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30/07/2007

méfaits de compagnie pétrolière au Chili

Voici quelques images qui montrent les effets de l'extraction du pétrole dans la communauté Araucane de Lonko Puran dans Newken, Püelmapu, par la compagnie américaine Apache Corporation.  
Il y a une version en Castillan, une en anglais et une vidéo d'interview de Peñi Martin V. Maliqueo :

http://www.youtube.com/watch?v=pjijAr7WNUg

http://www.youtube.com/watch?v=pXMk7u3eVR0

http://www.youtube.com/watch?v=xMioI5sWqQE

22/01/2007

Hugo Chávez - Les causes précèdent toujours les conséquences

par Maurice Lemoine
19 janvier 2007

Il est rare que la docte Assemblée générale des Nations unies éclate de rire. Mais Hugo Chávez réchaufferait une morgue, tout le monde le sait. Il faut préciser que la veille de ce jour mémorable du 19 septembre 2006, George W. Bush occupait la place du président vénézuélien devant ce gratin de la gouvernance (ou de l’ingouvernabilité) mondiale (chacun choisira sa version). Vingt-quatre heures ont passé. Chávez contemple l’assistance, prêt à se lancer avec délectation dans la bagarre. Et donc, il s’y lance, c’est son style à lui. « Hier le Diable est venu ici, dans ce même endroit. Ça sent encore le souffre sur ce pupitre d’où je parle maintenant  », jette-t-il en se signant, puis en joignant les mains en signe de prière, levant les yeux au ciel pour en appeler à Dieu. D’où les rires, les applaudissements (et quelques grincements de dents). « Hier, Mesdames, Messieurs, depuis cette même tribune, Monsieur le président des États-Unis, que j’appelle le Diable, est venu, parlant comme s’il était le propriétaire du monde, le porte-parole de l’impérialisme venu délivrer son message de domination et d’exploitation.  »

Évidemment, comme toujours, Chávez a agacé. Dans les jours qui suivront, on verra fleurir les commentaires sur son « anti-impérialisme histrionique », son « narcissisme léninisme », ses « gesticulations intercontinentales », etcetera, etcetera. Même ceux qui ne lui sont pas fondamentalement hostiles hocheront la tête, mi-amusés, mi-affligés. D’une façon générale, ce qui lui porte tort, c’est qu’il parle trop. Interrogé quelques jours plus tard par Time Magazine sur son discours au vitriol, le président vénézuélien s’en expliquera, posément cette fois : « Je n’attaque pas le président Bush. Simplement, je contre-attaque. Bush a attaqué le monde, et pas seulement avec des paroles. Avec des bombes ! Quand je prononce ces mots, je crois que je parle pour beaucoup de gens. Eux aussi croient le moment venu de stopper la menace de l’Empire US, qui utilise les Nations unies pour justifier ses agressions contre la moitié de la planète. »
Qu’on aime ou non Chávez, la thèse se défend. Évidemment, pas partout. Pour ses opposants, à Caracas, c’est tellement nul que c’en est comique (une fois de plus !). Mais eux n’ont pas envie de rire : le pays sombre dans l’anarchie et le président voyage beaucoup. Sans parler de ce qu’ils dénoncent depuis maintenant huit années : il menace la démocratie, gère mal l’économie du pays, dilapide l’argent du pétrole, provoque l’instabilité régionale.
Sur un point au moins, Chávez ne peut pas nier. Il ne laisse pas souvent l’avion présidentiel rouiller dans un hangar. En 2005, il a voyagé en Europe, on l’a même aperçu à Paris, chez Dominique de Villepin. À la fin juillet 2006, il a visité la Russie, la Biélorussie, le Qatar, l’Iran et le Vietnam. En août, il était en Chine, en Malaisie et en Angola. En Algérie, on ne sait plus quand, mais il y est allé. De même qu’au Mali et au Bénin. Sans parler, bien sûr, de tous ses séjours à Cuba... Chávez objecte qu’il ne court pas la planète pour le plaisir de vagabonder. Ces derniers temps, il cherche à faire en sorte que le Venezuela, en représentation de l’Amérique latine, occupe un siège de membre non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU en 2007 et 2008. Dans une période où le président George W. Bush passe son temps à mener des « guerres justes » au nom de sa nation et de la démocratie, la démarche n’est pas forcément inutile. Mais, pour ce faire, il faut au Venezuela des alliés car Washington lui oppose le Guatemala [1].
Washington, faut-il le préciser, n’aime pas Chávez. Assis sur son pétrole et sa « révolution bolivarienne », il veut passionnément instaurer un pouvoir fort et fier défiant le néolibéralisme et les États-Unis. Le 18 août 2006, John Negroponte, directeur de la communauté du renseignement américain, a annoncé la création d’une nouvelle mission spéciale de la Central Intelligence Agency (CIA) pour superviser les activités de cette dernière au Venezuela (et à Cuba).
Comme directeur exécutif de cette nouvelle division, il a désigné un vétéran de l’Agence, J. Patrick Maher. Celui-ci devra faire en sorte que les décideurs politiques puissent disposer d’une panoplie complète de renseignements récents et efficaces sur lesquels ils pourront s’appuyer pour prendre leurs décisions. Quelles décisions, on l’ignore, mais, connaissant l’Amérique latine, du Chili au Nicaragua, on peut plus ou moins deviner. La stratégie implique en tout cas un accroissement des agents de la CIA sur le terrain.
Par rapport à ce type d’annonce, Chávez et les siens professent une théorie qui peut plus ou moins s’exprimer ainsi : l’idée selon laquelle la brute ne va pas venir s’en prendre à toi si tu baisses humblement la tête lorsqu’elle s’approche est complètement fausse, comme le savent tous les gamins dans les cours de récréation.

Les causes précèdent toujours les conséquences. Hugo Rafael Chávez Frías est devenu « Chávez » parce que, dans un Venezuela cinquième producteur mondial de pétrole, il a été un gosse si pauvre que ses parents durent l’envoyer vivre chez sa grand-mère. En ce temps-là - dans les années 1960, puis 1970 -, le pays vivait sous la coupe d’une classe politique corrompue jusqu’à la moelle, adepte de la kleptocratie. L’instinct de possession était fort chez ses membres et leurs affidés, le monde leur avait apporté richesse et succès, ils voulaient le garder en l’état. Un Venezuela transformé en méga centre commercial de produits importés pour une minorité.
Le jeune Hugo devint militaire en 1971 (nul n’est parfait). Encore que l’Amérique latine ait croisé, au long de son histoire tumultueuse, un certain nombre d’officiers progressistes : l’équatorien José Torres, le péruvien Velasco Alvarado, le panaméen Omar Torrijos, pour ne citer qu’eux. L’Europe elle-même n’étant pas en reste avec, par exemple, au Portugal, ceux qui menèrent la « révolution des œillets ». Comme quoi les idées toutes faites méritent à l’occasion d’être interrogées (même si une exception demeure une exception). D’autant que Chávez n’a pas pour modèles le chilien Augusto Pinochet, le paraguayen Gustavo Stroessner ou le nicaraguayen Anastasio Somoza, tous dictateurs de haute volée, mais trois Vénézuéliens dignes d’intérêt : Simón Bolivar (le libertador), Simón Rodríguez (le précepteur du premier), et Ezequiel Zamora (le général du peuple souverain), dont le mot d’ordre demeure d’actualité : « Terres et hommes libres, élection populaire, horreur de l’oligarchie. » Il s’agit là d’un bref rappel, tout cela est largement documenté.
Avec de pareils inspirateurs, qui pourrait s’étonner que, le 17 décembre 1982, en compagnie de trois autres officiers révolutionnaires, le jeune capitaine ait fait un serment, répétant les paroles de Bolivar, à Rome, en 1805 : « Je jure devant vous, je jure par le Dieu de mes pères, que je ne laisserai aucun repos à mon bras ni repos à mon âme jusqu’à voir rompues les chaînes qui nous oppriment.  » Regard sombre, optimisme obstiné, grande confiance en soi, ardeur passionnée à vous convaincre : Chávez fait rapidement des émules. À tous les échelons, de nombreux militaires de carrière n’ont pour la IVe République que colère et mépris.

Les causes précèdent toujours les conséquences. On reproche beaucoup à Chávez d’avoir, en 1992, mené une tentative de coup d’État. L’image d’officier putschiste lui colle encore à la peau. On évoque moins la tragédie du « caracazo » survenue trois années auparavant. Tous de mèche, le président Carlos Andrés Pérez, les vagabonds du gouvernement et le Fonds monétaire international imposent alors au pays un dévastateur ajustement structurel. Frappée au cœur et à l’estomac, la population de Caracas se révolte, le 27 février 1989. Violence, incendies, mises à sac, la faim justifie les moyens. En réponse, la démocratie crache le feu. Oh, elle ne voulait tuer personne, uniquement semer la terreur. Résultat : plus ou moins trois mille morts ! Le pourcentage des Vénézuéliens vivant dans la pauvreté va bondir de 43,90 % à 66,50 % en un an. Mais toute action implique une réaction comme toute dictature, quelle que soit sa forme, matérialise une opposition. Déchiré, Chávez a grondé, au moment du « caracazo » : « Les armes des soldats, les tanks des soldats, les avions des soldats, de terre, d’air ou de mer, jamais, jamais plus sur cette terre de Bolivar ne doivent viser, comme en ce jour maudit ils l’ont fait, la poitrine douloureuse du peuple. Jamais ! Nunca jamás, hermanos. Jamais plus ! » Alors oui, le 4 février 1992, alors que - tout un symbole - le président Carlos Andrés Pérez rentre du Forum de Davos, le lieutenant-colonel de parachutistes Hugo Chávez, à la tête de militaires qui entendent épouser la cause populaire, tente de le renverser. Que ceux qui veulent lui jeter la première pierre la jettent. Le peuple vénézuélien ne l’a pas fait.

Les causes précèdent toujours les conséquences. C’est bel et bien ce coup de force qui, à l’époque, fait de Chávez l’homme le plus populaire du pays. Certes, il a échoué. Ce n’était pas nécessairement non plus le moment décisif. Condamné, emprisonné, puis amnistié deux ans plus tard par le président Rafael Caldera, l’ex-lieutenant-colonel se lance dans la politique - la continuation de la guerre par d’autres moyens. Irradiant, porté par un formidable instinct, il conquiert les foules. Par la faute de ses pitoyables meneurs, le pouvoir prend l’eau. Jusqu’au raz de marée électoral qui, en 1998, le fait couler définitivement.
De taille moyenne, le corps massif, les attaches épaisses, solidement accroché au sol, voilà Hugo Chávez président. Au Venezuela, l’opposition sonne le tocsin. À l’étranger, on l’observe l’homme avec circonspection. Bien peu se hasarderaient à la considérer « de gauche ». Détruire le monde ancien et, sur ses ruines, en édifier un nouveau, c’est là une très vieille idée. Jamais encore elle n’a donné les résultats qu’on attendait. Chávez ne désire-t-il pas simplement briser les chaînes d’une tradition autocratique pour profiter à son tour des avantages du pouvoir ? Dans le meilleur des cas, on estime que sa place se trouve au cabinet des curiosités.
Qu’il fasse approuver une nouvelle Constitution - « bolivarienne » - par référendum n’émeut pas grand monde. Qu’il transforme la République du Venezuela en République « bolivarienne » du Venezuela laisse rêveur. Bolivar... Pourquoi pas Jésus-Christ ? On s’esclaffe poliment. La seule chose qu’on retient de sa gestion, c’est Alo Presidente ! Un marathon télévisé dominical, qui dure parfois plus de six heures, style « le Président est à son poste de combat ». Chávez a un langage toujours direct, parfois brutal, d’une verdeur de corps de garde. C’est aussi un excellent comédien. Il interpelle ses ministres en direct. Même dans les moments difficiles, il a le talent de donner à chacun l’impression qu’il est son préféré. Sauf quand il les réprimande vertement, insatisfait de leurs résultats. Face aux caméras, il rit, il chante, il plaisante, mais, plus que tout, il explique, il détaille les mesures prises par la révolution, il commente la situation du pays. On ne retient de la performance que les rires, les chansons et les plaisanteries. Les opposants s’étranglent, accusant le chef de l’État de démagogie. Lui, tient le peuple en haleine, car, sous ses allures fantaisistes, il fait de la pédagogie. D’ailleurs, lors d’un discours tenu face à la foule réunie devant le Palais présidentiel de Miraflores, pour les cent premiers jours de son gouvernement, le 13 mai 1999, il s’en était expliqué : « Mon message n’est pas destiné aux érudits. Mes paroles, plates et simples vous sont destinées amis, amies. Je veux arriver jusqu’à vous avec mes paroles, arriver à l’homme du commun, à la femme du commun, au jeune du commun, pour qu’ensemble nous analysions et réfléchissions réellement. »

Les causes précèdent toujours les conséquences. Chez Chávez, l’action suit immédiatement la pensée. En novembre 2001, il annonce un sérieux train de réformes... Loi des terres, loi de la pêche, loi sur les hydrocarbures... Des gens de tout type, de préférence le plus mauvais, commencent à sérieusement s’agiter. Personne n’a jamais demandé cela, ce populiste divise le pays. Alors qu’ils vivaient jusque-là en totale harmonie, il dresse les Noirs contre les Blancs, les pauvres contre les riches, les imbéciles contre les gens intelligents...

Les causes précèdent toujours les conséquences. À quoi peut mener une politique qui refuse le capitalisme sauvage ? Qui souhaite un monde multipolaire plutôt que la domination des seuls États-Unis sur l’ensemble de la planète ? Qui refuse d’impliquer le Venezuela dans le plan Colombie, destiné par Bogotá et Washington à en terminer avec les guérillas de ce pays ? Qui sort Cuba de son isolement en lui fournissant du pétrole à un prix inférieur à celui du marché ? Qui veut redistribuer la terre aux paysans pauvres ? Qui crée des « cercles bolivariens » permettant à la population de s’impliquer directement dans la « démocratie participative » ? Qui s’attache à reprendre le contrôle de la compagnie pétrolière nationale - PDVSA - et interdit qu’elle soit privatisée ? Alors même que, le 27 mars 2001, le général Peter Pace, alors chef du Southern Command (le commandement Sud de l’armée des États-Unis), dans une déclaration devant le Congrès américain, a estimé que dans le schéma de pouvoir global, qui inclut le contrôle du pétrole, l’Amérique latine et la Caraïbe ont plus d’importance pour les États-Unis que le Proche-Orient. Oui, à quoi peut mener une telle politique ? En Amérique latine, pour conserver des situations acquises - « Over and over and over again... Oui, toujours plus » -, les privilégiés, main dans la main avec leurs protecteurs du Nord, ont toujours tendance à formuler la même réponse : un coup d’État. On ne s’étendra pas ici sur celui du 11 avril 2002, défini par Chávez comme « le macro coup d’État de l’autre Venezuela, celui de l’argent-roi, qui entend tout acheter avec des billets de banque ». Il s’est soldé par un échec fracassant, contré par une fantastique mobilisation populaire et l’action décidée des militaires loyaux. Pas plus qu’on ne reviendra sur toutes les conjurations naïves ou machiavéliques, les groupes dits secrets, les jours anxieux et les nuits sans sommeil, qui ont accompagné la déstabilisation économique de décembre 2002 - janvier 2003. Sinon pour dire que, après l’avoir pareillement déroutée, le peuple, massé derrière son président, a pris conscience de sa force et de son efficacité.

Les causes précèdent toujours les conséquences. Désormais, les marches de l’opposition attirent tellement peu de monde qu’on dirait des groupes de touristes. Les signaux témoignant de l’effondrement des lois de leur politique et du cadre théorique en vigueur se multiplient. Tout un monde s’écroule, et s’effondrera encore plus quand, le 15 août 2004, Chávez, en présence d’observateurs internationaux, gagne le référendum révocatoire rendu possible par la Constitution - et qu’a demandé l’opposition -, avec 59,06 % des voix.
En règle générale, s’il y a une contradiction entre ce qu’ils ont affirmé et la réalité, les médias nient la réalité. N’ont-ils pas répété en boucle, pendant deux années, sur la foi de « sondages » aimablement fournis, depuis Caracas, par l’opposition : « 70 % des Vénézuéliens souhaitent le départ de Chávez. » Lorsque le voile jeté par les pseudo-spécialistes se déchire, il faut d’urgence trouver une explication. On attribue cette victoire à là « petrochequera » : le chéquier pétrolier du président. Du fait de la situation internationale, les revenus des hydrocarbures se sont envolés, passant de 20 milliards de dollars à près de 50 milliards de dollars par an. Grâce à cette manne céleste et à une politique « clientéliste », Chávez aurait démagogiquement acheté des loyautés. Populiste, vous savez ce que cela signifie, non ? Cette ignorance chronique des choses de la vie, et surtout de la réalité vénézuélienne, n’a rien d’une nouveauté. À Miraflores - le Palais présidentiel -, on rit encore du Français Jacques Julliard, le brillant chroniqueur du Nouvel Obs, venu passer deux jours à Caracas, en juillet 2002, pour y visiter l’ambassade de France et donner une conférence au Teatro Trasnocho. De retour à Paris au terme de cette enquête approfondie, il n’hésita pas à écrire avec le plus grand sérieux : « De l’avis général, Chávez ne terminera pas l’année. »
L’argent de l’or noir, donc. Par certains côtés, l’argument recèle une étincelle de vérité. En décidant souverainement de la destination de ses ressources pétrolières, la révolution bolivarienne a pu financer un autre modèle de développement. Encore a-t-il fallu, pour ce faire, empêcher la privatisation de la compagnie nationale, PDVSA. Participer activement à la revitalisation de l’Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP). Et revoir le partage des bénéfices entre les multinationales et l’État. En vertu de la loi sur les hydrocarbures, une « nationalisation de basse intensité », a imposé à 32 de ces firmes (Shell, ExxonMobil, Chevron, Total, Repsol, YFP, Teikoku, etc.) de nouveaux contrats faisant d’elles des entreprises mixtes ayant pour partenaire PDVSA, laquelle devient majoritaire - 60 à 80 % - dans les nouvelles associations (seule l’Américaine ExxonMobil a refusé). C’est grâce à ce rééquilibrage que la révolution a pu développer des programmes sociaux sans équivalent dans les pays du Sud. Mais l’histoire ne s’arrête pas là...

Les causes précèdent toujours les conséquences. C’est le 30 janvier 2005, devant le Ve Forum social de Caracas, que Chávez s’est prononcé pour « un socialisme du XXIe siècle », sans formule toute faite et se construisant pas à pas. Le présent et le futur l’intéressent, il les invente pragmatiquement, perturbant pas mal les esprits entraînés à ne penser que dans les cadres anciens. Le mot « arbre » n’évoque pas la même image chez un bûcheron, un poète ou un mécanicien. Pareil pour le mot « révolution », selon qu’on est conservateur, social démocrate, altermondialiste ou membre d’une gauche ultra-radicale qui, sans jamais l’avoir faite, en connaît toutes les règles et tous les secrets. Sans compter ceux qui, nombreux, estiment que l’avenir est à la « désidéalisation ». Chávez ne mène-t-il
pas sa fameuse (d’autres disent fumeuse) révolution bolivarienne dans un cadre capitaliste où la propriété privée est respectée et où la majorité des moyens de production restent entre des mains privées ? Jamais les entreprises - en particulier les banques - n’ont fait autant de bénéfices au Venezuela !
Mais, par le biais des « Missions », les investissements sociaux - 15 % du Produit Intérieur Brut (PIB) - ont réussi progressivement à améliorer la qualité de la vie des citoyens aux ressources les plus faibles. Mais, grâce à 20 000 médecins cubains officiant dans des petits dispensaires de quartier, les déshérités ont enfin accès à la santé. Mais, dans le cadre de la campagne d’alphabétisation, plus d’un million de Vénézuéliens ont appris à lire et à écrire. Mais, la privatisation du système des retraites a été stoppée et un système public et solidaire de sécurité sociale a été créé - le nombre de pensionnés passant de 380 000 à 860 000. Mais, environ 15 millions de personnes, la majorité de ceux qui ont les revenus les plus faibles, ont accès à des aliments subventionnés. Mais, le secteur non pétrolier a connu une croissance supérieure au secteur pétrolier en 2005 - de l’ordre de 10,60 %. Et même si le chômage demeure à de hauts niveaux, l’emploi formel a augmenté. Sans parler des repas gratuits dans les écoles, pour s’arrêter là...
Dans les immenses plaines où les zones boisées s’appellent des montagnes, et dans les véritables montagnes qui ont pour nom les Andes, là où auparavant d’immenses étendues, entre les mains de grands propriétaires, ne remplissaient aucune fonction sociale, la réforme agraire a distribué 2 800 000 hectares de terre à 130 000 familles paysannes. Non sans retards, chausse-trappes et difficultés, c’est vrai, du fait d’institutions
fonctionnant trop souvent au ralenti. Il n’empêche que, dans les habitations de barro - mélange de boue plaqué sur un treillis de bois - surmontées de l’inévitable toit de tôle ondulée, qu’emplissent selles de cuir brut, lames, sacs de café, stocks de bougies, lampes tempête, pioches, pelles, bottes et piles de vêtements, on attend de pied ferme les opposants, à quelques mois de l’élection présidentielle de décembre 2006 : « Qu’ils se lavent dans leurs piscines. Mi presidente n’est pas seul. Tout le campo est d’accord avec le président.  » Il est le lien entre l’or noir et les citoyens.

Les causes précèdent toujours les conséquences. En quelques années, Chávez est devenu le leader le plus influent de la région. Non que les gouvernements qui l’entourent, fussent-ils de centre gauche comme celui de Lula au Brésil, de Nestor Kirchner, en Argentine, ou de Tabare Vásquez en Uruguay, aient en partage son volontarisme radical. Mais parce qu’il est celui qui définit l’agenda et les termes du débat. Pendant longtemps, on n’a retenu que son amitié pour Fidel Castro et l’alliance stratégique établie par le Venezuela avec Cuba. L’échange pétrole contre médecins (pour aller vite). À l’exception des déshérités, peu ont dressé l’oreille lorsque, lançant la « Bataille des blouses blanches », en août 2005, Caracas et La Havane ont fait une offre généreuse à la région : soigner gratuitement, dans les dix prochaines années, six millions de Caribéens et Latino-américains touchés par de graves affections de la vue - glaucome, cataracte, etc. Et lorsqu’ils se sont engagés à former 200 000 médecins. Et surtout, lorsqu’ils sont passés à l’acte...On a considéré en ricanant la naissance de l’Alternative bolivarienne pour l’Amérique (ALBA), une intégration basée sur la coopération et non sur la concurrence, qui prendrait en compte les franges de population les plus défavorisées et reposerait sur les bases d’un développement endogène. Complémentarité, coopération, solidarité, respect de la souveraineté des pays, une rupture avec la logique de la compétition et celle, aveugle, de l’esprit de lucre. Mais très vite, on a dû prendre Chávez et son utopie d’intégration continentale au sérieux. Il ne s’agissait pas que d’un discours « à haut contenu émotionnel », comme on l’a trop souvent prétendu. En juin 2005, la naissance de Petrocaribe permet à 14 pays de la Caraïbe, étranglés par les prix internationaux des hydrocarbures, d’acheter leur pétrole au Venezuela à tarif préférentiel (avec facilités de paiement et crédits pouvant aller jusqu’à 25 ans). Le 27 avril 2006, dans un entretien à la BBC, le ministre de l’énergie Rafael Ramírez évoque la situation absurde qui prévalait jusque-là : « En cent années de production d’hydrocarbures dans le pays, on n’a pas envoyé un seul baril dans la Caraïbe, au Brésil, en Argentine, en Uruguay. » Tout pour les États-Unis, dont entre 11 % et 15 % des importations de pétrole proviennent du Venezuela - autant sinon plus que d’Arabie saoudite. Dès lors, Caracas multiplie les accords de coopération énergétiques avec le Brésil, l’Argentine, l’Équateur, la Bolivie. Un projet de gazoduc, d’une longueur de 8 000 kilomètres, a été officiellement lancé en décembre 2005, pour relier le Venezuela à l’Argentine via le Brésil. Son coût est estimé de 8 à 12 milliards de dollars, selon qu’il se raccorde aux gazoducs existants ou qu’il traverse le centre du Brésil. Bolivarien jusqu’au bout des ongles, Chávez accélère même avec son « frère ennemi », le président colombien Alvaro Uribe, la construction d’un oléoduc qui traversera une bonne partie du territoire des deux pays et amènera le brut et les produits raffinés vénézuéliens aux marchés asiatiques, en utilisant comme sortie un des ports colombiens situés sur le Pacifique (la Chine doublera sa consommation pétrolière au cours de la prochaine décennie et Chávez y a de bons contacts - vu ses voyages incessants !).
Signature d’accords allant du secteur énergétique au militaire avec le Brésil, naissance d’une télévision latina - TeleSur - pour contrer l’influence de CNN, projet de création d’une Banque sud-américaine pour le développement, échange intense de pétrole et autres combustibles avec l’Argentine, achat de bons de la dette extérieure de Buenos Aires, entrée du Venezuela dans le Marché commun du Sud (Mercosur), le 9 décembre 2005, nouvelles alliances avec les grands pays émergents que sont l’Inde, l’Afrique du Sud et la Chine, Chávez rompt le « cordon sanitaire » que Washington tentait d’établir autour de lui. Sa forte présence et le renforcement de l’axe La Havane-Caracas par La Paz depuis qu’Evo Morales a été élu président de la Bolivie, modifie la donne de l’intégration régionale et divise, c’est vrai, l’Amérique latine en blocs politico-idéologiques très marqués. Car, « ponts vers le premier monde » prêtant l’oreille aux sirènes du dollar, il reste des régimes de droite dans la région : Colombie, Équateur, Pérou, Mexique (peut-être grâce à une fraude électorale) ainsi que toutes les nations d’Amérique centrale. Cette tornade nommée Chávez ne cesse d’y agiter les sommeils et de creuser les ulcères plus profondément. On voit sa main partout. On l’accuse de financer les oppositions à coups de pétrodollars, on lie sa révolution pacifique avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), on implique son pays dans l’enlèvement et l’assassinat de Cecilia Cubas, fille de l’ex-président du Paraguay Raul Cubas, on prétend qu’il manipule Evo Morales lorsque celui-ci, souverainement, nationalise les hydrocarbures en Bolivie. Régulièrement, la voix sèche du président vénézuélien résonne au milieu du brouhaha : « Quelques individus indignes disent que j’ai un gros chéquier qui achète les volontés. Ils disent que j’achète Evo et tout un peuple. Ces vassaux de l’Empire, vendus à l’impérialisme, qui ont été élus présidents et ont trahi les espérances d’un peuple, passeront à l’histoire réduits en poussière. Ils disparaîtront.  » Moyennant quoi, le général Michael D. Maples, directeur de l’Agence du renseignement de la Défense (DIA), ne se trompe pas vraiment lorsque, le 28 février 2006, il se présente devant la commission de la défense du Sénat américain : « Nous considérons que quelques-uns des objectifs stratégiques du président Chávez incluent l’affaiblissement de l’influence régionale des États-Unis et l’unification de l’Amérique latine sous une idéologie bolivarienne de gauche. Tandis qu’il coupe les liens avec les États-Unis, le président Chávez a cherché à augmenter ses liens commerciaux avec la Chine, l’Iran et la Russie, et a intensifié ses efforts pour influer sur quelques gouvernements de la région en leur offrant des accords pétroliers préférentiels. »

Les causes précèdent toujours les conséquences. Fonctionnant en mode binaire, à la manière des ordinateurs, les États-Unis aiment bien les alternatives : noir ou blanc ; bien ou mal ; ami ou ennemi. Depuis son arrivée au pouvoir, ils ont tout fait pour déstabiliser Chávez, appuyant en sous-main la tentative de coup d’État d’avril 2002. À présent, la tornade s’annonce sérieuse. Cet individu capable de terminer ses discours par un « Hasta la victoria siempre ; la patrie ou la mort ; venceremos » ! qu’on croyait définitivement éradiqué, ou, paraphrasant Che Guevara pour appeler à la création « d’une, deux, trois Bolivies en Amérique latine, dans les Caraïbes, afin de contrer les politiques néolibérales et sauvages de Washington », indispose la Maison Blanche au plus haut point. Récemment, il est allé jusqu’à s’opposer à la présence de la délégation du Conseil de gouvernement irakien aux réunions de l’OPEP...Haute tension et affrontements verbaux, en février 2005, en quelques jours, Washington a accusé le président vénézuélien, à travers ses porte-parole de la Maison Blanche, du Département d’État et de la CIA d’être une « menace régionale », un gouvernement « instable », un « fournisseur peu fiable de pétrole » et de mener une course aux armements. L’offensive a continué en 2006, le secrétaire d’État à la Défense Donald Rumsfeld comparant Chávez à Hitler - lui aussi élu démocratiquement ! Le 15 mai 2006, le département d’État a interdit l’exportation et le transfert au Venezuela d’équipements et de matériels militaires, l’accusant de ne pas coopérer suffisamment à la guerre contre le terrorisme. Engageant le fer, haussant le ton, Chávez a répondu en annonçant l’achat de 24 avions de chasse Sukhoi-30 et de 54 hélicoptères de combat à la Russie. Sans forcément rêver d’en découdre, mais brandissant l’exemple du soldat citoyen Simón Bolivar, il réorganise la réserve et entend préparer, entraîner et équiper entre 1,5 million et 2 millions de réservistes pour défendre jusqu’à l’ultime confin du pays en cas de « guerre asymétrique ». Depuis lors, des cohortes de civils et de militaires en tenue de camouflage se préparent pour faire face à une possible invasion. Derrière leur comandante, ils n’ont pas l’ombre d’une arrière-pensée. Que les Américains le sachent : tuer est un sport très amusant, à condition que les victimes veuillent bien se laisser abattre.

Les causes précèdent toujours les conséquences. On ne résiste pas à l’Empire en demeurant isolé. Le 16 septembre 2006, à Cuba, Chávez a exhorté les 56 chefs d’États et de gouvernements qui s’y trouvaient réunis au nom du Mouvement des non alignés - 116 pays, les 2/3 de l’Assemblée générale des Nations unies -, à relancer l’organisation pour faire face aux États-Unis. « L’impérialisme américain est en déclin. Un nouveau monde bipolaire apparaît.  » Évidemment, emporté par sa fougue et le réflexe parfois nocif « les ennemis de mon ennemi sont mes amis  », il lui arrive de dépasser les bornes du savoir vivre et d’en faire un peu trop. Lors de ses « tournées mondiales », il a pu, tout à sa propre expérience et à sa logique, féliciter le satrape biélorusse Alexander Lukashenko, souvent considéré comme « le dernier dictateur d’Europe », pour avoir « maté » sa contre-révolution. Dans les studios d’Al-Jazira, au Qatar, il a légitimement condamné l’intervention israélienne au Liban, mais a passablement dérapé lorsqu’il a déclaré que l’ « armée israélienne se comportait pire que les nazis ». Lorsqu’il reçoit, à Caracas, le président iranien Mahmoud Ahmadinedjad et s’enflamme - « Deux révolutions se donnent la main : le peuple perse, guerrier du Moyen-Orient et les fils de Simón Bolivar, les guerriers des Caraïbes, des peuples libres. » - beaucoup sursautent. Certes, Mahmoud Ahmedinedjad ne commence pas une intervention sans invoquer Allah et Chávez ne prononce pas un discours sans évoquer le Christ. Mais la ressemblance s’arrête là. Ahmedinedjad nie l’Holocauste et veut rayer Israël de la carte ; Chávez n’a jamais menacé aucun pays et se bat, au Venezuela, contre la hiérarchie catholique, pour faire respecter la laïcité. Lorsque le président vénézuélien donne une forte accolade à son homologue iranien, il n’appuie pas sa politique intérieure, mais défend le droit de ce pays - comme celui de la France, de la Grande-Bretagne, du Brésil, de l’Argentine, de tout autre, et même, pourquoi pas, du Venezuela - à maîtriser l’énergie atomique. En ne pointant du doigt que ces « dérapages », les médias occultent l’essentiel : la signature dans de nombreux autres pays, parfaitement démocratiques, d’accords Sud-Sud de tout type, et une action déterminée pour la démocratisation du Conseil de sécurité de l’ONU. Totalement passés sous silence. « Pourquoi subir ce scénario informatif qui, s’il agite les esprits en France, tourne radicalement le dos aux préoccupations des Vénézuéliens » ? s’insurge, depuis Caracas, Thierry Deronne, vice-président de la télévision communautaire ViveTV. « Je parle de huit années de travail mené par des millions de citoyens, qui découvrent le sens du mot démocratie, et dont les réalisations, désirs, pensées, actes transformateurs, organisations, sont exclus d’avance de ce théâtre médiatique bien huilé.  »

Les causes précèdent toujours les conséquences. Peut-il y avoir un « chavisme » sans Chávez s’interrogent ceux qu’intéresse davantage le futur que le présent ? Ou qui s’inquiètent des menaces régulièrement proférées contre lui. Mais, somme toute, la question a son importance. Le futur président y avait répondu, par avance, dès 1996 : « Ici, il n’y aura pas de sauveur. Seul le peuple sauve le peuple. Il n’y aura ni sauveur, ni Messie, ni Chávez. Sans organisation populaire et un mouvement bien encadré, il n’y a aucun changement possible. » Un peu plus tard, déjà au pouvoir, et alors que certains s’impatientent de l’absence de clarté idéologique, d’une identification avec les politiques réformistes, et de l’absence de transformations immédiates : « Je me considère comme un
révolutionnaire. Maintenant, qu’un révolutionnaire ou un groupe de révolutionnaires puisse faire la révolution en si peu de temps, c’est une autre chose.
 » Qui oserait affirmer qu’on assiste, au Venezuela, à une révolution idéale ? Un nouveau modèle, prêt pour l’exportation. Le progrès y avance à grands ou petits pas, sans qu’on sache exactement où il va. Cela agace souvent ceux qui préfèrent une réponse rapide et simple à la description d’une réalité complexe. Parfois comique, mais somme toute significative. Car le Venezuela n’est ni la Suisse ni l’Australie, mais le Venezuela. Le sous-développement laisse des traces qu’on n’efface pas en un tournemain.
Le président se rend en province et prononce un discours devant une foule tout acquise, sous un cagnard de feu. Attentif au bien être du peuple, et au principe d’égalité, Chávez, à qui l’on a respectueusement réservé un auvent, constate avec un sourire amusé : « Je tiens à féliciter les organisateurs, mais je vois que nous seuls sommes à l’ombre. Je ne comprends pas, il y a des arbres là-bas. La prochaine fois, ou l’on met tout le monde à l’ombre, ou tout le monde au soleil.  » Message reçu. La fois suivante, tout le monde se retrouve au soleil, Chávez y compris. L’organisation, les ministères, les organismes divers et variés nagent souvent dans les complications, les variantes continuelles, l’incohérence. La révolution se déroule dans le cadre d’un État pourri, d’une administration peu efficace, noyautée par l’opposition. Pacifique autant que démocratique, « le processus » a coupé peu de têtes. En 2005, le gouvernement a construit 41 500 nouveaux logements, le tiers des prévisions. Chávez enrage, l’intendance ne suit pas. D’ailleurs, il ne sait pas tout. Mais quand bien même... Pour les siens, il est extrêmement difficile de le critiquer, car chaque critique apporte des munitions à l’opposition. Le processus avance par à-coups, tantôt butant sur un obstacle incompréhensible, un événement inattendu. Mais soudain, il dépasse brusquement des barrières qui paraissaient infranchissables la veille encore. Projets sociaux, réforme agraire, logements populaires (malgré tout), universités décentralisées, comités des terres urbaines, Banque des femmes, Banque du peuple, microcrédits, création de milliers de coopératives, auto ou cogestion d’entreprises récupérées, démocratisation du spectre radioélectrique et création de médias communautaires, reconstruction des services publics, participation de la population à travers les mécanismes de la démocratie participative, le Venezuela est devenu un laboratoire de l’anti-néolibéralisme unique au monde.
Face au phénomène, l’opposition vieillit, n’arrive pas à accrocher les problèmes de fond, patine dans sa croisade contre les risques de tyrannie, se cantonnant à dénoncer la « tumeur maligne » qui, depuis plusieurs années déjà, ronge son malheureux pays. Bien qu’elle ait désigné un candidat unique, Manuel Rosales, gouverneur de l’État de Zulia, pour l’élection présidentielle du 3 décembre 2006 [article rédigé avant l’élection présidentielle, ndlr], nul ne peut parier que, devant une défaite probable, elle ne se retirera pas avant le scrutin, pour délégitimer la victoire de Chávez. Elle l’a déjà fait lors des législatives de décembre 2005. Dès lors, rien de plus facile que de reprendre et répandre les truismes de Washington, de ses amis européens et de la « bobocratie » triomphante. Première idée : le « populisme » constitue la cause des maux politiques et économiques de l’Amérique latine. Deuxième idée : les hommes politiques ou gouvernants peu dociles aux injonctions de Washington sont populistes. Quant au « populisme de gauche », c’est l’antichambre de la dictature !
Et justement, puisqu’on en parle... Le 1er septembre 2006, Chávez a annoncé la possible organisation d’un référendum ouvrant la possibilité, pour le chef de l’État, de se faire réélire indéfiniment, jusqu’à ce que le peuple lui dise « non » dans les urnes - alors que l’actuelle Constitution n’autorise qu’une seule réélection. « Chávez veut être président à vie  » ont immédiatement réagi les gazettes Le Monde et Libération, pour ne citer qu’elles. L’ombre de Duvalier plane sur le Venezuela. Un peu hâtif... Vu le contexte du Venezuela, l’idée possède sa logique, qui tient aux énormes défis à relever. Pourquoi ne pas le dire ? L’habileté et la force de Chávez ont produit une extrême dépendance du mouvement qui l’appuie. De sorte que s’il disparaissait, tout le mouvement risquerait de se rompre en mille morceaux, ayant perdu le lien que le maintient uni. Il faut donner du temps au temps. On peut considérer la solution insatisfaisante, mais elle répond à une situation donnée. Pas forcément à un culte de la personnalité. Par ailleurs, depuis quand les référendums ne sont-ils plus démocratiques - surtout s’ils se déroulent en présence d’observateurs internationaux ? D’autant que, sauf erreur, rature ou omission, l’ « accusé » peut gagner le référendum, mais il peut aussi le perdre si les Vénézuéliens rejettent sa proposition. On ajoutera qu’il existe, dans la Constitution bolivarienne, la possibilité de révoquer le président à mi-mandat par voie référendaire si l’on n’est plus satisfait de son action. Enfin, sans être spécialiste du droit électoral international, on signalera qu’il existe au moins un pays, certes un petit pays, mais pas vraiment une République bananière, où l’on peut briguer plus de deux mandats : la France ! S’il le désire, Jacques Chirac peut se présenter une troisième fois, et pourquoi pas une quatrième, au suffrage de ses concitoyens. Parle-t-on ici de dictature et de présidence à vie ?

Notes:

[1] [NDLR] L’Organisation des Nations Unies (ONU) a été le théâtre d’une âpre lutte d’influence en octobre et novembre. L’élection par l’Assemblée générale de nouveaux membres non permanents - pour deux ans - au Conseil de sécurité de l’organisation internationale a reflété fidèlement la conjoncture actuelle que traverse une Amérique latine polarisée. En effet, deux pays de l’hémisphère concourraient pour le siège réservé aux Latino-américains : le Guatemala, « candidat » des Etats-Unis, et le Venezuela. Si le Guatemala a remporté à chaque reprise les scrutins, il n’a jamais obtenu les deux tiers requis pour obtenir le siège convoité. Après 48 scrutins, les deux pays sont finalement arrivés à un compromis pour se retirer de la course et désigner le Panama.

www.risal.collectifs.net/article.php3?id_article=2025...

Source : Les Cahiers de Louise (http://www.lescahiersdelouise.org), décembre 2006.

 

11/12/2006

Des bouées de sauvetage de plomb par Eduardo Galeano

18 août 2006
Nos pays se modernisent. Aujourd’hui le discours officiel nous dit d’honorer la dette (même si elle est déshonorante), d’attirer les investissements (même s’ils sont indignes), et d’entrer dans le monde (même si c’est par la porte de service).
En réalité, on continue à croire aux histoires de toujours.
L’Amérique latine est née pour obéir au marché mondial, quand le marché mondial ne portait pas encore ce nom, et tant bien que mal nous sommes toujours liés au devoir d’obéissance.
Cette triste routine des siècles a commencé avec l’or et l’argent, puis avec le sucre, le tabac, le guano, le salpêtre, le cuivre, l’étain, le caoutchouc, le cacao, la banane, le café, le pétrole... Que nous ont laissé ces splendeurs ? Elles nous ont laissés sans héritage ni patrie. Des jardins transformés en déserts, des champs abandonnés, des montagnes percées, des eaux pourries, de longues caravanes de malheureux condamnés à une mort précoce, des palais vides où les fantômes déambulent ...
Aujourd’hui c’est au tour du soja transgénique et de la cellulose. Et à nouveau l’histoire des gloires fugaces se répète, qui, au son de leurs trompettes, nous annoncent des malheurs sans fin.

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Le passé serait-il muet ?
Nous refusons d’écouter les voix qui nous alertent : les rêves du marché mondial sont les cauchemars des pays qui se soumettent à ses caprices. Nous continuons à applaudir le détournement des biens naturels que Dieu, ou le Diable, nous a donnés, et nous travaillons ainsi à notre propre perdition, et contribuons à l’extermination du peu de nature qui reste dans ce monde.
L’Argentine, le Brésil et d’autres pays latino-américains sont en train de vivre la fièvre du soja transgénique. Des prix alléchants, des rendements démultipliés. L’Argentine est, depuis longtemps, le deuxième producteur mondial de transgéniques, derrière les Etats-Unis. Au Brésil, le gouvernement Lula a réalisé l’une de ces pirouettes qui ne rendent pas un fier service à la démocratie : il a dit oui au soja transgénique, alors que son parti avec dit non durant toute la campagne électorale.
C’est le pain d’aujourd’hui et la faim de demain, comme le dénoncent certains syndicats ruraux et organisations écologiques. Mais on sait bien que les compatriotes ignorants refusent de comprendre les avantages des pâturages en plastique et de la vache à moteur, et que les écologistes sont des rabat-joie à toujours cracher dans la soupe.

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Les défenseurs des transgéniques affirment qu’il n’est pas prouvé qu’ils soient mauvais pour la santé humaine. En tout cas, il n’est pas non plus prouvé qu’ils ne le soient pas. Et s’ils sont aussi inoffensifs que ça, pourquoi les fabricants de soja transgénique refusent de spécifier, sur les emballages, qu’ils vendent ce qu’ils vendent ? Ou serait-ce que l’étiquette de soja transgénique n’est pas la meilleure publicité qui soit ?
Par contre, il y a bien des preuves que ces inventions du docteur Frankenstein sont mauvaises pour la santé du sol et qu’elles réduisent la souveraineté nationale. Exportons-nous du soja, ou exportons-nous du sol ? Et n’est-on pas pris, par hasard, dans les filets de Monsanto et autres grandes entreprises dont nous devenons dépendants des semences, des herbicides et des pesticides ?
Des terres qui produisaient de tout pour le marché local, se consacrent aujourd’hui à un seul produit pour la demande étrangère. Je me développe vers l’extérieur, et je m’oublie de l’intérieur. La monoculture est une prison, elle l’a toujours été, et aujourd’hui, avec les transgéniques, elle l’est plus encore. La diversité, au contraire, libère. L’indépendance se réduit à l’hymne et au drapeau si elle ne se fonde pas sur la souveraineté alimentaire. L’autodétermination commence par la bouche. Seule la diversité productive peut nous défendre des subites chutes de prix qui sont une habitude, une habitude mortifère, du marché mondial.
Les immenses extensions destinées au soja transgénique rasent les forêts natives et expulsent les paysans pauvres. Ces exploitations hautement mécanisées occupent peu de bras, et en échange exterminent les petites plantations et les potagers familiaux, à cause des poisons qu’elles épandent. L’exode rural vers les grandes villes se multiplie, où l’on suppose que les expulsés vont consommer, si la chance est de leur côté, ce qu’auparavant ils produisaient. C’est l’agraire réforme : la réforme agraire à l’envers.

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La cellulose aussi est devenue à la mode, dans plusieurs pays.
L’Uruguay, par exemple, veut devenir un centre mondial de production de cellulose pour fournir en matière première bon marché les lointaines fabriques de papier.
Il s’agit de monocultures d’exportation, dans la plus pure tradition coloniale : d’immenses plantations artificielles qu’on dit être des forêts, et qui se transforment en cellulose au cours d’un processus industriel qui vomit des déchets chimiques dans les rivières et rend l’air irrespirable.
Ici ça a commencé par deux énormes usines, dont l’une est déjà à moitié finie. Puis s’est rajouté un autre projet, et on parle d’un autre, et d’un autre encore, tandis que de plus en plus d’hectares sont destinés à la fabrication d’eucalyptus en série. Les grandes entreprises internationales nous ont trouvés sur la carte, et d’un seul coup ils se sont découvert un amour pour cet Uruguay où il n’y a pas de technologie capable de les contrôler, où l’Etat leur accorde des subventions et les exempte d’impôts, où les salaires sont rachitiques et où les arbres poussent en un clin d’œil.
Tout indique que notre tout petit pays ne pourra pas supporter l’étreinte suffocante de ces très grands. Comme d’habitude, les bénédictions de la nature se transforment en malédictions de l’histoire. Nos eucalyptus poussent dix fois plus vite que ceux de Finlande, et cela se traduit ainsi : les plantations industrielles seront dix fois plus dévastatrices. Au rythme prévu d’exploitation, une bonne part du territoire national sera pressé jusqu’à sa dernière goutte d’eau. Les géants assoiffés vont assécher notre sol et notre sous-sol.
Paradoxe tragique : l’Uruguay est le seul endroit au monde où la propriété de l’eau a fait l’objet d’un référendum. A une majorité écrasante, les Uruguayens ont décidé, en 2004, que l’eau serait une propriété publique. N’y a-t-il rien à faire pour éviter ce détournement de la volonté populaire ?

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La cellulose, il faut le reconnaître, s’est transformée en une sorte de cause patriotique, et la défense de la nature ne soulève pas d’enthousiasme. Pire encore : dans notre pays, malade de cellulolitis, certains mots qui n’étaient pas des gros mots, tels que écologistes et environnementalistes, deviennent des insultes qui crucifient les ennemis du progrès et les saboteurs du travail.
On fête le malheur comme s’il s’agissait d’une bonne nouvelle. Mieux vaut mourir de pollution que de faim : nombre de chômeurs pensent qu’il n’y a pas d’autre choix que de choisir entre deux calamités, et les marchands d’illusions débarquent en offrant des milliers et des milliers d’emplois. Mais la publicité est une chose, la réalité en est une autre. Le MST, le Mouvement des paysans sans terre, a diffusé des informations éloquentes qui ne valent pas que pour le Brésil : la cellulose crée un emploi pour chaque 185 hectares, alors que l’agriculture familiale crée cinq emplois pour chaque dix hectares.
Les entreprises promettent des merveilles. Travail à flots, investissements millionnaires, contrôles stricts, air pur, eau propre, terre intacte. Alors on se demande : mais pourquoi diable n’installent-ils pas ces merveilles à Punta del Este, pour améliorer la qualité de vie et stimuler le tourisme dans notre principale station balnéaire ?
Source : ALAI, Agencia Latinoamericana de Información (http://www.alainet.org/index.phtml.es), 16 juillet 2006.
Traduction : Isabelle Dos Reis, pour le RISAL (www.risal.collectifs.net).

04/12/2006

Mexique : Le mouvement d’Oaxaca devient « gouvernement alternatif »

La chute des barricades ne freine pas le mouvement social d’Oaxaca. Sans arrêter de réclamer le départ du gouverneur corrompu Ulises Ruiz, les « communards » mexicains se concentrent sur leur expérience autogestionnaire.

par Christophe Koessler
« Oaxaca, c’est moi. Nous sommes tous Oaxaca. » Le slogan qui retentit chaque jour dans les rues des villes de Mexico et de Oaxaca symbolise l’espoir que soulève aujourd’hui, dans tout le pays, la lutte des 300 organisations sociales, communautés indigènes et syndicats de cet Etat du Sud du Mexique pour la démocratie et la satisfaction des besoins de la population. Après 184 jours de conflit, 22 morts, 34 disparus, et plus de 104 détentions illégales, le mouvement social, réuni au sein de l’Assemblée populaire des peuples d’Oaxaca (APPO), continue à tenir tête pacifiquement au gouvernement local du Parti Révolutionnaire Institutionnel (PRI), au pouvoir depuis plus de septante ans.
Répression et prédation
Quotidiennement, des milliers de personnes défilent dans les rues, exigeant la démission du gouverneur Ulises Ruiz, ainsi que le repli de la police fédérale, qui occupe depuis fin octobre la place centrale de la ville, après avoir balayé les centaines de barricades dressées par les insurgés. Si des voyageurs s’aventurent à nouveau dans la très touristique ville d’Oaxaca dans ce climat surréaliste, un graffiti tout récent en anglais vient les mettre en garde : « Touristes ! La ville est fermée momentanément, et sera réouverte dès que nous obtiendrons justice.  »
La semaine passée, à la suite de trois jours de débats exténuants, un millier de délégués de l’APPO ont formellement constitué l’organisation du mouvement, adopté ses statuts et élu ses 230 membres, tous sur pied d’égalité. A la satisfaction générale : « Il y avait de grands risques que le mouvement se divise ou que soit adoptée une structure très verticale, car ce sont deux spécialités de la gauche traditionnelle  », assure Gustavo Esteva, chercheur et directeur de l’Université de la terre, à Oaxaca.
Or rien de tout cela. C’est à travers 23 commissions de travail thématiques que les délégués vont organiser la résistance civile et coordonner leur appui aux communautés locales, sans comité central.
A court terme, l’objectif de l’APPO est de pousser à la démission le gouverneur Ulises Ruiz, qui cristallise à lui seul le mécontentement populaire. Arrivé au pouvoir par la fraude en décembre 2004, le cacique du PRI a immédiatement réprimé toute contestation. Avant même le début des grandes mobilisations de mai 2006, les organisations locales de défense des droits humains dénombraient déjà 32 assassinats commis par les autorités locales et les groupes paramilitaires.
Un autoritarisme qui a fait l’unité contre lui - alors que les groupements étaient très dispersés jusqu’alors - surtout après la dure répression qui s’est abattue le 14 juin sur les instituteurs, alors en grève pour une simple augmentation salariale. « Les puissants ont cru que la violence pouvait résoudre le conflit. En réalité, ils n’ont fait que jeter de l’huile sur le feu », explique Rodolfo Rosas Zarate, jeune sociologue, militant du Comité de défense des droits du peuple.
Le pouvoir par le bas
Loin de répondre aux besoins criants en eau, santé et éducation des populations marginalisées, Ulises Ruiz s’est lancé dans de grands travaux de rénovation des places principales de la Ville de Oaxaca. « Il a détruit les places de la ville pour attirer des fonds de l’Etat fédéral, sans aucun égard pour le patrimoine national. Remplacer la pierre verte d’Antequera de nos régions par des dalles de béton est une absurdité, tout comme l’abattage d’arbres centenaires  », s’emporte M. Esteva. Une pratique qui avait pour but de détourner une grande partie de cet argent pour les besoins de son parti et de son entourage, assurent les militants.
L’outrance avec lequel le régime local poursuit les pratiques classiques de prédation, de népotisme et de corruption a encouragé le mouvement à se lancer dans un processus de changement radical du politique. « Nous voulons construire un pouvoir qui va peu à peu détruire de lui-même le pouvoir existant  », explique Soledad Ortiz Vázquez, déléguée élue de l’APPO. D’où le nom du nouvel organe constitutif de l’organisation : le « Conseil étatique » (Consejo estatal), qui vise non seulement à faire tomber les caciques actuels, mais aussi à assumer actuellement des fonctions dévolues à l’Etat. Au plus fort du conflit, par exemple, l’APPO se chargeait de sanctionner les délits de droit commun, le plus généralement par l’assignation des coupables à des travaux d’utilité publique. Aujourd’hui, le Conseil veut aussi répondre de lui-même aux besoins les plus pressants de la population. Il a ainsi constitué une commission de sécurité sociale, une autre de développement communautaire et rural, ou encore de santé publique. « Il s’agit d’un gouvernement parallèle, et ces commissions sont nos départements  », explique fièrement Mme Ortiz. « A long terme, nous l’installerons au palais du gouvernement.  »
Valeurs indigènes
Les valeurs du Conseil s’inspirent en grande partie des pratiques politiques des communautés indigènes : « L’APPO a fait un grand pas dans notre direction en adoptant les principes de communauté et d’autonomie comme premiers principes de l’organisation  », s’enthousiasme Adelfo Regino, président de l’Organisation des peuples Mixes. Si les nations autochtones n’ont pas été suffisamment intégrées à l’APPO à ses débuts, le mouvement s’est toutefois fortement inspiré des us et coutumes indigènes : l’organisation en Assemblée, où toutes les décisions importantes sont prises, le tequio, travail collectif non rémunéré et obligatoire, et la guelaguetza, solidarité ou aide désintéressée entre les membres d’une communauté.
Mais la déclaration de principe du nouveau Conseil va encore plus loin : elle stipule qu’aucun des 230 membres ne pourra être réélu à l’issue d’une période de un à deux ans, intègre le principe de l’égalité des genres et fait sienne la consigne des zapatistes du Chiapas : « Ordonner en obéissant  » (mandar obedeciendo).
Au-delà, c’est à une véritable transformation économique et sociale qu’en appelle l’APPO, en se prononçant pour l’avènement d’un monde non capitaliste et non impérialiste, sur une base démocratique.
Pour l’heure, les esprits sont à la mobilisation. Après cinq mois de conflit et une situation d’ingouvernabilité de fait dans la ville d’Oaxaca, le gouverneur s’obstine toujours. Cette semaine, l’APPO a d’ores et déjà prévu d’occuper le Palais du gouvernement, d’ériger des barricades symboliques devant les bureaux de l’Etat pour dissuader les fonctionnaires de se rendre à leur travail, et de bloquer des routes régionales.
L’organisation participe aussi, depuis hier, à une grève nationale lancée par le mouvement zapatiste et se joindra aux protestations massives contre l’entrée officielle à la présidence du pays de Felipe Calderon le 1er décembre. Son élection a également été entachée de fraudes. Inspirées par l’Assemblée d’Oaxaca, 25 organisations sociales du Chiapas ont fondé, le 11 novembre dernier, une APPCH. Une assemblée populaire de Mexico devait être constituée ce week-end. Le mouvement d’Oaxaca sera-t-il le déclencheur d’un changement radical pour l’ensemble du pays ?

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Les femmes s’emparent de la télévision d’état
« Nous étions 20 000 », raconte Soledad Ortiz Vázquez, déléguée de l’APPO. « Nous avions décidé de convoquer une manifestation le 1er août pour rendre plus visible notre force. Car depuis le début de la résistance, nous avons joué un rôle fondamental au sein du mouvement.  » Casseroles à la main, « en hommage aux femmes chiliennes  », les femmes défilent au centre-ville et « ferment » un hôtel qui jouait le rôle de Chambre des députés (le Parlement ayant été occupé depuis longtemps par les insurgés). Spontanément, arrivées au Zocalo (la place centrale), elles décident de demander un espace d’antenne à la chaîne de télévision publique Canal 9, pour exprimer leurs revendications. Devant le refus de la direction, celles-ci décident tout simplement de... « prendre » la télévision. Pendant deux mois, les femmes se chargeront de gérer ce qui devient la chaîne de l’APPO, malgré leurs faibles connaissances techniques, les hommes étant appelés pour protéger les antennes de diffusion situées sur les collines alentours. L’aventure se termine avec l’entrée en force de groupes paramilitaires lourdement armés à 4 h du matin, à la fin septembre. Qu’à cela ne tienne. A 6 h, elles décident d’occuper les douze radios commerciales et étatiques, qu’elles garderont plus d’un mois.
Désormais, il faudra compter avec la Coordination des femmes de Oaxaca du 1er août pour promouvoir la place des femmes aux postes à responsabilité. Car, sur les 230 membres du Conseil étatique de l’APPO, seules vingt-cinq sont des femmes : « Peu de femmes ont pu participer aux congrès. Les leaders de communautés sont en général des hommes. Nous devons construire l’égalité peu à peu, ce sera un travail intense. Nous avons rendu visible notre rôle. Les hommes se sentent plus sûrs avec nous », assure Mme Ortiz Vázquez.

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Trois questions à Gustavo Esteva, de l’Université de la Terre
Gustavo Esteva a créé, il y a quatre ans, l’Université de la Terre, destinée aux jeunes des communautés indigènes. Celles-ci ont pour la plupart chassé l’école publique de leurs terres, car perçue comme un instrument de domination.
Vous analysez le mouvement oaxaqueño comme la convergence de trois luttes démocratiques. Lesquelles ?
Ce qui se construit à Oaxaca anticipe notre futur et est porteur d’énormément d’espoir. Le mouvement a réuni d’abord ceux qui souhaitent renforcer la démocratie formelle, dont les faiblesses sont bien connues à Oaxaca. Les gens sont fatigués des manipulations et des fraudes et ceux qui ont confiance dans le système électoral veulent qu’il soit propre et efficace. D’autres insistent davantage sur la démocratie participative, par le biais d’initiatives populaires, de référendums, de plébiscites, de budgets participatifs, et la possibilité de révoquer les élus. Enfin, de manière surprenante, un très grand nombre de groupements souhaitent étendre la démocratie autonome ou radicale, comprise comme l’exercice direct du pouvoir par les gens eux-mêmes. Dans l’Etat d’Oaxaca, quatre municipalités sur cinq ont leur propre forme de gouvernement, sans passer par l’intermédiaire des partis. Mais, bien que leur autonomie, leur droit de se régir eux-mêmes par us et coutumes leur a été reconnu légalement en 1995, elles continuent à être l’objet de harcèlement de la part des autorités. Les partisans de la démocratie radicale souhaitent qu’avec le temps, ces municipalités se coordonnent jusqu’à constituer une forme de gouvernement à l’échelle de l’Etat.
La tradition autochtone semble rejoindre ici l’idéal anarchiste. Qu’en pensez-vous ?
L’anarchie est associée à l’idée qu’il n’y a pas de gouvernement. Les gens d’ici veulent se gouverner eux-mêmes, avoir un gouvernement constitué d’eux-mêmes. Il y a un respect de l’autorité, à partir du moment où elle respecte le principe zapatiste d’« ordonner en obéissant ». L’APPO s’est aussi abstenue de chercher à prendre le pouvoir. Plutôt que de grimper sur les chaises vides de ceux qui ont abusé du pouvoir, les organisations sociales tentent de reconstruire la société depuis le bas et de créer un nouveau type de relations sociales. Comme disent les zapatistes : changer le monde est très difficile, si ce n’est impossible. Une attitude plus pragmatique est la construction d’un monde nouveau.
Cette construction peut-elle se faire sans violence ?
Pour Gandhi, la non violence était la plus grande vertu et la lâcheté le pire de vices. Il ajoutait que la non violence était réservée aux forts, tandis que les faibles n’avaient d’autre choix que d’utiliser la violence. Mais il est difficile d’expliquer aux jeunes de Oaxaca qu’en réalité ce sont eux les forts. Je suis étonné que l’on y soit arrivé. Très franchement, je craignais un bain de sang quand la police fédérale est entrée en ville. Nous avons fait un énorme effort pour que cela n’arrive pas. Beaucoup ont montré l’exemple en se couchant devant les blindés et, surtout, en montrant qu’ils n’avaient pas peur.

Source : Le Courrier (www.lecourrier.ch), 21 novembre 2006.
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08/10/2006

DISCOURS DE CHAVEZ à l'ONU

Décidément j'ame beaucoup ce monsieur là ! Lisez le discours de Chirac, la comparaison est intéressante...

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DISCOURS DE HUGO CHAVEZ à la 61ème assemblée générale de l’ONU
Mercredi 20 septembre 2006, siège des Nations-Unies, New-York.



"Représentants des gouvernements du monde, bonjour à tous ! Tout d’abord, je voudrais très respectueusement inviter ceux qui n’ont pas lu ce livre à le lire.

Noam Chomsky, l’un des Américains et des intellectuels du monde les plus prestigieux, Noam Chomsky, et ceci est l’un de ces tout derniers ouvrages, "L’hégémonie ou la survie : La stratégie impérialiste des Etats-Unis" [Chavez brandit le livre et l’agite en face de l’Assemblée Générale.] C’est un excellent livre qui nous aide à comprendre ce qui s’est passé dans le monde au cours du 20ème siècle, sur ce qui se passe aujourd’hui et sur la plus grande menace qui plane sur notre planète.

Les prétentions hégémoniques de l’Empire Américain mettent en danger la survie-même de l’espèce humaine. Nous continuons de vous alerter sur ce danger et nous en appelons au peuple des Etats-Unis et au monde à faire cesser cette menace, qui est une épée de Damoclès. J’avais pensé, un moment, vous faire la lecture de ce livre, mais pour des raisons de temps, [il fait tourner les pages du livre, qui sont nombreuses] je me contenterai de vous le recommander.
Il se lit facilement, c’est un très bon livre, et je suis sûr, Madame la Présidente, que vous le connaissez. Il a été publié en anglais, en russe, en arabe et en allemand. Je pense que les premiers qui devraient le lire sont nos frères et nos sœurs des Etats-Unis, parce que la menace se trouve exactement dans leurs propres foyers.

Le diable s’est introduit chez eux. Le diable, le diable lui-même, est dans leur maison.

Et Hier, le diable est venu ici. Ici, le diable est entré. Juste ici. [Il fait le signe de croix] Et ça sent encore le soufre aujourd’hui. Hier, Mesdames et Messieurs, de cette tribune, le président des Etats-Unis, le monsieur que j’appelle le Diable, est venu ici parler comme s’il possédait le monde entier. Vraiment. Comme s’il était le propriétaire du monde.

Je pense que nous pourrions appeler un psychiatre pour analyser la déclaration que le président des Etats-Unis a faite hier. En tant que porte-parole de l’impérialisme, il est venu pour faire partager ses remèdes de charlatan afin d’essayer de préserver le modèle actuel de domination, d’exploitation et de pillage des peuples du monde.

Alfred Hitchcock aurait pu utiliser cette déclaration comme scénario pour un de ses films. Je peux même proposer un titre : "La Recette du Diable". Comme Chomsky le dit dans son livre de façon claire et détaillée, l’empire américain fait tout ce qu’il peut pour consolider son système de domination. Et nous ne pouvons pas lui permettre de faire cela. Nous ne pouvons autoriser que la dictature mondiale se consolide.

La déclaration du dépositaire du monde - cynique, hypocrite, emplie de cette hypocrisie impérialiste provenant de leur besoin de tout contrôler.

Ils disent qu’ils veulent imposer un modèle démocratique. Mais c’est cela leur modèle démocratique ! C’est le modèle fallacieux des élites et, je dirais, une démocratie très originale qui s’impose par les armes, les bombes et l’artillerie. Quelle étrange démocratie ! Aristote pourrait bien ne pas la reconnaître - ou les autres qui sont aux racines de la démocratie. Quelle sorte de démocratie imposez-vous avec les Marines et les bombes ?

Hier, le président des Etats-Unis nous a dit, ici-même, dans cette salle, et je cite : "Partout où vous regardez, vous entendez des extrémistes vous dire que vous pouvez échapper à la pauvreté et retrouver votre dignité par la violence, la terreur et le martyre". Partout où il regarde, il voit des extrémistes. Et vous, mes frères - il regarde la couleur de votre peau et il dit, oh ! il y a un extrémiste. Evo Morales, le valeureux président de Bolivie est, pour lui, un extrémiste.

Les impérialistes voient des extrémistes partout. Ce n’est pas que nous soyons des extrémistes. C’est que le monde se réveille. Il se réveille partout. Et les gens se lèvent.

J’ai le sentiment, cher dictateur du monde, que vous allez vivre le reste de votre vie comme un cauchemar, parce que le reste d’entre nous se lève, tous ceux qui se soulèvent contre l’impérialisme américain, qui réclament l’égalité, le respect, la souveraineté des nations.

Oui, vous pouvez nous appeler des extrémistes, mais nous sommes en train de nous soulever contre l’empire, contre ce modèle de domination.

Alors, le président a dit - et c’est lui qui l’a dit - : "Je suis venu parler directement aux populations du Moyen-Orient, pour leur dire que mon pays veut la paix".

C’est vrai. Si nous marchons dans les rues du Bronx, si nous nous promenons dans New York, Washington, San Diego, dans n’importe quelle ville, San Antonio, San Francisco et que nous demandons aux gens, aux citoyens des Etats-Unis, que veut ce pays ? Veut-il la paix ? Ils diront oui. Mais ce gouvernement ne veut pas la paix. Le gouvernement des Etats-Unis ne veut pas la paix. Il veut exploiter son système d’exploitation, de pillage, d’hégémonie par la guerre.

Il veut la paix ? Mais que se passe-t-il en Irak ? Que se passe-t-il au Liban ? En Palestine ? Que se passe-t-il ? Que s’est-il passé ces 100 dernières années en Amérique Latine et dans le monde ? Et à présent il menace le Venezuela - de nouvelles menaces contre le Venezuela, contre l’Iran ?

Il a parlé au peuple libanais. Beaucoup d’entre vous, leur a-t-il dit, ont vu comment leurs maisons et leurs communautés ont été prises dans les tirs croisés. Comment peut-on être cynique à ce point ? Quelle capacité à mentir d’un air penaud ! Les bombes sur Beyrouth d’une précision millimétrée ? Ce sont des feux croisés ? Il pense à un western, lorsque les gens dégainent de la hanche et tirent et que quelqu’un se trouve pris dans les feux croisés. Ceci est impérialiste, fasciste, assassin, génocide. L’empire et Israël qui tirent sur les Palestiniens et les Libanais. C’est ce qu’il s’est passé. Et à présent, nous entendons "Nous souffrons parce que nous voyons nos maisons détruites".

Le président des Etats-Unis est venu parler aux peuples - aux peuples du monde. Il est venir leur parler - J’ai apporté quelques documents avec moi, parce que ce matin je lisais quelques déclarations - et je vois qu’il s’est adressé au peuple d’Afghanistan, au peuple du Liban, au peuple de l’Iran. Et il s’est adressé directement à ces peuples.

Et vous pouvez vous demander, alors que le président des Etats-Unis s’adresse à ces peuples du monde, ce que ces peuples du monde lui diraient si on leur donnait la parole ? Qu’auraient-ils à dire ?

Et je pense avoir une petite idée de ce que les peuples du Sud, les oppressés pensent. Ils diraient "Impérialiste yankee, rentre chez toi !" Je pense que c’est ce que ces peuples diraient si on leur donnait le micro et s’ils pouvaient parler d’une seule voix aux impérialistes américains.

Et voici pourquoi, Madame la Présidente, mes chers collègues, mes amis, l’année dernière nous sommes venus ici dans cette même salle, comme nous l’avons fait ces huit dernières années, et nous avons dit quelque chose qui s’est à présent confirmée - entièrement, entièrement confirmée.

Je ne pense pas que quiconque dans cette pièce pourrait défendre ce système. Voyons les choses en face ! Soyons honnêtes ! Le système de l’O.N.U., né après la Deuxième Guerre Mondiale, a fait faillite. Il est inutile. Oh, oui ! Il est bon de nous réunir tous ensemble une fois par an, de nous rencontrer, de faire des déclarations et de préparer toutes sortes de longs documents et d’écouter de bons discours, comme celui que de (inaudible), hier, celui du Président Lula. Oui c’est bon pour cela. Et il y a beaucoup de discours et nous en avons entendu beaucoup, du président du Sri Lanka, par exemple, et de la Présidente du Chili.

Mais nous, l’assemblée, avons été transformés en un organe à peine délibérant. Nous n’avons aucun pouvoir, aucun pouvoir d’avoir le moindre impact sur la terrible situation mondiale. Et c’est pourquoi le Venezuela propose une nouvelle fois, ici, aujourd’hui, le 20 septembre [2006] que nous ré-établissions les Nations-Unies.

L’année dernière, Madame, nous avons fait quatre propositions modestes que nous ressentions comme étant d’une importance cruciale. Nous devons en assumer la responsabilité, nos chefs d’Etats, nos ambassadeurs, nos représentants, et nous devons en discuter.

La première est l’extension [du Conseil de Sécurité], et Lula en parlé hier ici-même. Le Conseil de Sécurité comporte à la fois une catégorie permanente et une catégorie non-permanente, (inaudible) les pays en développement et les pays sous-développés doivent accéder à des sièges de membres permanents. C’est la première étape.

Deuxièmement, des méthodes efficaces pour s’occuper et résoudre les conflits mondiaux, des décisions transparentes. Point trois, la suppression immédiate - et c’est une chose à laquelle tout le monde appelle - du mécanisme antidémocratique connu sous le nom de veto, le veto sur les décisions du Conseil de Sécurité.

Permettez-moi de vous donner un exemple récent. Le veto immoral des Etats-Unis qui a permis aux Israéliens, en toute impunité, de détruire le Liban. Exactement devant nous tous alors que nous étions debout à regarder, une résolution du conseil fut empêchée.

Quatrièmement, nous devons renforcer, comme nous l’avons toujours dit, le rôle et les pouvoirs du secrétaire général des Nations-Unies.

Hier, le secrétaire général nous a pratiquement livré son discours d’adieu. Et il a reconnu que pendant ces dix dernières années, les choses sont tout simplement devenues plus compliquées ; la faim, la pauvreté, la violence, les violations des droits de l’homme se sont aggravées. C’est la conséquence extrême de l’effondrement du système des Nations Unies et des prétentions hégémoniques des Etats-Unis.

Madame, le Venezuela, il y a quelques années, a décidé de livrer cette bataille au sein des Nations-Unies en reconnaissant l’ONU. En tant que membres, et nous prêtons nos voix, nos réflexions. Notre voix est une voix indépendante pour représenter la dignité et la recherche de la paix et ré-élaborer le système international ; pour dénoncer la persécution et l’agression par les forces hégémoniques de la planète.

Voici comment le Venezuela s’est présenté. La patrie de Bolivar a cherché à obtenir un siège permanent au Conseil de Sécurité. Voyons ! Bon, il y a eu une attaque en règle par le gouvernement étasunien, une attaque immorale, pour essayer d’empêcher le Venezuela d’être élu librement à un poste au Conseil de Sécurité.

L’imperium a peur de la vérité, il a peur des voix indépendantes. Il nous appelle extrémistes, mais ce sont eux les extrémistes. Et j’aimerais remercier tous les pays qui ont aimablement annoncé leur soutien au Venezuela, même si le scrutin est secret et qu’il n’est pas nécessaire d’annoncer ces choses.

Mais étant donné que l’imperium a attaqué, ouvertement, ils ont renforcé les convictions de nombreux pays. Et leur soutien nous renforce. Le Mercosur, en tant que bloc, a exprimé son soutien. Nos frères du Mercosur. Le Venezuela, avec le Brésil, l’Argentine, le Paraguay, l’Uruguay, est un membre à part entière du Mercosur.

Et de nombreux autres pays d’Amérique Latine, CARICOM et la Bolivie ont exprimé leur soutien au Venezuela. La Ligue Arabe, l’ensemble de la Ligue Arabe a exprimé son soutien, nos frères des Caraïbes, l’Union Africaine. Presque toute l’Afrique a exprimé son soutien pour le Venezuela et des pays comme la Russie et la Chine et beaucoup d’autres.

Je vous remercie chaleureusement de la part du Venezuela, de la part de notre peuple et de la part de la vérité, parce que le Venezuela, avec un siège au Conseil de Sécurité, n’exprimera pas seulement la pensée du Venezuela, mais il sera aussi la voix de tous les peuples du monde et nous défendrons la dignité et la vérité.

Au-delà et au-dessus de tout cela, Madame la Présidente, je pense que nous avons des raisons d’être optimistes. Un poète aurait dit "désespérément optimistes", parce qu’au-dessus et au-delà des guerres et des bombes et de la guerre agressive et préventive et la destruction de peuples entiers, on peut voir qu’une nouvelle ère se dessine.

Ainsi que Silvio Rodriguez le dit, cette ère donne naissance à un cœur. Il y a des moyens alternatifs de penser. Il y a des jeunes gens qui pensent différemment. Et ceci s’est déjà vu en l’espace d’une simple décennie. Il a été démontré que la fin de l’histoire était une affirmation totalement fausse et la même chose a été démontrée à propos de la Pax Americana et de l’établissement du monde capitaliste néolibéral. Il a été démontré que ce système engendre la pauvreté. Qui le croit maintenant ?

Ce que nous avons à faire maintenant est de définir le futur du monde. L’aube se lève partout. Vous pouvez vous en rendre compte en Afrique et en Europe et en Amérique Latine et en Océanie. Je veux insister sur cette vision optimiste.

Nous devons nous renforcer, notre volonté de livrer bataille, notre conscience. Nous devons construire un monde nouveau et meilleur. Le Venezuela se joint à cette lutte et c’est pourquoi nous sommes menacés. Les Etats-Unis ont déjà planifié, financé et mis en place un coup d’Etat au Venezuela et ils continuent de soutenir les tentatives de coup d’Etat au Venezuela et ailleurs.

La Président Michelle Bachelet nous a rappelé, il y a juste un instant, l’assassinat horrible de l’ancien ministre des Affaires Etrangères, Orlando Letelier. Et je voudrais ajouter une chose : Ceux qui ont perpétré ce crime sont libres. Et cet autre événement où un citoyen américain est mort, tué par les Américains eux-mêmes. Ils étaient des tueurs de la CIA, des terroristes. Et nous devons rappeler dans cette pièce que dans exactement trois jours il y aura un autre anniversaire. Trente ans auront passé depuis cette attaque terroriste horrible contre l’avion cubain de la ligne Cubana de Aviacion, où 73 innocents ont trouvé la mort.

Et où se trouve le plus grand terroriste de ce continent qui a pris la responsabilité de faire sauter cet avion ? Il a passé quelques années en prison au Venezuela. Mais grâce à la CIA et aux responsables du gouvernement [vénézuélien] de l’époque, il fut autorisé à s’échapper et il vit dans ce pays, protégé par le gouvernement [des Etats-Unis].

Mais il a été condamné. Il avait avoué son crime. Mais les normes du gouvernement étasunien sont à géométrie variable. Il protège les terroristes lorsqu’il le veut.

Et ceci, pour dire que le Venezuela est entièrement engagé à combattre le terrorisme et la violence. Et nous sommes l’un des peuples qui combattent pour la paix.

Luis Posada Carriles est le nom de ce terroriste qui est protégé ici. Et d’autres personnes extrêmement corrompues qui se sont échappées du Venezuela vivent aussi ici sous protection : un groupe qui a posé des bombes dans diverses ambassades, qui a assassiné des gens pendant le coup d’Etat. Ils m’ont kidnappé et ils allaient me tuer, mais je pense que Dieu est descendu et notre peuple est sorti dans les rues et l’armée y était aussi et ainsi je suis ici devant vous, aujourd’hui.

Mais ces personnes qui ont dirigé ce coup d’Etat sont ici, aujourd’hui, dans ce pays, protégés par le gouvernement américain. Et j’accuse le gouvernement américain de protéger ces terroristes et d’avoir un discours complètement cynique.

Nous avons mentionné Cuba. Oui, nous y étions, il y a encore quelques jours. Nous sommes revenus de là-bas très heureux. Et là-bas, vous voyez qu’une nouvelle ère est née. Le Sommet des 15, le Sommet des non-alignés, ont adopté une résolution historique. Ceci est le document qui en a résulté. Ne vous inquiétez pas, je ne vais pas vous le lire.

Mais vous avez toute une série de résolutions ici qui ont été adoptées d’une façon transparente après un débat ouvert - par plus de 50 chefs d’Etats. Pendant quelques semaines, La Havane était la capitale du Sud et nous avons donné, une fois encore, un nouvel élan au groupe des non-alignés.

Et s’il y a quelque chose que j’aimerais vous demander à tous ici, mes compagnons, mes frères et mes sœurs, c’est de bien vouloir prêter votre bonne volonté pour permettre un nouvel élan au Mouvement des Non-Alignés afin de donner naissance à une nouvelle ère, pour empêcher l’hégémonie et empêcher de nouvelles avancées de l’impérialisme.

Et comme vous le savez, Fidel Castro est le président des non-alignés pour les trois prochaines années et nous pouvons lui faire confiance pour qu’il dirige cette charge efficacement. Malheureusement, ils ont pensé "Oh ! Fidel est en train de mourir." Mais ils vont être déçus parce qu’il n’est pas mort. Et non seulement il est en vie, il est de retour dans son uniforme vert et il préside désormais les non-alignés.

Donc, mes chers collègues, Madame la Présidente, un nouveau mouvement, fort, est né, un mouvement du Sud. Nous sommes des hommes et des femmes du Sud. Avec ce document, avec ces idées, avec ces critiques. Je referme à présent mon dossier. Je prends le livre avec moi. Et, n’oubliez pas, je le recommande très fortement et très humblement à vous tous.

Nous voulons des idées pour sauver notre planète, pour sauver la planète de la menace impérialiste. Et espérons que dans ce siècle-même, dans pas trop longtemps nous verrons cette nouvelle ère. Et pour nos enfants et nos petits-enfants, un monde de paix basé sur les principes fondamentaux des Nations-Unies, mais de Nations-Unies rénovées. Et peut-être devrons-nous déménager leur siège. Peut-être devons nous le mettre ailleurs ; peut-être dans une ville du Sud. Nous avons proposé le Venezuela.

Vous savez que mon médecin personnel a dû rester dans l’avion. Le chef de la sécurité a dû rester enfermé dans un avion verrouillé. Aucuns de ces deux messieurs n’ont été autorisés à venir assister à la réunion de l’Onu. Ceci est un autre abus et un autre abus de pouvoir de la part du Diable. Cela sent le soufre ici, mais Dieu est avec nous et je vous embrasse tous.

Que Dieu nous bénisse tous ! Bonne journée à vous.



Traduit de l'anglais par Jean-François Goulon, directeur de Questions Critiques.

03/10/2006

Le radicalisme militaire vénézuélien : un modèle pour les autres pays en voie de développement ?

Pour avoir été au Vénézuela en mars 2002 (pour jouer à Caracas, avec la compagnie de théâtre de rue avec laquelle je travaillais), juste après de très sévères émeutes et juste avant le coup d'état visant à virer Chavez le 11 avril 2002 ; pour avoir eu personnellement une incroyable discussion avec un officier supérieur de l'armée qui a changé ma vision de ce que pouvait être un militaire en Amérique Latine, (nous avons joué sur un lieu appartenant à l'armée);

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pour avoir tenté de comprendre qui était ce Chavez et pourquoi les classes moyennes et les classes dirigeantes le détestaient tant, 

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(Photos Cathy Garcia - Mars 2002)

 et parce qu'au final je suis intimement persuadée que le président Chavez fait preuve d'un véritable courage politique et qu'il pourrait effectivement devenir un exemple pour bien d'autres pays...

Je transcris cet article ci-dessous, depuis le site RISAL (sources citées à la fin)

 

Une armée du peuple
Le radicalisme militaire vénézuélien : un modèle pour les autres pays en voie de développement ?
par Walden Bello
26 septembre 2006

Que quelque chose d’intéressant et de peu commun était en train de se produire au Venezuela ne m’est vraiment apparu pour la première fois qu’à l’occasion d’une réunion contre la guerre organisée dans une base de l’armée de l’air vénézuélienne durant le Forum social mondial (FSM) de 2006. En réponse à un commentaire sarcastique émis à propos de ladite réunion, un participant se leva et, avec un calme professoral s’adressa à nous, les étrangers : « Voyez-vous, ce que nous avons ici, au Venezuela, ce n’est pas une armée régulière mais une armée du peuple. »

Le Venezuela est en train de réaliser, sinon une révolution, tout au moins un processus de changement radical et l’armée est juste au centre de celui-ci. Comment cela est-il possible, se demandent de nombreux sceptiques, quand on sait que les militaires - notamment en Amérique latine - sont généralement des agents du statu quo ? D’autres, moins sceptiques, posent la question suivante : le Venezuela est-il une exception, ou faut-il y voir un modèle pour l’avenir ?

Beaucoup d’explications ont été proposées pour tenter d’expliquer l’attitude des militaires vénézuéliens. Pour Edgardo Lander, célèbre politologue vénézuélien, l’une des raisons pourrait être que, à la différence des autres armées latino-américaines, le corps des officiers vénézuéliens provient, en grande partie, des classes les plus humbles de la société. D’après lui, contrairement à ce qui se passe dans les autres pays latino-américains, « au Venezuela, la haute société a toujours méprisé la carrière militaire. »

Richard Gott, l’une des figures les plus en vue de la gauche américaine, rappelle, quant à lui, que les officiers vénézuéliens se sont trouvés mélangés aux civils au sein du système universitaire national. En effet, « à partir du début des années 70, dans le cadre du programme Andrés Bello organisé par le gouvernement, un grand nombre d’officiers ont été envoyés dans les universités et y ont côtoyé d’autres étudiants en sciences économiques ou politiques, par exemple ».

Cette « immersion » dans la vie civile a eu des conséquences déterminantes. D’une part, les officiers ont été exposés aux idées progressistes car, à cette époque, « la gauche dominait les universités ». D’autre part, cela a permis une intégration plus profonde des officiers dans la société civile, à la différence de la plupart des autres pays d’Amérique latine.

Selon M. Gott, le fait que le Venezuela ait envoyé beaucoup moins d’officiers que les autres pays d’Amérique latine à l’Ecole des Amériques à Fort Benning (Géorgie) [1] - qui est le principal centre de formation contre-insurrectionnel des forces armées du monde occidental -, constitue un autre facteur important.

Ces conditions ont probablement contribué à rendre l’armée vénézuélienne moins réactionnaire que celle des autres pays latino-américains. Mais cela n’explique pas pourquoi elle serait l’un des fers de lance de ce qui constitue aujourd’hui la transformation sociale la plus radicale en cours dans cette région. Gott, Lander et d’autres spécialistes du Venezuela sont en tous cas d’accord sur un point : le rôle absolument central joué par Hugo Chávez.

Le facteur Chávez

Hugo Chávez est beaucoup de choses : c’est un personnage charismatique, un grand orateur, un homme politique à l’aise aussi bien à l’échelle locale, régionale que mondiale. C’est aussi un militaire, un homme qui voue une certaine reconnaissance à l’armée en tant qu’institution qui, sous les ordres de Simón Bolívar, libéra le Venezuela et une grande partie de l’Amérique latine du joug espagnol. Enfin, il est persuadé que l’armée a un rôle décisif à jouer dans la transformation sociale du Venezuela.

Selon ses propres dires, Chávez se serait engagé dans l’armée en pensant que cela lui permettrait un jour de devenir joueur de base-ball professionnel. Mais quelles qu’aient pu être ses motivations initiales, il entra dans l’armée durant une période de changement institutionnel. Dans les années 70, l’armée était engagée dans des opérations antiguérilla et, dans le même temps, ses officiers découvraient à l’université des idéologies progressistes dans le cadre du programme Andrés Bello et beaucoup d’entre eux furent recrutés par des militants de gauche dans des groupes de discussion clandestins.

Au lieu de devenir un champion de base-ball, Chávez devint un conférencier en histoire très populaire à l’Ecole de guerre du Venezuela, tout en progressant dans la hiérarchie. Parallèlement à ses activités officielles, il créa un groupe clandestin de jeunes officiers animés des mêmes idéaux : le Mouvement révolutionnaire bolivarien. Déçus par ce qu’ils considéraient comme un système démocratique en panne et dominé par des partis corrompus (Acción Democrática et Copei) qui s’alternaient au pouvoir, ces « jeunes Turcs » passèrent du statut de groupe d’études à celui de conspirateurs s’organisant en vue d’un coup d’Etat qui, selon eux, inaugurerait une période de renouveau national.

Comme l’écrivit Richard Gott dans son livre qui fait autorité « Hugo Chávez et la Révolution bolivarienne », les préparatifs de Chávez furent bouleversés par le Caracazo de 1989 [2], un cataclysme social déclenché par une augmentation considérable du prix des transports suite aux pressions exercées par le Fonds monétaire international (FMI). Pendant environ trois jours, des milliers de pauvres originaires des bidonvilles situés sur les collines entourant Caracas descendirent piller et saccager le centre ville et les quartiers résidentiels dans une sorte de lutte des classes à peine déguisée. Le Caracazo laissa une marque au fer rouge dans l’esprit de beaucoup de jeunes officiers. Non seulement il leur fit réaliser combien la grande majorité de la population était profondément désenchantée du système démocratique libéral, mais créa également une profonde amertume chez nombre d’entre eux qui avaient dû donner l’ordre de tuer des centaines de pauvres pour défendre ce même système.

Lorsqu’on donna a Chávez le commandement d’un régiment de parachutistes quelque trois ans plus tard, les conspirateurs qui le suivaient et lui même pensèrent que le moment était venu de mettre à exécution le coup d’Etat qu’ils préparaient depuis longtemps. La tentative échoua, mais elle permit à Chávez de sortir de l’ombre et de se faire une réputation auprès du peuple, mais également auprès des élites. Chávez apparut à la télévision nationale pour demander aux unités de l’armée engagées de déposer les armes et, selon Gott, « cette brève intervention à la télévision, à un moment de désastre personnel, le fit apparaître comme le sauveur potentiel du pays ». Chávez endossa l’entière responsabilité de l’échec du coup d’Etat mais électrisa la nation quand il déclara que « d’autres occasions se présenteront ».

Chávez fût emprisonné, puis, presque immédiatement après sa libération, il commença à faire campagne pour la présidence. Il était alors déterminé à réaliser par des moyens constitutionnels ce qu’il n’avait pu obtenir par un coup d’Etat. Bien que ne faisant plus partie de l’armée, il bénéficiait toujours d’une grande popularité auprès des officiers et des soldats avec qui il continuait d’entretenir d’étroites relations. Il n’est donc pas surprenant qu’il ait placé à la tête des principales agences gouvernementales certains de ses frères officiers après sa victoire, à une large majorité, aux élections présidentielles de 1998. Plus important encore, Chávez fit progressivement de l’armée un instrument institutionnel clé pour accomplir les changements qu’il entendait mettre en place dans le pays. Le terrible désastre causé par les pluies torrentielles de 1999 a permis à Chávez de déployer les militaires et de leur faire jouer un nouveau rôle en organisant des soupes populaires et en construisant des logements sur les terrains appartenant à l’armée pour des milliers de réfugiés. L’action civique militaire et des unités du génie furent déployées dans le cadre du programme du nouveau gouvernement pour créer des « installations agro-industrielles pérennes » à travers le pays. On ouvrit également les hôpitaux militaires aux pauvres.

Transformation de l’armée : problèmes et opportunités

La participation des militaires à un programme de changement radical n’était toutefois pas vue d’un bon oeil par tous les secteurs de l’armée. En fait, de nombreux généraux étaient opposés à cet ex-colonel populiste. De telle sorte que, quand le processus s’accéléra et que Chávez s’apprêta à réaliser la réforme agraire et à prendre le contrôle direct de l’industrie pétrolière, les généraux réfractaires commencèrent à conspirer avec l’aide des patrons de presse, des classes possédantes et de la petite bourgeoisie en vue de le renverser.

Après de violentes batailles de rue à Caracas entre l’opposition et les « chavistes », un coup d’Etat, organisé par quelques généraux de haut rang dont le chef des forces armées, le chef de l’état-major des forces armées et le commandant en chef, réussit a chasser Chávez le 11 avril 2002. Toutefois, la grande majorité des officiers qui dirigeaient les opérations sur le terrain et des jeunes officiers restèrent loyaux envers le président ou ne prirent aucun parti. Si bien que lorsque des milliers de pauvres venus des banlieues de la capitale se rendirent à Caracas pour demander la libération de Chávez, les loyalistes organisèrent un contre coup d’Etat, arrêtèrent les conspirateurs et réinstallèrent Chávez au pouvoir. [3]

Cette tentative de coup d’Etat eut au moins un effet bénéfique : il permit à Chávez d’achever sa transformation de l’armée. Quelque cent généraux et officiers furent emprisonnés pour trahison et les militaires restés fidèles à Chávez et à la révolution bolivarienne se virent attribuer les postes clé du haut commandement. Cette purge priva les Etats-Unis - lesquels avaient soutenu le coup d’Etat [4] - de leurs principaux sympathisants au sein de l’armée vénézuélienne.

Le projet de Chávez, qu’il définit aujourd’hui comme un mouvement vers le « socialisme », repose sur la grande popularité dont il jouit parmi les populations issues des classes défavorisées des villes et des campagnes. Mais l’armée est la seule institution organisée sur laquelle il peut s’appuyer pour faire avancer les choses. La presse et la hiérarchie de l’Eglise lui sont hostiles, la bureaucratie est lente et corrompue, les partis politiques sont discrédités. Chávez préfère diriger lui-même les attaques contre eux et maintenir ceux qui le soutiennent dans un mouvement de masse informel.

Etant donné le rôle central que l’armée doit jouer en tant qu’institution réformatrice, Chávez a créé un corps d’ « auxiliaires militaires urbains », aussi appelés réservistes, pour appuyer les forces armées régulières. Originellement connue sous le nom de « cercles bolivariens », cette force composée de réservistes, qui devrait comporter, à terme, un million de personnes, prend part à l’organisation et à la mise en œuvre de programmes sociaux dans les bidonvilles. Ces auxiliaires participent également, aux côtés de la Garde nationale, aux expropriations des terres privées dans le cadre du programme accéléré de réforme agraire.

Scepticisme

Nombreux sont les observateurs de la révolution bolivarienne qui s’interrogent sur la capacité de l’armée à jouer le rôle central qui lui a été assigné.

Si l’on en croit le politologue Lander, Hugo Chávez estime que l’on peut faire confiance à l’armée parce qu’elle n’est pas corrompue et qu’il s’agit de l’institution la plus efficace en termes de résultats. Mais Lander nuance ce propos : « je ne pense pas qu’il y ait dans l’armée quoique ce soit qui la préserve de la corruption plus qu’une autre institution ». Quant à son efficacité, il s’agit seulement d’une demie-vérité : « Oui, les militaires peuvent être efficaces quand il s’agit de résoudre un problème immédiat comme la construction d’écoles ou de cliniques où sont employés des médecins cubains. Mais cela ne peut être une solution durable. Il faut institutionnaliser les solutions et c’est là le point faible de la révolution : on assiste à la prolifération de solutions ad hoc qui demeurent telles quelles ».

Il ne fait pas de doute que la volonté de réforme exprimée par Chávez et sa génération d’officiers alimentera la révolution encore pour quelque temps. Cette volonté découle d’une terrible sensation de frustration dont Chávez a fait part à Gott dans une interview il y a quelques années : « Pendant de nombreuses années, les militaires vénézuéliens étaient comme des eunuques. Nous n’avions pas droit à la parole, nous devions rester silencieux devant le désastre occasionné par des gouvernements corrompus et incompétents. Nos supérieurs volaient, nos troupes n’avaient presque rien à manger et nous étions soumis à une discipline de fer. Mais de quelle discipline s’agissait-il ? Nous étions complices du désastre ».

Un modèle pour d’autres pays ?

Les sentiments exprimés par Chávez dans le paragraphe précédent trouveraient probablement une oreille favorable auprès de nombreux jeunes officiers dans de nombreuses autres armées de pays du tiers-monde. Nous sommes donc en mesure de nous demander quelles peuvent être les leçons à tirer de l’expérience vénézuélienne pour les autres pays du Sud. Et, plus précisément, l’expérience vénézuélienne peut-elle être reproduite ailleurs ?

Plutôt que de se livrer à des comparaisons d’ordre général, il apparaît plus opportun de s’intéresser au cas d’une armée en proie à une révolte semblable à celle de l’armée vénézuélienne dans les années 80 : l’armée philippine. Ce mécontentement est la réaction à une crise du même ordre que celle qu’avait alors connue la société vénézuélienne : la corruption des institutions libérales démocratiques.

L’expérience vénézuélienne peut-elle être appliquée aux Philippines ?

Probablement pas.

Tout d’abord, contrairement à l’armée vénézuélienne, l’armée philippine n’a pas de passé nationaliste révolutionnaire. Elle n’est pas l’héritière des Katipuneros et de l’armée révolutionnaire des Philippines de 1896-99. Elle a été créée par les Etats-Unis, suite à la « pacification » du pays, en tant que corps auxiliaire destiné à assister les troupes américaines d’occupation tout d’abord, puis à maintenir l’ordre public durant la période coloniale et enfin à venir en aide à l’armée américaine contre les Japonais pendant la Seconde guerre mondiale. Depuis l’indépendance en 1946, les forces armées philippines ont maintenu des liens très étroits avec l’armée américaine par le biais de programmes d’aide et de formation. Ainsi, les Etats-Unis ont-ils entretenu des relations beaucoup plus déterminantes avec l’armée philippine qu’avec l’armée vénézuélienne.

Deuxièmement, les militaires philippins n’ont jamais bénéficié d’un dispositif comme le programme Andrés Bello au Venezuela qui envoyait systématiquement les officiers se former dans les établissements d’enseignement civils, où ils bénéficiaient non seulement d’une formation de haut niveau en gestion et dans les disciplines techniques mais où ils étaient également sensibilisés aux idées et aux mouvements progressistes. Même si un tel système était mis en place aux Philippines, l’hégémonie idéologique du néolibéralisme économique dans les universités philippines, entre les années 90 et aujourd’hui, réduirait probablement à néant l’effet positif d’une telle immersion.

Troisièmement, au Venezuela, les officiers entretenaient une relation ambivalente avec la gauche politique. Ils l’affrontaient lors des combats antiguérilla, tout en s’inspirant de ses idéaux et de ses propositions de changement. En revanche, aux Philippines, les militaires considèrent la Nouvelle armée du peuple (NPA), contre laquelle ils luttent depuis 30 ans, comme un ennemi mortel tant sur le plan institutionnel qu’idéologique. Ainsi, malgré l’émergence épisodique de groupes tels que le Mouvement pour la réforme des forces armées (RAM) ou Magdalo, il n’est pas surprenant que leurs programmes n’aient eu que peu de contenu social ou national et qu’ils ne se résument qu’à s’emparer du pouvoir afin de mettre les militaires aux commandes de la société et purger les affaires publiques de la corruption. L’analyse de classe, l’impérialisme et la réforme agraire sont autant de concepts que la plupart des officiers considèrent comme appartenant au paradigme de l’adversaire militaire.

Enfin, il n’y a aucune armée qui soit aussi parfaitement pénétrée par la classe dominante de la société civile que l’armée philippine. Elle est entièrement minée par le clientélisme, que ce soit avec les élites locales ou nationales. Les groupes de pression civils adversaires y ont pénétré et installé des factions antagonistes. Même les groupes favorables à des réformes de l’armée ont finalement établi des liens malsains de dépendance avec des politiciens conservateurs et les élites économiques. Les relations de parrainage mafieux entre le politicien conservateur Juan Ponce Enrile et le rebelle militaire Gringo Honasan, par exemple, ont probablement été le facteur déterminant pour empêcher le RAM de devenir une véritable force progressiste autonome.

Mais l’on ne peut jurer de rien. Les militaires philippins peuvent encore nous réserver des surprises. Et il peut en aller de même dans d’autres pays. Après tout, en observant l’armée vénézuélienne de la fin des années 80, on aurait probablement parié qu’avec tous ses officiers supérieurs corrompus et liés à l’armée des Etats-Unis, cette institution allait demeurer fidèle au statu quo pour les années qui allaient suivre.

Notes:

[1] [NDLR] Lire Pablo Long, Pour la fermeture de l’école des bourreaux, RISAL, juin 2006.

[2] [NDLR] Lire Frédéric Lévêque, Le Caracazo, c’était il y a 15 ans, RISAL, février 2004.

[3] [NDLR] Consultez le dossier « Coup d’État au Venezuela » sur RISAL.

[4] [NDLR] Consultez le dossier « Venezuela / Etats-Unis » sur RISAL.


Source : Znet (www.zmag.org), Transnational Institute (www.tni.org), Venezuelanalysis.com (www.venezuelanalysis.com), Focus on the Global South (http://www.focusweb.org), mars 2006.

Traduction : Stan Gir et Pierre Covos (Coorditrad) pour Attac (www.attac.org) / Le Grain de Sable. Traduction revue par l’équipe du RISAL.

20/09/2006

PERENCO, l'or noir français en Équateur.

Jean Francois Cavalda, un ancien de ELF Afrique, a la tête de L'entreprise  PERENCO  3  ème géant du forage pétrolier,  une entreprise Française en Amazonie Equatorienne qui se distingue dans la destruction, l'intoxication et la répression au nom du prix du brut,  l'or noir.

Sur les concessions des blocs 7 et 21 le pétrole est extrait au mépris des communautés indigènes, des colons, et des ouvriers.  Des pollutions engendrées qui génèrent de nombreux cancers et pour finir, la mort.

PERENCO fait enfouir les déchets toxiques recouverts de sciure pour faire propre.
les terres agricoles, les cours d'eau, les animaux domestiques, les élevages sont toxique, par la faute d'un pétrole qui fait le malheur des populations Amazonienne.
Un pétrole dont le prix du baril continu de grimper a la satisfaction des multinationales qui profitent d'une main d'oeuvre a bas prix de revient.

PERENCO, une entreprise française sans état d'âme.
Un bébé est mort, un dirigeant de l'entreprise a refuser son aide a une mère désespérée, venue chercher du secours auprès de cette entreprise Française.
En Equateur, des ouvriers, des paysans meurent tout les jours de cancer  dans l'indifférence totale des dirigeants et actionnaires de PERENCO.

Une Collaboration entre les entreprises pétrolières et l'armée Equatorienne efficace. 
Un contrat signé le 30 Juillet 2001 assure un étroite coopération.  L'armée liee par contrat pour une sécurisation des intérêts pétroliers, pour assurer la répression, et au besoin fermer les yeux.

                                                                                                                       
Alain VIGUIER / A.A.P