La simplicité joyeuse et volontaire, comme je la vis et l’ai vécu avant même de l’avoir nommée, c’est de savoir apprécier ce qu’on a, quels que soient nos moyens, et ceci sur tous les plans. Pas dans l’idée d’une discipline qu’on s’impose, d’une vertu à cultiver, non, pas d’efforts qui finiront par nous dégouter, nous révolter et nous faire retomber plus bas qu’au départ, c’est vraiment autre chose. C’est une sorte d’initiation à l’essence du plaisir. C’est d’abord apprendre à regarder les choses à la loupe et à amplifier nos sensations. Lorsqu’on passe près d’une plante à toutes petites fleurs, souvent elle est tellement insignifiante qu’on ne la remarque pas ou à peine, mais si on prend le temps de se pencher et de la regarder de près, alors se révèlent des trésors de nuances, de finesse, de beauté. C’est pourquoi j’aime faire de la macro en photo. En macro une punaise devient un joyau, mais la macro, c’est aussi une façon de voir que l’on peut appliquer à tous les domaines de notre vie.
Pas seulement pour aller remuer ce qui ne va pas, ce qui manque, ce qui fait mal, ça en général on sait tous le faire et il faut parfois le faire, mais il faudrait aussi le faire pour aller arroser les minuscules graines de joie inconditionnelle qui n’attendent que notre attention pour s’épanouir. Alors, ça ne veut pas dire se forcer à être d’un optimiste béat ou se voiler la face, bien au contraire, plus on sait apprécier le minuscule, plus on voit aussi la moindre petite ombre triste de ne pas être prise en compte elle aussi, car la vie est faite d’ombres et de lumière et nous avons à apprendre des deux. Les deux sont nécessaires pour prendre conscience, terme emprunté au latin classique « conscientia », la « connaissance en commun », donc quelque chose qui va au delà de l’individu, quelque chose que nous partageons et que nous devons chacun alimenter autant que possible, afin que l’humanité dans son ensemble puisse évoluer. Ainsi la simplicité joyeuse et volontaire pourrait s’apparenter à une sorte de travail d’alchimiste, en plongeant dans l’infiniment petit, on dégage les éléments les plus élémentaires du réel et il nous est alors possible de transformer le plomb en or.
Peut-être par exemple, que comme moi, vous n’avez pas les moyens de partir en vacances, ou alors seulement un jour par ci par là, voire deux ou trois jours consécutifs une fois par an ou tous les deux ans, c’est mon cas, mais aussi parce que finalement la notion même de vacances ne veut plus dire grand-chose quand on vit pleinement sa vie et tout ce que l’on y fait. Mais donc, même si on part ailleurs une seule journée, il est tout à fait possible de savourer ces moments comme s’ils étaient interminables. Un jour égale trois semaines avec le stress des préparations de longues vacances en moins. Chaque seconde, chaque minute alors, se déploient, prennent une saveur incroyable, tout devient intéressant, agréable, beau, le moindre détail est agrandi et révèle ses merveilles. On peut vraiment appliquer ça à n’importe quel domaine de notre vie, y compris à celui de nos relations, ainsi qu’à chaque période de notre vie. Imaginez quel trésor peut être le temps de la vieillesse avec cette façon de voir et de la vivre.
Au lieu de courir sans cesse après quelque chose, d’essayer de retenir les choses ou de les figer, de se gaver, d’être dans une sorte de boulimie de plaisirs, de loisirs, de reconnaissance, de sécurité, pour au final cultiver une frustration souvent permanente de tout ce qui nous est impossible, inaccessible ou refusé dans l’instant ou en général, nous pouvons agrandir tout ce qui nous entoure, approfondir toujours plus, l’infiniment petit n’a pas plus de limites que l’infiniment grand, sans parler des univers qui sont en nous. Cela demande de savoir vivre l’instant présent, être dans l’instant présent, de ne pas trop laisser nos pensées nous embarquer n’importe où, de ne rien regretter d’hier (ça ne sert à rien et puis hier a nourri nôtre expérience présente, remercions-le), de ne pas avoir peur de demain (ça ne changera rien), de s’accepter aussi ici et maintenant, tel que l’on est, là où l’on en est, ce qui veut dire être fluide, laisser venir les humeurs, les émotions, les sensations, ne les jugez pas, ne les bloquez pas, mais ne vous accrochez pas à celles qui sont désagréables, reconnaissez-les par contre, donnez leur de l’amour, elles ont le droit elles aussi de passer, laissez-les passer, comme des nuages elles finiront par s’effilocher dans le ciel, attention à ne pas vous croire supérieurs ou plus forts qu’elles cependant, elles ont un travail à faire elles aussi avec nous. Trop souvent on se trompe sur la « pensée positive », il ne s’agit pas d’être parfaits, mais d’être ce que nous sommes instant après instant, et nous sommes changeants, impermanents, nous sommes les nuages et nous sommes aussi le ciel.
Nous n’avons pas fini de découvrir des trésors en nous, et plus nous découvrons de trésors en nous, plus nous sommes capables de les voir chez les autres, car nous ne pouvons voir chez les autres que ce que l‘on connait déjà, nous ne les comprenons qu’à travers notre propre prisme, notre propre réalité, alors plus on agrandit notre réalité, plus il y a de la place pour les autres, tous les autres, tels qu’ils sont, aussi changeant que des nuages dans le ciel de l’ici et maintenant.
Tout ça pour dire que la simplicité joyeuse et volontaire, ce n’est pas seulement consommer bio et moins gaspiller, chacun de nos gestes, de nos pensées agissent dans plusieurs dimensions, et la dimension symbolique est tout aussi effective et agissante que les autres. Cela devient donc une sorte de philosophie pratique et spirituelle, ascétisme et hédonisme fusionnent, une simple bouchée de nourriture devient un festin à elle toute seule, un parfum, un souffle d’air, une musique peuvent provoquer un orgasme ou une illumination, tous les sens sont en éveil et on découvre qu’ils ont des capacités d’extension insoupçonnées, et que nous avons des capacités toutes aussi insoupçonnées pour faire face aux épreuves, à ce qui semble adversité, de voir au-delà des apparences.
Et ceci d’autant plus que nous savons simplifier justement nos vies, que nous arrivons à distinguer nos satisfactions réelles de celles qui nous sont en quelque sorte présentées comme indispensables. Cela peut remettre en question bon nombre d’évidences, ou de ce qu’on l’on prenait pour des évidences, concernant nôtre statut social par exemple, notre vie professionnelle, l’image que l’on pense devoir donner de soi. Quand on commence à s’engager sur ce chemin de la simplicité joyeuse et volontaire, on fait rarement demi-tour, ce qu’on y trouve pulvérise bon nombre de nos croyances. On se rend compte déjà que ce n’était que des croyances, dont on avait hérité sans même s’en apercevoir de notre milieu familial, social, amical même. Nous ne gardons alors que celles qui restent d’elles-mêmes parce qu’elles sont justes évidentes, notre détecteur de mensonges, ceux que l’on se fait à soi-même, s’affine de plus en plus et comme la simplicité réduit nos besoins, nous découvrons de plus en plus d’espaces de liberté, de possibles. Nous ouvrons grand toutes les portes, les fenêtres, voire nous faisons tomber des pans de murs, nous savons que même avec un strict minimum, notre regard positionné en macro, nos sens démultipliés et notre source intarissable de joie inconditionnelle, nous offrent absolument tout ce que l’on pourrait souhaiter. C’est peut être ça le secret de la multiplication des pains et de l’eau changée en vin des Chrétiens. Un secret qui vient de bien plus loin et traverse les époques, intact.
cathy garcia, 21 juin 2017
La simplicité ce n'est pas seulement faire des choses mais c'est aussi et surtout ÊTRE. Faire autant que possible des choix qui nous permettent d’être plutôt que de paraître et/ou d'avoir (deux redoutables diktats), donc que ce soit sur le plan pratique et matériel ou moral, toujours se poser la question de l'utilité, du sens de ce qu'on l'on fait, de ce que l'on achète, de ce que l'on possède, de ce que l'on pense, de ce que l'on dit. L'utilité d'une façon très vaste et le sens et l'impact des choix que nous faisons, comment nous utilisons nôtre temps et quelle place nous laissons dans notre vie pour l'essentiel. Ce qui veut dire déterminer déjà qu'est-ce qui est réellement essentiel pour nous et là nous trouverons ce qui est essentiel communément à la plupart des êtres humains et puis ce qui nous est essentiel à nous tout personnellement et particulièrement, et pour déterminer cela il faut se connaître, au-delà de ce que nous avons appris, au-delà de ce que nous pensons devoir être ou faire, au-delà de ce que nous pensons devoir prouver et au-delà des attentes que nous pensons être les nôtres ou celles des autres qui nous entourent et de la société elle-même. Pour se connaître en profondeur, il faudrait en quelque sorte d'abord se dévêtir de tout costume, masque, parure, rôle et désapprendre tout ce qu'on croit savoir. La simplicité joyeuse et volontaire s'applique tout aussi bien dans notre quotidien de façon pratique qu'à l'intérieur de nous-mêmes, c'est très important pour justement commencer à faire des choix de plus en plus cohérents et que l'ensemble de notre vie tende vers un réel épanouissement, prenne sens, quel que soit le contexte, les conditions extérieures. C'est une forme de philosophie et c'est même spirituel, ou disons plutôt holistique, le terme "spirituel" pouvant rebuter certains(e)s. Il y a comme une résonance qui se créé entre ce que nous faisons, comment nous vivons et ce que nous sommes en profondeur, une adéquation et alors une paix intérieure s'installe, cela prend du temps mais ce qui est certain, c'est que plus on avance sur cette voie et plus les choses se mettent en place d'elles-mêmes, se simplifient dans le bon sens du terme. Nos existences sont moins polluées tout comme notre corps et notre mental, c'est une forme de lâcher-prise avec une conscience qui s'affûte toujours plus et il est difficile, voire impossible de retourner en arrière, mais il faut faire attention à ce que cela soit une ouverture et non pas une fermeture, que la discipline qui se met en place ne devienne pas un dogme. C'est pourquoi j'insiste sur le terme "joyeuse", ça ne veut pas dire qu'on doit être béat en permanence mais je parle d'une sorte d'état intérieur qui nous relie peu à peu à la source d'une joie inconditionnelle, inconditionnelle c'est important, une sorte d'évidence qui nous met en paix avec nous-mêmes mais aussi avec les autres qui cheminent aussi, chacun à son rythme. Il y a une histoire amérindienne qui parle de maïs, différentes sortes de maïs, certaines poussent très vite, d'autres très lentement, mais toutes sans exception parviennent à maturité, c'est ça qui est important, c'est que toutes et tous, quel que soit le temps que ça prend, nous mûrissons et ceux qui vont plus vite peuvent aider et encourager ceux pour qui il faut plus de temps. Chacun(e) doit faire de toutes façons ses propres expériences et à son rythme.
cathy garcia, le 29 janvier 2018