Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

30/04/2015

La poussière du Sahara nourrit l'Amazonie

 

Le désert du Sahara est un des déserts les moins hospitaliers de la planète. Ses plateaux dénudés, ses pics rocheux, et ses sables en constant mouvement enveloppent au nord du continent, un tiers de l'Afrique, qui de ce fait connait très peu de pluie, de végétation et de vie. 

Pendant ce temps, de l'autre côté de l'Atlantique, prospère la plus grande forêt tropicale du monde. Le luxuriant et éclatant bassin de l'Amazonie, situé au nord-est de l'Amérique du sud, alimente un vaste réseau d'une incomparable diversité écologique.

Alors, qu'est ce que ces deux climats en apparence si différent ont en commun ? Ils sont intimement connectés par une rivière intermittente de poussière atmosphérique longue de plus de 16000 km. (trad.cg)

 Source : http://science.nasa.gov/science-news/science-at-nasa/2015...

 

 

Une belle histoire d'amour en somme !

 

 

 

28/04/2015

Marguerite Porète. L'inspiration de Maître Eckhart de Jean Bédard

       

Photo: - Archives Le Devoir

 VLB éditeur  Montréal, 2012, 364 pages

Marguerite Porète ? Cette poétesse et mystique de la fin du XIIIe siècle est des philosophes oubliés de l'histoire, de ces auteurs rayés par l'Inquisition pour avoir prôné, au mauvais moment, les valeurs de l'esprit libre. Jean Bédard poursuit, avec Marguerite Porète (VLB), son érudite série de romans historiques sur des figures spirituelles, brillantes et avant-gardistes.

En 1306, Guion de Cressonaert est secrétaire juridique. Il écrit, à la façon d'un greffier, les aveux que l'Inquisition obtient sous la torture. «Ceux qui prêchaient Dieu brûlaient des femmes et des hommes, pourchassaient les pauvres jusque dans les montagnes reculées. Clément V avait même déclaré hérétiques ceux qui, comme les dolciniens, défendaient l'idée que Jésus avait été pauvre. Jusqu'au général des franciscains qui avait dû fuir en Bohême pour défendre la pauvreté que les évêques avaient déplacée de la colonne des vertus vers la colonne des vices. L'Église enseignait désormais que Jésus avait possédé une bourse bien garnie», dira Guion de son époque, sous la plume de Jean Bédard.

Après des jours à voir les êtres aux supplices, sur la roue et sous les fers, Guion craque. Recueilli et soigné, malade d'esprit et de peau, par les béguines, il y découvrira un monde autre, pensé par les femmes autour des récoltes, des naissances et de l'accueil des malades, loin de l'obéissance aux «impératifs de la géographie des forces». Un monde libre, mené par la pensée de Marguerite Porète, humaniste, féministe avant l'époque, avant même le mot. Guion la suivra.

Après Nicolas de Cues (L'Hexagone), Maître Eckhart (Stock) et Comenius ou l'art sacré de l'éducation (JC Lattès), «c'est comme si j'avais analysé, jusqu'à la chirurgie presque, notre société basée sur la domination, explique Jean Bédard. Ça m'a permis de comprendre ce qu'était Marguerite Porète, à quel point sa pensée était originale. Elle a éclairé, à travers Maître Eckhart, tous les constructeurs de la liberté. Ç'a abouti avec Comenius et l'invention de la démocratie universelle.»

Avant la Réforme

Marguerite Porète est chef de file des béguines d'avant la Réforme. «C'était alors un mouvement d'envergure, explique le professeur de travail social à l'Université du Québec à Rimouski, avant le Concile de Vienne de 1310, qui va les condamner. Un mouvement qui vise l'autonomie économique, intellectuelle et spirituelle des femmes. Elles ont développé une économie des hôpitaux, dont les femmes étaient maîtres; une conception de la médecine, proche de l'herboristerie; un artisanat particulier pour obtenir cette autonomie économique; et un système de refuge, un peu comme les maisons de femmes d'aujourd'hui, pour protéger les filles contre des mariages impossibles. Porète a fait trembler des papes et des rois.»

Jean Bédard a la plume foisonnante, en essais et en romans historiques, très marqués par la philosophie et la spiritualité, jusqu'au mysticisme. On pense à Christian Bobin dans un ton autre, parfois un peu gonflé, toujours illuminé, jusque dans le style, par la philosophie étudiée. «Mes romans visent à changer de point de vue, explique l'auteur. Se regarder à partir du passé pour comprendre ce qui ne fonctionne pas maintenant. Il y a, dans nos racines, des choses à rejeter et à garder, du bon et du mauvais, des médicaments et des vomitifs. Toute société qui veut garder sa maladie, si je prends un langage de travailleur social, rejette ses propres médicaments. Je cherche ces philosophies dans nos racines, mais qui ont été expulsées et qui peuvent être guérisseuses.»

L'auteur poursuit: «Au médiéval, l'effroi des hommes face aux femmes est gigantesque. La misogynie arrive de partout, du christianisme comme des manuscrits de médecine arabe. Ainsi qu'on traite les femmes, on a souvent une vision similaire du paysage, de la nature, du désir, du corps. Dans les rapports paysans, on trouve une misogynie beaucoup moins grande, à cause de l'obligation concrète de la survie. Les hommes y ont besoin des femmes, les femmes des hommes, sinon tout le monde meurt.» Cette équité se perd avec l'élitisme de la pensée d'alors, qui veut le plus possible s'éloigner de la paysannerie.

Guion, dans le roman, est d'ailleurs bousculé entre le monde masculin et mortel de l'Inquisition et celui, sensoriel et empathique, des béguines. L'écriture en devient manichéenne. «Faire face à l'incertitude, c'est reconnaître qu'on dépend. Aujourd'hui encore, si on ne réalise pas qu'on dépend de la nature, on va mourir. Reconnaître cette dépendance demande de l'humilité, et on a "ben" de la misère avec ça.»

Ce monde en deux tons, Jean Bédard l'a rencontré tout jeune. «On avait refusé ma mère dans les ordres, parce qu'elle n'avait pas la santé pour être soeur. Mon père était sorti des frères parce qu'il ne pouvait se passer des femmes. Je viens d'un quartier très ouvrier de Montréal. Ma mère recevait des filles-mères pour les protéger. J'étais le seul gars, avec trois soeurs, et j'ai grandi dans ce milieu où on me mettait un bébé dans les bras si tout le monde avait les mains pleines. Quand je sortais de la cour, je voyais la violence omniprésente de Montréal: les Italiens qui arrivaient; les Anglais; ça se battait. La différence entre ma famille et le milieu était trop forte. Un monde de fou. Un monde macho, surtout, basé sur la mort, et j'ai voulu autre chose.»

Jean Bédard est à instaurer avec sa conjointe la Ferme sage Terre, qui, par la très terre-à-terre agriculture, vise la réinsertion sociale, le travail communautaire, la participation sociale et l'enseignement de la philosophie. «Depuis l'ère du bronze, les cultures de domination basées sur la misogynie ont éradiqué les cultures qui vivaient d'autres types de rapports, rappelle l'auteur. Aujourd'hui, nos moyens de domination — qu'ils soient de guerre ou industriels — sont tels qu'on peut complètement se détruire. Nos outils sont si dangereux, si gros, qu'on doit se corriger intérieurement.»

Jean Bédard pourrait-il écrire un roman contemporain? «Quand je regarde le monde, je vois une folie collective hautement périlleuse, qui n'empêche pas les belles choses, mais hautement périlleuse. Il faut être capable de se voir, d'affronter, sans complaisance. On ne peut se regarder soi-même avec un regard fourni par soi-même, dans un système autoréférentiel. C'est mortel. L'histoire donne une perspective.»

***

Marguerite Porète serait née autour de 1250, peut-être à Valenciennes, en France.

Le premier livre de cette béguine traite d'amour courtois. Il est brûlé sur la place publique par ordre de l'évêque de Cambrai.

Porète récidive avec Le miroir des âmes simples et anéanties. Pour elle, le corps ne porte aucune culpabilité; l'amour doit se vivre libre et sans marchandage; toute âme peut être touchée par le divin sans passer par un intermédiaire ecclésiastique.

Le miroir des âmes lui vaut le statut d'hérétique et le bûcher.
 
<br />
<br />
 
 
 
publié le 17 mars 2012 par Catherine Lalonde 
 
       |     

27/04/2015

Stop aux attaques d'acide

Andi LaVine Arnovitz Stop acid attack.jpg

(c) Andi LaVine Arnovitz

 

 

Des femmes au Pakistan, victimes de ces crimes, ont posé pour un calendrier, une démarche courageuse et militante pour dénoncer ces horreurs : http://www.a1pakistan.com/acid-attack-survivors-pose-as-c...

 

 

Fatou Diome : "On sera riche ensemble ou on va se noyer tous ensemble !" – CSOJ – 24/04/15

 

"Ce ne sont que des noirs et des arabes !" Très fort témoignage de Fatou Diome qui parle de "l'hypocrisie européenne" après la mort de centaines de migrants disparus en Méditerranée :

"Ces gens là qui meurent sur les plages, et je mesure mes mots, si c'était des blancs, la terre entière serait entrain de trembler ! Mais là, ce sont des noirs et des arabes (...) Si on voulait sauver les gens, on le ferait, mais on attend qu'ils meurent d'abord ! Et on nous dit que c'est dissuasif, mais ça ne dissuade personne, car celui qui part pour sa survie, considère que sa vie (qu'il peut perdre lors du voyage) ne vaut rien, celui là n'a pas peur de la mort !"

Réponse d'un autre invité : C'est pour cela qu'il faut fermer les frontières ...


 Fatou Diome : "Monsieur, vous ne resterez pas comme des poissons rouges dans la forteresse Européenne ! A l'heure d'aujourd'hui, l'Europe ne sera plus jamais épargnée, tant qu'il y aura des conflits ailleurs dans le monde (...)"

"Monsieur, je vous vois bien habillé, bien nourris, peut être que si vous étiez affamé chez vous, peut être que votre famille serait ravie d'imaginer que vous pourriez aller gagner ce qui pourrait faire vivre les autres (...)"

"Alors il faut arrêtez l'hypocrisie, on sera riche ensemble ou on se noiera tous ensemble ! "

 

Petit rappel sur Le ventre de l'Atlantique (éditions Anne Carrière, 2003), un interview à retrouver ici : http://www.ina.fr/video/I08347558

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Intelligence artificielle : le transhumanisme est narcissique. Visons l'hyperhumanisme

Par 
Scientifique

Édité par Hélène Decommer  Auteur parrainé par Dominique Nora

Publié le 26-04-2015

 

 

LE PLUS. L’intelligence des robots et des réseaux numériques interconnectés, évoluant à une vitesse exponentielle en relation avec l’évolution humaine, va ouvrir de nouvelles dimensions du cerveau humain. A condition que les hommes parviennent à un contrôle planétaire vigilant de l’intelligence artificielle... Éclairage de Joël de Rosnay, scientifique et conseiller de la présidente d'Universcience (Cité des sciences et de l'industrie et Palais de la découverte).

 

Récemment, des scientifiques et des dirigeants d’entreprises influents déclaraient publiquement que l'intelligence artificielle (IA) constituait l’une des pires menaces pour l’humanité. C’est en tous les cas le point de vue de l’astrophysicien Stephen Hawking, du fondateur de Microsoft, Bill Gates, ou encore d’Elon Musk, cofondateur de Tesla Motors et de SpaceX.

 

Atteint de la maladie de Charcot (dystrophie neuromusculaire) Stephen Hawking, qui communique pourtant avec le monde extérieur grâce à un ordinateur synthétiseur de voix, actionné par le mouvement de ses yeux, explique que l’IA risque de conduire l’humanité à sa perte parce que les ordinateurs et les robots devenus plus intelligents que l’Homme finiront par le réduire à l’esclavage. Même discours alarmiste du côté du fondateur de Microsoft, qui dénonce lui aussi le danger de domination de l’IA sur l’humanité. Quant au créateur de la Tesla électrique ou du nuage de satellites qui donnera au monde entier l’accès Internet, il subventionne l’Institute for the Future of Life (l’Institut pour le futur de la vie) à coups de millions de dollars pour qu’il trouve le moyen de contrôler, voire de stopper, l’IA et les robots intelligents.

 

De nouvelles dimensions plutôt qu'une domination

 

Une erreur souvent commise, notamment par les personnalités citées précédemment, est de comparer la vitesse de l'évolution exponentielle des ordinateurs, réseaux neuronaux et robots, à celle des mutations des neurones du cerveau, qui, elle, serait linéaire. On retrouve la célèbre divergence temporelle entre progression géométrique et progression arithmétique que Malthus avait déjà signalée en comparant la vitesse de l'évolution démographique conduisant à la surpopulation et celle de la capacité de l’humanité à produire suffisamment de nourriture pour sa survie.

 

Pourtant, une étude approfondie des tendances technico-sociétales suggère que l’intelligence de nos cerveaux, interconnectés en symbiose avec les robots, l’IA et les réseaux numériques, est en train d’évoluer simultanément et à une vitesse exponentielle. Un processus qui pourrait ouvrir de nouvelles dimensions, encore inconnues du cerveau humain, plutôt que de conduire à sa domination. Si nous parvenons, bien entendu, à assurer la complémentarité IA/ cerveaux humains interconnectés

 

Le mythe de Frankenstein

 

La première de nos grandes peurs relève du biologique et de l’humain : nous craignons que les créations humaines ne se retournent contre l’Homme. C’est le mythe de Frankenstein. La deuxième peur est liée à la destruction des emplois. Si les robots remplacent progressivement les métiers les moins qualifiés et si la qualité du travail fourni par l'intelligence artificielle peut rivaliser avec des médecins, juristes, journalistes, enseignants… que restera-t-il aux êtres humains ? D’où cette troisième grande peur : la fin du travail. Créateur de lien social, fondement même de la vie en société et du sens de la vie pour beaucoup, le travail, tel que nous le connaissons aujourd’hui, est menacé.

 

Cette question philosophique et éthique du travail se pose depuis l'origine de l'humanité. Les robots et, plus largement, la robotique, n’échappent pas à ces questionnements. L'Homme s’est toujours méfié des robots, sauf dans certaines cultures orientales. Au Japon, par exemple, les robots sont considérés comme des assistants essentiels à l'évolution de l'humanité. Comme pour les robots, "Intelligence artificielle" associe deux mots en apparente contradiction avec l’"intelligence naturelle". Comment l’intelligence, fonction primordiale de nos cerveaux humains pourrait-elle être créée de toute pièce ? Une formule "contre nature", qui provoque le rejet.

 

Ordinateurs et robots développent déjà des capacités d’apprentissage grâce à toutes les informations disponibles sur les réseaux (le Big Data). Les machines intelligentes apprennent ainsi comment fonctionne le monde autour d’elles, comment interagir avec les êtres vivants (humains et animaux). On peut imaginer que ces robots intelligents soient un jour dotés de sensibilité, d’empathie, de capacité d’abstraction, voire d’intuition… Qualités jusque-là réservées aux êtres vivants.

 

Doit-on craindre ces créatures "humanoïdes" ? Il faut moins craindre l’intelligence artificielle que la stupidité naturelle… En d’autres termes, l’éducation et la formation des humains sont primordiales, autant qu’il est nécessaire "d’éduquer" les robots en parallèle.

 

Des peurs irrationnelles, quasi-religieuses

 

À trop personnaliser l’Intelligence artificielle ou le Big Data, on fabrique une sorte de mythe quasi-religieux. On retrouve là les vieilles notions de fin du monde, d’apocalypse et de jugement dernier…La notion de "singularité" chère à Ray Kurzweil a des relents de sacré, de "divinité". Il y a une vision panthéiste dans l’Intelligence artificielle et la singularité. Or l’intelligence artificielle est encore peu développée. La loi de Moore ne s’applique pas à l’IA. On est loin des algorithmes qui soient capables de sentir, d’avoir de l’intuition, de prendre des décisions éclairées, d’avoir les outils physiques pour menacer les hommes.

 

Les adeptes du transhumanisme pensent avoir trouvé la parade au dépassement de l’Homme par l’IA en créant des surhommes et une supra-intelligence individuelle. En cinq décennies, on a vu ainsi émerger les théories du transhumanisme, avec une accélération au XXIe siècle. Ce mot a été créé en 1957 par Julian Huxley, frère d’Aldous, auteur du livre "Le meilleur des mondes". En 1998 a été créé le WTA (World Transhumanist Association) conduisant à une véritable déclaration des "droits transhumanistes" publiée sur internet.

 

Le transhumanisme est-il un humanisme ? 

 

Le transhumanisme considérant l’amélioration par la transformation individuelle, conduit-il à une impasse en se concentrant sur l’individu ? Le transhumain n’ouvre-t-il pas la voix à l’inhumain ? Et surtout, le transhumanisme est-il un humanisme ? Rappelons qu’on désigne par humanisme toute pensée qui met au premier plan de ses préoccupations le développement des qualités essentielles de l’être humain. L’humanisme repose sur la capacité à déterminer le bien et le mal en se fondant sur des qualités humaines universelles, en particulier la rationalité. C’est l’affirmation de la dignité et de la valeur de tous les individus. C'est la raison pour laquelle on peut douter du caractère humaniste du transhumanisme qui apparaît plutôt comme une démarche élitiste, égoïste et narcissique.

 

Élitiste, parce que les transformations prévues sur le corps ou le cerveau sont réservées à quelques privilégiés disposant de moyens financiers, leur permettant d’intégrer de nouvelles capacités ou de subir des modifications.

 

Égoïste, parce que tout ce qui vient de la nature doit retourner à la nature. Dans tous les aspects de l’évolution, on constate que la vie et la mort sont indissociables et indispensables l’une à l’autre.

 

Narcissique parce que la quête d’immortalité risque de conduire à un monde de conflit entre les jeunes générations et les anciennes en compétition pour l’accès aux ressources et au pouvoir. On verrait surgir la suprématie des surhommes sur les sous-hommes, des Alphas sur les Gammas…Si la tentation de la domination d’une caste sur une autre et de l’eugénisme ne sont jamais loin, on se doit de respecter les avancées transhumanistes car elles peuvent mener, grâce à une réflexion philosophique critique et constructive, à repousser les limites du corps humain, à allonger l’espérance de vie et contribuer à une évolution humaine et sociétale positive. Bénéficiant, grâce aux NBIC ((nanotechnologie, biotechnologie, infotechnologie et science cognitive)) d’une symbiose entre biologie-mécanique-électronique et numérique

 

En effet, avec les progrès de la biologie et du numérique, la frontière entre humains, mécanique et électronique disparaît progressivement. Grâce à la neurobiologie synthétique, l'Homme peut entrer en symbiose de plus en plus étroite avec les machines numériques et tirer un bénéfice de sa complémentarité avec les robots et l'intelligence artificielle. Déjà, les objets connectés dans l'écosystème numérique (IOT ou l'Internet des objets) agissent en étroite symbiose avec les humains. Ils créent ainsi un macro-organisme planétaire qui a ses fonctionnalités propres dans sa capacité à traiter les informations.

 

J’ai décrit cette hybridation de plus en plus étroite, entre les êtres humains et les machines numériques, dans "L’Homme symbiotique" (Seuil, 1995). J’appelais ce macro-organisme planétaire, le "Cybionte", produit du mariage de la cybernétique et de la biologie. Une hypothèse aujourd’hui partagée par des scientifiques et philosophes de la complexité, notamment dans le cadre du Global Brain Institute (GBI). Il n’y était pas question de l’avènement de cyborg, d’homme bionique ou de Superman, mais bien d’un humain, "symbiotique", relié à un macro-organisme planétaire construit de l’intérieur, dont nous constituerions les cellules et les neurones

 

Une autre voie est possible, l’hyperhumanisme

 

C’est à ce stade que l’intelligence artificielle peut aider à ouvrir une autre voie. Une voie qui permettrait de dépasser le caractère individualiste, élitiste ou égoïste des promoteurs du transhumanisme, c’est-à-dire de considérer l’intégration des humains et leur symbiose plutôt que leur transformation individuelle.

 

Imaginons que l'espèce humaine parvienne à faire un saut quantitatif et qualitatif, au-delà du transhumanisme, vers ce que j'appellerai l'hyperhumanisme. Au-delà d’une « philosophie » qui se concentre exclusivement sur l'individu et semble dénier à la collectivité les capacités d’évoluer en complémentarité et en symbiose avec les machines numériques et l'intelligence artificielle, c’est, au contraire, vers la symbiose intégrée et collective que doit se diriger l’humanité. Et c’est là tout le défi que devront relever les Terriens du IIIème millénaire.

 

Le Cybionte a commencé à vivre en symbiose avec nous : nous lui sous-traitons déjà des problèmes d’une très grande complexité (météorologie, opérations boursières, trafic routier…) que nos cerveaux et nos ordinateurs individuels sont incapables de traiter en temps réel. Cette symbiose Homme/Cybionte va se développer à une vitesse exponentielle faisant de nous, par une sorte de transmutation, des mutants d’un nouvel âge, ou plutôt des transmutants. Il ne s’agit pas de devenir des transhumains, mais des suprahumains pour entrer dans l’âge de l’hyper-humanisme plutôt que dans celui du transhumanisme. Les caractères humains pourraient être encore plus développés et encore plus humains que ne l’a produit l’évolution.

 

De telles lois existent dans la nature. On les appelle les lois d’intégration différentiation. Dans le corps humain, un globule rouge, un globule blanc ou une cellule de foie sont beaucoup plus "elles-mêmes" que dans une boîte de pétri surnageant dans un milieu nutritif posée sur la paillasse d’un laboratoire. Notre corps est constitué de 6000 milliards de cellules, mille fois plus que d’êtres humains sur la planète. L’ensemble de nos cellules et des microbes utiles que nous hébergeons en symbiose (le microbiome), constitue un méta-génome que les chercheurs sont en train de décrypter. Chaque cellule du corps, chaque microbe du microbiome représente toutes les fonctionnalités que leur permet leur génome et son expression au sein d’une société ou d’un écosystème intégré, beaucoup plus efficacement que s’ils étaient isolés.

 

Ce parallèle montre qu’une symbiose conduisant à l’hyper humanisme pourrait développer d’autres dimensions du cerveau aujourd’hui occultées ou inhibées par la concurrence, la compétition, la nécessité de survie dans un monde parfois hostile et organisé pour la survie de l’individu plutôt que la coopération, la solidarité, l’altruisme et le partage.

 

Une sorte d’immortalité virtuelle

 

Alors que beaucoup craignaient la banalisation de l’Homme, intégré à un plus grand que lui dans le cadre d’une étroite symbiose, ce serait au contraire l’hyperhumanité et l’hyper-humanisme qui prendraient le pas sur l’Homme asservi ou dominé. Il est possible que des sentiments comme la fraternité, l’altruisme, la volonté d’aide, d’empathie, de respect et de solidarité… se développent d’une manière que nous n’imaginons pas encore.

 

Le capital d’idées et de connaissances accumulé au fil des millénaires par l’humanité pourrait être légué aux nouvelles générations et offrir à chacun une sorte d’immortalité virtuelle. Ainsi, il ne s’agit plus de viser l’immortalité biologique, comme en rêvent les transhumanistes, mais d’atteindre l’immortalité virtuelle en faisant en sorte que l’humanité dans son ensemble, l’hyperhumanité, bénéficie pratiquement en temps réel de toutes les innovations et créations, fruit des activités et réflexions des êtres humains connectés à cette intelligence collective, point ultime du développement de la complexité et de la conscience vers lequel se dirige l'univers. Un point Oméga, plutôt qu’un point de Singularité.

 

 Tribune tirée d’une conférences faite sur "L’utopie de transhumanisme" au GODF (Grand Orient de France) le 3 février 2015.

Source : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1358339-intellig...

 

 

 

 

 

 

 

Les Nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives (NBIC)

Principale bulle spéculative actuelle, tout est mis en place pour qu'elles se développent vite et sans frein, alors qu'on ne connait encore pas grand chose à leur sujet, on en trouve déjà partout (alimentation, médicaments, objets, matériaux, vêtements, jouets....) et le tout accompagné d'une privatisation massive de la recherche, quasi aucun contrôle, absolument aucune législation, mais pleine jouissances aux industriels,  banquiers, assureurs etc de ces outils extrêmement puissants et dont on suppose le potentiel toxique, dont un des problèmes les plus fondamentaux : l'hybridation du vivant et de l'inerte, deux notions qui à cette échelle prêtent à confusion. Au niveau nanométrique, la matière ne répond plus aux règles de la physique classique mais à celles de la physique quantique, les effets de leurs propriétés peuvent être décuplés, et ces propriétés modifiés avec une variabilité très fine, et surtout la spécificité des nanoparticules est leur propriété d'agrégat/agglomérat, elles s'attirent naturellement entre elles et peuvent donc former des agrégats dépassant la taille nanométrique tout en conservant leurs propriétés spécifiques. Dans toutes les innombrables applications possible, si certaines peuvent apparaître comme pleine d'espoirs, beaucoup font vraiment froid dans le dos....

 

Pour se tenir éveillés :

 

la Fondation des sciences citoyennes :

http://sciencescitoyennes.org/

 

L'Association de veille et d'information citoyenne sur les enjeux des nanosciences et nanotechnologies (AVICENN) :

www.avicenn.fr

 

Technologos, sur la place de la technique dans nos sociétés modernes :

http://www.technologos.fr/

 

 

 

 

 

 

 

25/04/2015

Pétition : Réacteur nucléaire EPR : 10 milliards d’euros… ça suffit

Après l’annonce d’un énième report de la mise en service du réacteur EPR de Flamanville, la question de son abandon ne peut plus être laissée à l’appréciation du maître d’ouvrage, EDF.

Grâce à la vigilance de l’Autorité de Sureté Nucléaire, un défaut majeur dans la composition de l’acier de la cuve du réacteur a été identifié ; défaut considéré par l’ASN comme « sérieux ».

Avec plus de cinq années de retard et une facture qui a plus que triplé pour dépasser les 10 milliards d’euros, il est peu de dire que ce projet de réacteurs est encore loin d’être abouti et risque d’entraîner Areva et dans sa suite EDF dans une faillite annoncée.

L’Etat actionnaire directement ou indirectement de ces deux entreprises doit faire œuvre de stratégie. Alors que la loi sur la transition énergétique est en passe d’être définitivement adoptée, législation faisant une place de choix à la sobriété énergétique et au développement des énergies renouvelables, il y a un intérêt majeur à ne plus gaspiller les deniers publics dans des projets dont la maturité industrielle est pour le moins sujette à caution.

 

à signer ici : http://epr-nonmerci.agirpourlenvironnement.org/

 

 

10:41 Publié dans AGIR, NUCLEAIRE | Lien permanent | Commentaires (0)

24/04/2015

Peut-on devenir Grec ? Le réalisateur Vahe Abrahamyan parle à GrèceHebdo

 

 
Le réalisateur Vahe Abrahamyan a été interviewé par GrèceHebdo à propos de son nouveau court- métrage Stolen Futures (2015) centré sur  les difficultés propres aux immigrés de la deuxième  génération en Grèce qui ont du mal à obtenir la nationalité grecque. Le film, co-réalisé avec Petros Yassemis, suit Samy (Samuel Akinola), jeune diplômé de l'école grecque, d'origine africaine, qui  fait face à  la réalité d'être adulte sans papiers et étiqueté comme enfant immigrant. Né à Erevan, en Arménie, Vahe Abrahamyan a déménagé en Grèce avec sa famille en 1992, après l'effondrement de l'URSS. Il a fait des études de droit à Athènes à Paris ou il vit actuellement.
 
Pourquoi ce film?
C’est le fruit d’une longue expérience personnelle et collective de la vie d’un immigré de la deuxième génération en Grèce. Puis un jour en travaillant sur les deux premiers livres de mon ami, l’écrivain Gazmend Kapllani,  j‘ai découvert les témoignages d’autres jeunes de la deuxième génération d’immigrés, d’origine africaine surtout. Cela m’a révolté encore une fois. Ces jeunes, par rapport à moi venu d’Arménie ici à l’âge de 11 ans, ont eu en plus le «malheur» d’être nés en Grèce… Là les choses se compliquent encore davantage, car la Grèce refuse de les inscrire à l’état civil et le pays d’origine de leurs parents leur refuse souvent un passeport sous prétexte qu’ils «n’existent pas», puisqu’ils ne sont inscrits nulle part... 

Impossible donc pour eux de s’inscrire à l’université, d’avoir une couverture sociale, de travailler, de voyager, la liste des « impossible» est longue… Même si certains réussissent finalement à obtenir un passeport du pays d’origine de leurs parents- tel fut mon cas- ceux-ci doivent régulièrement justifier  leur existence  légale dans le pays, exactement au même titre qu’un immigré fraîchement arrivé, sous peine d’expulsion. Mais expulser vers où…? 
 
Nous sommes devenus une génération «d’éternels immigrés», rejetés et trahis des deux côtés, sans points de repère… 200.000 enfants. Les «enfants du Pays Imaginaire», comme je le dis à la fin du film. C’est pour moi le symbole d’une société, d’un pays sclérosé qui ne sait pas accueillir et prendre soin de ses propres enfants, de son propre avenir. Car nous sommes fils et filles de la Grèce.
Un jour donc je discutais avec un ami proche en Grèce, Petros Yassemis, une autre sorte d’«immigré» lui aussi… Bien que né de parents grecs, il est né et  passé une partie de son enfance à l’étranger et n’est arrivé en Grèce que plus tard. Il venait de voir une émission sur ces jeunes de la seconde génération. Nous nous sommes fixé comme objectif d’écrire un scénario ensemble, à distance, et de tourner ensuite un film à ce sujet pendant le mois d’été où je serais en Grèce. Le résultat a été ce petit court- métrage de fiction inspiré d’histoires vraies, vécues par des enfants de la deuxième génération d’immigrés en Grèce. Nous espérons que le film contribuera à la sensibilisation du public autour de cette question sociale cruciale, car un grand nombre ignore l’existence même du problème.
 
Est-ce que vous vous identifiez comme Arménien, Grec, Français, Européen ou rien de tout ça ?
Je suis tout ça en même temps. Et c’est bien souvent ça qui met les nationalistes, les fachos etc. dans tous leurs états. Ils n’arrivent pas à réaliser que l’on puisse assimiler en tant qu’être humain une multitude d’identités en harmonie l’une avec l’autre. C’est une source de richesse inépuisable, où chacun est libre de puiser les éléments qu’il préfère. Nous sommes tous uniques. 
 
Je m’identifie donc comme citoyen du monde, ayant des racines, des origines et des influences diverses. Mon séjour de deux ans en Chine par exemple m’a apporté encore tout un nouveau chapitre d’influences. L’essentiel c’est d’être un être humain tout simplement.  L’amour, la haine, la vérité, le mensonge sont partout pareils, l’essence de l’être humain ne dépend pas d’identités nationales. La sensibilité humaine est un travail constant au niveau personnel. Ensuite le collectif en profitera et s’imbibera de ce travail personnel de chacun.
 
Etre  étranger en Grèce correspond à quoi ? 
 
Un étranger est d’abord isolé du reste de sa grande famille qu’il laisse derrière lui. Je suis arrivé avec mes parents et mon frère. En tant qu’enfant il n’y avait plus de grands parents, plus de famille à la campagne. Tout ça est resté dans un autre monde qui s’écroulait à une vitesse acharnée derrière nous. Isolés, seuls, sans parler la langue. Ce n’est pas évident au début. Ensuite les petits pas d’adaptation tracent leur chemin. Nous, les enfants, on s’adapte d’ailleurs beaucoup plus vite. En tant qu’arménien j’ai reçu un accueil plutôt positif des Grecs. Les liens et destins historiques qui lient les deux peuples aident à ce que l’image de l’Arménien soit perçue amicalement dans la société grecque.  Mais justement je trouve aberrant de fonder l’estime de quelqu’un sur ses origines. C’est un racisme primaire.
 
L’accueil a été loin d’être aussi chaleureux pour des Albanais, des Africains, des Pakistanais… la liste est longue. Eux sont souvent caractérisés comme  des «hordes de barbares»… N’est-ce pas ridicule ?
 
Ensuite vient le chapitre  «être un étranger face à l’Etat grec». Et ce chapitre est tout simplement tragique… Tu te sens comme un être de second rang. C’est comme ça que l’administration te traite. Elle n’est déjà pas efficace pour les citoyens grecs, mais pour les étrangers s’y ajoutent le racisme dur et l’impression qu’on te fait une grande faveur, rien qu’en t’adressant la parole… Pour traiter tes papiers, on verra, quand on a envie et puis enfin, n’oublie pas qu’on te fait une énorme faveur, tu peux toujours retourner chez toi.

Et arrivent les attentes interminables pour des papiers… des papiers qui arrivent périmés, avec un ou deux ans de retard et il faut tout recommencer à zéro. Tu voulais partir en Erasmus? Tant pis. T’es un être de second rang n’oublie pas. Peu importe que tu sois né dans le pays ou que tu aies passé la plus grande partie de ta vie dans ce pays. Tu as été, tu es et tu resteras un étranger.  «On naît grec, on ne devient pas grec». C’est au moins ce qu’a stipulé le Conseil d’Etat en 2013 pour retirer une nouvelle loi sur l’acquisition de la nationalité grecque qui mettait fin à toute cette absurdité. Quelle horreur… Des pas en arrière et vers le nazisme. Là ce n’est pas l’Aube Dorée pourtant, c’est le Conseil d’Etat, la cours suprême administrative  du pays ! Espérons que le nouveau gouvernement mettra fin à tout ça. Mais de toute façon il y a beaucoup de travail à faire dans la conscience collective sur l’image de « l’étranger» dans le pays. Cet étranger qui nous ressemble tellement finalement… Et n’est-ce pas cette ressemblance qui fait encore plus peur que les différences, comme le dit mon ami Gazmend Kapllani?
 
La montée du FN en France, de l'Aube Dorée en Grèce: est-ce que la xénophobie et le racisme se nourrissent de la crise?  
Tout ce cancer se nourrit de la crise, mais la crise n’est pas la source. Le cancer y était depuis toujours, il guettait simplement le moment propice pour se répandre.  La source de la xénophobie et du racisme c’est nous, ça vient de l’intérieur de chacun d’entre nous, tout comme la crise elle-même d’ailleurs.  Seul un travail intérieur constant avec amour pour soi et pour les autres peut rejeter ce venin de peur qui empoisonne nos sociétés et les conduit comme on le voit bien, vers le chaos et la destruction.  J’emprunterais cette phrase de Manos Hadzidakis: « …Le néonazisme ce n’est pas de la théorie, de la pensée et de l’anarchie. C’est un spectacle. Vous et nous. Avec comme acteur principal  la Mort.»


INFOS 
                              
                              Le film de Vahe Abrahamyan “Stolen Futures” (sous-titré en français) ici

Ces enfants dévorés par notre mer d’indifférence

 

Une vidéo des gardes-côtes italiens, mardi. Une vidéo des gardes-côtes italiens, mardi. (Photo HO. AFP)

 
TRIBUNE

Pour venir en Italie, mon père et ma mère ont pris l’avion. Ils ne sont pas montés dans une barque, mais dans un avion de ligne confortable. Dans les années 70 du siècle passé, ceux qui venaient du sud du monde, comme mes parents, avaient la possibilité de voyager comme n’importe quel autre être humain. Pas de charrettes, pas de trafiquants, de naufrages, pas de tempêtes à vous mettre en morceaux. C’était en 1969 : mes parents, en l’espace d’un jour et demi, avaient perdu tous leurs biens. Le régime de Siad Barré s’était emparé de la Somalie et, sans y réfléchir à deux fois, mon père et ma mère ont pris la décision de demander l’asile en Italie, pour sauver leur peau et commencer une nouvelle vie.

Mon père avait vécu dans l’aisance, il avait eu une carrière politique, mais après le coup d’Etat, il ne lui restait plus un shilling dans sa poche. On lui prit tout. Il était devenu pauvre.

Aujourd’hui, mon père serait obligé de prendre une barque à partir de la Libye, parce qu’en Afrique, si on ne fait pas partie de l’élite, il n’y a pas d’autre moyen d’aller en Europe. Mais dans les années 70 du siècle passé, l’on avait l’embarras du choix. J’ai en mémoire des parents proches et lointains qui allaient et qui venaient. J’avais quelques cousins qui travaillaient sur une plateforme pétrolière en Libye, et l’un de mes frères, Ibrahim, faisait ses études dans ce pays qui s’appelait autrefois la Tchécoslovaquie. Je me souviens d’Ibrahim en train de fourrer dans sa valise des jeans achetés dans les marchés du quartier en Italie pour ensuite les vendre en sous-main à Prague pour arrondir ses fins de mois d’étudiant. Puis il passait de nouveau chez nous à Rome, et, lorsque l’université fermait, il retournait en Somalie, où une partie de la famille était restée, malgré la dictature.

Si je devais dessiner les voyages de mon frère Ibrahim sur une feuille, je ferais tout un tas de gribouillis. Des lignes entre Mogadiscio et Prague, en passant par Rome, auxquelles s’ajouteraient des déviations, des courbes. En effet, mon frère avait épousé une femme iranienne, et ils voyageaient ensemble. Ainsi, Téhéran faisait partie de leur horizon ; et tant d’autres lieux dans lesquels ils sont restés, mais dont je ne me souviens plus avec précision.

Mon frère, bien que somalien, était libre de ses mouvements, tout comme n’importe quel jeune homme ou jeune femme européenne. Certes, si je devais dessiner les voyages d’un Marco qui vivait à Venise - ou d’une Charlotte qui habite Düsseldorf - je ferais des lignes plus denses que celles que j’ai faites pour mon frère Ibrahim. Alors j’inclurais les voyages scolaires, la fois où son groupe préféré a joué à Londres, le match de Manchester United ; puis les vacances à Paris du garçon ou de la fille, ou encore le voyage pour rendre visite au grand frère muté en Norvège. Et puis, ne va-t-il pas au moins une fois à New York, voir l’Empire State Building ?

Pour un Européen, les voyages sont une constellation, et les moyens de transport se déclinent à l’envi : l’on prend le train, l’avion, la voiture, un bateau de croisière. Il y a quelqu’un qui décide de faire le tour de la Hollande en bicyclette. Les possibilités sont infinies. Pour Ibrahim aussi, en 1970, malgré le rideau de fer. Soit, il ne pouvait pas aller partout sans exception. Mais voyager était dans son pouvoir, avec un système de visas qui ne considérait pas son passeport somalien comme du papier hygiénique.

Aujourd’hui, en revanche, pour qui vient du sud du monde, le voyage se résume en une ligne droite. Une ligne qui te force à aller de l’avant sans jamais revenir en arrière. Il faut atteindre le but, franchir la ligne d’essai et aplatir, comme au rugby. Il n’y a pas de visas, pas de couloir humanitaire ; si dans ton pays il y a la dictature ou la guerre, c’est ton problème. Et l’Europe ne te regarde plus en face : tu n’es qu’un importun. De Mogadiscio, de Kaboul, de Damas, la seule issue est d’aller de l’avant, pas après pas, inexorablement, sans relâche.

Une ligne droite sur laquelle, désormais nous le savons trop bien, l’on rencontre de tout : les trafiquants humains, des policiers véreux, terroristes, des contrebandiers. Tu es soumis à un destin sans merci, qui te condamne par ta géographie, et non par quelque crime commis.

Voyager, c’est un droit qui appartient exclusivement aux peuples du Nord, à cet Occident toujours plus isolé et toujours plus sourd. Si tu es né dans la mauvaise partie du globe, rien ne te sera concédé. Hier, pendant que je réfléchissais sur ce énième désastre dans le canal de la Sicile, dans cette Méditerranée désormais en putréfaction par l’excès de cadavres qu’elle a avalé, je me demandais à haute voix quand exactement ce cauchemar a commencé ; et, avec une amie, la journaliste et écrivain Katia Ippaso, nous nous sommes demandées pourquoi l’on ne s’est rendu compte de rien.

C’est depuis 1988 que l’on se meurt ainsi en Méditerranée. Depuis 1988, les migrants se noient. Une année après, ç’aura été fait de la chute du mur de Berlin ; alors nous étions heureux, et l’on ne s’est pour ainsi dire aperçu de rien lorsque cet autre mur s’est mis tout doucement à croître au milieu de l’eau de notre mer.

J’ai compris ce qui était en train de se passer seulement en 2003. Je travaillais dans un magasin de disques. On avait trouvé treize corps dans le canal de la Sicile : c’étaient treize garçons somaliens qui fuyaient la guerre, cette guerre qui n’avait cessé depuis 1990 et qui les rongeait. Ce chiffre avait semblé comme une mise en garde. Je me souviens que les Romains se sont rapprochés de la communauté somalienne et sont venus à une cérémonie laïque organisée piazza Campidoglio par le maire d’alors, Walter Veltroni. Une communauté divisée par les haines claniques s’est retrouvée unie, ce jour nuageux d’octobre, autour des corps. Les Somaliens amassés sur la place ont pleuré ce jour-là, les Romains aussi, qui ressentaient cette douleur comme la leur.

A présent tout a changé.

L’on pourrait dire que partout il n’y a qu’indifférence.

Mais j’ai bien peur qu’il y a quelque chose de plus terrible encore, qui a dévoré les âmes. Je l’ai ressenti sur ma propre peau, cet été à Hargeisa, une ville du nord de la Somalie. Une dame très digne m’a avoué, presque avec honte, que son neveu était mort faisant le tahrib, ou le voyage vers l’Europe. «C’est le bateau qui l’a mangé», m’a-t-elle dit. La dame était inconsolable, elle n’arrêtait pas de répéter que «quand ils partent, ils ne disent rien. Moi, ce soir-là, je lui avais préparé le dîner, et il n’a rien mangé».

Depuis ce jour-là, je rêve souvent de barques avec des dents, qui attrapent les garçons par les chevilles et les dévorent, comme autrefois Chronos faisait avec ses fils. Je rêve de cette barque, avec des dents énormes, comme des défenses d’éléphant. Et je me sens impuissante. Ou plutôt, pire, je me sens comme une assassine, parce que l’Europe, le continent dont je suis citoyenne, ne lève pas le petit doigt pour construire une politique commune pour affronter cette tragédie en mer d’une manière systématique.

En effet, le mot «tragédie» est peut-être inapproprié. Depuis vingt-cinq ans que ça dure, on devrait parler plutôt d’homicide coupable, surtout maintenant, après l’interruption par une partie de l’Union européenne de l’opération «Mare Nostrum». Un choix explicite de notre continent, qui a décidé de contrôler les frontières, au prix d’ignorer les vies humaines.

Aucun d’entre nous n’est descendu dans la rue pour demander que l’on reprenne l’opération Mare Nostrum. L’on n’a pas exigé de chercher une solution structurelle au problème. Ainsi nous sommes aussi coupables que nos dirigeants. Ce n’est peut-être pas un hasard que ce soit Enrico Calamai, ancien vice-consul en Argentine au temps de la dictature qui a sauvé tant de gens des griffes du régime de Videla, qui a dit, à propos des migrants qui se meurent en Méditerranée : «Ce sont les nouveaux desparecidos. Et cette référence n’est ni rhétorique, ni même polémique, elle est technique, factuelle, car la disparición est une modalité d’extermination de masse, qui est gérée d’une manière telle que l’opinion publique ne risque pas d’en prendre conscience, telle, en tout cas, qu’elle peut dire qu’elle ne le savait pas.»

Extrait de «L’Internazionale» (19 avril), traduit de l’italien par David Stryker

 
 
 
 

Génétique. Modification de l’ADN des embryons : nous y sommes !

Photo Thierry Ehrmann/FlickrCC

La communauté scientifique attend et redoute cette annonce depuis plusieurs semaines : une équipe de généticiens de l'université Sun Yat-sen à Guangzhou a publié ses travaux sur la modification du génôme des embryons.

 

Le papier a été refusé, pour des raisons éthiques par Nature et Science, et c'est finalement le journal Protein & Cell qui l'a publié : une équipe scientifique a donc “édité” le génôme d'un embryon. En clair, ils ont modifié l’ADN pour supprimer un gène responsable de la bêta-thassalémie, une maladie héréditaire provoquant une anémie.

C'est une équipe chinoise de l'université Sun Yat-sen à Guangzhou, qui a mené l'expérience, relate le South China Morning Post. De fait, cette annonce est loin d'être une surprise. Les outils et les techniques pour modifier les cellules germinales – et donc un être humain dans son entier – sont disponibles depuis plusieurs années. Plusieurs scientifiques avaient alerté dans Nature sur l'imminence et les risques liés à de tels travaux. Et la MIT Technology Review a consacré une large enquête à ces travaux en mars dernier. 

 

Le risque réside non pas dans les travaux menés par l'équipe chinoise, mais dans les suites de ces travaux : la conception du bébé parfait, comme le titre la MIT Technology Review. Et ses corollaires : la modification d'une lignée génétique entière, et des êtres humains. Même si l'équipe chinoise dit être “encore loin d'une application clinique”, la communauté scientifique appelle dans sa majorité à une pause, et à un débat éthique.

 

Source : http://www.courrierinternational.com/article/genetique-mo...

Pendant ce temps, en 2008...

 

 

 

23/04/2015

Charles Bukowski - Un poème est une ville

 

Un poème est une ville remplie de rues et d’égouts...
remplie de saints, de héros, de mendiants, de fous,
remplie de banalité et de bibine,
remplie de pluie et de tonnerre et de périodes de
sécheresse, une poème est une ville en guerre,
un poème est une ville demandant à une horloge pourquoi,
un poème est une ville en feu,
un poème est une ville dans de sales draps
ses boutiques de barbier remplies d’ivrognes cyniques,
un poème est une ville où Dieu chevauche nu
à travers les rues comme Lady Godiva,
où les chiens aboient la nuit et chassent
le drapeau : un poème est une ville de poètes,
la plupart d’entre eux interchangeables,
envieux et amers…
un poème est cette ville maintenant,
à 80 kilomètres de nulle part,
à 9 h 09 du matin,
le goût de l’alcool et des cigarettes,
pas de police, pas de maîtresses, marchant dans les rues,
ce poème, cette ville, fermant ses portes,
barricadée, presque vide,
mélancolique sans larmes, vieillissante sans pitié,
les montagnes rocheuses,
l’océan comme une flamme lavande,
une lune dénuée de grandeur,
une petite musique venue de fenêtres brisées…

un poème est une ville, un poème est une nation,
un poème est le monde…
et maintenant je colle ça sous verre
pour que l’éditeur fou l’examine de près,
et la nuit est ailleurs
et des dames grises indistinctes font la queue,
les chiens suivent les chiens vers l’estuaire,
les trompettes font pousser les gibets
tandis que de petits hommes enragent contre des choses
qu’ils n’arrivent pas à faire.

Les jours s’en vont comme des chevaux sauvages dans les collines », ® Editions du Rocher, 2008, traduction de Thierry Beauchamp)

 

 

Eduardo Galeano - Los Nadies

 

 

 

Les puces rêvent de s'acheter un chien

 et ceux qui sont personne rêvent de quitter la pauvreté,

 qu'un jour magique

 pleuve sur eux la providence

 pleuvent des cruches entières de providence ;

 mais la providence ne pleut pas hier,

 ne pleut pas aujourd'hui, ni demain, ni jamais,

 ni même en bruine, elle ne tombera, la providence,

 aussi fort qu'il puissent bien l'appeler,

 et que la main gauche les démange ou pas,

 ou qu'ils se soient levés un matin du pied droit,

 ou qu'il aient commencé l'année en achetant un balai neuf.

 

 Ceux-là qui sont personne : fils de personne

 et proprios de rien.

 Ceux-là qui sont personne : nuls et

 rendus plus nuls encore,

 que l'on voit courir vers du vent

 et jour à jour mourir leur vie,

 enculés doublement.

 

 Qui ne sont pas, bien qu'ils soient.

 Qui ne parlent pas une langue, mais un dialecte.

 Qui ne professent pas une religion,

 mais des superstitions.

 Qui ne créent pas de l'art, mais de l'artisanat.

 Qui n'ont pas de culture, mais un folklore.

 Qui ne sont pas des êtres humains

 mais des ressources humaines.

 Qui n'ont pas de visage, mais des bras.

 Qui n'ont pas de nom, mais un numéro.

 Qui ne figurent pas dans l'histoire universelle,

 mais dans la chronique rouge des presses locales.

 Ceux-là qui sont personne

 et coûtent moins cher

 que la balle qui les tue.

 

  
traduction inédite de Laurent Bouisset
 

 
 

22/04/2015

.......................

11156381_10153303810268420_7189120522143511602_n.jpg

20/04/2015

Il était un petit navire.....

hermione.jpg

..."Pour que vive la liberté, il faudra toujours que des hommes se lèvent et secouent l’indifférence ou la résignation" dixit La Fayette... La réplique de L'Hermione, ce trois-mâts qui emmena en 1780 La Fayette se battre pour l'indépendance américaine vient d'appareiller vers les Etats-Unis au terme d'une journée de festivités sur les berges de l'estuaire de la Charente où ont afflué des dizaines de milliers de personnes. La frégate est la plus grande réplique d'un navire traditionnel jamais reconstruite en France. Ce trois mâts mesure 66m de long et le grand mât culmine à plus de 47. Par ailleurs, en deux semaines, plus de 1 300 personnes ont péri dans les eaux de la Méditerranée, portant à plus de 1 600 le nombre de morts depuis le début de l’année.......

migrants-620x330.jpg

 

 

17/04/2015

Cyberaction : Non à la surveillance généralisée !

LES DÉBATS SUR LE PROJET DE LOI RELATIF AU RENSEIGNEMENT ONT DEBUTE LUNDI 13 AVRIL 2015 À L’ASSEMBLÉE NATIONALE.


Le gouvernement a fait le choix de confisquer le débat démocratique en soumettant ce texte à la procédure accélérée et en entretenant la confusion sur l’objet de ce texte, présenté à tort comme une loi antiterroriste. L’urgence décrétée renvoie dans l’ombre le véritable sujet : les pouvoirs de surveillance de l’État sur les citoyens.

 
Selon Amnesty  la communication gouvernementale ne doit pas nous tromper : en fait d’encadrement, ce projet entérine les pratiques illégales des services et légalise, dans de vastes domaines de la vie sociale, des méthodes de surveillance lourdement intrusives. Le texte ajoute des moyens de surveillance généralisée comparables à ceux de la NSA dénoncés par Edward Snowden, sans garantie pour les libertés individuelles et pour le respect de la vie privée.

Création de « boîtes noires » destinées à scanner le Web indistinctement, collecte de masse de données personnelles, durée de conservation allongée jusqu’à cinq ans pour certaines données, opacité des moyens d’exploitation de ces données…
Les méthodes de surveillance sont massives, le contrôle inconsistant. Le texte issu de la commission des lois porte un déséquilibre liberticide : l’usage de techniques de surveillance est entre les mains de l’exécutif, sans contrôle solide. La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, soi-disant garante des libertés, ne disposera ni des pouvoirs ni des moyens nécessaires pour accomplir sa mission. Le Premier ministre pourra toujours passer outre son avis, et elle ne pourra rien interrompre par elle-même. Le gouvernement se refuse à assurer un contrôle systématique et indépendant a priori des demandes des services et organise un contrôle a posteriori illusoire. La saisine du juge administratif restera aléatoire et la procédure asymétrique, les principes processuels fondamentaux cédant devant le secret défense.


Tous les citoyens sont concernés : non seulement parce que les méthodes relèvent de la surveillance de masse, mais aussi parce que le texte étend dangereusement le champ d’action des services spécialisés. La surveillance pourra s’abattre sur les mouvements sociaux et politiques, au titre de la « prévention des violences collectives » et sur tout citoyen ou mobilisation qui, dénonçant des pratiques industrielles néfastes, porterait atteinte aux « intérêts économiques ou industriels essentiels de la France ». Ce projet est une menace pour les libertés politiques et les mobilisations à venir.
La liberté et la sûreté, droits naturels et imprescriptibles reconnus par la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen sont en péril.
Citoyens et parlementaires doivent refuser ce simulacre de débat et exiger une discussion démocratique protégeant chacun contre les dérives d’une société de surveillance et assurant un contrôle strict et indépendant de l’activité des services de renseignement.

Pour faire entendre la voix des citoyens qui refusent de renoncer sans garantie à leurs libertés individuelles, un rassemblement a eu lieu le lundi 13 avril 2015 à 12h30, place Edouard Herriot, à Paris.
Cet appel est lancé à l’initiative d’Amnesty International France, Attac, Cecil , Creis-Terminal, Fondation Copernic, La Quadrature du Net, LDH Solidaires, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la Magistrature


Faute d'avoir pu nous y associer à temps et devant les multiples demandes d'intervention sur ce sujet hautement d'actualité, nous vous proposons d'interpeller vos parlementaires pour leur faire part de votre inquiétude pour les libertés individuelles.

Nous vous rappelons que l'avantage de la cyber @ction c'est de permettre à chacun de modifier à loisir les textes proposés. Puisque chacun d'entre vous envoie son propre message, il ou elle peut utiliser ses propres mots pour alerter les parlementaires. Les commentaires de la cyber @ction peuvent se faire, pour qui le souhaite, l'écho de ses expressions individuelles.

 

Signez la cyberaction : http://www.cyberacteurs.org/cyberactions/surveillance-gen...
                   

11:42 Publié dans AGIR | Lien permanent | Commentaires (0)

16/04/2015

L’adultisme, ce poison invisible qui intoxique nos relations avec les enfants

 

Cet article est paru dans une version abrégée dans le n° 1 (mars-avril 2012) de Kaizen.
Traduction : Béatrice Mera.

« Dans notre vie, même si nous combattons le racisme, même si nous nous battons pour un monde en paix, même si nous luttons pour un monde plus respectueux de l’environnement, si nous utilisons notre pouvoir sur les enfants qui vivent avec nous, alors nous perpétuons l’injustice et l’oppression. Nous faisons en sorte que nos enfants acceptent un monde basé sur cette loi : celui qui a le plus de pouvoir contrôle celui qui en a le moins. »

En tant que parents ou futurs parents, nous nous engageons à comprendre les besoins physiologiques et émotionnels des enfants. Nous cherchons des informations à propos de l’allaitement et de ses bienfaits sur la santé des enfants. Nous faisons des choix éclairés au sujet de leur alimentation et des jouets que nous leur proposons. Nous faisons des recherches approfondies sur le développement de l’enfant pour savoir comment apporter à nos propres enfants des expériences propices à leur épanouissement. Nous réfléchissons à notre propre enfance et nous imaginons comment nous pourrions être parents : différemment des nôtres ou peut-être de la même façon qu’eux. Comme moi, vous vous êtes peut-être interrogés sur la manière d’élever un garçon dans ce monde de façon à ce qu’il ne devienne pas sexiste. Comme nous sommes une famille métisse, j’ai aussi songé à la façon dont je pouvais l’aider à comprendre qui il est dans ce brassage multiculturel.

Nous pouvons aussi nous situer dans une démarche écologique et nous montrer désireux de vivre un quotidien respectueux de l’environnement pour le bien-être de nos enfants et des générations futures, ainsi nous faisons pour nos familles des choix conscients et en accord avec nos valeurs.

Pourtant, le plus souvent, en tant que parents, nous ne cherchons guère à comprendre l’impact de l’environnement social et culturel qui contribue à former nos points de vue sur les enfants, l’enfance et le rôle des parents. Notre courant de pensée dominant sur l’éducation est basé sur la peur, le contrôle et la domination. Nous utilisons les écoles, les lieux culturels, religieux et même l’autorité parentale pour nier les droits élémentaires des enfants à être traités avec respect et confiance.

Nous vivons dans une culture où la conception du rôle des parents, des enfants et de l’enfance a pour origine l’adultisme. L’adultisme est, dans nos sociétés, le poison silencieux, caché, qui intoxique les relations parents-enfants.

Qu’est-ce que l’adultisme ?

Le professeur Barry Checkoway2 de l’université d'Ann Arbor dans le Michigan définit l’adultisme comme suit : « Tous les comportements et les attitudes qui partent du postulat que les adultes sont meilleurs que les jeunes, et qu'ils sont autorisés à se comporter avec eux de n’importe quelle manière, sans leur demander leur avis. »

Pour lui, hormis les prisonniers et quelques autres groupes sous la coupe de diverses institutions, la vie des jeunes en société est plus contrôlée que celle de n’importe quel groupe dans la société. Qui plus est, les adultes se réservent le droit de punir, menacer, frapper, priver de « privilèges » les jeunes et les discriminent, sous prétexte que tout ceci leur est bénéfique dans ce contexte de contrôle ou de « discipline ». Si telle était la description de la façon dont un groupe d’adulte était traité, la société pourrait très rapidement y reconnaître une forme d’oppression.

Pourtant, les adultes ne considèrent pas l’adultisme comme une forme d’oppression, parce que c’est la façon dont ils étaient eux-mêmes traités en tant qu’enfants, et qu’ils ont intériorisé cette façon de procéder avec les enfants.

Le fondement de l’adultisme repose sur le fait que les jeunes ne sont pas respectés. Au contraire, ils sont considérés comme moins importants et, d’une certaine façon, inférieurs aux adultes. On ne peut pas leur faire confiance pour qu’ils deviennent par eux-mêmes responsables, ils doivent donc être éduqués et disciplinés, maîtrisés et punis, guidés dans le monde des adultes.
Pour leur libération, les jeunes vont avoir besoin de la participation active des adultes. La première chose à faire pour commencer à les aider, c’est de considérer et de comprendre comment nous – les adultes d’aujourd’hui – avons été maltraités et dévalorisés quand nous étions des enfants et des adolescents et comment, en conséquence, nous agissons aujourd’hui de façon « adultiste ».

Car l’adultisme a des incidences sur toutes les relations entre les adultes et les enfants dans notre culture. Il a des conséquences sur la façon dont nous les traitons et sur ce que nous nous sentons le droit de leur faire en tant que parents. L’adultisme est institutionnalisé dans les écoles, les lieux culturels et religieux, dans notre système médical, dans la justice.
J’ai travaillé plus de vingt ans dans l’enseignement supérieur sur la question de l’égalité des chances dans la société. Il m’a pourtant fallu cinq ans, après être devenue parent, pour réaliser que l’oppression que je combattais à l’extérieur de chez moi était fermement établie dans ma propre maison, dans les relations que j’avais avec mon premier enfant. J’ai compris comment l’usage de mon pouvoir et de mon contrôle sur lui ainsi que ma domination semaient les graines de l’oppression et de la discrimination qui allaient se propager par lui ou sur lui une fois adulte. L’adultisme crée un sol fertile pour l’émergence de toutes formes d’oppression.

Les relations que nous entretenons avec nos enfants depuis leur naissance représentent pour eux un modèle de référence avec lequel ils vont voir le monde et faire leurs expériences. C’est le fondement même de la socialisation ou de l’acculturation. Parce que la majorité d’entre nous ont fait l’expérience de la domination et du contrôle quand nous étions enfants, nous trouvons cela normal, même si en tant qu’enfants ou adolescents nous avons combattu cette injustice.

Cette socialisation s’opère dans le subconscient pour façonner le regard que nous portons sur les enfants et sur notre rôle de parents. La conviction que des adultes ont le droit d’exercer leur contrôle sur des enfants se perpétue avec des idées préconçues sur la nature de l’enfance qui sont profondément enracinées dans notre culture. Tout au long de nos vies, nous sommes bombardés d’informations sur la façon dont notre culture interprète le monde. Ces informations englobent l’histoire, les coutumes et les traditions, mais aussi les discriminations, les stéréotypes et les préjugés sur des groupes de personnes, y compris les enfants.

Nous créons ou construisons un regard sur les enfants qui légitime le contrôle et la domination, notre culture définissant les enfants par opposition aux adultes. Nous utilisons les adultes comme la norme de référence à partir de laquelle nous évaluons les actions des enfants. Nous définissons leurs différences comme des déficiences qui doivent être surmontées par une longue procédure de socialisation exécutée par les parents, les enseignants, les écoles et d’autres individus et institutions.
Ce processus de socialisation s’accomplit en utilisant notre très grand pouvoir institutionnel (ou structurel) sur les enfants pour s’assurer qu’ils font bien ce que nous, en tant qu’adultes, croyons être juste.

Il y eut un temps où j’ai cru – parce que j’avais des valeurs et des convictions peu répandues comme privilégier la naissance naturelle, pratiquer l’allaitement prolongé, le co-dodo, et ne pas utiliser de châtiments corporels – qu'utiliser mon pouvoir sur les enfants dans ma vie était acceptable car j’avais rejeté les valeurs éducatives dominantes. Mais je me suis fourvoyée dans cette conviction que mon parentage était le meilleur puisque j’avais consciencieusement étudié et choisi des alternatives au courant dominant dans l’éducation. Car je n’avais pas éliminé l’idée la plus fondamentalement nocive de notre culture : celle de croire que les adultes ont le droit d’utiliser leur pouvoir sur les enfants.

Ce paradigme du « superpouvoir » apprend aux enfants à douter d’eux-mêmes et à s’en remettre aux personnes qui font figure d'autorité pour prendre des décisions qui les concernent et leur dire ce qui est bon pour eux. Le besoin d’autonomie et de libre arbitre est sacrifié au profit des besoins d’ordre et de productivité. L’endoctrinement à l’adultisme est facilité quand le libre arbitre des enfants est écarté et n’est pas pris en compte. Nous pouvons transmettre à nos enfants des valeurs alternatives à la culture dominante, mais notre utilisation du pouvoir sur l’autre est par elle-même nocive et profite à cette culture dominante.

La perte de notre libre arbitre et de la capacité à faire entendre notre voix pendant l’enfance crée un environnement favorable aux institutions pour nous enseigner qu’utiliser le pouvoir sur les autres est l’unique moyen pour notre société de prospérer, d’être productive et performante. C’est ainsi que l’adultisme crée un environnement favorable pour que prospèrent toutes les autres formes d’oppression dans notre société.

Il devient tout à fait normal que celui qui a le plus de pouvoir – l’adulte – contrôle ceux qui en ont le moins – les enfants – pour leur faire faire ce que nous croyons être juste. Parce que la fin ne justifie pas les moyens, peu importe la conviction qui nous anime. C’est la façon dont nous utilisons notre pouvoir et la façon dont nous traitons les enfants qui importe.
Dans notre propre vie, même si nous combattons le racisme, même si nous nous battons pour un monde en paix, pour un monde plus respectueux de l’environnement, si nous utilisons notre pouvoir sur les enfants qui vivent avec nous, alors nous perpétuons l’injustice et l’oppression. Nous faisons en sorte que nos enfants acceptent un monde basé sur cette loi : celui qui a le plus de pouvoir contrôle celui qui en a le moins.

En réalisant ceci, j’ai commencé à comprendre pourquoi militer pour l’égalité des chances dans la société était si difficile. Lorsque j’ai commencé à travailler avec des étudiants à l’université pour les aider à comprendre comment le racisme, le sexisme, l’homophobie ou le rejet des handicapés fonctionnaient dans notre société, ils avaient déjà expérimenté vingt ans de domination et de contrôle. Ils considéraient ce fait comme normal parce que c’est ce que nous faisons tous, désireux de nous assurer l’amour et l’approbation de nos parents. A ce moment-là, je n’avais pas encore mis en relation l’adultisme et les autres formes d’oppression.

Progressivement, j’ai compris que l’adultisme était précisément le lien manquant.

Si nous devons créer un changement social de grande envergure, un monde où la justice est une valeur fondamentale, nous devons nous lancer le défi de nous défaire de l’adultisme que nous avons subi en tant qu’enfants et que nous avons intériorisé en tant qu’adultes. Nous devons nous lancer le défi de nous questionner sur notre propre libre arbitre et notre propre pouvoir, pas uniquement sur le pouvoir et l’autorité des grandes entreprises ou des gouvernements corrompus.

Nous devons nous demander : « Comment se reflète l’injustice du monde dans mes relations avec les enfants dans mon existence ? » « Comment puis-je vivre ma vie de façon à ce que mes actes soient en cohérence avec mes convictions ? » Et nous poser cette question pas seulement à propos des grandes causes auxquelles nous nous rallions, mais aussi à propos des petites décisions que nous prenons tous les jours et qui concernent ceux que nous côtoyons dans nos vies et qui ont le moins de pouvoir.

Nous pouvons insuffler le changement que nous désirons voir émerger dans le monde. Pour cela, nous devons commencer avec la relation la plus importante que nous avons en tant que parents : celle que nous construisons avec nos enfants.

Si nous parvenons à éliminer l’adultisme au cœur de ces relations parents-enfants, alors l’actuelle génération d’enfants pourra voir le monde avec des yeux différents.

Mieux encore, ils pourront agir à partir de cette nouvelle façon de voir les choses. S’ils n’ont pas expérimenté le sentiment d’être déshumanisés, négligés et marginalisés en tant qu’enfants, ils n’auront pas besoin de perpétuer l’injustice sur d’autres quand ils grandiront et auront davantage de pouvoir dans leur vie. S’ils ont expérimenté la confiance, le respect et la solidarité comme modèles de référence, alors ils pourront incarner le changement dont notre monde a besoin.

Ce changement, ce défi pour nous tous, commence avec notre propre remise en question en tant que parents pour rejeter et éliminer l’adultisme sous toutes ses formes, sous notre propre toit et dans l’existence de tous les enfants.


1. Lire sur le site Kindred l'article original (ainsi qu'un deuxième article du même auteur sur l'adultisme) : Adultism: The Hidden Toxin Poisoning Our Relationships with Children.

Teresa Graham Brett consacre une grande énergie, à travers son travail et son rôle de parent, à faire évoluer la société en y prônant l’égalité des chances. Durant vingt ans, elle a travaillé dans l’enseignement supérieur en tant qu’éducatrice, administratrice et consultante, militant pour mettre en place des changements dans la sphère sociale et la justice. Diplômée en sciences juridiques, elle a cependant décidé de ne pas pratiquer le droit. Elle choisit de servir la cause de l’égalité des chances dans la société via son travail avec trois grandes universités aux Etats-Unis. Elle a mis en place des programmes innovants conçus pour créer des outils de changement à l’attention des étudiants, des salariés et des universités. En tant que consultante, elle continue à apporter son expertise et sa passion à ses clients intéressés par l’acquisition d’outils pour changer les inégalités dans la société.

Sa vie a été bouleversée après la naissance de ses enfants, Martel et Greyson, qui lui ont lancé le défi de mettre en pratique ses valeurs de liberté et de respect dans son rôle de parent. Elle a décelé dans sa parentalité des attitudes qui n’étaient pas en cohérence avec les valeurs qu’elle défendait dans son travail. Utilisant son expérience d’éducatrice pour un changement social, elle a entamé son propre apprentissage pour établir des relations respectueuses avec les enfants qui partageaient sa vie.
Cette exploration personnelle ainsi que son désir d’impulser aux autres la mise en place d’un changement social en changeant le regard que nous portons sur les enfants et la façon dont nous les traitons sont relayés sur son site Internet ainsi que dans son livre Parenting for Social Change: Transform Childhood, Transform the World (‟Elever ses enfants pour un changement social”, en anglais uniquement). Vous pouvez la retrouver sur son site Parenting for Social Change.

2. Barry Checkoway, Adults as Allies, W.J. Kellogg Foundation, July 5, 2010, 13. (Voir l'extrait publié sur le site de Teresa Graham Brett.)

 

Source : http://www.oveo.org/ladultisme-ce-poison-invisible-qui-in...

 

 

15/04/2015

Mort de l'écrivain Eduardo Galeano, figure emblématique de la gauche latino-américaine

 

Le Monde.fr | 13.04.2015 à 16h03 • Mis à jour le 14.04.2015 à 08h11 | Par Julie Clarini

     

                                    

image: http://s2.lemde.fr/image/2015/04/13/534x0/4615129_6_3d36_eduardo-galeano-en-avril-2009_94716f5ada91b2f835865b7008843685.jpg

Eduardo Galeano, en avril 2009. Eduardo Galeano, en avril 2009. RONALDO SCHEMIDT / AFP

Le journaliste et écrivain uruguayen Eduardo Galeano est mort lundi 13 avril, à l’âge de 74 ans, dans sa ville natale, Montevideo, après avoir connu l’exil pendant plus de douze ans. Cet auteur prolifique, salué par la critique pour sa prose brûlante, toujours à fleur d’indignation, fut acteur et chroniqueur des luttes d’émancipation qui se sont déroulées sur le continent sud-américain dans le dernier quart du XXsiècle. Son nom restera associé au livre devenu un classique de la gauche latino-américaine, écrit en 1971 : Les Veines ouvertes de l’Amérique latine (traduit en français en 1981), une dénonciation cinglante du pillage des nations d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud par les puissances européennes et nord-américaine, traduite dans une vingtaine de langues. En 2010, le prestigieux prix littéraire Stig-Dagerman distinguait l’écrivain pour « avoir toujours été du côté des damnés de la terre, sans avoir cherché à être leur porte-parole ».

Son parcours, intensément politique, est le reflet d’une époque mouvementée où l’engagement se faisait autant par la plume que par les armes. Né le 3 septembre 1940, il débute très jeune dans la presse, comme journaliste et caricaturiste. A l’âge de 21 ans, il dirige Marcha, l’hebdomadaire-phare des intellectuels latino-américains de gauche, puis le quotidien Epoca. Chassé d’Uruguay par le coup d’Etat de 1973, Eduardo Galeano est également contraint de quitter l’Argentine, pays où il a trouvé refuge et fondé une autre revue, Crisis. Il choisit l’exil en Espagne, à Barcelone, en 1976, et ne revient dans son pays que dix ans plus tard, en 1985, alors qu’y débute la transition démocratique.

« Pour Obama, affectueusement. Hugo Chavez »

Son œuvre engagée témoigne de son attachement indéfectible à la lutte contre l’oppression. Sa trilogie Mémoires du feu (Les Naissances, 1982 ; Les Visages et les Masques, 1984 et Le Siècle du vent, 1986) traduite chez Plon, est une immense fresque inspirée par l’histoire de l’Amérique latine, des peuples précolombiens au XXsiècle : l’écrivain y donne à voir et à sentir, dans un puzzle de faits divers, de témoignages, d’extraits de discours, l’histoire d’un continent qui ploie sous la misère – des pages de prose « violentes, émouvantes, hurlantes de colère », écrivait Pierre Lepape dans Le Monde des livres, en 1988. Seul l’oubli tue véritablement, pensait Galeano, infatigable chroniqueur.

L’une des dernières personnes à avoir rendu visite chez lui à cette grande figure de la gauche latino-américaine est le président bolivien Evo Morales, nouvelle preuve que l’homme fut une figure importante et son œuvre un marqueur. Une anecdote autour de son essai Les Veines ouvertes de l’Amérique latine en témoigne :en marge du sommet des Amériques, en 2009, Hugo Chavez, le président vénézuélien, en avait offert et dédicacé un exemplaire à son homologue américain, Barack Obama — « Pour Obama, affectueusement ».

Aussitôt questionné sur ce geste, Galeano avait répondu que selon lui, ni l’un ni l’autre ne pouvaient comprendre ce texte, ajoutant : « C’est écrit dans une langue qu’Obama n’entend pas. C’est un geste généreux mais un peu cruel. »

Une partie de son œuvre est aujourd’hui disponible en français grâce à la maison d’édition québécoise Lux. Comme tous ses compatriotes, selon lui, il avait voulu être footballeur et avait consacré un très beau livre d’hommage à ce sport, en 1995 : Le Football, ombre et lumière (Climats, 1998). La parution d’un nouveau livre d’Eduardo Galeano, Mujeres (« Femmes »), est prévue jeudi en Espagne.

Eduardo Galeano n’avait jamais perdu la flamme, s’enthousiasmant en 2011 pour le mouvement des Indignés, en Espagne, rassemblé à la Puerta des Sol, à Madrid, qui était pour lui, disait-il, une « injection de vitamine E, pour “Espérance” ». Du reste, dans un entretien à un journaliste espagnol en 2012, il assurait : « Je crois que les mots ont un pouvoir, comme Serenus Sammonicus, qui, en 208, pour éviter la fièvre tierce, conseillait de se mettre sur la poitrine un mot et de se protéger grâce à lui nuit et jour : c’était abracadabra, qui signifie en hébreu ancien “envoie ta foudre jusqu’au bout”… Je choisirais également cette phrase. » Jusqu’à la mort.


En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2015/04/13/mort-de-l-ecrivain-eduardo-galeano_4615130_3382.html#WWIcIoDCbBF10HmY.99
 
 

14/04/2015

Ces patrons de la Silicon Valley qui interdisent la high tech à leurs enfants

Les dirigeants d'Apple, Google ou Twitter limitent l'usage des nouvelles technologies chez leurs enfants, estimant qu'elles pourraient nuire à leur développement.

 

Par Marie-Violette Bernard

publié le 16/09/2014 | 13:33

 

"A la maison, nous limitons l'utilisation des gadgets technologiques." La phrase est prononcée par Steve Jobs, en 2010. Surprenant ? Pas tant que ça, à en croire le New York Times (en anglais), qui explique jeudi 11 septembre que de nombreux dirigeants de la Silicon Valley tiennent leurs enfants à l'écart des nouvelles technologies.

"Nous connaissons personnellement les dangers"

Ainsi, Chris Anderson, ancien rédacteur en chef du magazine spécialisé Wired et actuel directeur exécutif d'une firme fabriquant des drones, limite le temps d'utilisation de tous les appareils électroniques de sa maison. A tel point que ses enfants les accusent, lui et sa femme, "d'être des fascistes bien trop inquiets au sujet de la technologie". "C'est parce que nous connaissons personnellement les dangers de la technologie", répond Chris Anderson au New York Times.

Même son de cloche chez Evan Williams, un des cofondateurs de Twitter, dont les enfants ont accès à des livres et non à des iPad. Certains parents autorisent toutefois leurs adolescents à utiliser ordinateurs et tablettes pour des activités créatives comme la programmation informatique ou le montage vidéo, rapporte le quotidien américain.

Pas d'iPad pour les enfants de Steve Jobs

Plusieurs dirigeants de Google, Yahoo!, Apple ou encore eBay, non contents d'interdire les écrans à la maison, placent en outre leurs enfants dans des écoles anti-technologie. En novembre 2011, le New York Times (en anglais) évoquait ainsi le cas de l'établissement Waldorf, en Californie, où les élèves n'apprennent à maîtriser Google qu'à partir de la 4e.

Les salles de classe sont en revanche dotées de tableaux noirs, de craies et de livres. Selon la direction de l'établissement, les ordinateurs et les tablettes nuiraient à la créativité et à la concentration des enfants. Un point de vue que partageait sans doute Steve Jobs : à la question "Vos enfants aiment-ils les iPad ?", le fondateur emblématique d'Apple avait répondu au New York Times,  en 2010, qu'ils n'en avaient jamais utilisé.

 

Source : http://www.francetvinfo.fr/monde/ameriques/ces-patrons-de...

 

 

Aux États-Unis, une pédagogie "slow-tech" pour former les leaders de demain

 

Alice Gillet  |  Publié le 11.12.2013 à 18H10

           
              
 
Entrée de l'école Walorf de Los Altos © Pierre Laurent & WSP
Entrée de l'école Walorf de Los Altos © Pierre Laurent & WSP

Sur la côte Ouest des États-Unis, la pédagogie Steiner-Waldorf, qui repose sur une pédagogie humaniste, séduit les cadres de la Silicon Valley. Pourquoi ces leaders de l’innovation technologique préfèrent-ils scolariser leurs enfants dans une école sans écrans ? Enquête.

Bien que située au cœur de la Silicon Valley, la Waldorf School of the Peninsula n’a rien d’une école "high-tech". Tables en bois, tableaux noirs, pelotes de laine ornent les salles de cours. Des lycéens plantent des arbres dans le jardin, la grande section de maternelle apprend à compter en faisant du trampoline, des collégiens polissent des spatules en bois fabriquées à la main. En revanche, pas un ordinateur en vue. Et pour cause : les écrans sont bannis de l’école jusqu’à la 4e. Il est également recommandé aux parents de limiter l’accès aux ordinateurs et à la télévision à la maison. Un comble, pour une école de la Silicon Valley. Parmi les parents d’élèves, beaucoup occupent d’ailleurs des postes importants dans les entreprises technologiques qui font le succès la région : eBay, Google, Apple, HP, pour n’en citer que quelques-unes.

La Waldorf School of the Peninsula n’est pas un cas isolé. Mise au point au début du XXe siècle par l’anthropologue autrichien Rudolf Steiner, la pédagogie Waldorf a inspiré un mouvement global d’écoles indépendantes. Depuis l’ouverture du premier établissement Waldorf en 1919 à Stuttgart, on compte désormais plus de 1.000 écoles dans le monde.

Le développement de l'enfant d'abord, la technique après

Elèves de maternelle © Pierre Laurent & WSPLa méthode de Steiner repose sur une philosophie humaniste et une approche holistique de l’éducation, prenant en compte l'enfant dans sa globalité. L’objectif affiché : former des individus libres et responsables, bien dans leur corps comme dans leur tête.

Le cursus original des écoles Waldorf fait appel à l’ensemble des sens pour intéresser et éduquer. On y apprend la menuiserie et le tricot au même titre que les mathématiques et l’histoire. À tout âge, on pratique l’eurythmie, expression artistique héritée de la Grèce antique, où les paroles de chansons sont mimées par des mouvements.

Dès le plus jeune âge, les élèves sont mis au contact de la nature dans ses différents états. On joue avec de la boue, sculpte la terre glaise et fabrique du pain. Les jouets sont en bois, les paniers en osier et les cahiers en papier ; des matériaux naturels uniquement.Cours de tricot © WSP

Une place particulière est accordée au récit. Les contes de fées stimulent l’imagination des petits, tandis que l’étude de biographies permet aux plus âgés d’explorer la multiplicité des parcours et des individualités qui ont fait l’Histoire.

Bref, la Waldorf School of the Peninsula est tout sauf austère. Le refus d’intégrer l’ordinateur dans les petites classes n’est pas un rejet du progrès technique, mais plutôt une volonté de ne pas précipiter les choses et de laisser les enfants "être des enfants".

Nous accordons de l’importance à la technologie, mais elle doit être introduite au bon moment (M.Laurent, enseignante)

"Nous n’introduisons les outils du Web que lorsqu’ils deviennent utiles, c’est-à-dire vers la 4e, précise Pierre Laurent, vice-président et trésorier de la Waldorf School of the Peninsula. Avant cet âge, nous faisons tout pour que les enfants bougent, fassent de grands mouvements, utilisent leurs mains."

La règle d’or de Waldorf : un temps pour tout. C’est le développement de l’enfant qui rythme le cursus scolaire, et non l’inverse. "Nous accordons de l’importance à la technologie, mais elle doit être introduite au bon moment", souligne Monica Laurent, enseignante au collège de la Waldorf School of the Peninsula.

La pédagogie et les méthodes mises en œuvre sont censées accompagner le jeune dans les différentes phases qu’il traverse, du jardin d’enfants au lycée.
Jusqu’à sa 7e année, il apprend par mimétisme, et entretient un rapport au monde concret et immédiat. L’activité physique et les expériences sensorielles de l’environnement sont privilégiées afin d’éveiller son imagination et son goût d’apprendre.
Atelier de menuiserie à l'école Walorf de Los Altos © Pierre Laurent & WSPEntre 7 et 14 ans, l’expression artistique et les travaux manuels permettent à l’enfant d’explorer ses sentiments, d’exprimer sa créativité. Les élèves gardent la même classe et le même enseignant tout au long de ce cycle secondaire. Cela crée un environnement rassurant et solide à l’approche de la puberté.
Après 14 ans, l’adolescent, capable d’abstraction, développe son jugement et son esprit critique grâce à une étude plus académique.

"Dans ma classe, j’introduis l’ordinateur vers 12 ans, par exemple pour faire des recherches si elles peuvent compléter les ressources disponibles en bibliothèque, explique Monica Laurent. Mais toujours avec la supervision des parents. Au lycée, les étudiants les utilisent pour rendre des devoirs écrits, ou étudier des œuvres cinématographiques."

Développer l'esprit d'innovation des jeunes

Collaboration, communauté et créativité constituent le socle de la mentalité Waldorf. Des valeurs qui ne sont pas sans rappeler la philosophie open source ou les mouvements makers qui investissent, par exemple, les fab labs, utilisant les outils numériques pour fabriquer leurs propres produits. Les travaux manuels occupent une place importante dans la scolarité Waldorf.
Un des objectifs, insiste Pierre Laurent, est de "donner aux enfants une culture de la résilience" : être capable de fabriquer ses propres objets soi-même, de s'adapter à des situations imprévues avec astuce. C'est précisément ce qu'offre l'impression 3D, qui permet à chacun d'imprimer à la maison une pièce de rechange pour son horloge ou une tringle à rideaux dans une couleur indisponible en magasin. Mais Pierre Laurent est peu convaincu : "Nous avons effectivement réfléchi à introduire l'impression 3D. Mais, globalement, cela reste trop abstrait, et ne permet pas le même développement physique que la fabrication manuelle."

Seulement, dans cette pédagogie qui valorise l’apprentissage empirique et l’expérience sensorielle, l’ordinateur est tout simplement vu comme un intermédiaire souvent superflu. "On ne peut pas comprendre le monde à partir d’un ordinateur ; ce n’est qu’un outil qui ne pourra jamais remplacer l’enseignant. Nous faisons également en sorte que les enfants apprennent à partir de sources primaires. Pour enseigner la science, nous ne montrons pas aux élèves la vidéo d’une expérience. Ils réalisent l’expérience eux-mêmes", continue Pierre Laurent.

On ne peut pas comprendre le monde à partir d’un ordinateur ; ce n’est qu’un outil (P.Laurent, vice-président de l'école)

L’approche Waldorf, haute en couleur, ne manque pas d’attrait. Mais prépare-t-elle les jeunes au monde de demain ? Pour Pierre Laurent, cela ne fait aucun doute : "Les chefs d’entreprise savent bien que la réussite ne repose pas sur la maîtrise de compétences techniques, soutient-il. Les gens qui réussissent sont ceux capables d’avoir une pensée créative et critique, ceux qui savent collaborer et communiquer."

La maîtrise des outils technologiques, quant à elle, s’acquiert facilement d’après Monica Laurent, qui ne craint pas le décalage entre les élèves Waldorf et les autres. "Les outils et les interfaces sont conçus pour être intuitifs, considère-t-elle. Les élèves n’ont aucune difficulté à apprendre à se servir d’un iPad à 14 ans. Par ailleurs, qui sait à quoi ressembleront les outils de demain ? Ils n’auront peut-être rien à voir avec les ordinateurs tels qu’on les connaît aujourd’hui", analyse-t-elle.

Cours de CP © Pierre Laurent & WSP

De manière apparemment paradoxale, cette pédagogie n’est pas désavouée par des technophiles comme ceux de la French American International School de San Francisco. Dans cette école fortement portée sur l’innovation, tous les élèves sont équipés d’un iPad, qui a remplacé les livres encombrants et les classeurs à feuilles volantes. Les petits doivent laisser leurs gadgets à l’école, les plus grands sont libres de les emporter à la maison. "Nous avons initialement testé l’introduction des iPad dans les classes de 5e. Les résultats se sont avérés positifs et toute l’école les utilise désormais", rapporte Mireille Rabaté, proviseur adjoint des Affaires françaises et principale du collège de la French American International School.

Si elle joue un rôle actif dans l’implémentation des nouvelles technologies au sein de son établissement, Mireille Rabaté jette néanmoins un regard favorable sur une éducation sans écrans, sur le modèle Waldorf. "On peut former des gens de mille façons, même en faisant du tricot ! lance-t-elle. L’important aujourd’hui est d’arriver à développer les talents individuels et la créativité de chacun. Ce serait d’ailleurs une mauvaise idée de vouloir uniformiser l’éducation. La multiplicité des méthodologies est une grande richesse.

Pour les cadres surconnectés de la Silicon Valley, le choix de Waldorf reflète donc avant tout la volonté de redonner à la technologie une place plus modeste : "Lorsque nos étudiants commencent à utiliser les ordinateurs, ils ont déjà tellement de centres d’intérêt que l’ordinateur ne devient qu’une activité parmi d’autres, constate avec satisfaction Monica Laurent. En somme, nous préparons surtout les enfants à une vie heureuse!"

Les écoles Steiner-Waldorf en chiffres
• Dans le monde : 250.000 élèves inscrits dans 1.000 écoles et plus de 2.000 jardins d'enfants.
• En France : 2.500 élèves dans 22 écoles et jardins d'enfants.
• Frais de scolarité : ils diffèrent d'une école à l'autre. Concernant la Waldorf School of the Peninsula évoquée dans cet article, ils se montent à environ 14.000€ par an de la maternelle au collège, et environ 19.000€ par an pour le lycée.
 

Alice Gillet  |  Publié le 11.12.2013 à 18H10

http://www.letudiant.fr/educpros/enquetes/aux-etats-unis-...