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14/04/2015

Aux États-Unis, une pédagogie "slow-tech" pour former les leaders de demain

 

Alice Gillet  |  Publié le 11.12.2013 à 18H10

           
              
 
Entrée de l'école Walorf de Los Altos © Pierre Laurent & WSP
Entrée de l'école Walorf de Los Altos © Pierre Laurent & WSP

Sur la côte Ouest des États-Unis, la pédagogie Steiner-Waldorf, qui repose sur une pédagogie humaniste, séduit les cadres de la Silicon Valley. Pourquoi ces leaders de l’innovation technologique préfèrent-ils scolariser leurs enfants dans une école sans écrans ? Enquête.

Bien que située au cœur de la Silicon Valley, la Waldorf School of the Peninsula n’a rien d’une école "high-tech". Tables en bois, tableaux noirs, pelotes de laine ornent les salles de cours. Des lycéens plantent des arbres dans le jardin, la grande section de maternelle apprend à compter en faisant du trampoline, des collégiens polissent des spatules en bois fabriquées à la main. En revanche, pas un ordinateur en vue. Et pour cause : les écrans sont bannis de l’école jusqu’à la 4e. Il est également recommandé aux parents de limiter l’accès aux ordinateurs et à la télévision à la maison. Un comble, pour une école de la Silicon Valley. Parmi les parents d’élèves, beaucoup occupent d’ailleurs des postes importants dans les entreprises technologiques qui font le succès la région : eBay, Google, Apple, HP, pour n’en citer que quelques-unes.

La Waldorf School of the Peninsula n’est pas un cas isolé. Mise au point au début du XXe siècle par l’anthropologue autrichien Rudolf Steiner, la pédagogie Waldorf a inspiré un mouvement global d’écoles indépendantes. Depuis l’ouverture du premier établissement Waldorf en 1919 à Stuttgart, on compte désormais plus de 1.000 écoles dans le monde.

Le développement de l'enfant d'abord, la technique après

Elèves de maternelle © Pierre Laurent & WSPLa méthode de Steiner repose sur une philosophie humaniste et une approche holistique de l’éducation, prenant en compte l'enfant dans sa globalité. L’objectif affiché : former des individus libres et responsables, bien dans leur corps comme dans leur tête.

Le cursus original des écoles Waldorf fait appel à l’ensemble des sens pour intéresser et éduquer. On y apprend la menuiserie et le tricot au même titre que les mathématiques et l’histoire. À tout âge, on pratique l’eurythmie, expression artistique héritée de la Grèce antique, où les paroles de chansons sont mimées par des mouvements.

Dès le plus jeune âge, les élèves sont mis au contact de la nature dans ses différents états. On joue avec de la boue, sculpte la terre glaise et fabrique du pain. Les jouets sont en bois, les paniers en osier et les cahiers en papier ; des matériaux naturels uniquement.Cours de tricot © WSP

Une place particulière est accordée au récit. Les contes de fées stimulent l’imagination des petits, tandis que l’étude de biographies permet aux plus âgés d’explorer la multiplicité des parcours et des individualités qui ont fait l’Histoire.

Bref, la Waldorf School of the Peninsula est tout sauf austère. Le refus d’intégrer l’ordinateur dans les petites classes n’est pas un rejet du progrès technique, mais plutôt une volonté de ne pas précipiter les choses et de laisser les enfants "être des enfants".

Nous accordons de l’importance à la technologie, mais elle doit être introduite au bon moment (M.Laurent, enseignante)

"Nous n’introduisons les outils du Web que lorsqu’ils deviennent utiles, c’est-à-dire vers la 4e, précise Pierre Laurent, vice-président et trésorier de la Waldorf School of the Peninsula. Avant cet âge, nous faisons tout pour que les enfants bougent, fassent de grands mouvements, utilisent leurs mains."

La règle d’or de Waldorf : un temps pour tout. C’est le développement de l’enfant qui rythme le cursus scolaire, et non l’inverse. "Nous accordons de l’importance à la technologie, mais elle doit être introduite au bon moment", souligne Monica Laurent, enseignante au collège de la Waldorf School of the Peninsula.

La pédagogie et les méthodes mises en œuvre sont censées accompagner le jeune dans les différentes phases qu’il traverse, du jardin d’enfants au lycée.
Jusqu’à sa 7e année, il apprend par mimétisme, et entretient un rapport au monde concret et immédiat. L’activité physique et les expériences sensorielles de l’environnement sont privilégiées afin d’éveiller son imagination et son goût d’apprendre.
Atelier de menuiserie à l'école Walorf de Los Altos © Pierre Laurent & WSPEntre 7 et 14 ans, l’expression artistique et les travaux manuels permettent à l’enfant d’explorer ses sentiments, d’exprimer sa créativité. Les élèves gardent la même classe et le même enseignant tout au long de ce cycle secondaire. Cela crée un environnement rassurant et solide à l’approche de la puberté.
Après 14 ans, l’adolescent, capable d’abstraction, développe son jugement et son esprit critique grâce à une étude plus académique.

"Dans ma classe, j’introduis l’ordinateur vers 12 ans, par exemple pour faire des recherches si elles peuvent compléter les ressources disponibles en bibliothèque, explique Monica Laurent. Mais toujours avec la supervision des parents. Au lycée, les étudiants les utilisent pour rendre des devoirs écrits, ou étudier des œuvres cinématographiques."

Développer l'esprit d'innovation des jeunes

Collaboration, communauté et créativité constituent le socle de la mentalité Waldorf. Des valeurs qui ne sont pas sans rappeler la philosophie open source ou les mouvements makers qui investissent, par exemple, les fab labs, utilisant les outils numériques pour fabriquer leurs propres produits. Les travaux manuels occupent une place importante dans la scolarité Waldorf.
Un des objectifs, insiste Pierre Laurent, est de "donner aux enfants une culture de la résilience" : être capable de fabriquer ses propres objets soi-même, de s'adapter à des situations imprévues avec astuce. C'est précisément ce qu'offre l'impression 3D, qui permet à chacun d'imprimer à la maison une pièce de rechange pour son horloge ou une tringle à rideaux dans une couleur indisponible en magasin. Mais Pierre Laurent est peu convaincu : "Nous avons effectivement réfléchi à introduire l'impression 3D. Mais, globalement, cela reste trop abstrait, et ne permet pas le même développement physique que la fabrication manuelle."

Seulement, dans cette pédagogie qui valorise l’apprentissage empirique et l’expérience sensorielle, l’ordinateur est tout simplement vu comme un intermédiaire souvent superflu. "On ne peut pas comprendre le monde à partir d’un ordinateur ; ce n’est qu’un outil qui ne pourra jamais remplacer l’enseignant. Nous faisons également en sorte que les enfants apprennent à partir de sources primaires. Pour enseigner la science, nous ne montrons pas aux élèves la vidéo d’une expérience. Ils réalisent l’expérience eux-mêmes", continue Pierre Laurent.

On ne peut pas comprendre le monde à partir d’un ordinateur ; ce n’est qu’un outil (P.Laurent, vice-président de l'école)

L’approche Waldorf, haute en couleur, ne manque pas d’attrait. Mais prépare-t-elle les jeunes au monde de demain ? Pour Pierre Laurent, cela ne fait aucun doute : "Les chefs d’entreprise savent bien que la réussite ne repose pas sur la maîtrise de compétences techniques, soutient-il. Les gens qui réussissent sont ceux capables d’avoir une pensée créative et critique, ceux qui savent collaborer et communiquer."

La maîtrise des outils technologiques, quant à elle, s’acquiert facilement d’après Monica Laurent, qui ne craint pas le décalage entre les élèves Waldorf et les autres. "Les outils et les interfaces sont conçus pour être intuitifs, considère-t-elle. Les élèves n’ont aucune difficulté à apprendre à se servir d’un iPad à 14 ans. Par ailleurs, qui sait à quoi ressembleront les outils de demain ? Ils n’auront peut-être rien à voir avec les ordinateurs tels qu’on les connaît aujourd’hui", analyse-t-elle.

Cours de CP © Pierre Laurent & WSP

De manière apparemment paradoxale, cette pédagogie n’est pas désavouée par des technophiles comme ceux de la French American International School de San Francisco. Dans cette école fortement portée sur l’innovation, tous les élèves sont équipés d’un iPad, qui a remplacé les livres encombrants et les classeurs à feuilles volantes. Les petits doivent laisser leurs gadgets à l’école, les plus grands sont libres de les emporter à la maison. "Nous avons initialement testé l’introduction des iPad dans les classes de 5e. Les résultats se sont avérés positifs et toute l’école les utilise désormais", rapporte Mireille Rabaté, proviseur adjoint des Affaires françaises et principale du collège de la French American International School.

Si elle joue un rôle actif dans l’implémentation des nouvelles technologies au sein de son établissement, Mireille Rabaté jette néanmoins un regard favorable sur une éducation sans écrans, sur le modèle Waldorf. "On peut former des gens de mille façons, même en faisant du tricot ! lance-t-elle. L’important aujourd’hui est d’arriver à développer les talents individuels et la créativité de chacun. Ce serait d’ailleurs une mauvaise idée de vouloir uniformiser l’éducation. La multiplicité des méthodologies est une grande richesse.

Pour les cadres surconnectés de la Silicon Valley, le choix de Waldorf reflète donc avant tout la volonté de redonner à la technologie une place plus modeste : "Lorsque nos étudiants commencent à utiliser les ordinateurs, ils ont déjà tellement de centres d’intérêt que l’ordinateur ne devient qu’une activité parmi d’autres, constate avec satisfaction Monica Laurent. En somme, nous préparons surtout les enfants à une vie heureuse!"

Les écoles Steiner-Waldorf en chiffres
• Dans le monde : 250.000 élèves inscrits dans 1.000 écoles et plus de 2.000 jardins d'enfants.
• En France : 2.500 élèves dans 22 écoles et jardins d'enfants.
• Frais de scolarité : ils diffèrent d'une école à l'autre. Concernant la Waldorf School of the Peninsula évoquée dans cet article, ils se montent à environ 14.000€ par an de la maternelle au collège, et environ 19.000€ par an pour le lycée.
 

Alice Gillet  |  Publié le 11.12.2013 à 18H10

http://www.letudiant.fr/educpros/enquetes/aux-etats-unis-...

 

 

Les multinationales les grandes gagnantes du libre-échange

 

mardi 14 avril 2015, par Maxime Combes

Les multinationales contrôlent des pans entiers de l’activité économique. Elles disposent de capacités de production et d’intervention financière qui en font des acteurs économiques plus puissants que certains États. Elles emploient des millions de salarié.es et contrôlent des centaines de milliers de filiales et de sous-traitants. Elles ont mis la main sur de nombreux secteurs vitaux pour la survie de l’humanité, comme la production et la distribution des aliments, de l’eau, de l’énergie ou des semences. Elles déterminent, par leurs choix d’investissement et de production, une très grande partie des choix économiques des pays et des territoires sur lesquels elles sont implantées. Leurs activités ont des répercussions sur l’environnement, mais aussi sur la culture et la vitalité démocratique des différentes régions de la planète. Elles influent sur les politiques publiques via leur travail de lobbying. Elles maîtrisent de nombreux médias de communication, directement ou indirectement.

Et pourtant les multinationales sont relativement épargnées dans le débat public. Elles sont partout, mais les différentes informations qui les concernent sont souvent dispersées, traitées exclusivement à l’aune de leur rentabilité économique et financière, noyées sous le jargon boursier ou managérial. Pire, les décennies de politiques néolibérales et de propagande pro-business ont abouti à l’idée selon laquelle les multinationales devraient être perçues comme les fleurons de la prospérité pour les États d’origine, ainsi que pour les États et les populations où ces entreprises opèrent. Ainsi, Total, Vinci, EDF, GDF-Suez, Carrefour, Axa, Orange, Saint-Gobain, Veolia, Bouygues, Airbus et toutes les autres multinationales françaises devraient être vénérées et remerciées pour leur contribution majeure à l’économie, l’emploi, la puissance et la grandeur de notre pays. Les patrons de ces multinationales sont ainsi élevés au rang de héros de la nation, de capitaines d’industrie qu’il faudrait choyer et protéger, comme l’ont montré les déclarations et cérémonies élogieuses qui ont suivi la disparition de Christophe de Margerie, le PDG de Total.

Un scandale systémique

Les scandales touchant ces multinationales sont pourtant de plus en plus nombreux. Mise à l’index lors de la catastrophe de l’Erika et dans les dévastations écologiques et humanitaires qui entourent l’exploitation pétrolière au Nigéria, la multinationale Total fait chaque année l’actualité pour ses pratiques d’optimisation fiscale qui lui permettent de ne pas payer d’impôts en France. Le groupe pharmaceutique français Sanofi, l’un des tout premiers en termes de capitalisation boursière, a licencié des milliers d’employé.e.s ces dernières années alors que ses dividendes ont explosé sur la même période. Carrefour, Auchan et Camaïeu [1] sont impliqués dans l’affaire du Rana Plaza, cet immeuble abritant des ateliers de confection au Bangladesh qui s’est effondré en avril 2013, faisant 1 138 morts et plus de 2 000 blessés. Des sous-traitants de Carrefour sont accusés de recourir au travail esclave en Thaïlande [2], la multinationale française reconnaissant ne pas procéder à des vérifications sociales jusqu’au bout de ses chaînes d’approvisionnement. Alstom est accusé de corruption au Brésil [3] et est engagé dans la construction [4], avec EDF et GDF, de grands barrages en Amazonie qui dévastent des régions entières et déplacent les populations. En Inde, c’est Veolia qui est accusée de profiter de contrats de gestion de l’eau très défavorables pour les populations [5], tandis que les projets d’Areva [6] sont violemment contestés par les populations locales.

Si la matière ne manque pas, ces informations éparses ne sont que rarement regroupées et mises en cohérence afin de mettre en lumière les causes structurelles qui génèrent les scandales financiers, économiques, sociaux, écologiques, démocratiques dans lesquels bon nombre de multinationales sont impliquées. Le plus souvent en restant impunies. Plusieurs initiatives récentes, y compris en France avec le lancement de l’Observatoire des multinationales (voir page 6), contribuent à mettre en évidence les logiques implacables qui sont à l’origine de ce que les animateurs de la campagne internationale pour démanteler le pouvoir des multinationales appellent une « architecture de l’impunité » (voir page 4). Ces scandales ne sont, en effet, que la partie visible d’un régime de commerce et d’investissement qui a donné les moyens aux multinationales de se soustraire à bon nombre de contraintes légales, pour agir comme bon leur semble.

Les États au service des multinationales

L’entrée en vigueur de l’Accord de libre-échange nord-américain (Alena), la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et de son organisme de règlements des différends (ORD), puis la prolifération des accords bilatéraux de libre-échange, ont contribué à accélérer la libéralisation généralisée des marchés et à faire de la concurrence le principe central d’organisation de l’économie mondiale. Là où le GATT [7] pouvait donner l’impression de savoir gérer les flux commerciaux et les interdépendances commerciales entre les États – ces derniers conservant la maîtrise de la régulation des acteurs économiques nationaux –, la puissance grandissante des multinationales contribue à intégrer les marchés nationaux dans un vaste marché international peu maîtrisé. La globalisation de la production et l’interconnexion des marchés financiers ont mis les États et leurs politiques pu-bliques au service des acteurs économiques et des marchés internationaux. Les États se sont transformés en VRP de leurs multinationales. En France, au ministère des Affaires étrangères, priorité est donnée à la diplomatie économique, consistant à mettre les postes diplomatiques au service des entreprises françaises, et aussi des investissements étrangers en France [8].

Les multinationales, maîtres de l’économie mondiale

Sous l’emprise de l’autonomie laissée aux marchés internationaux, le pouvoir déclinant des États se confronte au pouvoir grandissant des multinationales qui deviennent des acteurs majeurs des relations internationales. On est passé d’une économie mondiale structurée par les économies nationales à une économie mondiale reposant de plus en plus sur des réseaux de multinationales. La division internationale du travail accentue la concentration des échanges entre quelques grandes firmes. Ainsi, les deux tiers du commerce international correspondent à des échanges de biens intermédiaires, et non de produits finis. Près de 30 % du commerce mondial s’effectue au sein même des multinationales, entre leurs filiales. Elles sont devenues les acteurs majeurs du commerce international et de la maîtrise des chaînes de valeur mondiales [9] (Global Value Chains en anglais) : selon le rapport de la CNUCED de 2010, 82 000 entreprises multinationales contrôleraient 810 000 filiales. On considère aujourd’hui que sur les cent économies les plus puissantes de la planète, plus de 50 % sont des multinationales [10], tandis que la maîtrise des importations et exportations est du fait d’une poignée d’entreprises [11]. Au final, 737 banques, assurances ou grands groupes industriels contrôlent 80 % de la valorisation boursière des multinationales de la planète.

La mise en concurrence des territoires et des populations au profit des multinationales

La libéralisation des échanges et de l’investissement s’est appuyée sur les faibles coûts monétaires des transports internationaux de marchandises et l’apparition de nouvelles technologies, en matière de transport et de communication. Elle a rendu possible une avancée décisive de la spécialisation internationale du travail qui a profondément transformé le capitalisme. Là où une entreprise menait sur son territoire toutes les opérations nécessaires à la production et la distribution d’un bien ou d’un service, les multinationales ont désormais découpé leurs activités sur l’ensemble de la planète. Confiées à des sous-traitants ou à des filiales spécialisées, ces activités ont été réparties sur des territoires très variés pour tirer le meilleur parti des avantages économiques, fiscaux et réglementaires que permet cette division internationale du travail. Les multinationales ont transféré leurs services financiers et leurs actifs immatériels dans divers paradis fiscaux ou réglementaires, tandis qu’elles décident de la localisation de leurs tâches de production en fonction du coût du travail, des normes écologiques, des avantages consentis par les pouvoirs publics, de la proximité des marchés ou encore des infrastructures disponibles.

Le développement massif des échanges entre les filiales d’une même entreprise leur permet de jouer sur les prix de transfert, de tricher sur les volumes ou les dates, et de déplacer comme bon leur semble la localisation de leurs bénéfices et de leurs pertes. L’exigence de taux de rentabilité financière à deux chiffres, imposée par les actionnaires et les marchés financiers, prime sur tout le reste. Ce faisant, les territoires, les législations et les populations – pour lesquelles d’ailleurs la liberté de circulation reste très restreinte – sont mis en concurrence les uns avec les autres au niveau international. De nombreux pays et collectivités territoriales, désireux d’attirer des investisseurs internationaux et des bouts d’activités de certaines multinationales, sont prêts à leur accorder un « environnement attractif », y compris en réduisant les mesures de protection du travail ou de l’environnement. La recherche de compétitivité et l’accès aux marchés internationaux sont érigés comme les deux leviers de création de richesse par bon nombre d’économistes et de gouvernements, indépendamment des considérations d’équité et de soutenabilité écologique.

Au final, les multinationales gagnent, les populations et les territoires trinquent. Il est temps de mettre fin à cette « architecture de l’impunité ».

P.-S.

Cet article a été publié dans le dossier « Multinationales », présent dans le numéro 101 de Lignes d’Attac.

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Photo : «  Nestle-building-canada  » par Gbarill — Travail personnel. Sous licence Creative Commons BY-SA 3.0 via Wikimedia Commons.

Notes

[1Observatoire des Multinationales, 2014, «  Un an après le Rana Plaza, Auchan et Carrefour pas prêts à assumer leurs responsabilités  », http://multinationales.org/Un-an-apres-le-Rana-Plaza-Auchan

[2Bastamag, 2014, «  Commerce de la crevette : des sous-traitants de Carrefour accusés de recourir au travail esclave  », www.bastamag.net/Des-sous-traitants-de-Carrefour

[3Observatoire des Multinationales, 2014, «  Brésil : les accusations de corruption se multiplient contre Alstom  », http://multinationales.org/Bresil-les-accusations-deAm

[4Observatoire des Multinationales, 2013, «  Alstom et GDF Suez, au cœur de Belo Monte et du développement hydroélectrique de l’Amazonie  », http://multinationales.org/Alstom-et-GDF-Suez-au-coeur-de

[5Observatoire des multinationales, 2013, «  Veolia en Inde  », http://multinationales.org/Veolia-en-Inde-version-longue

[6Observatoire des multinationales, 2014, «  Les projets nucléaires d’Areva à Jaitapur, en Inde : catastrophe à l’horizon  ?  », http://multinationales.org/Les-projets-nucleaires-d-Areva-a

[7Le GATT (General Agreement on Tariffs and Trade) est, en français, l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce. Il a été signé en 1947.

[8Voir la déclaration de Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangère, à la XXe Conférence des ambassadeurs, le 28 août 2012, www.ambafrance-mada.org/Intervention-du-Ministre-sur-la

[9Une «  chaîne de valeur  » est un ensemble articulé d’activités (conception, production, logistique, marketing, vente…) qui permet à une entreprise de créer un avantage sur ses concurrents.

[10«  Top 200 : The Rise of Global Corporate Power  » (2000), https://www.global-policy.org/component/content/article/2...

[11WTO, World Trade report 2012

09/04/2015

Lettre à mon père, d'Adan Jodorowsky

Adan Jodorowsky à posté le texte suivant sur son compte Facebook quelques jours avant l’anniversaire de son père Alejandro :

Il y a quelques mois, j’ai écrit une lettre à mon père. Puis une femme que je ne connais pas, émue, m’a proposé de la traduire pour que les personnes qui parlent français puissent la lire. La voici.

Traduction: Mélanie Skriabine

Lettre à mon père.

« Cher père, Alejandro. Toi qui as toujours pensé qu’appeler « papa » son père est une erreur. Que « papa » et « maman » sont les premiers mots qu’un bébé est capable de prononcer et que de continuer de les appeler ainsi étant adulte signifie maintenir sa progéniture prisonnière d’un statut d’enfant. Toi, qui m’as dit: « Je ne m’appelle pas Papa, mon nom est Alejandro; je ne t’appelle pas Ada, dada ou adadá… »
J’écris cette lettre ouverte parce que je veux que le monde sache que l’amour entre un père et son fils existe.

Je vois tant de cas de pères absents ou qui n’acceptent pas leurs enfants tels qu’ils sont. C’est pour cela qu’aujourd’hui je veux que tout le monde sache ce que peut être une vraie relation d’amour et de respect.
J’espère que cela puisse être utile à cette planète; que cela serve d’exemple pour qu’une transformation positive s’opère en ce monde et que cessent de se créer les guerres qui ne sont que la conséquence de la colère refoulée.

T’appeler Alejandro ne m’a rien enlevé. Bien au contraire, je ne te voyais pas en tant que figure emblématique ou un être supérieur, je te voyais en tant qu’allié. Un être plein de bonté. T’appeler Alejandro est au monde la chose la plus tendre et merveilleuse qui soit. Et le fait que je me sois senti différent des autres enfants, a fait naître en moi une grande force.
Tu ne m’as jamais éduqué dans la peur, tu ne m’as jamais frappé. Tu me parlais, m’expliquais tout et te préoccupais de m’enseigner tes pensées, me laissant libre d’être celui que je devais être et non celui que tu voulais que je sois. Te souviens-tu ? Tu avais pour habitude de t’asseoir près de moi et de me lire des contes japonais pour m’initier à une philosophie de vie.
Tu as formé mon esprit pour me préparer comme un guerrier à recevoir les coups de la vie, à faire face aux discours stupides et à l’imbécilité humaine. Mais tu m’as aussi appris à reconnaitre la beauté dans la laideur. Je me souviens qu’un jour tu m’as dit « je vais t’apprendre à penser ». Nous étions en Espagne, en vacances sur une île et chaque matin tu me donnais des cours de réflexion. Chaque père devrait enseigner à son enfant la réflexion. Les enfants ne sont évidement pas stupides, ce que vous leur enseignez restera en eux à jamais. Grâce à ça, tu m’as marqué pour toujours.
« Qu’est-ce que Dieu ? Qu’est-ce que l’univers ? Quel est notre but dans cet univers ? D’où viens-je ? Où vais-je ? Suis-je un corps habité d’une âme ou une âme habitant un corps ? Ta vérité est une vérité, pas la vérité…. »

Tu m’as appris à parler en tant que personne délicate et consciente. Quand j’étais enfant, tu me parlais doucement mais comme à un adulte, tu ne m’infantilisais pas en me parlant d’une voix de dessin animé. Les parents ont l’habitude de parler à leurs enfants comme s’ils étaient des poupées, mais toi, tu me parlais comme on parle à un être humain. Puis, tu m’as montré comment communiquer avec autrui et au lieu de parler par affirmation dans une conversation, j’ai appris à commencer mes phrases par: « selon ce que je pense et je peux me tromper…. »

Dans un combat, au lieu d’accuser l’autre, tu m’as appris à exprimer ce que je ressentais et ce qui était la cause de la discussion en moi. Tu ne m’as jamais fait part de tes difficultés financières, pour que l’argent ne représente pas un fardeau à mes yeux. Je vivais dans un paradis. Un enfant doit voir la vie comme un paradis. Le contraire produit des êtres angoissés, épouvantés à l’idée de devoir faire face à leur propre existence.
Lorsque j’étais en colère, au lieu de me la faire contenir, tu m’as pris par la main pour m’amener dans le jardin et tu m’as fait détruire une chaise en mille morceaux. Tu ne peux pas t’imaginer le bonheur que m’a procuré le fait de mettre cette pauvre chaise en morceaux. Je t’ai dit: « Mais si je la casse, nous n’aurons plus de chaise… » ce à quoi tu as répondu que ce n’était pas important, que tu en achèterais une autre. Pour toi, le matériel n’avait pas d’importance, aucune valeur. La seule valeur à tes yeux était celle d’être humain.
Au lieu de réprimer ma créativité, tu m’as acheté des pinceaux pour que je puisse peindre sur les murs de ma chambre. Rien ne m’était interdit. Lorsque je faisais une erreur, nous en parlions et la corrigions. Tu avais confiance en moi et dans mes propres limites, celles que je m’étais fixé moi-même. Je pouvais tout demander et faire. J’étais un enfant et nous parlions ouvertement de sexe, sans morale religieuse qui aurait pu nous laisser penser que c’était quelque chose de fou. Quand quelqu’un faisait l’amour dans la maison, le lendemain c’était la fête.
Quand je voulais un instrument, au lieu de penser que c’était un caprice, tu m’achetais un piano, une trompette même si je ne l’utilisais qu’un seul jour. Tu disais que tout était utile dans la vie. Et c’est vrai, tout ce que j’ai demandé et que tu m’as donné dans mon enfance, m’a aidé. Absolument tout. Tu n’as jamais fixé aucune limite à ma créativité.Tu m’as appris comment méditer, tu m’as donné des livres.

Bien que ma mère et toi vous soyez séparés quand j’avais 8 ans, tu ne m’en as jamais dit de mal. Tu n’as pas essayé de détruire l’amour que je lui portais. Et tu as créé une relation d’amour entre mes frères et moi, sans esprit de compétition, nous aimant chacun différemment.

Tu m’as appris à croire que tout est possible dans la vie. Et comment ? Je vais te rappeler comment: un jour nous étions dans les rues de Paris cherchant une paire de chaussures et jusqu’à ce que je trouve la paire parfaite, nous n’allions pas laisser tomber. Nous sommes rentrés dans quinze boutiques jusqu’à ce que je trouve ce que je voulais vraiment. Merci père de mon coeur, grâce à ça, aujourd’hui, je ne laisse pas tomber et ce jusqu’à ce que je sois totalement satisfait de ce que je crée. Tu m’as aussi appris que lorsque quelque chose ne fonctionne pas, il est possible d’emprunter d’autres chemins qui mènent à ce que l’on désire et souhaite réaliser..

Quand je tombais dans la rue, tu me disais: « Samourai! » pour qu’à chaque pas, mon regard sur le monde soit conscient. Le Samourai ne se laisse jamais distraire. Je me sens vivant Alejandro, tellement vivant. Je ne t’ai jamais vu abattu. Tu te rends compte ? Tu ne t’es jamais plaint ou ne t’es laissé submergé par les difficultés de la vie. Tu ne m’as jamais montré tes angoisses. Tu m’as appris à être heureux, à penser que la vie est une fête. Tu m’as appris à ne pas me mettre à fumer quand les adolescents le font. Tu m’as expliqué que j’étais un enfant confiant et que je n’avais pas besoin d’une cigarette pour séduire, être adulte ou accepté des autres. Je me suis senti fort, tellement fort. Tu m’as appris à m’aimer et à respecter mon temple, mon corps.

Je te regardais écrire huit heures par jour, toute ta vie dédiée à ton art.
Tu as trouvé l’amour réel à tes 75 ans. Tu as rencontré ta femme, Pascale et c’est la plus belle histoire que j’ai jamais vu de toute ma vie. Tu m’as permis de croire en l’union de deux âmes. Maintenant j’ai foi en l’amour à tout âge.

Quelques fois tu me demandes: « Comment te sens-tu mentalement, physiquement, sexuellement, émotionnellement ? » Tu communiques avec tout mon être. Quand je viens chez toi, je m’assois face à toi et tu me regardes, tu me parles de ta vie, demandes au sujet de la mienne et nous essayons de faire en sorte que nos monologues soient égaux en temps pour que nous puissions avoir une conversation équilibrée et que personne ne parle plus que l’autre.
Tu t’inquiètes pour moi sans envahir mon espace. Mais tu me dis toujours que tu m’aimes. Chaque parent devrait le dire à son enfant.

Quand j’étais enfant et que tu devais partir voyager, tu m’appelais tous les jours, même si ce n’étais que deux minutes. C’était notre accord. Je ressentais ta présence. J’ai toujours ressenti que je pouvais compter sur toi. Chaque fois que tu disais quelque chose, tu le faisais. Et la chose la plus importante pour un enfant est qu’un père tienne ses promesses. Une fois, je suis parti en classe verte avec l’école et je me suis senti si mal avec les autres enfants, je me sentais si différent d’eux que je t’ai appelé en pleurs. La nuit même, tu es venu en voiture. Tu as fais 400 kilomètres pour venir me sortir de l’enfer. Et on est rentrés ensemble, en chantant. Tu m’as dit qu’un enfant ne doit jamais souffrir parce que les jeunes années sont sacrées.

Tu sentais toujours mes cheveux et ma peau en me disant que je sentais merveilleusement bon. Tu me disais toujours que j’avais du talent, que j’étais beau, que j’étais un prince. Tu me caressais, me touchais, me serrais dans tes bras. J’étais aimé. Le matin je frappais à ta porte et je courrais me glisser dans ton lit près de toi pour que tu me serres dans tes bras. Avec ma tête sur ta poitrine, j’écoutais ta respiration et ton coeur battre. Puis nous avions l’habitude de petit-déjeuner dans un café en face de la maison et tu me parlais de livres, de films, de découvertes que tu avais fait, de nouvelles idées spirituelles auxquelles tu avais pensé.

En ce moment même je pleure d’émotion parce que je n’ai jamais pris le temps de te dire tout cela. Tu es un père merveilleux. Mes larmes coulent, mais ces larmes sont des gouttes d’amour.

Tu m’as toujours emmené avec toi à tes conférences, tes séminaires, je t’ai vu soigner les gens, leur donner le sourire, calmer leurs peurs. Nous avons travaillé ensemble au théâtre, au cinéma, sur mes chansons. Comme c’est magnifique de pouvoir créer quelque chose en famille.
Quand j’ai eu des doutes, tu as toujours été là. Tellement présent, que si tu n’étais pas à mes côtés aujourd’hui, je pourrais toujours entendre ta voix dans mon esprit, me conseillant. Je t’ai tatoué en moi, pour toujours.

Tu m’as sauvé Alejandro, de ce monde cruel, de ce chaos qu’est la vie. Tu m’as montré le plus beau de tout. Tu m’as tenu éloigné de toute pensée bourgeoise, de toute illusion, de toute pensée religieuse. Tu m’as appris à ne pas me fixer de limites. Tu m’as enseigné que je suis un homme libre. Libre de la folie des hommes, libre des guerres, des peurs. Tu m’as appris que la réalité dans laquelle je vis n’est pas la seule réalité, qu’il n’y a pas de limites, que mon horizon ne se limite pas à une maison, un pays ou un monde mais qu’il est l’univers tout entier, l’infini.

Pourquoi m’as-tu fait peindre sur les murs de ma chambre ? Je me le suis tellement demandé. Pourquoi me donner la liberté de faire ce que je voulais ? J’ai compris que tu m’avais enseigné à créer, à libérer mon esprit, à vivre sans contraintes, sans murs. Que ces murs étaient illusoires, invisibles et qu’en les peignant je pouvais passer à travers eux.

Tu m’as appris à parler: ni trop, ni pas assez, puis à mesurer le volume de ma voix, qu’elle soit une caresse pour les autres. Tu m’as appris à respecter le champs énergétique, l’aura d’autrui. Tu m’as appris à me fier aux arcanes du Tarot. Et tu m’as montré que les symboles sont de l’art. Tu m’as appris que la vie est magique et que les miracles sont partout. Tu m’as appris que Dieu est une énergie qui vit en nous et non un être sévère crée par des écrivains. Tu m’as ouvert un compte à la librairie et grâce à toi j’ai découvert la poésie. La Poésie ! Je me souviens que nous nous asseyions sur la table de la salle à manger et que chacun lisait son poème.

Tu n’as jamais eu d’amis superflus, les seules personnes qui entraient dans notre maison étaient celles que tu souhaitais aider ou des personnes talentueuses. Des poètes, des philosophes, des chanteurs, des médecins, des cordonniers, des saints, toutes sortes de personnes mais riches d’esprit. Tu n’as jamais perdu ton temps dans des discussions superficielles. Je ne t’ai jamais vu saoul ou drogué. Je t’ai seulement vu développer ton esprit et ton talent d’une façon positive afin de changer le monde et de lui apporter quelque chose.

Durant de nombreuses années, tu as eu le sentiment d’être un écrivain raté et regarde ce que tu as fait. A l’âge de soixante ans tu t’es libéré de ce sentiment, tu as publié plus de trente livres. Aujourd’hui, alors que tu as quatre-vingt-six ans tu es un écrivain avec un tel succès. Tout cela parce que tu crois en toi. Quel exemple tu es. Combien de personnes ne croient pas en ce qu’elles sont et cherchent une issue, incapables de voir que tout en elles est énergie vibrante depuis le premier jour! Tout est en nous!
Tu m’as parlé de ce qu’est vieillir comme de quelque chose de beau et grâce à toi j’apprécie chaque année qui passe sans crainte de la mort. Grâce à toi je sais que tout est possible dans la vie, n’importe quand.

Je vois l’amour dans tes yeux lorsque tu me regardes. Tu m’as aimé et tellement donné que je t’aime sans limites. Tu as crée l’être qui écrit en ce moment. Tu as crée l’amour que je te porte. Tu as parfaitement appliqué cette phrase que tu as écrite et qui s’est révélée si vraie: Ce que tu donnes, tu te le donnes à toi-même, ce que tu ne donnes pas, tu te l’ôtes à toi-même.

Merci de me donner cette vie.

Ton fils Adan qui t’aime. »

 

https://plancreateur.wordpress.com/2015/04/07/2101/

 

 

 

08/04/2015

« Detroit : pas d'accord pour crever. Une révolution urbaine »

de Dan Georgakas & Marvin Surkin


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http://agone.org/memoiressociales/detroitpasdaccordpourcrever


Traduit de l'anglais par Laure Mistral


« Detroit, 1968. En dépit des belles intentions de la gauche libérale,
 les conditions de vie, de travail et d'éducation étaient si rudes pour
 les noirs que la Ligue des travailleurs noirs révolutionnaires trouva un
 public tout acquis. La ville s'enlaidissait toujours davantage, au
 physique comme au moral. Elle détenait le record national de violence.
 Celle qui s'était autoproclamée "l'arsenal de la démocratie" durant la
 Seconde Guerre mondiale était surnommée dans les journaux "Murder City,
 USA". Encore et encore, alors que les politiques libérales échouaient
 dans les écoles, les usines et la rue, la réalité que les noirs et leurs
 alliés avaient à affronter, c'étaient les revolvers et les matraques de
 la police. » Créée par des ouvriers noirs de l'industrie automobile, la
 Ligue des travailleurs noirs révolutionnaires a réuni dans la lutte
 noirs et blancs, ouvriers et intellectuels, hommes et femmes. Son
 ancrage à Detroit, incarnation par excellence de la faillite du
 capitalisme industriel et de l'abandon de toute une population par les
 élites politiques et économiques, en fait un exemple unique d'expérience
 de résistance syndicale, politique et culturelle. Pour l'historien
 Manning Marable, biographe de Malcolm X, plus encore que les
 organisations de lutte pour les droits civiques ou que le Black Panther
 Party, la Ligue est « l'expression la plus marquante de la pensée noire
 d'extrême gauche et de l'activisme des années 1960 ». Devenu un
 classique aux États-Unis, ce livre est le premier à paraître sur ce
 sujet en français. Dan Georgakas est écrivain, historien et militant,
 spécialiste de l'histoire orale et du mouvement ouvrier américains.
 Spécialiste des politiques urbaines, Marvin Surkin a fait partie de la
 Ligue des travailleurs noirs révolutionnaires.

366 pages (12 x 21 cm) 24 €
ISBN 978-2-7489-0226-6

 

 

 

avaler du sable d’Antônio Xerxenesky

traduit du portugais (Brésil) par Mélanie Fusaro

 

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Asphalte, février 2015

178 pages, 15 €.

 

 

« Un fils qui ne savait même pas boire. Ça ne pouvait pas être un homme, un vrai. Surtout dans une ville où, selon Miguel, la sobriété est déraison. »

 

Ce roman parle d’un homme qui nous raconte comment il écrit un roman sur l’histoire de ses ancêtres, et en même temps ce roman que nous lisons est aussi, le roman que cet homme écrit, et le roman qu’écrit cet homme démarre comme un western : Mavrak, petite ville perdue au milieu d’un désert du Far-West, sable, poussière, saloon, prostituées, une église qui a brûlé, deux familles rivales depuis des lustres, les Marlowe et les Ramirez… Un western donc, qui va finir comme un remake de La nuit des morts vivants. Sang, sable et poussière.

 

« Il y avait la peur. Il y avait la peur partout. Aujourd’hui, les hommes ont peur pour un rien ; autrefois ils craignaient la nuit et la mort. Même avec un révolver dans la poche. Peu importait l’arme qui pesait dans l’étui. »

 

L’histoire démarre par l’assassinat de Martín, le fils ainé des Ramirez et les coupables sont tout désignés. Mais les Marlowe nient être responsables de cette mort. Débarque alors un sheriff, Thornton, homme de foi et de probité, désigné par le gouvernement, pour mettre de l’ordre dans tout ça, suite à une lettre envoyée anonymement par un membre de la communauté.

 

L’histoire elle-même ne cherche pas à être spécialement originale mais plutôt et même au contraire, à faire un beau clin d’œil cinématographique, avec des passages vraiment poétiques et pas mal d’ironie, en collant au plus près à certains styles de cinéma - ce qui explique qu’à la fin dans la liste des remerciements, on trouvera Sergio Leone, Clint Eastwood, Dario Argento et Takashi Miike, entre autre – mais l’originalité ici réside dans le fait que le livre narre aussi le processus de sa propre écriture, entre rêve et réalité, et là on ne saura pas si le narrateur fait partie de la fiction ou bien si c’est réellement un alter ego d’Antônio Xerxenesky, mais en tout cas il y a un incessant va et vient entre le western d’un côté et son auteur de l’autre, aux prises avec ses machines, à écrire et ordinateur, et ses bouteilles de tequila, ses questionnements existentiels – était-ce mieux ou pire du temps de ses ancêtres ? - son propre problème de paternité et comment celui-ci influe malgré lui sur son histoire.

 

« Chaque fois que le soleil pénètre à travers les rideaux, annonçant la résurrection attendue du jour, je me lève et je regarde le monde se mettre en branle – voitures qui déchirent les avenues, travailleurs en retard qui courent. Je me dis que l’époque de mes ancêtres devait être pire. Je repasse des passages de l’histoire dans ma tête. Nous vivons dans un monde meilleur. La mort, aujourd’hui, ne se trouve pas dans le moindre souffle d’air. Ni dans le moindre grain de sable. »

 

Parfois c’est un peu confus, chaotique, comme un saloon après la bagarre, le style est vif et efficace, comme un alcool de contrebande et les nostalgiques du Far-West y trouveront sans aucun doute bien du plaisir, et les amateurs de cinéma aussi, que ce soit le cinéma que l’on regarde ou celui qu’on se fait.

 

A noter, de superbes photos noir et blanc en double page et en fin d’ouvrage, une playlist musicale sélectionnée par l’auteur pour prolonger le film.

 

 

Cathy Garcia

 

 

Xerxenesky.jpgAntônio Xerxenesky est né à Porto Alegre en 1984. Avaler du sable est son premier roman. Il a collaboré à des journaux, magazines et sites lusophones et anglophones tels que Jornal do Brasil, The New York Times, Newsweek. En 2012, il a été désigné par la revue britannique Granta comme l'un des meilleurs jeunes écrivains brésiliens.

 

 

Note parue sur La Cause Littéraire : http://www.lacauselitteraire.fr/

 

 

 

07/04/2015

« Petit pied » pourrait être à l’origine de l’humanité

Publié dans

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L’australopithèque Little Foot, exhumé il y a près de vingt ans en Afrique du Sud, serait âgé de 3,67 millions d’années, d’après une nouvelle méthode de datation. Plus âgée que la fameuse Lucy éthiopienne (3,2 millions), australopithèque elle aussi, cette découverte recentre l’origine de l’humanité sur l’Afrique du sud.

Une équipe internationale de paléoanthropologues vient de dater à nouveau le squelette de Little Foot à – 3,67 millions d’années, ce qui en fait l’un des plus vieux australopithèques et relance l’Afrique du sud comme berceau de l’humanité.

« Cela remet l’Afrique du Sud dans la course de l’évolution humaine », alors que depuis plusieurs décennies, l’Afrique de l’Est tenait la corde, explique Laurent Bruxelles, chercheur de l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) au laboratoire Traces (CNRS-Université de Toulouse) et médaille de bronze du CNRS en 2015.

Un australopithèque sud-africain

« Avec un âge de 3,67 +/– 0,16 millions d’années, Little Foot arrive devant l’Éthiopienne Lucy (Australopithecus afarensis) âgée de 3,2 millions d’années et largement avant Homo Habilis, notre ancêtre direct, apparu il y a environ 2,5 millions d’années », souligne Laurent Bruxelles.

« Dans ce cas, rien ne s’oppose à ce que cet australopithèque (« singe austral ») sud-africain soit à l’origine de l’humanité. » « Tout reste possible », a souligné M. Bruxelles qui a participé à une étude internationale publiée dans la revue britannique Nature.

Une méthode de datation plus précise

Cette date est le fruit de l’invention d’une nouvelle méthode de datation par isotopes cosmogéniques. Celle-ci consiste à mesurer l’âge d’atomes radioactifs d’aluminium et de berylium arrivés sur terre par les rayonnements cosmiques en s’aidant d’un spectromètre de masse, une technique mise au point à l’université Purdue (Indiana).

Une histoire de berceau à roulettes

« Les résultats sont étonnants », souligne l’Université de Witwatersrand de Johannesburg. Sur les onze échantillons récoltés au cours de la dernière décennie, neuf se trouvent sur une unique courbe, apportant ainsi « une datation solide au dépôt », souligne l’université.

Finalement, cette découverte rebat les cartes et confirme que l’Afrique du sud est un potentiel berceau de l’humanité, au même titre que l’Afrique de l’est. Un événement scientifique et culturel qui devait amuser l’Abbé Breuil, préhistorien français de renommée internationale décédé en 1961, qui, dans les années 1950 avait pertinemment fait remarquer que si le berceau de l’humanité était bien en Afrique, c’en était pas moins un berceau… à roulettes.

DENIS SERGENT


Extrait de http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Petit-pied-pourra...

06/04/2015

Vient de paraître : Ronde comme la lune de Mireille Disdero

Les éditions du Seuil publient le nouveau roman pour adolescents et jeunes adultes de Mireille Disdero 
 
 

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RONDE COMME LA LUNE
Le Seuil, 02 avril 2015
Roman dès 13 ans
ISBN-13: 979-1023505344
 
*Le lien de la vidéo de présentation sur Blue Frog :
*Ou sur YouTube :
 
L'histoire : 
Saskia est gourmande. Gourmande de tout ; de livres, de films, d'amitié et, bien sûr, de... nourriture. Et ça se voit, car elle est plutôt enrobée. Saskia déteste son apparence, mais elle s'est fait une raison, malgré les moqueries et le mépris des garçons qu'elle s'efforce d'ignorer. Sa gourmandise est plus forte qu'elle.
Alors, quand Erik, un copain de lycée, semble s'intéresser à elle, Saskia se sent perdue. Se peut-il que quelqu'un soit attiré par elle ? Et comment l'accepter, alors qu'elle-même a tant de mal à s'aimer ? (L’Éditeur)
 
 
 

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04/04/2015

Jardin du Marais, Yves Gillen : le jardinage sans travail du sol

 

 

01/04/2015

Un article très intéressant et à contre-courant à propos du porno

Article original publié en anglais sur le site de truthdig.com, le 15 février 2015.
Christopher Lynn Hedges (né le 18 septembre 1956 à Saint-Johnsbury, au Vermont) est un journaliste et auteur américain. Récipiendaire d’un prix Pulitzer, Chris Hedges fut correspondant de guerre pour le New York Times pendant 15 ans. Reconnu pour ses articles d’analyse sociale et politique de la situation américaine, ses écrits paraissent maintenant dans la presse indépendante, dont Harper’s, The New York Review of Books, Mother Jones et The Nation. Il a également enseigné aux universités Columbia et Princeton. Il est éditorialiste du lundi pour le site Truthdig.com.


BOSTON— « Cinquante nuances de Grey », le livre comme le film, est une glorification du sadisme qui domine quasiment tous les aspects de la culture américaine et qui repose au coeur de la pornographie et du capitalisme mondial. Il célèbre la déshumanisation des femmes. Il se fait le champion d’un monde dépourvu de compassion, d’empathie et d’amour. Il érotise le pouvoir hypermasculin à l’origine de l’abus, de la dégradation, de l’humiliation et de la torture des femmes dont les personnalités ont été supprimées, dont le seul désir est de s’avilir au service de la luxure mâle. Le film, tout comme « American Sniper », accepte inconditionnellement un monde prédateur où le faible et le vulnérable sont les objets de l’exploitation tandis que les puissants sont des demi-dieu violents et narcissiques. Il bénit l’enfer capitaliste comme naturel et bon.

« La pornographie », écrit Robert Jensen, « c’est ce à quoi ressemble la fin du monde. »

Nous sommes aveuglés par un fantasme auto-destructeur. Un éventail de divertissements et de spectacles, avec les émissions de télé « réalité », les grands évènements sportifs, les médias sociaux, le porno (qui engrange au moins le double de ce que génèrent les films hollywoodiens), les produits de luxe attirants, les drogues, l’alcool et ce Jésus magique, nous offre des issues de secours — échappatoires à la réalité — séduisantes. Nous rêvons d’être riches, puissants et célèbres. Et ceux que l’on doit écraser afin de construire nos pathétiques petits empires sont considérés comme méritants leurs sorts. Que la quasi-totalité d’entre nous n’atteindra jamais ces ambitions est emblématique de notre auto-illusionnement collectif et de l’efficacité de cette culture submergée par manipulations et mensonges.

Le porno cherche à érotiser le sadisme. Dans le porno les femmes sont payées pour répéter les mantras « Je suis une chatte. Je suis une salope. Je suis une pute. Je suis une putain. Baise moi violemment avec ta grosse bite. » Elles demandent à être physiquement abusées. Le porno répond au besoin de stéréotypes racistes dégradants. Les hommes noirs sont des bêtes sexuelles puissantes harcelant les femmes blanches. Les femmes noires ont une soif de luxure brute, primitive. Les femmes latinos sont sensuelles et ont le sang chaud. Les femmes asiatiques sont des geishas dociles, sexuellement soumises. Dans le porno, les imperfections humaines n’existent pas. Les poitrines siliconées démesurées, les lèvres pulpeuses gonflées de gel, les corps sculptés par des chirurgiens plastiques, les érections médicalement assistées qui ne cessent jamais et les régions pubiennes rasées — qui correspondent à la pédophilie du porno — transforment les exécutants en morceaux de plastique. L’odeur, la transpiration, l’haleine, les battements du cœur et le toucher sont effacés tout comme la tendresse. Les femmes dans le porno sont des marchandises conditionnées. Elles sont des poupées de plaisir et des marionnettes sexuelles. Elles sont dénuées de leurs véritables émotions. Le porno n’a rien à voir avec le sexe, si on définit le sexe comme un acte mutuel entre deux partenaires, mais relève de la masturbation, une auto-excitation solitaire et privée d’intimité et d’amour. Le culte du moi — qui est l’essence du porno — est au cœur de la culture corporatiste. Le porno, comme le capitalisme mondial, c’est là où les êtres humains sont envoyés pour mourir.

Il y a quelques personnes à gauche qui saisissent l’immense danger de permettre à la pornographie de remplacer l’intimité, le sexe et l’amour. La majorité de la gauche pense que la pornographie relève de la liberté d’expression, comme s’il était inacceptable d’exploiter financièrement et d’abuser physiquement une femme dans une usine en Chine mais que le faire sur un lieu de tournage d’un film porno était acceptable, comme si la torture à Abu Ghraib — où des prisonniers furent humiliés sexuellement et abusés comme s’ils étaient dans un tournage porno — était intolérable, mais tolérable sur des sites de pornographies commerciaux.

Une nouvelle vague de féministes, qui ont trahi l’ouvrage emblématique de radicales comme Andrea Dworkin, soutiennent que le porno est une forme de libération sexuelle et d’autonomisation. Ces « féministes », qui se basent sur Michel Foucault et Judith Butler, sont les produits attardés du néolibéralisme et du postmodernisme. Le féminisme, pour eux, ne relève plus de la libération de la femme opprimée; il se définit par une poignée de femmes qui ont du succès, sont riches et puissantes — où, comme c’est le cas dans « cinquante nuances de grey », capables d’accrocher un homme puissant et riche. C’est une femme qui a écrit le livre « Cinquante nuances », ainsi que le scénario du film. Une femme a réalisé le film. Une femme dirigeante d’un studio a acheté le film. Cette collusion des femmes fait partie de l’internalisation de l’oppression et de la violence sexuelle, qui s’ancre dans le porno. Dworkin l’avait compris. Elle avait écrit que « la nouvelle pornographie est un vaste cimetière où la Gauche est allée mourir. La Gauche ne peut avoir ses prostituées et leurs politiques. »

J’ai rencontré Gail Dines, l’une des radicales les plus prééminentes du pays, dans un petit café à Boston mardi. Elle est l’auteur de « Pornland: Comment le porno a détourné notre sexualité » (“Pornland: How Porn Has Hijacked Our Sexuality”) et est professeure de sociologie et d’études féminines à l’université de Wheelock. Dines, ainsi qu’une poignée d’autres, dont Jensen, dénoncent courageusement une culture aussi dépravée que la Rome de Caligula.

« L’industrie du porno a détourné la sexualité d’une culture toute entière, et dévaste toute une génération de garçons », nous avertit elle. « Et quand vous ravagez une génération de garçons, vous ravagez une génération de filles. »

« Quand vous combattez le porno vous combattez le capitalisme mondial », dit-elle. « Les capitaux-risqueurs, les banques, les compagnies de carte de crédit sont tous partie intégrante de cette chaine alimentaire. C’est pourquoi vous ne voyez jamais d’histoires anti-porno. Les médias sont impliqués. Ils sont financièrement mêlés à ces compagnies. Le porno fait partie de tout ceci. Le porno nous dit que nous n’avons plus rien d’humains — limite, intégrité, désir, créativité et authenticité. Les femmes sont réduites à trois orifices et deux mains. Le porno est niché dans la destruction corporatiste de l’intimité et de l’interdépendance, et cela inclut la dépendance à la Terre. Si nous étions une société d’être humains entiers et connectés en véritables communautés, nous ne supporterions pas de regarder du porno. Nous ne supporterions pas de regarder un autre être humain se faire torturer. »

« Si vous comptez accumuler la vaste majorité des biens dans une petite poignée de mains, vous devez être sûr d’avoir un bon système idéologique en place qui légitimise la souffrance économique des autres », dit elle. « Et c’est ce que fait le porno. Le porno vous dit que l’inégalité matérielle entre femmes et hommes n’est pas le résultat d’un système économique. Que cela relève de la biologie. Et les femmes, n’étant que des putes et des salopes bonnes au sexe, ne méritent pas l’égalité complète. Le porno c’est le porte-voix idéologique qui légitimise notre système matériel d’inégalités. Le porno est au patriarcat ce que les médias sont au capitalisme. »

Pour garder excités les légions de mâles facilement ennuyés, les réalisateurs de porno produisent des vidéos qui sont de plus en plus violentes et avilissantes. « Extreme Associates », qui se spécialise dans les scènes réalistes de viols, ainsi que JM Productions, mettent en avant les souffrances bien réelles endurées par les femmes sur leurs plateaux. JM Productions est un pionnier des vidéos de « baise orale agressive » ou de « baise faciale » comme les séries « étouffements en série », dans lesquelles les femmes s’étouffent et vomissent souvent. Cela s’accompagne de « tournoiements », dans lesquels le mâle enfonce la tête de la femme dans les toilettes puis tire la chasse, après le sexe. La compagnie promet, « toutes les putes subissent le traitement tournoyant. Baise la, puis tire la chasse ». Des pénétrations anales répétées et violentes entrainent des prolapsus anaux, une pathologie qui fait s’effondrer les parois internes du rectum de la femme et dépassent de son anus. Cela s’appelle le « rosebudding ». Certaines femmes, pénétrées à de multiples reprises par nombre d’hommes lors de tournages pornos, bien souvent après avoir avalé des poignées d’analgésiques, ont besoin de chirurgie reconstructrices anales et vaginales. Les femmes peuvent être affectées par des maladies sexuellement transmissibles et des troubles de stress post-traumatique (TSPT). Et avec la démocratisation du porno — certains participants à des vidéos pornographiques sont traités comme des célébrités dans des émissions comme celles d’Oprah et d’Howard Stern — le comportement promu par le porno, dont le strip-tease, la promiscuité, le sadomasochisme et l’exhibition, deviennent chic. Le porno définit aussi les standards de beauté et de comportements de la femme. Et cela a des conséquences terribles pour les filles.

« On dit aux femmes qu’elles ont deux choix dans notre société », me dit Gail Dines. « Elles sont soit baisables soit invisibles. Être baisable signifie se conformer à la culture du porno, avoir l’air sexy, être soumise et faire ce que veut l’homme. C’est la seule façon d’être visible. Vous ne pouvez pas demander aux filles adolescentes, qui aspirent plus que tout à se faire remarquer, de choisir l’invisibilité. »

Rien de tout ça, souligne Dines, n’est un accident. Le porno a émergé de la culture de la marchandise, du besoin de vendre des produits qu’ont les capitalistes corporatistes.

« Dans l’Amérique d’après la seconde guerre mondiale, vous avez l’émergence d’une classe moyenne avec un revenu disponible », explique-t-elle. « Le seul problème c’est que ce groupe est né de parents qui ont connu la dépression et la guerre. Ils ne savaient pas comment dépenser. Ils ne savaient qu’économiser. Ce dont [les capitalistes] avaient besoin pour faire démarrer l’économie c’était de gens prêts à dépenser leur argent pour des choses dont ils n’avaient pas besoin. Pour les femmes ils ont créé les séries télévisées. Une des raisons pour lesquelles les maisons style-ranch furent développées, c’était parce que [les familles] n’avaient qu’une seule télévision. La télévision était dans le salon et les femmes passaient beaucoup de temps dans la cuisine. Il fallait donc diviser la maison de façon à ce qu’elles puissent regarder la télévision depuis la cuisine. Afin qu’elle puisse être éduquée ». [Via la télévision]

« Mais qui apprenait aux hommes à dépenser leur argent? » continue-t-elle. « Ce fut Playboy [Magazine]. Ce fut le génie de Hugh Hefner. Il comprit qu’il ne suffisait pas de marchandiser la sexualité, mais qu’il fallait sexualiser les marchandises. Les promesses de Playboy n’étaient pas les filles où les femmes, c’était que si vous achetez autant, si vous consommez au niveau promu par Playboy, alors vous obtenez la récompense, qui sont les femmes. L’étape cruciale à l’obtention de la récompense était la consommation de marchandises. Il a incorporé le porno, qui sexualisait et marchandisait le corps des femmes, dans le manteau de la classe moyenne. Il lui a donné un vernis de respectabilité. »

Le VCR, le DVD, et plus tard, Internet ont permis au porno de s’immiscer au sein des foyers. Les images satinées de Playboy, Penthouse et Hustler devinrent fades, voire pittoresques. L’Amérique, et la majeure partie du reste du monde, se pornifia. Les revenus de l’industrie du mondiale du porno sont estimés à 96 milliards de $, le marché des USA comptant pour environ 13 milliards. Il y a, écrit Dines, « 420 millions de pages porno sur internet, 4.2 millions de sites Web porno, et 68 millions de requêtes porno dans les moteurs de recherches chaque jour. »

Parallèlement à la croissance de la pornographie, il y a eu explosion des violences liées au sexe, y compris des abus domestiques, des viols et des viols en réunion. Un viol est signalé toutes les 6.2 minutes aux USA, mais le total estimé, qui prend en compte les assauts non-rapportés, est peut-être 5 fois plus élevé, comme le souligne Rebecca Solnit dans son livre « Les hommes m’expliquent des choses ».

« Il y a tellement d’hommes qui assassinent leurs partenaires et anciennes partenaires, nous avons bien plus de 1000 homicides de ce type chaque année — ce qui signifie que tous les trois ans le nombre total de morts est la première cause d’homicides relevés par la police, bien que personne ne déclare la guerre contre cette forme particulière de terreur », écrit Solnit.

Pendant ce temps-là, le porno est de plus en plus accessible.

« Avec un téléphone mobile vous pouvez fournir du porno aux hommes qui vivent dans les zones densément peuplées du Brésil et de l’Inde », explique Dines. « Si vous avez un seul ordinateur portable dans la famille, l’homme ne peut pas s’assoir au milieu du salon et se masturber. Avec un téléphone, le porno devient portable. L’enfant moyen regarde son porno sur son téléphone mobile ».

L’ancienne industrie du porno, qui engrangeait de l’argent grâce aux films, est morte. Les éléments de la production ne génèrent plus de profits. Les distributeurs de porno engrangent la monnaie. Et un distributeur, MindGeek, une compagnie mondiale d’informatique, domine la distribution du porno. Le porno gratuit est utilisé sur internet comme appât par MindGeek pour attirer les spectateurs vers des sites de pay-per-view (paye pour voir). La plupart des utilisateurs de ces sites sont des adolescents. C’est comme, explique Dines, « distribuer des cigarettes à la sortie du collège. Vous les rendez accrocs. »

« Autour des âges de 12 à 15 ans vous développez vos modèles sexuels », explique-t-elle. « Vous attrapez [les garçons] quand ils construisent leurs identités sexuelles. Vous les marquez à vie. Si vous commencez par vous masturber devant du porno cruel et violent, alors vous n’allez pas rechercher intimité et connectivité. Les études montrent que les garçons perdent de l’intérêt pour le sexe avec de véritables femmes. Ils ne peuvent maintenir des érections avec des vraies femmes. Dans le porno il n’y a pas de « faire l’amour ». Il s’agit de « faire la haine ». Il la méprise. Elle le dégoute et le révolte. Si vous amputez l’amour vous devez utiliser quelque chose pour remplir le trou afin de garder le tout intéressant. Ils remplissent ça par la violence, la dégradation, la cruauté et la haine. Et ça aussi ça finit par être ennuyeux. Il faut sans cesse surenchérir. Les hommes jouissent du porno lorsque les femmes sont soumises. Qui est plus soumis que les enfants? La voie du porno mène inévitablement au porno infantile. Et c’est pourquoi des organisations qui combattent le porno infantile sans combattre le porno adulte font une grave erreur. »

L’abus inhérent à la pornographie n’est pas remis en question par la majorité des hommes et des femmes. Regardez les entrées du film « cinquante nuances de grey », qui est sorti la veille de la saint valentin et qui prévoit d’engranger plus de 90 millions de $ sur ce week-end de quatre jours (avec la journée du président de ce lundi).

« La pornographie a socialisé une génération d’hommes au visionnage de tortures sexuelles’, explique Dines. Vous n’êtes pas né avec cette capacité. Vous devez être conditionné pour cela. Tout comme vous conditionnez des soldats afin qu’ils tuent. Si vous voulez être violent envers un groupe, vous devez d’abord le déshumaniser. C’est une vieille méthode. Les juifs deviennent des youpins. Les noirs des nègres. Les femmes des salopes. Et personne ne change les femmes en salope mieux que le porno. »

Chris Hedges

Stolen Futures de Vahe Abrahamyan (2015)

 

 

Lot : Pollution, collusions, corruption... le SYDED au coeur d'un système ?

 

 

Sources : Le Lot en Action de mars et avril 2015 (n°88 et n°89), par El Rebelde, mis en ligne le 31 mars 2015

 

Un haut-lieu de la délinquance environnementale  « le plateau des Matallines » à Crayssac

image: http://www.lelotenaction.org/medias/images/info-lot-pollution-crayssac.jpg?fx=r_550_550

Info lot pollution crayssacDepuis près de 15 ans une doline de plus de 5 hectares sert de dépotoir en tous genres entre la D 811 et la D6 dans un No man’s land aux confins des communes d’Espère, de Crayssac, de Nuzéjouls et de Catus. D’autres activités développées sur ce site ne semblent pas non plus être conformes à la réglementation.

 

Cette décharge illégale recèle des produits hautement toxiques comme des déchets amiantés (notre photo).

Les lieux sont approvisionnés par des matériaux émanant des carrières proches et du SYDED voisin, mais pas seulement…

L’impluvium constitué par le plateau des Matalines alimente directement par les drains karstiques la source captée de Caillac et diverses sources de la vallée du Vert.

Le GADEL a déposé deux plaintes auprès du parquet de Cahors, plaintes qui ont été classées sans suite.

Les démarches d’intervention auprès des préfets successifs se sont heurtées à la passivité des représentants de l’État. Récemment encore des promesses ont été faites d’inspections imminentes par la DREAL et l’ARS mais les résultats se font attendre….

Le dernier classement a fait suite à une conciliation à laquelle le plaignant n’a pas été convié et qui a débouché sur une demande de régularisation de la part du procureur.

 

 

Plateau des Matalines à Crayssac-Catus, les pollution se pérennisent

 

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Info lot pollution crayssac syded webIl y a quelques mois, le stock de déchets organiques en compostage du SYDED prenait feu pour la deuxième fois depuis la création du centre de traitement des déchets…

 

Les produits ont été évacués et déposés sur la commune de Crayssac voisine en deux points : une parcelle sise au lieu-dit « les Combes » et une plate-forme située au carrefour des D811 et D6 au lieu-dit « les Grands Camps » (notre photo).

Dans le premier cas, le préfet du Lot a aussitôt signifié au propriétaire, par arrêté préfectoral de mise en demeure, de régulariser la situation administrative de l'installation de stockage de déchets conformément aux exigences du Code de l'environnement. Sur le second secteur, aucune décision administrative apparentée à la précédente.

Le Groupement Associatif de Défense de l'Environnement du Lot (GADEL) s'en est inquiété en saisissant l'autorité compétente, d'autant plus que ce site fonctionne de façon totalement illégale depuis l'été 2003 ! Des travaux de comblement d'une doline de plusieurs hectares ont cumulé, depuis plus de dix ans, des déchets en tous genres, certains fortement toxiques, risquant de provoquer, par le cheminement des conduits karstiques, des pollutions de sources en Vallée du Lot (Caillac) et Vallée du Vert voisines. En outre divers produits bruts de carrières sont stockés et plusieurs scies à pierres fonctionnent sans protections (sécurité, poussières, bruit).

Le GADEL travaille sur ce dossier depuis l'origine. Suite à sa dernière plainte, le Parquet a classé l'affaire et mandaté la Direction Départementale des Territoires (DDT) pour organiser la régularisation de la situation. Depuis lors, non seulement la réhabilitation ne se fait pas, mais les déchets arrivent toujours...

Les autorités en sont tenues informées régulièrement.

Et personne ne bouge...


En savoir plus sur http://www.lelotenaction.org/pages/content/archives/pollution-collusions-corruption-le-syded-au-coeur-d-un-systeme.html#Gf6l1tj5oz0CFlzV.99
 
 

Réflexion sur la violence, par AKHENATON

 

" Il y a quelques jours, je regardais un documentaire dans lequel était interviewé un jeune homme qui participait à la fameuse "marche des beurs" en 1983. Un de mes fils, qui a 18 ans, me fit remarquer que ce jeune homme s'exprimait extrêmement bien, clairement et connaissait parfaitement son sujet. Je lui répondis que dans ces années là, les jeunes des quartiers étaient politiquement "conscientisés", qu'ils étaient capables de s'organiser au delà d'émeutes tiers-mondistes, et qu'ils pensaient en conjuguant tous les verbes avec "nous". Et pour moi, voilà le terrible changement auquel nos sociétés, principalement urbaines, doivent faire face : l'ultra-individualisme...

Et le 11 septembre 2001 a scellé le côté irréversible de ce changement, car le premier support culturel de notre pays qu'est la télévision a complètement basculé dans un flot d'informations tragiques et effrayantes, de publicités rassurantes et de téléréalité absurde. L'information se délecte de faits divers violents qui étaient cantonnés aux colonnes de la sixième page du journal local il y a 30 ans. Et tous les Français se disent," mon Dieu, que ce pays est devenu violent !". Violent ? Des aînés me racontaient l'autre jour comment ils se battaient dans les années 60, à 400 gars contre 400 bougres, ou à l'époque des "blousons noirs", comment le public s'affrontait à coup de chaises et de barres de fer pendant un concert de... Johnny ! Cela renvoie le grand méchant "gangster rap" français, si souvent décrié, dans la catégorie "musique pour enfants", si ça se passait aujourd'hui, ces "bastons" feraient la une du JT de 20 heures, et pour peu que les protagonistes soient des "caïds de cité - noirs - arabo - musulmans - armés jusqu'aux dents", on en aurait pour 6 mois...

Effectivement, les gamins des quartiers n'ont majoritairement plus aucune conscience sociale, ni politique. Ils veulent ressembler à "monsieur tout le monde", mais version riche. Car les formidables émissions télé qu'ils affectionnent leur rabâchent que l'apparence est primordiale, la forme l'emporte sur le fond. Du coup, ils veulent la femme avec la parfaite plastique, l'appart, la grosse voiture, les vêtements chers, et si possible: la rolex... Et si certains d'entre eux sont délinquants pour pouvoir accéder à leur idéal, ce ne sont pas des "robin des bois", ce sont des délinquants ultra-libéraux.

Ah... pour s'intégrer, ils se sont bien intégrés! Puis, lorsqu'ils s'aperçoivent que le modèle libéral ne fonctionne pas pour tous, ils partent en quête d'un idéal des origines, qu'ils ne connaissent pas pour la plupart, et le trouvent dans la voie des interprétations extrêmes car c'est la seule qui les valorise à leurs yeux, c'est la désintégration.

Dans tous ces changements de cap, les maître-mots sont "s'en sortir". Seul. Les réseaux sociaux sont là pour l'attester, tout comme les forums, les commentaires correspondent souvent à un gonflement de l'égo. Un quotidien coincé entre clics, buzz, tweets, et vues...

D'un autre côté, chez certaines personnes qui vivent un rêve gauchiste en habitant dans le 19ème à Paris ou au Panier à Marseille, qui vont aux "sardinades" comme les prolos, et qui nous distillent à nous les gens du Hip-Hop, des leçons de comportement à longueur de temps, on ne fait aucun effort pour cerner cette jeunesse. Puis vient la tarte, bien lourde, un dimanche, en rentrant chez soi, et on se fait voler son portable dans la foulée, les dangers du 19ème n'est-ce pas ? Ils étaient de gauche... jusqu'à l'agression.

Pour finir, dans cette France "profonde" ou on se jalouse, ou on vole la veste du petit camarade de son fils sur le portant de l'école maternelle tout en pestant contre les immigrés, ou on se délecte de voir des "stars" déchues de la télévision s'exploser dans une piscine en sautant de quinze mètres, on est convaincu que le pays sombre dans la violence. Oui, toute cette violence exhibée dans les médias est un formidable outil promotionnel, elle engendre la peur et la peur engendre la division, le désir de sur-consommation et la désignation de "l'autre" comme coupable d'une hypothétique situation critique. On s'isole, on essaie de "faire son trou" et les nouvelles valeurs télé-réalité-esques nous disent qu'on peut tricher, dénoncer, critiquer, faire des sale coups : c'est cool ! C'est le jeu ! Chacun sa mère comme on disait quand on était minots ! En bout de chaîne, les hommes et femmes politiques se sont adaptés à ce système, ils "squattent" les antennes radio, télé à tel point qu'on a le sentiment que c'est cela leur boulot finalement. Non, leur boulot c'est d'exécuter les tâches qu'ils ont promis d'accomplir quand ils ont été élus, à moins qu'ils ne travaillent depuis un bureau à BFM, i>Télé ou RTL... Auto-promo permanente... Il faut savoir se placer.

Dans tout ce chaos, je ne sais même pas ou me situer, je ne dis pas que je suis meilleur, je tombe certainement dans un de ces cas de figure parfois. Mais j'essaie de lutter contre, de penser au pluriel, éduquer mes enfants correctement, exprimer mon amour aux miens quotidiennement et faire des choses qui me semblent bien autour de moi constitue un premier pas. J'espère en tout cas, que notre beau pays dans les espoirs, les luttes et les épreuves qui l'attendent, conjuguera son futur avec "nous"..."

 

 

 

 

Round-up : on peut en boire dit un lobbyiste de Monsanto

 

Round-up : Aidez nous à interdire ce poiSon d'avril !

 

En ce premier avril, certaines traditions ne doivent pas se perdre.

Nous avons donc décidé de fêter à notre manière le poisson d'avril... Le Round-up, l'un des pesticides les plus utilisés en France, pollue notre air, notre eau, notre alimentation, notre santé.

Agir pour l’Environnement a donc décidé de « polluer » le site internet de round-up.

Le Roundup, dont la substance active est le glyphosate, vient d'être classé par l'Organisation Mondiale de la Santé, comme "cancérigène probable pour l'Homme".

Aidez-nous à interdire, le Roundup, ce poiSon d'avril en signant la pétition initiée par Agir pour l'Environnement :

http://stop-roundup.agirpourlenvironnement.org/

 

 

09:23 Publié dans AGIR | Lien permanent | Commentaires (0)

26/03/2015

REVUE NOUVEAUX DÉLITS - NUMÉRO 51

  

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C’est un numéro qui sent l’anisette, non ? Et pourtant l’été est loin, le printemps encore frileux, faut dire que ce n’est pas jojo l’ambiance, on s’attendrait presque à ne voir fleurir que des rosettes tricolores … La peur est depuis toujours une arme de persuasion massive. Il y a de la confusion, beaucoup de confusion dans l’air en ce moment, de menteries et de récupérations, tellement que ça donne envie de se taire pour ne pas en rajouter, se taire et prendre suffisamment de recul pour être capable de sourire encore à l’inconnu, de lui faire confiance, de lui ouvrir sa porte et l’inviter à boire un café bien noir ou un thé bien à la menthe, ou un coup de rouge bien biodynamique, ou une anisette tiens, pourquoi pas ? Même si l’été n’est pas encore là, que le printemps retient sa sève, sachant que même le vert, ça ne plait pas, au point qu’on lui fout du lisier plein la face à ce pialut* avec ses clochettes et ses fleurettes et toutes ces couleurs éclatantes, prêtes à s’exhiber sans pudeur. Donc, se taire oui, fermer sa bouche et déployer sa plume, car il y a bien « trop de chefs et pas assez d’Indiens », alors déployer sa plume, son art, sa syntaxe, sa différence et l’afficher bien haut, paf dans la cible-ciel, qu’il en pleure de joie pour arroser tout le monde, même les cons qui eux aussi ont la plume haute, la plume au fion.

c.g.

 

*un pialut est un terme dérivé de l’occitan pelut « poilu » utilisé dans le Quercy (pelut dans le Tarn) depuis les années 70 pour qualifier sans grande sympathie les babos à barbe et cheveux longs et aujourd’hui les néo-ruraux à tendance écolo quel que soit leur degré de pilosité… et sans forcément plus de sympathie.

 

 

 

L'ennemi est con, il croit que c'est nous l'ennemi

alors que c'est lui.

Pierre Desproges

 

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AU SOMMAIRE

 

 

Délit de poésie :

 

Hommage aux Ombres Vives d’Enrico Bertoncini

Blue star de Nicole Barromé

Jean-Louis Llorca

Annabelle Verhaeghe

Sang d’encre (extraits) de Sadoun Nakib

 

Délit piquant : Épingler les papillons de Louise Sullivan

 

Délit salant : L’océan par la vitre de Jean-Baptiste Pedini

 

Délit d’homo bellicus : Les appâts rances de Jean Gédéon

 

 Mots sur les mots du poème de Michel Host en écho à l’édito du n°50

 

 

Résonance : Le mémo d’Amiens de Jean-Louis Rambour, éd. Henry et Pieds nus dans R. de Perrine Le Querrec– Ed. Les Carnets du Dessert de Lune

 

 

Délits d’(in)citations fleurissent, fleurissent…  Vous trouverez au fond en sortant le bulletin de complicité dans une posture très aguicheuse mais pas encore vulgaire, malgré que ses propositions qui se veulent toujours honnêtes soient contraintes de s’aligner sur la hausse des tarifs postaux.

 

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Illustratrice : Corinne Pluchart

 

Vit en Bretagne. De mer, de vent et d'ouest.

Parce qu'un jour il y eut  rencontre,

fulgurance abrupte,

un temps de vent et de lumière vive.

Traces, signes, empreintes et tout ce qui fait chemin.

Pas de vie ni de sens sans poésie.

 

http://corinne.pluchart.over-blog.com/

 

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Oui, la vie porte l'absolu et il revient à l'homme de l'incarner ici, qui ne l'atteindra jamais.

 

Oui, la beauté, la poésie, l'amour, l'éros, la joie, la subversion, l'autonomie, l'indépendance sont des valeurs contemporaines qu'il reste à défendre.

 

Oui, le but de l'homme est l'amour, toujours plus d'amour. Oui, n'en déplaise aux marchands, aux esthètes, aux cyniques, aux épargnants, aux religieux et aux athées, la vie se conjugue dans la dépense, le don, l'ouverture, l'acceptation, la perte. Ceux qui l'osent ont appris que l'écriture est habitée de sexualité comme le ventre, et qu'il faut s'y enfoncer avec la même ardeur que les consonnes masculines fouaillent la béance des voyelles dans la phrase. C'est au prix de cette conscience-là, et de l'enjeu qu'elle représente, que l'esprit circule entre les lettres et porte le souffle.

 

Les poètes le savent, les prophètes et les saints : que les mots sont aussi sexuels que le corps des femmes et que le souffle les fécondent s'ils se laissent épouser.

 

 Lorette Nobécou

 

in La clôture des merveilles: Une vie d'Hildegarde de Bingen

 

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Silo de Hugh Howey

 

traduit de l’anglais (USA) par Yoann Gentric et Laure Manceau

Babel (Actes Sud) , novembre 2014

 

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622 pages, 9,90 €  

 

Silo est un roman d’anticipation (le premier tome d’une trilogie déjà publiée par Actes Sud dans la collection Exofictions en 2013-2014 et qui passe donc là en version poche). C’est aussi au départ une autoédition via amazon qui a fait donc blockbuster comme on dit en jargon outre-Atlantique, mais il n’est pas difficile d’admettre que quand on est entré dans Silo, on ne peut plus en sortir. Les plus de 600 pages nous tiennent en haleine, si bien qu’on ne focalise pas sur quelques défauts qui pourraient venir se glisser dans la trame. A vrai dire, on peut chipoter, trouver quelques facilités, incongruités, mais l’ensemble est juste vraiment prenant et le principal moteur ici pour poursuivre la lecture et le plaisir quasi enfantin, au sens noble sens du terme, qu’on y prend.

Le silo semble être le dernier lieu habité de la Terre, dont l’atmosphère suite à on ne sait quelle apocalypse est devenue totalement irrespirable. Dans ce silo immense, des générations se sont succédé, en totale autonomie énergétique et très organisées. Chacun y a sa fonction mais ça ne semble pas contraignant au premier abord. La procréation y est sous contrôle, tout est sous contrôle, sous la supervision d’un maire, un shérif et son adjoint. 130 étages, un seul escalier central en acier et des mines encore plus bas, le tout enterré.

Il y a de l’eau, de l’électricité, des jardins où le corps des décédés vient servir d’engrais, hôpital, nursery, ateliers, bureaux, écoles et au tout dernier étage supérieur, outre les bureaux du maire et shérif, une cafétéria et un salon adjacent, avec un grand écran sur lequel des caméras extérieures envoient les images du monde de la surface : un désert stérile, balayé par des vents violents, un ciel toujours gris traversé de lourds nuages.

Au loin on devine les ruines des hautes tours d’une ancienne grande cité, mais plus personne ne sait qui y a vécu, ni quand. Dans la mémoire collective, subsistent cependant quelques histoires d’insurrections à l’intérieur même du silo et parfois l’envie de sortir s’empare de l’esprit d’un habitant au point de lui faire prononcer des paroles taboues ou commettre des actes répréhensibles. Pour ceux-là le vœu est exaucé. Ils sont arrêtés, mis en cellule puis autorisés à sortir via un sas hautement sécurisé, revêtus d’une combinaison intégrale spéciale, censée les protéger au maximum des mortelles toxines de l’atmosphère extérieure, au moins le temps de nettoyer les caméras qui s’y trouvent. Mais c’est une sortie sans retour. Chaque lendemain de nettoyage est un jour spécial pour tous les habitants du silo, et même ceux des étages les plus inférieurs remontent à cette occasion pour « admirer » la vue, grâce aux caméras débarrassées pour quelque temps de leur couche de poussière et de crasse. Au fond, chaque nettoyage, chaque combinaison qui se veut plus élaborée, plus fiable que la précédente, est l’occasion pour chacun de caresser en secret un espoir : « Cet espoir mortel et inexprimé qui vivait en chaque habitant du silo. Un espoir ridicule, fantastique. L’espoir que, peut-être pas pour soi, mais pour ses enfants, ou pour les enfants de ses enfants, la vie au-dehors redevienne un jour possible (…) ».

Le nettoyage, c’est ce qui est arrivé à la femme du shérif Holston et cela le hante depuis nuit et jour. Il n’arrive pas à comprendre pourquoi sa femme est soudain devenue comme folle. Qu’avait-elle découvert pour souhaiter sortir et aller ainsi au-devant d’une mort certaine. Car les corps des nettoyeurs qui succombent tous au bout de quelques pas après avoir nettoyé les capteurs, gisent ci et là parmi les collines, comme autant de preuves que la vie dehors est impossible. Alors pourquoi vouloir sortir ? Et pourquoi tous sans exception, alors que certains même avaient dit qu’ils ne le feraient pas, pourquoi tous sans exception effectuent ce nettoyage ? Le doute s’insinue, ce fameux doute tabou, qui ronge Holston au point qu’il finira par suivre les traces de sa femme.

Le cœur névralgique du silo se trouve au trente-quatrième étage, c’est le DIT, là où sont tous les serveurs, « leurs mémoires se rechargeant lentement de l’histoire récente après avoir été complètement effacées lors de l’insurrection ». C’est l’étage le moins peuplé du silo, « moins de deux douzaines d’hommes et de femmes – mais surtout d’hommes – y opéraient, au sein de leur propre petit royaume». Le DIT a son propre service de sécurité interne. On ne peut y entrer sans autorisation. Y officient des techniciens, informaticiens et des scientifiques dans les laboratoires où sont fabriquées les épaisses combinaisons des nettoyeurs.

Voilà donc posés le décor et le début de cette dystopie aux innombrables rebondissements, qui raconte également beaucoup de choses sur le fonctionnement de l’humanité. Il serait vraiment dommage d’en révéler plus, mais il faut savoir que pas une seule page ici n’est superflue, que l’auteur a une vraie maîtrise de l’intrigue et de la narration, c’est à la fois simple et redoutablement efficace. Cette façon de vivre en vase clos et cette organisation verticale peuvent rappeler les tours des monades urbaines de Silverberg, mais la comparaison s’arrête là, Silo a vraiment sa propre originalité. Le savoir-faire et le génie des travailleurs manuels y sont fortement mis en avant, ceux du département des Machines, qui vivent et travaillent tout en bas, aux étages les plus inférieurs. C’est d’ailleurs une femme, Juliette, qui veut qu’on l’appelle Jules, qui travaille là avec les graisseux depuis de longues années sans jamais remonter, qui sera pressentie, à la demande de l’adjoint et de madame la Maire, pour hériter de l’étoile de shérif et succéder ainsi à Holston. Mais Juliette ne serait-elle pas porteuse de ce virus qui pourrait contaminer tout le silo ? Le directeur du DIT ne semble pas prêt en tout cas à donner son aval pour ce choix du nouveau shérif.

Juliette a du génie, elle est obstinée, fière, indépendante, elle a le goût du risque et de la liberté, et surtout un incroyable don de survie : tout ce qui pourrait mettre en péril l’équilibre du silo…

 

Cathy Garcia

 

 

 

hugh howey.jpgHugh Howey est né en 1975. Successivement capitaine de yacht et de voyage, puis employé dans une librairie universitaire, il vit désormais en Floride. Véritable phénomène éditorial, Silo (Actes Sud, 2013) s’est déjà vendu à plus de 500 000 exemplaires aux États-Unis et a été traduit en vingt-quatre langues. Suivent Silo Origines et Silo Générations (Actes Sud, 2014).

 

 

Note parue sur http://www.lacauselitteraire.fr/

 

Vient de paraître aux Ed. Gros Textes

 

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30 essais de décollage du réel

1993-2013

 

Il y avait au fond de ma valise, un vieux brouillon, une veste d’homme, une bouteille, quelques fantômes et leurs bleus désirs de méharées. C’est de bon cœur que je m’apprêtais à les suivre, hélas, monsieur, en guise de départ, j’entendis pleurer les bombes et je vis l’automne passer sous les rails. Oui Monsieur ! J’ai donc ôté mes souliers et j’ai même ôté mes pieds avant de me glisser, sans rien de plus à dire, sous cet atome de soupir où vous m’avez trouvée.

 

 

  

40 pages au format 14 x 21

orné de 12 pleines pages couleur avec des illustrations de l’auteur

imprimé sur papier bouffant munken 90 g

ISBN : 978-2-35082-273-0

 

9 € (+ 2 € de port – port compris à partir de l’achat de 2 exemplaires)

 

Commande à :

Gros Textes

Fontfourane

05380 Châteauroux-les-Alpes

(Chèques à l’ordre de Gros Textes)

 

 

 

 

25/03/2015

Souriez vous les uns les autres

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The lie we live par Spencer Cathcart

 

partagez !!!

 

 

« Le Mitan du Chemin 2015 » 11 et 12 avril

L’association Lou libre per tutei,

en partenariat avec l’association Gangotena

et la participation de l’association Couleurs de la Méditerrannée 

« Le Mitan du Chemin 2015 » 11 et 12 avril

Festival international de poésie à Camps-la-Source, dans le Var, en Provence Verte, à l’occasion du Printemps  des poètes  Poètes invités   

Alain LacouchieAlbertine Benedetto, Annie BrietAntoine SimonBéatrice Machet, Claudine Bohi, Dominique Sorrente, Eva-Maria Berg (Allemagne), Gabriel Saad (Uruguay), Gilbert Conan,  Ivan Dmitriev, Jean-Claude Villain, Jean-Louis ClaracJean-Luc PouliquenJean-Pierre Thuillat, Jean Poncet, Luc VidalMartine Morillon-CarreauPilar Gonzales (Espagne), Serge Baudot, Sergio Laignelet (Colombie)

Programme  du Festival 1
Programme du Festival 2
Affiche du Festival
Musique et Poésie avec Renat Sette

Julio Olaciregui, poète colombien, qui a participé au Mitan du Chemin 2014, présentera au Marché de la poésie de notre Festival son premier ouvrage publié en français, Parfois danse (jours de tam-tam) – journal métisse (éditions Villa-Cisneros 2015) – Julio revient pour faire un reportage (il est un ancien journaliste à l’AFP).  

Sergio Laignelet, poète colombien, des nôtres cette année, présentera son premier recueil en édition bilingue, Cuentos sin hadas – Contes à l’envers (éditions Villa-Cisneros 2015, traduction de Rémy Durand ).

Les éditions Villa-Cisneros (en partenariat avec l’Alliance Française de Quito) présenteront aussi le recueil du poète équatorien Augusto Rodriguez, en édition bilingue, El libro de la enfermedad, Le livre des fièvres (traduction de Rémy Durand)

 

Site internet : http://remydurand.com/

 

 

 

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Le Cinéma Solaire

Le cinéma Solaire est une association loi 1901 basée dans le Lot près de Cahors. C’est un éco-cinéma itinérant qui se déplace en France et en Europe. Nous diffusons des films en plein air : campagnes, quartiers, places publiques, dans des lieux où le cinéma est absent. Nous ne fixons pas de prix à nos séances, elles sont toutes à prix libres, ainsi chacun peux participer à hauteur de ses moyens. Une crêperie nous suit sur toutes nos dates. Tout le matériel électrique du cinéma est alimenté grâce à l’énergie solaire. Les films diffusés traitent de thématiques sociales telles que la protection de l’environnement, l’exclusion sociale, la consommation, le racisme, etc. Pourquoi projeter des films à thématique sociale ? Nous partons du constat que notre monde ne tourne pas rond dans tous les secteurs. Nous sommes convaincus que si l’on continue dans ce sens, le monde de demain va à sa perte. Mais il n’y a pas besoin de chercher loin dans le futur, c’est aujourd’hui que rien ne va. Les films que nous diffusons ont souvent deux volets : une analyse critique d’une situation et une réflexion sur les alternatives possibles. Nous rejetons la culture de la télé, qui dans son ensemble propose des programmes vides de sens. Nous voulons participer à l’éveil des consciences sans nous placer au dessus des spectateurs. Nos films laissent chacun penser, à sa manière. Nous favorisons les débats et discussions à la fin de nos séances.

Retrouvez l'équipe du cinéma solaire le 1er juillet, avec une séance e courts-métrages en partenariat avec l’association KINOMAD au bar « Le Cochon Tigre » à Cahors. Et du 3 au 5 juillet au festival de theatre de rue de Lherm, en association avec « Le Bar à Trucs’ (bar associatif) et le Cinéma Solaire.


http://cinemasolaire.com