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20/04/2007

NOTRE PAIN QUOTIDIEN Unser täglich Brot

Documentaire réalisé par Nikolaus Geyrhalter
Durée : 1h 32
Date de sortie : 14 Mars 2007
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Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, l’enjeu alimentaire en Europe est primordial et les mesures qui seront alors prises dans le nouveau cénacle de la jeune communauté européenne vont transformer nos systèmes de production agroalimentaire comme jamais. Ainsi tout en relevant le défi de nourrir ses millions d’habitants à leur faim, le modèle qui sera mis en place aura pour seule priorité d’atteindre ses objectifs et cela au mépris total des moyens à engager.
 
De fait, s’ouvrent alors jusqu’à nos jours six décennies où la crise alimentaire est définitivement bannie de nos existences pour faire place à un marché gigantesque où la profusion et la surproduction règnent. Cela toutefois ne fut pas réalisé sans contraintes ni sacrifices, nous en savons pourtant peu et c’est ce que va s’atteler à éclairer Notre Pain Quotidien, le documentaire qu’a réalisé entre 2003 et 2005, Nikolaus Geyrhalter. Ainsi, le cinéaste autrichien s’est-il demandé comment nous en étions arrivés à cette situation a priori idéale, et s’interrogeant par le seul biais de l’image non commentée à ce qui est et à ce qui se fait maintenant, il questionne son public sur le bien fondé du résultat obtenu. Savoir ce que fait l’homme pour subvenir à ses besoins bien au-delà du raisonnable et de toute préservation de la nature pose effectivement question à l’heure où l’écologie et l’avenir de la biodiversité sont en jeu. Et ce sera sans faux-semblants que Notre Pain Quotidien s’y collettera. Vives impressions garanties !

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Veaux, vaches, cochons, poulets sont ainsi montrés à tous les niveaux de la chaîne, de l’élevage à l’insoutenable abattoir où tous seront découpés, désossés et démembrés pour notre plus gourmande joie. En filmant comment est produit ce qui parvient dans nos assiettes, Nikolaus Geyralter explore en effet la face dissimulée et rarement montrée de nos industries agroalimentaires. Des immensités paysagères transformées à seule fin de culture en passant par les conditions incroyables réservées aux animaux qui nous nourrissent, c’est donc à une plongée sans retenue dans un monde qui nous est peu connu à laquelle nous convie le cinéaste accoutumé aux projets choc. Nous serons ainsi emmenés vers la froideur chirurgicale des chaînes de dépeçage des usines de découpe industrielle, puis ce sera au tour des immenses élevages industriels hors sol que la PAC a fait prospérer de nous ouvrir leurs portes, avant que les monotones paysages de l’agriculture intensive ne se dévoilent sous leurs toiles de plastiques et leurs tonnes d’engrais et de pesticides. Dans toute son insensible rigueur, c’est ainsi l’ensemble des pans de la production alimentaire occidentale qui nous est donné à voir, au gré des hectolitres de sang versé, des milliers de carcasses déchiquetées et des fruits ramassés en secouant les pruniers à la seule force de machines spécialisées.
 
Dans la lignée visuelle et intellectuelle de la trilogie de Godfrey Reggio regroupant Naqoyqatsi, Koyaanisqatsi et Powaqqatsi, documentaires cinglants qui montrent sans afféterie la vérité du monde, Notre pain quotidien révèle ainsi simplement et sans fausse pudibonderie ce qui est, en le filmant entièrement, sans enjoliver ou atténuer la force du réel. L’ensemble de fait est marquant et éprouve d’autant plus son spectateur que son traitement est volontairement radical.
 
C’est en effet par l’usage de plans séquence en cadrage presque continûment fixe, tous dépourvus de commentaires off que Nicolas Geyrhalter va fonder le filmage de son documentaire. Recherchant à impressionner, il entreprendra ainsi de tout montrer frontalement et dans la durée, au risque de vouloir consciemment incommoder, parfois jusqu’à la nausée et au mal être. Mais l’appel à l’éveil de notre conscience de consommateur citoyen passe peut-être par ce que certains qualifieront de surenchère artificielle. En tous cas, le cinéaste a le mérite de laisser à la seule appréciation du destinataire et à son unique sagacité, le soin de se faire sa propre opinion sur le sujet, tout en installant un dispositif habile de scansion basé sur l’alternance de moments antagonistes. Ainsi, entre séquences quasi insoutenables et instants de paix où sont filmés les hommes et les femmes qui oeuvrent pour nous nourrir, Notre pain quotidien alterne ses effets. Dans ses séquences les plus dures, il va de fait nécessairement brusquer, déranger par la violence techniciste qu’il montre et laisser à penser plus paisiblement dans ses moments de tranquillité, au gré de séquences où l’on verra l’ouvrier, l’employé ou le cueilleur en train de déjeuner et incarner le spectateur – consommateur lui-même, dans un contre champ astucieux.

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C’est donc pour cela que Notre Pain quotidien s‘avère une expérience cinématographique déroutante puisqu’il livre l’envers d’un décor que l’on refuserait objectivement d’accepter dans sa cruelle totalité malgré la nécessité., tout en nous tendant un miroir bien dérangeant En effet, dans un premier temps, ce métrage ne peut laisser indifférent par ce qu’il nous montre. Mais s’il saisit autant, c’est surtout parce dans un temps second, il fait ressortir dans un froid souci de réalisme le seul critère qui préside à la naissance, à la réussite de ces stratégies alimentaires et à leur inepte fondement : une rationalité mécaniste, tayloriste dépourvue d’âme, de compassion et très éloignée des critères écologiques de tout développement humainement durable. De fait donc, le plus déstabilisant dans ce métrage réside dans l’inconfort de penser que ce que l’on fait subir aux animaux et à la nature puisse révéler le traitement réservé en général aux plus faibles avec tant d’insensibilité et de cynisme. Cela sidère à dire vrai et même si cela exprime un bien regrettable péché de candeur, une interrogation se pose qui n’est pas le moindre mérite du film : doit-on l’accepter ?

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Instrumentaliser ainsi le vivant, le mépriser pareillement augure en effet de conceptions bien éloignées de celles qui visent à considérer ce dernier - sous toutes ses formes - comme une richesse à préserver et à entretenir. Dès lors, avec Notre Pain Quotidien comme avec Une Vérité qui dérange, il est raisonnable de se demander si le risque premier de telles structures agroalimentaires, de telle pratiques consuméristes et de mauvaises habitudes, n’est pas en dépit de leur impérieuse nécessité, de nous amener à perdre de vue nos racines mêmes et donc en définitive de nous détruire nous-mêmes en niant nos devoirs vis-à-vis de ce qui vit et de ce que l’on détruit chaque jour davantage.
 
Parce que Notre Pain Quotidien est une expérience hélas trop rare à vivre en salles, ce métrage de Nicolas Geyrhalter par ses fondements citoyens et ce qu’il propose, est indispensable à voir, surtout en cette période où la conscience environnementale s’impose comme une donnée fondamentale de nos existences.
 
 
Jean-Baptiste Guégan

 

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"We feed the world" ("Le marché de la faim"), d’Erwin Wagenhofer

Sortie le 25 avril.
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Pour aller plus loin :
  L’article de Cinéma Education : http://www.zerodeconduite.net/wefee...
  Lire aussi de Nicolas Bauche : De l’assiette au grand écran http://www.cafe-geo.net/article.php...
  Sur le film culte de J. Furtado, L’île aux fleurs, 1989 : http://www.filmdeculte.com/culte/cu...

A Lire : 

* Erwin Wagenhofer, Max Annas, Le marché de la faim, Editions Actes Sud, 2007

Extrait du livre : "Le chef de Deutsche Telekom annonce fièrement lors d’une conférence de presse que l’entreprise a fait des milliards d’euros de bénéfices, puis ajoute qu’on va licencier 30 000 employés - dont ceux qui ont contribué à engranger ces bénéfices. Voilà pour la question du chômage au temps du libre-échange. Nous devons réapprendre à prendre nos responsabilités, d’abord pour nous, puis pour nos actes. C’est ce qui est contenu dans ce "we" [...]. Et la bonne nouvelle, c’est que nous en sommes capables. Nous devons manger, nous devons faire les courses, et nous pouvons donc décider de ce que nous voulons. Ce système n’a ni été créé par la nature, ni par Dieu, ce sont les hommes qui l’ont fait et nous pouvons donc le changer. Voilà pourquoi le film et ce livre s’intitulent We feed the world et non They feed the world." E. Wagenhofer
* Jean Ziegler, "L’Empire de la Honte" (Fayard, 2006)
"Etant donné l’état actuel de l’agriculture dans le monde, on sait qu’elle pourrait nourrir 12 milliards d’individus sans difficulté. Pour le dire autrement : tout enfant qui meurt actuellement de faim est, en réalité, assassiné." Jean Ziegler

Rapporteur spécial de la Commission des Droits de l’Homme de l’ONU pour le droit à l’alimentation, Jean Ziegler fait figure d’ovni au sein de cette très respectable institution. Depuis trente ans, cet éternel révolté ne cesse de dénoncer l’injustice du système libéral et le cynisme des maîtres du capital qui font crever de faim une partie du monde pour nourrir l’autre.
A travers ses nombreux ouvrages, cet intellectuel hors norme s’est archané à démontrer que les méfaits du système capitaliste mondialisé ne sont pas les conséquences inéluctables de la ’main invisible’ qui guide les aléas du marché, mais bien l’oeuvre du cynisme de ces "nouveaux féodaux"...

17/04/2007

Mars 2002, Caracas

Le 14  Aéroport d’Amsterdam à nouveau, 9 heures 15 du matin.
Nouveau voyage, pour Caracas cette fois. Une mégapole de plus avec ses cinq millions d’habitants et ses bidons-villes, les ranchos. Et nous, nous serons logés dans une annexe du Hilton : Anauco appart-hôtel… Sans commentaire.
Je suis tout de même contente de partir, contente de travailler, contente de retrouver la tribu. De quoi me nourrir… De quoi rêver ?
Je doute que Caracas soit propice au rêve mais sait-on jamais ?
Je suis en train de fumer à une terrasse de café, dans un hall de l’aéroport. Nous sommes en Hollande, y’a pas de raison ! Bientôt l’embarquement, faut que j’aille aux toilettes.
21h50…Une journée qui n’en finit pas puisque à la maison il est trois heures du matin. Me voici à Caracas, dans une chambre qui se trouve dans une sorte d’appartement au dixième étage, numéro 1005. Je le partage avec quatre co-locataires, moins bien lotis que moi car ils sont deux par chambre, des chambres plus petites que la mienne et sans salle de bain... Me voilà privilégiée d’entre les privilégiés…
Toujours dans le luxe donc même si ce n’est pas le Hilton tel qu’on a pu le connaître en d’autres endroits. Le plus incroyablement luxueux restant celui de Bangkok.
C’était une expérience et je n’aurais pas le mauvais goût de m’en plaindre même si bien des choses m’avaient dégoûtée. Un certain comportement de nanti occidental principalement…
Je suis fatiguée, ankylosée par les heures passées dans l’avion et j’ai un peu le blues. Mon portable ne fonctionne pas ici alors adieu petits messages d’amour… Le peu que j’ai entraperçu de Caracas me laisse…. Drôle d’impression en fait ! Celle d’être déjà venue.
C’est sans doute à cause du Brésil mais il y a autre chose… Toutes ces villes finissent pas se ressembler ! Pollution, saleté, la misère agrippée aux collines, moins agressive pour nos regards douillets qu’à Rio ou Manille mais elle est bien là.
Caracas sent mauvais, Caracas est moche. C’est ma première impression, bien que quelques quartiers traversés en venant de l’aéroport, m’aient semblé plus sympathiques avec leurs petites maisons très colorées, les ruelles sales mais vivantes, pas comme ce quartier où nous logeons.
Quartier culturel, musées, théâtres… Tout en béton, rien que du béton !
Et des tours immenses ! Je peux voir une de leur façade depuis ma chambre, toutes fenêtres illuminées. Mini-pièces de théâtre en boite.
Je peux voir les gens vivre…mais peut-on parler de vie ?
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La rumeur qui monte jusqu’à ce dixième étage est monstrueuse, cela doit être la circulation. On croirait le souffle enragé du vent, à s’y méprendre.
Entre l’immeuble et une autre tour, beaucoup plus clinquante (des bureaux certainement, à moins que ce ne soit un musée), je peux voir les ranchos grouillant de vie. Ils recouvrent la totalité d’une colline. Eux aussi sont tout illuminés, c’est joli… Electricité légitimement détournée.
Je n’aime pas cette tour où nous sommes hiltonisés. Lieu impersonnel dans cette ville que je ne connais pas. Je pense à chez moi.
Ici, je sais pourquoi je vis à dans un hameau perdu sur le causse du Quercy.
Difficile d’écrire. Je suis fatiguée, faudrait dormir. La semaine pourrait être rude.
Le peu de gens que j’ai croisés me laissent penser que les Vénézuéliens sont plutôt sympathiques. Souriants. Les filles, les femmes sont belles et il doit y avoir de beaux gars aussi.
Un peu partout dans le coin, il y a des types qui font la sécurité, matraque en main.
En ville, les policiers portent tous un gilet pare-balles.
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Le lieu où nous allons jouer est une sorte de longue et large avenue appartenant à l’armée. Elle sert pour les parades...
Je ne sais quoi en penser. Rien.
C’est un festival de théâtre comme il y en a un peu partout dans le monde. Il est trop tôt pour savoir réellement où nous sommes et pourquoi.
Je pense à S. Il est loin. Comme j’aimerais qu’il comprenne, qu’il comprenne tout ça ! Comment ça peut être déstabilisant, angoissant de se prendre en pleine poire, sans la protection d’un écran, la réalité du monde.
J’ai vu bien des villes où il ne faut pas aller et il y en a tant d’autres.
Je ne supporterais pas d’y vivre, je mesure encore plus cette chance dont on n’a pas conscience quand on a le nez dessus et qui s’appelle confort.
Je pense à Tito chaque fois que j’entrevois un gamin…
Tout à l’heure, alors que nous mangions dans une galerie commerciale qui jouxte la résidence - même pas besoin de sortir pour y aller et il y a des types de la sécurité partout - est-ce vraiment justifié ? Peut-être…
Je disais donc, une flopée de gamins, des filles en majorité, est venue quémander aux tables. Contrairement à d’habitude, je me suis fermée, je n’ai rien donné, même pas un regard.
J’ai fini par comprendre que ce n’était pas aussi simple que ça et que croyant bien faire, on ne fait qu’alimenter la plaie, creuser la fosse.
Voilà que je fais comme les autres, je me protège…
J’entends des pneus crisser au loin et toujours ce bruit infernal de circulation ou le vent. Je ne sais plus, mais je suis bien trop fatiguée pour que cela m’énerve.
Je serai contente de partir d’ici, c’est sûr !
Caracas... Jusqu’à aujourd’hui seulement un nom sur une carte. Maintenant des images, des sons, des goûts, des odeurs mais c’est trop tôt encore pour en parler.

15 mars  6h30 du mat
Voilà plus d’une heure que je ne dors plus vraiment alors j’ai fini par allumer la lumière.
Dehors, toujours ce vacarme sourd de circulation.
J’ai rêvé sans doute, je ne m’en souviens plus mais j’ai un drôle de sentiment. Triste.
Une angoisse venue de je ne sais où. Je tourne et retourne dans ma tête…
Envie d’amour, peur de m’aveugler. S. m’inquiète probablement autant qu’il me manque.
Je me roule une petite cigarette et après je me lève. La journée promet d’être pleine et longue, ça m’évitera de trop réfléchir. Autant faire une pause.
Et puis je suis avec mes amis. J’ai beaucoup discuté avec Marc dans l’avion. J’aime nos discussions. L’amour des mots…
Profondes affinités intellectuelles ? C’est important pour lui comme pour moi et ça nous manque à tous les deux… C’est un fait.
Il se met au journal de voyage lui aussi, il m’a expliqué un peu, une sorte de jeu, un journal de Caracas où on pourrait éventuellement mettre des choses en commun.
Genre d’idée qui me plait !
15h45
Montage toute la matinée sur l’imposante avenue à perte de vue, bordée de gradins en béton, de canons aussi, fabriqués en France dans la Creuse ! Deux grands piliers à l’entrée, des statues, monument aux héros de l’indépendance, Bolivar en tête. Le style est pompeux.
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Je suis allée faire des courses avec Margarita et Jorge, qui travaillent avec nous. J’ai pu discuter comme ça et poser des questions. La situation politique du pays m’intéresse énormément. J’essaye de lire les journaux. J’essaie de comprendre la figure de Chavez, je n’arrive pas à me faire une opinion sur lui mais le fait qu’il soit à ce point détesté m’intrigue.
Il y aurait les Etats-Unis encore là derrière que ça ne m’étonnerait pas. Histoire de pétrole… La famille de Margarita fait partie des classes moyennes, ces classes qui ont vu le jour pendant la première guerre du Golfe, quand le Venezuela est devenu le premier exportateur de pétrole aux Usa, ce sont justement ces classes qui en ont après Chavez. D’après Margarita, il manipulerait les populations défavorisées (celles qui le soutiennent) et les monterait contre les classes supérieures. De plus, d’après elle il ferait n’importe quoi en remplaçant tous les gens en place dans les secteurs clés par des militaires incompétents, lui-même étant un militaire gauchiste, ami de Castro et avec du sang Indien de surcroît… Un gêneur sans aucun doute. Le secteur de l’éducation par exemple en aurait beaucoup souffert. Margarita m’a dit qu’il y a quinze jours, c’était vraiment la crise, incertitude pour tout le monde. Ses amis sont partis à l’étranger, Etats-Unis, Canada, France ou Espagne…
C’est vrai qu’ils ont pris 30 pour cent d’inflation en une semaine…
Aujourd’hui la montée de la violence est toujours à craindre.
Margarita m’a aussi parlé de la situation en Colombie où vit son père. Il ne reste plus que lui là-bas, tous leurs amis sont morts…
Elle a été surprise quand je lui ai dit qu’en France, un macdo avait été démonté.
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Tout à l’heure, je suis allée faire un tour au supermarché. Les grosses marques que nous connaissons sévissent là comme partout. On trouve même de l’eau leaderprice !
J’ai acheté de l’eau, une autre…des bananes, une mangue et une crème… nivéa, y’avait pas le choix !
En vitrine, dans la boutique gift de la galerie marchande, on peut voir des figurines représentants des Yanomami (je suppose à cause du pagne rouge), des instruments de musique, maracas surtout et une toute petite guitare traditionnelle dont j’ai oublié le nom.  Artisanat pour touristes.
Dans une demi-heure, nous retournons sur le site pour une répétition générale.
Le quartier où nous logeons est vraiment très moche. Tu parles d’un quartier culturel !
En roulant à travers la ville, j’ai pu constater que le reste n’est pas mieux : urbanisme anarchique, méga-immeubles, méga-pub et toujours les mêmes : coca, nestlé, philips… qui prennent parfois toute une façade de vingt ou trente étages. Il y en a aussi une grande et rutilante pour le base-ball, sport national…. Ouais, coca, base-ball…Caracas made in usa !
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Les fast-foods fleurissent ici comme ailleurs et j’ai repéré quelques gamins dont la corpulence n’a rien de naturelle…l’obésité à l’assaut des bidons-villes… Un comble !
Les ordures partout, la circulation monstrueuse.
Il y a beaucoup de vieilles voitures (américaines encore), certaines bricolées en taxi, tellement délabrées qu’on se demande comment elles peuvent rouler.
Beaucoup de véhicules roulent sans plaque. 
Mon regard a capté quelques anciennes maisons typiques  aux couleurs vives qui laissent imaginer ce que c’était il n’y a peut-être pas si longtemps que ça. Une de ces maisons a été protégée comme monument, et elle tient debout solitaire, en bordure d’un quartier de gravats.
Partout, omniprésents, policiers et militaires.

23h30 Une très bonne journée en fin de compte ! J’étais contente de chanter un peu, contente de discuter avec les gens d’ici. Je les trouve très sympas, très beaux aussi.
Cet aprem, j’ai envoyé deux mails à S. via une adresse hot mail. Je me suis résignée pour le portable, hors d’usage ici. C’est comme ça !
Je m’inquiète un peu pour mes projets futurs. Le contraste entre la vie chez moi et ma vie au sein de la compagnie est tellement énorme…
Au sein du groupe, je ne me sens pas vieillir. Dans mon nouveau chez-moi, si !
Ce soir, il y avait un magnifique papillon de nuit accroché à la toile blanche du plafond de la régie. Un porte-bonheur, m’a dit Miguel-Angel, le comédien qui travaille avec nous. Buena suerte pour Don Quichotte ? Demain soir, 19 heures, la première.
C’est l’ouverture du festival avec les télés, le gratin et tout. Je suis certaine que ce sera une bonne malgré ce contexte pour le moins particulier. Nous ne jouons pas sur le Paseo de los Proceres par hasard, mais pour redonner confiance à la population vis à vis de l’armée, redorer son image en quelque sorte… Dans les journaux, c’est ce qui ressort en priorité, redorer l’image des militaires et autres groupes de sécurité. La priorité de qui ? Chavez j’imagine.
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Lundi, c’est jour de grève nationale contre lui. Je suis toujours perplexe vis à vis de sa position. J’aimerai discuter avec un de ses partisans afin d’entendre plusieurs discours et tenter de faire la part des choses avec ma modeste connaissance de la situation. Il me manque bien trop d’éléments pour savoir de quoi je parle.
Je pense à la Colombie aussi, toute proche. Les journaux en parlent, s’interrogent sur ce qui se passe réellement. Plan Colombie, déjà un moment que j’essaie de me tenir au courant mais en France, on parle peu de ces atrocités commises en toute impunité à l’encontre des communautés paysannes, sous prétexte de lutte anti-drogue et anti-guérilla. Toujours et encore oncle Sam qui tire les ficelles.
C’est l’heure d’éteindre les feux.  En France, il est bientôt 5 heures du matin.
Une pensée pour mon amour qui doit dormir bien profondément.
Je serai heureuse de le retrouver.


16 mars 14h15
Je me sens un peu bizarre aujourd’hui. C’est cette vision de bon matin alors qu’on se rendait sur le site en bus. Une femme égorgée sur la chaussée, il m’a semblé que c’était une femme, difficile de dire. Vision furtive mais percutante.
Je me suis retrouvée projetée à Rio quelques fractions de secondes.
J’ai eu mal au ventre pendant quelques temps. Ce corps ensanglanté, étendu en plein soleil, les voitures passent, il est dix heures. Impossible de ne pas le voir.
Hier matin, c’est Christian qui a aperçu un homme allongé sur le ventre qui lui a semblé mort. Un cadavre chaque matin, ça fait froid dans le dos, même à Caracas.
Plus tard dans la matinée, c’est un vol de perroquets bleus et or au-dessus du site qui m’a réconforté. Ici, mieux vaut être un oiseau !
C’est l’heure de la sieste. J’ai eu S. deux minutes au téléphone depuis le bar internet. Il devait me rappeler dans la chambre mais le temps passe et…rien. 
J’ai un doute sur le numéro que je lui ai donné. Une vraie galère ici le téléphone.
Toute la matinée j’ai tenté de le joindre, avec un portable qu’on m’a prêté et ça ne passait jamais. Si d’ici un moment, il n’a pas rappelé, je retournerais au bar internet, c’est moins cher qu’à l’hôtel. Trop tard, il est 15 heures 15, juste le temps de descendre pour partir.
Pour Don Quichotte ce soir : merde !
23h55 Merde ! Pour une première, c’est raté ! Une grosse pluie orageuse nous est tombée dessus juste avant le début du spectacle, première fois qu’il pleut depuis des mois et il a fallut que ça tombe sur nous ! Il y avait beaucoup de monde, des gens qui attendaient depuis l’après-midi et ils ont continué à attendre. Nous ne pouvions plus jouer, l’organisatrice ne voulait pas annuler, normal et ça a duré deux heures.
Nous commencions à nous faire à l’idée de jouer quand même, la pluie avait cessé mais il fallait le temps que ça sèche…De plus, montages-bricolages électriques locaux trempant dans l’eau, pas de mise à la terre…
L’organisatrice sans rien dire à personne a soudain annoncé l’annulation du spectacle…après avoir fait attendre le public deux heures de plus…mais au fond, valait quand même mieux, ça aurait été trop dangereux.
Bref, drôle de soirée. Un arrivage de denrées diverses l’a adoucie pour certains et rallongée pour d’autres. Je m’en tiens pour ma part à la version chlorophylle.
Bientôt dormir…Demain, on remet ça. Pour de bon j’espère, car rien n’est plus désagréable que de voir repartir un public,  le ventre vide.
Beau vol d’ibis rouge au-dessus du site dans l’après-midi. C’était peut-être un signe de pluie…
Ici, comme au Brésil, malgré le béton, malgré les immondices, la nature est omniprésente.  Il suffirait de pas grand chose pour qu’elle dévore la ville…
J’aime à le penser en tout cas !
Ce continent me fascine. Me voilà à nouveau gagnée par une irrépressible attirance, un mélange de crainte, de désir, de fascination.
Pure sensation, les mots sont impuissants à décrire ce que je ressens réellement. C’est charnel, doux et amer à la fois, attirant, terrifiant parfois à la limite du répugnant.
Mixture de mort et de vie extrême. Et puis les gens !
Métissage de sang indien, africain, latin… Mon sang semble cogner lui aussi à ce rythme.
Pendant le démontage, ce soir, j’ai inventé un bout de chanson, une mélodie sur laquelle sont venues se poser ces paroles :
Somos sobre la tierra de los Indios
Sobre la tierra de los parajos
Somos sobre la tierra de coca-cola
Somos en Venezuela….
C’est à eux que je rends hommage à défaut de pouvoir leur rendre leur terre : aux Indiens, à la forêt, aux montagnes noyées dans la brume qui dominent Caracas ! Continent violé.
De nos allers-retours au site, je tente de retenir le maximum d’images. Ressentir à défaut de savoir, à défaut de comprendre. La vision de ce matin me poursuit encore.
Je ne sais pas pourquoi j’amasse autant du regard. Je ne sais ce que ça m’apporte sinon une réflexion justement.
Monde miroir, montre-moi la misère, montre-moi notre véritable reflet, l’ombre avec laquelle nous pourrissons la terre !
Une femme en noir, vieille avant l’âge, la maigreur d’une junkie, descend un tertre d’un pas mal assuré. Tertre jonché de détritus. Elle se penche pour ramasser quelque chose.
La suite logique des leaderprice ! La suite logique - et la logique se fout des droits de l’homme - c’est qu’après les supermarchés mutants, c’est dans les ordures que les oubliés de la course font les leurs. Parfois, ils vivent dessus, comme des mouettes mais les mouettes elles, elles volent !
Manille et sa sinistrement célèbre montagne fumante… Elle n’existe plus aujourd’hui, mais des nécropoles fumantes, il y en a beaucoup d’autres.
Si je devais vivre à Caracas du jour au lendemain sans un bolivar en poche, je mourrais de trouille dans les heures qui suivent !
Voilà à quoi on devrait condamner les oppresseurs, super escrocs, dictateurs, abonimenteurs en tout genre ! Qu’ils aillent se frotter à leur création, au fruit de leur cynisme.
Une sorte de lynchage en quelque sorte, certes et c’est bien horrible mais quoi ?
Tout cela n’est-il pas horrible ?
N’est-ce pas un lynchage quotidien ?
Ces publicités arrogantes, ces immeubles-bureaux tout clinquants à côté des affreuses tours grises où s’entassent une partie de la population et pas la plus défavorisée !
De loin, je dis bien de loin, même les ranchos qui s’agrippent aux collines paraissent plus accueillants. C’est vrai qu’ils semblent plus « cossus » qu’à Rio ou Manille, des baraquements en dur, de la brique.
Et puis de la couleur aussi, certaines baraques sont peintes, violet, bleu, rose, jaune éclatant. Je me dis que ceux qui vivent là ont encore de l’espoir car j’ai vu des endroits où il n’y a plus rien à peindre. Seulement la boue, les rats, la tôle, des cartons ou des sacs de poubelle pleins en guise de murs…
Sur notre trajet quotidien, il y a une petite rivière très encaissée. Elle est dégueulasse bien-sûr, comme ses berges abruptes, mais elle coule vite.
Elle doit descendre des montagnes. La vivacité de son courant me trouble à chaque fois. A la fois un réconfort, parce que vivant mais aussi inquiétant, car dieu sait quelles horreurs, cette rivière charrie…
Il est temps de dormir et pourtant j’aurai tant de choses à écrire encore…
A propos d’ici, à propos de mes pensées pour mon homme, si loin parfois et en même temps dans mon cœur. Cette ville le déprimerait. Je ne crois pas qu’il puisse imaginer. Aurais-je pu imaginer avant de venir à Rio, la toute première fois en 1994 ?
Non, je ne crois pas. Je crois me souvenir que sur la route pour aller de l’aéroport à Rio même, j’ai eu un véritable choc et depuis je cherche toujours à comprendre.
La télé, les films nous anesthésient. Les horreurs du monde, les ravages d’un capitalisme sauvage et inculte, tous ces cons d’humains qui débarquent sur cette planète pour y mener une vie pire qu’en enfer !
Nous les plaignons, nous frémissons, compatissons, nous indignons, nous pétitionnons mais au fond, elle est tellement agréable la vie et nous avons bien d’autres préoccupations, nous autres privilégiés !
Je ne fais pas exprès, j’aimerais bien parfois être insensible mais je n’y arrive pas.
Pas complètement, pas naturellement, pas sereinement…
J’ai parfois de drôles de nausées, des remontées acides, des envies de pleurer… ça fait mal à l’ego peut-être, parce que dire « ça fait mal » c’est encore une insulte à ceux qui crèvent de vivre tous les jours.
Le site où nous jouons est « décoré » en rouge et blanc, tierra coca cola….
Stop ! Il faut que je dorme !
Don Quichotte retente son entrée demain soir à Caracas, bonnes gens, accueillez-le, applaudissez-le ! Un discours de liberté ? Pour nous, oui, certainement.
Ce soir, en rentrant à l’hôtel, à l’entrée et dans le hall, partout des uniformes. Policiers je suppose. Difficile de savoir parfois qui est qui, il y en a tant sans compter les militaires et les agents de sécurité en costard bleu marine, talkie en main !
Qui protège qui ? Qui fait quoi ? Qui travaille pour qui ? Pour quoi ?
La misère on la devine, on la surprend mais elle n’est pas aussi évidente que dans les grandes villes brésiliennes. Y aurait-il du nettoyage, des dissuasions musclées ?
En tout cas, il y a des uniformes partout et c’est stressant !
Je coupe sinon je vais écrire jusqu’à demain.

17 mars  23h04
Pas simple de me poser sur le papier. A cet instant, c’est la confusion. Le mental part dans toutes les directions et le corps s’agite, se chauffe à la limite de l’énervement.
Pas très malin tout ça surtout que demain, après-demain et encore et encore, faut être là, présent, les pieds sur terre vus les derniers évènements…
Nous avons joué ce soir, tout allait bien jusqu’à ce que le ballon-bibliothèque, pendant le gonflage de l’arche, se déchire et s’ouvre sous nos yeux ébahis, les miens en tout cas ! L’enveloppe intérieure s’est dégagée et s’est envolée avec le contenant de dix bouteilles d’hélium. Je ne voulais pas y croire. Jorge, le directeur technique qui travaille pour nous était près de moi à ce moment là, je n’avais pas les mots pour lui expliquer à quel point ce qui se passait était catastrophique !
Et puis le spectacle comme tout bon spectacle, a continué… Un bon spectacle ?
Et bien pas si mauvais que ça, vu les circonstances. Don Quichotte juché sur les épaules de ses acolytes manipulateurs, a combattu jusqu’au bout sous les encouragements de la foule enthousiaste ! Complètement fou !
Les gens semblaient vraiment adorer mais pour moi c’était comme un mauvais rêve.
J’ai enchaîné presque mécaniquement et du coup j’ai chanté l’Ay Carmela sans m’arrêter pendant le duo voix-trompette… Jean-Phi a suivi, un peu surpris quand même…
Des gens face à moi me regardaient en souriant et j’ai chanté pour eux.
C’était fort, presque intime et j’ai pensé aux montagnes aussi et comme dans l’après-midi, j’ai chanté pour elles.
Je n’oublierai pas cette image de la bibliothèque éventrée avec cette enveloppe qui pointait pour s’évader. C’était assez beau en fait, étrange…
J’ai suivi des yeux ce gros machin semblable à un gros matelas un peu translucide, jusqu’à ce qu’il disparaisse dans la nuit.
En fait, j’étais en l’état dans lequel on peut se retrouver après une grosse frayeur. Choquée, comme lorsque le ballon-Terre s’était envolé à Castres, juste après une véritable éclipse lunaire.  C’est que je commence à en avoir des souvenirs !
Innombrables souvenirs partagés qui deviennent si précieux avec le temps.
Histoire d’un groupe…
Me voilà donc dans la chambre, les autres étant aller manger, j’ai préféré rentrer.
Je n’avais pas envie d’aller pour la troisième fois de la journée dans cette galerie, même si les serveurs sont charmants et sympathiques. De plus, les conversations devenaient confuses…
Demain en tout cas, version inédite de Don Quichotte : sans la bibliothèque.
Le public est si chaleureux, peut-être que ça ne sera pas si mal que ça mais faut être en forme et là je m’y prends mal. Le cumul voyage, décalage horaire, travail et le reste quand vient la nuit…. Je vieillis !
J’ai écrit l’autre jour - il me semble que cela fait déjà longtemps que nous sommes ici - qu’au sein de la compagnie je ne me sentais pas vieillir. C’est inexact.
En fait, c’est parce que nous vieillissons tous ensembles que je ne me sens pas vieillir car les choses changent, évoluent, les gens changent, évoluent aussi.
Je préfère ma position d’aujourd’hui à celle que j’avais il y a quelques années mais je ne renie rien. J’ai pardonné des choses, ce qui signifie simplement que je m’en suis libérée. Je connais les limites de tout ça. Hors Plastoc, point de salut, ha ha ha !
Non, plus sérieusement, la plupart des liens, si on les isolait du groupe mourraient tels des poissons hors de l’eau… Le groupe c’est ce qui nous lie et c’est beau cette entité commune, à la fois un tout et chacun…Clin d’œil au Simurgh.
Je commence à appréhender un peu le retour, au rythme où vont les choses ici, l’atterrissage ne va pas se faire sans mal. Les contrastes sont parfois difficiles à supporter. Les gens d’ici vont me manquer. Juste une sensation, ce n’est pas réfléchi.
Ce continent exerce sur moi une très forte attraction qui remonte à très loin….
Du Mexique à la Patagonie, je pourrais…. Cette pensée me terrifie, je ne fais rien pour réaliser un tel rêve, bien au contraire. Eternel dilemme : s’enraciner ou errer ?
J’ai tant de choses à apprendre et ici j’ai la sensation d’apprendre plus vite, peut-être parce que le temps pour tous est compté.
En Amérique latine, la mort se vit au quotidien.
C’est peut-être ça qui curieusement me rassure. Peut-être un lien avec la mort de mon père, avec mon rapport à la mort. Il est sans doute étrange mais rien de morbide là-dedans bien au contraire. La vie, la vie !
Je n’ai jamais vu de morts ou de cadavres sereins, paisibles. Les seules images réelles que j’ai de la mort sont violentes : gamine c’était le chat dans une boite à chaussure, le chat rongé par les vers, premier grand choc ! L’horreur, la terreur, le dégoût.
Le refus que ce soit ça mon père : un tas de vers grouillant !
Et puis Rio, l’accident et l’autre matin ici-même, un cadavre égorgé. La mort qui frappe sans prévenir comme elle a enlevé mon père, si jeune….
Je suis plus vieille que lui maintenant. Je ne saurai jamais le visage qu’il avait en mourrant. Si j’avais pu le voir en paix alors peut-être que moi aussi je serais en paix.
Au fond, si je suis en guerre depuis si longtemps, n’est-ce pas contre la mort ?
L’injustice, la mort.
Il n’y a que la philosophie bouddhiste qui soit parvenue à me faire accepter, voire aimer la mort comme quelque chose de naturel, pas en dualité avec la vie, mais je me suis éloignée du bouddhisme, retrouvant le néant sans plus d’explication, ni de soulagement.
Qui dit néant, dit rites pour contrer la terreur du vide…
Le travail, la fête, la drogue, l’amour...
Il est minuit, je finis la cigarette et j’éteins la lumière. J’ai écrit des pages et des pages, écriture fleuve qui voyage dans mes méandres internes. Elle draine…. Elle se traîne parfois. L’écriture, drôle de maladie. Perversion peut-être.
Une forme de repli, d’incapacité à faire autre chose. Une masturbation de la cervelle, polir l’ego avec quelques mots bien agencés. Folie peut-être, thérapie en tout cas.
Revenons à Caracas. Il y a des moments où je voudrais ne plus être là, rayer tout ça de ma tête ! Que l’Amérique du sud redevienne virtuelle, des noms, un dessin sur une carte ! Oublier que mon corps, mon cœur prennent racine ici à la vitesse de la flore tropicale et….ce n’est pas possible, il y a un truc !
Je reconnais les traits, les visages indiens. Il y en a peu mais il y en a, métissés très probablement, mais je parviens à distinguer parfois les visages des premiers habitants des lieux. C’est eux que je cherche. Je sais que cette terre continue à être la leur.
C’est purement romantique, très naïf de ma part mais je le sais, je le sens !
J’aime ce continent.
J’ai peur d’avoir du mal avec la France à nouveau, même dans le Lot…
Va falloir que je colmate un peu la large brèche que ce continent ouvre dans ma tête sous peine de rêver douloureusement dans le vide.
Je n’aime pas cette ville, je n’aime pas les villes, mais j’aime ses habitants.
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Le 19 mars  0h25
Bonne fête Papa, bon anniversaire Tito !
Don Quichotte ce soir, c’était très bien, même sans ballon. Aucun incident et le public encore une fois était ravi. Je regrette de ne pas être venue à Valencia l’année dernière jouer Ezili. J’étais à ma nouvelle maison, en arrêt maladie… En arrêt tout court.
Ce soir, j’ai évité l’anesthésie poudreuse des cordes vocales et je suis allée manger dans la galerie, à notre « cantine » préférée avec quatre compères.
Le serveur était craquant. Je dois avouer que je commence à trépigner, il est temps de rentrer… et plus les jours passent et moins j’y pense !
Le Lot me semble si loin, si froid vu d’ici.
J’aime l’étranger, j’adore les étrangers et ce soir je les aime plus qu’il ne faudrait…
Et puis j’aime mes amis et j’aime ce spectacle !

Et j’aime, j’aime et nous sommes le 21 mars et il est 4 heures du matin, ici à Caracas, c’est notre dernière nuit.
Le soir du 19, après le spectacle, nous étions invités avec d’autres compagnies françaises à un cocktail chez l’ambassadeur. Toute une histoire pour y arriver, ce qui a permis d’entrapercevoir une autre face de Caracas, cossue et blindée celle-là, portails de sécurité, barbelés, clôtures électriques… Les ghettos de luxe.
Donc, après avoir tourné en bus au moins une heure, le chauffeur ne savait pas où habitait l’ambassadeur, nous y voilà, accueillis par deux gorilles en costard.
Une demeure luxueuse de très mauvais goût, petits fours excellents mais trop petits pour ma faim de louve, du vin, champagne et whisky, le tout agrémenté d’un discours de l’ambassadeur, chiant bien-sûr le discours. Enfin, c’est toujours intéressant de voir où passent nos impôts… Et j’ai bien profité du champagne !
A suivi mais je ne m’y étendrai pas, une soirée fort sympa et muy caliente aux différents bars du festival. Seule nuit où je suis sortie, couchée à 7 heures du matin, dormi une heure peut-être…
Le lendemain, la journée a été dure. J’ai dormi après avoir monter les artifices sur le bélier de fuego, écroulée sur une bâche dans un coin de la tente qui nous sert de loges. Je n’en pouvais plus, la chaleur n’arrangeait rien.
J’ai dormi encore à l’hôtel, de 13 à 15 heures, après avoir tenté de manger un très mauvais sandwich malencontreusement nommé falafel, acheté dans la boutique de productos naturales.
Jusqu’au spectacle, j’étais encore fatiguée.
Malgré un problème de son, la dernière des aventures de Don Quichotte à Caracas fut une belle représentation avec un public toujours aussi présent, chaleureux, tendre !
Une des filles qui travaillent avec nous, je n’arrive pas à mémoriser son prénom, m’a dit que les Français lui paraissaient très froids comparés aux Vénézueliens, qui eux sont très tendres. Elle a bien raison, surtout quand il s’agit de Français aussi individualistes que nous autres.
Demain, tout à l’heure, nous allons refaire le voyage dans l’autre sens mais rien ne s’effacera, ce qui est vécu est vécu. Il n’y a rien de mauvais. Trop d’émotions peut-être, vécues sur un laps de temps très court. Trop forte densité qui fait parfois sauter le couvercle. Nous sommes tous fluctuants, des êtres de chair et de sang.
11h30 Encore dans la chambre, pour les derniers instants.
J’ai bien dormi et j’ai du mal à me faire à l’idée du retour. Je l’appréhende. Ma maison là-bas en France me semble très loin, ma vie là-bas également. Impression d’être partie depuis longtemps.
Nous reviendrons peut-être au Venezuela, à Valencia comme en octobre dernier.
Pour un Simurgh ou un Don Quichotte ? Comme j’aimerai faire une grande tournée en Amérique latine, comme cet ancien projet à base de Gigantomachie qui n’a jamais abouti.
J’aimerai me plonger dans cette nature époustouflante, si incroyablement riche aux couleurs éclatantes.
Ici même à Caracas, il y a de grands arbres couverts de fleurs vives, rouges, oranges ou jaunes. C’est magnifique ! Sans parler des bandes de perroquets qui vivent près du Paseo de los Proceres et qui survolent le site de temps en temps.
Des images, j’en ai plein la tête ! Des sourires, des regards, cette chaleur des gens, toute cette sensualité. Je repense souvent à cette nuit de fête.
Tendresse, tendresse incestueuse et du désir aussi certainement, pas toujours facile à raisonner. Ce que nous vivons est trop fort, trop fou pour pouvoir appliquer les règles habituelles et peut-être que ce sera toujours comme ça.
Savoir respecter ça chez l’autre aussi, cette part de liberté, ce besoin de vivre le présent sans culpabilité. Le présent s’offre à nous, un présent, un cadeau.
Le droit d’aimer largement….
C’est terrible ce besoin d’exclusivité que personne au fond n’est capable d’offrir !
Il est midi. Je me roule une dernière cigarette, cru local, et puis je vais descendre dans le hall. Aller manger un dernier morceau à notre cantine et dire au revoir aux serveurs, au revoir aussi peut-être au patron de la panaderia, celui qui m’offrait des bananes et s’intéressait tant à notre spectacle. Il a dans son magasin une affiche de théâtre, une pièce jouée dans un festival italien et il m’a montré son nom marqué dessus, il était comédien. Sacré personnage en tout cas !
Puis on prendra le bus pour la dernière fois, musique latino dans les oreilles, nez collé à la vitre pour saisir encore quelques ultimes images. Les ranchos et leurs avalanches d’ordures. Les camions, les voitures américaines déglinguées, les vendeurs ambulants.
J’en ai vu certains en plein milieu de la route, tentant de vendre à la sauvette des casseroles ou des serviettes de toilettes et puis il y a ceux qui vendent les billets de loterie aussi. Toute la bruyante faune de Caracas.
Trop court le séjour ! C’est toujours difficile d’arracher mes pieds à ce continent…
Bientôt l’avion, les rituels du voyage, billets, passeport, bagages, trouver un coin pour fumer une clope. Les plateaux repas, les films déjà vus et le décalage de cinq heures dans l’autre sens. Caracas-Amsterdam, Amsterdam-Toulouse, Toulouse-Graulhet et après ?
Est-ce que je rentre de suite ? Je ne sais pas. Vraiment pas.
Je sais que je vais avoir un passage à vide. Chez moi, il n’y a personne et je ne suis pas sûre de pouvoir apprécier un changement aussi brusque.
En tous les cas, ce séjour ici m’a fait du bien, Dulcinée a bien chanté. Plus tard, quand je serai vraiment vieille, je me souviendrai de cette chance que j’ai eue d’avoir pu chanter pour des Vénézuéliens mais aussi pour des Brésiliens, des Cambodgiens, des Philippins, des Singapouriens, des Thaïlandais, des Taiwanais, des Polonais, des Espagnols, des Italiens, des Portugais, des  Finlandais, des Allemands, des Anglais, des Hollandais et bientôt peut-être des Russes !
Je suis la fiancée irréelle de Don Quichotte à travers le monde, juste le souffle et la voix. C’est beau ! Une histoire d’amour, partage d’émotion.
Les seuls mots que je prononce sont une question, « que veux-tu ? » et l’admirable phrase de Marcos… Somos una armada de soñadores y por este razon somos invicibles.
Une armée de rêveurs, invincible.
Inaccessible étoile… Au-delà de l’alcool, de la fête, le moteur de tout ça, c’est le rêve.
Un rêve éperdu de justice.
Un peu plus tard, dans le bus qui n’en finit pas de ne pas partir pour l’aéroport. Nous attendons apparemment des gens du Berliner Ensemble, ça chauffe entre une nana du groupe et Bourru …
Nous partons ! Pas évident d’écrire, ça bouge. Je vois sur ma droite le minaret de la mosquée moderne qui se trouve sur les grands boulevards près de l’hôtel.
Le compte à rebours va commencer….Trois deux un zéro…réveil !
Nous ouvrirons les yeux et nous serons à Toulouse, nous aurons regagné la réalité. Quelle réalité ?
Il n’y a que celle de l’instant et à ce propos…non trop tard ! L’instant est passé.
Fabrice fait le con, Bourru est énervé, Marc mon frère d’âme semble absent. Ceux qui ont des attaches sont contents de rentrer, les autres rêvent déjà de la prochaine fois et moi je suis un curieux mélange des deux.
Un homme vend des petits drapeaux nationaux sur le trottoir.
Les gens marchent dans les rues, tranquilles.
Malgré les misères, les saletés, les violences, Caracas paraît décontractée,  les couples amoureux jeunes ou moins jeunes, s’enlacent, se donnent la main.
Je repars avec une image bien différente de celle que j’avais imaginée en venant. Evidemment. Nous ne sommes pas à Rio, ni Sao Paolo,  ni Manille. Somos à Caracas !


Les ranchos grignotent les collines, les dévorent, si bien qu’il n’y a plus trace de collines, seulement les petites bicoques multicolores, agglutinées les unes aux autres, les unes sur les autres, défiant l’équilibre au-dessus des ravins où plus rien ne pousse que des immondices. Par temps de grosses pluies, je n’ose imaginer…
Au moindre glissement de terrain, c’est la catastrophe.  Il y en a eu de bien terribles déjà.
Le ciel bleu promène de gros nuages blancs. La pollution oppresse moins ici que dans d’autres capitales, peut-être à cause de l’altitude ou de toute la verdure.
Je viens de voir quelques baraquements à flanc de colline, coincés sous un pont de l’autopista. Hallucinant ! Je n’ose pas imaginer le bruit là-dessous et encore moins la pollution… J’imagine que par contre, là au moins, ils sont protégés des pluies meurtrières quand elles emportent tout sur leur passage.
La musique me met du baume au cœur, c’est comme à notre arrivée, la boucle est bouclée. Des chances que j’écoute encore du latino à la maison, histoire de jouer les prolongations.
Nous roulons à travers les montagnes, descendant vers la mer. Arbustes écarlates au bord de la route, on ne voit qu’eux, le reste de la végétation est plutôt desséché.
Bientôt la saison des pluies, mais on y a eu droit en avance...
Immense pub coca cola, agression du nerf optique, du nerf éthique.
Le ciel s’assombrit, couvercle lourd et bas, sous lequel voitures et 4x4 ultra neufs côtoient américaines rouillées, à croire que les Américains se débarrassent de leurs voitures au Venezuela…
Gros cierges cactus agrippés au flanc gris des montagnes.
L’une d’elle est balafrée par une piste de terre qui longe le parcours d’un pipe-line, de l’eau certainement.
Un grand lion de pierre noire garde l’entrée d’un tunnel, ses pattes avant appuyées sur une immense coquille St Jacques avec un glaive en son cœur…

Je vois la mer ! La mer des Caraïbes, juste pour les yeux… Je vois les pistes de l’aéroport. Une pub pour du whisky, une pub pour nestlé que je hais, quelques maisons anciennes et vivement colorées. Il y en a si peu à Caracas de la couleur, hormis celles des ranchos, des fleurs et des oiseaux... il n’y a que du gris béton.
Comme j’aurai aimé voir l’intérieur des terres, les petits villages…
En arrivant à l’aéroport, un immense panneau « Dile NO a las droguas ». Dans l’aéroport, au passage des douanes, un autre annonce « qui que tu sois, si tu as de la drogue, on t’arrête ».
Dernier regard sur le Venezuela. La musique me remplit les oreilles, le cœur, ça me chatouille dans le ventre et je saisis ces paroles au passage « Esta tierra tan querida ».

22 mars presque 16 heures
A Caracas, il est presque 11 heures…et moi je suis en France,  juste après Vaour.
Petite pause sur le dernier trajet du retour. Il fait beau, c’est le printemps mais moi je suis fatiguée, déboussolée. Je rentre chez moi avec la désagréable sensation de ne pas avoir de chez moi. Il n’y a personne là-bas, ce n’est pas plus mal, mais en même temps j’appréhende un peu la solitude.
Je me sens plus étrangère ici que lorsque j’étais à Caracas. Façon de parler mais il y a du vrai quand même. Je pensais rester un peu à l’atelier, à Graulhet mais je ne m’y sentais pas vraiment bien non plus. Envie de prolonger encore le voyage.
Difficile de se réveiller et puis il y a cette petite épine que je cherche à occulter par des raisonnements, mais elle est bien là et je me pose tellement de questions...
Il fait bon là et j’aime bien ce coin, tout près du dolmen qui trône au carrefour.
La campagne est belle, c’est beau la France. Presque trop beau, irréel…
Pourquoi ? Parce que la réalité du monde est autre ?
Parce que le monde ressemble plus à Caracas qu’à Vaour ?
Ce sont les gens ici qui me refroidissent, les gens en France, mes con-patriotes. Là-bas chez les Latins, je me sens plus proche de mon père, je suis fière de porter son nom, même si les Espagnols là-bas, les Garcia, à la base sont des colons et Cortes pire qu’un cochon. Pardon pour les cochons !
Bref, je ne sais pas. Etrangement, le peu que je connais de l’Espagne ne m’a pas fait cet effet là, pas aussi fortement que le Brésil ou maintenant le Venezuela. Sans parler des Argentins, Colombiens, Chiliens que j’ai pu rencontrer là-bas ou ailleurs.
Pourtant ce continent est un dramatique foutoir, mais si foutrement vivant, chaleureux, un si formidable élan... Je ne reviens jamais indemne de là-bas.
Touchée au cœur, et même si tout ça n’est que littérature, romantisme, c’est extrêmement difficile de s’y arracher et le seul moyen pour redescendre sur terre, c’est la terre justement. Le jardin.

BASSE-COUR

La mare aux connards de la campagne présidentielle

16/04/2007

"Arbeit macht frei"...

Slogan principal du clip de campagne de Sarkozy :
LE  TRAVAIL C'EST  LA  LIBERTE.
 Son inculture politique dépasse l’entendement ou son cynisme est démesuré.
Car c'est la phrase qui était inscrite sur le portail d'Auschwitz.
"Arbeit macht frei".
Lieu du larcin : le mail Propos de campagne de Benoist Magnat

La France qui se lève tôt se réveillera-t-elle à temps ?

Rendez-vous mardi 17 avril entre 6h30 et 7h, à Neuilly, M° Les Sablons

Ou organisez ce rendez-vous dans votre ville ! et faites le savoir sur www.lafrancequiselevetot.com

Tic-tac-tic-tac-tic-tac… Il est Sarko moins 22 !
 Le collectif « La France qui se lève tôt », composé de jeunes travailleurs non ou multi partisans, a décidé de faire du bruit jusqu’au 6 mai.
 Depuis la premières action matinale mardi 10 avril : affluence croissante, rencontre d’indécis ou débat animé avec des militants UMP, accueil chaleureux et du bruit… Succès. Voir les photos et vidéos ici : http://www.lafrancequiselevetot.com

Clairon, cloche, trompette, batucada, mégaphone, sono, cornet… : tout est bon pour réveiller un pays qui se dirige, lentement mais sûrement, vers 5 ans de sarkozysme.
 Nous poursuivons l’action de plus belle avec un troisième rendez-vous, mardi 17 avril entre 6h30 et 7h au métro Les Sablons, dans les beaux quartiers, dans le fief électoral du candidat des riches : Neuilly !
 « Avis tous ceux (qu'ils se lèvent tôt ou tard) qui ne voteront pas Sarko,
à tous ceux qui sont choqués par l'escroquerie du discours Sarkozyste, discours qui se réclame de Jaurès et de la valeur travail mais affiche un programme à faire pâlir les rentiers.

A tous ceux qui, plus généralement, pensent qu'on ne naît pas pédophile ou président, qui désapprouvent le bilan de l'ex ministère de l'intérieur, ou qui refusent les rafles d'enfants...
 
"La France qui se lève tôt" vous invite ! »
 Sarkozy et Neuilly ne représentent que la France des héritiers. « La France qui se lève tôt » et nos nouveaux sympathisants refusons le projet de société du candidat et, avis à la population, nous sommes bien plus nombreux que les sondages ne le pronostiquent. 
 La preuve ? Le mouvement s’étend : les vrais lève tôt, ceux qui ne votent pas Sarkozy nous écrivent de tous les coins de France. Caen, Nantes, Strasbourg, Lyon, Marseille… demandent à entrer dans la danse. Le gène de la colère est contagieux ! Nous invitons donc tous ces collectifs spontanés à passer à l’action mardi matin à l’aube pour la première matinée nationale de la France qui se lève tôt.
 <<< Rendez-vous sans faute à mardi 17 avril entre 6h30 et 7h (du matin) au métro Les Sablons (l. 1) pour un parcours bruyant et festif à travers les quartiers, avant d’aller bosser et voter…
Dans votre ville, choisissez un endroit symbolique (Le Capitole à Toulouse, La Canebiere à Marseille, la place Kleber à Strasbourg ?) ou la place de l'hôtel de ville, et faites du bruit !
Rassemblement pacifique mais bruyant, et prévenez les journaux de votre région

voir ici pour les adresses http://www.animauzine.net/IMG/doc/Medias04.doc

Invitez vos amis et relayez ce mail !

A suivre
La France qui se lève tôt

lafrancequiselevetot@no-log.org

http://www.lafrancequiselevetot.com/



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13/04/2007

Les treize jours de l'aube, de Patrick Fishmann

Patrick Fischmann
vous invite cordialement 
à la signature de sortie de son roman
" Les treize jours de l'aube " 
Chez Cavalier Vert - La Cité du Livre Editeur
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Café "Arts Tour Martine" 
au pied de la tour à Sancerre
Vendredi 27 Avril 2007
à partir de 18 heures 30
Plus d'infos :
Rubrique actualité littéraire
Début du XXIè Siècle, un groupe de chercheurs se retrouve au pôle Nord en huis clos pour l'incroyable mission " Terre Verte ". En capturant la silhouette lumineuse qui emporte les âmes des défunts, c'est toute leur vision du monde et le monde lui même qui est emporté aussi. L'intrusion d'une jeune fille d'ailleurs dans le réel va provoquer la plus bouleversante des métamorphoses. Guidée par l'innocence et la pureté des dernières bêtes sauvages, cette renaissance s'accomplit en treize jours. Une galerie de portraits haute en couleur et une accélération prodigieuse de la conscience pour une humanité qui abandonne enfin sa peur de vivre.

 

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Lettre ouverte de SURVIE à Nicolas Sarkozy, François Bayrou et aux candidats attirés par les tentations françafricaines...

D’aucuns s’accordent à dire qu’avec la fin de la présidence de Jacques Chirac, c’est une page de l’histoire de la Vème République qui se tourne. Une page peu reluisante, ternie par les affaires, les dysfonctionnements institutionnels et une certaine exaspération populaire qui aujourd’hui pousse certains candidats à la succession à se présenter comme des candidats de la « rupture ».

Parmi les pages sombres de la Vème République sur lesquelles les candidats sont amenés à se pencher et, on l’espère, à se démarquer de leur prédécesseur, figure la gestion opaque des relations franco-africaines menée depuis les années 60 par les présidents successifs. Marquées par une vision néocoloniale, paternaliste et en totale contradiction avec un discours progressiste prononcé à l’envi, les relations franco-africaines ont en effet perpétué la dépendance économique, politique, militaire et monétaire des Etats africains vis-à-vis de la France, souvent avec le consentement de régimes vassaux imposés par Paris.

Percevant l’exaspération croissante des populations françaises et africaines face au cautionnement par la France du coup d’Etat électoral au Togo en 2005, l’interventionnisme militaire au Tchad, ou les félicitations envoyées par Jacques Chirac à chaque réélection frauduleuse d’un de ses « amis » dictateurs, les principaux candidats à l’élection ont jugé utile de faire figurer dans leurs programmes un nécessaire aggiornamento en la matière.

Le soutien de la France à des régimes dictatoriaux, la face la plus visible de la « Françafrique » a été naturellement l’objet des premières critiques émises par François Bayrou, Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy qui y sont allés chacun de sa petite phrase condamnant ce soutien inconditionnel à des despotes et la confusion entre amitiés personnelles et relations diplomatiques de la France (une des « spécialités chiraquiennes »).

Espoir de courte durée. Le décalage entre les principes énoncés et leur application vient d’être démontré par un fait-divers passé étrangement inaperçu dans le battage médiatique qui entoure pourtant les moindres faits et gestes des candidats.

A la fin du mois de mars dernier, à l’occasion d’une visite privée en France, le président gabonais Omar Bongo (doyen des chefs d’Etat en exercice après 40 années de pouvoir despotique), parrain régional de la « Françafrique », comme l’a démontré le procès Elf, recevait dans son hôtel particulier deux postulants sérieux à l’élection présidentielle française.

Le premier à venir rendre visite au doyen Bongo fut Nicolas Sarkozy, un habitué des lieux et surtout un familier du président gabonais qu’il n’hésite pas à présenter comme un « ami » (interview à Jeune Afrique, novembre 2006), sans oublier il est vrai de préciser qu’il s’agit là d’une amitié personnelle, à ne pas confondre donc avec une amitié « au nom de la France » (ce qui est d’autant plus facile quand on n’est ni Président de la République ni Ministre des Affaires étrangères). Même précision oratoire de la part du second visiteur, le candidat de l’UDF, venu « à titre personnel » comme il l’a affirmé aux caméras de la télévision gabonaise (la seule à retransmettre l’événement) [1] pour « prendre conseil » auprès du président Bongo. De quels conseils peut-il donc bien s’agir, est-on tenté de s’interroger ?

Que peut attendre un candidat à une élection d’un président assis sur des puits de pétrole et des valises de billets, dont il a fait profiter la plupart des partis français depuis 20 ans ? Sa sagesse, sans doute, comme l’a expliqué à la télévision gabonaise le troisième visiteur, Dominique de Villepin, qui il est vrai n’est lui candidat à rien, du moins pour l’instant, sagesse consistant, comme celle d’Houphouët-Boigny à confondre le trésor de son pays avec sa cassette personnelle.

Qui a donc pu convaincre François Bayrou, qui aime à se présenter comme le candidat de la vertu d’aller se jeter dans la gueule du lion Bongo, qui jouit d’une réputation médiatique particulièrement sinistre, si l’on en juge par les critiques de la presse française sur son « règne » de 40 ans, lors du dernier Sommet Afrique-France de Cannes. Serait-ce le nouveau conseiller du candidat centriste, l’obscur Jean-François Probst, un homme des réseaux qui dans son livre Chirac, mon ami de trente ans se vante de sa longue carrière « françafricaine » aux côtés de Jacques Foccart ou de Charles Pasqua ?

Quoi qu’il en soit, ces images d’élus de la République reçus en grande pompe dans le domicile particulier d’un despote qui ne doit sa fortune qu’au détournement de rentes diverses (et notamment pétrolières) posent une question fondamentale de morale politique qui rappelle certains sujets de bac de philo sur lesquels certains hommes politiques n’ont manifestement pas assez planché.

« Un ennemi de la liberté peut-il être l’ami d’un supposé défenseur de la démocratie ? »

La réponse de la société civile française, qui plaide pour une politique de la France en Afrique responsable et transparente, dans le cadre notamment de la campagne « 2007 Etat d’urgence planétaire, votons pour une France solidaire » est sans ambiguïté. Le « non » est catégorique.

Il est grand temps en effet que nos futurs dirigeants s’affranchissent des « tentations françafricaines » et qu’ils construisent une politique de la France au service de la démocratie qu’appellent également de leurs vœux les 200 organisations de la société civile africaine qui ont signé une lettre ouverte aux candidats français à la présidentielle lors du dernier Forum Social Mondial de Nairobi [2].

Tous les candidats doivent aujourd’hui tirer les leçons des dérives passées de la politique de la France en Afrique à commencer par la candidate du PS que l’on présente parfois comme l’héritière de François Mitterrand, un président de la République dont le PS n’a jamais tiré le « bilan africain ». Et si en la matière Ségolène Royal a su habilement concentrer ses critiques sur l’inventaire de Jacques Chirac pour proposer des alternatives souvent proches des revendications de la société civile en matière de relations franco-africaines, il est difficile d’oublier les promesses trahies de François Mitterrand en 1981.

Hasard du calendrier, le 27 mars dernier, quelques jours à peine après les visites au doyen Bongo, trois associations, Sherpa, Survie et la Fédération des Congolais de la Diaspora, déposaient une plainte pour « recel de détournement de biens publics et complicité », plainte visant notamment Omar Bongo, le Congolais Denis Sassou N’Guesso et leur familles, propriétaires en France de nombreux biens immobiliers de luxe, dont de fameux hôtels particuliers à Paris dans le 16ème arrondissement. La notion de « bien mal acquis » dont la restitution aux peuples spoliés est une revendication forte portée par les organisations de solidarité internationale françaises et africaines, est au cœur de cette démarche juridique.

Mauvaises langues que nous sommes, la visite des candidats à Omar Bongo n’était peut être dans le fond destinée qu’à estimer au plus juste la valeur d’un bien immobilier qui sera rendu dans quelques mois au peuple gabonais, une fois son dirigeant désavoué !

Les campagnes électorales entretiennent tellement de rêves....

Association Survie Le 9 avril 2007 

Source : http://www.survie-france.org/article.php3?id_article=914

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11/04/2007

Portrait de Nicolas Sarkozy, acte 1 par Michel Onfray


Le cerveau d'un homme de droite.

Portrait de Nicolas Sarkozy, acte 1 par Michel Onfray

 

 

La revue Philosophie  magazine m’a demandé si, sur le principe, j’acceptais de rencontrer l’un des candidats à la présidentielles pour le questionner sur son programme culturel, son rapport aux choses de l’esprit ou sa relation à  la philosophie. Dans  la foulée de mon consentement, la rédaction m’a rappelé en me demandant si j’avais une objection contre Nicolas Sarkozy. Pas plus avec lui qu’avec un autre, j’aurais même consenti à Jean-Marie Le Pen tant l’approche de l’un de ces animaux politiques m’intéressait comme on visite un zoo ou un musée des horreurs dans une faculté de médecine. Ce fut donc Nicolas Sarkozy.

 Il me paraît assez probable que son temps passé – donc perdu…- avec Doc Gynéco ou Johnny Hallyday le dispensait de connaître un peu mon travail, même de loin. Je comptais sur la fiche des renseignements généraux et les notes de collaborateurs. De fait, les porte plumes avaient fait au plus rapide : en l’occurrence la copie de mon blog consacrée à son auguste personne. Pour mémoire, son titre était : Les habits de grand- mère Sarkozy – j’y montrais combien le candidat officiel drapait ses poils de loup dans une capeline républicaine bien inédite …

 Je me trouvais donc dans l’antichambre du bureau de la fameuse grand mère Sarkozy, place Beauvau, en compagnie de deux compères de la rédaction de la revue et d’un photographe qui n’en revenaient pas de se retrouver dans cette géographie de tous les coups fourrés de  la République. Epicentre  de la stratégie et de la tactique politique policière, espace du cynisme en acte, officine du machiavélisme en or d’Etat, et portraits des figures disciplinaires de l’histoire de France représentées en médaillons d’austères sinistres.

 Arrivée du Ministre de l’intérieur avec un quart d’heure d’avance, il est 17h00 ce mardi 20 février. Début houleux. Agressivité de sa part. Il tourne dans la cage, regarde, jauge, juge, apprécie  la situation. Grand  fauve blessé, il a lu mes pages de blog et me toise – bien qu’assis dans un fauteuil près de la  cheminée. Il a les jambes croisées, l’une d’entre elles est animée d’un incessant mouvement de nervosité, le pied n’arrête pas de bouger. Il tient un cigare fin et long, étrange module assez féminin. Chemise ouverte, pas de cravate, bijoux en or, bracelet d’adolescent au poignet, cadeau de son fils probablement. Plus il en rajoute dans la nervosité, plus j’exhibe mon calme.

 Premier coup de patte, toutes griffes dehors, puis deuxième, troisième, il n’arrête plus, se lâche, agresse, tape, cogne, parle tout seul, débit impossible à contenir ou à canaliser. Une, deux, dix, vingt phrases autistes. Le directeur de cabinet et le porte-plume regardent et écoutent, impassibles. On les imagine capables d’assister à un interrogatoire musclé arborant le même masque, celui des gens de pouvoir qui observent comment on meurt en direct et ne bronchent pas. Le spectacle des combats de gladiateurs.

 Je sens l’air glacial que transportent avec eux ceux qui, d’un geste du pouce, tuent ou épargnent. Poursuite du monologue. Logorrhée interminable. Vacheries lancées comme le jet de fiel d’une bile malade ou comme un venin pulsé par le projet du meurtre. Hâbleur, provocateur, sûr de lui en excitant l’adversaire à se battre, il affirme en substance  : « Alors, on vient voir le grand démagogue alors qu’on n’est rien du tout et, en plus, on vient se jeter dans la gueule du loup… » !

 Je fais une phrase. Elle est pulvérisée, détruite, cassée, interdite, morcelée : encore du cynisme sans élégance, toujours des phrases dont on sent qu’il les souhaiterait plus dangereuses, plus mortelles sans parvenir à trouver le coup fatal. La haine ne trouve pas d’autre chemin que dans cette série d’aveux de blessure. J’avance une autre phrase. Même traitement, flots de verbes, flux de mots, jets d’acides. Une troisième. Idem. Je commence à trouver la crise un peu longue. De toute façon démesurée, disproportionnée.

 Si l’on veut être Président de la République, si l’on s’y prépare depuis le berceau, si l’on souhaite présider les destinées d’un pays deux fois millénaires et jouer dans la cour des grands fauves de la planète, si l’on se prépare à disposer du feu nucléaire, si l’on s’expose depuis des années en s’invitant tous les jours dans les informations de toutes les presses, écrites, parlées, photographiées, numérisées, si l’on mène sa vie publique comme une vie privée, et vice versa, si l’on aspire à devenir le chef des armées, si l’on doit un jour garantir l’Etat, la Nation, la République, la Constitution, si, si, si, alors comment peut on réagir comme un animal blessé à mort, comme une bête souffrante, alors qu’on a juste à rep

rocher à son interlocuteur un blog confidentiel peu amène , certes, mais inoffensif ?

 Car je n’ai contre moi, pour justifier ce traitement disproportionné , que d’avoir signalé dans une poignée de feuillets sur un blog , que le candidat aux présidentielles me semblait très récemment et fort fraîchement converti à De Gaulle, au gaullisme, à la Nation, à la République, que ses citations de Jaurès et Blum apparaissaient fort opportunément dans un trajet d’une trentaine d’années au cours desquelles ces grands noms étaient introuvables dans ses interventions , questions qui, au demeurant, rendaient possible un débat, et que c’était d’ailleurs pour ces raisons que nous étions là, Alexandre Lacroix, Nicolas Truong et moi….

 Cette colère ne fut stoppée que par l’incidence d’une sonnerie de téléphone portable qui le fit s’éloigner dans la pièce d’à côté. Tout en se déplaçant, il répondait avec une voix douce, tendre, très affectueuse, avec des mots doux destinés très probablement à l’un de ses enfants. Le fauve déchaîné tout seul devenait un félin de salon ronronnant de manière domestique. En l‘absence du ministre, je m’ouvre à mes deux comparses en présence des deux siens et leur dit que je ne suis pas venu pour ce genre de happening hystérique et que j’envisage de quitter la place séance tenante…

 J’étais venu en adversaire politique, certes, la chose me paraissait entendue, et d’ailleurs plutôt publique, mais ceci n’excluait pas un débat sur le fond que je souhaitais et que j’avais préparé en apportant quatre livres enveloppés dans du papier cadeau ! Quiconque a lu Marcel Mauss sait qu’un don contraint à un contre don et j’attendais quelque chose d’inédit dans ce potlatch de primitifs post-modernes …

 Vaguement liquéfié, et sibyllin, le tandem de l’équipe de Philosophie magazine voyant leur scoop s’évaporer dans les vapeurs du bureau propose, dès le retour du Ministre, que nous passions à autre chose et que j’offre mes cadeaux… Je refuse en disant que les conditions ne sont pas réunies pour ce genre de geste et que, dans tous les sens du terme, il ne s’agit plus de se faire de cadeaux.

 « Passons alors à des questions ? A un débat ? Essayons d’échanger ? » tentent Alexandre Lacroix et Nicolas Truong. Essais, ébauche. En tiers bien à la peine, ils reprennent leurs feuilles et lancent deux ou trois sujets. La vitesse de la violence du ministre est moindre, certes, mais le registre demeure : colère froide en lieu et place de la colère incandescente, mais colère tout de même.

 Sur de Gaulle et le gaullisme récent, sur la Nation et la République en vedettes américaines – disons le comme ça…- de son discours d’investiture , sur la confiscation des grands noms de gauche, sur l’Atlantisme ancien du candidat et son incompatibilité avec la doctrine gaullienne, le débat ne prend pas plus . Il m’interpelle : « quelle est ma légitimité pour poser de pareilles questions ? Quels sont mes brevets de gaullisme à moi qui parle de la sorte ? Quelle arrogance me permet de croire que Guy Môcquet appartient plus à la gauche qu’à la France ? ». Donc à lui…

 Pas d’échanges, mais une machine performante à récuser les questions pour éviter la franche confrontation. Cet homme prend toute opposition de doctrine pour une récusation de sa personne. Je pressens que, de fait, la clé du personnage pourrait bien être dans l’affirmation d’autant plus massive de sa subjectivité qu’elle est fragile, incertaine, à conquérir encore. La force affichée masque mal la faiblesse viscérale et vécue. Aux sommets de la République, autrement dit dans la cage des grands fauves politiques, on ne trouve semble-t-il qu’impuissants sur eux-mêmes et qui, pour cette même raison, aspirent à la puissance sur les autres. Je me sens soudain Sénèque assis dans le salon de Néron…

Habilement, les deux compères tâchent de reprendre le cours des choses, d’accéder un peu aux commandes de ce débat qui n’a pas eu lieu et qui, pour l’instant, leur échappe totalement. De fait, l’ensemble de cette première demi-heure se réduisait à la théâtralisation hystérique d’un être perdu corps et âme dans une danse de mort autour d’une victime émissaire qui assiste à la scène pendant que, de part et d’autre des deux camps, deux fois deux hommes assistent, impuissants, à cette scène primitive du chef de horde possédé par les esprits de  la guerre. Grand moment de transe chamanique dans le bureau d’un Ministre de l’intérieur aspirant aux fonctions suprêmes de la République ! Odeurs de sang et de remugles primitifs, traces de bile et de fiel, le sol ressemble à la ter

re battue jonchées d’immondices après une cérémonie vaudoue…

 Tout bascule quand nous entamons une discussion sur la responsabilité, donc la liberté, donc la culpabilité, donc les fondements de la logique disciplinaire : la sienne . Nicolas Sarkozy parle d’une visite faite à la prison des femmes de Rennes. Nous avons laissé la politique derrière nous. Dès lors, il ne sera plus le même homme. Devenant homme, justement, autrement dit débarrassé des oripeaux de son métier, il fait le geste d’un poing serré porté à son côté droit du ventre et parle du mal comme d’une chose visible, dans le corps, dans la chair, dans les viscères de l’être.

 Je crois comprendre qu’il pense que le mal existe comme une entité séparée, claire, métaphysique, objectivable, à la manière d’une tumeur, sans aucune relation avec le social, la société, la politique, les conditions historiques. Je le questionne pour vérifier mon intuition : de fait, il pense que nous naissons bons ou mauvais et que, quoi qu’il arrive, quoi qu’on fasse, tout est déjà réglé par la nature.

 A ce moment, je perçois là la métaphysique de droite, la pensée de droite, l’ontologie de droite : l’existence d’idées pures sans relations avec le monde. Le Mal, le Bien, les Bons, les Méchants, et l’on peut ainsi continuer : les Courageux, les Fainéants, les Travailleurs, les Assistés, un genre de théâtre sur lequel chacun joue son rôle, écrit bien en amont par un Destin qui organise tout. Un Destin ou Dieu si l’on veut. Ainsi le Gendarme, le Policier, le Juge, le Soldat, le Militaire et, en face, le Criminel, le Délinquant, le Contrevenant, l’Ennemi. Logique de guerre qui interdit toute paix possible un jour.

 Dès lors, ne cherchons pas plus loin, chacun doit faire ce pour quoi il a été destiné : le Ministre de l’Intérieur effectue son travail, le Violeur le sien, et il en va d’une répartition providentielle (au sens théologique du terme) de ces rôles. Où l’on voit comment la pensée de droite s’articule à merveille avec l’outillage métaphysique chrétien : la faute, la pureté, le péché, la grâce, la culpabilité, la moralité, les bons, les méchants, le bien, le mal, la punition, la réparation, la damnation, la rédemption, l’enfer, le paradis, la prison, la légion d’honneur, etc.

 J’avance l’idée inverse : on ne choisit pas, d’ailleurs on a peu le choix, car les déterminismes sont puissants, divers, multiples. On ne naît pas ce que l’on est, on le devient. Il rechigne et refuse. Et les déterminismes biologiques, psychiques, politiques, économiques, historiques, géographiques ? Rien n’y fait. Il affirme : «  J’inclinerais pour ma part à penser qu’on naît pédophile, et c’est d’ailleurs un problème que nous ne sachions soigner cette pathologie-là. Il y a 1200 ou 1300 jeunes qui se suicident en France chaque année, ce n’est pas parce que leurs parents s’en sont mal occupés ! Mais parce que génétiquement ils avaient une fragilité, une douleur préalable. Prenez les fumeurs : certains développent un cancer, d’autres non. Les premiers ont une faiblesse physiologique héréditaire. Les circonstances ne font pas tout, la part de l’inné est immense ». « Génétiquement » :  une position intellectuelle tellement répandue outre-Atlantique  !

 La génétique, l’inné, contre le social et l’acquis ! Les vieilles lignes de partage entre l’individu responsable de tout, la société de rien qui caractérise la droite, ou la société coupable de tout, l’individu de rien, qui constitue la scie musicale de la gauche … Laissons de côté la  théorie. Je passe à l’exemple pour mieux tâcher de montrer que le tout génétique est une impasse autant que le tout social. Face à cet aveu de lieu commun intellectuel, je retrouve naturellement les techniques socratiques du lycée pour interpeller, inquiéter et arrêter l’esprit, capter l’attention de mon interlocuteur qui, de fait, semble réellement désireux d’avancer sur ce sujet.

 J’argumente :   Lui dont chacun sait l’hétérosexualité – elle fut amplement montrée sur papier couché, sinon couchée sur papier montré…-, a-t-il eu le choix un jour entre son mode de sexualité et un autre ? Se souvient-il du moment où il a essayé l’homosexualité, la pédophilie, la zoophilie, la nécrophilie afin de décider ce qui lui convenait le mieux  et d’opter, finalement, et en connaissance de cause, pour l’hétérosexualité ? Non bien sûr. Car la forme prise par sa sexualité est affaire non pas de choix ou de génétique, mais de genèse existentielle. Si nous avions le choix, aucun pédophile ne choisirait de l’être…

 L’argument le stoppe. Il me semble qu’à partir de ce moment, le candidat aux présidentielles, le ministre de l’intérieur, l’animal politique haut de gamme laisse le pas à l’homme, fragile, inquiet, ostensiblement hâbleur devant les intellectuels, écartant d’un geste qui peut être méprisant le propos qui en appelle aux choses de l’esprit, à la philosophie, mais finalement trop fragile pour s’accorder le luxe d’une introspection ou se mettre à la tâche socratique sans craindre de trouver dans cette boîte noire l’effroyable cadavre de son enfance.

 Dans la conversation, il confie qu’il n’a jamais rien entendu d’aussi absurde que la phrase de Socrate «  Connais-toi toi-même ». Cet aveu me glace – pour lui. Et pour ce qu’il dit ainsi de lui en affirmant pareille chose. Cet homme tient donc pour vain, nul, impossible la connaissance de soi ? Autrement dit, cet aspirant à la conduite des destinées de la nation française croit qu’un savoir sur soi est une entreprise vaine ? Je tremble à l’idée que, de fait, les fragilités psychiques au plus haut sommet de l’Etat, puissent gouverner celui qui règne !

 Lors de sa parution, j’avais lu Le pouvoir et la vie de Valéry Giscard d’Estaing qui racontait ses crises d’angoisse, ses inhibitions le paralysant dans son véhicule militaire de parade le 14 juillet sur les Champs Elysées, ses prétextes pour quitter le conseil des ministres afin de subir une injection de calmant, son désir de se faire psychanalyser (par Lacan !) pendant son septennat, etc. Je me souvenais de confidences faites par tel ami bien informé sur l’état psychique fort peu reluisant de Jacques Chirac après la dissolution et sur le type de traitement psy qu’il suivait à cette époque. Je me rappelais la fin d’un François Mitterrand , entre voyantes et reliques de sainte Thérèse, invocations des forces de l’ esprit , croyance en l’ au-delà et abandon aux médecines de perlimpinpin.

 Et je voyais là, dans le regard devenu calme du fauve épuisé par sa violence, un vide d’homme perdu qui, hors politique, se défie des questions car il redoute les réponses, et qui, dès qu’il sort de son savoir faire politicien, craint les interrogations existentielles et philosophiques car il appréhende ce qu’elles pourraient lui découvrir de lui qui court tout le temps pour n’avoir pas à s’arrêter sur lui-même.

 Les soixante minutes techniquement consenties s’étaient allongées d’une trentaine d’autres. Les deux rôles en costumes qui le flanquaient jouaient le sablier. Je trouvais l’heure venue pour offrir mes cadeaux. Au ministre de l’intérieur adepte des solutions disciplinaires : Surveiller et punir de Michel Foucault ; au catholique qui confesse que, de temps en temps, la messe en famille l’apaise : L’Antéchrist de Nietzsche ; pour le meurtre du père, le chef de la horde primitive : Totem et tabou de Freud ; pour le libéral qui écrit que l’antilibéralisme c’est  « l’autre nom du communisme » ( il dit n’avoir pas dit ça, je sors mes notes et précise le livre, la page…) : Qu’est-ce que la propriété ? de Proudhon. Comme un enfant un soir de Noël, il déchire avidement. Il ajoute : «  j’aime bien les cadeaux ». Puis : «  Mais je vais donc être obligé de vous en faire alors ? »… Comme prévu.

Dans l’entrebâillement de la porte de son bureau, la tension est tombée. Qui prend l’initiative de dire que la rencontre se termine mieux qu’elle n’a commencé ? Je ne sais plus. Il commente : «  Normal, on est deux bêtes chacun dans notre genre, non ? Il faut que ça se renifle des bêtes comme ça… ». Je suis sidéré du registre : l’animalité, l’olfaction, l’odorat. Le degré zéro de l’humanité donc. Je le plains plus encore. Je conçois que Socrate le plongerait dans des abîmes dont il ne reviendrait pas… Du moins : dont l’homme politique ne reviendrait pas. Ou, disons le autrement : dont l’homme politique reviendrait, certes, mais en ayant laissé derrière lui sa défroque politique pour devenir enfin un homme.

Alors que ses cerbères le prennent presque par la manche, il manifeste le désir de continuer cette conversation, pour le plaisir du débat et de l’échange, afin d’aller plus loin. Tout de go, il me propose de l’accompagner, sans journalistes – il fait un mouvement de bras dans la direction des comparses de Philosophie magazine comme pour signifier leur congé dans un geste qui trahit ce qu’il pense probablement de toute la corporation… Je refuse. Une autre fois ? Les deux amis ont leurs deux paires d’yeux qui clignotent comme des loupiotes…Voyons donc pour plus tard… Dernier mot de Nicolas Sarkozy en forme de lapsus, il est en mouvement vers la sortie : «  Je suis quand même un drôle de type, non ? Je dois convaincre soixante-cinq millions de français, et je vous dis, là, que je voudrais continuer la conversation ! Hein ? Non ? Il n’y a pas autre chose à faire ? Quand même… ».

 

 

            

Source : http://michelonfray.blogs.nouvelobs.com/archive/2007/04/0...

 

 

               

               

               

               

               

               

               

               

               

               

 

 

 

 

 

 

10/04/2007

Juillet 2001 - En route vers Gand, Belgique

Dans le bus à nouveau. A nouveau ?
Oui, il y a vraiment du nouveau cette fois. L’eau a coulé sous les ponts et même par-dessus. Je reviens après quinze jours de vacances suivis d’un mois en arrêt maladie.
Un retour avec mise au point. Toujours mon idée obsessionnelle d’aller vers le « vrai », aussi subjectif que puisse être le vrai, le pur, l’essentiel.
Simplement progresser dans ces courants qui m’agitent à l’intérieur.
Beaucoup de changements en une seule année et un soulagement certain d’avoir su enfin dire stop. Cela ne s’est pas toujours fait de mon propre gré, bien des évènements ont contribué à me pousser jusqu’au seuil de la grande question.
Qu’est-ce que je veux vraiment, profondément ?
J’ouvre la porte aux incertitudes tout en étant parfaitement sûre de moi, ce qui est plutôt inhabituel.  Certaine qu’il me faut tenter autre chose, faire fi des peurs et de la prudence. Risquer mon confort parce que c’est dans cet élan que réside l’unique et seule liberté.
J’ai mesuré la force de mon attachement à Plasticiens Volants, la difficulté de dire non et tous les problèmes qui en découlent. Aujourd’hui, je reprends mon autonomie sans pour autant m’imaginer que ça va être facile.
Avant-hier soir à Annecy, le Simurgh (le dernier en ce qui me concerne et que j’allais assurer seule les doigts dans le nez) a été annulé dix minutes avant le début pour cause de grosse intempérie.
Don Quichotte à Draguignan annulé ce matin même pour cause de mistral. Nous venions à peine de descendre du bus. Au moins pas de montage pour rien.
Une tournée absurde mais est-ce étonnant ?
C’est la crise et il y a des leçons à tirer de ça.
Nous voici donc roulant de nouveau vers le nord. Gand en Belgique attend Ezili.
C’est le retour de Plumette le temps d’un spectacle. Je suis sereine, détachée du passé, de tout ce qui était devenu pesant, aliénant, répétitif au bout de quelques années, presque dix !
J’avais 21 ans, j’en ai aujourd’hui 31. Le moment de passer à une nouvelle étape.
Je garde un pied voire les deux dans la compagnie, mais j’ai coupé le cordon ombilical, le lien exclusif.
A vrai dire, je ne sais pas trop dans quoi je me lance, vers quoi je vais.
Je quitte un environnement qui m’est familier depuis mon adolescence, je quitte bien des habitudes pour aller vivre ailleurs, une autre vie. J’angoisse bien un peu mais je sais aussi que c’est mon choix et qu’il y avait bien longtemps que je n’avais pas fait un véritable choix de vie.
Revenons au présent. Je n’oublie pas que ce journal est un journal de voyage et les voyages ne sont pas terminés.
Le soleil perce les nuages, éblouissant mais mon regard ne porte plus que rarement au-delà des vitres du bus. Autoroutes, autoroutes. Les paysages défilent, exhibent leurs teintes, leurs reliefs, leurs blessures. Beauté, laideur, parfois les deux inextricablement liés, la fleur qui grimpe sur les claires-voies...
Je ne sais pas trop où nous sommes…
Quelque part au nord de Valence peut-être. Voici un péage.
Camions, le nombre incalculable de camions, nuit et jour.
Transport de marchandises, marchandises, marchandises….Les marchands disent… Chut ! On sait bien ce que j’en pense !
Je suis en train de lire un livre emprunté à Marc (je crois que je pourrais lui emprunter l’une après l’autre toutes ses lectures),  ce sont douze portraits de femmes écrivains.
Pas de doute, écrire ou ne pas écrire, de toutes façons je fais partie du lot.
Marquée, frappée, illuminée et quoiqu’il arrive, il y aura toujours ça, le remède et le poison de l’écriture.
A quel point vie et écriture se modèlent-elles l’une l’autre ?
Je ne le sais pas encore. Vivre l’écriture, écrire sa vie…
Je tente enfin de m’accepter telle que je suis, avec ce que j’ai tenté de dissimuler sans même m’en rendre compte pendant tant d’années.
Cette relation à la mère dont je suis prisonnière à force de la fuir.
Aujourd’hui encore, il me faut oser décevoir pour ne pas me décevoir moi-même.
Accepter de ne pas être la fille dont elle avait rêvé et à laquelle elle rêve peut-être encore. Je ne veux plus dissimuler ce que je trimballe dans les replis de ma cervelle, de mon cœur, dans la moindre de mes cellules, libre ou asphyxiée.
Je commence à prendre conscience du trésor immense qui est là, ma richesse, mes différences. J’apprends à faire confiance à mes intuitions. Sereinement.
Je ne suis plus en guerre. Cette fameuse guerre qu’on se livre à soi-même.
J’ai cherché des modèles, des maîtres à penser et c’est moi, ce fameux Surmoi, que j’ai rencontré. L’étincelle sacrée. Elle a parfois provoqué plus de gêne, de culpabilité que de bonheur mais voilà je suis prête ! Prête à me planter à nouveau.
Double sens au mot planter…
Par amour encore, toutefois je laisse des points de suspension….
Envie de fumer. On ne fume plus dans le nouveau bus, c’est plutôt une bonne chose sauf par moment où la transgression serait bien agréable.
Nous allons bientôt nous arrêter sans doute, il ne doit pas être loin de 19 heures.
Nous arriverons à Gand demain, vers midi. Une tournée de bus plus que de spectacles… Il y a un rayon de soleil au coin de la page.
Un arrêt tabagie-pipi et c’est reparti. Ambiance morose. Thierry en particulier et ça m’ennuie. Depuis mon retour, quelque chose a changé. Ce n’est peut-être que le fruit de mon imagination… Aussi peut-être un fond de culpabilité : je suis la lâcheuse.
Je lâche les oiseaux qui n’ont même pas encore pris leur envol !
Je n’ai pas envie de quitter le groupe mais j’ai besoin d’amour, d’une vie affective dissociée de ma vie professionnelle. J’ai besoin d’équilibrer, de développer de nouvelles antennes, continuer l’aventure d’une autre façon, plus cadrée.
Privilégier qualité à quantité, que ce soit en temps, en énergie ou en ce qui concerne le spectacle lui-même. Il y a Don Quichotte que j’aime beaucoup mais qu’on joue si peu et j’avoue que rejouer Ezili m’a émue. Six ans déjà que ce spectacle tourne…
Mais les Oiseaux non ! Immense gâchis…
Le chant est trop important pour moi pour y prendre aussi peu de plaisir.
 
Août 2001
Nous voici en Allemagne. Il est presque 2 heures du matin.
Où sommes-nous exactement, je ne saurais le dire. Je n’arrive pas à retenir le nom de cette ville. Ce n’est pas très loin de Brème, joli nom Brème, mais j’en ai déjà parlé il y a longtemps dans ce journal… Dire qu’une bonne partie va être publiée par Clapàs….
C’est fou quand même ! Dérangeant même pour la suite. Du coup, j’ai mis un petit moment avant de m’y remettre. (la publication était prévu pour l’automne 2002, Marcel Chinonis est décédé brutalement en août 2002, les calepins se sont donc retrouvés orphelins.)
Journée de montage et répétition de Don Quichotte. Je suis maintenant dans ma chambre d’hôtel. J’ai passé un bon moment au téléphone avec S. à en avoir les oreilles qui brûlent (les deux parce que je change d’oreille).
Don Quichotte enfin ! Cela fait presque un an que nous ne l’avons pas joué.
Marc remplace Patrice qui a une côte fracturée. C’est chouette qu’il le fasse au moins une fois, c’est tellement son histoire ce spectacle.
Je suis troublée à nouveau, c’est tout récent, plutôt étrange. Quelque chose est en train de naître, ou plutôt de remonter peu à peu à la conscience. C’était peut-être là depuis longtemps déjà… Séduction intellectuelle, poétique et du poème à la chair….
Je parlais de choix, de volonté et voilà que j’ai envie d’écrire que j’aime trop ce frisson qui mêle et emmêle… Qui dit trouble, dit manque de clarté, pénombre, nombrils de chair qui se parlent en leur langage moite. Mettre des mots sur l’amour, de l’amour dans les mots.
Parler du désir, de la fuite éperdue pour échapper à l’autre, du cercle qui nous y ramène toujours tant le potier est habile.
Le potier, le modeleur…. Une image de dieu ?
Je me protège, car c’est dangereux. Je me protège de l’autre et de moi-même.
Le cercle me ramène à lui mais comme sur le tour, le cercle est en fait une spirale et l’infini c’est moi, l’infini c’est l’autre.  Nous ne faisons que monter… et il est toujours possible de recommencer, à l’infini nous sommes malléables. Matière première.

C’est la route du retour après un très beau spectacle qui a fait plaisir à tout le monde et tout particulièrement à moi. De belles déclarations - amitié, amour, quelle importance - ont confirmé ce que je pressentais l’autre nuit. Emotions fortes, sentiments profonds ?
Petit arrêt sur une péniche à Maastricht pour rendre le voyage disons, plus agréable.
J’ai bien dormi cette nuit et encore ce matin. Mes rêves se sont vite effacés, c’est dommage, j’aimerais pouvoir m’en souvenir. Savoir un peu ce qui se trame en ce moment dans mon inconscient…
Nous roulons dans le Lot, au-dessus de Cahors. Etrange de songer que d’ici un mois, je serai installée par-là. Agréable pensée même si le fait de réintégrer le groupe physiquement et affectivement, donne à tout le reste une coloration un peu floue.
Bizarrement, je n’ai aucune inquiétude. Les changements qui viennent me paraissent logiques et ce presque indépendamment de S. même si je sais que c’est notre relation qui me permet de me sentir aussi sereine. Les circonstances s’adaptent à moi et non le contraire, c’est nouveau et j’aimerai conserver ce sentiment de fraîcheur, cette paix, cette confiance.
J’omets probablement de songer à quelques problèmes qui ne vont pas manquer de se poser mais il me semble que rien ne peut être pire que subir sans choisir, sans rien tenter.

05/04/2007

TOI

je t’ai vu
tu m’as plu
 
dès la première fois
donné ce désir étrange
d’un chemin avec toi
 
voir où il mène…
avec le cœur qui bat
comme jamais
 
l’envoûtant tempo
de ce NOUS
que je pressens

ÉPHÉMÉRIDES

captation de source
pour nourrir la chimère
préserver le désir
assurer ses jouissances
n’appartenir à personne
configuration qui convient
sûrement pour un temps
ou parce que tout simplement
magnifier mythifier
pour nourrir la chimère
entretenir la flamme
la nécessité de jouissance
peau cédée
sans posséder
et les amants songent…

03/04/2007

HUMEUR DE JACQUES LIVCHINE et ce que j'en dis


Tout me fatigue

La rue !

Parce que lors des présentations de la FAIAR, les professionnels invités jugent avec le premier critère évident :

La rue c’est dans la rue ! or Magali joue dans un immeuble, Constance dans un bar à putes Julie dans un parking rééinventé Estelle dans un square

Alors le Thomas Hahn de Cassandre, comme Pierre Guillois de Bussang

disent : c’est où la rue ? C’est ça votre théâtre de rue de l’avenir ?

Notre rue primitive est elle perversifiée ?

Notre manifeste doit donner une réponse, donner une réponse sur ce sujet. On a fait divers essais, Luc Perrot est gentil de trouver ça pas mal. Extraits

"Pour nous voir il n’y a pas besoin de vigiles ni de pousser la porte. Nous sommes pour tous les yeux et toutes les oreilles. Nous parlons à la fois aux analphabètes et aux bardés de diplômes. La seule célébrité sur laquelle nous nous appuyons se trouve sous nos pieds. La rue. C’est notre scène, notre arène, notre ring. Nous sommes à la rue parce que nous le voulons"

Premiers balbutiements. ça passe ou ça passe pas ? Pour moi, ça passe pas .

De toute façon on n’a pas su dire pour qui il était ce manifeste ?

A placarder dans les festivals ? A publier dans la presse ?

Pour nous définir nous mêmes ?

On s’est réunis à 4.

On a cherché nos obsessions, nos maladies, nos ressemblances ; jouer pour tout le monde, jouer gratuit, jouer hors des temples dévolus aux arts.

Quand Copeau quitte Paris, il nomme son ennemi, le théâtre commercial, lui il veut le théâtre d’Art. C’est l’appel du vieux colombier, c’est musclé, c’est vigoureux.

Mais moi si je me mets à dire ce que je pense vraiment, c’est l’apocalypse. Alors si j’avais le droit je dirais :

Le théâtre en France va mal. Et pourtant la France, nous dit -on est exemplaire, et enviée du monde entier pour sa vie culturelle.

L’ennui : l’ennui habite nos salles de théâtre. Un public d’abonnés cultivés, endormi ou hypnotisé, applaudit des oeuvres ternes, inodores, aseptisées.

Le théâtre est devenu totalement mortifère, déserté par les jeunes en dehors des élèves emmenés de force par leurs professeurs, le théâtre est devenu mou, domestique, aligné.

Une véritable cour de marquis, de barons, de comtes et de comtesses gravite autour du Ministère de la culture pour s’emparer des postes régulièrement mis à disposition. On se pousse des coudes pour faire partie des "short listes" de pré -selectionnés. C’est toujours le plus médiocre qui l’emporte.

Ceux qui osent dénoncer ce système sont jetés aux oubliettes, marginalisés, blacklistés, évincés.

L’avenir n’appartient -il qu’aux mausolées ?

Naît alors depuis une vingtaine d’années en dehors de ce système bureaucratique, un théâtre de résistance, un vrai théâtre engagé, poétique, social, qui se joue hors de tous ces lieux officiels et subventionnés. , Ce théâtre se joue "hors théâtre" un peu partout, dans des espaces publics, pour des publics neufs, émerveillés. C ’est du vrai théâtre de la vie, le vrai théâtre, impertinent, jeune vivant, bousculeur, et surtout vivant.

Il n’est pas compassé, empesé, amidonné, il est foisonnant, généreux débraillé, batailleur, brailleur.

D’un côté la vie, de l’autre la mort.

Il est temps que le ministère de la culture, à l’aune d’un changement de régime, arrête d’embaumer la culture morte, et s’occupe de la culture vivante.

Ce théâtre vivant, est reconnu par le Monde entier. Ce n’est pas la Comédie Française, que les pays étrangers s’arrachent, mais le théâtre de rue français.

Ces nouvelles formes de théâtre investissent toutes sortes de lieux, rues, friches , forêts, campagnes, cours d’immeubles, villes, villages, parfois même les théâtres.

C’est de l’Art en marche, plasticiens, musiciens, danseurs, se joignent à cette cohorte d’artistes inventifs.

Evidemment ces nouvelles oeuvres ne se calquent pas sur les critères de qualité habituelles. Adieu l’excellence culturelle, adieu la consommation classique de culture, adieu l’entre soi, adieu la consanguinité.

C’est une vraie révolution.

L’art vivant pousse partout en dehors des lieux qui lui sont dévolus. C’est un vrai mouvement qui avance inexorablement, poussé par le vent de l’histoire.

1000 compagnies, 350 festivals.

Des expériences inédites totalement ignorées par les médias. Des squatts, des lieux de fabrique, des rassemblements, un courant se dessine.

La précarité y est de mise. L’accès à l’intermittence devient de plus en plus sévère. Sans arrêt, de nouvelles règles de sécurité tentent d’enrayer le mouvement.

L’Etat ne pense qu’à renforcer ses établissements nationaux, en plein déclin et fermés à 85% de la population.

Le débat présidentiel n’aborde jamais les enjeux culturels, alors que 60 % des français pensent que la culture est un bon moyen de lutte contre les inégalités scolaires et pour le désenclavement de la société rurale.

Nous sommes des plantes sauvages, nous poussons là où il ne faut pas, ils veulent nous mettre en pot.

I faut revendiquer le droit à l’émeute, l’émeute artistique.

Le problème ce n’est pas l’ISF, ou l’impôt sur le revenu, le problème, c’est que notre art est aussi indispensable à l’homme que la chlorophylle à la nature, le problème c’est que nous avons beaucoup plus besoin de désordre, que d’ordre.

Voilà pourquoi nos candidats ne devraient pas avoir les yeux rivés sur le sondages, mais sur les urgentes et cruciales questions culturelles.

Il faut déconstruire le système culturel actuel, le reconstruire autrement,inverser les valeurs et les priorités.



 Source : http://www.horschamp.org/article.php3?id_article=2009



 



En tant qu'ex-intermittente du spectacle, théâtreuse de rue pendant plus de dix ans, je dis ATTENTION, ce qui s'est passé et se passe dans les théâtres et autres lieux culturels officieux, a également gangréné le théâtre de rue... Le problème étant pricipalement la nature humaine, le problème c'est vous, c'est moi. La course à la reconnaissance, au gain, au mieux vivre, au bonheur, à l'amour... Le terrain de l'égo est très fertile chez les artistes de tous poils et aussi de plumes, il y pousse certes de très belles créations mais le fumier nécéssaire pue parfois atrocement. Je rêve du jour où la désignation "artiste" n'existera plus, on dira des hommes, des femmes, des enfants... L'humain est créateur par essence, l'art est partout, pousse dans les failles de la pensée convenue, dans les interstices entre les panneaux publicitaires, les artistes conventionnés ou pas ne sont que la face visible d'un iceberg bien plus vaste... mais vous savez ce que c'est, avec le réchauffement de la planète et le ramollissement des cervelles... la glace fond...



Cathy Garcia



 



 



 



 


Ah ces jeunes !!!

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Sanctionnons les resquilleurs !

01/04/2007

SENS DE LA VIE

il n'y a pas de réponse
nous sommes tous peut être des réponses à une question oubliée
la question primordiale originelle
et qui finalement n'était peut être qu'un "quoi ?" lancé par le créateur à la suite d'un de ses propres pets sonores
soudain il a pensé qu'il n'était peut être pas seul...
et vois où ça nous a conduit
 
le souffle le verbe tout ça la poésie quoi
naître à chaque instant de l'imagination de l'autre
 
dire c'est communiquer
parler c'est articuler... mettre des ficelles à nos pensées et les faire jouer le théâtre d'ombres du monde
 
Poète, ô divin péteur !