Le texte lu correspond à un collage de poèmes d'
Abderrahmane Lounes,
Rachid Boudjedra,
Lâadi Flici,
Youcef Sebti,
Abdelhamid Laghouati,
Jean Sénac,
et Hamid Tibouchi.
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traduit du chinois par Isabelle Rabut et Angel Pino, Actes Sud octobre 2014
272 pages, 22 €
Le septième jour est un récit étrange, envoûtant, d’un humour délicat qui joue avec l’absurde et d’une grande tristesse, qui fait le va et vient entre les souvenirs d’une vie dans l’ici-bas et la douceur et la fantaisie poétique d’un au-delà. Sous cette apparence inoffensive, c’est surtout une façon de pointer les inégalités et les problématiques de la société chinoise contemporaine. Un récit découpé en sept chapitres, du premier au septième jour après la mort du narrateur, ce qui rappelle forcément les sept étapes de la création du monde dans le mythe biblique, mais s’inspire aussi de croyances traditionnelles chinoises à propos des sept jours pendant lesquels, après sa mort, l’âme du défunt erre autour de sa maison avant de rejoindre sa sépulture.
Yang Fei, le narrateur, meurt à la suite d’une explosion accidentelle dans un restaurant. C’est alors que la morgue l’appelle pour lui dire qu’il est en retard pour son incinération et qu’il doit se dépêcher d’arriver. Ainsi débute son errance dans cette nouvelle dimension, de l’autre côté de la très fine membrane qui sépare le monde des morts de celui des vivants. Tout au long, il va se remémorer sa vie passée, mais aussi celle de ses proches et de personnes qu’il a croisées de son vivant. Il en retrouvera beaucoup en un lieu singulier, un lieu qui ressemble à l’idée qu’on pourrait se faire du paradis, mais qui est en fait le lieu où tous ceux qui n’ont pas de sépulture et ne peuvent donc pas être incinérés, se rassemblent. Il y a aussi tous ceux qui, à leur mort, étaient seuls au monde et qui comme Yang Fei, portent le deuil d’eux-mêmes. Dans cet entre-deux, certains sont encore dans l’attente et l’espoir d’avoir, comme les nantis, une sépulture et gagner ainsi le repos éternel, mais la plupart s’est fait à l’idée de rester là, parmi les arbres et les herbes.
« Ici errent de tous côtés des silhouettes sans sépulture. Ces formes qui ne peuvent trouver un lieu de repos ressemblent à des arbres en mouvement. Tantôt ce sont des arbres isolés, tantôt des pans de forêts. »
Car le monde des morts est organisé un peu de la même façon que celui des vivants, en différentes couches sociales, à la différence que le conflit n’y existe pas, tout y est doux, apaisé et chacun à sa place y accepte son sort. Repos éternel avec une surenchère dans les plus belles tenues funéraires, les plus belles urnes et les plus belles sépultures ou séjour sans finalité dans un entre-deux où la chair finit par se détacher et tout le monde se ressemble dans sa plus intime intimité : le squelette.
« Leur sourire ne se lit plus dans l’expression de leur visage, mais dans leurs orbites vides, parce que leur visage n’ont plus d’expression. »
Dans ce monde de l’entre-deux, le narrateur tente de retrouver son père, cheminot retraité, qui très malade avait quitté la maison sans prévenir, pour éviter de peser matériellement sur son fils, alors que la vie était déjà si difficile. Ce fils adoptif qu’il avait recueilli et sauvé alors qu’à peine né, Yang Fei venait de tomber sur une voie ferrée, via le trou des toilettes d’un train de passage. Ce récit est aussi une formidable histoire d’amour entre un père et un fils non unis par un lien de sang et de nombreux autres portraits de personnages bouleversants d’humanité et d’humilité aussi, dans une société qui entre communisme libéral et lambeaux d’une très ancienne Chine traditionnelle, supporte à son sommet un pouvoir brutal et écrasant.
« Je suis à la recherche de mon père, ici, parmi la foule des squelettes. J’éprouve un sentiment bizarre. Ici, il y a des traces de lui, je les sens même si elles sont aussi évanescentes que le cri de l’oie déjà enfuie, comme la sensation de la brise passant dans les cheveux. »
Le sentiment d’étrangeté qui découle de ce roman est en grande partie dû au contraste entre la douceur, la délicatesse, la très grande beauté du récit et la rudesse de cette réalité sociale dans laquelle il prend place. Une façon originale pour l’auteur d’en brosser le portrait.
Cathy Garcia
Né en 1960 à Hangzhou (Zhejiang), Yu Hua a commencé à écrire en 1983. Il a reçu en 2008 le prix Courrier international du meilleur livre étranger pour Brothers. Son œuvre est disponible en France aux éditions Actes Sud, qui ont notamment publié Le Vendeur de sang (1997 ; Babel n° 748), Un amour classique (2000 ; Babel n° 955) et Vivre ! (Babel n° 880, adapté au cinéma par Zhang Yimou, Grand Prix du jury au Festival de Cannes 1994).
Note parue sur http://www.lacauselitteraire.fr/
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12:11 Publié dans FILMS & DOCUMENTAIRES A VOIR & A REVOIR, NUCLEAIRE | Lien permanent | Commentaires (0)
par Jean et Victor de la Coordination Antinucléaire du Sud Est (France).
AREVA a porté plainte contre la Coordination.
12:07 Publié dans NUCLEAIRE | Lien permanent | Commentaires (0)
(photo : http://www.harakiri-choron.com/)
Toujours, quand un cycle finit et que commence un autre, les gens souhaitent et espèrent la paix et l’amour.
Ce nouveau cycle 2015 a commencé terriblement. L’attaque au journal Charlie Hebdo a laissé tout le monde choqué. Et, incompréhensiblement, l’assassinat des 12 personnes est passé pour une motivation religieuse, comme c’était possible d'assembler religion et haine. Les religions parlent d’amour, enseignent l’amour et ses fidèles vivent l’amour.
Parfois, l’amour est exprimé par la poésie. Une poésie qui n'est pas toujours présente dans notre quotidien. À cause de notre vie troublée, de l'agitation pour des choses qui n’ont pas d'importance, nous fermons nos antennes à l'aspect poétique de la vie. La poésie n’est pas de ce monde. Donc, elle ne devrait pas être comprise par des instruments de ce monde. Elle transcende la matérialité, le concret de la vie, demeure régions subtiles - et vrai - de l'être. La poésie parle de valeurs éternelles, si réelles. La poésie se mêle avec le mysticisme.
Un poète persan du XIIIe siècle a parlé d'amour par la poésie comme personne ne l'avait fait, d’une façon profonde et mystique. Mohammad al-Dîn Jalâl Balkhi, ou simplement Rumi, a parlé d’amour, et quand ce sentiment l'envahissait entièrement, il ne pouvait faire qu’une chose : le silence. Beaucoup de ses poèmes finissent comme ça : un appel au silence, une invitation pour entendre le son des autres sphères. Une extase méditative.
Rumi est considéré comme l'un des plus incandescant mystique de l'islam spirituel, ou soufisme. Un grand poète de la tradition persane et arabe.
Pour célébrer la rencontre avec son maître, Shams de Tabriz, qui lui a donné accès à la contemplation de l'invisible, Rumi a écrit un ouvrage avec plus de cinq mille poèmes. Dans le "Divan de Shams de Tabriz" la beauté et la force des poèmes reflètent l'intensité de cette réunion et l'expérience mystique partagée entre les deux. Et dans la lecture de ses poèmes, nous pouvons aussi sentir le reflet de leurs découvertes et de leurs extases intérieures - et entrer en extase avec lui.
Ses poèmes sont le miroir de son âme et ils nous invitent à le suivre dans ce monde plus réel que le monde matériel, le monde des archétypes, que les mystiques perses appellent monde imaginal. L'amour de qui parle.
Rumi est le vrai amour, une lucarne vers les profondeurs du soi. Il est l'infini du ciel, un océan sans rivages.
Une poésie des troubadours, Fedele d'amore, pour la qualité de l'allégorie où le divin, se transforme en amour humain. "Soyez attentifs aux subtilités qui ne se produisent pas en paroles. Comprenez ce qui ne se laisse pas capturer par la compréhension intelectuelle", dit un de ses poèmes. Rumi est capable d'entrer, au même temps, dans les sphères de la création divine et poétique. En parlant de cette fonctionnalité de troubadour, Henri Corbin dit "l'amour humain (Eros) donne accès au tawhil ésotérique parce-que l'amour est la seule expérience réelle capable de nous conduire à prévoir et parfois réaliser l'unité de l'amour, de l’amoureuse et de l'aimé. "
Comme Rumi a conçu des poèmes originaux avec des images de grande densité symbolique, sa poésie rappelle ce que TS Eliot appelle "poésie métaphysique". Comme il parle de la danse et de la poésie des cercles et des sphères, il lui est attribué la création de l'ordre Mevlevi, les derviches tourneurs. Mais en fait, c'est son fils, Sultan Walad, le créateur de cet ordre.
Rien ne se compare à la sensation de se joindre à d'autres sphères avec lui. C’est d’amour dont le monde a besoin.
“L’amour est un océan infini,
Dont les cieux ne sont qu’un flocon d’écume
Sache que ce sont les vagues de l’amour,
Qui font tourner la roue des cieux
Sans amour le monde serait inanimé.
Chaque atome est épris de cette perfection
Et se hâte vers lui.
A chaque instant retentit de tous côtés l’appel de l’amour.
Si ce n’avait été par pur amour
Comment aurais-je donné aux cieux l’existence ?
J’ai élevé cette sublime sphère céleste
Afin que tu puisses comprendre la sublimité de l’amour.”
(Rumi)
“Je ne suis pas de cet endroit
Ici, je suis un étranger et je marche aveuglément. ”
(Rumi)
“Sois attentif aux subtilités
Qui n’ont pas lieu en paroles
Comprend ce qui ne se laisse pas
Capturer par la compréhension.
Dans le cœur de pierre de l'homme
Brûle le feu qui fait fondre la voile de haut au bas.
romp le voile,
Le cœur découvre les histoires de Hydr
Et toute la connaissance qui vient de nous.” (Rumi)
http://www.babelio.com/auteur/Djalal-od-Din-Rmi/14209
Iara Borges, aux Urbains de Minuit
13:56 Publié dans RÉSONANCES | Lien permanent | Commentaires (0)
J'ai le plaisir d'en être avec un extrait de Mordre les temps de mort (inédit)
à lire en ligne
http://fr.calameo.com/read/002027389c3aa07d7d053
et vous pouvez commander le numéro 6 de la revue 17secondes au format papier, ici :
http://www.thebookedition.com/17secondes-n%EF%BF%BD6-de-r...
17secondes n°6
Revue de poésie contemporaine.
Janvier 2015 - Textes, images. 14,8 x 21 cm. 82 pages. Couleur.
Prix : 18 Euros.
http://revue17secondes.blogspot.fr/
10:48 Publié dans CG - PUBLICATION EN REVUES | Lien permanent | Commentaires (0)
Source : http://www.politis.fr/Juncker-dit-non-a-la-Grece-et,29890...
« Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens. », affirme notamment le président de la Commission européenne.
Intraitable. Dans un entretien au Figaro, le président de la commission européenne adresse une fin de non recevoir au gouvernement grec conduit par Alexis Tsipras. Sur l’annulation de la dette, Jean-Claude Juncker, oppose à la Grèce un « non » catégorique :
« Athènes a accepté deux plans d’ajustement (de redressement, NDLR), elle doit s’y sentir tenue. Il n’est pas question de supprimer la dette grecque. Les autres pays européens ne l’accepteront pas. »
On a connu le président de la Commission plus conciliant quand, Premier ministre du Luxembourg, il autorisait des dizaines de multinationales à s’affranchir des législations fiscales des pays membres de l’UE.
Les élections ne changent rien, affirme en substance le président de la Commission européenne. Sans prendre beaucoup de gants :
« Dire qu’un monde nouveau a vu le jour après le scrutin de dimanche n’est pas vrai. Nous respectons le suffrage universel en Grèce, mais la Grèce doit aussi respecter les autres, les opinions publiques et les parlementaires du reste de l’Europe. Des arrangements sont possibles, mais ils n’altèreront pas fondamentalement ce qui est en place. »
Vous n’êtes pas certain d’avoir compris ? « Dire que tout va changer parce qu’il y a un nouveau gouvernement à Athènes, c’est prendre ses désirs pour des réalités », ajoute encore Jean-Claude Juncker, qui lâche une phrase terrible, qui résume toutes les limites de la démocratie dans l’Union européenne :
« Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens. »
Interrogé sur la France, et notamment sur la question de savoir si la Commission va accepter d’accorder à notre pays un délai supplémentaire pour réduire le déficit à 3 % du PIB, Jean-Claude Juncker se montre également rigide et menaçant.
Rigide quand il radote le credo de toutes les Commissions : « Nous voudrions voir la France renforcer ses réformes, en nombre comme en intensité. » Selon lui, « la France soufre d’un manque de réformes dites structurelles, de réformes qui portent sur l’essentiel (…). Elle doit soigneusement examiner les faiblesses de son droit du travail ». Menaçant lorsqu’il réaffirme qu’« il n’y a pas d’autre remèdes que de la consolidation budgétaire » (sic) et n’exclut pas de sanctionner la France si son déficit n’est pas réduit : « Un pays ne peut pas échapper aux sanctions s’il ne respecte pas les règles. »
Il n’y a pas de « diktat » allemand, affirme le président de la Commission européenne. « Cette impression d’un diktat, d’une machine allemande qui laminerait toute contradiction est parfaitement erronée », soutient-il. Avant de lever un coin du voile de secret qui entoure les sommets européens : « D’autres gouvernement, parfois même socialistes, étaient beaucoup plus sévères à l’égard de la Grèce, par exemple. » Une confidence dont la véracité ne nous paraît pas contestable. Allez savoir pourquoi…
20:24 Publié dans LE MONDE EN 2015 | Lien permanent | Commentaires (0)
18:34 Publié dans AGIR | Lien permanent | Commentaires (1)
« Le soufisme n’est ni une religion, ni une philosophie. Il n’est ni déisme, ni athéisme. Ce n’est pas non plus une morale ni une forme particulière de mysticisme. Si jamais il était qualifié de religion, il ne pourrait être qu’une religion d’amour, d’harmonie et de beauté »
« La voie du Soufi est de faire l’expérience de la vie, et cependant de se maintenir au dessus d’elle, de vivre dans le monde sans permettre au monde de le posséder »
Hazrat Inayat Khan
10:44 Publié dans RÉSONANCES | Lien permanent | Commentaires (0)
Article de Libé du 6 septembre 2012
Après avoir détruit les bouddhas de Bamiyan, les tombeaux de grands saints de Tombouctou, les salafistes détruisent à présent des mausolées en Libye. De l’Afghanistan au Mali, une même rage vengeresse semble accompagner partout le triomphe de ces mouvements qui s’attaquent non seulement aux symboles de l’Occident mais aussi à ceux de l’islam traditionnel et du soufisme. C’est d’autant plus paradoxal que la charia interdit la profanation des tombes et que les visites pieuses dans les cimetières et notamment sur les tombeaux des saints font partie intégrante des actes de dévotion dans l’islam traditionnel. Mais qui sont ces salafistes ?
Il s’agit de mouvements inspirés de la doctrine du wahhabisme développée au XVIIIe siècle par le théologien Abdel Wahhab. Cette doctrine littéraliste et rigoriste a été adoptée et soutenue par Mohammed ibn Seoud, l’aïeul de l’actuelle famille régnante en Arabie Saoudite. Elle est donc devenue une doctrine officielle et un instrument idéologique utilisé pour exercer une influence sur le monde musulman. Elle a été fermement combattue par l’islam érudit des oulémas ainsi que par les théologiens soufis. Mais elle sert aussi à présent de paravent à des groupes violents et délinquants.
Ceux qui se désignaient comme wahhabites ont préféré récemment choisir le vocable plus honorable de salafistes (de l’arabe salaf, «ancêtre») évoquant les premiers temps de l’islam. Salafisme et wahhabisme sont donc issus de la même matrice, même s’il existe ici aussi des nuances nombreuses dans les mouvements qui s’en réclament.
Les oppositions doctrinales entre islam soufi et wahhabisme ont porté sur des questions décisives : unicité de Dieu, intercession, validité des actes d’adoration ou de dévotion, légitimité des écoles juridiques traditionnelles. Par exemple, tous les musulmans considèrent que Dieu est unique mais si les soufis insistent sur les attributs ou les manifestations de Dieu, les wahhabites interprètent cette unicité dans un sens exclusif et littéraliste.
Pour les soufis, le Prophète et les saints peuvent être des intercesseurs auprès de Dieu. Ils peuvent transmettre une demande de grâce, un souhait, une prière, d’où les visites pieuses sur les tombeaux y compris celui du prophète Mohammed.
Pour les wahhabites, il s’agit là d’une forme d’«associationnisme» - le fait d’associer quelqu’un à Dieu - qui est considéré comme le péché capital par excellence. D’où l’insistance et la volonté farouche de détruire les tombeaux des saints qui sont des lieux de pèlerinage et de dévotion. Cette destruction peut aller jusqu’aux livres et manuscrits jugés contraires à la doctrine wahhabite, c’est-à-dire une grande part de l’héritage culturel de l’islam. Des vieux manuscrits de poésie, de médecine ou d’histoire et de sciences sont sciemment détruits. Cette doctrine représente donc un danger pour une partie de l’héritage culturel de l’humanité. Pour les soufis, l’islam représente moins une religion particulière s’opposant à d’autres religions que la condition existentielle de l’humanité tout entière, créée par Dieu et donc «soumise» à Lui. Pour les salafistes, l’islam est une, sinon la seule, religion acceptable à l’exclusion des autres.
Le soufisme joue traditionnellement un rôle de médiation et de paix dans les conflits, y compris avec l’Occident, et reste capable de s’opposer aux salafistes sur les plans politiques et doctrinaux. Toutes ces destructions de lieux saints sont cependant loin d’être une nouveauté. La plupart des lieux historiques concernant le prophète Mohammed, sa famille et ses compagnons ont été détruits en Arabie Saoudite. Plus de 500 lieux historiques ont été rasés et c’est arrivé parfois en Bosnie après la guerre avec la Serbie quand des fonds saoudiens étaient utilisés pour des projets de reconstruction. Pour les soufis, le wahhabisme est une doctrine antitraditionnelle qui s’attache à détruire l’islam de l’intérieur en s’attaquant aux dimensions émotives, dévotionnelles et spirituelles des musulmans. Les projets de destruction les plus fous s’expriment parfois. Il en est ainsi des pyramides, du Sphinx et même du tombeau du Prophète. C’est dire le particularisme du salafisme et la nécessité de le distinguer nettement de l’islam traditionnel.
Le salafisme est une idéologie totalitaire instrumentalisant la religion, justifiant la violence et l’oppression, instaurant la peur et servant les intérêts d’Etats ou de mouvements utilisant la contrainte physique. En détruisant les tombeaux, il s’agit de tenter d’éradiquer le soufisme, visage éclairé d’un islam humaniste et ouvert, souvent considéré comme son cœur spirituel. Il s’agit de détruire la mémoire d’une civilisation faisant partie de l’héritage commun à toute l’humanité.
10:39 Publié dans LE MONDE EN 2012 | Lien permanent | Commentaires (0)
Dès l'époque Omeyyade, il y eut un islam officiel, proche du pouvoir en place et un islam légitimiste incarné par les chi'ites qui réclamaient un "juste retour des choses". Le message coranique subira dès lors beaucoup d'avatars pour culminer à l'époque 'Abbasside par une volonté de faire triompher le courant litté-raliste qui s'est non seule-ment attaché à mettre en avant l'aspect exotérique des Écritures Saintes mais en plus selon la technique de l'abrogation, s'est rangé sur les positions les plus restrictives voire répressives du message. Cette lecture littéraliste était le propre des théologiens de cour occupant des positions prédominantes dans le clergé informel de la judicature islamique.
Face à cette formalisation excessive d'une croyance basée sur l'émancipation des individus, d'autres catégories ont vu le jour pour mettre les pendules à l'heure: les philosophes et les soufis.
Les philosophes hellénisants n'avaient pas à proprement parler les coudées franches. Ils devaient promouvoir leur activité spéculative à l'ombre du dogme sous peine d'être taxés d'hérésie.
En schématisant à l'extrême, on pourrait dire que le soufisme est un ésotérisme par opposition à l'ésotérisme. Cette attitude ésotérique (batin) n'est pas fortuite, elle plonge ses racines dans le champ ouvert par le Coran. Dès lors que le soufisme représente l'aspect intérieur de l'Islam, sa doctrine est en substance un commentai-re ésotérique du Coran. Le prophète lui-même a donné la clef de toute exégèse coranique dans ses enseignements oralement transmis et vérifiés par la concordance d'intermédiaires.
Parmi ces paroles prophétiques, certaines sont fondamentales pour le soufisme, à savoir celles que le Prophète énonçait en sa qualité, non de législateur, mais de saint contemplatif, et qu'il adressait à ceux de ses compagnons qui furent, par la suite, les premiers maîtres soufis, puis celles où Dieu parla directement par la bouche du Prophète et qu'on appelle Sentences Saintes (Ahadith Qudsiya). Celles-ci relèvent du même degré d'inspiration que le Coran, mais non du même mode "objectif" de révélation; elles énoncent, du reste, des vérités qui n'étaient pas destinées à toute la communauté religieuse, mais aux seuls contemplatifs. C'est de là que part l'exégèse soufie du Coran, "se basant sur la parole du Prophète selon laquelle chaque parole du Coran comporterait plusieurs sens et sur le fait que chaque lettre a son sens (hadd) et que chaque définition implique un lieu d'ascension" (matla') 1.
Le soufisme est né pratiquement avec l'Islam, cependant le terme tasawuf n'est apparu qu'aux confins du IIe et IIIe siècles de l'hégire. Un groupe de spirituels chi'ites aurait été le premier désigné sous le nom de soufis. Parmi eux un certain 'Abdak (210/825) antérieur à Jonayd et son maître Sari al-Saqati.
La Tradition du Prophète abonde en préceptes mystiques. N'est-ce pas lui qui incita à une lecture ésotérique du Coran. Abou Hurayra disait: "j'ai gardé précieusement dans ma mémoire deux trésors de connaissance que j'avais reçu du messager de Dieu; l'un, je l'ai rendu public, mais si je divulguais l'autre, vous me trancheriez la gorge".
Après la disparition du dernier calife qui était le chef légal, théologique et mystique, l'autorité se divisa entre les jurisconsultes, les théologiens et les mystiques. Hassan al Basri (mort en 728) était probablement le premier mystique "pur" n'ayant pas de responsabilité dans la direction de l'État. C'est aussi le premier, sans doute, à avoir posé explicitement ce qu'allait être le fondement du soufisme: "Qui connaît Dieu l'aime, et qui connaît le monde y renonce" 2.
Ce renoncement est repris par Dâwad at-Tâ'i, disciple et successeur de Habib al 'Ajami (le persan) lui-même disciple de Hassan al Basri: "Fais ton jeûne de ce monde, fais ton déjeuner de la mort et fuis les hommes comme tu fuirais les bêtes" 3.
Ces principes vont inaugurer toute une lignée de mystiques qui ne vont pas se contenter de rechercher la haqiqa (vérité spirituelle permanente) au détriment de la Shari'a (la lettre de la loi divine). Au premier rang desquels Jonayd (mort en 297/909) surnommé Cheikh at-Taifa (le maître du groupe des soufis). Iranien d'origine, il reçut l'enseignement des plus grands maîtres de l'époque dont Abu Thawr al Kalbi et fût initié par son oncle Sari al Saqati. Il résida toute sa vie à Bagdad et laissa une quinzaine de traités dont Kitab at Tawhid (le Livre de l'Unicité) et Kitab al-Fana' (le Livre de l'Extinction). Il disait à propos de l'absorption mystique (al Fana'): "le soufisme, c'est que Dieu te fasse mourir à toi-même et vivre en lui" 4.
En 264/977, Hallaj fait la rencontre de Jonayd et pratique sous sa direction les exercices spirituels. Il reçoit la Khirqa (le manteau de soufi) des mains du maître. Mais dès son premier pèlerinage à la Mecque, il rompt ses relations avec les soufis ainsi qu'avec les traditionalistes et les juristes.
L'union avec Dieu réalisée grâce à l'amour était le sujet de ses prédications en public à Bagdad. Les canonistes en conçurent beaucoup de colère et l'accusèrent de panthéisme. Les soufis ne le soutinrent pas sous prétexte qu'il aurait divulgué des secrets qui ne devaient être communiqués qu'aux initiés. Hallaj avait commis la faute de rompre publiquement "la discipline de l'arcane". Les politiciens et les juristes réclamèrent une fatwa pour l'envoyer au gibet. Il fut mis à mort par un jour de printemps en l'an 922, le 24 Du'l-Qa'da.
Mais quels qu'aient pu être ses effets immédiat, son martyre se révéla finalement comme une source de force pour le statut des mystiques et pour le mysticisme lui-même au sein de la communauté dans son ensemble.
Le verdict déclarant que personne n'avait le droit de prononcer de telles paroles: "Ana al Haq" (je suis la Vérité) fut graduellement oublié en faveur d'une opinion selon laquelle ce n'était pas l'homme dans ce cas qui parlait et maintenant, pour un nombre croissant de musulmans la formule condamnée est elle-même d'abord un élément important de la preuve que Hallaj fut l'un des plus grands saints de l'Islam, alors qu'elle sert, en même temps, de démonstration générale du fait que les soufis ne sont pas toujours responsables de ce qu'ils expriment.
Cette reconnaissance graduelle et tardive est due en partie à des traités de soufisme plus simples. Des ouvrages accessibles à la masse comme Ta'aruf de Kalabadhi ou Kashf al Mahjub (le Dévoilement des choses cachées) de Hujwiri.
Les IVe et Ve siècles connurent un foisonnement sans pareil de grands maîtres. Niffari est une des figures les plus intéressantes. Auteur de Kitab al Mawaqif (Le Livre des Stations) ou il relate les révélations qu'il aurait eues en état d'extase:
"Il m'établit dans la Mort; et je vis que les actes, tous sans exception, étaient mauvais.
Et je vis la crainte régnant sur l'espérance;
et je vis la richesse changée en feu et adhérant au feu;
et je vis la pauvreté comme un adversaire qui dépose;
et je vis que, de toutes les choses, aucune n'avait pouvoir sur l'autre;
et je vis que le monde est une illusion et les cieux en mensonge.
Et j'appelai: "Connaissance" mais elle ne répondit pas.
Et je vis que toute chose m'avait abandonné, et que tout être créé m'avait fui, je restais seul. Alors l'acte vint à moi et je vis en lui une imagination secrète et cette partie secrète était ce qui restait; et rien ne fut de secours que la Miséricorde de mon Seigneur.
Il me dit: Où est ta connaissance?
et je vis le Feu.
Il me dit: Où est ta gnose?
et je vis le Feu.
Et il me dévoila Ses Gnoses d'Unicité et le Feu s'éteignit.
Et il me dit: "je suis ton ami" et je fus affermi.
Et il me dit: "Je suis ta Gnose" et je parlai. Et il me dit: "je suis Celui que tu cherches" et je sortis".
Au-delà des propos d'extase qui ne peuvent être entendus que par une infime minorité d'initiés, il y eut un phénomène qui sauva le soufisme des griffes de ses détracteurs le jour où Ghazali 5 se convertit au soufisme.
Ce personnage exceptionnel ayant éprouvé les limites du rationalisme, fit l'expérience intense et providentielle de la nécessité du soufisme. Devenu l'un des premiers théologiens et juristes de Bagdad, il parvint à un état de crise durant lequel, comme il nous le rapporte, il fut pendant deux mois, en proie à des doutes sur la vérité de la religion. Le salut lui vint d'un contact avec le soufisme. Il raconte sa conversion (tawba) dans son autobiographie: al Munqidh min al Dhalal (Celui qui sauve de l'erreur) dont voici un extrait significatif:
"L'examen de ces doctrines terminé, je m'appliquai à l'étude de la Voie Soufie. Je vis que, pour la connaître parfaitement, il fallait joindre la pratique à la théorie. Le but que les soufis se proposent est celui-ci: arracher l'âme au joug tyrannique des passions, la délivrer de ses penchants coupables et de ses mauvais instincts, afin que dans le coeur purifié il n'y ait place que pour Dieu; le moyen de cette purification est le dhikr Allah, la commémoration de Dieu et la concentration de toute sa pensée en lui. Comme il m'était plus facile de connaître leur doctrine que de la pratiquer, j'étudierai d'abord ceux de leurs livres qui la renferment... les ouvrages... les fragments qui nous sont restés des cheikhs. J'acquis une connaissance approfondie de leurs recherches, et je sus de leur méthode tout ce qu'on peut savoir par l'étude et l'enseignement oral; il me fut démontré que son dernier terme ne pouvait être révélé par l'enseignement, mais seulement par le transport, l'extase et la transformation de l'être moral... J'en savais tout ce que l'étude peut en apprendre, et ce qui manquait était du domaine, non de l'enseignement, mais de l'extase et de l'initiation... Faisant un sérieux retour sur moi-même, je me vis enserré de toutes parts dans ces attaches. Examinant mes actions dont les plus honorables étaient l'enseignement et le professorat, je me surpris plongé dans plusieurs études de peu de valeur et sans profit pour mon salut. Je sondai le fond de mon enseignement et je vis qu'au lieu d'être sincèrement consacré à Dieu, il n'était stimulé que par le vain désir de l'honneur et de la réputation. Je m'aperçus que j'étais sur le bord de l'abîme et que, sans une conversion immédiate je serai condamné au feu éternel... Enfin sentant la faiblesse et l'accablement de mon âme, je me réfugiai en Dieu comme un homme à bout de courage et sans ressources. "Celui qui exauce le malheureux qui l'invoque" daigna m'exaucer; il facilita à mon coeur le sacrifice des honneurs, des richesses, de la famille".
Si Ghazali, le juriste shaféite, avait donné sa caution en se jetant corps et âme comme en témoignent ses "confessions" dans le soufisme, son jeune contemporain Abd al Qadir al Jilani avait rendu cette reconnaissance pleinement effective. Abd al Qadir réussira à faire admettre définitivement le soufisme dans la cité. La tariqa qadiriya en tant que branche de la jonaydia se développera dans la majeure partie des pays musulmans.
Avant d'évoquer le prolongement du soufisme en confréries religieuses, il n'est pas inutile d'évoquer l'ultime sinon la figure la plus marquante de l'histoire du soufisme: Ibn 'Arabi.
Ibn 'Arabi est sans conteste celui qui donnera tout son sens au soufisme tant par sa pratique que par les centaines d'ouvrages qu'il a rédigé.
Né à Murcia en Andalousie en 569/1165, il rencontre à l'âge de 17 ans Ibn Rochd (Averroès) qu'il ne devait jamais revoir. Ibn 'Arabi peut être considéré comme un héritier d'Abou Madyan Shu'ayb 6 car il fut en contact étroit avec plusieurs de ses disciples et parlait toujours de lui avec la plus grande vénération, le désignant parfois comme son "Cheikh".
Bien qu'ils ne se soient jamais rencontrés de fait, ils communiquèrent néanmoins grâce au miracle de la lévitation. Le lien spirituel existant entre eux fut confirmé au temps de la jeunesse d'Ibn 'Arabi. Ce dernier raconte qu'un soir après avoir accompli la prière du maghrib [coucher du soleil], il se mit à penser très fort à Abou Madyan et ressentit un très vif désir de le voir. Quelques instants plus tard, un messager entra, le salua et l'informa qu'il venait de la part du saint avec lequel il venait d'accomplir la prière à Bougie. Abu Madyan l'avait chargé de dire à Muhyi'd-din: "Pour ce qui est de notre rencontre dans l'esprit, tout est bien, mais Dieu ne permettra pas celle que nous pourrions avoir dans ce monde matériel. Rassurez-vous, cependant, car le temps fixé pour une rencontre entre vous et moi se situe dans la sécurité de la miséricorde divine" 7.
Ce disciple de Abu Madyan, écrivain d'une prolixité colossale, produisit au cours de son existence quelques huit cent cinquante-six ouvrages dont seulement cinq cent cinquante nous sont parvenus et sont attestés dans deux mille neuf cent dix sept manuscrits. Son chef-d'oeuvre le plus célèbre s'intitule: Kitab al Futuhat al Makkiya (Le livre des conquêtes spirituelles de la Mecque ou Illuminations Mecquoises). Cet ouvrage fut rédigé à la Mecque sous l'injonction de l'ange de la révélation. Il comporte 565 chapitres répartis sur quatre volumes.
Ibn 'Arabi s'éteignit paisiblement à Damas, entouré des siens, le 28 Rabi' 11638/16 Novembre 1240 peu avant la prise de Bagdad par les Monghols en 1258.
Depuis la disparition du Khatem Al Awliya' (Sceau des Saints), le soufisme n'a plus connu de théoricien de cette envergure. Les ordres soufis ont servi, depuis lors, de relais avec des fortunes diverses à ces penseurs qui incarnèrent la spiritualité de l'Islam.
1 Burkhardt. Introduction aux doctrines ésotériques de l'islam
2 Abu Sa'id al-Kharraz. Kitab aç-Cidq
3 Qushairî. Risâlah
4 Qushairî. Risâlah
6 Al Ghazali surnommé Hujjat al Islam (la Preuve de l'Islam) naquit en 451/1059 à Tus dans le Khorassan. Après une formation de théologien et de juriste, il est nommé professeur à la Madrasa Nizamîya de Bagdad en 484/1091. En 488/1095, il renonce à sa chaire et entame une retraite mystique jusqu'à sa mort survenue en 505/1111.
7 Abu Madyan Shu'ayb était né à Séville, mais il se rendit en Orient où il aurait reçu son investiture (Khirqa) des mains d'Abd al-Qâdir Jilani.
10:36 Publié dans RÉSONANCES | Lien permanent | Commentaires (0)
Dépolluer en s’inspirant de la nature
Biomatrix Water est une société écossaise spécialisée dans le traitement de l’eau à partir de procédés écologiques. Son secret : une utilisation rationnelle des matériaux modernes et durables associée au biomimétisme (ingénierie inspirée du vivant). Des procédés maintes fois primés qui devraient tous nous inspirer !
Comment fait-on pour offrir des solutions efficaces aux problèmes de pollution de l’eau et de dégradation de l’habitat en zone urbaine ? Il faut d’abord observer le vivant et constater qu’un écosystème diversifié est plus résistant à la pollution. Dans une rivière saine se développe une vie aquatique très riche, des micro-organismes aux tortues en passant par les plantes. Cette entreprise a donc eu l’idée de développer des îles artificielles flottantes stimulant la biodiversité en combinant un traitement biologique à une circulation d’eau améliorée. L’installation permet à l’eau oxygénée de stimuler le développement de la vie aquatique et de certaines bactéries qui se nourrissent de la pollution. De plus, la structure en nid d’abeilles est très résistante et aide à prévenir des inondations.
La vie trouve son chemin en ville, si on l’y aide
A côté de la purification de l’eau, ces systèmes transforment également les rives de béton ou d’acier en paysage dynamique et animé. Ce complexe d’îles flottantes et de berges actives recréent un habitat idéal pour la faune. Les oiseaux y prospèrent car ils y trouvent un endroit sûr et confortable pour nicher. Les populations de poissons se développent et, en plus d’un habitat sain, ils y découvrent de quoi se nourrir parmi les racines des plantes. Les autres espèces qui bénéficient de ces écosystèmes actifs sont les tortues, les grenouilles, les loutres et les papillons. La diversité des plantes sur les îles s’ajoute à la beauté du paysage et attire aussi les pollinisateurs ! Ce type d’installation intéresse les conseils municipaux, les gestionnaires de bassins hydrographiques, les architectes paysagistes, les écologistes, les promoteurs immobiliers, les clients privés,… Elle a fait ses preuves à l’échelle internationale comme au Royaume-Uni, aux USA, aux Philippines, en Inde, au Brésil ou en Chine.
Le cas de « Paco »
Aux Philippines, où la croissance économique et démographique surpasse le rythme de construction des infrastructures sanitaires, l’entreprise est parvenue, en 2010, à traiter le canal Paco dans lequel étaient déversées ordures et eaux usées. Avant l’installation des îles et des berges, les gens avaient pris l’habitude d’éviter ce marais plein d’ordures particulièrement dangereux et malodorant. A présent, c’est devenu un beau parc avec des fleurs, des arbres et de l’eau propre. Les résidents jouissent du paysage et les enfants peuvent y jouer. Enfin, ce système serait moins coûteux qu’un traitement des eaux usées classiques et ce grâce à l’intégration et à l’activation de l’environnement autour de la rivière.
La preuve qu’en s’inspirant de notre milieu naturel, si riche et fascinant, nous pourrions vivre dans un environnement nettement plus sain et harmonieux.
Source : biomatrixwater / Wild.org / La Bioguía
14:31 Publié dans ALTERNATIVES | Lien permanent | Commentaires (0)
La politique commerciale de l’Union Européenne se cache depuis des années derrière son opacité et sa complexité. La mobilisation contre le traité transatlantique TAFTA l’a pourtant remise sous les projeteurs, et a forcé les institutions à faire de minuscules concessions. Afin de continuer à éclairer et expliquer les traités de libre échange, Attac et l’Aitec lancent un nouveau blog : https://www.libre-echange.info/
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12:25 Publié dans LE MONDE EN 2015 | Lien permanent | Commentaires (0)
Deux études menées par Attac Autriche révèlent que la majorité des fonds débloqués par les institutions européennes et le FMI pour renflouer les économies grecque et irlandaise a bénéficié au secteur financier.
Depuis le premier « plan de sauvetage » de la Grèce en mai 2010, plusieurs pays de la zone euro – l’Irlande (2010), le Portugal (2011), l’Espagne (2012) et Chypre (2013) – ont été contraints de passer sous les fourches caudines de la Banque centrale européenne (BCE), du Fonds monétaire international (FMI) et de la Commission européenne – la « Troïka », en charge de superviser ces « aides ».
A chaque fois, la « potion amère » est la même : l’aide prend la forme de prêts de plusieurs dizaines de milliards d’euros, pour lesquels les pays contributeurs se portent garantie via le Mécanisme européen de stabilité (MES). Cette aide est conditionnée à des « réformes structurelles », censées permettre aux « patients » de retrouver un équilibre des finances publiques et la compétitivité : privatisations, coupes budgétaires, remises en cause du droit du travail… Selon les promoteurs de ces plans d’aide, ces sacrifices douloureux mais nécessaires sont le prix à payer pour sauver les pays – et leur population – guettés par la faillite. Deux études publiées par Attac Autriche prennent pourtant le contre-pied de ce discours : il s’agit en fait moins de sauver les peuples – qui paient le prix fort des mesures drastiques de la Troïka – que de sauver les banques…
Dans une première étude, Lisa Mittendrein étudie les 23 tranches de financement des différents « plans de sauvetage » de la Grèce, pour un total de 206,9 milliards d’euros. Ses conclusions sont sans appel :
La seconde étude montre qu’il en est de même pour le « plan de sauvetage » de l’Irlande, pourtant présenté comme un « succès ». L’Irlande a reçu 67,5 milliards d’euros de prêts pour son renflouement depuis la fin de 2010, et elle a transféré un montant total de 89,5 milliards au secteur financier, dont 55,8 milliards pour les seuls créanciers du pays – parmi lesquels les grandes banques françaises. La situation économique et sociale de l’Irlande demeure désastreuse : stagnation économique, chômage…
Ces deux exemples illustrent le scandale des politiques de la Troïka, qui sacrifient les populations pour mieux servir les intérêts des grandes banques européennes. Il est désormais plus que jamais urgent d’imposer une véritable alternative écologique et sociale en Europe ; et pour ce faire, de s’attaquer au pouvoir démesuré de la finance.
12:21 Publié dans LE MONDE EN 2015 | Lien permanent | Commentaires (0)
Source à citer impérativement : http://blogs.mediapart.fr/blog/patrice-beray/250115/nous-...
25 janvier 2015 | Par Patrice Beray
Tel est le titre d’un essai publié l’été dernier par Esther Tellermann, une des voix (discrète) de la poésie de langue française. Rien là dans ce titre de ce ton déclaratif dont on fait les mots d’ordre (intermittents) ou les généralités (écumantes). Il s’agit simplement de dire, pour celui qui s’y aventure, que le poème est une expérience.
Mais d’abord, avant même de situer un peu mieux cette expérience, à quoi la reconnaîtrait-on cette manière singulière du poème d’apparaître ? Autrement dit, à nos yeux de lecteurs, avant même de poser quoi que ce soit qui serait de l’ordre de la réflexion, du « retour » sur le poème, sur cette « expérience » particulière qu’il indique, qu’est-ce qui pourrait bien – comme à la dérobée – nous ravir encore, nous incliner toujours à percevoir comme telle une écriture poétique ?
Ainsi, contre toutes les archéologies du savoir (jusqu’aux strates les plus contemporaines), ce poème nous dirait qu’il est toujours temps au moment de le lire d’écarter les grilles de lecture, que l’on a tout le temps pour les apposer. Tant il s’imposerait d’abord de le laisser s’effiler, déborder, au moment de l’inventer comme au moment de le découvrir.
Pour éprouver ce « sentiment » que l'on aime un poème, sans avoir à se l'expliquer, ouvrir un livre de poèmes d’Esther Tellermann peut suffire. Ce sentiment, c’est le phrasé du poème qui le communique, dans son apparente solution de continuité, faite donc d’infimes sautes de sens, de directions, aux disjonctions pourtant comme étouffées dans sa rythmique, tant une vision le soutient, lui prête au bout du compte sa voix, comme ici dans le recueil Un point fixe :
Je m’étais disposée
de face
dans le jardin et
le feuillage
cherchais
sommeils éteints
brouillards des
nostalgies
lueurs afin que
deviennent
les horizons
j’ai vu les sables
dans les soleils.
Pétri de toute l’âpreté de certains poètes de la revue L’Éphémère (d’André du Bouchet, Paul Celan, notamment), requis par un égal souci d’épellation littérale de la langue (chez Claude Royet-Journoud par exemple), le poème d’Esther Tellermann est plus encore à rapprocher de ce « geste de la parole » qu’a voulu y joindre l’instigateur de la revue Argile, Claude Esteban, pour qui elle écrivit ces mots lors de sa disparition :
« Le poème [...] n’est “qu’un geste de la parole”. Un geste offert vers le dehors qui ne nous assure ni le salut d’un vocable neuf, ni une issue possible “au mirage du concept” [...]
« Alors les mots du poème tombent en pluie simple, impérieuse et laconique. Ce sont les mots du pauvre et du fou, les mots fredonnés sur la lande pour tous les morts, la marche de celui qui s’incline pour les entendre, défaire les certitudes, les rapporter à l’appel de la voix humaine » (in Europe, no 971, mars 2010).
C’est cette expérience d’une écriture que lacèrent les mots pour faire advenir une voix à travers les figures dévoilées par le geste d’écriture, une fois les images mises à nu, que donnent aussi à lire certains poèmes du recueil Un point fixe :
Nous avions vécu
la parole
comme un masque
qui tombe
tout éclatait
au centre du
signe.
*
Notre expérience
fut
d’entendre
nous commencions
par le bruit
de l’espace
sa fuite hors
des règles du temps
une erreur
calculée
de la distance
entre le mot
et vous
ce qui l’efface
rétablit
le milieu
du regard.
Ce regard vers un « point fixe » est une vrille qui révèle le réel au poème :
Asphaltes baignées
à nouveau se
retirent
je voulais
vos genoux
votre joue se creuse
c’est l’air que je
respire
douleur interrompt
la cambrure déplace
l’instant
ce qui est
perdu
une anse emporte
le soleil.
Si l’on ne peut manquer d’être profondément intrigué par les traces à peine divulguées de différents récits du monde dans bien des livres d’Esther Tellermann, c’est la force de ses appels, incomparable aujourd’hui, pas même avec les prédécesseurs qu’elle s’est reconnus, qui magnétise ses poèmes. Où toujours une voix renaît des cendres de l’écriture :
Cieux avaient défait
les liens
aciers la perle
orages enfouis
rafales ont inondé
ce que la terre
allume
une page
au loin noircie
emporte le
nuage.
_______________
Esther Tellermann, Nous ne sommes jamais assez poète, essai, éditions La Lettre volée, 21 €, 2014 ; Un point fixe, coll. “Cendrier du voyage”, éditions Fissile, 10 €, 2014. Esther Tellermann est aussi publiée dans la coll. “Poésie” des éditions Flammarion.
10:12 Publié dans RÉSONANCES | Lien permanent | Commentaires (0)
Chronique de Bernard Maris publié le 27 décembre 2013 sur Charlie Hebdo
Encore faut-il qu’on croie à une société au-delà du capitalisme… Une société non violente, altruiste, respectueuse de l’environnement, bref, une société anti-humaine sachant que l’homme isolé ou en groupe est violent, égoïste et destructeur de l’environnement. (La Commission européenne vient d’autoriser la pêche en eaux profondes, histoire de détruire plus vite ce qui est en voie de disparition…)
Le Revenu Minimum d’Existence (RME) dissocie le travail du revenu, et, en ce sens, il peut être le virus qui va détruire la société capitaliste. Démonstration.
Le K, le capitalisme, est fondé sur l’appropriation, la rivalité, l’accumulation, l’échange qui enrichit. Mais au cœur de ce carré maléfique, propriété, rivalité, accumulation, échange, il y a un noyau d’énergie : le travail salarié. Le travail subi. Le travail qui fait de l’argent qui fait du travail. Or le facteur décisif de l’accumulation n’est plus la matière première, mais le capital humain, le travail qualifié si l’on préfère. D’où vient ce travail qualifié ? De la culture accumulée par l’humanité, d’Homère à Einstein, en passant par qui vous voudrez : Lavoisier, Alphonse Allais, Pierre Dac, Alexander Fleming, Picasso… Chaque être à sa naissance est héritier de cette culture. Héritier d’une sorte de rente culturelle, comme la bonne terre ou la forêt peuvent être une rente pour l’agriculteur.
Philosophiquement, il est tout à fait légitime de partager cette rente : les économistes partisans du RME l’estiment, en France, à 15 % du PIB. Autrement dit, 85 % du PIB vient de l’ingéniosité des Français en 2013, et 15 % de celle qu’ils ont héritée (ce qui peut paraître faible, mais admettons). Ces 15% sont un intérêt sur le capital humain accumulé de génération en génération. 15% du PIB distribué à tout Français, riche ou pauvre, équivaut grosso modo à 400 euros par mois. À vie. Avec ces 400 euros, tu fais ce que tu veux : tu travailles, tu ne travailles pas, tu travailles à mi-temps. Typiquement, la retraite par répartition est un revenu minimum d’existence (une allocation universelle) — elle est versée sans contrepartie. Dans une société où les machines remplacent de plus en plus fréquemment les hommes (les caissières, pilotes d’avion, conducteurs de tram ou de métro, etc., n’ont aucune raison d’être), le RME se justifie aussi par le fait qu’un volume croissant de richesse est produit par un volume décroissant de travail.
Un volume croissant de richesse est produit par un volume décroissant de travail
Le hic, c’est que le travail marchand, le salariat, joue indiscutablement un rôle socialisant. L’usine sociale, même s’il ne fait pas bon y travailler. André Gorz a longtemps été opposé au RME au nom de la socialisation par le travail. C’est pourquoi le RME ne doit pas exclure le travail, mais peut s’y ajouter. Typiquement, le bon contrat de travail, le contrat de travail d’avenir, est celui d’intermittent du spectacle (oui, je sais, les abus, les stars qui en profitent, etc. : mais toujours et partout il y a des passagers clandestins). L’intermittent fait des allers-retours entre travail et loisirs et, lorsqu’il travaille, il est dans le domaine de la culture, ce qui n’est pas désagréable.
Le RME se justifie aussi parce que tout être humain possède un droit sur l’eau, l’éducation, la santé. Il est en radicale opposition philosophique avec le RSA. Car le A exige un échange d’activité. Les libéraux pensent que le RME va créer une classe de parasites au détriment des «vrais actifs». Probablement pas. On trouvera toujours des alcooliques du travail servile. Mais le RME, en coupant le revenu du travail servile, enfonce un coin dans le béton capitaliste : enfin on peut vivre sans travailler. Vivre sans travailler fait toute la noblesse de la retraite — sauf que la vieillesse accompagne assez vite la retraite ; mieux vaut être un jeune noble qu’un vieux noble.
Certes, le RME exige une société altruiste, plutôt frugale et intelligente. Pas sûr qu’elle soit si loin… de gré ou de force !
Bernard Maris
14:35 Publié dans ALTERNATIVES | Lien permanent | Commentaires (0)
Je m'appelle Jacques, mais vous pouvez m'appeler Mohamed, si ça vous fait plaisir !
Ceci est la réponse que je fais à qui me demande mon prénom et s'étonne de trouver un prénom si "français" sur ma gueule d’Arabe…
C'est à se dire que nous avons un problème profond avec la notion d'étranger dans notre pays. "Non mais sérieusement c'est quoi ton vrai prénom ?", " Tu as honte de tes origines ?"… Honte de mes origines ?? Lesquelles ? J'ai du sang français (alsacien, auvergnat), marocain, allemand, algérien (Algérie "française"), espagnol, italien… Et toi tu as honte d'être con ? Tes ancêtres se reproduisent entre frères et soeurs depuis plusieurs générations ??
Je suis las ! Las de devoir m'excuser de ne pas rentrer dans la petite case où certains regards obtus aimeraient me faire entrer.
Las de devoir décliner mon identité comme à un contrôle de police… Ou comme un chien doit donner la patte…
Je suis fier d'être un bâtard, tant pis si cela fait de moi un étranger dans mon pays.
Au vu des résultats des dernières élections municipales et de cette montée de l'extrême droite, je me questionne… À qui la faute ? À la politique du bonnet blanc, blanc bonnet ? Aux abstentionnistes ? À tous ceux qui n'ont pour opinion politique, que leur haine, leurs frustrations et ne militent que pour leurs propres petits intérêts ? À la "crise" ? Au Pôle emploi ? Au chansons de Khaled ? À la bêtise… (si on s'accorde à dire que la bêtise est humaine, les français semblent devenir de plus en plus humains…) Quel dommage qu'ils ne fassent pas front contre l'invasion extraterrestre, plutôt que de faire "Front National"…
Je n'ai pas honte de mes origines, j'ai honte d'être amalgamé à une bande de bas-du-front, qui donnent de mon pays une bien vilaine image.
Sir cé j'y vous laisse j'y dois priparer li pigeot pour rentrer au bled, même si j'y connais pas li bled… Comme on dit chez moi : "couscous loukoum kebap kebab harissa harissa !!"
Bonjour chez vous.
Ja… Mohamed
14:17 Publié dans RÉSONANCES | Lien permanent | Commentaires (0)
Source : (article du 13/04/14) http://tempsreel.nouvelobs.com/l-enquete-de-l-obs/2014040...
Ils ont déstabilisé des industries entières, amassé des milliards, maîtrisé vos données et s’immiscent de manière de plus en plus intime dans votre vie quotidienne… Mais les seigneurs de la Silicon Valley voient encore plus loin : ils imaginent à présent de créer des "pays" à eux, des communautés offshore, où la technologie règne en maître. Leur projet fétiche ? Une myriade de cités marines, ne dépendant d’aucun gouvernement souverain. Dans ces villes flottantes modulaires, on ne paierait pas d’impôts, on réglerait ses factures en bitcoins, on ne consommerait que de l’énergie verte, on apprendrait en ligne, on serait livré par drone et soigné à coups de thérapie génomique…
Délirant ? Non : face à la faillite des économies occidentales, les fondateurs et dirigeants de Google, Facebook, Amazon ou Apple et leurs financiers californiens pensent qu’ils feraient mieux que les politiques. Persuadés d’être les nouveaux maîtres du monde, les oligarques de la technologie jugent les gouvernements de la planète incapables de suivre le rythme de leurs innovations "de rupture". Ils rêvent de s’émanciper des lois qui s’appliquent au commun des mortels. Et expriment, parfois, des velléités sécessionnistes. Au péril de la démocratie ?
Le 19 octobre dernier, à Cupertino, dans la Silicon Valley, le fondateur de l’entreprise de génomique Counsyl, Balaji Srinivasan, s’est fait applaudir par une salle comble d’apprentis entrepreneurs en qualifiant les Etats-Unis de "Microsoft des nations". Comprenez : un géant désuet et obsolescent, destiné à être balayé par l’histoire. Quand une entreprise de technologie est dépassée, a-t-il insisté au cours de sa conférence intitulée "Silicon Valley’s Ultimate Exit", vous n’essayez pas de la réformer de l’intérieur, vous la quittez pour créer votre propre start-up ! Pourquoi ne pas faire la même chose avec le pays ?
Srinivasan exprime juste avec brutalité ce que les champions de l’économie numérique pensent souvent sans le crier sur les toits.
Les seigneurs du numérique n’ont certes pas formé un parti. Mais ils sont nombreux à se réclamer, comme le créateur de l’encyclopédie internet Wikipédia, Jimmy Wales, d’une culture "libertarienne". Une école de pensée qui abhorre l’Etat et les impôts et sacralise la liberté individuelle, "droit naturel" qu’elle tient pour LA valeur fondamentale des relations sociales, des échanges économiques et du système politique. Historiquement marginale, cette mouvance gagne en influence aux Etats-Unis, avec des adeptes aussi bien dans le Tea Party qu’au sein des partis républicain et démocrate. Selon un sondage Gallup du 14 janvier 2014, 23% des Américains (contre 18% en 2000) sont en phase avec les valeurs des libertariens. A Washington, leur héros, Ron Paul, député républicain du Texas et ex-candidat à l’élection présidentielle, veut abolir la banque centrale américaine – la Federal Reserve – et prône le retour à l’étalon-or.
Les plus modérés restent dans le cadre du jeu politique conventionnel, comme Tim Draper, avec sa campagne "Six Californias". Partenaire de la prestigieuse société de capital-risque Draper Fisher Jurvetson (qui a financé des succès comme Hotmail, Skype ou Tesla Motors), Draper juge le Golden State "de plus en plus ingouvernable et sous-représenté à Washington". Il veut donc soumettre au suffrage populaire, en novembre prochain, une initiative pour éclater ce colosse en six nouveaux Etats à part entière, dont la Silicon Valley. Sa motivation ?
Tim Draper veut donc remplacer l’administration bureaucratique de Sacramento, la capitale de l’Etat, par six nouveaux gouvernements plus en phase avec les intérêts économiques des grandes régions. Pour faire de la Silicon Valley le paradis des cyber-yuppies ? "Non, rétorque-t-il. Cette idée est aussi très populaire dans les zones les plus pauvres de Californie, qui estiment ne pas bénéficier des fruits de la redistribution." Selon lui, "six nouveaux Etats pourraient innover, échanger les meilleures pratiques, et se faire concurrence pour séduire les comtés limitrophes".
Performance, concurrence : ce sont les mots-clés d’initiatives plus audacieuses encore, qui préconisent de sortir carrément du cadre politique. Patri Friedman, petit-fils du célèbre économiste libéral Milton Friedman, a ainsi créé en 2008 le Seasteading Institute, qui milite pour couvrir la planète de "villes-nations flottantes" échappant à la souveraineté des Etats.
Techno-utopie ? Pas si sûr… Deux anciens cadres de l’Institut, Dario Mutabdzija et Max Marty, ont créé la société BlueSeed pour contourner la loi américaine sur l’immigration. Ils projettent de fonder un village incubateur de start-up, avec une communauté de geeks vivant et travaillant sur un navire géant ancré à la limite des eaux territoriales américaines, à 22 kilomètres au large de Half Moon Bay, au sud de San Francisco. "Cet emplacement permettrait aux entrepreneurs du monde entier de créer et de développer leur société près de la Silicon Valley, sans avoir besoin de visas de travail américains", lit-on sur leur site web
Les résidents de ce bâtiment battant pavillon des îles Marshall ou des Bahamas pourraient rallier le continent par ferry, munis d’un simple visa business, plus facile à décrocher. La PME, qui a déjà levé plus de 9 millions de dollars, négocie le leasing d’un navire et pourrait se lancer dès l’été 2014, si elle parvient à récolter 18 millions supplémentaires.
De son côté, le Seasteading Institute, qui a déjà levé 1,5 million de dollars auprès du multimilliardaire libertarien Peter Thiel, pousse son projet de "Ville flottante". L’Institut a mandaté le bureau d’études néerlandais DeltaSync pour imaginer un concept sûr, financièrement abordable, confortable et modulaire. Son étude de faisabilité de 85 pages, publiée en décembre 2013, préconise des unités architecturales en béton renforcé, pouvant s’agglomérer ou se détacher à la guise de leurs occupants. Ces micro-communautés, paradis des geeks, où le prix du foncier avoisinerait 4.000 euros/m2, développeraient leur économie autour des technologies de l’information, mais aussi du tourisme médical, de l’aquaculture et des énergies alternatives.
Avant d’envisager d’établir leurs communautés en haute mer – ce qui est compliqué et coûteux –, Patri Friedman et ses partenaires songent à établir la première ville flottante dans les eaux plus calmes du golfe de Fonseca, en Amérique centrale. Selon la presse américaine, ils négocient avec le Honduras, dont le gouvernement compte des sympathisants du mouvement libertarien. "On a encore beaucoup de travail, mais je suis optimiste : si tout va bien, la première communauté flottante pourrait être inaugurée à la fin de la décennie", annonce Randolph Hencken.
En attendant, le Seasteading Institute a recruté des dizaines d’ambassadeurs bénévoles pour prêcher sa cause sur la planète. Et il s’est lancé dans une évaluation des candidats potentiels : "1.200 citoyens de 57 pays – à 45% non américains – nous ont déjà dit qu’ils étaient volontaires", affirme son directeur exécutif. Il faut dire que les vidéos promotionnelles de son site web sont alléchantes : de vrais bijoux marketing, qui racontent une fable à laquelle tout le monde a envie de croire.
A écouter Friedman et ses amis, en effet, seul le système politique sclérosé et ses vieilles lois terrestres empêchent de résoudre les grands problèmes de notre civilisation. Selon eux, repartir d’une "feuille blanche", comme les pères fondateurs, permettrait de "libérer le génie inhérent à la race humaine". Des "esprits éclairés formeraient des centaines de cités-laboratoires, pour expérimenter", ils inventeraient de nouvelles formes de gouvernance et développeraient les technologies permettant de "nourrir les gens qui ont faim, enrichir les pauvres, guérir les malades, restaurer les océans, nettoyer l’atmosphère, se débarrasser des énergies fossiles."
Problème : il y a un gouffre béant entre les objectifs humanitaires et environnementaux affichés par le Seasteading Institute… et l’idéologie hypercapitaliste que ses promoteurs et financiers libertariens appellent de leurs vœux ! Patri Friedman ne cesse de critiquer la démocratie comme "inadaptée" à la création d’un Etat libertarien. Quant à son principal mécène, Peter Thiel, il assène en avril 2009, sur le site du think tank Cato Institute : "La liberté n’est pas compatible avec la démocratie." Et se dit convaincu que nous sommes dans une "course à mort entre la technologie et la politique".
Thiel, dont la famille a émigré d’Allemagne quand il avait un an, déplore le ralentissement technologique américain, dont il fait une analyse très personnelle. "Les hommes ont atterri sur la Lune en juillet 1969, et Woodstock a commencé trois semaines plus tard. Rétrospectivement, on peut voir que c’est le moment où les hippies ont pris le contrôle du pays et où la vraie guerre culturelle sur le progrès a été perdue", écrivait-il en 2011 dans le "National Review". Pour lui, le sort de la planète pourrait donc "dépendre des efforts d’une seule personne [lui-même ?], qui construise et propage la machinerie de liberté susceptible de rendre le monde sûr pour le capitalisme". Diable…
Ses pairs ne sont pas tous aussi radicaux. Mais, enivrés par leurs performances boursières (avec respectivement 476 et 371 milliards de dollars, Apple et Google sont deux des trois premières capitalisations américaines) et leur spectaculaire réussite personnelle (10 des 29 milliardaires de moins de 40 ans sur la planète viennent du monde de la technologie), les nouveaux tycoons du numérique souffrent indubitablement d’un complexe de supériorité. Ils en viennent à regarder de haut ces chefs d’Etat qui les reçoivent en égaux et quémandent leurs investissements.
Page et Brin (Google), Bezos (Amazon) ou encore Zuckerberg (Facebook) n’ont-ils pas, en moins de deux décennies, créé des sociétés plus riches – et mieux gérées – que nos trésors publics ? Leur software n’est-il pas en train de "dévorer le monde", selon l’expression de Marc Andreessen, inventeur du premier navigateur internet Mosaïc ? Leurs technologies de rupture n’ont-elles pas déjà déstabilisé des industries aussi puissantes que la téléphonie, la musique, le cinéma, la télé, la publicité, les médias ? Et même des institutions comme l’éducation supérieure, la médecine, la monnaie ? Ils pensent donc que c’est au système politique qu’il faut désormais s’attaquer !
Ce sentiment de toute-puissance s’est déjà clairement manifesté, à l’automne dernier, quand un conflit sur le budget a forcé le gouvernement fédéral américain à fermer provisoirement une partie de ses services.
De même, Balaji Srinivasan a-t-il rappelé, lors de sa conférence, que l’Amérique de l’après-guerre était dominée par Boston pour l’éducation supérieure, New York pour la finance, la publicité et l’édition, Los Angeles pour le divertissement et Washington DC pour les lois. "Nous avons mis une tête de cheval dans chacun de leurs lits, a-t-il plaisanté, en référence à la scène mythique du film 'le Parrain'. Nous sommes devenus plus forts que l’ensemble de toutes ces villes".
Il n’est pas sûr que ces idées, répandues dans la blogosphère, se traduisent dans la vie réelle. Mais même si tous les fantasmes de ces techno-oligarques ne se concrétisent pas, ils attirent l’attention sur de vrais glissements qu’il serait dangereux d’ignorer. Une réelle perte de légitimité des Etats et de la classe politique, l’émergence d’une génération nomade de travailleurs numériques souvent plus loyaux à des communautés virtuelles qu’à leur propre nation. Et l’arrogance d’une hyperclasse entrepreneuriale tentée de s’affranchir des contraintes de la démocratie. Et qui en aura les moyens.
Les pessimistes lisent dans ces tendances la menace d’un techno-fascisme 2.0. Mais pour les optimistes, ces tentations isolationnistes pourraient au contraire annoncer un retour de balancier. Jusqu’ici, en effet, les Steve Jobs, Larry Page et autres Elon Musk (Tesla, Space X) sont des héros populaires : les incarnations modernes du rêve américain. A ceci près que, contrairement aux Rockefeller ou aux Rothschild (et à l’exception d’un Gates ou d’un Zuckerberg, récemment devenus philanthropes), ces seigneurs du numérique se préoccupent comme d’une guigne de rendre une partie de leur bonne fortune à la société.
Ils mènent un train de vie de plus en plus ostentatoire, à l’image du cofondateur de Facebook Sean Parker s’organisant un mariage princier inspiré du "Seigneur des anneaux" ou du financier Vinod Khosla, privatisant une plage publique californienne pour une fête. Ils mettent le feu au marché immobilier de San Francisco. Font fortune en exploitant à leur insu les données personnelles des usagers de leurs services. Ouvrent en catimini leurs serveurs aux agences de sécurité. Tous, bien sûr, sont obsédés par la réduction de leur facture fiscale, partout sur la planète.
Et si ces techno-milliardaires devenaientaussi détestés que les banquiers de Wall Street ou les barons du pétrole ? Pour Bill Wasif, du magazine "Wired", ce serait le début de leur perte. Car contrairement aux magnats de l’industrie ou des matières premières, le succès des géants du numérique dépend de l’adhésion de leurs millions d’usagers à leur marque, aux applications, réseaux sociaux et communautés virtuelles qu’ils créent. "Si le service est gratuit, c’est que le produit, c’est toi", dit l’adage de l’économie numérique. Alors, ne l’oublions pas, ce qui fait leur valeur… c’est nous !
Le mouvement libertarien
Ni de droite ni de gauche, ce courant politique est "hyperlibéral" sur le plan économique, et "hyperlibertaire" sur le plan des mœurs. Les libertariens militent pour la pure loi capitaliste, la liberté complète des échanges et la coopération entre individus. Contrairement à leurs cousins conservateurs, ils respectent les choix de vie privée, pour autant qu’ils ne nuisent pas à la liberté d’autrui. Mais, comme eux, ils dénoncent la coercition exercée par le gouvernement et les institutions : ils exècrent impôts et taxes et rejettent toute forme de redistribution de richesses. Le rôle du gouvernement fédéral, à leurs yeux, devrait se limiter à la défense nationale, aux affaires extérieures et à la justice.
Les libertariens puisent leur inspiration chez des penseurs comme le Français Frédéric Bastiat (1801-1850) ou les économistes de l’école autrichienne Friedrich Hayek (1899-1992) et Ludwig von Mises (1881-1973). Leur roman culte, c’est "Atlas Shrugged" (en français "la Grève", Ed. Les Belles Lettres) de la philosophe d’origine russe Ayn Rand (1905-1982), qui met en scène une grève des "hommes de l’esprit", sans lesquels le monde ne peut plus tourner. D. N.
Voir aussi cet article plus récent concernant le fondateur de paypal :
http://www.actunautique.com/2014/11/l-incroyable-micro-pa...
19:04 Publié dans LE MONDE EN 2015 | Lien permanent | Commentaires (0)
Par Caroline Trouillet
Historien spécialiste des racismes et des antiracismes dans la France contemporaine, Emmanuel Debono tient un blog depuis juin 2014 "Au Cœur de l'antiracisme". Rencontre. -
Pourquoi, en tant qu'historien, avoir créé un blog sur l'antiracisme ?
E.D.B : C'est un domaine de réflexion où je m'efforce d'introduire un peu de complexité, le sujet étant trop souvent dominé par le manichéisme. Car l'Histoire semble absente de l'approche de la question de l'antiracisme, comme si tout avait commencé avec SOS Racisme dans les années 1980. Or des débats du XXe siècle, et parfois antérieurs, font étrangement écho aux tensions actuelles entres mouvements antiracistes.
Vous parlez de "fractures" historiques dans les mouvements antiracistes français. C'est-à-dire ?
E.D.B : Les mobilisations antiracistes naissent au début du XXe siècle. L'aspect dominant est alors le rejet du racisme antijuif avec, en références appuyées, les principes de la République et la laïcité. Le discours antiraciste s'est construit dans ce cadre où les différences, les particularismes, devaient s'estomper devant des valeurs communes à tous les Français. Les premières organisations antiracistes sont alors la LICA (1) et le MRAP (2). Elles s'intéressent surtout aux idées et aux agressions verbales : on combat le racisme sur le terrain de la presse, dans la rue, mais le principe de la discrimination n'est pas vraiment pris en compte. La République, avec son idéal assimilationniste, peine à reconnaître les différences de traitements qui touchent certaines personnes dans le quotidien, dans les services publics. Dès lors, dans les années 1970, des associations commencent à critiquer les vieilles centrales comme la LICRA et le MRAP, par exemple le Mouvement des Travailleurs Arabes. En effet, avec cet antiracisme universaliste et l'idée de l'unicité du racisme, on tend à ignorer la spécificité de certaines revendications et l'existence d'identités qui exigent de plus en plus leur reconnaissance. Des militants estiment aujourd'hui que celui qui n'est pas directement touché par le racisme ou les discriminations ne peut s'ériger en porteparole des victimes. Mais d'autres rejettent le fait de désigner d'emblée des groupes de victimes, notamment ceux qui s'estiment abusivement rattachés. Cette problématique existait déjà dans les années 1930, lorsque des militants juifs se mobilisaient contre l'antisémitisme tandis que d'autres, les "Israélites", ne ressentaient pas cette forme de racisme, s'estimant parfaitement assimilés. Les nouvelles organisations militantes actuelles, mais aussi, dans une certaine mesure, les vieilles centrales de l'antiracisme, contribuent à dessiner les contours de catégories de victimes et à fragmenter la communauté nationale en sous-groupes. On voit toute la complexité de la lutte antiraciste, les critiques et les contradictions internes qu'elles peuvent engendrer.
Qu'en est-il de l'enseignement du racisme et de l'antiracisme?
E.D.B : Très peu d'historiens étudient l'antiracisme. On manque cruellement d'éclairages à ce sujet. Quant au racisme, il n'est pas véritablement enseigné. C'est un paradoxe car figurent bien dans les programmes scolaires des sujets aussi variés que la traite des esclaves, la Shoah, le conflit israélo-palestinien, le génocide des Tutsi au Rwanda… Mais ce qui fait défaut, c'est une certaine exigence conceptuelle pour aller au-delà des représentations basiques.
(1) Ligue Internationale contre l'Antisémisme, rebaptisée LICRA, Ligue Internationale contre le Racisme et l'Antisémisme en 1979
(2) Mouvement contre le Racisme, l'Antisémitisme et pour la Paix puis Mouvement contreisme et pour l'Amitié entre les Peuples à partir de 1977
Source : http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&...
Blog d'Emmanuel Debono : http://antiracisme.blog.lemonde.fr/
14:50 Publié dans RÉSONANCES | Lien permanent | Commentaires (0)
à écouter dans l'émission de Christian Saint-Paul : les poètes 07
http://les-poetes.fr/emmission/emmission.html
Blog de Majid : wwwjohablogspotcom-kaouah.blogspot.com
14:41 Publié dans COPINAGE | Lien permanent | Commentaires (0)