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24/10/2015

Non Monsieur Hollande, les chasseurs ne défendent pas la nature. Ils l'aiment ensanglantée

 Publié le 23-10-2015

 Avatar de Yves Paccalet

Par 
philosophe écologiste
 
 

LE PLUS. Si notre contributeur Yves Paccalet a apprécié des passages du chef de l'Etat dans le magazine "Le Chasseur français", il a beaucoup moins aimé sa défense des chasseurs ou ses propos sur les loups. "Monsieur le Président, pourquoi ne raisonner qu’avec l’esprit du bourreau ?", se demande-t-il.

hasseur lors d'une partie de chasse (JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP)

 

Monsieur le président ! Je lis l’entretien que vous accordez au magazine "Le Chasseur français" du 21 octobre 2015. Vous voulez protéger l’appellation "Laguiole" (le couteau et le fromage) que de gros malins ont accaparée : d’accord ! Vous refusez de créer une nouvelle niche fiscale qui ferait aux chasseurs le cadeau de leur permis de tuer : encore heureux…


D’autres de vos propos me plaisent moins. Je ne pense pas, comme vous, que les chasseurs entrent dans la catégorie de ceux qui "défendent la nature". Ils l’exploitent et la massacrent plus qu’ils ne la gèrent. Ils ne l’aiment qu’ensanglantée.

 

Les chasseurs, ces "nuisibles"

 

Je comprends que, pour des raisons électorales, vous manifestiez "beaucoup de considération" à leur égard : mais vous oubliez que d’autres, parmi vos électeurs potentiels, et bien plus nombreux selon les sondages, désirent protéger et contempler ces espèces que les chasseurs n’apprécient qu’au bout de leur fusil.


En France, le nombre des chasseurs a chuté au-dessous du million, probablement même à moins de 900.000 (les chiffres de l’Office national de la Chasse posent problème). Or, ces moins de 1,5 % de la population nationale privent les parents et les enfants de toute promenade en forêt le mercredi et le dimanche (voire d’autres jours lorsqu'une "battue" est ouverte).

 

Au vu des accidents que provoquent ces Nemrods (une quarantaine de morts et plusieurs dizaines de blessés par an, rien que dans notre pays), ils devraient, bien davantage que les requins (lesquels causent moins de dix morts chaque année, et dans le monde entier), être classés parmi les espèces les plus dangereuses de la Terre. Parmi les "nuisibles", pour utiliser un adjectif de leur vocabulaire que je récuse…

 

Je vous rappelle que le loup est protégé


Monsieur le président, dans votre entretien au "Chasseur français", votre sortie sur les loups me semble particulièrement inadmissible :

 

"Chaque année, dites-vous, il sera décidé du nombre de loups à abattre en fonction de l’évaluation des risques et de la croissance de la population de loups".

 

Je vous rappelle que Canis lupus est une espèce protégée par la Convention européenne de Berne, que la France a ratifiée, et qui ne saurait être modifiée que par une décision des deux tiers des signataires. Je m’étonne de la contradiction qui surgit, ici, entre votre fonction régalienne de gardien de la Constitution et des institutions du pays, et l’autorisation littéralement hors la loi que vous accordez à des tueurs d’animaux protégés.


Sur le fond, je vous rappelle que les loups sont revenus par eux-mêmes sur notre territoire, depuis l’Italie voisine (certains, désormais, y rentrent depuis l’Allemagne et la Suisse ; en attendant leurs congénères espagnols). Au rebours de ce que vous suggérez, leur population n’est nullement en accroissement. En France, ils étaient un peu plus de 300 en 2014.

 

Cette année, on en dénombre moins. Or, les "autorisations" de "prélèvement" (la litote utilisée pour dire qu’on leur loge une balle dans le ventre) ont été augmentées de moitié : elles passent de 24 à 36. Une absurdité, fût-ce aux yeux du plus ignorant des naturalistes…

 

13 loups déjà fusillés de façon "officielle"


Monsieur le Président, depuis le mois de juillet 2015, comme le relève l’association de protection de la nature FERUS, 13 loups ont déjà été fusillés de façon "officielle" (et d’autres braconnés). Les éleveurs de brebis réclament qu’on en exécute toujours davantage. Certains bergers (et les politiciens qui les caressent dans le sens de la laine) vont jusqu’à exiger l’"éradication" du prédateur. Allez-vous leur donner raison ?

 

Je vous rappelle que, s’il existe 300 loups en France, on en recense 1 500 en Italie et 2 000 en Espagne, où les problèmes que pose le carnivore sont infiniment moins aigus que chez nous. Si nous désirons réellement aider les bergers (ce qui est notre volonté à tous deux), nous devons améliorer le gardiennage des troupeaux dans la montagne (en embauchant par exemple des chômeurs), plutôt que d’envoyer ad patres les rares "fauves" qui nous restent.

 

Car l’ennemi numéro un de l’éleveur n’est pas le loup, mais le prix de la viande de mouton sur un marché mondial dominé par l’Australie, la Nouvelle-Zélande et l’Argentine.

 

Je regrette que, tels les pires politiciens de la droite de la droite (mettons Christian Estrosi ou Laurent Wauquiez), vous vous entêtiez à faire de Canis lupus le trop facile bouc émissaire de notre incapacité à réguler ce secteur de l’économie.

 

Les loups, les bouquetins : du sang, toujours du sang !

 

Monsieur le Président, durant votre quinquennat, j’ai la tristesse de constater que la nature sauvage endure le martyre. Vous êtes en train, en ce moment même, de transformer nos forêts, nos montagnes et nos mers en parages où le sang ruisselle. Les abattages succèdent aux carnages, et cela ne semble guère vous toucher.


Vous avez entamé, et vous vous préparez à conclure, une extermination du troupeau de bouquetins du massif du Bargy, en Haute-Savoie. La justice a rejeté le recours des associations naturalistes : plusieurs centaines de ces ruminants vont donc mourir dans les alpages, tirés à l’arme lourde par une légion de nervis aidés d’hélicoptères.

 

Pourquoi cette folie ? Parce que certains ongulés seraient vecteurs de la brucellose. Mais le massacre a été ordonné avant même qu’on ait confirmé la contamination, et au mépris de la seule solution scientifique et efficace au problème : la vaccination !


Les loups, les bouquetins : du sang, toujours du sang !

 

Les chasseurs réclament (et obtiennent !)

 

Monsieur le Président, pourquoi ne raisonner qu’avec l’esprit du bourreau ? À l’île de la Réunion, je constate la même indignité : dans le cadre du plan gouvernemental intitulé "Cap Requins", plusieurs requins bouledogues, des requins tigres et même un grand requin blanc ont été récemment "prélevés".

 

Ces poissons superbes n’avaient mordu personne. On les harponne et on les achève à titre "préventif", alors qu’ils figurent (au moins pour le tigre et le grand blanc) sur la liste des espèces en voie d’extinction dressée par l’Union internationale pour la Conservation de la Nature (l’UICN).


Partout en France, les chasseurs réclament (et obtiennent !) qu’on les autorise à organiser des battues au renard ou des déterrages de blaireaux. Au nom de la tradition et de la "ruralité", ils veulent continuer à piéger à la trappe ou à la glu les ortolans, les pinsons ou les bouvreuils.

 

Ils exigent qu’on leur permette de "résoudre" le "problème" des vautours, qu’ils accusent ridiculement d’attaquer les vaches vivantes. Ils se font forts de régler le sort des corbeaux, des cormorans, des phoques, des dauphins, que sais-je ?

 

Je l’ai entendu hier et j’en suis resté sur le derrière : des grues cendrées en migration par milliers au lac du Der ! Les chasseurs, ces prétendus "amis de la nature", désirent en vérité éliminer manu militari tout ce qui les "gêne" dans leur utilisation simpliste et univoque (tuer ! tuer !) des composants sublimes et nécessaires de nos écosystèmes.

 

Je n’aime pas, monsieur le Président, que vous vous placiez unilatéralement dans leur camp.

 

L'écologie ne doit pas se résumer aux questions d'énergie 


Monsieur le Président, nous sommes nombreux, dans ce pays, à ne plus supporter l’holocauste. Je désirerais que, pour vous et votre gouvernement, l’écologie ne se résume pas aux questions d’énergie, de pollution ou de transport, bref à des combats que je mène également, depuis quarante ans, mais qui ne sont pas suffisants.

 

J’aimerais qu’en prononçant le mot "biodiversité", vous preniez enfin conscience que la nature subit davantage de blessures et de désastres qu’elle n’en a jamais enduré depuis que l’Homo est sapiens. Je voudrais que vous formiez, dans votre imagination, l’image de vraies plantes, de vrais animaux, de vrais prédateurs.

 

Faites taire les fusils et écoutez la symphonie du monde !

 

Je serais ravi que vous n’adoptiez pas pour ligne politique l’idée de confier la gestion de la "ruralité" aux chasseurs plutôt qu’aux écologistes ; aux mitrailleurs plutôt qu’aux amoureux de la beauté vive ; aux massacreurs en tenue léopard plutôt qu’aux amis de la subtilité et des équilibres ; aux assassins des beautés palpitantes plutôt qu’aux naturalistes, aux promeneurs, aux écrivains, aux cinéastes, aux peintres, aux poètes et aux rêveurs.


Je revendique de votre compréhension et de votre amour de l’humanité même que vous laissiez à l’usage de nos enfants et des enfants de nos enfants les trésors vivants que nourrit encore la Terre. Que vous preniez la défense du requin, du loup, du lynx et de l’ours brun, plutôt que de les laisser agonir d’injures et anéantir à la balle ou au couteau par des êtres basiques, obsédés par la mort du "nuisible" ou du "gibier", et fiers de revêtir l’uniforme martial pour aller répandre la terreur à travers champs et bois.


Je vous en supplie, monsieur le président : faites taire les fusils et écoutez la symphonie du monde !

 

Source : http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1440002-non-mons...

 

 

 

 

 

 

23/10/2015

Créons 1000 Vandoncourt !

 

Vandoncourt2Banqueroutes frauduleuses, crise du climat, chômage, pollutions, exclusions… S’il est un sentiment largement partagé par la population dans son ensemble, c’est bien celui de l’impuissance généralisée du citoyen face aux grands problèmes de notre temps. La démocratie représentative a réussi ce tour de force de détourner le pouvoir de l’individu au profit d’assemblées et d’états sans pouvoirs et sans scrupules face aux diktats économiques de la pensée unique. Le comble du cynisme, ou du ridicule, est atteint, en plus, lorsqu’on le considère comme responsable de tous les maux, et qu’on lui enjoint de changer d’attitude pour sauver la planète : veillez à  bien fermer le robinet d’eau quand vous vous lavez les dents ! Pour les retraites, désolé, mais il n’y a pas d’autre solution ! Que faire, sinon baisser les bras dans ce désert politique ? Et pourtant…

Vandoncourt, le village qui élève la voix

Le Jura, c’est comme le nord de la chanson, c’est d’abord un gros coeur, depuis longtemps. Ce haut lieu d’expérimentation sociale, qui a vu naître le théoricien anarchiste Proudhon et les coopératives ouvrières, a gardé, au fond de son âme, le goût de l’initiative et de l’innovation sociale. Souvenons nous de la lutte héroïque des LIP et des tentatives autogestionnaires. Pas très loin de Peugeot/Sochaux, niché à quelques centaines de mètres d’altitude, un village sans doute très peu différent de beaucoup de villages français, avec son église et sa mairie, Vandoncourt. Ce petit village du Doubs, pourtant, expérimente le pouvoir réel aux citoyens, la démocratie directe, depuis quarante ans, et ça marche !  Là se joue sans doute, à l’insu des protagonistes peut-être, une des plus formidables expérimentations d’avenir : la reprise en main du pouvoir global par la population, en un mot, la vraie démocratie. Petit cours d’utopie pratique.

En 1970, « 68 » n’est pas très loin, et il va laisser un parfum libertaire qui va se répandre entre des habitants du cru, lassés de la somnolence municipale, et deux personnes, de retour de Madagascar,  et tombées amoureuses là-bas des célèbres « conseils des sages » sous les arbres à palabres. La rencontre entre une effusion qui va bouleverser la France pour longtemps et une pratique authentique millénaire va être détonante. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, dans un village aseptisé par manque de projets, un sondage est organisé, un programme élaboré, une liste déposée, un slogan diffusé : on est plus intelligents à plusieurs que seul ! La liste l’emporte. Elle se donne en plus une contrainte majeure : on fonctionne au consensus, pas à la majorité, comme à « Mada » ! Dame, les pauvres auraient-ils quelque chose à nous apprendre ?

Une fois en place, la nouvelle équipe met en pratique les principes qui l’ont fait élire : information  libre et transparente, aucun sujet tabou, commissions extra-municipales en place sur divers sujets (enfance, bâtiments, budget…) ouvertes à tous, réunions publiques mensuelles informant ceux qui ne peuvent se rendre aux réunions préparatoires, conseil des jeunes, des anciens, des associations ! Les structures démocratiques se multiplient, et provoquent une libération de l’expression. Le village devient un village sans maire, sans hiérarchie, autonome. Démocratie directe va de pair avec autogestion et  contrôle populaire…On essaie de donner à cette démocratie que l’on réinvente toute sa dimension émancipatrice. Ainsi, Vandoncourt est la seule commune de France où les électeurs, français et étrangers, peuvent participer dès l’âge de 15 ans.  Ensuite, le projet final chiffré est présenté au conseil municipal qui valide les décisions prises par les diverses  commissions, le tout dans les formes légales imposées par la loi. Quelques  exemples parmi d’autres : la commission du budget pose la problématique suivante, après avoir affiché tous les postes de dépenses : faut-il reporter certains travaux, ou augmenter les impôts ? Solution mitigée, on fait un peu des deux, après débat général. D’autres fois, des solutions sortent du cadre strictement marchand : pour la décoration du village, la mairie achète des fleurs, mais ce sont les habitants qui s’en occupent toute l’année. Les fontaines du village sont en mauvais état : on organise un chantier participatif avec les associations locales, voire internationales. Pour le POS, création de  collèges d’élus, d’agriculteurs, de propriétaires résidents…Des représentants sont désignés pour discuter avec les autres partenaires (DDE, services techniques de l’État…). Plus les avis divergent, plus le débat est riche. Un parmi les sujets qui ont le plus fâché : le remembrement ! Et une des solutions originales trouvées : s’échanger l’usage plutôt que la propriété.

Ecologie sociale

vandoncourt1

Située à Vandoncourt, la Damassine est un bâtiment public à vocation pédagogique.

Vandoncourt n’est pas en reste en ce qui concerne l’un des problèmes majeurs de notre temps, l’écologie. C’est là que fut créé le premier tri sélectif des déchets il y a trente ans, c’est là que l’on commença à s’opposer à l’enrésinement, c’est là que l’on prit position très tôt dans les grandes luttes nationales (Larzac, canal Rhin-Rhône, fusées pluton, nucléaire…). Localement, un chauffage collectif des bâtiments communaux à base de bois déchiqueté a été installé, bois provenant de la forêt communale de 300 ha qui appartient au village, exemple typique de développement de circuits courts. Mairie, école, foyer, salles communales, distillerie de cidre, pompiers, bibliothèque, 5 logements collectifs et un atelier communal bénéficient ainsi de la chaufferie, et économisent non seulement les finances, mais aussi les énergies fossiles. Les tailles des arbres fruitiers resservent sur place sous forme de BRF, un verger pédagogique, un projet pour relier à pied ou en vélo plusieurs villages alentour, développement d’habitat léger…Il y a autant de projets que d’habitants. On peut recenser 20% des habitants qui participent ainsi activement à cet essai réussi de démocratie générale, et la moitié de la population qui fait partie des 28 associations qui préparent la vie communale. Qui dit mieux ? L’avancée régulière des travaux est inscrite dans la « Damassine », publication trimestrielle, et relayée dans les deux publications locale et régionale. L’école participe activement à la mise en place des actions des commissions, offrant ainsi aux enfants, dès le primaire, les moyens de s’impliquer dans la vie démocratique de la commune ainsi qu’aux actions des associations…Nul doute, si l’on se projette dans le futur, que des citoyens ayant pratiqué une telle démocratie dès le plus jeune âge, dans des projets de développement locaux, ne puisse construire, dans la même logique, une société plus à même de répondre aux gigantesques défis qui nous attendent. Peut-être est ce là même la seule issue. Dès lors qu’il y a débat et contrôle populaire, alors le circuit des décisions est neuf : on pèse, on argumente, on teste, mais on se laisse pas imposer les solutions d’ailleurs. La gestion populaire remet forcément en cause les paradigmes de la croissance et de la représentation obligée servis à longueur d’antenne par un questionnement permanent : est-il normal que l’eau de la piscine soit au même prix que celle de la cuisine ? Entre la gratuité des parkings ou celle de la cantine, que choisir ? Les structures de démocratie directe, par le fait même qu’elles prennent du temps, aident à construire une société différente où la décision n’est pas subie mais construite, en même temps qu’elles instaurent entre les participants l’attention, le respect, le dépassement du conflit. La Loi n’est-elle pas l’expression de la volonté générale, comme le stipule la déclaration des droits de l’homme et du citoyen (art VI), et ceux-ci n’ont-ils pas le droit de concourir personnellement, ou par leurs Représentants, à sa formation ?

Perspective joyeuse

Il existe en France plusieurs collectivités qui ont mis la démocratie directe à leur programme (Eourres (05), Grigny (69)…). De par le monde, on connaît depuis longtemps aussi le budget participatif de Porto Alegre au Brésil. La commune de Marinaleda, en Espagne, est allée plus loin encore, en intervenant directement dans l’économie, installant une conserverie de légumes après avoir redistribué les 1 200 hectares d’un grand propriétaire terrien. Alors, posons les vraies questions : la démocratie communale, qui permet réellement aux citoyens d’exercer leur pouvoir, n’est-elle pas le meilleur moyen de dépasser l’impuissance caractérisée de nos sociétés ? Ne pourrions nous imaginer, en France, 15 000 communes de 4 000 habitants, taille qui permet des assemblées générales (soit environ mille personnes, de quoi remplir un cinéma) de toute une population ? Ne pourrions nous imaginer la fin des régions, communautés, départements, et un unique échelon territorial, la commune, disposant de tous les pouvoirs et financements (éducation, formation, routes, etc.) des divers échelons actuels ? Ne pourrions nous imaginer la possibilité d’intervention des dites communes dans l’économie, dans la satisfaction des besoins exprimés par la population dans des assemblées générales régulières ? Ne pourrions nous imaginer des banques municipales, où les habitants d’une même commune mettrait leur argent, qui pourrait servir directement sur le territoire de la commune, dotées ou pas de monnaies nouvelles et permettant une relocalisation de la production ? Ne pourrions nous imaginer des coopératives communales pour sortir de la concurrence débile et mortifère ? Utopisons plus loin encore : et si, pour les prochaines élections municipales, nous décidions, dans un premier temps, de créer 1 000 Vandoncourt, c’est à dire 1 000 communes autonomes fonctionnant en démocratie directe? Que chacun, ici et maintenant, chez lui, se dise : oui, c’est possible, oui, nous n’allons pas nous laisser imposer un énième supermarché, oui, nous devons protéger nos terres agricoles, oui nous devons lutter à notre niveau contre l’uniformatisation du monde, oui nous devons régénérer la démocratie, oui nous devons, nous pouvons reprendre le pouvoir, notre pouvoir, pas dans les stériles agitations médiatiques et politiques des partis, mais dans de vrais débats au sein de vraies assemblées, contradictoires, conflictuelles, mais qui toutes auraient comme fin l’amélioration immédiate du quotidien, le pouvoir de le faire, et l’anticipation de l’avenir. Un tel saut démocratique ne porte t-il pas en germe, appliqué de partout, la véritable solution aux problèmes majeurs de notre temps, puisque, par définition, le peuple ne peut agir contre lui même ?  Car Vandoncourt nous oblige à nous poser cette autre question : pourquoi donner son pouvoir à des partis par essence ultra-minoritaires, plutôt que de s’en servir soi-même ? Alors, chiche, on renverse la vapeur ?

 

Source : http://www.autogestion.asso.fr/

 

 

 

 

22/10/2015

Un peuple d'artistes par Nicolas Roméas

 

 

Ce monde devient irrespirable. Ce monde où le mensonge est au pouvoir nous asphyxie. Ce monde où les mots sont en permanence déconnectés des actes, où les paroles ne servent qu'à manipuler autrui comme un objet, où l'on apprend dans des écoles, à coups de formations coûteuses longues et pointues, à considérer les foules comme des troupeaux à gérer et à exploiter. Et où l'on s'habitue à rire jaune, à trouver ça normal, et le cynisme le plus vil devient une attitude courante. Ce monde où chacun doit être plus malin que les autres, (pas plus intelligent, non, ni plus fin ou sensible, plus malin), pour s'en sortir en tirant bénéfice de l'ignorance ou de la fragilité de l'autre.

 

Ce monde où l'on se débarrasse de ceux qui ne suivent pas en négligeant une réalité essentielle, centrale : ce qui fait la force de l'humain, c'est précisément sa fragilité. Et ceux qui la portent de façon visible sont nos meilleurs alliés pour apprendre et comprendre la vie. Nous le voyons chaque jour lorsque par exemple les pratiquants de l'art s'invitent dans les hôpitaux psychiatriques ou les prisons. Ces comportements-là, ceux des puissants de notre société, nous brutalisent, chaque jour, ici dans notre monde, par la façon dont nous traitons nos «autres», nos «fous», nos «délinquants», nos «étrangers», nos «migrants», ceux qu'on laisse pour compte. Ils nous agressent violemment dans la façon dont nous envisageons nos relations à d'autres cultures, dites «premières», qui sont comme l'oiseau dans la mine de charbon, ou la truite qui meurt si l'eau est trop impure, des témoins de notre possibilité de survie en tant qu'humains. Dedans ou dehors, c'est la même attitude. On ne peut plus du tout se sentir solidaire de ce monde et chacun, d'une façon ou d'une autre, le sent au fond de soi.

Un monde où la perversité est devenue la norme au point qu'aucune parole simple ne peut y trouver place, car elle est immédiatement suspectée d'arrière-pensées ou de faiblesse. Cet american way of life qu'on nous a vendu pendant des décennies et qui prend vraiment pieds dans nos vies.

Mithridatisés. C'est comme ça que ça s'appelle. On s'accoutume au mensonge, à une rhétorique creuse élaborée pour le pouvoir, à une pensée perverse qui abîme et blesse la pensée commune, perturbe l'esprit des citoyens, brouille tous les repères, rendant presque impossible l'usage d'une perception et d'une réflexion saines, où l'émotion garde sa place. On s'habitue à l'impuissance, à ne plus écouter ceux qui crient leur douleur, ceux qui s'épuisent à tirer la sonnette d'alarme, ceux qui voudraient simplement, logiquement, mettre dans leur vie un peu de solidarité, de confiance en l'autre, un peu d'humanité. Car sinon, à quoi bon ?

Comment le geste de l'artiste, dont l'objet est de traverser l'ensemble du groupe humain, du corps social, pour l'aider à faire corps et éveiller en lui de nouvelles consciences, peut-il trouver sa place dans un tel monde ?
 



Une telle fonction peut-elle être désirée par une telle société?

Dans les années soixante-dix, cette simple affirmation : «tout est politique» obligeait à reconsidérer les habitudes prises de longue date dans des domaines supposés sans rapport. Cette affirmation forçait à décompartimenter, à retracer les liens entre tous les terrains de nos vies, de l'éducation aux  questions d'écologie et  d'économie (« gestion intérieure d'une maison, d'une famille »), y compris ce qui semblait être très distinct de ce que l'on nomme habituellement la politique. Nous nous efforcions de rattacher entre eux des secteurs trop longtemps séparés et de relier l'ensemble de nos existences à ce qu'on appelle l'art et la culture.

Nous avons depuis perdu beaucoup de terrain. Cette tentative permanente de faire réapparaître le lien entre les choses, de nous exercer à l'intelligence au sens propre du mot (intel-ligere), a été rendue presque impossible par le travail d'une machine néolibérale qui nous enjoint chaque jour à ce qu'elle nomme l'«efficacité», c'est-à-dire à porter des œillères pour mieux consommer et produire.

Quand nous parlons de «culture» (à vrai dire nous hésitons à employer ce mot qui veut trop dire et ne dit plus grand chose), nous ne parlons pas de cette plus-value sociétale dont les uns seraient dotés et les autres dépourvus. Nous ne parlons pas de cette monnaie qui sert, comme le disait Pierre Bourdieu, à se constituer un capital symbolique à usage de distinction. Vous me direz que cette plus-value, à mesure que la vieille Europe se conforme au modèle étatsunien, se rapproche de l'obsolescence. Face au poids du chiffre en général et de l'argent en particulier, elle pèse de moins en moins dans la balance. Cependant, lorsque nous tâchons de creuser dans cette direction, quand nous tournons autour de cette question, celle de la pensée et de la création, c'est pour parler d'une aptitude à appréhender la réalité du monde d'un point de vue réellement humain. Pour évoquer une circulation de symboles dont le but est d'éveiller nos consciences, et qui doit concerner chacun et tous. Un point de vue où, par exemple, l'écologie et la culture doivent absolument se rejoindre pour exprimer le fait que l'urgence n'est pas seulement de «sauver la planète», mais surtout de raviver notre capacité à vivre en êtres sensibles.



Lorsque Jean Vilar affirmait qu'une pièce ne peut vraiment donner ce qu'elle a à donner que devant une salle qui représente la société entière, il manifestait clairement le rôle politique de l'art. Vilar, on ne le cite plus guère aujourd'hui, l'homme n'était pas plus parfait que vous et moi, pourtant voici quelqu'un qui a défendu becs et ongles le rôle politique du théâtre, lui qui disait aussi : «L'art du théâtre ne prend toute sa signification que lorsqu'il parvient à assembler et à unir». Et  : «Il s'agit donc de faire une société, après quoi nous ferons peut-être du bon théâtre». Et si l'on déroule jusqu'au bout le raisonnement de cet homme de théâtre, l'art est bien l'un des outils essentiels de cette action : «faire société».

L'art ne peut pas ne pas être politique.

Notre combat est sémantique et je sais que l'usage du mot «peuple» devient aussi de plus en plus délicat. Pourtant il s'agit bien de travailler la matière même du peuple que nous sommes, dans toutes ses composantes. C'est-à-dire  le contraire de la division à laquelle on assiste aujourd'hui au bénéfice des puissants. Il ne s'agit pas de produire une quelconque unanimité, il s'agit de rassembler et de débattre, au-delà de tout «objet» et de tout spectacle, qui ne sont qu'autant de vecteurs pour nous permettre de parler ensemble de nos vies. C'est à ça que ça sert et on le comprend bien, même sans avoir toujours besoin de retourner aux sources Grecques. D'autres sources, (africaines par exemple) le font clairement apparaître.

Lorsque le courant passe, ce peuple qui se rassemble devant un geste artistique n'est pas uniquement composé d'individus prêts à défendre des intérêts privés ou de classe, il forme aussi un ensemble solidaire, et c'est ce geste, et le partage d'une émotion, qui lui en fait prendre soudain conscience. C'est en ce sens que l'art que personne ne peut comptabiliser, mesurer avec des chiffres, est un adversaire du néolibéralisme en marche, et un témoin d'une part indestructible de l'être humain qui nous retient de sombrer dans le transhumanisme. Car ce qu'il rappelle est essentiel et peut se résumer en quelques mots : l'humanité réellement «augmentée» c'est celle qui est dotée d'un imaginaire et d'une âme. Et cela passe par des outils, qui servent à créer des langages pour que cet imaginaire puisse vivre et être partagé.

Or beaucoup de gens savent cela, beaucoup le ressentent et le vivent dans une immense frustration face aux compartimentages qui visent à réduire les humains à leurs fonctions de consommateur/producteur. C'est un peuple d'artistes.
 

Un peuple sensible. Imaginatif. Parfois naïf et souvent juste. Infiniment plus nombreux qu'on ne veut le laisser croire, dense, intuitif, attentif et aimant, armée de l'âme, diffuse, chaque jour veillant, traversant notre ciel d'un coup d'aile comme un immense vol de consciences, nuée d'anges gardiens rieurs ou tristes, candides et blessés, veillant aux injustices qui ne cessent d'être commises et en souffrant, à la gravité dont parfois on aurait besoin, à la légèreté sensible qu'un rien pourrait briser, à la bêtise qui nous désole et qui nous navre, à la beauté qui manque, souvent tuée dans l'œuf mais pas toujours et qui devient violente (ou convulsive) lorsqu'elle a réchappé au meurtre.

Un peuple intelligent, souvent modeste, parfois génial quand on lui en laisse le temps et l'espace, constamment travaillé, malaxé, canalisé, broyé, divisé, dupé, violé, moqué, trituré comme une matière, par une hiérarchie épicière qui croit avoir compris comment ça marche parce qu'elle s'est débarrassée de l'essentiel, de ce qu'elle s'imagine être superflu. Un peuple qu'on a tort, si l'on est capable d'une pensée au long cours, de ne pas entendre, car il est fait, comme le dit Jack Ralite d'«experts du quotidien, de porteurs de connaissances en actes ». Ce peuple de plus en plus exsangue, assoiffé de savoir et de justice, qui ne cherche pas le pouvoir et devant qui l'on tend des pièges imbéciles. Celui-là même dont le député Hugo parlait devant l'Assemblée Nationale le 11 novembre1848.

Nicolas Roméas

http://www.horschamp.org/

 

 

 

 

Ne fermez pas la porte aux « reporters citoyens »

Reporters Citoyens

 

Le 02-10-2015 à 16:10            

 

 

Pour d’obscures raisons administratives, la Région Île-de-France vient de refuser son soutien à Reporter Citoyen, un programme de formation de jeunes de quartiers au journalisme multimédias dont Altermondes est partenaire depuis sa création. Avec eux nous sommes allés au Burkina Faso, au Sénégal, en Tunisie et en Guyane.  Nous avons pu mesurer l’importance de permettre aux jeunes des quartiers de développer des compétences journalistiques pour porter un autre regard non seulement sur les banlieues mais sur la société dans son ensemble. Nous avons encore beaucoup de projets à mener avec eux. Ce programme doit absolument continuer.

Depuis six ans, avec le soutien de la Région Ile-de-France et des villes partenaires, « Reporter-citoyen » ouvre l’accès aux métiers du journalisme et de la communication aux jeunes des quartiers populaires.

Mais c’est aussi une école de la citoyenneté par laquelle sont passés 60 jeunes issus de sept villes de la région. Cette formation continue sur trois ans est portée par les équipes de LaTéléLibre, webtélé citoyenne et laboratoire de télévision créé en 2007, et l’École des métiers de l’information (EMI), acteur majeur de la formation professionnelle aux métiers de la presse et de la communication depuis plus de 30 ans.

Mais aujourd’hui « Reporter citoyen » pourrait s’arrêter. La Région Ile-de-France a refusé de reconduire sa subvention de 35 000 euros pour 2016, environ 25 % du budget. Cette décision intervient alors que plusieurs villes se sont engagées ces dernières semaines pour une nouvelle promotion de 40 jeunes (Paris, Grigny, Corbeil-Essonnes, L’Ile Saint-Denis…), avec le soutien financier des préfectures de l’Essonne et de Paris-Ile-de-France.

Les motifs de refus évoqués par les services techniques de la Région sont d’ordre purement administratifs : l’intitulé du projet relèverait désormais d’un autre « secteur » de la Région. Mais alors pourquoi nous ont-ils financés depuis six ans ?

Sur le fond, pas sur la forme !

Deuxième raison invoquée, nos problèmes d’« équilibre financier » en 2013 et 2014 seraient un handicap pour le renouvellement. Mais quelle association ne connaît-elle pas aujourd’hui ce type de difficulté ? Le plus important à nos yeux, est que nous terminons la deuxième promotion avec un budget à l’équilibre. Plus étonnant encore, les services nous font savoir que notre formation Reporter-Citoyen « n’a pas fait l’objet d’une évaluation »

Débat FSM2015
Retrouvez la couverture du FSM 2015 faite par Reporter citoyen et Altermondes

Pourtant, dans un courrier daté du 21 mai 2015, un bilan très complet de cette action, détaillant l’impact réel auprès de ces jeunes citoyens, leurs multiples réalisations en région parisienne mais aussi dans toute la France, leurs reportages en Tunisie et en Guyane, leurs nombreuses opportunités professionnelles et l’impact médiatique exceptionnel de « Reporter citoyen », a été communiqué au Conseil régional.

Si les services de la région n’ont pas eu le temps de lire notre bilan, ce n’est pas de notre fait. Nous demandons à être jugés, évalués et accompagnés sur le fond, pas sur la forme ! Que se passe-t-il ? Où sont les blocages ? Nous ne jetterons pas la pierre aux fonctionnaires territoriaux, car ils agissent le plus souvent selon la demande des élus. « Débrouillez-vous pour faire des économies », c’est la consigne implicite.

Le danger de cette attitude, c’est que la technostructure se substitue à l’action politique, ce qui représente un grave problème démocratique. Le réflexe, dans cette monarchie républicaine qu’est encore la France, est de faire appel à ses amis politiques. Or, nous avons toujours refusé le copinage avec les acteurs politiques, car nous sommes appelés à les questionner dans l’exercice de notre métier de journaliste.

C’est ainsi qu’à LaTéléLibre et à l’EMI, nous ne sommes pas de très bons lobbyistes. Nous n’avons que notre engagement et nos réalisations à faire valoir.

« J’ai besoin de vous »

Après les attentats qui ont secoué la France en janvier dernier, les jeunes « Reporters citoyens » ont choisi des mots pour dénoncer la tentation des rejets et des divisions de la société. Suite au succès de leur tribune vidéo dans Le Monde, parue le 16 janvier, la presse française et internationale a relayé la voix des « Reporters citoyens ».

Avec plus de 200 000 vues en quelques jours, la vidéo a insufflé un vent d’espoir auprès du public, des acteurs associatifs et des médias. Des dizaines d’articles, reportages, interviews ont été réalisés sur « Reporter citoyen » à la télévision (ici Canal+), à la radio, en presse écrite, et la vidéo a été partagée des milliers de fois sur les réseaux sociaux.

Suite à cet engouement citoyen et médiatique, et après que le premier ministre a dénoncé « l’apartheid territorial, social et ethnique » qui divisait la France, le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, Patrick Kanner, a voulu rencontrer les jeunes étudiants. Une discussion sans tabou a eu lieu, aujourd’hui rediffusée sur LaTéléLibre.

À cette occasion, le ministre a déclaré « J’aimerais bien voir Reporter citoyen dans ma région ! » avant d’ajouter que ce « projet associatif correspond aux préoccupations du moment ». Quelques semaines plus tard, c’est Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, qui acceptait l’invitation pour une émission spéciale sur le thème de l’éducation. Elle quittait les reporters citoyens en leur lançant « j’ai besoin de vous ».

Grâce à la formation et au réseau

En fait, c’est la France qui a besoin de toute sa jeunesse. Alors que nous devons engager le processus de recrutement des jeunes pour la promotion 2016-2018, nous sommes bloqués, car, sans l’aide de la Région Ile-de-France, nous ne pourrons poursuivre notre action.

Pourtant cette formation, unique en France, est particulièrement efficace pour aider les jeunes des quartiers à trouver leur place dans ce pays refermé sur lui-même. En plus d’une maîtrise de la pratique et de l’action citoyenne, beaucoup de jeunes des deux promotions ont pu trouver un débouché professionnel grâce à la formation et au réseau qu’ils ont constitué à LaTéléLibre et à l’EMI.

Nous demandons donc à la Région Ile-de-France, à tous ses élus, qu’ils soient de droite, du centre ou de la gauche, comme à son président Jean-Paul Huchon, de prendre une décision politique, et non pas administrative, afin de reconduire, ou mettre un terme, à la formation « Reporter citoyen ».

 

John Paul Lepers (Directeur de LaTéléLibre) et François Longérinas (Directeur de l’EMI)

 

 

 

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20/10/2015

Avis de parution : Écrits sans papiers. Pour la route, entre Marrakech et Marseille de Mireille Disdero

Le 15 novembre prochain
 
dans la collection Sur le billot des éditions la Boucherie littéraire.
 
Si vous souhaitez acquérir le livre de Mireille Disdero, une souscription est en cours jusqu'au 14 novembre inclus.
 
Passé le 14 novembre le livre ne sera commandable qu'en libraire (nous ne travaillons qu'avec des librairies exit donc Amazon et Fnac par exemple, mais via d'autres librairies en ligne le livre sera référencé). Pour information, toujours dans un soucis de respect de la chaîne des métiers du livre, la maison d'édition ne gère aucune commande en direct excepté à la souscription et la vente sur les salons du livre, notamment Les Beaux jours de la petite édition où Mireille sera présente en 2016.

de Mireille Disdero

 Écrits sans papiers. Pour la route, entre Marrakech et Marseille, Mireille Disdero, collection Sur le billot, éditions la Boucherie littéraire, 62 pages, novembre 2015, 12€,   I.S.B.N. 978-2-9551283-1-2

 

 

 

 

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15/10/2015

Plus de 3 millions de citoyens demandent l’arrêt de TAFTA et de CETA

 

mercredi 7 octobre 2015, par Collectif Stop TAFTA

3,2 millions d’Européen·ne·s disent non aux traités transatlantiques TAFTA et CETA ! L’alliance citoyenne, qui remet aujourd’hui les signatures de l’initiative citoyenne européenne (ICE) Stop TTIP à Bruxelles, demande une réponse politique de l’Union Européenne.

Bruxelles, le 7 octobre 2015 – L’Initiative européenne auto-organisée (ICE) Stop TTIP a remis plus de 3,2 millions de signatures à la Commission européenne à Bruxelles. Alliance regroupant près de 500 organisations européennes, Stop TTIP a collecté un nombre de signatures record dans le cadre d’une ICE.

L’alliance demande aujourd’hui une reconnaissance de la voix de ces millions de citoyen·ne·s : « ce sont pas moins de 3 millions d’Européennes et Européens qui exigent l’arrêt immédiat des négociations du TAFTA (l’accord UE-États-Unis) et l’ajournement de la signature du CETA (le traité UE-Canada, dont les négociations se sont achevées il y a un an) », déclare Johan Tyszler, l’un des animateurs du Collectif Stop TAFTA en France.
« En l’espace d’un an, nous avons réuni trois fois plus de signatures que cela n’était requis afin qu’une ICE soit recevable selon les règles des traités de l’UE. Ces dernières exigent qu’un minimum de sept États membres parmi les 28 pays de l’UE atteignent leur quorum national, seuil minimum de signatures obligatoire pour validation. Or, 23 États membres ont franchi leur quorum ! » indique Susan George, membre du comité citoyen de l’ICE. Et d’ajouter : « Ce large succès indique l’ampleur de l’opposition croissante à travers l’Europe. Les promesses faites en termes de transparence et de consultation citoyenne doivent être suivies d’actions concrètes : une audition devant le Parlement européen doit être organisée par les institutions de l’UE, et la Commission se doit d’agir pour l’arrêt complet des négociations et de la signature de ces traités ».

Cet acte symbolique ouvre un nouveau chapitre de la mobilisation contre les traités transatlantiques. Le Collectif Stop TAFTA et ses partenaires européens appellent à une semaine de mobilisation du 10 au 17 octobre afin d’accentuer la pression sur les décideurs européen·n·es.

À cet effet, de nombreuses actions et événements auront lieu à Bruxelles et sur le reste du continent :

  • Le 10 octobre : journée d’action décentralisée partout en Europe. En France, le 10 octobre annoncera le début d’une campagne de porte à porte sur le thème « TAFTA ou climat : il faut choisir », action portée par les nombreux collectifs locaux Stop TAFTA à travers l’Hexagone et qui s’étalera jusqu’à la conférence de l’ONU sur le climat (COP 21).
  • Le 15 octobre : encerclement du Sommet européen à Bruxelles contre les politiques d’austérité, dont le TAFTA incarne le volet de politique extérieure.
  • Le 16 octobre : journée de conférences citoyennes (TAFTA/CETA, dette, justice climatique, migration).
  • Le 17 octobre : marche européenne « Austérité = Pauvreté, Construisons une autre Europe » à Bruxelles, en présence d’un bloc TAFTA/CETA.
  • Du 13 au 17 octobre : Camp no-TTIP à Bruxelles - organisation de l’ensemble de la chorégraphie des actions qui se tiendront à Bruxelles lors de cette période.

L’ICE Stop TTIP est un appel lancé aux institutions et États membres de l’UE pour qu’ils cessent les négociations sur le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement avec les États-Unis (TAFTA), d’une part, et que l’Accord économique et commercial global avec le Canada (CETA) ne soit pas signé, d’autre part. L’initiative a été lancée en tant qu’ICE auto-organisée il y a exactement un an, le 7 octobre 2014, suite au rejet de l’ICE officielle par la Commission européenne. Un recours contre ce rejet a été déposé par Stop TTIP auprès de la Cour européenne de justice.

 

 

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12/10/2015

Tout ce qui m’est arrivé après ma mort de Ricardo Adolfo

 traduit du portugais par Elodie Dupau

Éditions Métailié, 6 avril 2015

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174 pages, 17,50 €.

 

Tout ce qui m’est arrivé après ma mort est une farce sur l’exil, aussi drôle que pathétique, dérangeante aussi, car l’auteur brouille un peu les pistes, ce qui lui permet de montrer comment chacun de nous, quel qu’il soit, bien installé dans sa peau de lecteur-voyeur-ricaneur, pourrait lui aussi un jour basculer et devenir le clown de sa propre histoire. Car à vrai dire notre identité, notre assurance, nos certitudes, ne tiennent qu’à un fil et si ce fil est coupé, quand tous les repères disparaissent, que l’on ne comprend plus personne et que personne ne nous comprend, et que l’on devient quantité négligeable, un immigré donc, une statistique, une ombre, alors on peut se perdre très facilement. Se perdre dans une ville étrangère et surtout se sentir étranger à soi-même. Un exil plus pernicieux encore.

 

Brito  est un personnage clownesque. Doublement perdus avec son épouse et son tout petit garçon, dans une ville sur l’île, et on devinera au bout d’un moment qu’il s’agit de l’Angleterre, et loin du pays, qu’on sait être le Portugal, où Brito était postier.

 

Après la mort, c’est quand on a été forcé de tout quitter et que l’on doit renaitre dans un autre pays, sans aucune carte en main. La moindre erreur peut entrainer un enchainement fatidique d’évènements plus aberrants les uns que les autres, avec l’impossibilité totale de stopper ce flux. Cette perte en avant rappelle à certains moments des romans de Paul Auster.

 

 

Brito, son épouse Carla et leur petit garçon, s’apprêtent à regagner leur maison, une minuscule chambre en vérité, qui fait office aussi de cuisine, de salon et de véranda, et ils rapportent avec eux et ce malgré Brito, une valise rouge à roulette toute neuve que Carla a voulu s’offrir, lors de cette sortie familiale unique et hebdomadaire de lèche-vitrines dans la ville qui rayonne de tous ses feux, ou presque… Car en réalité  « la dernière mode était de fermer des boutiques plutôt que d’en ouvrir (…) des devantures condamnées, des façades aveugles, clouées à coup de marteau pour cacher ce qu’il n’y avait pas à vendre. ».

  

Une panne de métro suivie des réactions intempestives de Brito, et la famille, faute de pouvoir se faire comprendre, aussi bien que faute d’un désir de compréhension de ceux qui ne les comprennent pas, se voit forcée d’emprunter une sortie inconnue. Ce sera le début d’une longue nuit d’errance. « Il n’y a que le présent qu’on n’allait pas perdre puisqu’il nous collait à la peau. »

  

L’auteur a choisi de nous présenter un personnage dont on peut rire, un total antihéros qu’on ne peut même pas vraiment prendre en pitié. Ses incessants dialogues intérieurs, que ce soit avec lui-même ou avec un Dieu auquel il ne croit pas vraiment, mais qu’il juge vindicatif avec ses trucs cyniques et canailles, sont une vraie farce à eux tout seul, comme les dialogues entre lui et Carla, son épouse excédée mais liée à lui vaille que vaille, car elle a choisit de le suivre alors qu’il voulait fuir le pays pour ne pas aller en prison, en espérant au passage y gagner une vie meilleure qu’au pays pour elle et les siens. Cet increvable espoir de l’immigré qui se paye au prix fort, celui de la transparence.

 

« Un jour, tout seul, sur le chemin de la maison, j’ai fait exprès de rentrer dans un poteau pour m’assurer que j’étais bien là, que je n’étais pas le fruit de mon imagination. J’existais, selon le poteau, et jamais je n’ai réussi à comprendre pourquoi personne ne me voyait. »

  

C’est une véritable tragi-comédie, une pièce de théâtre à l’intérieur du roman. Carla subit comme une double peine, d’une part l’exil et toutes ses difficultés, illusions et déceptions et par-dessus tout le sentiment de solitude, d’isolement et puis elle est la seule à travailler en faisant des ménages dans des bureaux et donc à gagner de l’argent et d’autre part un mari totalement démuni et anxiogène, à l’imagination exacerbée, qui extrapole continuellement et se complique les choses lui-même notamment avec sa théorie de la double-contradiction. En gros,plus il veut mieux faire et plus les situations empirent et les efforts qu’il fait sur lui-même pour être efficace sont désespérément drôles. Mais pourrait-il vraiment faire mieux ?

  

« La vie sur l’île m’avait placé dans une position nouvelle. (…) Sur l’île, elle n’était la femme que d’un immigré de plus, sans nom ni faits, d’un jobard quelconque. La femme d’un homme qui faisait honte, même à moi. »

  

C’est un roman sur l’impuissance la plus complète, on a envie de rire, mais c’est très amer aussi, car en réalité ce n’est pas drôle. Brito est une catastrophe, même pas véritablement sympathique car lui-même est couard, égoïste, ignorant et facilement raciste, car même immigré, il reste Européen malgré tout. Son épouse aurait envie de pouvoir l’attacher et le museler pour que les choses n’empirent pas plus, mais dans cet exil total, où on ne peut parler à personne, où personne même ne semble vous voir, le couple en mal du pays devient le rafiot que l’on ne quitte pour rien au monde. Une miette de meilleur, un cargo de pire et les difficultés forcent le lien.

 

L’auteur réussit donc tout en se moquant gentiment de ses personnages, à mettre peut-être plus encore en exergue que n’importe lequel d’entre nous pourrait être à leur place, car personne n’est fait pour supporter d’être un immigré, un exilé de force et quand quelque chose nous tombe dessus comme ça, tout le monde pourrait très facilement basculer dans cette farce amère et devenir le pantin pathétique de sa propre histoire.

 

Une façon cocasse (on notera entre autre le clin d’œil au cliché de l’immigré portugais avec la valise, sauf que celle-ci est neuve, rouge, rutilante et roulante) d’aborder l’air de rien et c’est tout de même un tour de force, absolument tous les aspects et toutes les problématiques de l’exil. « C’était un serpent qui mordait beaucoup de queues ».

 

L’auteur  a choisit le ton de la badinerie pour montrer à quel point parler des immigrés d’une façon générale, ça ne veut rien dire. Les immigrés sont aussi des étrangers les uns pour les autres, voire des ennemis. Il y autant de situations différentes que de personnes différentes. D’innombrables histoires individuelles et donc forcément très complexes.

  

Et la bêtise n’ayant pas de frontière, bringuebalés dans un monde absurde, comment ne pas devenir plus absurdes encore ?

  

 

 Cathy Garcia

 

 

 

R-Adolfo.jpgRicardo Adolfo est né à Luanda, en Angola, en 1974. Il a vécu à Lisbonne, Macao, Londres, Amsterdam et il réside actuellement à Tokyo. Publicitaire, il est l'auteur de romans, nouvelles, fictions courtes et livres jeunesse. Depuis l'étranger, il croque son pays, le Portugal, avec humour et ironie, souvent sans concession. Il nourrit ses écrits d'un quotidien qu'il aime à saisir au détour d'un dialogue, d'une situation, d'un événement. Ses romans ont été publiés en Hongrie, en Espagne, en Suède et au Japon.

 

 

Cette note a été publiée sur http://www.lacauselitteraire.fr/

 

 

 

 

08/10/2015

La barbe ensanglantée de Daniel Galera

 

traduit du portugais (Brésil) par Maryvonne Lapouge-Pettorelli

 

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Gallimard (Collection Du monde entier), 19 mars 2015

512 pages, 24,90 €.

 

 

Fascinant ce roman, et puissant, il se déroule de façon un peu heurté parfois, ou bien cela vient peut-être de la traduction, mais très vite on se retrouve comme hypnotisé par son mouvement, un balancement entre ressac océanique et l’ondulation du serpent.

 

Le personnage principal n’est pas le narrateur et on ne connaîtra pas son nom. L’auteur use de la troisième personne pour en parler, mais pourtant très vite on a vraiment l’impression d’être à l’intérieur de sa tête. Déboussolé par la perte de sa petite amie qui l’a quitté pour son frère, à qui il ne veut pas pardonner cette trahison, puis par le suicide de leur père, dont lui seul a été prévenu par le père en personne, qui l’a fait venir juste avant de passer à l’acte, pour lui faire promettre de faire piquer sa vieille chienne, pour qu’elle ne souffre pas de son départ. Et qui a remis aussi sur le tapis, le mystère de la disparition de son père à lui, le grand-père donc du personnage principal, qui aurait été assassiné dans une petite commune au bord de l’océan au sud du pays.

 

Comme une graine qu’il aurait semé de père à fils, juste avant de tirer sa révérence, et le petit-fils donc, plante tout, son appart et son travail à Porto Allegre, pour aller vivre lui aussi à Garopaba, dans un tout petit appartement humide, à quelques mètres de ce qu’il reste de l’ancien port de pêche. Un appartement où aurait vécu aussi son grand-père. Sans trop savoir ce qu’il cherche vraiment, il tente de se renseigner sur celui-ci, mais très vite à la simple évocation de son nom, les visages se ferment. De plus lui-même est atteint d’une pathologie étrange et handicapante, la prosopagnosie, l’impossibilité de se souvenir des visages, pas même du sien. Ce qui rajoute à l’étrangeté de sa situation.

 

Comprendre ce qui est arrivé à son grand-père, dont il est en plus le portrait craché, commence cependant à tourner à l’obsession et c’est de cette quête dont il est question tout au long de ces 500 et quelques pages. Le personnage principal s’y absorbe au point d’en faire une quête d’identité quasi métaphysique dans laquelle il va sombrer peu à peu, comme dans une sorte d’auto-envoûtement.

 

C’est un athlète, très physique et très bon nageur, il trouvera vite un poste d’entraineur dans la nouvelle piscine locale, puis un petit groupe de personnes désirant être entrainées à courir. Se partageant entre ces activités et la nage dans l’océan par tous les temps, un semblant d’équilibre se met en place, même s’il lui est difficile de nouer de véritables liens, à cause de son problème de prosopagnosie, dont il n’a pas envie de parler. C’est encore l’été, mais bientôt l’hiver arrive, les touristes partent, ne restent que les autochtones et divers personnages un peu en marge, plus ou moins paumés.

 

Il se fera deux copains, de beuveries surtout, dont un bouddhiste, et des femmes aussi vont croiser sa route, mais ce sont comme des rendez-vous manqués, creusant toujours plus en lui le goût de la solitude, comme un vide, obstinant. S’occuper de la chienne de son père aussi est devenu une obsession, même après que celle-ci se soit fait percuter par une moto, au point de ne peut-être plus jamais pouvoir remarcher, mais il y passera tout l’argent et l’énergie qu’il faut, cette chienne ne doit pas mourir, malgré la promesse faite à son père, peut-être parce qu’avec elle c’est tout une part de lui-même qui disparaîtrait ?

 

Avec ce roman on entre aussi au cœur de la vie et des changements en cours dans ce village de pêcheur qui s’est vu transformé en station de tourisme estival, la pêche allant toujours déclinant, où le temps se divise désormais entre belle saison et l’hiver où la vie y est plus difficile. Déprimante même pour beaucoup. Passer un premier hiver à Garopaba peut ressembler à un passage initiatique.

 

Entre passé et présent, légendes et superstitions, rêve et réalité, un quotidien d’une extrême banalité et une brutalité sous-jacente qui couve en permanence, notre personnage principal par une sorte d’obstination, se retrouve à perpétuer lui-même les vieilles histoires, dans lesquelles il s’empêtre comme un poisson pris au filet.

 

Mais découvrir la vérité, c’est aussi découvrir ce que l’on ne veut pas savoir.

 

Père, fils, grand-père, quelque chose dans le sang comme une violence vraiment primitive, une puissance qui gronde dans les veines comme un océan. Comme un océan en pleine nuit, noir et plein de sa force colossale, comme la vie quand il faut savoir se relever et vraiment savoir nager pour ne pas y laisser sa peau, ou pire encore.

 

La barbe ensanglantée est un roman dense et riche dans la profusion de détails sans jamais être ennuyeux, un de ces romans qui imprègnent fortement, comme des odeurs d’embruns qui mettent du temps à se dissiper. Un goût de sel, de sang et d’amertume.

  

Cathy Garcia

 

  

 

daniel-galera.jpgDaniel Galera, né en 1979 à São Paulo, est l’un des auteurs les plus prometteurs de la littérature brésilienne actuelle. Pionnier de l’utilisation d’internet dans le champ de la création littéraire, il a animé des fanzines électroniques et fondé la maison d’édition indépendante « Livros do Mal ». Auteur prolifique, il s’essaie aussi bien au roman qu’au conte, à la nouvelle ou à la bande dessinée.

 

 

 

Bibliographie : « Laila » dans Brésil 25. Nouvelles 2000-2015, anthologie dirigée et préfacée par Luiz Ruffato, Métailié, à paraître en 2015, traduit par Emilie Audigier. ; Cachalot, avec le dessinateur Rafael Coutinho, Cambourakis, 2012, traduit par Dominique Nédellec ; Paluche, Gallimard, 2010, traduit par Maryvonne Lapouge-Pettorelli.

 

Cette note a été publiée sur http://www.lacauselitteraire.fr/

 

 

 

Marc Tison, Un texte aussi exposé à La fontaine magique à Durfort (81) dans l'expo "ça collectif".

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L'Amérique latine dans le chaudron du diable


Revue Agone n° 57
Coédition avec la New Left Review 
Coordination Philippe Olivera & Clément Petitjean

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<http://agone.org/revueagone/agone57/>
 
Liens et continuités entre la grande époque des luttes anti-impérialistes et les profondes mutations actuelles, témoignant d’un possible retour de l’Amérique latine comme phare des luttes à venir.

L’Amérique latine ne se réduit pas au rôle dramatique où la cantonne la presse à sensations politiques : un continent écartelé par l’exploitation économique et financière via des organismes internationaux publics ou privés, une mosaïque de vallées sous la coupe des cartels de la drogue, le théâtre de révolutions anti-yankee ancrées dans les mythologies du XIXe siècle ou un regroupement de nouvelles puissances « émergentes » qui cherchent à prendre le train de la croissance.
Plutôt que d’employer les raccourcis habituels, ce recueil d’articles initialement parus dans la New Left Review révèle la diversité et la complexité de ces nations à la recherche de solutions singulières pour sortir du « chaudron du diable » dans lequel l’histoire nous enferme. Faudrait-il pour cela critiquer les errances de Lula et du Parti des travailleurs, suivre la conversion des économies illégales ou revenir sur les fissures de la contre-révolution libérale derrière leurs façades médiatiques ?

Au sommaire :

– Des républiques Potemkine, Bolivar Echevarria 
– Comment fut trouvée la formule d'une grande littérature brésilienne, Roberto Schwartz 
– L’ornithorynque, Chico de Oliveira 
– Des façons d'écouter dans un média visuel, Ismail Xavier 
– "Ce qui existe ne peut pas être vrai", entretien avec Adolfo Gilly 
– Le relooking de Medellin, Forrest Hylton 
– A quoi ressemble la protection  sociale du XXIe siècle, Lena Lavinas 
– Imprévisible Cuba, Emily Morris

À paraître le 13/10/2015
232 pages (12x21 cm) 20.00 €
ISBN : 9782748902334 

Tous les numéros de la revue Agone  : <www.agone.org/revueagone>





02/10/2015

Extrait de Ceci est mon corps, un film de Jérôme Soubeyrand (2014)

 

 

01/10/2015

Mon amour, de Julie Bonnie

 

 Grasset, 4 mars 2015

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 224 pages, 17, 50 €.

 

  

 

Je suis passée de l’autre côté d’une barrière dont j’ignorais l’existence. Finie, la vie de jolie fille. Bienvenue dans le monde des mères et des sourires complices de femmes. Adieu les regards d’hommes. Je m’étonne. 

 

Au centre de Chambre 2, le premier roman de Julie Bonnie, il y avait déjà le corps, le corps des femmes totalement chamboulé et parfois même saccagé par la maternité, il y avait déjà l’art et la musique et le fossé que la naissance d’un enfant pouvait creuser entre l’homme et la femme. Fossé physique, fossé psychique, parfois un gouffre. Julie Bonnie a une façon très particulière, splendide et ultra sincère de raconter ce corps, les émotions et les sentiments souvent contradictoires qui l’écartèlent. Dans Mon amour, son deuxième roman nous retrouvons cette matière qui lui tient à cœur.

 

Ici, il y a une femme qui vient d’accoucher, la mère donc, d’une petite Tess. Et un homme, en pleine ascension vers sa gloire, pianiste virtuose de jazz, le père donc, et lui-même fils d’un grand pianiste. Tess a quatre jours quand le père part en tournée internationale avec trois autres musiciens. C’était prévu avant même qu’elle ne tombe enceinte, alors elle, sa fée comme il l’appelle, se retrouve seule à Paris en plein été, avec son tout petit bébé.

 

« Je ne sais pas ce que je vais faire de ma peau aujourd’hui, j’imagine que Tess saura, elle. Toi, ce sera les musiciens, l’avion, les concerts, les hôtels, les filles. Mon amour, pas les filles, pense à moi, ne m’oublie pas. Ne nous oublie pas. Je suis fatiguée déjà. »

 

Le roman se construit sous forme de lettres, de lettres qui tiennent plus du journal intime, car elles n’atteignent pas réellement le destinataire. Trop de vérités en elles. Ce sont donc des lettres surtout à soi-même. D’abord celles d’une jeune femme livrée à elle-même dans cette toute nouvelle fonction maternelle et celles de son homme parti pour un mois de tournée autour du monde. Un mois, ce n’est rien, mais pour une maman qui vient d’accoucher, c’est un siècle.

 

Deux amants, deux univers qui s’éloignent l’un de l’autre à la vitesse des avions que lui enchaîne de son côté et de la métamorphose encore plus rapide et irrévocable de la femme en mère, aux prises avec son sentiment d’abandon et la découverte de cette nouvelle et monstrueuse forme d’amour qui l’engloutit toute entière. L’amour pour son bébé.

 

« Je l’aime d’une façon qui n’existe pas, avec la force de la mer déchaînée »

 

Mère trop seule, mère angoissée, traversée de sentiments totalement ambivalents, contradictoires, d’émotions trop violentes qu’elle voudrait partager avec l’homme qu’elle aime.

 

« Je crois que je vais l’avaler, la remettre dans mon ventre, pour que tout redevienne simple, que tu sois près de moi. »

 

Lui est totalement obnubilé par son art et ses angoisses de musicien, pas prêt en réalité à être père, lui qui doit surpasser lui-même un père absent qui avait finit par quitter sa mère alors qu’il avait douze ans, un père qu’il déteste mais qui demeure toujours aussi écrasant.

  

« Ce salopard n’a jamais pris la peine de me regarder. Il ne m’a jamais vu. »

 

Elle est devenue mère mais lui est encore cet enfant de douze ans qui veut tuer le père.

 

Julie Bonnie a un rare talent de savoir si bien raconter ce moment extrêmement ambigu de l’entrée en maternité, ce passage initiatique souvent d’une grande violence où le corps est à la fois meurtri, abimé et magnifié, sublime d’animalité.

 

C’est fou ce que le corps traverse. Toi, ton sexe est impeccable. Rien n’a changé. On peut difficilement parler d’égalité. Parce que, en ce qui me concerne… Tout a changé. Je me dis que je ne referai jamais l’amour. J’ai moins mal. Voilà de quoi je me contente. Et toi, tu joues au bout du monde. 

 

La plus grande fragilité et la plus incroyable puissance se rejoignent là, au centre, dans le ventre des femmes. Julie Bonnie trouve les mots justes pour dire la peur, la colère, la détresse de la femme seule avec son bébé, cet « animal tyrannique » qui lui prend tout et dont elle tombe pourtant folle amoureuse, parfois instantanément, d’autres fois il faut un peu de temps, du temps pour s’habituer à toute cette confusion.

 

Il y a une fille qui habite mon corps et qui préfèrerait être seule aujourd’hui. Sans homme, sans enfant. Je la balaie chaque fois qu’elle pointe le bout de son nez, mais elle murmure dans le creux de mon oreille que ma nouvelle vie est un cachot dont on ne sort plus. Je ne serai jamais plus celle que j’étais.

 

Et la peur aussi de ne plus être la femme qui séduit l’homme qu’elle aime.

 

Maintenant je suis la mère de ton enfant. Je suis la femme qu’on trompe.

 

Et effectivement, même si elle ne le saura pas, lui qui ne sait pas être seul, se réveille avec Suzanne. Suzanne qui suivra la tournée, Suzanne... « Elle m’écoute, elle m’entend. »

 

Sydney dit : « En tournée, ça ne compte pas mec, c’est comme un bonus de vie dans un jeu vidéo. »

  

La fée qui lutte contre la rage de se sentir abandonnée avec un bébé de quatre jours, qui essaye pourtant d’écouter, d’entendre les problèmes de la tournée, les affres et les doutes de l’artiste totalement centré sur lui-même, tout pour ne pas voir ça comme de l’égoïsme, mais c’est trop, il est trop loin d’elle, aussi bien physiquement qu’en pensées, étranger à tout ce qu’elle vit, étranger au père qu’il devrait être et déjà trop proche du père qu’il ne voulait surtout pas être, le sien.

 

Aussi, elle accepte de passer un peu de temps avec une connaissance, l’ami d’une amie, Georges. Georges-le-Géant, un peintre, un homme massif mais torturé par sa peinture. Une boule de feu. Un artiste encore, mais solitaire, sans public. D’ailleurs elle aussi était une artiste, le dessin, les illustrations, mais elle avait laissé ça de côté pour suivre son homme, comme si son art à lui importait plus que le sien.

 

Nous marchons côte à côte, je suis rassurée. Georges est une ombre immense.

  

Se promener avec Georges, parler avec Georges, manger un repas préparé par Georges, Georges qui va faire les courses pour remplir les placards vides car il faut manger et bien manger. « C’est un homme drôle, gentiment maladroit, prévenant, qui me prépare un repas délicieux. J’ai vraiment besoin qu’on s’occupe de moi.» Pouvoir confier Tess entre les grandes mains de Georges et prendre le temps d’une longue douche, prendre du temps, un tout petit peu de temps pour elle. Être dessinée endormie par Georges, un sein nourricier dénudé, rendue belle dans la plénitude de ses courbes, abandonnées au sommeil, elle et l’enfant, et pouvoir s’aimer à nouveau, aimer son corps à travers ce dessin griffonné au stylo. « Équilibre, sensualité. Il me plait le corps de cette fille, sur le carton ». Tous ces petits moments comme des petits morceaux d’ouate, vont plonger la nouvelle maman dans un présent à vivre ici et maintenant. George empêtré dans son grand corps est touché par elle, touché par Tess. Quelqu’un d’attentif, attentionné, effrayant un peu car vraiment étrange, habité de visions, mais qui est là, qui la voit, qui prend soin d’elle, la nourrit, la soulage de cette solitude impossible avec un bébé. Et Julie Bonnie écrit pour ces femmes, ces femmes qui culpabilisent de ne pas y arriver, de ne pas être ce qu’on attend d’elle, juste heureuses et parfaites. La maternité dans la vie d’une femme c’est bien plus complexe, bien plus dévastateur qu’une image d’Épinal, cela demande un courage inouï, c’est aussi grandiose que brutal, et pas une femme n’est pareille à une autre, mais pour toutes, l’isolement est une chose terrible.

  

Mes émotions, mon amour, sont d’une violence si incontrôlable et me laissent vulnérable. Si vulnérable.

  

Et en même temps, cela donne une force toute aussi inouïe.

 

Ces lettres qui s’entremêlent, car chacun des personnages qui traversent ce roman viendra poser ses mots dans la trame et lui donner ainsi une richesse de sensations, d’expériences, de couleurs, d’émotions, de musiques. Des morceaux de vie comme des uppercuts et quelques échappées vers le rêve, voire le fantastique, sur lesquels planent les notes d’Almost Blue de Chet Baker.

 

Une réussite encore Mon amour, qui nous touche profondément.

 

Cathy Garcia

 

 

Julie Bonnie.jpgNée à Tours le 3 mars 1972, Julie Bonnie a donné son premier concert à 14 ans. Chanteuse, violoniste, guitariste, elle a chanté dans toute l’Europe pendant dix ans avant de travailler en maternité jusqu’en 2013. Elle est l’auteur d’un premier roman, Chambre 2 (Belfond, 2013, Pocket, 2014), lauréat du prix du roman Fnac 2013.

30/09/2015

Têtes blondes de Perrine Le Querrec

  éditions Lunatique, 4 juillet 2015. 80 pages, 8 euros.

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En couverture, « La Main de Gaïa », photo d’Isabelle Vaillant.

 

Abus, abandon, aliénation, agression, dépression, démence, isolement, paranoïa, peur, violences psychologiques, physiques et ce jusqu’à ce que mort s’ensuive… On retrouve dans ce recueil de nouvelles, au titre faussement léger, les thématiques qui travaillent au corps à corps Perrine Le Querrec, la vase dans laquelle sa plume va puiser. Ces têtes blondes, tantôt victimes, tantôt bourreaux, parlent d’enfance, de jeunesse saccagées par la folie des uns ou des autres, dans un climat toujours très oppressant, « comme à la maison où on doit sculpter sa place dans le marbre des cris », se dit la petite fille dans Fourmilière.

 

Difficile de respirer, Perrine le Querrec écrit une langue d’apnée. Le lecteur est pris au piège.

 

La première nouvelle nous happe dans un tourbillon de parures, de boutiques, de cabines d’essayage, et une enfant putain de sa mère qui n’a qu’un souhait, disparaître. Petite lolita contrainte par une mère toxique, on pense à Irina Ionesco et sa fille Eva.

 

De même Foyer, peut faire penser au film Mommy du québécois Xavier Dolan.

 

Des ambiances empesées comme des camisoles amidonnées, des bouches suturées, maison, foyer, couvent, société, dans lesquels on s’enferme ou se fait enfermer, abandonner, dépecer.

  

Têtes blondes peut-être, mais surtout têtes coupées.

 

Cathy Garcia

 

 

 

  

103603315_o.jpgPerrine Le Querrec est née à Paris en 1968. Ses rencontres avec de nombreux artistes et sa passion pour l’art nourrissent ses propres créations littéraires et photographiques. Elle a publié aux Carnets du Dessert de Lune : Coups de ciseaux, Bec & Ongles (adapté pour le théâtre par la Compagnie Patte Blanche), Traverser le parc, La Patagonie et Pieds nus dans R. Et puis No control, Derrière la salle de bains, 2012 ; Jeanne L’Étang,  Bruit Blanc, avril 2013 ; De la guerre, Derrière la salle de bains, 2013 ; Le Plancher, Les doigts dans la prose, avril 2013. Elle vit et travaille à Paris comme recherchiste indépendante. Les heures d’attente dans le silence des bibliothèques sont propices à l’écriture, une écriture qui, lorsqu’elle se déchaîne, l’entraîne vers des continents lointains à la recherche de nouveaux horizons. Perrine Le Querrec est une auteure vivante. Elle écrit dans les phares, sur les planchers, dans les maisons closes, les hôpitaux psychiatriques. Et dans les bibliothèques où elle recherche archives, images, mémoires et instants perdus. Dès que possible, elle croise ses mots avec des artistes, photographes, plasticiens, comédiens. http://entre-sort.blogspot.be/

 

29/09/2015

AVIS DE PARUTION : Revue Nouveaux Délits, le numéro 52

                                        

 

 Oct. Nov. Décembre 2015

52 couvsmall.jpg

 

En panne d’édito… Oui comme une fatigue de la tête, un encombrement de décombres, l’impression de ramer depuis des siècles dans une épaisse mélasse, où d’innombrables serpents passent leur temps à se mordre la queue. La sensation d’être toujours en retard, ou trop en avance, allez savoir, mais en décalage permanent ça oui. C’est peut-être ça « être poète », mais à vrai dire « être » suffirait, car les étiquettes collent mal ou collent trop, et elles ne servent à vrai dire qu’à rassurer le contenu du bocal qui nous sert d’identité. Époque de transition on appelle ça, je crois bien, mais toutes les époques ne sont-elles pas « de transition » ? Celle-ci est de grande confusion en tout cas. L’hyper-information, l’hyper-informatisation, la mondialisation de tout et n’importe quoi mais certainement pas de l’essentiel, les grands élans de solidarité commandités, la propagande qui ne dit plus son nom, on en vient à se méfier de ses propres pensées. En fait, non je n’ai plus rien à dire, je persiste à faire certaines choses, mais je n’ai plus envie d’en parler, j’ai le tournis là. C’est l’appel de la forêt, de la grotte, du silence…. La fatigue c’est aussi peut-être le début d’une forme de lâcher-prise, trop longtemps que j’obéis à la pression, à tenter d’être………….quelque chose, et en vérité sur l’échelle sociale, je suis tout en bas, écrasée sous le premier barreau, dans cette mélasse où j’ai depuis longtemps perdu mes rames, avec ces innombrables serpents qui se mordent la queue. Mais, j’ai encore ce qu’il faut pour faire une revue de poésie qui s’appelle Nouveaux Délits, c’est un clin d’œil auquel je tiens. Alors, merci à toutes celles et ceux qui font que ce clin d’œil ne meurt pas et merci à moi-même de m’accorder la liberté d’être en panne d’édito.

 

Cg

 

 

Apprends à te respecter beaucoup plus devant

ta propre conscience que devant autrui.

Démocrite

 

 

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AU SOMMAIRE

 

Délit de poésie : Corinne Pluchart, Benoit Jantet, Jacques Cauda, Marie-Françoise Ghesquier, Gabriel Henry, Claire Lajus

 

Délit d’oxygène : Nous sommes libres, Approche poétique d'un concert du duo Akosh S. et Sylvain Darrifourcq par Laurent Bouisset

 

Résonance : Indalo de Christian Saint-Paul – Encres Vives n°441, avril 2015 et Cigogne (nouvelles) de Jean-Luc A. d’Asciano, Serge Safran éditeur – mars 2015

 

Délits d’(in)citations virevoltent toujours au coin des pages.  Vous trouverez le bulletin de complicité au fond en sortant, toujours aussi sympathique, comme une idée de cadeau à faire ou à se faire. 

 

 

 

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Illustrateur : Jacques Cauda

 

 

 

J'ai tendu mon âme comme un câble au-dessus de l'abîme

et jonglant avec les mots, je m'y suis balancé.

Vladimir Maïakovski

 

 

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Il n’y a rien de plus effrayant que l’ignorance à l’œuvre.

 Goethe

 

 

 

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GEORGE
 Nous grattons tous des étiquettes, ma petite fille… Et quand on a gratté la peau, quand on a percé le cuir, toute la graisse, fouillé à travers les muscles et farfouillé à travers les organes (à NICK)… quand ils existent encore… (à HONEY) et quand on arrive enfin jusqu’à l’os… vous savez ce qu’on fait ?

HONEY (très intéressée)
 Non.

GEORGE
 Quand on arrive à l’os, il y a encore tout un travail à faire. (Il pointe un doigt, un léger temps, sadique.) Hé !... c’est qu’à l’intérieur de l’os il y a quelque chose qui s’appelle… la moelle… et c’est la moelle qui est bonne, délicieuse ! ... C’est ça qu’il faut extraire.

 

 


Edward Albee
in Qui a peur de Virginia Woolf ? (1962)

 

 

 

 

ta bouche habite l'obscur-Cauda.JPG 

Nouveaux Délits  - Octobre 2015  -  ISSN : 1761-6530  -  Dépôt légal : à parution  -  Imprimée sur papier recyclé et diffusée par l’Association Nouveaux Délits

 

 

 

Coupable responsable: Cathy Garcia

 

Complice illustrateur : Jacques Cauda

 

 

 

http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com

 

 

Poèmes politiques posthumes de Manuel José Leonardo Arce Leal, traduits par Laurent Bouisset

 

1. General

 
General
—no importa cuál,
da lo mismo,
es igual—:
Para ser General,
como usted, General,
se necesita
haber sido nombrado General.
Y para ser nombrado General,
como usted, General,
se necesita
lo que usted no le falta, General.
Usted merece bien ser General,
llena los requisitos, General.
Ha bombardeado aldeas miserables,
ha torturado niños
ha cortado los pechos de las madres
rebosantes de leche,
ha arrancado los testículos y lenguas,
uñas y labios y ojos y alaridos.
Ha vendido mi patria
y el sudor de mi pueblo
y la sangre de todos.
Ha robado, ha mentido, ha saqueado,
ha vivido
así, de esta manera, General.
 
General
—no importa cuál—:
para ser General,
como usted, General,
hay una condición fundamental:
ser un hijo de puta,
General.
 
-

 

 
1. Général
 
Général
– et peu importe lequel,
ça ne change rien,
c'est parfaitement indifférent – :
Pour être Général
comme vous, mon Général,
il faut d'abord
avoir été nommé Général.
Et pour être nommé Général,
comme vous, mon Général,
il faut avoir en soi
ce dont vous ne manquez pas, mon Général.
Amplement, vous le méritez, d'être Général,
amplement, vous les remplissez, tous les critères.
Vous avez bombardé des hameaux misérables
vous avez torturé des enfants
vous avez tranché la poitrine des mères
qui débordaient de lait,
vous avez arraché les testicules et les langues,
les yeux, les ongles et lèvres et quantité de hurlements.
Vous avez vendu ma patrie,
la sueur de mon peuple
et notre sang à tous.
Vous avez volé, menti, pillé,
vous avez bel et bien vécu
ainsi, de cette manière, mon Général.
 
Général,
– et peu importe lequel – :
pour être Général,
comme vous, mon Général,
il est une condition fondamentale :
être un vrai fils de pute,
mon Général.
 
 
*
 
 
2. Sermón presidencial
 
Paso el Ejército
y del dulce pueblito que antes era
atractivo turístico
en las postales multicoloridas,
no quedo piedra sobre piedra
ni quien para contarlo:
se encontró los cadáveres de mujeres preñadas
con el feto asomado por la herida del vientre.
Se encontró a muchachitos de cinco años y menos
colgados de las tripas en las ramas de un árbol.
Los ancianos del pueblo,
venerables,
estaban decapitados en la plaza frente a la iglesia.
No quedaba ni quien para contarlo.
Ni los perros.
Y la prensa, la radio y la televisión
repetían, hoy lunes, el sermón del domingo
del Señor Presidente
—general y pastor evangelista—,
que comenzó diciendo:
"Dios es Amor, hermanos..."
 
-

 

 
2. Sermon présidentiel
 
L'armée passa
et du petit village paisible qui
séduisait avant ça les touristes
sur cartes postales multicolores,
il ne resta pas une pierre en l'état,
ni personne pour le raconter :
on retrouva les cadavres de femmes enceintes
avec leur fœtus s'échappant d'une blessure au ventre.
On retrouva des gosses de cinq ans et moins
pendus par les tripes aux branches d'un arbre.
Les anciens du village,
les vénérables,
avaient la tête tranchée sur la place de l'église.
Il ne restait plus même une voix pour raconter tout ça.
Plus seulement un chien.
Et la presse, la radio et la télévision
répétaient, aujourd'hui lundi, le sermon du dimanche
de sa Majesté Président
– général et pasteur évangéliste –
qui avait commencé en nous disant :
« Dieu est Amour, mes frères... »
 
 
*
 
 
3. Mapa con una piedra
 
Aquí queda el océano: los pesqueros que abandono Somoza.
Aquí, la costa: el algodón, bananos, caña de azúcar, caucho,
cacao, ganado y paludismo.
Mas acá, el altiplano, las fincas de café y de cardamomo.
Y mas acá, hasta arriba, se encuentran la montaña y las tierras
estériles.
Y en esta aldea miserable de indios
—de indios que en la cosecha bajan al altiplano o a la costa,
en camiones de vaca, con toda la familia, por salarios que ya
ni madre tienen.
a labrar los millones que se quedan
en bancos y burdeles de Miami;
de indios que van cargando a mecapal la historia—
en esta aldea, digo,
en este simple patio de tierra apisonada,
un niño juega con una piedra.
Con una piedra.
Con una sola piedra.
 
El silencio, de pronto, decapita la canción de los pájaros.
Y el niño sigue jugando con una piedra.
Los arboles presienten el peligro. El maíz se acongoja en la
mazorca.
Hay un temblor de muerte en los celajes. El agua se detiene
en el cauce del río.
Y los perros esconden el olfato. Pero el niño
en el patio
esta jugando con una piedra.
 
Es un ruido en pedazos que se oye desde lejos,
retaceado,
indeciso.
Viene como cortando con hachazos metódicos el aire.
 
Las mujeres levantan la mirada
y corren con un niño en el pecho, y otro niño en la espalda y
otro niño en el vientre,
y un niño mas colgando en cada brazo.
Los viejos sacan fuerzas de flaqueza, escarban en los reumas
hasta hallar los pedazos
de energía que quedan y corren o se arrastran mas bien.
 
Los helicópteros están sobre los ranchos, las casas, las calles,
y los patios.
Las llamas de napalm roen los techos de amable paja,
el campanario de la iglesia estalla,
los perros cabalgados por el fuego revientan en aullidos,
el paisaje se borra en el humazón caliente.
 
Vuelven los helicópteros.
Esta vez se declara el aguacero torrencial de balazos,
las cortinas que vienen barriendo lo que queda de vida entre
las brasas
y acosando en seguida la montaña
donde los trajes imperiales de las mujeres sirven de objetivo
seguro.
—perseguido-encontrado-perseguido-encontrado y alcanzado—
por la eficacia de los artilleros.
 
Y el niño esta en el patio sin su piedra.
Termino el juego
cuando aun tuvo tiempo de lanzarla
contra los helicópteros.
 
En este mapa ardiente que describe mi patria
ya no existen niños:
desde que el hombre nace, nace adulto.
Adulto y combatiente.
 
-
 
3. Carte avec une pierre
 
Ici, l'océan : les bateaux de pêche qu'abandonna Somoza.
Ici, la côte : le coton, les bananes, la canne à sucre, le caoutchouc,
le cacao, le bétail et le paludisme.
Par là, l'altiplano, les exploitations de café et de cardamone.
Et par là, jusqu'en haut, les versants montagneux et terres stériles.
Et dans ce hameau misérable d'indiens
–d'indiens descendant récolter jusqu'à l'altiplano, ou même la côte,
la famille entière entassée dans des fourgons à bestiaux, pour des salaires
qu'ils finissent par ne toucher plus qu'en rêve.
tous à bûcher pour les millions qui resteront
dans les banques et bordels de Miami ;
d'indiens charriant sur leurs épaules fourbues l'histoire–.
dans ce hameau, vous dis-je,
dans ce simple patio de terre damée,
un enfant joue avec une pierre.
Avec une pierre.
Avec une seule pierre.
 
Le silence soudain décapite la chanson des oiseaux.
Et l'enfant continue à s'amuser avec une pierre.
Les arbres pressentent le danger. Le maïs se rétracte
dans l'épi.
Un tremblement de mort parcourt les cieux. L'eau s'immobilise
dans le lit de la rivière.
Et les chiens cachent leur flair. Mais l'enfant
dans le patio
continue à jouer avec une pierre.
 
Un bruit haché se fait entendre dans le lointain,
entrecoupé,
comme hésitant.
Il semble arriver taillant l'air à coups de hache méthodiques.
 
Les femmes lèvent les yeux au ciel
et prennent la fuite, un enfant collé à leur sein,
un autre enfant arrimé sur le dos, un autre encore
est dans le ventre, un de plus dans chaque bras.
Les vieux grappillent des forces à leur faiblesse, grattent leurs rhumatismes
jusqu'à dénicher les lambeaux
d'énergie subsistant et courent, ou non, plutôt ils rampent.
 
Les hélicoptères survolent les fermes, les maisons, les rues
et les patios.
Le napalm en feu ronge les toits de paille aimable,
le clocher de l'église éclate,
les chiens, chevauchés par les flammes, hurlent à la mort,
le paysage s'efface, envahi par la fumée chaude.
 
Retour des hélicos.
Début de la pluie torrentielle de balles.
Les rideaux maintenant balaient ce qui reste de vie entre
les braises,
puis ils vont ratisser, après ça, la montagne,
où les vêtements colorés des femmes servent aux
tireurs d'objectif sûr.
–traqué-trouvé-traqué-trouvé puis atteint–
par l'efficacité des artilleurs.
 
Et le gamin dans le patio n'a plus sa pierre.
Il a dû mettre un terme au jeu
après avoir quand même trouvé le temps
de la jeter sur les hélicoptères.
 
Sur la carte embrasée qu'est devenue ma patrie
il n'y a plus d'enfants :
sorti du ventre à peine, on est adulte.
Adulte et combattant.
 
 
*
 
 
4. La hora de la siembra
 
Y no nos han dejado otro camino.
Y esta bien que así sea.
Recibimos el golpe en la mejilla,
la patada en la cara.
Y pusimos la otra mejilla,
silenciosos y mansos,
resignados.
Entonces comenzaron los azotes,
comenzó la tortura.
Llego la muerte.
Llego noventa mil veces la muerte.
La labraban despacio,
riéndose,
con alegría de nuestro sufrimiento.
 
Ya no se trata solo de nosotros los hombres.
El saqueo constante de nuestras energías,
el robo permanente del sudor
—en cuadrilla, a mano armada, con la ley de su parte—.
Ya no se trata solo de la muerte por hambre.
Ya no se trata solo de nosotros los hombres.
También a las mujeres,
a los hijos,
a nuestros padres y a nuestras madres.
Los violan, los torturan, los matan.
También a nuestras casas,
las queman.
Y destruyen las siembras.
Y matan las gallinas, los marranos, los perros.
Y envenenan los ríos.
 
Y no nos han dejado otro camino.
Y esta bien que así sea.
 
Trabajábamos.
Trabajábamos mas allá de las fuerzas.
Empezábamos a trabajar cuando aprendíamos a caminar
y no nos deteníamos sino al momento de morirnos.
Nos moríamos de viejos a los treinta años.
Trabajábamos.
 
El sudor era un río que se bifurcaba:
de un lado se volvía miseria, fatiga y muerte para nosotros:
de otro lado, riqueza, vicio y poder para ellos.
Sin embargo,
seguimos trabajando y muriendo siglo tras siglo.
Pero ni aun así se ablandaban sus caras frente a nosotros.
Vinieron con sus armas
y sus armas vinieron a matarnos.
 
Y no nos han dejado otro camino.
Y hemos tenido que empuñar las armas
también nosotros.
 
Al principio eran las piedras,
las ramas de los arboles.
Luego, los instrumentos de labranza,
los azadones, los machetes, las piochas,
nuestras armas.
Nuestro conocimiento de la tierra,
el paso infatigable,
nuestra capacidad de sufrimiento,
el ojo que conoce y reconoce cada hoja,
el animal que avisa,
el silencio que aprieta las quijadas.
Esas fueron primero nuestras armas.
 
No teníamos armas.
Ellos si que tenían:
las compraban con nuestro trabajo
y luego las usaban contra nosotros.
 
Ahora tenemos armas:
las de ellos.
Cuando vinieron nocturnos a matarnos
les salimos al paso,
caemos como rayos
y tomamos las armas,
agarramos las armas.
 
Cada fusil cuesta muchas vidas.
Pero son mas las muertes que nos cuesta
si sigue en manos de ellos.
 
Y no nos han dejado otro camino.
Y esta bien que así sea.
Porque esta vez
las cosas
van a cambiar definitivamente.
Están cambiando.
Ya cambiaron.
Cada bala que disparamos lleva
la verdad del amor por nuestros hijos,
por nuestras mujeres y nuestros mayores
y por la tierra misma y por sus arboles.
 
Y por eso hay mujeres y niños combatiendo junto a nosotros.
 
Cuando sembramos el maíz,
sabemos que deberán pasar lunas y soles
hasta que la mazorca sonría con sus granos y se vuelva alimento.
Y cuando disparamos nuestras armas
es como si sembráramos
y sabemos
que deberá venir una cosecha.
Tal vez no la veamos.
Tal vez no comeremos nuestra siembra.
Pero quedan sembradas las semillas.
 
Las balas que ellos tiran solo llevan muerte.
Nuestras balas germinan,
se vuelven vida y libertad,
son metal de esperanza.
 
Las cosas han cambiado.
Y esta bien que así sea.
 
Hemos limpiado y aceitado el arma.
Echamos las semillas en la alforja y emprendemos la marcha
serios y silenciosos por entre la montaña.
Es la hora de la siembra.
 
-
 
4. L'heure de semer
 
Et ils ne nous ont pas laissé d'autre chemin.
Et c'est bien qu'il en soit ainsi.
Nous avons reçu le poing dans la joue,
le coup de pied dans la figure.
Et nous avons tendu l'autre joue,
silencieux et dociles,
résignés.
Alors ont commencé les coups de fouet,
puis la torture.
La mort est arrivée.
Quatre-vingt-dix mille fois la mort est arrivée.
Ils la distribuaient à petit feu,
en se marrant,
n'oubliant pas de jouir de notre souffrance.
 
Il n'est plus question seulement de nous les hommes.
Le pillage constant de nos énergies,
le vol permanent de la sueur
– en escadrons, la main armée, avec la loi de leur côté –.
Il n'est plus question seulement de mourir de faim.
Plus question seulement de nous les hommes.
Les femmes également,
les enfants,
nos pères et mères.
Ils les violent, ils les torturent, ils les tuent.
Nos maisons aussi,
ils les brûlent.
Et ils détruisent les plantations.
Et ils tuent les poules, les cochons, les chiens.
Et ils empoisonnent les rivières.
 
Et ils ne nous ont pas laissé d'autre chemin.
Et c'est bien qu'il en soit ainsi.
 
Nous travaillions.
Nous travaillions au-delà de nos forces.
Nous commencions à travailler quand nous apprenions à marcher
et jamais ne nous arrêtions jusqu'à l'article de la mort.
Nous mourions de vieillesse à l'âge de trente ans.
Nous travaillions.
 
Le fleuve de la sueur se séparait en deux :
d'un côté, il devenait misère, fatigue et mort pour nous :
de l'autre, il devenait richesse, vice et pouvoir pour eux.
Cependant,
nous avons continué à travailler, siècle après siècle.
Mais leurs traits, face à nous, ne se sont pas adoucis pour autant.
Ils sont venus avec leurs armes
et leur armes sont venues pour nous tuer.
 
Et ils ne nous ont pas laissé d'autre chemin.
Et nous avons dû empoigner les armes aussi,
nous autres.
 
Au début il y avait les pierres,
les branches des arbres.
Les outils de travail du sol, bientôt.
Bêches, machettes et pioches,
nos armes.
Le savoir de la terre,
le pas infatigable,
notre capacité d'endurance,
l’œil qui connaît et reconnaît chaque feuille,
l'animal qui avertit,
le silence qui serre les mâchoires.
Voilà quelles ont été nos premières armes.
 
Nous n'avions pas d'armes.
Eux qui, par contre, en possédaient,
les achetaient à la sueur de notre travail
et les utilisaient, après ça, contre nous.
 
Maintenant nous avons des armes :
les leurs.
Quand ils sont venus nous tuer, en pleine nuit,
nous sommes passés à la contre-offensive,
nous surgissons comme des rayons
et nous prenons les armes,
nous empoignons les armes.
 
Combien de nos vies arrachées pour un fusil ?
mais le prix est plus grand encore en morts,
si l'arme demeure à leur poing.
 
Et ils ne nous ont pas laissé d'autre chemin.
Et c'est bien qu'il en soit ainsi.
Parce que cette fois-ci
les choses
vont changer définitivement.
Elles sont en train de changer.
Elles ont déjà changé.
Au fond de chacune des balles que l'on tire
vibre l'amour sincère de nos enfants,
de nos femmes et de nos anciens,
de la terre vénérée et de ses arbres.
 
C'est pour cela que des femmes, des enfants combattent à nos côtés.
 
Quand nous semons le maïs,
nous savons que passeront plusieurs lunes, plusieurs soleils,
avant que l'épi ne sourie avec ses grains, devenu pour nous aliment.
Et quand nous tirons des coups de feu,
c'est comme si nous semions,
et nous savons
que viendra forcément une récolte.
Peut-être que nous ne la verrons pas.
Peut-être que nous ne mangerons pas le fruit de nos semailles.
Mais les graines restent en terre, prêtes à éclore.
 
Leurs balles à eux apportent la mort.
Les nôtres germent,
deviennent vie et liberté,
sont métal d'espérance.
 
Les choses ont changé.
Et c'est bien qu'il en soit ainsi.
 
Nous avons lavé et huilé l'arme.
Nous jetons les graines dans nos sacoches et commençons la marche
sérieuse et silencieuse dans la montagne.
C'est l'heure maintenant de semer.
 
 
*
 
 
5. Equis-equis
 
- No, no es él.
- Sí, sí es él.
- No, no es él. No es posible que esto pueda ser él.
- Mira la cicatriz de la vacuna.
- No, no es él.
- Mira la corona de la muela que le puso Miguel
hace seis meses.
- No, no es él.
- Yo pienso que sí es él. Que esta vez si es él.
- No, no es él.
Como podría ser él si no tiene ojos.
Como podría ser él si no tiene sus manos laboriosas.
Como podría ser él si le han cortado sus semillas de hombre.
Como podría ser él sin su guitarra ni su canción,
sin aquel ceño duro ante el peligro, sin aquella sonrisa en el
trabajo.
sin su voz pronunciando el pensamiento, sin su tonta manía
de regalarme flores.
Como podría ser él.
No es él. Te digo que no es él.
No quiero que sea él.
 
-
 
5. Double x (corps non-identifié)
 
- Non, c'est pas lui.
- Si, c'est lui.
- Non, c'est pas lui. C'est pas possible que ce soit son corps, là.
- Regarde, on voit la cicatrice de son vaccin.
- Non, c'est pas lui.
- Mais si, c'est la couronne que Miguel lui a mise, il y a six mois.
- Non, c'est pas lui.
- Moi, je crois bien que, cette fois, si, c'est lui.
- Non, c'est pas lui.
Comment tu peux dire que c'est lui, s'il n'a même plus ses yeux.
Comment tu peux dire que c'est lui, s'il a perdu ses mains de travailleur.
Comment tu peux dire que c'est lui, sans sa guitare et ses chansons,
sans son sourcil durci face au danger, sans le sourire qui
lui venait en travaillant.
sans le son de sa voix prononçant sa pensée, sans sa manie stupide
de m'offrir des fleurs.
Comment tu veux que ce soit lui.
C'est pas lui. Je te le dis : non, c'est pas lui.
Je ne veux pas que ce soit lui.
 
 
Textes posthumes de Manuel José Leonardo Arce Leal.
Traduction de Laurent Bouisset.
 
(Merci à José Manuel Torres Funes et Anabel Serna Montoya pour leurs critiques constructives sur la traduction.)
Le texte en castillan a été trouvé sur le site Literatura guatemalteca à l'adresse suivante : http://www.literaturaguatemalteca.org/arce2.htm
Il est à noter que d'autres textes du même auteur (ainsi que de nombreux autres auteurs guatémaltèques) sont disponibles sur le même site.
 
 
 
 
Merci à Laurent Bouisset !
 
 
 

28/09/2015

Oh mon mégot oh oh oh ! C'est le plus beau des mégots...

Par Thyeff in Le Lot en Action

 

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Les cigarettes sont nocives pour la santé. Elles le sont aussi pour la planète. Chaque année en France, 72 milliards de mégots sont disséminés dans la nature. Or, ce sont des déchets qui polluent les villes, la flore et la faune, en particulier le milieu marin. Différentes solutions pour réduire leur impact sur l’environnement ont été proposées, sans grands résultats. Sensibiliser les fumeurs à cette pollution semble être le meilleur moyen.    

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                            

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On estime à 845000 tonnes le poids total des mégots jetés chaque année. Aux États-Unis, ils représentent 30 % du total des déchets. Contrairement à ce que pensent de nombreux fumeurs qui trouvent complètement normal de jeter n’importe où leurs mégots, ces derniers ne sont pas biodégradables. Ils sont juste photo-dégradables et la matière première ne disparaît pas complètement : elle se dilue au contact de l’eau ou du sol. Les mégots envahissent les villes, où les jeunes enfants et les animaux domestiques peuvent les ingérer. Ils terminent souvent leur vie dans les océans, du fait du parcours des égouts. Ils représentent 40 % des déchets présents dans la mer Méditerranée, polluant les eaux. En effet, ces filtres ont absorbé une partie des 4000 substances nocives présentes dans la cigarette*, qui se retrouvent dans l’eau, menaçant la faune et la flore. Une étude a montré qu’un seul mégot contenait suffisamment de poison pour tuer la moitié des petits poissons mis dans un litre d’eau en seulement 96 heures.

 

Pour réduire cette pollution, plusieurs solutions ont été envisagées par l’industrie du tabac, qui craignait qu’on l’oblige à terme à prendre en charge le coût du ramassage et de l’élimination des mégots. Première idée : créer des filtres biodégradables, en remplaçant l’acétate de cellulose par un autre composé. Les essais menés n’ont pas été concluants. En outre, ces filtres biodégradables inciteraient les fumeurs à jeter leurs mégots ! Deuxième idée: la distribution de cendriers portables et l’installation de cendriers permanents dans les villes. Cela n’a pas non plus réglé le problème car jeter son mégot par terre reste une habitude bien ancrée pour la plupart des fumeurs. Les industriels ont donc tenté d’éduquer les fumeurs en mettant en place des campagnes pour les inciter à jeter leurs mégots dans des endroits appropriés et en soutenant des associations de nettoyage des rues.

Le message est difficile à faire passer, les fumeurs acceptant difficilement ce nouveau reproche. Les autorités tentent également de réduire cette pollution. Aux États-Unis, des municipalités comme San Diego ont interdit de fumer sur les plages. Cela a permis de faire baisser le nombre de mégots abandonnés dans le sable mais pas de régler le problème en entier.

Mais comment réduire vraiment l’impact environnemental ?

Mettre des messages sur les paquets de cigarette expliquant que les filtres sont toxiques et non biodégradables ? Si la mention « Fumer tue » n'arrête pas les fumeurs, il est fort à parier qu'ils se gausseront de cette nouvelle injonction. Un système de consignes sur les mégots de cigarettes ? Bien difficile à mettre en place. Des amendes pour les fumeurs jetant leurs mégots sur la voie publique ? Des taxes sur les cigarettes, classées comme produit polluant, qui serviraient à financer les coûts du recyclage ? Faire payer aux industriels du tabac le coût de traitement - ramassage et élimination - de ces déchets ? Dernière option, la plus radicale : interdire la vente de filtres de cigarette ? La meilleure solution semble quand même être la sensibilisation des fumeurs à cette pollution. Reste à trouver le bon ton pour les convaincre sans les culpabiliser. Bref, beaucoup de pain sur la planche...

 

 

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* Composition de la cigarette : http://goo.gl/GcfRfC

Site Consoglobe : http://goo.gl/PvbBfq

 

 

 

 

LETTRE OUVERTE À NADINE MORANO par Nicolas Huguenin

 
Madame,
Je n'ai pas regardé votre prestation télévisuelle hier soir. Je sortais d'un concert où de magnifiques artistes avaient interprété des œuvres de Liszt, de Brahms et de Chopin, et, après tant de beauté sonore, l'idée de vous entendre débiter vos âneries avec une voix de poissonnière lepénisée me répugnait légèrement. Non, complètement, en fait. Mais ce matin, j'ai quand même pris sur moi et j'ai regardé huit (longues) minutes de votre intervention. Et permettez-moi de vous dire, madame, que la maladie dont vous souffrez – dite « maladie de la bouillie de la tête » – vous fait dire n'importe quoi.
Vous parlez de « race blanche » et de religion, en associant l'une et l'autre. Passons sur le fait que la « race blanche » n'existe pas, et que plus personne n'en parle depuis que les derniers théoriciens nationaux-socialistes ont été pendus à Nuremberg. Mais associer une religion à une couleur de peau, là, il fallait le faire ! Les Albanais sont blancs et musulmans. Desmond Tutu est noir et chrétien. Le pays musulman le plus peuplé du monde est l'Indonésie, habitée par... des jaunes. Ah, c’est compliqué, hein ! D'ailleurs, si on ne peut pas changer de couleur de peau, à part Mickael Jackson, on peut toujours sans modifier son teint abandonner une religion ou en changer. Tenez, moi j'ai renoncé à la mienne et je ne suis pas devenu transparent pour autant – sauf quand j'essaie de draguer un grand brun aux yeux bleus dans un bar gay, mais ceci est une autre histoire. Et, au passage, en affirmant que la France est « de race blanche », vous laissez entendre que la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, la Réunion et Mayotte, ce n'est pas la France. C'est bien les patriotes en peau de lapin d'extrême-droite, ça ! Ça nous rebat les oreilles avec la France, mais ça raye de la carte cinq départements d'un coup.
Vous expliquez ensuite que la France a une identité judéo-chrétienne. Et là, pour une fois, vous n'êtes pas allée assez loin – sans doute parce que vous ne connaissez pas mieux l'histoire de la France que sa géographie. Non, madame, la France n'est pas judéo-chrétienne. Elle est catholique. Et elle l'est parce que, pendant mille trois cents ans, on n'a pas permis aux Français d'être autre chose. Juifs, cathares, vaudois et protestants le savent bien. Entre 496, date à laquelle Clovis a (selon la formule célèbre) embrassé le culte de son épouse, et 1790-1791, date à laquelle on s'est résolu à considérer les juifs et les protestants comme des citoyens à part entière, la religion n'a pas été une affaire de choix personnel. Ni même collectif. Les Français n'ont pas voulu être catholiques. Ils ont été contraints de l'être. Ce que les libéraux appellent « la concurrence libre et non faussée » n'est appliquée, en matière de religion, que depuis deux siècles. Le chevalier de la Barre était déjà mort. Jean Calas aussi. Et tous ceux qu'on avait massacrés au nom de Dieu, avant eux ; rançonnés par Philippe Auguste, marqués de la rouelle par Saint Louis, expulsés du royaume par Philippe le Bel, massacrés par toutes sortes de croisés, immolés par l'Inquisition, trucidés par Charles IX, pourchassés par les dragons de Louis XIV... Au passage, je trouve parfaitement dégueulasse votre tentative minable de récupérer les Juifs et les protestants pour alimenter votre petit commerce de la haine. Quand on sait ce qu'ils ont subi en France pendant des siècles... Il fallait une sacrée persévérance pour ne pas être catholique en France, alors. Heureusement, ce n'est plus le cas. Et moi, contrairement à vous, je m'en réjouis. En laissant les Français librement choisir leur religion, ou choisir de ne pas en avoir, on a des surprises. Et alors ? Cela porte un beau nom, madame Morano. Cela s'appelle la liberté de conscience.
Et c'est enfin la troisième et dernière remarque que je voulais vous faire, madame. Vous vous plaignez que, dans certains quartiers, on ne célèbre plus que 5 baptêmes, là où il s'en célébrait 250 il y a encore quelques décennies. Mais la faute à qui ? Aux musulmans, qui « envahissent » nos villes, ou aux catholiques, qui renoncent à l'être et n'obligent plus leurs enfants à fréquenter le catéchisme ? Et vous ne vous demandez pas pourquoi l'Église faisait fuir les fidèles ? Non ? Vraiment, vous n'avez pas une petite idée ? Ne serait-ce pas, je ne sais pas, moi, par exemple, parce qu'elle condamne encore les femmes qui prennent la pilule, et les hommes qui emploient un préservatif ? Ou parce qu'il est devenu insupportable d'affirmer, comme le font certains évêques, qu'une femme violée qui avorte est plus coupable que son violeur ? Ou parce que ça commence à se savoir, que certains curés tripotent les enfants de choeur dans les sacristies ? Ou parce que répéter que le mariage est un sacrement indissoluble, dans un pays où un tiers des couples divorcent, ça fait un peu “ringard” ? Ou parce que le double discours d'une Église riche à milliards en faveur des pauvres n'est plus tout à fait pris au sérieux ? Ou, tout simplement, parce que la foi, dans notre monde moderne, n'apporte plus de réponses suffisantes aux masses ? Et d'ailleurs, rassurez-vous, les catholiques ne sont pas les seuls concernés. Tenez, je vous parie que, dans deux ou trois générations, les musulmans de France ne mettront pas plus souvent les pieds dans une mosquée que moi dans une église... ou que vous dans une bibliothèque. C’est dire... Déjà, un tiers d'entre eux ne fait plus le ramadan.
Tout cela pour vous dire, madame, que votre vision d'une France réduite à ses seuls habitants « de souche » est non seulement insupportable moralement, mais aussi sacrément dépassée. Et que votre peur panique de tout changement, de toute modernité, est pathétique. Et presque risible. « Nous avons éteint dans le ciel des lumières qu'on ne rallumera plus », disait le député René Viviani en 1906. Et ce n'est pas en allumant les feux d'une guerre civile que vous ferez croire aux électeurs que vous brillez, madame. Tout le monde le sait : vous n'êtes pas une lumière.
 
 
Nicolas Huguenin, professeur d'histoire et géographie
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

25/09/2015

Les Glaneurs et la Glaneuse - documentaire d' Agnès Varda (2000)

Jeunes, moins jeunes, agriculteurs, RMIstes, salariés, retraités, en ville ou à la campagne, qui vont glaner dans les champs ou grappiller dans les arbres après les récoltes, ramasser les légumes ou fruits hors calibre jetés par les entreprises vendant les fruits et légumes, récupérer de la nourriture dans les poubelles des supermarchés, boulangeries ou à la fin des marchés. Le film montre aussi les personnes récupérant des objets dans les poubelles ou dans les rues lors de la collecte des déchets encombrants. Ces objets sont réparés, réutilisés par ces personnes dans leur vie quotidienne ou par des artistes pour leurs œuvres d'arts. Ces "glaneurs", comme les nomme Agnès Varda en référence à Des glaneuses de Jean-François Millet, sont proche des mouvements Freegan.

 

A voir sur dailymotion en quatre parties :

http://www.dailymotion.com/video/xcyr4b_documentaire-les-...

 

http://www.dailymotion.com/video/xcyrhq_documentaire-les-...

 

http://www.dailymotion.com/video/xcyrsc_documentaire-les-...

 

http://www.dailymotion.com/video/xcys0u_documentaire-les-...

 

 

 

Erri De Luca ou l’usage de la parole

                 

Par Robert Maggiori 23 septembre 2015 à 19:26

 

L'écrivain italien Erri De Luca, en 2008.Zoom L'écrivain italien Erri De Luca, en 2008. Photo AFP

Cela fait toujours froid dans le dos d’entendre qu’un écrivain puisse, dans une société démocratique, aller en prison pour avoir fait des «déclarations». En septembre 2013, dans une interview au site italien de l’Huffington Post, l’écrivain Erri De Luca, militant d’extrême gauche, écologiste de toujours, avait déclaré : «La TAV doit être sabotée.» La TAV, c’est la ligne ferroviaire à grande vitesse Lyon-Turin, qui, depuis plus de vingt ans, est au centre du débat public en Italie : les gouvernements successifs ont maintenu le projet, en voie de réalisation, malgré la très forte opposition des habitants du Val de Suse. De très nombreuses manifestations ont eu lieu, parfois très violentes, avec des blessés parmi les forces de l’ordre et les opposants.

La déclaration de l’écrivain napolitain s’inscrivait dans ce contexte. De Luca n’a évidemment tué personne, blessé personne, n’a commis aucun acte délictueux. «Je n’ai jamais fait l’exaltation du sabotage, précisera-t-il. J’ai simplement dit que cette entreprise en Val de Suse doit être sabotée», parce que «inutile et nocive». Il a été accusé d’istigazione a delinquere, d’«instigation à commettre des actes de délinquance», d’«incitation au sabotage» – accusation qui pouvait lui valoir cinq années d’emprisonnement.

Au cours de la quatrième audience du procès, lundi, les procureurs Andrea Padalino et Antonio Rinaudo ont requis une peine de huit mois de prison, considérant que de nombreuses nouvelles attaques contre le chantier de la TAV avaient été lancées après les déclarations de l’écrivain (en sous-entendant l’existence d’un lien de cause à effet) ; que les paroles de De Luca, en raison de sa notoriété internationale, avaient un «poids déterminant dans le mouvement» (le mouvement No TAV) et par là impliquait sa responsabilité pénale ; mais également en reconnaissant, comme circonstances atténuantes, que l’auteur de Montedidio (prix Fémina 2002) avait eu une attitude exemplaire durant les procès et ne s’était soustrait à aucune question.

Nombre d’hommes politiques ou de responsables du projet de la TAV ont incité à «ne pas saboter la grande vitesse ferroviaire». Erri De Luca était d’opinion contraire : il voulait que l’on entravât le projet, qu’il ne pût être réalisé. Si le zèle accusatoire du parquet de Turin s’est affaibli entre la première et la quatrième audience (de cinq ans à huit mois de prison : verdict le 19 octobre), reste qu’il est impossible d’accepter qu’un écrivain – le plus doux des hommes au demeurant – finisse en prison pour avoir exprimé une opinion. «J’étais pour la quatrième fois dans cette salle de tribunal où mes paroles constituent le chef d’accusation, j’étais là à les défendre et à les répéter. Elles, mes paroles, sont à l’abri des condamnations, des détentions. Elles sont là, éparses dans les rayons de bibliothèque, elles sont prononcées en plein air au cours de centaines de rendez-vous au cours desquels les lecteurs décident de témoigner de leur soutien en les lisant à haute voix, en y mettant leur souffle et leurs pulsations. Si sur elles s’abattait une condamnation pénale, j’en assumerais la charge, moi qui suis leur porteur. Elles, mes paroles, restent et resteront libres de circuler.»

Robert Maggiori
 
 Source : http://next.liberation.fr/livres/2015/09/23/erri-de-luca-...
 
 
 
 
 
 
 

18/09/2015

Infographie 'Le nucléaire ne sauvera pas le climat'

Le prochain sommet sur le climat (COP21) aura lieu à Paris à la fin de l’année. Les défenseurs du nucléaire comptent en profiter pour le présenter comme une solution au changement climatique. Ne les laissons pas faire !

 

Voir l'infographie et tous les détails ici  : http://www.sortirdunucleaire.org/Infographie-Le-nucleaire...

 

 

 

11:17 Publié dans NUCLEAIRE | Lien permanent | Commentaires (0)