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11/01/2015

Réaction de patric JEAN sur Mediapart

Source : http://blogs.mediapart.fr/blog/patricjean/100115/refusons...

Trois jours après le début de l’attaque terroriste, nous sommes abreuvés d’un discours tiède et consensuel à la sauce Tartuffe. Les pires censeurs pleurent sur la liberté d’expression. Les semeurs de haine crient au rassemblement. Les véritables questions sont interdites et le seul discours toléré est celui de la guerre dans laquelle nous occuperions "le camp du bien". La manifestation de dimanche évacuera toute question dérangeante et je ne participerai pas à ce bal des hypocrites qui, d'après le premier ministre, "montrera la puissance de la France".

Tout d’abord, je me vois mal manifester aux côtés des pires gens de droite dont le racisme ne s’est pas dissimulé. Marcher aux côtés de Sarkozy ? De Copé et ses pains au chocolat ? Aux côtés de Horteffeux et ses remarques insultantes sur les Arabes ? Faut-il rappeler que lorsque la révolution a commencé contre le dictateur sanguinaire Ben Ali en Tunisie, Michèle Alliot-Marie alors ministre de la défense a proposé l’aide militaire de la France pour lutter contre les insurgés ? Marcher demain avec eux ? Avec les premiers ministres très droitistes d’Espagne et de Grande-Bretagne ? Benyamin Netanyahou a été invité après avoir gentiment proposé son aide à la France... Le grand démocrate président turc va envoyer son premier ministre. Cela ressemble à une plaisanterie à la Charlie...

Il est piquant de voir aujourd’hui le ministre de l’intérieur encenser la police et les gendarmes que chacun salue sur les réseaux sociaux. L’intervention des forces de l’ordre est nécessaire quand des civils sont en danger mais a t-on déjà oublié ce que nous pensions des mêmes lorsqu’ils ont assassiné un jeune manifestant pacifiste désarmé il y a quelques semaines? Ceux qui ont manifesté alors manifesteront demain dans un salmigondis politique qui s’est vidé de son sens. D’autre part, il est drôle aussi d’entendre les (anciens et actuels) responsables de France Inter et de Radio France pleurer sur la liberté d’expression. Les mêmes qui ont viré ceux qui en faisaient usage sur leurs propres antennes : Porte, Guillon, Mermet… Ou ceux qui, ailleurs, permettent la promotion des pires réactionnaires au discours violent et raciste.

Tous ces hypocrites manifesteront demain. Ne nous montrons pas parmi eux.

Après la mort des dessinateurs de Charlie, nous serions « tous Charlie », à l’unisson d’un discours totalement vide de sens que n’auraient jamais validé les victimes. Ce slogan inventé par un créatif publicitaire est bien le reflet de notre époque. Nous mettons un instant nos oppositions politiques de côté, comme si elles n’étaient le cœur de ce qui se déroule. Comme si, tout à coup, par hasard, nous étions attaqué par un ennemi extérieur avec qui nous n’entretenions aucune relation. Comme si les dessinateurs assassinés pouvaient devenir les étendards ce qu’ils ont toujours combattu.

J’ai déjà posé ici même des questions sur la manière dont notre société fabrique des monstres. Car, après tout, les terroristes sont des nôtres. Ils ont grandi ici. Comme le millier de jeunes partis en Syrie, ils étonnent aujourd’hui ceux qui les ont connus. De « braves petits gars », gentils, amicaux mais qui sont devenus des barbares. Ont-ils tous contracté la même maladie mentale ? La seule réponse qui nous est fournie est qu’ils ont été manipulés par des idéologues musulmans fondamentalistes. C’est la vérité. Mais ne faut-il s’interroger sur les raisons pour lesquelles des milliers de jeunes tombent dans de telles griffes ? Ne faut-il pas y voir le résultat d’une société où un tiers de ses membres est en train de sombrer dans le désespoir ? Racisme institutionnalisé, ségrégation à l’emploi, aux loisirs, au logement, contrôles policiers au faciès, violence policière endémique. Mais aussi chômage, misère, avec surtout un sentiment d’impasse et d’injustice implacable, totale et définitive pour des millions de femmes et d’hommes. Trois millions d’enfants vivent dans la pauvreté pauvreté en France. Peut-on espérer que quelques-uns ne deviendront pas violents ? Quelle illusion…

D’autre part, la violence terroriste islamiste, comme toutes les violences, a une histoire. Celle des Frères musulmans prend sa source dans un contexte post-colonial dans des dictatures soutenues par nos gouvernants. En Afghanistan, les Etats-Unis ont formé et financé des fous de dieu qui ne se sont pas devenus des démocrates, une fois les Russes mis en déroute. Aujourd’hui, les interventions des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France sur des terrains extérieurs répètent les mêmes erreurs en provoquant les mêmes conséquences. L’attaque délirante de la Libye par la France à l’instigation de BHL et après que Nicolas Sarkozy ait reçu en grande pompe son dictateur (et sans doute un pactole) a conduit à un chaos dans le même pays et à l’armement de milices terroristes plus au sud. Du coup, la France se sent obligée d’intervenir dans son pré carré malien quand la situation dégénère.

Enfin, les milliers de jeunes européens (une quantité effroyable en Belgique) qui partent en Syrie ne provoquent pas le début du moindre questionnement sur notre fonctionnement collectif. Comment une société dont les valeurs ultra individualistes ont permis la saine remise en question de valeurs aliénantes mais aussi l’élaboration de relations sociales fondées sur l’unique compétition, empêchant ainsi toute solidarité et donc tout sentiment de classe et d’injustice systémique. Partant, le combat politique... Le sentiment d’injustice de la jeunesse a donc trouvé un nouvel exutoire pour s’exprimer.

D’où ce robinet à l’eau tiède dont chacun se réjouit depuis quatre jours. Charb, Wolinski, Tignous et Oncle Bernard riraient jaune de voir leur nom ainsi honoré à la bourse de New-York ou dans des églises. Ils hurleraient en entendant le président américain annoncer qu’il prie pour eux. En leur rendant ainsi hommage, on piétine ce qu’ils étaient. Eux qui étaient radicalement de gauche, souvent anarchistes, athées

Car aujourd’hui, on entend chacun affirmer que les terroristes n’étaient pas de « vrais Musulmans ». Même le président de la République à qui l’on n’a rien demandé en termes de théologie, affirme que le « vrai Islam » n’est pas celui-là. Cette hypocrisie, une fois de plus, masque une réalité bien plus complexe. Les trois religions du livre portent en elles, et en leurs textes, tout et son contraire. On se force à omettre que le « tu ne tueras point » judéo-chrétien était suivi, seulement quelques pages plus loin, d’une injonction divine à commettre un génocide en tuant les hommes, femmes et enfants d’un peuple qui occupait une terre « sacrée » et donc il fallait s’emparer. Selon qu’il prendra les textes par un bout ou par un autre, le croyant développera un discours de haine ou d’amour. Ou parfois les deux selon les moments. L’inquisition s’est faite la bible à la main. Le massacre des palestiniens aussi. La religion n'est qu'un vecteur qui permet d'exprimer une spiritualité apaisée ou la haine que l'on a en soi. Selon ce que l'on vit par ailleurs.

A force de s’empêcher de réfléchir tout en hurlant à la liberté de pensée, on poursuit la même politique qui nous conduit à la catastrophe. Les cerveaux ont été parfaitement lavés et l’on va refuser de lire dans les événements le moindre symptôme d’autre chose qu’une « guerre que l’on nous fait ». Cette guerre va donc s’intensifier, d’autres événements dramatiques surviendront et nous ne pourrons pas y faire face. A ses pires heures, le dictateur égyptien Moubarak, ami des occidentaux, disposait d’un million de policiers, omniprésents à chaque coin de rue. Cela ne lui a pourtant pas suffi.

Demain des gens manifesteront aux côtés de ceux qui ont permis à des nouveaux nazis de répandre partout leurs idées nauséabondes. Les producteurs et journalistes qui ont rendu populaires ceux qui imaginent la « déportation » des Musulmans seront dans la rue. Ils se sont engraissés d’une audience bien rentable et jouent la colère contre les conséquences de ce qu’ils ont mis en place.

Demain, mes amis socialistes, écologistes, communistes et du Front de gauche iront manifester avec la droite. Je leur souhaite d’y prendre du plaisir car bientôt, ils seront réduits à voter pour elle.

 

 

 

 

10/01/2015

Luz : “Tout le monde nous regarde, on est devenu des symboles”

 

10/01/2015 | 11h47         
Luz après l'incendie criminel qui a dévasté les locaux de Charlie Hebdo en 2011 (capture d'écran)

Une exécution collective a décimé la rédaction de Charlie Hebdo. Face à l’horreur, le slogan Je suis Charlie est devenu l’étendard de la liberté et de la résistance à l’obscurantisme. Luz, dessinateur emblématique de l’hebdo, prend la parole pour la première fois, au lendemain de la mort de ses amis et à la veille du grand rassemblement de dimanche.

Luz dessine à Charlie Hebdo depuis vingt ans. Il doit la vie au fait d’être né un 7 janvier, et d’être arrivé à la bourre pour la conférence de rédaction de l’hebdomadaire satirique. Il participe avec les autres “survivants” à la fabrication du numéro de Charlie Hebdo qui sortira le 14 janvier, et qui sera exceptionnellement tiré à un million d’exemplaires. Aujourd’hui, comme hier, il se rendra dans les locaux de Libération, qui abritent la rédaction, pour discuter des angles, des sujets, de la couverture. Avec d’autres dessinateurs, il ira croquer le grand rassemblement républicain de dimanche. Au lendemain de l’attaque terroriste qui a coûté la vie à ses amis, ses mentors, sa famille, Luz nous confie ses doutes, ses craintes et sa colère. Dévasté par le chagrin, il s’interroge sur la possibilité de dessiner encore après ce terrible 7 janvier 2015 et livre un témoignage à contre-courant.

La sortie de Charlie Hebdo mercredi prochain est devenu un enjeu national et politique. Comment vivre cette responsabilité dans ces terribles conditions ?

Luz - Quand j’ai commencé le dessin, j’ai toujours considéré qu’on était protégé par le fait qu’on faisait des petits Mickey. Avec les morts, la fusillade, la violence, tout a changé de nature. Tout le monde nous regarde, on est devenu des symboles, tout comme nos dessins. L’Humanité a titré en Une “C’est la liberté qu’on assassine” au dessus de la reproduction de ma couverture sur Houellebecq qui, même si il y a un peu de fond, est une connerie sur Houellebecq. On fait porter sur nos épaules une charge symbolique qui n’existe pas dans nos dessins et qui nous dépasse un peu. Je fais partie des gens qui ont du mal avec ça.

Qu’entends-tu par “charge symbolique” ?

En 2007, avec la publication des caricatures de Mahomet du journal danois Jyllands-Posten, on était soit des provocateurs, soit des chevaliers blancs de la liberté de la presse. En 2011, quand les locaux ont été incendiés, on était de nouveau des chevaliers blancs. En 2012, à l’occasion de la sortie d’un film complètement con sur les musulmans (L’Innocence des musulmans), on dessine Mahomet à l’intérieur de Charlie, comme d’habitude. On redevient alors de dangereux provocateurs qui font fermer des ambassades et terrorisent les Français de l’étranger. Les médias ont fait une montagne de nos dessins alors qu’au regard du monde on est un putain de fanzine, un petit fanzine de lycéen. Ce fanzine est devenu un symbole national et international, mais ce sont des gens qui ont été assassinés, pas la liberté d’expression ! Des gens qui faisaient des petits dessins dans leur coin.

Tu veux dire que la nature de la caricature a changé ?

Depuis la publication des caricatures de Mahomet, la nature irresponsable de la caricature a progressivement disparue. Depuis 2007, nos dessins sont lus au premier degré. Des gens ou des dessinateurs, comme Plantu, estiment qu’on ne peut pas faire de dessins sur Mahomet à cause de leur visibilité mondiale liée à Internet. Il faudrait faire attention à ce qu’on fait en France parce qu’on peut faire réagir à Kuala Lumpur ou ailleurs. Et ça, c’est insupportable.

Pourquoi ?

Depuis 2007, Charlie est regardé sous l’angle de la responsabilité. Chaque dessin a la possibilité d’être lu sous l’angle d’enjeux géopolitique ou de politique intérieure. On met sur nos épaules la responsabilité de ces enjeux. Or on est un journal, on l’achète, on l’ouvre et on le referme. Si des gens postent nos dessins sur Internet, si des médias mettent en avant certains dessins, ce sont leur responsabilité. Pas la nôtre.

Sauf que c’est absolument l’inverse qui se passe.

On doit porter une responsabilité symbolique qui n’est pas inscrite dans le dessin de Charlie. A la différence des anglo-saxons ou de Plantu, Charlie se bat contre le symbolisme. Les colombes de la paix et autres métaphores du monde en guerre, ce n’est pas notre truc. On travaille sur des points de détails, des points précis liés à l’humour français, à nos analyses de petits Français.

Des dessins parfois crasses ou punk…

Parfois cucul la praline, parfois craspouille, punk effectivement. Parfois c’est raté, parfois c’est juste beau. Charlie est la somme de personnes très différentes les unes des autres qui font des petits dessins. La nature du dessin changeait en fonction de la patte de son dessinateur, de son style, de son passé politique pour les uns, ou artistique pour les autres. Mais cette humilité et cette diversité de regards n’existent plus. Chaque dessin est vu comme si il était fait par chacun d’entre nous. Au final, la charge symbolique actuelle est tout ce contre quoi Charlie a toujours travaillé : détruire les symboles, faire tomber les tabous, mettre à plat les fantasmes. C’est formidable que les gens nous soutiennent mais on est dans un contre-sens de ce que sont les dessins de Charlie.

Vous êtes devenus les étendards de l’unité nationale.

Cet unanimisme est utile à Hollande pour ressouder la nation. Il est utile à Marine Le Pen pour demander la peine de mort. Le symbolisme au sens large, tout le monde peut en faire n’importe quoi. Même Poutine pourrait être d’accord avec une colombe de la paix. Or, précisément, les dessins de Charlie, tu ne pouvais pas en faire n’importe quoi. Quand on se moque avec précision des obscurantismes, quand on ridiculise des attitudes politiques, on n’est pas dans le symbole. Charb, que je considère comme le Reiser de la fin du XXe siècle et du début du XXIe, parlait de la société. Il dessinait ce qu’il y avait sous le vernis, des gens avec un gros nez, un peu moches. Là, on est sous une énorme chape de vernis et ça va être difficile pour moi.

C’est-à-dire ?

Est-ce vraiment le moment de faire Charlie alors qu’on est dans l’émotion ? Est ce opportun de le faire vite pour répondre à la symbolique de l’attentat ? Ce sont des questions que je pose. Répondre à la symbolique par la symbolique, ce n’est pas Charlie. Cette nuit, j’ai pensé à un dessin que je ne ferais certainement pas : une trace sur le sol pour montrer l’emplacement des victimes, avec une lunette dans un coin et juste une bulle qui dit “hahaha”, le tout sur fond noir. Ce n’est pas une super idée, parce que c’est l’idée que la symbolique m’impose.

La question que tu poses c’est “comment encore dessiner après ça?”

Oui. Et après ça, comment dessiner dans ce cadre-là. Dans ce Charlie fantasmé qui nous submerge.

Comment continuer Charlie Hebdo ?

La suite va être compliquée. Pour toutes les raisons que je viens de te donner et parce qu’on va être obligé de travailler sans les personnalités graphiques, politiques, éthiques et militantes de Charb, Tignous, Honoré et de tous les autres. Dans les moments difficiles où nous étions piégés par le fantasme de l’irresponsabilité, on s’en répartissait la charge. Aujourd’hui, reste Catherine, Willem, Coco et moi (et Riss blessé à l’épaule). Comment va-t-on se dépatouiller pour dépasser cette injonction symbolique avec quatre styles ? (Jul, qui avait quitté Charlie, les a rejoints pour participer au prochain numéro). Des gens nous proposent des dessins gratos. Mais est-ce qu’ils seront dans l’esprit Charlie ? L’esprit actuel existe depuis 22 ans. Ce journal existe grâce à la somme de ses personnalités.

As-tu toujours pensé qu’il fallait caricaturer le prophète ou, à un moment, as-tu eu le sentiment qu’un piège était en train de se refermer sur vous ?

Ce qui est marrant, c’est qu’on a continué à caricaturer Mahomet après 2007. Après la triple polémique 2007, 2011, 2012, Charb et Zineb El-Rhazoui ont même publié La vie de Mahomet en deux tomes. Cela n’a fait aucun bruit. On avait gagné. Charb voulait aller au bout de ce projet, droit dans ses chaussures de trekking (rires) et ses pantalons militaires tout moches qu’il aimait. Charb estimait qu’on pouvait continuer à faire tomber les tabous et les symboles. Sauf qu’aujourd’hui, nous somme le symbole. Comment détruire un symbole qui est soi-même ?

Je ne sais pas.

Moi non plus. Je ne trouverais pas la réponse cette semaine et je ne suis pas sûr de la trouver un jour. Nous allons sortir Charlie. Je vais me forcer. Je vais penser aux copains morts, mais qui ne sont pas tombés pour la France ! Aujourd’hui, on a l’impression que Charlie est tombé pour la liberté d’expression. Nos copains sont juste morts. Nos copains qu’on aimait et dont on admirait tellement le talent.

Jeannette Bougrab, la compagne de Charb, très émue, a estimé sur BFMTV qu’ils méritaient d’entrer au Panthéon.

Charlie c’est l’inverse. Et puis ça n’a pas changé grand chose pour Marie Curie d’entrer au Panthéon.

Cela fait une belle cérémonie…

Je n’étais pas à la manifestation spontanée du 7 janvier. Des gens ont chanté la Marseillaise. On parle de la mémoire de Charb, Tignous, Cabus, Honoré, Wolinski : ils auraient conchié ce genre d’attitude. Les gens s’expriment comme ils veulent mais il ne faut pas que la République ressemble à une pleureuse de la Corée du Nord. Ce serait dommage.

J’imagine que tu veux croquer le rassemblement de demain à cause de ce genre de considération ?

Je ne sais pas ce que ça va donner. On ne va pas en reportage avec ses a priori, on ressent et on fait avec ce qu’il y a. Il y aura certainement des belles choses, des pleurs, des joies et peut être des absurdités. En même temps, cela montrera le changement de nature de Charlie : ces gens qui nous soutiennent maintenant qu’on est mort, qui ne nous ont pas toujours lu, pas toujours suivi. Je ne leur en veux pas. On n’était pas là pour convaincre l’ensemble de la population.

En novembre dernier, Charb avait lancé un appel à souscription pour sauver Charlie. Vous étiez bien seuls…

On était tout seuls depuis un petit moment. Depuis la troisième affaire liée à Mahomet. Toutes ces histoires ont créé tellement de fantasmes sur la dangerosité de l’athéisme de Charlie, son islamophobie. On était juste de joyeux incroyants. Tous ceux qui sont morts étaient de joyeux incroyants. Et là, ils sont nulle part. Comme tout le monde.

Qu’est ce que tu penses du fait que Manuel Valls n’a pas convié Marine Le Pen au “rassemblement républicain” de demain ?

Je m’en branle.

Est ce que tu as l’impression qu’on essaie de récupérer Charlie ?

Honnêtement, qu’est ce que tu veux récupérer ? Après, il y a ce grand élan. Mais dans un an, que restera-t-il de ce grand élan plutôt progressiste sur la liberté d’expression ? Est ce qu’il va y avoir des aides à la presse particulières ? Est ce que des gens vont s’opposer à la fermeture des journaux ? Des kiosques ? Est ce que les gens vont acheter des journaux ? Que restera-t-il de cet élan ? Peut-être quelque chose. Mais peut-être rien.

Comment allez vous travailler ?

On va continuer à faire nos bonshommes. Notre boulot de dessinateur est de mettre le petit bonhomme au coeur du dessin, de traduire l’idée qu’on est tous des petits bonhommes et qu’on essaie de se démerder avec ça. C’est ça le dessin. Ceux qu’on a tué étaient juste des gens qui dessinaient des bonhommes. Et aussi des bonnes-femmes.

Et c’est beaucoup demander à des petits bonhommes de sauver la République ?

Exactement.

Propos recueillis par Anne Laffeter

Grand rassemblement sous vigipirate renforcé

Petite question comme ça, avant même le "dénouement " des évènements, se programme un méga rassemblement pour tout le monde, tout tout tout le monde, à Paris, passé pourtant en vigipirate++++, sorties scolaires annulées dans toute l'ile de France etc.............. des dirigeants européens, des pays arabes y seront etc etc, mieux que si ça avait été prévu à l'avance... (non non je ne dis rien), y'a quand même un truc bizarre non ? normalement et logiquement en période vigipirate++++ tout rassemblement prévu est fortement annulé, bref........donc de plus là toutes les forces de l'ordre bien sûr seront mobilisées (bon courage les gars....va falloir mettre un mec à chaque fenêtre au cas où un sniper isolé, une "cellule familiale" ou autre pètent un plomb ce jour là), forcément, pour pouvoir protéger tout tout tout ce monde, avec les skins et les rappeurs main dans la main, les prudes et les dragqueens, etc etc, toute la France hein, et donc si tous les forces en ordre sont mobilisées là, ils ne pourront pas intervenir si rapidement ailleurs...(genre pour arrêter deux types avant qu'ils ne fassent un carton chez mac do ou.... ) dans un contexte pourtant absolument "dangereux, sans équivalent, en guerre", n'oublions pas, c'est la guerre ! alors là moi, je sais pas, je......................bug !

 

 

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Jean Bourguignon

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Liberté d'expression

 

"petite" remarque avant de retourner à mon silence : pour comprendre l'ironie, le second degré, la caricature, les blagues il faut un socle commun, ne pas en tenir compte est stupide, agresser l'autre parce qu'il n'a pas le même socle que toi, c'est stupide jusqu'à être impardonnable, un seul mot pour ça : éducation, de soi et de l'autre, de soi pour comprendre que l'autre justement n'a pas ce socle qui permettrait de rire ensemble, car le but me semble t-il du rire c'est de rire ensemble non ? et d'autre part éducation de l'autre si on l'accueille chez nous pour qu'il puisse rire avec nous - quiconque s'est déjà retrouvé parmi des gens qui ne parlent pas notre langue (comme par exemple les sonorisateurs, les ados, les médecins...) et qui se marrent à tout bout de champs sans qu'on comprenne pourquoi avec des mots, des notions, qui n'ont pas pour nous le même sens que pour eux, et donc sans qu'on puisse partager ce rire peut comprendre ça (et qu'on ne me dise pas que personne n'a ce brin de parano qui fait qu'on se vexe facilement quand on ne comprend pas - rajoutez à ça trois doses d'Histoire, une grosse motte d'injustice, une pincée de colonialisme et quelques générations de malheur, ça devient vite indigeste). Le rôle d'un journal satyrique n'est pas d'éduquer, ce sont les bouffons au sens noble du terme (d'ailleurs notez bien ce mot et comment il signifie autre chose dans un autre contexte, bande de bouffons !), les clowns sacrés (voir les sociétés traditionnelles amérindiennes) qui viennent péter au milieu d'un discours solennel et se gratter les couilles à l'enterrement d'un proche, j'espère d'ailleurs que l'enterrement des charlies les fera marrer (les charlies je veux dire !), ils sont absolument essentiels, indispensables à l'équilibre d'une société libre et saine, mais justement il faut donc que par ailleurs chacun joue son rôle de façon saine, que l'éducation éduque, que la justice soit juste, etc etc (les politiques, la police, les banques, les entreprises, les citoyens, tout, que tout fonctionne de façon juste, équitable dans un monde équitable, utopie quand tu nous tiens !), ce qui a AUSSI tué Charlie c'est d'avoir joué leur rôle parfaitement (et donc d'être parfaitement critiquable aussi, et ils étaient les premiers sans aucun doute à le clamer) dans une société où tout le reste est parti en couilles depuis longtemps, et oui comme l'a dit Charb, le problème étant aussi le fait de ne pas plus utiliser la liberté d'expression dans des pays où on peut le faire (mais peut-on vraiment le faire ? tout ceux qui s'y essaient - je ne citerai pas SIVENS entre milliers d'exemple...) - ou bien charlie hebdo - épuisé - ne servait finalement plus que de faire-valoir de surface à une pseudo liberté d'expression, masquant ainsi la véritable réalité politique ? et c'est ça qui met en danger ceux qui le font pour de vrai, qui s'expriment, qui s'opposent, qui exigent des moyens pour vivre, éduquer, etc etc de façon juste, qui se battent par exemple pour un revenu de base qui permettrait beaucoup de choses, et pas un rsa= parasites qu'une partie de notre exemplaire patrie voudrait bien lyncher avec d'autres "catégories", dont celles qui nous font peur aujourd'hui, tous ceux qui ne regardent pas que leur nombril, leur patrie justement mais le monde dans son ensemble !

 

 Quiconque - dont j'ai fait partie - à travaillé dans les quartiers autrefois appelés difficiles ou à problèmes, maintenant délicatement nommés "sensibles", sait parfaitement ce qu'il en est, sans parler de tout le reste des problèmes qui s'accumulent pendant qu'on fait la queue pour le nouveau iPhone !!! alors oui la colère, oui....mais elle ne date pas de trois jours....alors non je ne suis pas Charlie, Charlie c'était Charlie, et ça aurait été bien qu'il puisse le rester pendant que chacun fasse ce qu'il faut pour être lui même à sa place avec une conscience qui soit la sienne et qui toutes rassemblées (et pas besoin de sortir dans la rue pour ça, ça se fait tous les jours dans le moindre de nos gestes, et suis bien placée pour savoir les ricanements et les réactions que cela provoque) permettent à une partie du monde de sortir de l'hypnose alors que tant crèvent partout de ce sommeil collectif, directement à cause, oui à cause de nos façons de vivre, de consommer, de ricaner bêtement, notre peur de l'autre plus ou moins larvée, notre paresse, notre lâcheté, notre manque de solidarité effective, notre peur d'avoir l'air con si on est trop sensible.... il n'y a pas longtemps on m'a rit au nez parce que je soulignais l'importance de l'empathie, un terme babacool soit disant.... alors non, je ne suis pas Charlie, je ne suis pas athée non plus, pas plus que je ne me réclame d'aucune religion, je suis moi-même et je suis aussi toi quand je veux essayer de te comprendre, ouverte à tout ce qui fait notre humanité depuis le début, il y a à prendre, il y a à jeter, il y a à transformer, mais chaque fois que l'on pense avoir le monopole de la civilisation, des vraies valeurs, des bonnes valeurs, de l'intelligence, de la vérité, de la connaissance de ce qui est bon pour l'autre, etc etc etc etc alors on est juste de vrai(e) nases et on est dangereux oui !

 


Cathy Garcia, 10 janvier 2015, 13h01

Patrick Mignard

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09/01/2015

CIA - Guerres Secretes

Série édifiante de William Karel sur les pratiques de la CIA, de ses débuts jusqu'à l'administration Bush fils............

 

 

 

 

 

 

La stratégie du choc - Naomi Klein - 2007

La Stratégie du choc, la montée d'un capitalisme du désastre (The Shock Doctrine: The Rise of Disaster Capitalism) est un essai socio-politique altermondialiste publié en 2007 par la journaliste canadienne Naomi Klein, également auteure de No Logo.

 

 

 

08/01/2015

Tignous

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Philippe Honoré

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Cabus

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JE SUIS..........................

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Je suis aussi le sans nom qui meurt chaque seconde, assassiné par notre avidité, je suis le sans papier refoulé, ceux qui gisent au fond de la Méditerranée, je suis l'enfance massacrée, l'adolescence prise au piège, la femme battue, l'affamé, l'assoiffé, le muselé, le prisonnier torturé, l'innocence exécutée, la pauvreté incarcérée, je suis le rein, les yeux, les organes subtilisés, l'étranger humilié, l'humanité trahie, exploitée, violée, l'animal martyrisé, l'arbre abattu, la fleur écrasée, le grain détruit, les terres volées, les eaux empoisonnées, je suis la douleur et la souffrance de toutes et tous, mais aussi l'indifférence, l'égoïsme, le mensonge, l'aveuglement, l'injustice, le préjugé....................
etc etc etc......................

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Dessin de Lucille Clerc

 

 

mais encore :

 

Dans sa définition commune, la présomption d’innocence signifie qu’un individu, même suspecté de la commission d’une infraction, ne peut être considéré comme coupable avant d’en avoir été jugé tel par un tribunal.

Juridiquement, la présomption d’innocence est un principe fondamental qui fait reposer sur l’accusation (c’est-à-dire le procureur de la République) la charge de rapporter la preuve de la culpabilité d’un prévenu.

Le principe de la présomption d’innocence est garanti par de multiples textes : il apparaît notamment dans la Déclaration de droits de l’homme de 1789, dans la Convention européenne des droits de l’homme, et, depuis une loi de 2000, il est placé en tête du code de procédure pénale.

 

 

 

06/01/2015

Revue Catarrhe N° 12 et plus

 

Petit cadeau de début d'année de son équipage, 

l'intégralité de la revue Catarrhe du mois de décembre 2014 :

cata_2014_12_.pdf

 

Bonne découverte et pour vous abonner, c'est ici :

http://catarrhe.skynetblogs.be/abonnement/

 

La revue qui bouleverse
nos certitudes intellectuelles.

Format : 10 x 21 cm.
Plus de 32 pages.
Nombreuses illustrations.

Bimestriel

les 6 numéros, envois compris :

14,52 € pour la Belgique
16,68 € pour la France

Contact : revue.catarrhe(at)gmail.com

 

 

 

et tant que vous y êtes

 

 

Un des membres bien équipé de cette revue, n'étant autre qu'Éric Dejaeger, prolifique s'il en est, vient de sortir son nouvel ouvrage chez Gros Textes.

 

UNE FEMME À GROS SEINS QUI COURT UN MARATHON est un recueil qui rassemble environ 70 poèmes parmi tous ceux écrits ces cinq dernières années.

eric dejaeger, gros textes, livre, poésie  

eric dejaeger, gros textes, livre, poésie

Son blog : http://courttoujours.hautetfort.com/

 

 

08:08 Publié dans COPINAGE | Lien permanent | Commentaires (0)

05/01/2015

Revue Nouveaux Délits, le numéro 50 !!!

                                                    

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J’ai trop lu de poésie. Combien de fois le mot étoile, le mot lumière, le mot liberté ? Combien de fois l’amour, l’automne et la beauté ? Le souffle, la source et la vérité. Ces mots qui tournent dans une ronde folle, passent de bouche en bouche, de feuille en feuille. Combien de fois le feu et la fumée ? Les mots sont vains. Ce qui reste de la poésie quand on se tait, voilà sans doute, une question qui mériterait d’être posée. Que serait le poète sans les mots ? Un cœur palpitant arraché d’une poitrine, un sexe turgescent, une fontaine au creux d’une ravine ? Un soleil plongeant dans l’obscur des océans ? Que serait le poète sans ses mots, le peintre sans sa peinture ? Voilà ce qui m’intéresse aujourd’hui.


Cg, extrait de À la loupe

 

 

 

Évoquée par Basarab Nicolescu dans Nous, la particule et le monde, l'observation faite par le mathématicien français Jacques Hadamard sur la genèse de la création scientifique n'est pas sans évoquer la genèse de la création poétique. "Les mots, dit-il, sont totalement absents de mon esprit quand je pense réellement". Il est soudainement habité par une intuition sans mots. De son côté, Einstein dit ceci : "Les mots et le langage, écrits ou parlés, ne semblent pas jouer le moindre rôle dans le mécanisme de ma pensée". (…) La poésie ne travaille pas dans un champ clos, même si le langage est en lui-même un champ clos indéfini. Que sait-on de l'origine du langage ? Rien. La poésie est d'abord vécue dans une sorte de perception sans forme, silencieuse, mais illuminative. Ce n'est pas un savoir, c'est autre chose, c'est l'intuition donatrice originaire que l'espace de la poésie est infini, sans nom et sans fond, donc bien plus "fondamental" que n'importe quel niveau de réalité. Le paradoxe de la poésie c'est de faire allusion à la transparence de l'infini dans le fini avec-et-contre les mots de la tribu. Le champ de conscience de la poésie, c'est l'infiniment ouvert à l'intérieur de la langue comme un "trou" dans la langue.

Michel Camus

in Transpoétique. La main cachée entre poésie et science

 

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AU SOMMAIRE

  

Délits de poésie, plein ! Colette Daviles-Estinès, Murielle Compère-Demarcy, Perrin Langda, Olivier Ragasol-Barbey, Marc Tison, Joël Jacquet, Ludovic Micheau, Gauthier Nabavian.

 

Résonance : La Patagonie de Perrine Le Querrec

 

Délits d’(in)citations, saupoudrage.

 

Vous trouverez un bulletin de complicité au fond en sortant, très sociable. Il se multiplie très facilement et adore les nouvelles rencontres.

 

 

Illustrateur, l’illustre : Joaquim Hock

 

Peintre, dessinateur et écrivain wallon est né le Mardi 17 Phalle 101 du calendrier pataphysique (Ste Gallinacée, cocotte) fête suprême quarte. Au-delà de ses illustrations néo-délictueuses, il expose ses œuvres en Pologne, parfois ailleurs, et souvent chez lui. Il est l'auteur du roman L'intrus et du recueil de nouvelles Le grand Borborichon et autres coquecigrues parus aux éditions Durand-Peyroles et, ô miracle, toujours disponibles partout où on les trouve. Il est recommandé de visiter son blog : http://joaquimhock.blogspot.com

 

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Vous trouverez entre les lignes de ce numéro 2015 vœux blancs à remplir de vos souhaits, rêves, désirs, terreaux, listes de courses, demandes en mariage, en divorce, panneaux publicitaires, prières, cacahuètes, couchers de soleil, cures thermales, antidépresseurs, élans solidaires, lancers de poids, coupons gratuits, musiques et utopies en tout genre, à vous d’en faire bon usage !


 

 

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Il y a sur cette terre des gens qui s'entretuent ;

c'est pas gai, je sais.
 Il y a aussi des gens qui s'entrevivent. J'irai les rejoindre.

Jacques Prévert

 

 

 Je vous salue névrosés !

 

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Parce que vous êtes sensibles dans un monde insensible, n’avez aucune certitude dans un monde pétri de certitudes

Parce que vous ressentez les autres comme si ils étaient vous-mêmes

Parce que vous ressentez l’anxiété du monde et son étroitesse sans fond et sa suffisance

Parce vous refusez de vous laver les mains de toutes les saletés du monde, parce que vous craignez d’être prisonniers des limites du monde

 

Pour votre peur de l’absurdité de l’existence

Pour votre subtilité à ne pas dire aux autres ce que vous voyez en eux

Pour votre difficulté à gérer les choses pratiques et pour votre pragmatisme à gérer l’inconnu, pour votre réalisme transcendantal et votre manque de réalisme au quotidien

Pour votre sens de l’exclusivité et votre peur de perdre vos amis proches, pour votre créativité et votre capacité à vous extasier

Pour votre inadaptation à « ce qui est » et votre capacité d’adaptation à « ce qui devrait être », pour toutes vos capacités inutilisées

Pour la reconnaissance tardive de la vraie valeur de votre grandeur qui ne permettra jamais l’appréciation de la grandeur de ceux qui viendront après vous

Parce que vous êtes humiliés alors que vous veillez à ne pas humilier les autres, parce que votre pouvoir immense est toujours mis à bas par une force brutale; et pour tout ce que vous êtes capable de deviner, tout ce que vous n’exprimez pas, et tout ce qui est infini en vous

Pour la solitude et l’étrangeté de vos vies

Soyez salués !



Kazimierz Dabrowski(1902 - 1980)

psychologue, psychiatre, physicien, écrivain et  poète polonais

 

 

 

 

Nouveaux Délits  - Janvier 2015  -  ISSN : 1761-6530  -  Dépôt légal : à parution  -  Imprimée sur papier recyclé et diffusée par l’Association Nouveaux Délits Coupable responsable et correctrice pour ce numéro : Cathy Garcia Illustrateur : Joaquim Hock.

 

http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/

 

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Chacun appelle “idées claires” celles qui sont au même degré
de confusion que les siennes propres.
Marcel Proust

 

 

 

Les vœux de Françoise Cuxac et Jean-Louis Clarac

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03/01/2015

Les vœux de Michel Brissaud et Françoise Utrel

Il y a encore quelques questions à régler mais …
 

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QUINZE DONADIEU   -   J COMME …   -   Françoise UTREL   -   Michel BRISSAUD

 

 

Les vœux de Pascale de Trazegnies

 

    2015   *    Menu festif en temps de disette   *  2015

 

 

 

       Potage :

      Potage de grenouilles au safran

      Troussez vos grenouilles, les mettez bouillir avec bouillon, ou de la purée, & assaisonnez-les avec persil, oignon piqué de cloux, & un brin de thin, faites mitonner vôtre pain, & le garnissez de vos grenouilles blanches, avec safran, ou jaunes d’œufs, puis servez.

 

      Entrée :

      Membre de mouton à la cardinale

     Prenez un membre de mouton, le batez bien & le lardez de gros lard, puis en ôtez la peau, la farinez et passez dans la poële avec du lard, & la faites cuire avec bon bouillon, un bouquet de persil, thin & ciboulets liez ensemble, champignons, truffes ou beatille bien passez, & que la sauce soit bien liée et servez.

 

      Entremet

      Gelée de corne de cerf

     Prenez chez un Epicier ou chez un Coutelier de la Corne de Cerf rapée à proportion, pour en faire trois plats, il en faut deux livres, mettez la cuire avec du vin blanc l’espace de deux heures, en sorte qu’étant bouillie, il en reste pour faire vos trois plats. Passez-la bien avec une serviette, après la mettez dans une poële avec une livre de sucre, & le jus de six citrons : étant prête de bouillir, mêlez-y les blancs de douze œufs bien frais, & si-tôt qu’ils y seront, vous mettez le tout dans la chauffe, la serrerez dans un lieu frais, servez-la naturelle et la garnissez de grenades, & tranches de citron.

 

- Plat

     Héron

     Plumez-le & le vuidez, ensuite vous cherchez six ameres qui sont sur son corps, & un autre faisant le septième qui est au-dedans ; troussez les jambes le long des cuisses, faites-les blanchir sur le feu, & le piquez, enveloppez le col avec du papier beurré, puis le faites rôtir, et étant cuit, servez.

 

-  Dessert

     Bouton de rose au sec

     Prenez des boutons de Roses, les piquez de cinq ou six coups de coûteau, puis prendrez de l’eau bouillante, les mettrez dedans, & les ferez bouillir dix ou douze bouillons : puis vous prendrez du sucre, le ferez fondre & mettrez vos Boutons dedans que vous ferez prendre huit ou dix bouillons ; pour les mettre au sec, vous les tirerez comme des oranges, ou autre fruit. 

 

 

 

  

 

 

                                                         2015

 

                                   BONNE  ANNEE  SAUVAGE

 

 

 

* Ces recettes sont issues du livre « Le vrai Cuisinier françois » par le sieur de la Varenne, écuyer de cuisine de Monsieur le Marquis d’Uxelles (Bruxelles,1712)

 

 

 

Les vœux de Michel Host

MES VŒUX       POUR 2015

 

L’Upsilon, dans la numération grecque, peut valoir jusqu’à la 400e partie de ce que nous mangions et espérions hier encore.

Sur le plateau de gauche, l’épicerie Fauchon, désormais inaccessible. Tombant de la branche dans l’Enfer fiscal, l’ami Michel Host (si vous le voulez bien). Grimpant à la même branche, par le versant Est, un écrivain cherchant un éditeur encore audacieux ou les traces de son dernier à-valoir.  Haut perché sur le plateau de droite, l’Inspecteur des Impôts de son quartier, en Inquisiteur campé à l’ombre des palmes gouvernementales & envoyant ses plus fins limiers à la chasse aux fraudeurs. Escaladant la même branche & venant implorer son pardon, le jeune écrivain qui omit dix euros dans sa « Déclaration ».  L’accablant de leurs hurlements, l’hyène des impôts locaux, le lion de l’impôt sur le revenu et le léopard de la future taxe sur l’air que l’on respire. Au pied de cette même branche, les observateurs disputent s’il s’agit du cadavre carbonisé d’une critique littéraire autrefois connue pour son incompétence, de celui d’un amateur de voyages en Suisse ou des cendres encore chaudes de la littérature.

« Non, point le chagrin & la tristesse ne feins-je :

Nous boirons de l’eau claire en l’an deux mille quinze,

Matin & soir mangerons des patates binje

& nous n’ouvrirons plus que des boîtes de singe.»

 

-  Michel Host, du Poème Restes et Reliefs  (écrit sur son lit d’agonie)  -

 

 

 

Les vœux d'Hamid Tibouchi

À supposer que les oiseaux se taisent
     toujours une branche craque au bord de l'écoute

     à supposer que le bois ne s'étire pas
     toujours on y devine une rumeur de vent

     à supposer qu'on n'entende plus le moindre souffle
     dans le calme il y a toujours un bruit qui se prépare

     à supposer que l'imminent demeure imperceptible
     il y a ce bruit de voix que fait la pensée

     à supposer que la pensée elle aussi renonce
     il reste ce murmure en moi parce que je t'attends

     à supposer qu'un jour je renonce à t'attendre
     le silence écoutera toujours venir la fin d'attendre


     Ludovic Janvier
     [« Une poignée de monde », Gallimard, 2006]
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