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"En tant que jeunes ingénieurs on nous répète que le progrès technique et la croissance sont les solutions aux problèmes de notre société. Face à la crise écologique comment peut-on continuer à croire que l'innovation rendra la croissance infinie possible ? Le paradigme de la croissance du PIB et le mythe du progrès technique font parti du discours dominant dans les sociétés capitalistes, pourtant nous constatons un manque de recul critique à l'égard de l'innovation. Les interviews de ce documentaire présentent une réflexion nécessaire sur la neutralité de la technique, les limites physiques de notre planète et les choix structurants d'organisation de la société. Et si les solutions étaient politiques plutôt que techniques ? --------------------------------
Une réalisation associative : Ingénieur·e·s Engagé·e·s Lyon, La Mouette, Objectif21 Avec la participation de : Monsieur Bidouille, Philippe Bihouix, Alexandre Monnin, Baptiste Mylondo, Baptiste Nominé et Clément Poudret. Les interviews complètes de chaque intervenant seront publiées plus tard sur cette chaîne ! Peertube : https://pe.ertu.be/videos/watch/667c2...
Mastodon : @docu@pe.ertu.be Nous contacter : ie.contact@asso-insa-lyon.fr"
L’Atelier Paysan est une coopérative (SCIC SARL). Nous accompagnons les agriculteurs dans la conception et la fabrication de machines et de bâtiments adaptés à une agroécologie paysanne. En remobilisant les producteurs sur les choix techniques autour de l’outil de travail des fermes, nous retrouvons collectivement une souveraineté technique, une autonomie par la réappropriation des savoirs et des savoir-faire.
Nous sommes un collectif de paysan-ne-s, de salarié-e-s et de structures du développement agricole, réunis au sein d’une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) baptisée l’Atelier Paysan.
Depuis 2009, nous développons une démarche innovante de réappropriation de savoirs paysans et d’autonomisation dans le domaine des agroéquipements adaptés à l’agriculture biologique. Nous nous sommes dotés en 2011 d’une structure adéquate, un temps sous statut associatif (ADABio Autoconstruction), qui puisse réunir ce qu’il faut d’expertise pour valoriser des inventions fermières, co-développer avec des groupes de pratique agricole de nouvelles solutions techniques adaptées, et rendre accessibles ces connaissances par des documents didactiques papiers ou numériques et des formations à l’autoconstruction.
Nos salarié-e-s sont basé-e-s en Rhône-Alpes, et sur une antenne dans le Grand Ouest. L’acquisition de deux camions transportant machines, matériaux et consommables nécessaires à l’autoconstruction, nous permet aujourd’hui de conduire des chantiers d’autoconstruction en atelier ou « de fermes en fermes ». Partout où la demande s’exprime, nous souhaitons que l’Atelier Paysan puisse accompagner les agriculteurs et les agricultrices de toutes les filières de production, dans leurs cheminements et leurs tâtonnements, individuels et collectifs, autour des agroéquipements adaptés aux pratiques techniques et culturales de l’agriculture biologique.
L’outil de travail adapté et l’autoconstruction accompagnée sont des leviers techniques, économiques et culturels jusque-là peu explorés par le développement agricole. Ils ont pourtant un impact décisif pour faciliter les démarches d’installation, de conversion et de progrès agronomiques en AB.
LA TECHNIQUE, UN ENJEU DE POUVOIR
La conception des choix techniques en agriculture par l’agro-industrie et leur diffusion monopolisée par certains organismes de développement agricole est un processus complexe. Ce processus risque de nous survivre tant que les agriculteur-trice-s qui utilisent ces options techniques pensées en amont, ne seront pas pleinement associés à leur élaboration. Le collectif de l’Atelier Paysan souhaite ici et maintenant avoir prise sur ces choix techniques. Nous partons du principe que les paysans sont assez bien placés pour répondre de manière pertinente aux défis du développement agricole : les agriculteur-trice-s innovent par eux-mêmes sur leurs fermes. Mieux ! En groupe, en réseau ou avec l’appui d’un animateur technique, ces derniers savent élaborer collectivement des réponses adaptées. Nous portons l’idée que les choix techniques doivent être faits avec/par/pour les agriculteurs, et plus globalement, que la Technique doit être investie collectivement pour se mettre au service de ceux qui l’utilisent. Nous mesurons toute l’importance des réseaux socio-techniques de producteurs, à la fois dans la production et le partage de savoirs.
RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT PAYSANNE
Partie spontanément la moins visible de notre démarche par rapport à nos formations autoconstruction, l’Atelier Paysan dépense pas mal d’énergie à produire des biens communs ouverts et collaboratifs, en fait des agroéquipements adaptés accessibles à tous.
Initiatives individuelles et collectives
Nous organisons une traque des connaissances paysannes autour de l’agroéquipement adapté. N’hésitez pas à vendre la mèche sur l’ingéniosité de votre voisin, nous faire connaître un groupe de paysans innovant ou encore à partager vos inventions, vos astuces et vos pistes de réflexion. Le forum Internet, brouillon collectif, est tout désigné pour recevoir vos contributions. Ces initiatives peuvent donner lieu à des tournées de recensement de nos techniciens sur les fermes qui récupèreront des contenus techniques (photos, vidéos, savoir-faire, témoignages) pour les mettre au pot commun. Nous nous sommes également organisé pour que nos techniciens accompagnent et appuient des dynamiques collectives, fédérées au sein de groupes de pratiques techniques ou culturales, qui souhaitent trouver du matériel adapté.
Une ingénierie participative
De ces connaissances du terrain et de ces réflexions de groupes, nous pouvons engager une démarche d’ingénierie participative, en aller-retours entre paysans et techniciens, pour aboutir à des plans en 3D d’agroéquipement adapté, en passant par des réunions techniques, la rédaction collective d’un cahier des charges, un chantier de prototypage et des expérimentations. Nous ne diffusons pas des recettes toutes faites, vous forçant à suivre un chemin bien sillonné, avec interdiction de déborder sur la ligne. Nous vous présentons le maximum d’aspects pratiques des objets, tant dans les possibilités que nous avons explorées et inexplorées, que dans les limites déjà rencontrées. Nous nous efforçons de livrer toute une méthodologie sur les outils.
DIFFUSER DES BIENS COMMUNS POUR L’AB
Ces savoirs paysans issus d’une Recherche et Développement participative sont publiés « en libre », sous forme d’articles fouillés ou de tutoriels de construction, sur notre site Internet ou dans notre Guide de l’autoconstruction qui compile en 250 pages les plans de 16 outils adaptés au maraîchage biologique. Nous souhaitons constituer une sorte d’Encyclopédie libre et participative, un pot commun dans le lequel chacun peut librement abonder et piocher en ressources adaptées pour l’AB. Nous pensons que les savoirs paysans sont des « biens communs », librement diffusables et modifiables.
Toutes nos publications papiers et numériques sont sous licence libre Creative Commons. Cette licence permet à tout un chacun de s’approprier les plans, de les photocopier, de les diffuser, de les modifier, pourvu que l’utilisateur bricoleur mentionne la paternité des plans (ADABio en ce qui concerne le Guide et l’Atelier Paysan pour tout le reste), qu’il appose enfin la même licence Creative Commons à son objet adapté.
ACCOMPAGNER LA PRATIQUE DE L’AUTOCONSTRUCTION
Nous formons aux pratiques d’autoconstruction car ces dernières permettent de réaliser, en 3 à 5 jours en atelier adéquat, des agroéquipements souvent inexistants, inadaptés ou trop onéreux dans le commerce, tout en divisant par deux ou par trois l’investissement nécessaire. De plus, les agriculteur-trice-s s’autonomisent en se formant au travail des métaux, car un producteur qui sait construire son outil, sait également le réparer et l’adapter. Les formations à l’autoconstruction mettent aujourd’hui en avant les équipements adaptés au maraîchage biologique et notamment des outils de travail du sol et de gestion de l’enherbement pour la pratique des planches permanentes. Nous intervenons également directement sur la ferme pour des chantiers de conversion du parc matériel au triangle d’attelage.
ÉDUCATEURS POPULAIRES
Nous le voyons, l’Atelier Paysan multiplie les temps collectifs entre paysan-ne-s, de conception d’outil ou de fabrication collective, de temps de réseau. Y participer c’est s’inscrire dans une démarche d’apprentissage, de questionnement de ses pratiques, de tâtonnements empiriques, d’entraide et de partage d’expériences. L’Atelier Paysan est issue de l’action collective des paysans et ces derniers ont souhaité l’organiser comme une boite-à-outils pouvant accompagner les démarches d’autonomisation individuelle et collective des agriculteurs et des agricultrices. Nous n’avons toutefois certainement pas vocation à produire un service pour des clients, qui souhaiteraient s’équiper d’un outil réglé, clé en main, et qui auraient l’exigence d’un consommateur.
Les formations à l’autoconstruction que nous vous proposons sont des moments collectifs, d’éducation populaire, où nous essayons de faire monter chacun en compétences et de mettre en lien agriculteur-trice-s novices comme confirmé-e-s. Tout le monde, quel que soit son niveau, participe aux différents travaux de perçage, soudure, découpe... Et si vous repartez avec un outil, il aura nécessairement « la patte » de votre collègue. Les techniciens de l’Atelier Paysan vous garantissant la solidité des pièces et des soudures. Certains éléments ne peuvent être maitrisés totalement : imprévus dû à la météo hivernale, casse de matériel, non-conformité des pièces sous-traitées… Toujours est-il que le premier objectif des formations est de vous transmettre les compétences de travail des métaux, d’organisation de son atelier, de lecture de plans et d’utilisation d’outillage adapté. Vous devez repartir des stages plus autonome, mais pas impérativement avec un outil prêt à l’emploi.
CONNAITRE SON CONTEXTE ET ADAPTER SON OUTIL
De plus, vous ne construisez pas un outil borné, clos et cadenassé, pour lequel vous n’aurez plus de question à vous poser. Il faudra très certainement vous l’approprier, remettre les mains dans la ferraille pour le modifier et l’adapter à votre contexte et à votre terre. Dans le cas des outils de planches permanentes pour le maraîchage, nous proposons des outils de travail du sol à dents qui donnent de bons résultats agronomiques sur le long terme. Toutefois leur utilisation est plus exigeante qu’un outil rotatif et demandent une connaissance très fine de son terrain, du moment adéquat d’intervention. Cette quête d’une plus grande maitrise des paramètres de son exploitation est à la portée de tous. L’Atelier Paysan fournit un certain nombre de ressources post-formation : des conseils, des articles, des tutoriels, des photos, des vidéos. Nous vous encourageons à solliciter vos collègues autoconstructeur-trice-s et à faire réseau. L’autoconstruction de matériel adapté est une des portes d’entrée pour se donner les moyens d’aller vers plus d’autonomie et plus de réussite. Elle s’accompagne nécessairement d’un esprit de tâtonnement et de partage !
PAS CLIENT, MAIS USAGER, POURQUOI PAS SOCIÉTAIRE...
Pour terminer les présentations, expliquons un peu mieux votre place dans cette aventure collective. Si vous venez en client, aux formations, aux commandes groupées, vous allez rater pas mal de la richesse de l’Atelier Paysan. N’oubliez pas que cette SCIC est une ardoise dont le menu s’écrit collectivement. Et pour ce faire, vous avez la possibilité de vous impliquer de manière informelle : en ouvrant les portes de votre ferme pour une journée de démonstrations, en vous faisant localement le porte-parole de l’autoconstruction, en nous aidant sur des salons, en collaborant au forum Internet... Il y a mille façon de faire avancer cette cause commune. Bienvenu également à ceux qui veulent prendre des parts et participer aux AG, au Comité d’Appui et d’Orientation qui se réunit chaque mois pour tracer les grandes orientations de la coopérative. Bref, vous pouvez intégrer la gouvernance de la SCIC, en prenant individuellement des parts ou en adhérant à une structure sociétaire de l’Atelier Paysan : peut être votre GAB, peut être une association locale de soutien à l’autoconstruction que vous auriez monté.
La Guyane française est un département d’outre-mer en Amérique du Sud peu connu et peu valorisé, pourtant très riche culturellement et naturellement. Ses peuples autochtones font face à une véritable crise de sens, déchirés entre leurs traditions ancestrales et l’évolution d’une société qui tente de les assimiler malgré leurs différences et réticences. Leur culture, leurs structures traditionnelles, leurs liens à la terre sont extrêmement menacés. Dans ce contexte, la Jeunesse Autochtone de Guyane cherche à reconstruire et affirmer son identité culturelle, à travers la ré-appropriation des savoirs de leurs ancêtres.
En partenariat avec les peuples guyanais, et avec la JAG, Nature Rights initie la création d’un réseau de centres de savoirs ancestraux amazoniens en s’appuyant sur les initiatives et projets autochtones réparties sur l’ensemble du territoire guyanais. L’objectif est de soutenir et accompagner des projets en herbe ayant pour objet « d’assurer la reconstitution, l’accessibilité et la transmission des savoirs et savoir-faire des Peuples Autochtone de Guyane, d’Amazonie et du monde ».
En Guyane française existent de nombreuses initiatives visant à promouvoir la biodiversité et les savoirs traditionnels guyanais, mais elles ne reçoivent que peu d’aide financière ou d’accompagnement dans la gestion. De ce fait, l’ESF entend co-construire avec les porteurs de projet une stratégie globale d’accompagnement et de mise en réseau des dynamiques locales afin partager des outils, des méthodes et des contenus. L’objectif est de soutenir des initiatives participant à la reconstitution du patrimoine culturel Amérindien d’une part, et d’autre part au renforcement de la capacité de résilience des communautés par les échanges culturels et l’ouverture sur le monde.
De nombreux projets sont actuellement en cours d’étude : à Trois Sauts, à Awala Yalimapo, en terre Wayana et à Saint-Laurent du Maroni. L’objectif est d’essaimer le concept sur tout le territoire guyanais en soutenant les communautés dans le développement de petits centres dans les villages.
Le modèle comporte un volet physique et un volet numérique. Il s’appuie d’une part sur des initiatives physiques locales afin de soutenir la transmission des savoirs, savoirs-faires traditionnels et l’entreprenariat local qui valorise les ressources culturelles ainsi que la biodiversité guyanaise. D’autre part, l’initiative s’appuie sur une interface qui va permettre la collecte et le partage d’informations concernant les de ressources relatives aux peuples autochtones. Le réseau sera aussi utilisé pour valoriser et diffuser les expériences locales et les savoirs-faires traditionnels.
Cette initiative est inspirée de Yorenka Atame, l’école des savoirs de la forêt développé par la communauté Ashaninka au Brésil. Ce centre recense, produit et diffuse des pratiques durables de gestion des ressources naturelles, fondées sur les savoirs traditionnels autochtones. Une visite des porteurs de projets autochtones guyanais à Yorenka Atame est en cours d’organisation en juillet 2018, pour leur permettre de mieux s’approprier le projet et de l’adapter aux circonstances locales. Voir Bio Benki Piyako Voir Rencontre Benki / JAG
A terme, le projet vise à valoriser l’identité et les savoirs autochtone en dehors du territoire guyanais afin d’ouvrer en faveur de leur reconnaissance par l’Etat français et participer à la souveraineté sur leur territoire et sur leurs modes de vies. Il s’agira par ailleurs de promouvoir des alternatives de développement valorisant les ressources culturelles et naturelles de la région, tel que le soutien aux productions locales artisanales, afin de participer à l’autonomiedes communautés et ainsi promouvoir un développement respectueux de la nature et de l’homme en Guyane.
Publié le 28 novembre 2018 à 10:12 - Mis à jour le 29 novembre 2018 à 8:08
Alors que la SNCF n’en finit plus de réduire la circulation de ses trains sur les petites lignes ferroviaires (ici par exemple), en Allemagne, on est en train de faire exactement le contraire. Les autorités misent tout sur le train dans les campagnes. Pourquoi et avec quels résultats ? Réponses dans ce reportage de France 2qui laisse rêveur.
Cette politique de retour massif du train en milieu rural poursuit trois objectifs clairs et ambitieux : désenclaver les villages, développer l’activité économique des campagnes et réduire les émissions de CO2 provoquées par la voiture. Est-ce que ça marche ? Eh bien il semblerait que oui ! La fréquentation de ces trains explose et les entreprises font leur grand retour.
Regardez :
Des trains pas chers, nombreux et qui passent partout. Voilà comment on dissuade les habitants des campagnes de prendre leur voiture. Encore faut-il que cette ambition soit portée par une volonté politique sans faille et des moyens financiers à hauteur de l’enjeu.
Là bas, dans les campagnes concernées, les taxes sur le carburant peuvent bien augmenter, ça ne sera pas un drame puisque les habitants ne dépendent pus exclusivement de leur voiture. En matière de transition écologique, voici un exemple très inspirant.
La région de Sikkim achève sa conversion au tout biologique
Face à la baisse des réserves d’eau, à la pollution et à l’endettement des agriculteurs, l’Inde tente de se sortir de la crise agraire.
À partir de 2003, le gouvernement du Sikkim a lancé un vaste plan de transition bio dans cette région du nord-est de l’Inde.Image: Getty Images
Emmanuel Derville Gangtok
En 2003, lorsque le gouvernement du Sikkim décrète que l’agriculture devra se convertir au bio, Karma Dichen y voit une annonce sans lendemain. Ce paysan qui cultive un hectare est d’autant plus étonné que cette réforme tranche avec les politiques en place: «Avant 2003, les autorités nous encourageaient à utiliser les engrais et les pesticides chimiques.» En forçant les agriculteurs à passer au bio, le Sikkim rompt avec la «révolution verte» bien ancrée en Inde depuis les années 60. À cette époque, le gouvernement commence à importer des semences de blé et de riz dites à haut rendement. Le Pendjab, l’Haryana et l’Uttar Pradesh sont choisis comme laboratoires de ces nouvelles techniques.
Épuisement des nappes
Mais la culture exclusive des deux céréales, alliée aux nouvelles semences, exige beaucoup d’eau, d’engrais et de pesticides. La fertilité des sols et le niveau des nappes phréatiques s’épuisent. L’achat d’intrants chimiques précipite les agriculteurs dans l’endettement.
Du coup, lorsque le gouvernement du Sikkim lance la transition bio en 2003, la réforme est jugée inévitable. «C’est le seul moyen de sauver notre mère la Terre», martèle Khorlo Bhutia, le directeur du département de l’horticulture. Et puis la conversion semble facile. «En 2003, la consommation d’engrais chimique au Sikkim s’élevait à un dixième de la moyenne nationale», raconte le docteur Anbalagan, directeur exécutif de la mission organique du Sikkim.
En 2015, le Sikkim franchit une étape supplémentaire en interdisant les engrais et les pesticides chimiques. Et de 2003 à 2017, il dépense un milliard de roupies (10 à 13 millions de francs) pour certifier 76 100 hectares de terres.
Interdiction du non bio
Les premières années donnent raison aux sceptiques. «Ma production a baissé pendant trois ans et le gouvernement a dû couvrir nos pertes en instaurant des prix garantis», raconte Karma Dichen. Les consommateurs boudent les fruits et légumes bios, trop chers. Alors en avril dernier, les autorités interdisent la vente d’une douzaine de denrées non-bio. Pour éviter la pénurie, seuls les aliments qui ne sont pas ou peu cultivés sur place sont importés: céréales, légumes secs, pommes de terre, oignons, mangues, piments…
Aujourd’hui, le Sikkim ne peut pas compter sur sa seule production agricole pour nourrir ses 620 000 habitants, auxquels s’ajoutent 1,4 million de touristes venus en 2017. Montagneuse, minuscule, la région manque de terres. Mais la conversion semble faire effet. À Gangtok, la capitale, les étals des épiceries sont abondamment pourvus en légumes et fruits bios, signe que la production locale satisfait la demande. Après trois années difficiles, Karma Dichen a réussi la conversion: «Ma production de riz dépasse de 5% le niveau antérieur. Les légumes sont plus gros. Avant, les choux que je récoltais pesaient entre 500 et 700 grammes. Aujourd’hui, ils font un kilo. Je n’utilise que des engrais organiques. Le gouvernement a organisé des formations pour apprendre aux agriculteurs à fabriquer du compost ainsi que des pesticides à base d’urine de vache et de riz fermenté.»
L’agriculture du Sikkim reste confrontée à plusieurs problèmes. «Beaucoup de cultivateurs ne savent pas fabriquer les pesticides bios et ils ont du mal à lutter contre les parasites. La plupart exercent un second métier, très peu sont agriculteurs à plein temps. C’est une profession qui traîne une image de pauvreté et que le corps social méprise», constatent Abhinandan et Abhimanyu Dhakal, deux entrepreneurs qui travaillent avec 600 agriculteurs locaux pour cultiver des poires de terre biologiques. Ils sont néanmoins optimistes: «Notre production à l’hectare a retrouvé son niveau d’avant la réforme et nous avons posé les bases d’un modèle économique très rentable. Nous n’avons plus besoin d’acheter des engrais et des pesticides chimiques, ce qui réduit les coûts. Les terres sont plus fertiles.»
D’autres États s’y mettent
Le modèle du Sikkim fait des émules. L’Arunachal Pradesh et d’autres États du Nord-Est sont en train de convertir leur agriculture au bio. L’an dernier, le gouvernement du Sikkim a formé une co-entreprise avec le fabriquant d’engrais chimique Iffco pour produire des semences, des engrais et des pesticides bios.
Mais en finir avec l’agriculture conventionnelle en Inde sera long. «Au Pendjab, il est impossible de cultiver sans engrais ni pesticides chimiques. Passer à l’agriculture biologique leur prendra au moins trois ans, le temps que les sols se régénèrent», prévient Khorlo Bhutia.
Le pouvoir central débourse 10 à 11 milliards de francs de subventions pour les engrais chaque année, des fonds qui pourraient contribuer au financement d’une telle transition. Mais le gouvernement fédéral hésite. Pour le docteur Anbalangan, il faut compter avec les industriels: «Des entreprises du secteur chimique font du lobbying dans la presse pour empêcher le bio de faire tache d’huile.»
"C'est bien de trouver des solutions techniques mais, sur un problème, comme l'énergie, si on ne se questionne pas sur la sobriété énergétique on n'arrivera jamais à résoudre le problème"
"Car une énergie, aussi renouvelable qu’elle vous soit présentée, ne le sera plus si elle doit compenser l’intégralité des besoins qui reposent aujourd’hui sur les énergies fossiles. Il faut avant toute chose penser à la réduction drastique de notre demande énergétique (sobriété énérgétique) et je n’ai que trop peu entendu ce message dans le cadre de ma formation".
Lorsque nous mourons, nous n'avons en Belgique, que deux options pour notre corps: l'enterrement et l'incinération.
Or, l'une et l'autre sont très polluantes.
Mais il existe une troisième solution, que nous appelons l'Humusation:
il s'agit d'un processus contrôlé de transformation des corps par les micro-organismes dans un compost composé de broyats de bois d'élagage, qui transforme, en 12 mois, les dépouilles mortelles en Humus sain et fertile.
La transformation se fera hors sol, le corps étant déposé dans un compost et recouvert d’une couche de matières végétales broyées que les Humusateurs ajusteront pour en faire une sorte de "monument vivant".
En une année, l'humusation du défunt, réalisée sur un terrain réservé et sécurisé qui aura pour nom “Jardin-Forêt de la Métamorphose”, produira +/- 1,5 m³ de "super-compost".
Suivez ce lien pour comprendre comment cela se déroulera en détail.
Pourquoi choisir l'Humusation? L'Humusation, contrairement à l'enterrement ne nécessite:
pas de cercueil pas de frais de concession dans un cimetière pendant 5, 10, ou 25 ans pas de frais de pierre tombale, ni de caveau pas de frais d'embaumement, ni l'ajout de produits chimiques nocifs pas de charge d'entretien régulier de la tombe pour les proches et ne provoque pas de pollution des nappes phréatiques par la cadavérine, la putrescine, les résidus de médicaments, les pesticides, les perturbateurs endocriniens,.... L'Humusation, contrairement à l'incinération ne génère:
pas de rejets toxiques dans l'atmosphère, ni dans les égouts pas de consommation déraisonnée d'énergie fossile (+/- 200 l d'équivalent mazout/personne) pas de location de colombarium pas de détérioration des couches superficielles du sol lors la dispersion des cendres Au contraire, l'Humusation crée un humus riche, utilisable pour améliorer les terres.
Un processus de remise à la terre doux, respectueux de la personne et durable.
à lire : le livre "Plaidoyer pour l'Humusation".
Pour le recevoir par la poste, contactez-nous.
Ou consultez la liste des ambassadrices et ambassadeurs de proximité chez qui vous pouvez le trouver.
Abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, mouvement Me Too, cri d’alarme de 15 000 scientifiques sur le réchauffement climatique, crise des réfugiés, Brexit, crise en Catalogne, ratification du CETA, cris de colères dans les prisons et dans les maisons de retraite, 5COP21, grèves des cheminots, blocage des universités. Ces événements n’auraient-ils pas un air de famille ? Comme si quelque chose d’essentiel se jouait que nous n’arrivons pas à nommer. Derrière la complexité de chaque phénomène, la même question se pose, patiente et entêtée.
Réinventer son rapport au monde
L’individu contemporain est en quête d’un nouveau rapport au monde. Être autre chose qu’un consommateur voué à engraisser la machine qui l’aliène. Les manifestations de cette recherche sont variées. Le phénomène des voyages en solitaire du globetrotter est en pleine expansion partout dans le monde : des jeunes de vingt à trente ans partent en solitaire pour des mois arpenter les continents, sans autre but que la rencontre. Les artistes itinérants, les bibliothèques ambulantes, les camions-cinéma, réinventent le troubadour et permettent à l’art de réinvestir les espaces désertés par l’industrie culturelle. Les formations de développement personnel foisonnent et tentent de résoudre les angoisses liées à la perte de sens et à l’effritement des liens sociaux. De nouvelles formes de religiosités empruntant à différentes traditions se développent très vite dans les pays occidentaux, remplaçant Dieu par le Cosmos, le Grand Tout, la Nature, la Vie[1], où chacun se fabrique sa propre spiritualité.
Nous sommes les enfants d’un individualisme où chacun est tourné vers la satisfaction d’un désir privé. Nous ne pouvons envisager ce désir en dehors d’une consommation d’un bien, d’un paysage, d’un spectacle, d’un instant, d’un savoir, c’est à dire de la jouissance immédiate, facile et reproductible, qui nous satisfait sur le court-terme et que nous avons besoin de reproduire rapidement. Nous avons développé une étonnante capacité à passer rapidement d’une satisfaction à l’autre, et à retourner rapidement à notre condition, sans avoir donné à ce que nous venons de vivre la chance de faire germer quelque chose de nouveau en nous. Nous sacralisons des valeurs dans des fêtes que nous consommons dans un espace-temps bien délimité. Ainsi sommes-nous une nation le temps d’un 11 janvier, une famille le 24 décembre, des citoyens le temps d’une élection. La remise en question elle-même de la consommation s’arrête aux portes de l’histoire individuelle. On entend souvent cité le fameux Chacun fait sa part des Colibris pour dire que je fais ce que je peux, et tout ce que je peux, c’est agir dans mon périmètre d’action individuelle[2]. C’est oublier le sens même de la légende : la contagion de l’action du colibri.
(Être un colibri, qu’est-ce que c’est ?)
À quoi sert de savoir ? Il y a un besoin, mais pas de demande
Le livre de Stéphane Hessel Indignez-vous ! s’est vendu à quatre millions d’exemplaires en un an. Pourtant, aucun boycott généralisé, aucune révolution, aucune descente de milliers de citoyens dans la rue pour empêcher la signature du CETA ou du TAFTA, aucune réaction de masse au cri d’alarme des 15 00 scientifiques sur le réchauffement climatique. Nous descendons dans la rue pour réclamer le peu que le système nous laisse pour survivre, colmatant les brèches d’un monde en train de se fissurer. Mais jamais nous ne faisons appel à notre véritable arme : notre pouvoir de consommateur.
Il y a un besoin d’autre chose, mais il n’y a pas de demande. La demande supposerait de pouvoir formuler le besoin, de croire en l’action collective, et de retrouver la volonté de puissance de l’individu. Mais nous restons enfermés dans une dualité individu/collectivité, où les uns envisagent l’individu comme un électron isolé dont les choix et les aspirations naîtraient de lui-même, et où les autres, souhaitant retrouver du collectif, ne peut convoquer que les structures malades de la nation ou de la communauté religieuse.
Les informations ne manquent pas sur la mainmise des multinationales, la corruption des systèmes de grande consommation, les médicaments dangereux ou inutiles, les impasses de l’école, des services publics et de nos organisations politiques, les dérèglements de tous les systèmes vivants et du climat, la dévastation de notre santé par ce que nous mangeons et respirons. Jamais nous n’avons aussi bien su ce qu’il se passe autour de nous et partout sur la planète. Nous n’ignorons plus, mais nous pratiquons l’ignorance volontaire. Pas seulement pour survivre au flot d’informations, mais parce que en mesurer les conséquences remettrait en question notre mode de vie jusque dans ses plus petits gestes. L’idéal des Lumières est avorté : le savoir ne permet pas de lutter contre l’aliénation. Au contraire, il la rend plus monstrueuse, car consentie en pleine conscience. Le non savoir (das nichtwissen en allemand) a laissé place à l’ignorance volontaire (das totschweigen). Quelque chose nous empêche de passer du savoir à la conscience, c’est-à-dire d’une information enregistrée, à son intégration dans une démarche.
Changer nos représentations pour envisager d’autres possibles
Si Nuit Debout a révélé à beaucoup qu’ils n’étaient pas seuls à aspirer à une autre société, il a aussi révélé à quel point nous ne savons plus penser un commun. Dans les grandes villes, les assemblées générales étaient davantage des espaces de libération de paroles individuelles que des arènes de construction d’un projet commun. Chacun y venait avec sa frustration, son opinion, sa revendication, dans les sacro saintes trois minutes, puis laissait place à un autre témoignage. L’obsession de l’égalitarisme et le rejet de toute forme de représentation annulait toute possibilité d’échafauder un commun. Car dans toute construction collective, il y a une différenciation des individus en fonction de leurs capacités et de leurs savoir-faires.
Il doit être possible pour l’homme de ce millénaire de retrouver une individualité qui soit consciente de son intégration à quelque chose de plus grand, qu’il faudra sans doute redéfinir. Entre le repli sur son expérience singulière et l’incapacité à penser un nous, il faut trouver autre chose. C’est peut-être là que résidera notre plus belle individualité : celle qui s’intègre, qui est présente au paysage qu’elle traverse, aux autres qui sont à côté, au vivant que chacun de nos gestes impacte. Un individu qui serait incapable de parler fort au téléphone dans le métro parce qu’il sait que d’autres personnes sont à côté, qui s’éloignerait pour fumer en faisant la file d’attente, qui ne dévasterait pas un buisson de mûres ou de fleurs sauvages quand il se ballade, qui serait conscient à chaque fois qu’il achète quelque chose de ce qu’il encourage. Retrouver cette espèce de petite liberté dont parlait Brassens.
Cet équilibre à trouver entre individualité et commun se manifeste dans ces nouvelles formes de mise en commun qui sont expérimentées partout dans le monde. Certaines font à présent partie de notre quotidien : colocations, covoiturage, échanges de service, monnaies locales et virtuelles, cafés associatifs, concerts privés. Les particuliers se réapproprient des actions détenues par des entreprises ou des institutions. Et tant pis si beaucoup sont ravalées par l’économie de marché via des services en ligne qui font des millions. Les chantiers participatifs, les écovillages, les résidences intergénérationnelles, les écoles parentales, sont autant d’expérimentations collectives qui pourront servir de base pour inventer de nouvelles organisations sociales[3].
Mais nous sommes les enfants de l’individualisme. Tout commence par un petit rêve à soi et pour soi. Chacun dans son coin creuse. Certains tunnels finissent par se croiser et découvrent une galerie, qu’ils appellent vivre-ensemble ou collectif. Mais au moindre coup de grisou, ils se défont et chacun retourne dans son coin. Pour que ces initiatives ne restent pas une succession de bulles isolées, il nous faut retrouver un récit commun. Ce travail est celui de ceux qui racontent notre société : les médias, les artistes et les chercheurs, malheureusement soumis à l’économie de marché et au zapping. Notre responsabilité est grande pour encourager ceux qui en sortent. Ceux qui racontent notre monde construisent notre représentation du monde dans lequel nous vivons. Et cette représentation forge nos opinions, nos espoirs, et les possibles que nous envisageons. Si les médias nous montraient ceux qui préparent d’autres manières de cultiver, de manger, de se soigner, de fabriquer, d’éduquer, nos vies en seraient profondément changées. Il ne tient qu’à nous de nous réapproprier le pouvoir de les faire changer, en choisissant ceux que nous écoutons, que nous lisons, que nous regardons, et en laissant les autres à leur quête du sensationnel, de l’information et de l’exotique. Et de parler des semeurs du changement, sans en faire des personnages lointains, de manière à ce que chacun puisse se dire qu’il pourrait s’y mettre.
Cette quête est la nôtre, mais elle ne sera pas pour nous. Elle ne peut être que pour les générations à venir. Ceux qui se battent pour pouvoir planter des arbres sur une terre savent qu’ils n’en goûteront pas les fruits. Tout ce que peuvent les enfants de l’individualisme, c’est préparer les prochains à être les enfants d’une nouvelle manière d’être au monde. C’est notre fardeau, et c’est notre force.
Première partie de cet article ici, Troisième partie à suivre…
Abandon du projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, mouvement Me Too, cri d’alarme de 15 000 scientifiques sur le réchauffement climatique, crise des réfugiés, Brexit, crise en Catalogne, ratification du CETA, cris de colères dans les prisons et dans les maisons de retraite, 5COP21, grèves des cheminots, blocage des universités. Ces événements n’auraient-ils pas un air de famille ? Comme si quelque chose d’essentiel se jouait que nous n’arrivons pas à nommer. Derrière la complexité de chaque phénomène, la même question se pose, patiente et entêtée.
Nous savons ce que nous rejetons. Savons-nous ce que nous voulons ?
COP21 mais signature du CETA, abandon du projet de Notre Dame des Landes mais projet d’enfouissement de déchets radioactifs dans la Meuse[1], inquiétudes devant le Brexit mais incapacité à repenser un projet européen qui préserve les citoyens avant les intérêts des multinationales, débats sur la laïcité et la liberté d’expression réinterrogeant sans cesse ce qu’est notre nation, tâtonnements pour changer l’école sans interroger les fondements de l’éducation, cris mal entendus des personnes œuvrant dans les services publics, cris coincés dans la gorge des paysans qui se suicident… Notre modèle de société est continuellement mis en question dans des crises de plus en plus aigües.
Partout, ici et ailleurs, le modèle néolibéral s’essouffle, emportant sur son passage les rêves, le fruit d’années de travail et la dignité de ceux qu’il broie. Le rejet de ce modèle se fait de plus en plus entendre. Le spectre des réactions est large : expérimenter des modèles alternatifs à échelle locale, brandir le modèle nationaliste, rejeter les élites traditionnelles et les remplacer par des trompe-l’œil, attendre que le changement vienne d’en haut. De l’élection de Donald Trump à celle d’Emmanuel Macron, la question du changement de nos modèles de société se pose jusqu’au sommet de la hiérarchie : sommes-nous dans une rupture ou dans une continuité déguisée ? Comment retrouver notre puissance d’agir en tant que citoyens sans se donner le temps d’envisager un autre modèle de société ?
Nous savons ce que nous rejetons. Mais savons-nous seulement ce que nous voulons ? Face à la menace de leur désintégration, les sociétés ont toujours su se projeter, dans le réel et dans l’imaginaire, en édifiant des monuments, en inventant de nouveaux récits, en conquérant de nouveaux territoires géographiques et imaginaires. C’est quand il se sent en danger que l’être humain se met à inventer.
La culture néolibérale et son individualisme consommateur sont ébranlés dans leurs fondements par des menaces d’ordre environnemental, technologique et social. Le dérèglement climatique et disparition de la biodiversité, le développement opaque de l’intelligence artificielle, les démocratures et le terrorisme nous obligent à envisager le changement ou notre disparition.
Sommes-nous à la fin de notre civilisation ? Assistons-nous au grand effondrement ? Le sujet revient régulièrement dans la presse. La question de savoir si nous avons les outils pour penser et expérimenter d’autres modèles est réservée à la presse spécialisée et des courants qu’on appelle alternatifs.
Retrouver un récit à chaque étage de notre expérience
Nous vivons un moment schizophrénique où, tout en énonçant la possibilité de notre fin, nous continuons à vivre comme si notre culture était immortelle. Les changements s’envisagent par bribes et par secteurs, à coup de mesures médiatisées ou de petits gestes qui donnent bonne conscience. Nous nous mettons à recycler, mais pas les petits emballages, c’est trop compliqué. Nous nous mettons à acheter bio, mais continuons à manger des tomates en hiver, juste pour agrémenter la salade. Nous supprimons les sections L S et ES tout en continuant à propager l’idée que les voies professionnelles sont réservées aux perdants de l’école. Nous consommons du lait végétal de la même manière que du lait animal sans les diversifier. Nous critiquons à juste titre les conditions dans les maisons de retraite, sans remettre en question la segmentation de nos sociétés où les personnes âgées et les enfants sont maintenus dans un univers clos. Nous oublions d’interroger les fondements d’une société où l’économie, le social, le politique, l’éducation, l’information, l’art, la santé, l’information, sont interdépendants. Chaque sphère produit le récit de ce que nous sommes.
Comment envisager ce récit sans redéfinir notre rapport au monde ? Un rapport qu’il faudrait pouvoir articuler à chaque échelle de notre appartenance : territoriale, culturelle, historique, politique, linguistique, et notre appartenance plus large à l’humanité et au vivant.
Les grands mythes des années soixante et celui de l’homme providentiel ont disparu. Le capitalisme consumériste n’a pas tenu ses promesses. En pleine crise de la représentation, comment envisager un horizon commun sans personne pour l’incarner ? Le commun reste le grand absent des débats publics. Comment discuter de réformes de la SNCF si nous oublions de définir ce qu’est un service public ? Le transport, l’hôpital, l’université, sont aujourd’hui gérés comme des entreprises. Derrière chaque question de société – immigration, interventions armées, PMA – la question du commun se profile, mais n’est jamais abordée. Quelle société voulons-nous être ? C’est à dire comment voulons-nous que nos vies individuelles s’agencent avec ce qui nous entoure – espaces publics, voisins, enfants, environnement, villes, personnes âgées, technologie ?
Prisonniers d’une vision à court terme, embrigadés dans l’idéologie de la croissance et dans la priorité donnée à la santé économique, les dirigeants politiques ont abandonné l’idée de nous offrir une vision de ce que nous sommes. À bien regarder ce que nous faisons du commun dans notre quotidien, nous avons peut-être les dirigeants politiques que nous méritons.
Poser autrement les questions
Dans les gestes les plus insignifiants de notre quotidien, dans les scènes les plus banales, l’individualisme consumériste et la culture du conflit écrasent la construction d’un commun. Car la consommation n’est pas le simple fait d’acheter des produits matériels, elle est une manière d’être au monde. On peut consommer un paysage, une randonnée, un spectacle, dès lors qu’on la traite comme un bien dont on jouit et dont on sort sans en être changé. Citons seulement un miroir, peut-être le plus intransigeant de notre société, l’école. Cette école qui assujettit le verbe apprendre à l’évaluation, et le verbe réussir à la performance, qui arrache le travail à l’émerveillement et l’effort à la jouissance. Au bout de ce chemin, la question qui est posée aux lycéens : Qu’est-ce que tu veux faire ? a perdu tout l’enthousiasme qu’elle portait quand on la lui posait à l’âge de cinq ans. Quand un élève lève la main pour demander : « Est-ce que ce sera à l’examen ? » et ne note que ce qui sera susceptible de lui apporter une bonne note, quand un enfant se voit promettre une récompense achetée s’il travaille bien, qu’on ne s’étonne pas si une fois adultes, nous continuons à fonctionner sur la peur, la récompense, et l’obsession de l’utilité performante.
3’54-4’58 : « La division est une opération destinée à faucher un maximum aux autres. »
6’08- « Savoir…il faut que ce mot clignote dans vos yeux. Ça fait des milliers d’années que les hommes cravachent, c’est pas maintenant qu’on va laisser tomber »
Poser les bonnes questions
Les questions qu’une société se pose sur elle-même en disent plus long que ce qu’elle affirme. Dans la question Qu’est-ce que tu veux faire plus tard ?nous mettons l’individu en devenir face à son seul désir, isolé et exclusif. Nous ne demandons pas À quoi veux-tu participer ? ce qui l’inviterait à penser le lien entre son activité et la construction d’un commun. Ni Comment veux-tu vivre ? ce qui déplacerait l’attention sur la manière dont on mène une action plutôt que sur la production d’un résultat. Nous ne le préparons pas à envisager le geste qu’il imprimera dans le monde. (La suite de cet article à lire prochainement)
Est-ce que les gestes écologiques individuels suffisent pour enrayer la destruction de la planète ? "Certainement pas", écrivait l'écrivain américain Derrick Jensen dans un texte provocateur en 2009. Faut-il alors baisser les bras ? "Non plus" répond l'écologiste Cyril Dion. Explications.
"Oubliez les douches courtes"
... ou "Forget Shorter Showers" en langue originale. Cet édito de l'activiste et écrivain américain Derrick Jensen a été publié dans Orion Magazine en 2009. Il y revenait sur le documentaire Une vérité qui dérange, sorti trois ans plus tôt, où on voyait l'ancien candidat à la présidence états-unienne, Al Gore, alerter sur le réchauffement climatique. Un documentaire qui, pour un problème bien réel, propose des solutions biaisées, selon Derrick Jensen : "avez-vous remarqué que toutes les solutions présentées ont à voir avec la consommation personnelle – changer nos ampoules, gonfler nos pneus, utiliser deux fois moins nos voitures – et n’ont rien à voir avec le rôle des entreprises, ou l’arrêt de la croissance économique qui détruit la planète ?"
Même si chaque individu aux États-Unis faisait tout ce que le film propose, les émissions de carbone ne baisseraient que de 22%. Le consensus scientifique stipule pourtant que ces émissions doivent être réduites d’au moins 75%.
"Si on se contente de dire "faites des petits gestes" (« prenez une douche plutôt qu'un bain », « éteignez la lumière », « prenez votre vélo ») et qu'on regarde l'impact que ça a en terme de chiffres, malheureusement, c'est très nettement insuffisant.
Par exemple, l'eau. Vous prenez tous les jours une douche très courte plutôt qu'un bain - voire même, vous ne prenez pas de douche tous les jours. Vous économisez l'eau à mort, vous faites la vaisselle avec des bassines... En réalité, l'eau que consomment les particuliers, c'est 9% [de la consommation globale]. L'essentiel de l'eau qui est consommée (et gaspillée), c'est l'agriculture et l'industrie.
Sur les déchets, vous êtes hyper zéro déchet. Vous allez acheter des fringues d'occasion, faire vos courses avec des tupperwares... Malheureusement les déchets domestiques, ce n'est que 8,5% en France"
Autrement dit : on a besoin de changements qui soient plus systématiques.
Quelle(s) solution(s) pour un avenir moins sombre ?
Ce constat ne démoralise pas Cyril Dion : "ce qui nous a amené à cette catastrophe écologique, c'est un modèle de société, un récit. Ce qu'on peut faire, c'est changer ce récit , d’abord à l'intérieur de nous-mêmes. Si vous vous contentez de faire des petits gestes, c'est un peu comme si vous disiez « moi je travaille chez Total mais j'y vais a vélo, donc ça va, parce que quand je vais au vélo, je ne consomme pas de gaz à effet de serre ». Sauf que toute la journée, toute votre activité est consacrée à faire avancer la stratégie de Total, qui est une catastrophe sur la planète".
Pour Cyril Dion, ces petits gestes sont intéressants à partir du moment où :
1 - Ils créent une conversation
... qui potentiellement ensuite peut amener à un changement d'imaginaire, un changement de représentation des choses. Quand vous dites que vous devenez végétarien, quand vous dites que vous allez en vélo au boulot, c'est l'occasion de raconter une histoire qui peut se propager, au point que des villes peuvent se dire "on va faire 1400 km de piste cyclables" et on va faire plus de place au vélo
2 - Ils sont le début de la révolution
J'arrête d'être prisonnier de ce système où je dois simplement aller travailler pour ramener un salaire (être un bon petit soldat de la machine productiviste et consumériste) et je me dis « Non je suis sur cette planète pour faire quelque chose qui me passionne, pour exprimer quels sont mes talents et pour faire quelque chose qui est utile et qui participe à construire un monde dans lequel j'ai envie de vivre ».
Et l'écologiste conclue, optimiste :
La meilleure façon de changer le monde, c'est de faire le truc qui nous passionne le plus.
Aller plus loin
le texte de Derrick Jensen complet, traduit en français ici, et monté dans une vidéo, également en français, ci-dessous
La simplicité joyeuse et volontaire, comme je la vis et l’ai vécu avant même de l’avoir nommée, c’est de savoir apprécier ce qu’on a, quels que soient nos moyens, et ceci sur tous les plans. Pas dans l’idée d’une discipline qu’on s’impose, d’une vertu à cultiver, non, pas d’efforts qui finiront par nous dégouter, nous révolter et nous faire retomber plus bas qu’au départ, c’est vraiment autre chose. C’est une sorte d’initiation à l’essence du plaisir. C’est d’abord apprendre à regarder les choses à la loupe et à amplifier nos sensations. Lorsqu’on passe près d’une plante à toutes petites fleurs, souvent elle est tellement insignifiante qu’on ne la remarque pas ou à peine, mais si on prend le temps de se pencher et de la regarder de près, alors se révèlent des trésors de nuances, de finesse, de beauté. C’est pourquoi j’aime faire de la macro en photo. En macro une punaise devient un joyau, mais la macro, c’est aussi une façon de voir que l’on peut appliquer à tous les domaines de notre vie.
Pas seulement pour aller remuer ce qui ne va pas, ce qui manque, ce qui fait mal, ça en général on sait tous le faire et il faut parfois le faire, mais il faudrait aussi le faire pour aller arroser les minuscules graines de joie inconditionnelle qui n’attendent que notre attention pour s’épanouir. Alors, ça ne veut pas dire se forcer à être d’un optimiste béat ou se voiler la face, bien au contraire, plus on sait apprécier le minuscule, plus on voit aussi la moindre petite ombre triste de ne pas être prise en compte elle aussi, car la vie est faite d’ombres et de lumière et nous avons à apprendre des deux. Les deux sont nécessaires pour prendre conscience, terme emprunté au latin classique « conscientia », la « connaissance en commun », donc quelque chose qui va au delà de l’individu, quelque chose que nous partageons et que nous devons chacun alimenter autant que possible, afin que l’humanité dans son ensemble puisse évoluer. Ainsi la simplicité joyeuse et volontaire pourrait s’apparenter à une sorte de travail d’alchimiste, en plongeant dans l’infiniment petit, on dégage les éléments les plus élémentaires du réel et il nous est alors possible de transformer le plomb en or.
Peut-être par exemple, que comme moi, vous n’avez pas les moyens de partir en vacances, ou alors seulement un jour par ci par là, voire deux ou trois jours consécutifs une fois par an ou tous les deux ans, c’est mon cas, mais aussi parce que finalement la notion même de vacances ne veut plus dire grand-chose quand on vit pleinement sa vie et tout ce que l’on y fait. Mais donc, même si on part ailleurs une seule journée, il est tout à fait possible de savourer ces moments comme s’ils étaient interminables. Un jour égale trois semaines avec le stress des préparations de longues vacances en moins. Chaque seconde, chaque minute alors, se déploient, prennent une saveur incroyable, tout devient intéressant, agréable, beau, le moindre détail est agrandi et révèle ses merveilles. On peut vraiment appliquer ça à n’importe quel domaine de notre vie, y compris à celui de nos relations, ainsi qu’à chaque période de notre vie. Imaginez quel trésor peut être le temps de la vieillesse avec cette façon de voir et de la vivre.
Au lieu de courir sans cesse après quelque chose, d’essayer de retenir les choses ou de les figer, de se gaver, d’être dans une sorte de boulimie de plaisirs, de loisirs, de reconnaissance, de sécurité, pour au final cultiver une frustration souvent permanente de tout ce qui nous est impossible, inaccessible ou refusé dans l’instant ou en général, nous pouvons agrandir tout ce qui nous entoure, approfondir toujours plus, l’infiniment petit n’a pas plus de limites que l’infiniment grand, sans parler des univers qui sont en nous. Cela demande de savoir vivre l’instant présent, être dans l’instant présent, de ne pas trop laisser nos pensées nous embarquer n’importe où, de ne rien regretter d’hier (ça ne sert à rien et puis hier a nourri nôtre expérience présente, remercions-le), de ne pas avoir peur de demain (ça ne changera rien), de s’accepter aussi ici et maintenant, tel que l’on est, là où l’on en est, ce qui veut dire être fluide, laisser venir les humeurs, les émotions, les sensations, ne les jugez pas, ne les bloquez pas, mais ne vous accrochez pas à celles qui sont désagréables, reconnaissez-les par contre, donnez leur de l’amour, elles ont le droit elles aussi de passer, laissez-les passer, comme des nuages elles finiront par s’effilocher dans le ciel, attention à ne pas vous croire supérieurs ou plus forts qu’elles cependant, elles ont un travail à faire elles aussi avec nous. Trop souvent on se trompe sur la « pensée positive », il ne s’agit pas d’être parfaits, mais d’être ce que nous sommes instant après instant, et nous sommes changeants, impermanents, nous sommes les nuages et nous sommes aussi le ciel.
Nous n’avons pas fini de découvrir des trésors en nous, et plus nous découvrons de trésors en nous, plus nous sommes capables de les voir chez les autres, car nous ne pouvons voir chez les autres que ce que l‘on connait déjà, nous ne les comprenons qu’à travers notre propre prisme, notre propre réalité, alors plus on agrandit notre réalité, plus il y a de la place pour les autres, tous les autres, tels qu’ils sont, aussi changeant que des nuages dans le ciel de l’ici et maintenant.
Tout ça pour dire que la simplicité joyeuse et volontaire, ce n’est pas seulement consommer bio et moins gaspiller, chacun de nos gestes, de nos pensées agissent dans plusieurs dimensions, et la dimension symbolique est tout aussi effective et agissante que les autres. Cela devient donc une sorte de philosophie pratique et spirituelle, ascétisme et hédonisme fusionnent, une simple bouchée de nourriture devient un festin à elle toute seule, un parfum, un souffle d’air, une musique peuvent provoquer un orgasme ou une illumination, tous les sens sont en éveil et on découvre qu’ils ont des capacités d’extension insoupçonnées, et que nous avons des capacités toutes aussi insoupçonnées pour faire face aux épreuves, à ce qui semble adversité, de voir au-delà des apparences.
Et ceci d’autant plus que nous savons simplifier justement nos vies, que nous arrivons à distinguer nos satisfactions réelles de celles qui nous sont en quelque sorte présentées comme indispensables. Cela peut remettre en question bon nombre d’évidences, ou de ce qu’on l’on prenait pour des évidences, concernant nôtre statut social par exemple, notre vie professionnelle, l’image que l’on pense devoir donner de soi. Quand on commence à s’engager sur ce chemin de la simplicité joyeuse et volontaire, on fait rarement demi-tour, ce qu’on y trouve pulvérise bon nombre de nos croyances. On se rend compte déjà que ce n’était que des croyances, dont on avait hérité sans même s’en apercevoir de notre milieu familial, social, amical même. Nous ne gardons alors que celles qui restent d’elles-mêmes parce qu’elles sont justes évidentes, notre détecteur de mensonges, ceux que l’on se fait à soi-même, s’affine de plus en plus et comme la simplicité réduit nos besoins, nous découvrons de plus en plus d’espaces de liberté, de possibles. Nous ouvrons grand toutes les portes, les fenêtres, voire nous faisons tomber des pans de murs, nous savons que même avec un strict minimum, notre regard positionné en macro, nos sens démultipliés et notre source intarissable de joie inconditionnelle, nous offrent absolument tout ce que l’on pourrait souhaiter. C’est peut être ça le secret de la multiplication des pains et de l’eau changée en vin des Chrétiens. Un secret qui vient de bien plus loin et traverse les époques, intact.
cathy garcia, 21 juin 2017
La simplicité ce n'est pas seulement faire des choses mais c'est aussi et surtout ÊTRE. Faire autant que possible des choix qui nous permettent d’être plutôt que de paraître et/ou d'avoir (deux redoutables diktats), donc que ce soit sur le plan pratique et matériel ou moral, toujours se poser la question de l'utilité, du sens de ce qu'on l'on fait, de ce que l'on achète, de ce que l'on possède, de ce que l'on pense, de ce que l'on dit. L'utilité d'une façon très vaste et le sens et l'impact des choix que nous faisons, comment nous utilisons nôtre temps et quelle place nous laissons dans notre vie pour l'essentiel. Ce qui veut dire déterminer déjà qu'est-ce qui est réellement essentiel pour nous et là nous trouverons ce qui est essentiel communément à la plupart des êtres humains et puis ce qui nous est essentiel à nous tout personnellement et particulièrement, et pour déterminer cela il faut se connaître, au-delà de ce que nous avons appris, au-delà de ce que nous pensons devoir être ou faire, au-delà de ce que nous pensons devoir prouver et au-delà des attentes que nous pensons être les nôtres ou celles des autres qui nous entourent et de la société elle-même. Pour se connaître en profondeur, il faudrait en quelque sorte d'abord se dévêtir de tout costume, masque, parure, rôle et désapprendre tout ce qu'on croit savoir. La simplicité joyeuse et volontaire s'applique tout aussi bien dans notre quotidien de façon pratique qu'à l'intérieur de nous-mêmes, c'est très important pour justement commencer à faire des choix de plus en plus cohérents et que l'ensemble de notre vie tende vers un réel épanouissement, prenne sens, quel que soit le contexte, les conditions extérieures. C'est une forme de philosophie et c'est même spirituel, ou disons plutôt holistique, le terme "spirituel" pouvant rebuter certains(e)s. Il y a comme une résonance qui se créé entre ce que nous faisons, comment nous vivons et ce que nous sommes en profondeur, une adéquation et alors une paix intérieure s'installe, cela prend du temps mais ce qui est certain, c'est que plus on avance sur cette voie et plus les choses se mettent en place d'elles-mêmes, se simplifient dans le bon sens du terme. Nos existences sont moins polluées tout comme notre corps et notre mental, c'est une forme de lâcher-prise avec une conscience qui s'affûte toujours plus et il est difficile, voire impossible de retourner en arrière, mais il faut faire attention à ce que cela soit une ouverture et non pas une fermeture, que la discipline qui se met en place ne devienne pas un dogme. C'est pourquoi j'insiste sur le terme "joyeuse", ça ne veut pas dire qu'on doit être béat en permanence mais je parle d'une sorte d'état intérieur qui nous relie peu à peu à la source d'une joie inconditionnelle, inconditionnelle c'est important, une sorte d'évidence qui nous met en paix avec nous-mêmes mais aussi avec les autres qui cheminent aussi, chacun à son rythme. Il y a une histoire amérindienne qui parle de maïs, différentes sortes de maïs, certaines poussent très vite, d'autres très lentement, mais toutes sans exception parviennent à maturité, c'est ça qui est important, c'est que toutes et tous, quel que soit le temps que ça prend, nous mûrissons et ceux qui vont plus vite peuvent aider et encourager ceux pour qui il faut plus de temps. Chacun(e) doit faire de toutes façons ses propres expériences et à son rythme.
Tiers lieux, friches, ZAD… Le succès des espaces alternatifs entérine une nouvelle manière de vivre et de travailler. Au risque de la récupération.
Les allées de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul, dans le XIVe arrondissement de Paris, baignent dans un froid humide et une tempête de sentiments contradictoires. Mélange d’euphorie et d’amertume, de fierté et d’épuisement. Les deux années écoulées entre ces murs décrépis étaient « extraordinaires » et « difficiles », glisse un amoureux du lieu. Et il faut décamper. Déjà.
En 2015, l’hôpital tombé en désuétude a donné naissance aux « Grands Voisins » : un gigantesque village d’alternatives regroupant 250 associations, des artistes et des artisans, un millier de travailleurs, des cafés, des restaurants, un camping, une galerie d’art, une université populaire et d’innombrables espaces d’expérimentations écologiques et solidaires. L’originalité de ce gigantesque « tiers lieu » est d’être organisé autour de cinq centres d’hébergement d’urgence de l’association Aurore, qui ont accueilli jusqu’à 600 personnes. Une manière inédite de tisser la ville autour du social.
Réinvestir des espaces vacants
Le gigantisme et la vitalité de ce projet en ont fait la vitrine d’un mouvement de fond. Les lieux alternatifs poussent en effet comme des champignons depuis quelques années, dans les angles morts de la spéculation immobilière. Tiers lieux, espaces communs, friches, ZAD : sous des appellations diverses et suivant des démarches variées, il existe désormais un réflexe de réappropriation des espaces vacants pour en faire des « communs » consacrés à des logiques non-marchandes. Et les mairies sont forcées de reconnaître l’attractivité de ces espaces singuliers, au moment même où les centres-villes se désertifient à cause du développement aveugle des centres commerciaux [1].
Les tiers lieux – espaces où vivre, créer, résister et travailler – se multiplient depuis le tournant des années 2010, sous l’impulsion d’une poignée d’animateurs des communs numériques, comme les logiciels libres. La génération biberonnée à Internet s’est forgé une culture collaborative qui rejaillit dans des lieux dédiés au « faire ensemble » (comme les fab labs) et épouse une dynamique déjà ancienne parmi les artistes et dans le mouvement des squats.
Ce courant coïncide avec l’explosion des incubateurs et des plateformes de coworking (bureaux partagés), très en vogue à l’heure de l’ubérisation et du télétravail. Ces lieux vantent les vertus de la synergie coopérative et de l’enrichissement mutuel, jusqu’à s’appeler eux-mêmes « tiers lieux ». Même si cette devanture vise parfois seulement à mettre un peu de fard sur un business qui se résume peu ou prou à de la location de bureaux.
Au même moment, le combat que mène le mouvement des squats depuis les années 1990 pour que les espaces laissés vacants par les promoteurs immobiliers soient réinvestis commence à résonner hors du premier cercle militant. « Il y a 3 millions et demi de mètres carrés de bureaux vides rien qu’en Île-de-France, alors que les besoins non pourvus sont énormes, à cause de prix trop élevés », déplore Jean-Baptiste Roussat, de Plateau urbain, coopérative d’urbanistes fondée en 2013, qui copilote le projet des Grands Voisins et s’est spécialisé dans la location des espaces vacants au prix des charges. « Il y a une dynamique très forte d’urbanisme temporaire qui témoigne d’une transition économique dans une perspective moins lucrative », estime-t-il. De la friche de la Belle-de-Mai, à Marseille, au projet Darwin, à Bordeaux, les municipalités, même de droite, consentent désormais au secteur associatif des espaces au cœur des villes.
À Paris, les Grands Voisins disposent gratuitement de 3,2 hectares, loués au prix des charges. En échange, les locataires s’engagent à participer à l’œuvre collective, en soumettant des projets au Conseil des voisins, qui se réunit tous les deux mois. La Mairie de Paris a mis dans la boucle le collectif d’urbanistes marseillais Yes We Camp, qui développe un « jaillissement créatif [pour] réenchanter la ville » et créer du brassage.
Partir des usages
Comme la plupart des tiers lieux, les Grands Voisins ont fleuri autour d’une intuition qui était déjà au cœur du mouvement d’éducation populaire dans les années 1970 : tout doit partir des usages. « Il y a du talent à aller chercher dans les centres ! », assure Michael Mosset, référent technique des Grands Voisins et du « projet food », né autour d’une poignée de résidents qui vendaient de la nourriture à la sauvette. Un bâtiment a été aménagé en cuisine industrielle avec des matériaux récupérés pour permettre à douze résidents de s’essayer à l’activité de restaurateur, prévoir leur budget, recruter une quarantaine de commis et dégager des recettes. « C’est hyper bénéfique et hyper valorisant », témoigne le professionnel.
L’alimentation fait d’ailleurs souvent des miracles. À la Halle Papin, friche récupérée par le collectif Soukmachines, à Pantin (Seine-Saint-Denis), ce sont les barbecues en accès libre qui ont rencontré un succès inattendu. « Tout le monde venait faire cuire ses grillades, c’est l’élément qui a rassemblé le plus de publics différents », raconte Yoann-Till Dimet, l’animateur de cette ancienne usine de pneus où se sont installées des activités variées. « Nous croyons au temps passé côte à côte à fabriquer des choses. C’est pour cela que le chantier est souvent un moment fondateur », observe Simon Sarazin, actif dans de nombreux tiers lieux en région lilloise.
Sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, cet esprit se matérialise par une multitude de chantiers collectifs. « Le “commun”, c’est de faire des trucs ensemble, résume Camille [2], de l’ancienne ferme occupée les Fosses noires. Simplement, il faut accepter que cela prenne du temps. » Dans les associations dépendantes des subventions, où les projets doivent être écrits et évalués en amont, c’est parfois compliqué. Comme dans les structures institutionnelles : « On le voit avec les grosses salles de spectacle. Il y a une lourdeur et une “normalité”. Elles ont du mal à créer des espaces ouverts et partageables », observe Simon Sarazin.
Par souci d’autonomie – mais aussi parce que les subventions se raréfient depuis quelques années –, beaucoup de tiers lieux sont contraints de financer leurs projets avec de petites activités. Le plus souvent, c’est une buvette. Et c’est là qu’apparaît une contradiction fondamentale pour beaucoup. Car cela réinstalle la logique marchande au cœur du lieu, ce qui fait craindre une perversion du projet et la mise à l’écart des plus pauvres. Une contradiction devenue frappante depuis que les friches sont prisées par la jeunesse fêtarde, qui fait grimper le chiffre d’affaires des buvettes.
Certains lieux prétendument alternatifs l’assument totalement. « Ce sont des “limonadiers” qui utilisent l’esthétique de la friche pour monter un business », raille Yoann-Till Dimet. Sur ses énormes emprises vacantes, la SNCF privilégie ainsi des logiques uniquement festives qui font de juteux business. Idem lorsque Sinny & Ooko, spécialiste de l’aménagement de friches à Paris, dispense des formations pour devenir « responsable de tiers lieu culturel », facturées 2 000 euros les 40 heures.
Brasser le social et la bière
Beaucoup de lieux se situent sur une ligne de crête entre logique marchande et nonmarchande. C’est la principale critique formulée à l’endroit des Grands Voisins. Parce qu’Aurore a dû facturer des loyers pour l’occupation de locaux, là où certaines friches préfèrent le principe du prix libre, pour laisser une place aux structures désargentées.
Le prix de la bière sur place suscite aussi beaucoup de critiques. À La Lingerie, la brasserie centrale du site, la pinte s’affiche à 4,50 euros et le café à 1,50 euro. Et les résidents qui vivent dans les foyers des Grands Voisins désertent l’endroit hors des heures de prix libre, limitées au vendredi de 8 h 30 à 10 h. Cette situation s’est imposée à Yes We Camp, l’association qui tient le lieu, pour compenser la perte d’une subvention promise par la Ville de Paris, annulée à la suite d’une menace de poursuites pour favoritisme de Valérie Pécresse. Pour payer ses sept salariés et financer ses projets, elle a dû se rabattre sur les boissons. La programmation musicale a fait venir un public extérieur, dont une partie ignore qu’il y a des foyers d’hébergement sur le site. Au point que certains se demandent si l’objectif initial du projet – mettre le social au cœur de la ville – n’a pas été perdu de vue. « Vendre de la bière pas chère, ce n’est pas du militantisme, rétorque Aurore Rapin, de Yes We Camp. Et la recette de La Lingerie nous permet de financer une quinzaine d’activités ouvertes et gratuites chaque semaine. Si tous les bistrots de Paris fonctionnaient comme nous, avec des salaires bas et l’intégralité des recettes réinvesties dans le commun, la ville n’aurait pas la même gueule ! »
Le niveau de mixité sociale n’est pas indexé sur le prix de la bière, s’agacent aussi les « voisins » les plus investis. Les visiteurs occasionnels ne perçoivent pas toujours la détresse d’une partie des personnes hébergées. Ceux que le sort accable. Le poids des addictions, parfois, ou des problèmes psychiatriques qui cloîtrent certains dans leur chambre. Il arrive que ce soit aussi leur propre sentiment de honte qui les tienne à l’écart. La cohabitation a donc parfois créé des frictions, dont la violence n’est pas visible. A contrario, c’est dans des projets moins visibles que se cachent les petites rencontres qui font le trésor des Grands Voisins. « C’est devenu tellement foisonnant que, même en tant que cogestionnaire, il est difficile d’en voir toute la richesse », assure Jean-Baptiste Roussat.
L’autre grande limite de la dynamique des tiers lieux, c’est leur durée. La plupart des friches sont cédées pour de courtes périodes, le temps des études d’architecture et des enquêtes publiques, avant que les pelleteuses ne reprennent leurs droits. Aujourd’hui, à peine deux ans après l’ouverture, les Grands Voisins doivent plier bagage, à cause de la pression foncière. Pas de quoi tisser un lien avec les habitants du quartier.
Le temporaire est un mal pour un bien, à en croire certains porteurs de projets. « Lorsque tu t’installes trop, tu te nécroses. L’envie et l’énergie du début se tarissent », juge Marc Ganilsy, avocat historique du mouvement squat et de l’urbanisme temporaire. « L’éphémère a permis de tester énormément de choses et d’avancer en défricheur sur certains trucs », renchérit Michaël Mosset. « La rapidité de la prise de décision est possible parce que l’échec n’est pas un problème… C’est bientôt fini », résume Pierre Machemie, thésard en immersion dans un des centres d’accueil des Grands Voisins.
Rendre le squat légal
Ces occupations temporaires intéressent aussi beaucoup les propriétaires. Elles permettent d’économiser les frais de gardiennage et évitent les longues procédures d’expulsion quand les lieux sont squattés. L’agence Camelot – c’est bien son nom – leur propose ainsi de louer leur espace à des occupants sélectionnés sur critères de ressources, qui auront interdiction d’avoir des animaux de compagnie et d’organiser des fêtes chez eux… Sans aller jusqu’à cet extrême, la mode de l’urbanisme temporaire met mal à l’aise beaucoup d’acteurs associatifs. Faut-il que ces « carrefours des alternatives » soient les idiots utiles de la spéculation immobilière ? A-t-on « rendu le squat légal » en lui retirant tout esprit de subversion ?
Darwin, à Bordeaux, en a fait l’amère expérience. Le projet mêle un espace de coworking et un village alternatif dévolu à une quarantaine d’associations, avec une fibre écolo et alternative. Installé depuis 2009 sur 34 hectares d’une ancienne caserne militaire, à deux pas du centre, Darwin a dû fermer son village associatif, logé en bail précaire, en mai. La location des espaces de coworking installés sur l’autre partie, rachetés par Darwin, a pu, elle, demeurer. « C’est une grande déception, parce qu’on se vit comme une alternative. C’est un peu désespérant de voir l’ancienne économie et la logique spéculative reprendre leurs droits », déplore Jean-Marc Gancille, cofondateur.
Ironie de l’histoire, le lieu avait essuyé quelques critiques lors de son installation, largement soutenue par le maire, Alain Juppé, soucieux, disait-on, d’éviter des squats plus indociles. « Nous avons redynamisé le territoire sans toucher de subventions et contribué à notre corps défendant à la gentrification du quartier », soupire Jean-Marc Gancille. Un accord est néanmoins sur le point d’être conclu pour « maintenir une bonne partie des activités associatives sur place ».
Les Grands Voisins sont pétris de ces contradictions. Les élus l’applaudissent à tout rompre, de la Mairie de Paris, « particulièrement bienveillante », notamment sur le plan juridique, à François Hollande en passant par le Premier ministre, Édouard Philippe, venu le 9 novembre lancer sur place ses travaux pour « l’innovation sociale ». L’accueil a été des plus courtois, et personne n’a évoqué l’idée d’entrer en résistance contre les décideurs pour inscrire les Grands Voisins dans la durée. Hormis un acteur associatif qui a été jusqu’à interrompre le Conseil de Paris pour alerter, dans le plus simple appareil, contre le manque de locaux associatifs ! « Tout le monde partage l’idée qu’il ne faut surtout pas entrer en conflit, mais montrer que ça marche et que c’est cool », constate Jean-Baptiste Roussat.
« La réussite de ce type de lieux repose en partie sur la volonté des pouvoirs publics, nous avons besoin de facilitateurs », témoigne Damien Anglade, du Café des pratiques, né en 2010 à Besançon du désir de deux jeunes mères de créer du lien social autour d’activités créatives et ludiques. Or, les pouvoirs publics restent largement arc-boutés sur une logique marchande. La vision promue par les tiers lieux « n’entre pas dans les logiques habituelles de valorisation du foncier. Des blocages culturels quant à la façon de faire la ville » persistent, regrette Jean-Marc Gancille. D’autant que les contrats d’occupation temporaire s’obtiennent désormais de plus en plus sur la base d’appels d’offres, qui mettent les acteurs en concurrence, avec une prime aux « écosystèmes » autofinancés. « Le Grand Paris exige qu’on dépose un dossier avec une banque et un promoteur. C’est une machine de guerre qui est en train de tout écraser », tonne Anastasia Kozlow, animatrice du Jardin d’Alice, un collectif d’artistes qui voyage en région parisienne depuis dix ans, de friche en friche. C’est la prime aux grosses structures, alors que la suppression des contrats aidés semble donner le coup de grâce aux associations les plus modestes.
Acquérir les murs
Les tiers lieux accompagnent-ils ce mouvement de sape ? Une certitude : Aurore n’est pas un mouvement anticapitaliste. Son conseil d’administration est présidé par le PDG de Vinci autoroutes, Pierre Coppey, avec comme vice-président le PDG du groupe Vinci, Xavier Huillard. L’association se fixe comme principe de ne recevoir aucun argent de la Fondation Vinci et se finance à 98 % sur deniers publics. Mais elle ne figure pas parmi les plus farouches défenseurs des alternatives non-marchandes. Son CA a d’ailleurs récemment rejeté un projet similaire aux Grands Voisins que les équipes d’Aurore préparaient à Marseille, préférant renforcer ses activités là où elle est déjà implantée.
« Ce qui se passe aux Grands Voisins est hyper intéressant, mais nous avons un peu l’impression de nous être fait récupérer, résume Jean [3], de la Petite Rockette, une ressourcerie issue du mouvement squat. Ça a servi de réceptacle à des énergies qui existaient dans le cadre non-marchand et ouvert le champ à une marchandisation des espaces intercalaires. »
Et les histoires fabuleuses des Grands Voisins se conjuguent malheureusement le plus souvent au singulier. Le florilège de projets et de rencontres valorise une certaine idée de l’« entreprendre ensemble ». « L’expérience a été très bénéfique pour 30 ou 40 résidents débrouillards, qui déploient des stratégies extrêmement astucieuses pour tirer profit de cette économie informelle, observe Olivier Coulaux, bénévole sur le site et doctorant à l’École des hautes études en sciences sociales. Mais que propose-t-on à tous les autres, ceux qui sont inutiles à l’économie de marché et mis à l’écart par le chômage de masse ? Comment aide-t-on les gens autrement qu’en les transformant en entrepreneurs ? »
Ahmed [3], attablé à la terrasse de La Lingerie avec un café et une poignée de monnaie-temps, ressent cette amertume : « La seule chose que je demande, c’est une carte de séjour, pour travailler, explique le trentenaire, arrivé de Tunisie par bateau en 2008. Je sature, ici. Je suis fatigué des Grands Voisins. Fatigué du système. Il n’y a rien qui avance. »
Pour s’affranchir du carcan institutionnel et lutter contre l’emprise des logiques marchandes, le nerf de la guerre sera la propriété. Beaucoup de porteurs de projet réfléchissent donc à un moyen d’acquérir leurs murs. Pour que ces espaces puissent s’inscrire comme des lieux de respiration et de résistance indépendants.
[1] 12 % des boutiques de centre-ville sont vides en 2017, contre 7,2 % en 2012, tandis que les 807 centres commerciaux français occupent (tous niveaux additionnés) une superficie équivalente à 2 fois la Corse (+15,6 % en dix ans). Source : Le Monde.
[2] Prénom d’emprunt des zadistes lorsqu’ils s’adressent à la presse.
Fondateur de ProNatura en 1987, réseau pionnier de maraîchers et d’arboriculteurs biologiques, Henri de Pazzis a retrouvé la terre. Il la cultive sans hâte, oeuvrant à la «renaissance du blé», attentif à l’équilibre du monde : l’agriculture est, selon lui, une métaphysique.
Lorsque l’on arrive chez Henri de Pazzis, c’est la joie qui nous accueille, et une sorte de profonde tranquillité, malgré l’activité bien vive tout autour. Dans la canicule de ce début d’été, pénétrer dans le mas provençal aux larges pierres est une consolation, cette vieille bâtisse où il vit avec sa famille, en retrait de quelques kilomètres de la fournaise touristique Saint-Rémy-de-Provence. Nous échangerons, abrités par la fraîcheur du lieu en pleine après-midi, dans la douceur de l’aube et de la nuit tombée, et sous l’ardent zénith au milieu des 40 hectares de terre qu’il cultive pour y faire vivre des variétés de céréales anciennes.
L’homme qui a fondé ProNatura en 1987, réseau pionnier de maraîchers et d’arboriculteurs biologiques, et qui a animé son expansion inattendue jusqu’à ce que l’entreprise devienne l’un des principaux distributeurs de fruits et légumes bio en Europe, l’a quittée en 2014. Elle réalisait un chiffre d’affaires de 90 millions d’euros, qui n’a pas cessé de croître depuis. Henri de Pazzis y avait fait entrer un fonds d’investissement en 2005, en pensant, «naïvement» convertir des financiers à la bio. Le conflit était devenu ouvert quand il entreprit de renforcer la relation avec des producteurs locaux et de choisir résolument une bio artisanale. C’est donc lui qui est parti, pour revenir à ses amours : la terre, qu’il avait déjà cultivée en tant que maraîcher dans les années 1980 avant de fonder ProNatura, et l’écriture.
«S’il pleut, on laisse pleuvoir»
Nous rencontrons l’auteur de La Part de la Terre, l’agriculture comme art [*], le jour de la récolte des pois chiches. C’est l’été des premières récoltes, le commencement d’un long projet. «Je peux me permettre de prendre un peu de temps, d’expérimenter, de me tromper.» Sur les 6 hectares de pois chiches qu’il a semés, environ la moitié a été «perdue», envahie par les chardons. «Cela m’a permis de vivre l’un des premiers principes de l’agriculteur : tu es là pour la récolte, mais la récolte ne t’appartient pas», nous dit-il en souriant, et nous racontant avec poésie comment, un matin où il se rend aux champs, il découvre un très bel oiseau qu’il ne connaît pas se délectant des graines de chardon. «J’ai raté mes pois chiches, mais une autre dimension de la nature s’est dévoilée.» Cela lui rappelle la sagesse des paysans ardéchois auprès desquels il avait démarré, il y a plus de 30 ans, qui reconnaissaient la puissance qui les dépasse, et se répétaient en provençal : «S’il pleut, on laisse pleuvoir.»
«Cependant, la question de la technique est évidemment essentielle, et si tu te perfectionnes dans ton art, souvent la récolte sera abondante.» C’est bien comme un art qu’Henri de Pazzis conçoit et vit l’agriculture, au sens propre, «à la façon dont les anciens — les présocratiques — employaient invariablement les termes de tekhnè et de poïèsis. L’art est alors l’action de faire apparaître dans le monde quelque chose qui n’y était pas. À ce moment-là, l’œuvre d’Homère ou celle du menuisier sont équivalentes par nature», explique-t-il en regardant les grains de pois chiches tout frais, lovés dans la paume de sa main. Quand il écrit que «l’agriculture est art de révélation de la chair du monde», c’est à cette poétique qu’il se réfère, qui est transformation de soi-même, du monde, du visible et de l’invisible; une opération complète.
«La nature est un principe agissant»
«L’échelon de valeur entre l’art, la poésie et la technique apparaît plus tard, et correspond à un véritable changement de perspective. De l’unité originelle du monde et des choses, l’histoire voit se succéder une série de divisions. C’est le monde de Babel, le monde de la confusion des plans, du sens des mots.» La vision de «la nature» proposée par Henri de Pazzis est très emblématique de sa vision du monde. «La séparation entre la nature et la culture est une invention des sciences sociales en 1860» quand, selon lui, «la nature est un principe agissant» que l’on retrouve derrière chaque phénomène. Nous contemplons le massif des Alpilles, qui fait face au mas, et notre regard navigue de cet horizon superbe à la bétonnière encore utile aux derniers travaux. Henri poursuit sa réflexion. Ainsi, notre mode de vie, nos constructions (même bétonnées) sont une production de la nature, de la même façon que le nid d’un oiseau.
L’ingéniosité de l’espèce humaine — et qui fait la spécificité de sa nature —, livrée au seul esprit de démesure, conduit aux pires destructions, comme en témoigne l’histoire de l’agriculture. En défrichant les forêts pour se lancer dans de grandes cultures nécessaires à un mode de vie sédentaire, l’homme a créé nombre de déserts. «Pour parler de ce que nous voyons, je parle plutôt de paysage.» Henri de Pazzis ne considère pas sa recherche agricole comme une façon de dominer le monde, ou même de le maîtriser, mais de «l’habiter». Et de se prendre lui-même en exemple : «Si je ne parviens pas à maîtriser ma propre nature en tant qu’individu, comment puis-je maîtriser quoi que ce soit d’autre? En faisant de l’agriculture, tu maîtrises ton propre exercice, c’est cela la beauté du métier, et tu t’achemines vers la maîtrise de ta propre nature. En étant menuisier, tu n’atteins pas le bois, tu ne peux que t’atteindre toi-même; c’est la même chose pour l’agriculteur.»
Tout cela est une métaphysique. Henri de Pazzis ne pense pas que la technique permettra de résoudre l’impasse dans laquelle nous nous trouvons, mais qu’une révolution ne pourra s’accomplir que par «une pensée profonde et vécue liée à l’éprouvé de l’unité indivisible du monde», dont il entend une remarquable expression, entre autres, dans le «mia physis» de Cyrille d’Alexandrie au IVe siècle de l’ère chrétienne.
«En tant qu’agriculteur, je m’incline devant le blé. C’est moi qui le sers et non lui qui me sert»
Henri n’oublie pas la mission qu’il s’est donnée en revenant ici, au milieu des terres et des machines agricoles avec lesquelles il lui faut composer pour parvenir à la réalisation de ses projets. Contribuer, avec d’autres «chercheurs d’or» avant lui — tels que Jean-François Berthelot, Nicolas Supiot, Jean-Christophe Moyses, et bien d’autres — à la «renaissance du blé». Il y a peu d’aliments qui aient une histoire aussi extrême que celui-ci. Nourriture de base pour une grande partie de l’humanité depuis des millénaires, le pain est aussi celle qui a été la plus «violentée», jusqu’à devenir parfois un véritable poison. En témoignent les nombreuses intolérances actuelles au «gluten», dues aux variétés de blé moderne, plus productives mais très éloignées du «blé des origines», qui remplissait ses fonctions nourricières et symboliques.
«En tant qu’agriculteur, je m’incline devant le blé. C’est moi qui le sers et non lui qui me sert.» Et, avec lui, nous plongeons les mains avec tendresse dans des sacs emplis de Meunier d’Apt, de Touselle de Nîmes, de Florence Aurore; nous humons l’odeur délicate des grains dorés et charnus. Il s’agit, avant tout, de recueillir les semences de variétés anciennes et nobles, non commercialisées. Il en a reçu d’amis, de collègues, quelques dizaines de kilos. Les récoltes de cette année serviront à ressemer l’année prochaine, et à procéder, pas à pas, «à la multiplication du pain»!
Henri a décidé d’investir dans un trieur mécanique dans des silos, parce que la problématique que rencontrent souvent les céréaliers bio est de devoir vendre leur production aux coopératives et donc de ne pas pouvoir aller au bout du choix variétal. Avec ces outils, il va pouvoir trier chacune des variétés semées, et révéler leur unicité dans chaque farine, qu’il espère confectionner lui-même avec le moulin à meules de granit qui lui est destiné dans 2 ans. Son idéal serait d’aboutir à la fabrication du pain, pétri à partir de la farine fraîchement moulue; mais pour cela, fidèle à sa philosophie, il ne veut pas se hâter, ni chercher à raccourcir le temps dont les choses ont besoin pour se réaliser. Ayant bien conscience de l’ambiguïté de l’agriculture, dont il expose l’histoire dans son livre, il reconnaît être «sur le fil du rasoir». Comment faire pour que l’activité agricole humaine, même biologique, se fasse en harmonie de nature avec le paysage, et non dans une séparation, une forme de destruction? «Il y a un équilibre à trouver.»
«La seule chose importante est le combat, le cheminement, dont peu importe l’issue»
Concernant la crise écologique que traverse l’humanité, Henri de Pazzis ne s’inquiète pas pour la Terre. Si l’homme doit être expulsé, il le sera, mais «la nature nous survivra largement, elle changera de forme». D’ailleurs, animé par une joie subtile et un profond amour de la beauté, il pense que «l’homme mourra de tristesse bien avant de mourir de faim» s’il ne restaure pas ce lien qui le fonde avec l’ensemble du monde, et qu’il continue à le profaner — «le rendre profane autant que le violer». Toute la technique moderne ne parviendra pas à remplacer «la complexité, la vitesse de transformation de ce qui est là». «Comment veux-tu vivre sans entendre le chant des oiseaux?»
Un silence nous accorde d’y goûter, et la méditation se poursuit autour du complexe épisode biblique de Caïn et Abel qui reste une énigme pour lui : la ville et l’agriculture ont été conçues en même temps, n’ont jamais existé l’une sans l’autre, et nous nous rappelons qu’il fut un temps où «l’on était capable de dormir sous la voûte du ciel». Et cela, sans pour autant idéaliser le nomadisme et l’élevage, puisque le végétal lui-même, lié à l’homme qui cultive, l’est aussi au symbolisme du «Paradis terrestre». Il est d’ailleurs le seul règne capable de se nourrir directement de lumière, note Henri de Pazzis, pour qui «le véritable adversaire n’est pas l’agriculteur conventionnel», dont il parierait facilement de la conversion si lui-même fait bien son travail — pour ses voisins de terre par exemple — mais «l’anti-métaphysique».
«Finalement, comme on le retrouve dans l’idéal chevaleresque, la seule chose importante est le combat, le cheminement, dont peu importe l’issue. Il faut être debout, en marche, en guerre, bien que ce soient des termes compliqués à utiliser aujourd’hui.» Peut-être est-il possible, grâce à de telles réflexions, de les réentendre dans la profondeur de leur sens symbolique; et que l’action écologique soit une œuvre plénière de retrouvailles avec l’unité du vivant.
La part de la terre. L’agriculture comme art, de Louise Browaeys et Henri de Pazzis, éditions Delachaux et Niestlé, octobre 2014, 160 p., 19 €.
Fabriquer du lien, voilà l’essence de ce projet bien drôle : des clowns sont employés « municipô » pour le bien-être des habitants et la croissance du bonheur communal brut. Ces fonctionnaires très particuliers préparent leur relève, il y a tant de territoires à satisfaire !
Castelnau-Montratier (Lot), reportage
Uniforme orange fluo, képi assorti et balai vert, Gernard a tout d’un employé municipal. À première vue seulement. Car il y a un hic, comme le nez au milieu de la figure. Ce nez, justement, il est rouge. Gernard est clown « municipô ». « Je suis au service de la population, j’assure les missions que l’on me confie », explique-t-il sérieusement. Ce vendredi matin, il participe avec sa collègue Pétale à la collecte des ordures ménagères de Castelnau-Montratier. Les éboueurs accueillent avec amusement ces nouveaux venus turbulents qui balaient les poubelles avant de les vider, s’accrochent en chantant au camion-benne, jouent au basket avec les ordures.
Puis, direction l’hôtel de ville, où nos deux compères se jettent aux pieds du maire. « Qu’est-ce qu’on doit faire aujourd’hui chef ? », interroge Pétale. Tout sourire, l’édile ne semble pas étonné par tant de déférence : « Ils viennent me voir tous les jours, il paraît que je suis leur chef suprême ! » Nouvelle mission donc : nettoyer la statue de la Vierge, haute de plus de six mètres, sur la place du village. « C’est pas parce qu’elle est immaculée qu’elle n’est pas sale », commente Gernard, en se hissant tant bien que mal sur le socle.
Gernard et Pétale en train de nettoyer la statue de la Vierge.
Depuis l’Office du tourisme, Amélie les observe, les yeux rieurs : « Ça fait plaisir de les voir tous les jours, ça met de la bonne humeur. » À ses côtés, Amédée, nez rouge assorti à son maquillage, prépare une visite guidée « décalée » du village : « Je vais être druide touristique pour la journée de Patrick Moine », précise-t-elle.
« Notre but n’est pas de bien faire la mission, mais d’apporter de la joie, de la bonne humeur »
Depuis deux semaines, Amédée, Pétale, Gernard, Rhoe et Striknine sillonnent le territoire tout d’orange vêtus. Encadrés par deux « chefs clowns », Crestin et Haspyrine, ils vont à la rencontre des habitants à travers des « missions de service de proximité ». Certaines de ces tâches sont totalement absurdes : promener un poisson rouge, remplir les corbeilles du collège avec des papiers. D’autres pourraient être utiles… si elles n’étaient pas faites par des clowns ! Ainsi, quand Pétale et Gernard nettoient les panneaux de signalisation armés d’un plumeau et d’une éponge, ils passent plus de temps à effectuer des acrobaties extravagantes qu’à astiquer les saletés.
Le nettoyage de panneaux occasionne des portés acrobatiques inédits.
« On n’est pas complètement inutile, estime Gernard. Par contre, notre but n’est pas de bien faire la mission, mais d’apporter de la joie, de la bonne humeur. C’est un service public décalé, pour le bien-être mental des habitants. » Amélie acquiesce : « Les clowns nous disent de belles choses. L’autre jour, une personne se plaignait d’avoir des idées noires, Amédée lui a répondu d’y ajouter des idées blanches ! Ils ont toujours réponse à tout, mais de manière poétique. »
Amédée et Crestin répètent « l’hymne du clown municipô ».
« Notre rôle comme clown, c’est de participer à la croissance du bonheur communal brut », résume Francis Farizon, alias Crestin Frigo. De retour à la « caserne », un gîte rural en vieilles pierres à quelques kilomètres de Castelnau, chacun quitte son costume, et goûte un peu de repos. Nos « employés municipaux » sont en effet de service de 9 h à 17 h, et restent joignables tous les jours de la semaine sur leur « portatif » . Le soir et le week-end, ils participent en tant qu’habitants aux différentes activités. Après des cours de country, Striknine vient ainsi de disputer un match de tennis épique contre le champion du village. « Nous sommes des caméléons, observe Myriam Petiot, alias Haspyrine Potin. Quand je joue, j’observe, j’écoute, je fais l’éponge. En connaissant l’histoire des gens, je peux créer du lien, comme une toile d’araignée entre eux. »
Pétale et Gernard sont allés prêter main-forte aux éboueurs.
Francis Farizon convoque quant à lui l’image de l’idiot du village, celui à qui tout le monde parle, et qui parle à tout le monde. « Autrefois, il était un vecteur de lien social. Aujourd’hui que les fous sont enfermés, les clowns peuvent jouer ce rôle de relais, de maillon. » Par sa simple présence, le clown municipô crée la conversation, alimente les commérages, tisse des relations. « En une semaine, ils connaissent plus de monde dans la commune que nous qui habitons ici depuis toujours ! » m’a ainsi avoué une habitante.
« Leur présence apporte une nouvelle énergie, un autre regard »
Fabriquer du lien, c’est l’essence même du projet lancé en 2008 par Francis Farizon et Myriam Petiot, de la Compagnie La manivelle. À l’origine, une provocation sous forme de question : un clown peut-il être municipal ? Autrement dit, peut-on considérer l’art, le spectacle, comme un service public ? « Pour moi, le clown a une fonction sociale, au-delà de l’œuvre. Ou plutôt, notre œuvre est au service de la communauté et de la fabrique du lien social. » Afin de revendiquer l’apparente inutilité de leur travail, les deux comédiens ont choisi d’être municipÔ (et non pas municipal), et proposent leur idée aux collectivités locales. Le département de l’Aveyron a été séduit par le concept et a soutenu une première résidence d’artiste à Réquista.
Le groupe des clowns subalternes.
Depuis, Crestin et Haspyrine ont sévi dans des communes ou des quartiers au cours de quatre résidences de trois semaines à un mois. Pendant leur séjour, ils officient auprès des habitants, mais créent aussi un spectacle, nommé « rapport de mission », et réalisent des films avec l’aide de Joshua Imeson et Pascal Messaoudi, réalisateur et preneur de sons.
« Dans nos restitutions, nous racontons la vie des gens, du village, mais seulement ce qu’il y a de beau, insiste Francis Farizon. Aujourd’hui, l’accent est énormément mis sur le drame, le négatif. Nous, on souhaite pointer ce qu’il y a de positif, à encourager : notre fonction est de véhiculer de l’amour. » Un avis partagé par Amélie, rencontrée plus tôt à l’Office du tourisme de Castelnau-Montratier : « Leur présence apporte une nouvelle énergie, un autre regard. Elle permet d’éveiller les consciences dans un petit village en milieu rural, de voir des choses dont on n’a pas l’habitude. »
L’une des missions principales du clown, c’est de baliser avec des rubans les déjections canines.
Car le clown surgit dans le quotidien des habitants tel un étranger : il est l’incarnation de l’altérité et questionne la peur de l’inconnu. « Mais malgré cette différence, chacun peut l’aimer, communique avec lui », observe Francis Farizon. Il se rappelle ces néoruraux venus les remercier de leur travail « qui permet d’éduquer la population à accueillir des nouveaux ». À la campagne ou en ville, le clown touche tout le monde, au-delà des générations ou de la classe sociale. En 2015, après trois semaines dans la cité de la Fontaine-du-Bac, à Clermont-Ferrand, Crestin et Haspyrine faisaient partie de la communauté.
« Ici, hors de la saison estivale, il ne se passe quasiment rien »
Bien sûr, l’arrivée d’énergumènes à nez rouge se revendiquant fonctionnaires ne passe pas toujours bien auprès de la population. « Gaspillage d’argent public »,« dépense inutile »… ces réflexions, Frédéric Plicque les a souvent entendues. Coordinateur de l’association Lézards de la rue, il a organisé le séjour des clowns municipôs sur la communauté de communes du Quercy blanc (Lot), en 2014, puis en 2016. « Beaucoup d’élus et d’habitants ne comprenaient pas l’intérêt, se rappelle-t-il. Pour eux, l’urgence est de construire des routes et de maintenir des écoles. »
Gernard pique un somme en attendant les visiteurs à l’Office du tourisme.
Pourtant, les comédiens ne coûtent rien aux contribuables locaux : leur venue est financée à hauteur de 15.000 € par la direction régionale de l’action culturelle (Drac) de Midi-Pyrénées (désormais Occitanie), via un dispositif original : la résidence de territoire. « Pendant deux mois, des artistes sont payés pour aller vivre sur un territoire, créer du lien, apporter de l’animation dans des zones rurales où il y a très peu de structures culturelles. Ici, hors de la saison estivale, il ne se passe quasiment rien », explique Frédéric Plicque.
Avec leurs messages poétiques et leurs missions décalées, les clowns municipôs sont donc une sorte de spectacle vivant et quotidien pendant plusieurs semaines. À Castelnau-Montartier, où ils sont déjà venus en 2014, tout le monde semble les apprécier, jusqu’à Mme Sanchez, grand-mère nonagénaire qui sort très peu de chez elle : « Ça fait de l’animation », sourit-elle sur le pas de sa porte.
Pétale et Gernard sont allés rendre visite à Mme Sanchez, pour nettoyer les mégots devant chez elle. Le nettoyage vire à la chasse au trésor.
Mais le travail de clown municipô est usant. Aujourd’hui, Francis Farizon et Myriam Petiot se sentent un peu fatigués. Alors, pour assurer la transmission et essaimer leur « bébé », nos deux comédiens se sont lancés dans la formation. Amédée, Pétale, Gernard, Rhoe et Striknine constituent leur première promotion. Après trois semaines dans les communes du Quercy blanc, ils sont prêts à prendre l’uniforme à leur tour. « La relève est assurée, et ça, ça rassure ! » conclut Myriam Petiot.
Les clowns en formation doivent aussi maîtriser l’art du clown : ici, le lancer de tarte à la crème.
Un autre monde est-il vraiment possible? Il le faut car le monde actuel ne l’est plus.
Tout le monde le voit, ce système de compétition féroce et mondialisée fonce dans le mur. Les dégâts sociaux et écologiques s’accumulent, les inégalités explosent, la démocratie devient une coquille vide.
Mais comment imaginer la transition vers une société vivable ? Avec qui et comment ?
Les réponses, multiples, foisonnent déjà sous nos yeux, dans les mouvements de la société. Résistances et actions de désobéissance créative contre les lois du Medef et des transnationales, occupations de places et d’espaces libérés, construction des communs dans l’alimentation, le logement, la monnaie, Internet... Même si la route est longue, elle peut être tracée. Ce petit manuel propose une stratégie à l’intention de tous ceux, aujourd’hui nombreux, qui se demandent si l’espoir est encore permis.
Attac veut ainsi permettre aux citoyens de s’engager pour faire de la politique autrement, sans carrières ni rivalités, au seul service du bien commun.
Dans cette nouvelle édition augmentée et mise à jour du Petit Manuel de la transition, Attac met en débat une multitude de propositions pour changer de modèle. Des propositions et une méthode : la construction de convergences. Car si les mouvements sociaux ne parviennent pas à travailler ensemble, nous serons emportés par les désastres qui s’annoncent.
L’Europe est au bord du gouffre et la planète ne va pas mieux. Licenciements, chômage, austérité, spéculation, pollutions, dérèglement du climat… le néolibéralisme va de crises en catastrophes.
Il est grand temps de bifurquer ! De rompre résolument avec ce capitalisme débridé, intrinsèquement inégalitaire et productiviste et de remettre la démocratie au poste de commande.