elles comptent poursuivre leur projet, en se soumettant entièrement aux exigences des multinationales, en déconsidérant et réprimant les manifestant(e)s qui s’y opposent. Les 28 et 29 février derniers, un assaut a été donné par la gendarmerie et des compagnies nationales de sureté, utilisant gaz lacrymogène et balles en caoutchouc : plus de 40 manifestants ont été blessés, dont 3 graves ; d’autres ont été détenus. La répression des manifestant(e)s se poursuit.

Nous, mouvements associatifs de l'émigration et des pays du Maghreb, et associations de défense de l'environnement, dénonçons avec vigueur cette répression ainsi que le silence du gouvernement algérien face aux revendications d’un moratoire contre l'exploration et l’exploitation du gaz du schiste, que le collectif de lutte de In Salah lui a présenté.
Nous exigeons la libération des manifestants détenus. 
Nous exprimons toute notre solidarité aux citoyen(ne)s de In Salah dans leur lutte contre la fracturation hydraulique qui risque de mettre en danger l'avenir de l'eau de toute une région d'Afrique et notre soutien aux revendications du collectif d'In Salah :

  • mise en place d'un moratoire sur la prospection et la production d'énergie par fracturation hydraulique,
  • arrêt des forages en cours.


 
Paris, le 5 mars 2015.
Signataires

    • Collectif algérien en France ACDA (Agir pour le changement et la démocratie en Algérie)

 

    • APEL-Egalité (association de femmes algériennes en France)

 

    • Massira (Collectif citoyen de soutien aux luttes sociales et démocratiques en Algérie) 

 

    • Manifeste des libertés

 

    • CRLDHT (Comité pour le respect des libertés et des droits de l'homme en Tunisie)

 

    • ATMF (Association des travailleurs maghrébins de France)

 

    • FTCR (Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives)

 

    • AMF (Association des Marocains en France)

 

  • ATF (Association des Tunisiens en France)



In Salah : malgré la mise en garde de l’armée, la mobilisation contre le gaz de schiste se poursuit http://www.tsa-algerie.com/2015/03/08/in-salah-malgre-la-mise-n-garde-de-larmee-la-manifestation-contre-le-gaz-de-schiste-se-poursuit  

 

 

 

Signez ici : http://www.cyberacteurs.org/cyberactions/solidarite-lutte...

08/03/2015

VIDEO. Kaboul : des hommes en burqa pour le droit des femmes

Source : http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20150306.OBS4013/afg...

A trois jours de la Journée des droits des femmes, des hommes afghans ont défilé dans la capitale de Kaboul en burqa pour attirer l'attention sur un vêtement jugé oppressif.

Afghanistan : des hommes manifestent en burqa   Crédit Mohammad Fahim Abed / ANADOLU AGENCY Afghanistan : des hommes manifestent en burqa Crédit Mohammad Fahim Abed / ANADOLU AGENCY
 

 

Pour afficher leur solidarité avec les femmes, des hommes ont revêtu des burqa et ont manifesté jeudi 5 mars dans les rues de Kaboul. Parmi eux, l'association "Les volontaires pour la paix en Afghanistan".

Juste avant la journée des femmes, qui a lieu le dimanche 8 mars, ils condamnent ce vêtement imposé aux femmes depuis les années 1990 par les talibans et symbole d’oppression. Cette action originale rappelle celle des Turcs, qui avaient porté des jupes, le mois dernier.

Regardez :

06/03/2015

Alexa Brunet & Patrick Herman - Dystopia

éditions le bec en l’air, 28 x 22 cm | 80 pages | 30 photographies, impression en couleurs | couverture toilée, ISBN 978-2-36744-071-2 | 28 €

Dystopia - MAIN BASSE SUR L’AGRICULTURE

Photographies d'Alexa Brunet
Textes de Patrick Herman
Préface de Gilles Clément

Vous avez été nombreux à suivre le projet photographique Dystopia. Un portfolio de six pages paraîtra dans le prochain numéro de Fisheye magazine et la maquette du livre est presque terminée.
A l'heure actuelle il nous manque encore une centaine de souscriptions pour pouvoir financer l'impression de l'ouvrage à paraître aux éditions le bec le l'air début 2015. Jusqu'au 30 novembre, vous pouvez souscrire au projet d'édition et recevoir le livre chez vous dès sa sortie : http://www.alexabrunet.com/souscription.pdf

Composé de trente photographies d’Alexa Brunet, accompagnées de textes de Patrick Herman, Dystopia propose une approche anticipative originale de ce qui a bouleversé le milieu agricole français depuis la Seconde Guerre mondiale.
Par le jeu de mises en scène photographiques, les auteurs cherchent à montrer ce qui nous attend si rien ne change. Avec un humour distancé, ils dénoncent avec force les dérives et les logiques d’un système.

 
 

04/03/2015

Le business des faillites - Enquête sur ceux qui prospèrent sur les ruines de l'économie française - Cyprien BOGANDA

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Janvier 2015

16 €
ISBN : 9782707183484
Dimensions : 155 * 240 mm
Nb de pages : 240

 

En France, près de 180 entreprises font faillite... chaque jour ! Depuis le début de la crise de 2008, plus de 300 000 d'entre elles ont déposé le bilan, bouleversant la vie d'un million de salariés. Mais le malheur des uns fait les affaires d'une poignée d'autres. Les entreprises en difficulté attirent une faune hétéroclite, où se croisent fonds d'investissement, cabinets d'experts, managers de crise ou mandataires judiciaires. Aujourd'hui, quelques milliers de personnes « vivent » en France de la crise des entreprises. Et elles en vivent plutôt bien.
Ce « business » ne date pas d'hier. Dès les années 1980, des grands noms du capitalisme hexagonal tels que Bernard Arnault, François Pinault ou Vincent Bolloré ont bâti leur fortune en rachetant, sous l'oeil bienveillant des pouvoirs publics, des canards boiteux, qu'ils revendaient au prix fort après restructuration.
Depuis dix ans, la multiplication des plans sociaux a engendré une véritable industrie de la faillite. Dressant un portrait édifiant des acteurs de ce secteur en croissance et revenant sur les affaires qui ont défrayé la chronique ces dernières années (Danone, Doux, Heuliez, PSA, Samsonite, Florange, etc.), l'enquête de Cyprien Boganda révèle les dessous de cette machine qui prospère sur les ruines de l'économie française.

 

http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Le_bus...