03/07/2016
Lue par Jean-Paul Gavard-Perret
Un article publié il y a 17 mois, sur lequel je viens tout juste et par hasard de tomber, les éditions de l'Atlantique avait déjà mis clé sous porte cependant, donc Eskhatiaï a repris sa forme originelle en deux recueils autoédités et disponibles sur demande : Salines, 2007 et Mystica perdita, 2009,Purgatoire du quotidien est également toujours disponible.
Et Cathy Garcia-Canales recréa la femme
Dès lors et si les poèmes de Cathy Garcia tourne autour d’elle-même il n’existe pas pour autant la moindre effusion de l’égo. Saurons-nous tout d’elle ? Non sans doute. Mais sa silhouette féminine est mise à nu comme de l'intérieur dans un mouvement poétique rappelant parfois des "glissements" à la Bacon par des effets de déchirures qui ramène l’être à sa douleur, à sa solitude. Par sa voix de fantômes la poétesse permet de faire jaillir de la masse brute de la vie l’écume des sensations et des émotions parfois telluriques. La poésie devient un lieu sobrement lyrique d’épaississement autant que d’éclaircissement Chaque texte en sa concentration comme en ses élancements produit un renversement : ce qui est matière perd en densité, ce qui est de l'ordre de l'impalpable devient matière. Le lecteur se retrouve aux sources du langage : la forme décompose le monde pour le recomposer autrement et dans l’espoir de la chimérique expatriation du feu intérieur.
Jean-Paul Gavard-Perret
Cathy Garcia-Canalès, « Eskhataï, Salines suivi de Mystica Perdita », Editions de l’Atlantique, « Purgatoire du quotitien », Editions A tire d’ailes.
Source : http://salon-litteraire.com/fr/cathy-garcia/review/191602...
07/01/2013
SALINES
Suite à la récente cessation d'activités des Editions de l'Atlantique, je reprends l'autoédition des trois recueils qu'ils avaient choisi de publier en 2010 et 2011. Ils seront donc toujours disponibles, en me les commandant directement.
Salines faisait partie du recueil Eskhatiaï, dans lequel figurait également Mystica perdita.
Illustrations originales de Katy Sannier
Postface de Michel Host
44 pages, 12 €
me le commander directement, merci
Édité et imprimé par l’auteur
Sur papier 100gr calcaire
Couverture 250 gr calcaire
100 % recyclé
Dépôt légal : octobre 2007
Réédition - Janvier 2013
L’oubli dans lequel a sombré aujourd’hui la poésie rejoint le tréfonds de l’obscurantisme. Les poètes n’en ont cure, ils et elles chantent dans l’arbre, sous le ciel. De Marie de France à Louise de Vilmorin, d’Anne des Marquets à Marie Noël, en cascadant de Pernette du Guillet à Louise Labé, Marceline Desbordes-Valmore, Anna de Noailles et- bien sûr – jusqu’à Madame Colette, le long poème écrit par les femmes dans cette langue sublime encore appelée française, est ce ruisseau clair et courtois, tour à tour ensoleillé et ombré, sensuel et incisif, qui murmure et chuchote comme l’esprit du monde vivant. Il coule de source ancienne et nouvelle par le sous-bois de la forêt littéraire où les hommes se sont faits chasseurs absolus, dominateurs sans partage. Cathy Garcia est de cette eau pure, de cette force infinie et lointaine des fontaines résurgentes. Elle est la perle qui fait la fortune du pêcheur de perles. Certains l’ont déjà découverte, et je suis des élus. Mon admiration est sans mesure. Je voudrais seulement la rendre à sa lignée, à cette foi confiante en l’unité, en la beauté possible, qui lui fait écrire :
je cours encore après toi
homme qui sait la danse
homme loup qui me chasse
nuit après nuit
en mes forêts perdues
je cours encore après toi
magicien de la terre
aux savoirs de nuit
Michel Host
Octobre 2007
11:13 Publié dans CG 2007 - SALINES, à tire d'ailes | Lien permanent | Commentaires (0)
08/04/2008
Salines, par Nathalie Riera
avec Cathy Garcia
Quand les longs doigts du rêve
pénètrent le réel
le frottement crée
des étincelles
des jouissances qui flambent
comme des allumettes
(…)
profite, profite
des souffles ultimes
petite sœur
et ne joue pas avec les allumettes
mais il fait froid aujourd’hui
le monde est froid
Avec Cathy Garcia la poésie se passe de fioritures, mais pas des plaies de l’animal et de l’humain dont nous sommes investis. Dans le recueil Salines, qui précède Ombromanies, pas de discours dans les poèmes, mais plutôt l’énergie féroce, le désir intense à vouloir nous écorcher vif, et nous dépouiller à la manière d’un peintre qui dépossède ses modèles, les spolie de leurs faux-semblants. Alors le poème ne nous est plus étranger, parce qu’il nous ressemble, profondément, activement, et parfois monstrueusement. En poésie, la férocité est indispensable, et chez Cathy Garcia cela semble être de première nécessité.
Dans le désordonné de nos amours se mêlent les fleurs du cœur aux fortes exhalaisons. C’est le printemps et l’été des corps, l’amour acclamé dans son éclat de sel, sa portée musicale en fièvre, mais les saisons se refroidissent vite, et lorsque tout pourrait nous sembler paisible, il en est absolument rien : pour Cathy Garcia, il s’agit plutôt de « balafrer la plénitude », « laisser jaillir//la fontaine de vivre », et ne cesser d’épargner à l’amour des odeurs de parjure, ainsi que
le sinistre sérieux
de nos serments théâtraux
la camisole du manque
nos angoisses toxiques
Chez la Grande Saline , l’amour nous invite à ses danses et ses rythmes de nomades, mais tôt ou tard l’amour s’en va sans regret rejoindre les eaux profondes et leurs « algues amnésiques » ; s’en va naviguer l’amour comme pour retrouver son feu, l’entretenir, et nous ravir des jouissances qu’il procure, comme pour recommencer « le geste toujours neuf», la grande fraîcheur d’aimer.
Chez la Grande Saline , ce qui est mot, ce qui est geste, ce qui est avoir peur, ce qui est rire « sans savoir pourquoi », ce qui est sel, épice, sang, langue, sève … ne cessent de cafouiller des « je t’aime », profondément, activement, et parfois sauvagement.
Jean-Marie Magnan, au sujet de Picasso, écrivait : « C’est un lieu commun assez mesquin que d’affirmer qu’un créateur ne ressemble pas à sa création ». Dans le débordement de l’amour, Cathy Garcia nous dit le désastre qui est le sien qui est le nôtre, sa hantise qui est la sienne qui est la nôtre, sa démesure de femme « Unique Multiple », et en même temps sa grande déception à errer à la même rive maligne, où l’horrible et le minable nous serrent la gorge :
Se mettre à l’abri
en hauteur
ne pas se prendre
le plein fouet
le versant nu de nos extrêmes
fragilités
Chercher l’autre rive
des yeux seulement
paysages projetés
crachés au visage
Chez elle, le crépuscule n’est pas en chute libre, mais « en chute froide ». Et que peut le poète contre ça ? à part ne pas l’ignorer, à part ne rien attendre. C’est le crépuscule qui floue la soie de l’âme, la soif des chiennes, et leur extirpe le soleil.
La solitude lui est-elle « un feu//à la langue exaspérante », la solitude est action, où écrire nous enracine, nous déterre, arrache, sarcle, déporte, éloigne. Gratitude de la solitude. Ingratitude de l’aveu. Peu importe. Il n’y a pas forcément de l’altruisme dans la lumière. Seulement de la buée sur les mots. Et puis de l’écume et du sel. Et puis du venin et de la lie comme excrétions contre toutes les mascarades, les violations, les reniements.
Le futur recommence au ras du sol
Claude Esteban
Nathalie Riera
Une étape dans la clairière du 8 avril
http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com
12:29 Publié dans CG 2007 - SALINES, à tire d'ailes | Lien permanent | Commentaires (0)
10/03/2008
Salines par Jean-Marc Couvé
Salines de Cathy Garcia, Editions à tire d’ailes, 2007, 48 pages, 12 €.
Pas de mot non mûri, pour faire joli ; aucun terme obscur, pour pa-raître instruite : les fées « Salines » eussent fait saliver Messaline (revue par Jarry). Avec la complicité de Katy Sannier – aux fusains pour 14 des-seins et exquis(es) – Cathy Garcia * en se débraillant et embrayant (de façon 100 fois plus poétique que Breillat) nous régale de sa vitalité contagieuse ! Michel Host lui-même (prix Goncourt, 1986) est sous le charme ; mieux : il signe une post-face enflammée où il déclare à la femme son enthousiasme sur 4 pages (lits, en argot !), pas moins ; gageons que son analyse fouillée a caressé la poétesse dans le sens du poil, dans toute l’essence. Car ce livre de facture artisanale, imprimé sur papier recyclé, est TOUT chatte-houe : « Nous adultes avortés / faisons de l’art comme on cherche la surface ». Il ravira tous ceux/celles qui, tournant le dos aux régimes sans sel, goûtent la langue française, ici, fort s’aimant, si féminine ; une langue débridée, crue, montée à cru, voire en crue : « je suis le beurre / qui fond à (la) flamme (de l’amour) ». A déconseiller aux demi-sels et autres grenouilles de missels… Un seul regret : 20 poèmes – pas vain – joli nombre, oui, quand j’en eusse aimé 2, 5, 10 fois plus ! Mais « quand il n’y en a plus / y’en a-t-il encore ? » On est aux « anges », ah, la « diablesse » ! On pense aux meilleurs émois érotico-littéraires, du côté des Anaïs Nin et Lasker-Schüler ; ou, plus près de nous, à Mansour et à de Burine… Cathy se dit-elle « catin » ? que des passages de Jarry, Colette ou Lawrence, des toiles de Kahlo et Tanning, des notations de Miller ou Despentes, voire du meilleur Bukowski zèbrent notre mémoire ; tandis que cette « garce » (ya : dixit !) nous entraîne au zénith d’une liberté non feinte, farouche, inaliénable : « l’illusion est si belle / vaut bien la blessure / que tu ne manqueras pas / de me faire ». Une liberté par ailleurs aux abois, en recul, acculée à se rendre, traquée sur tous les fronts : littéraire, économique, politique, social… Ayant définiti-vement opté pour l’école buissonneuse (Mont de Vénus oblige !), elle détestera le mot et pourtant, CG nous donne une leçon d’amour. De vie. Qu’elle en soit remerciée – et que l’amour de la vie, vive, violente, indivise, individuelle nous fasse « ululer » avec elle : « désenchaînez / les pantins ! » « Le geste (d’amour) / toujours neuf », il me faudrait citer les 2 pages de « Sexe de Pan » intégralement : commandez donc Salines directement à l’auteure, les libraires habituels se laissant si facilement déborder par les vagues de best-sellers, les tsunamis d’art ripe hauteur : « tout va bien / l’amer est calme » et Cathy, elle, fait feu de toute ses forces, ne recule – pas même devant néologismes ou calembours, pour mieux atteindre la cible au cœur, prendre le lecteur à bras le corps : « Je suis femme / Unique Multiple » – à telle enseigne qu’on se prend à rêver pouvoir « danser (avec elle) la danse dissolue des algues amnésiques » !
Jean-Marc Couvé
* éditrice des délicieux Nouveaux Délits http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/
17:04 Publié dans CG 2007 - SALINES, à tire d'ailes | Lien permanent | Commentaires (0)
16/11/2007
RÉSURGENCE
Je suis la Truie dit-elle
Et la Lionne
Mon jardin fut des plus fertiles
Ma fontaine des plus sacrées
Je contiens tous les âges
Le temps devant moi
Docile s’inclinait
Ils sont venus
En mon ventre
Arracher le soleil
Ils m’ont liée à la lune
Jetée à la nuit
Mais jamais lumière
ne fut plus blanche
Qu’entre mes cuisses
Toi le frère, le fils, le père
Et l’Ancien qui a trahi
Tu te dresses en conquérant
Sur ruines et cendres
Tu invoques l’amour
glaive à la main
un fusil des roquettes
phallus de destruction
Tu n’as jamais été pourtant
aussi impuissant
Homme émasculé du sens
Depuis que tu as maudit
les déesses de l’amour
Innana, Ishtar, Astarté
Brûlés le fruit le jardin
Symboles de ta perdition
Tu as réduit les mères nourricières
Au rang de putains de l’agro-industrie
Tu leur a mis le joug
De tes folies mécanistes
Cérès Déméter pleurent sans fin
Quelle que soit la saison
Perséphone ne quitte plus les enfers
La vulve de Gaïa est sèche
Ses seins sont crevés
Ses veines lourdes et souillées
La vérité n’est plus voilée
Elle est violée sans répit
Mais tu auras beau
pilonner Homme
Je reste l’Inviolable
La Vierge éternelle
« car je suis la première et la dernière.
Je suis l’honorée et la méprisée.
Je suis la prostituée et la sainte.
(…)
Ayez du respect pour moi.
Je suis la scandaleuse et la Magnifique. »*
* transcrit de papyrus gnostiques traduits en copte au IIIe ou Ive siècle, découvert vers 1945 à Nag’ Hammâdi, en Haute-Egypte
(c)Katy Sannier
13:45 Publié dans CG 2007 - SALINES, à tire d'ailes | Lien permanent | Commentaires (1)
12/10/2007
SALINES vient de paraître
Postface
Il n’est pas de faux-semblants, ni dans le dire, ni dans l’image, ni dans la trajectoire chez Cathy Garcia, et moins qu’ailleurs peut-être dans SALINES. Ce beau titre assume une amplitude et un regard qui, d’emblée, nous rapprochent de la mer et du vent, de la peau chargée des odeurs chaudes de l’amour, et, pour tout dire, d’un élan vital originel, celui que Cathy Garcia sait cueillir aujourd’hui encore, avec toute son énergie, sa puissance, parmi notre monde qui se le dissimule peut-être derrière les écrans de fumée de la pollution des esprits, sous le voile d’une bienséance digne des hypocrisies bourgeoises anciennes, monde dont les échappatoires vont au « porno » pauvre qui, mis en image ou en mots, passe pour liberté.
La liberté poétique intérieure est d’une tout autre matière : c’est l’élément moteur, astral et magnétique qui, s’il déstabilise les centres émotionnels, rétablit l’âme humaine dans les beautés et les grandeurs terrestres. Le recueil s’ouvre sur une étonnante affirmation des multiples facettes de la féminité, énumération à la façon de Rabelais, moins impudique que gonflée des sèves de la séduction et de son chant. Et, dans la foulée, cette ostentation de l’être féminin - totalement féminin -, entièrement soi, protéiforme et, comme dans une fierté coulant de source, ancrée dans la blancheur, la saveur et l’éclat du sel !
Je suis femme
Unique multiple
Je suis la grande saline
Cela, pourtant, manquerait beaucoup de sel si ne se présentaient, comme sur l’éventail historié d’une belle madrilène, ou dans une tapisserie du paradis d’avant l’humiliation des chutes et des divins opprobres, les véritables fortunes, les bonheurs, et même les joies, de s’établir, fût-ce pour un temps limité, dans le monde des vivants. Cette fondation n’est pas une conquête, pas davantage une revanche - ce serait comme de vouloir installer les bonheurs sur les combats et les guerres, sur les obscurantismes qui, eux, ne désarment jamais - mais une position de naissance, en quelque sorte, parce qu’être femme c’est cela, ni plus ni moins, c’est être dans la germination, l’efflorescence, l’offrande et le plaisir :
j’aime à fleurir
clandestinement
m’ouvrir à des nuits étoilées de plaisir
éclater sous la brûlure d’un soleil mâle
Comment ne pas se sentir envahi quoique pleinement en accord, emporté par la mélodie d’un grand Pan retrouvé, revenu d’une éternelle absence, celui dont Michelet pleurait la disparition aux rivages de l’Égée après que s’y fut enraciné le moralisme judéo-chrétien ?
Quel plaisir donc - et le mot est charnu, gorgé comme fruit à la fin de l’été - de lire, de dire ces vers libres de leur pleine liberté, ces cadences brèves et longues tirées par les vents des désirs et des effrois !
Salines, avec ses poèmes, ses images, ses raccourcis parfois sauvages, par l’innocence non dépourvue de ruses et de subtilités de ses inventions, par ses assemblages verbaux inouïs, nous plonge sans crier gare dans ce qu’une pensée poétique renaissante – celle de Rabelais et de Ronsard notamment, que précédèrent des fabliaux souvent chargés d’autant de frustration que de drôlerie – cherchait et retrouvait si bien en écartant les déguisements des traditions guindées et guidées depuis les Pères de l’Église et la Rome vaticane. Dans Salines, le carpe diem, n’a plus à se signaler comme ambition et désir, car il est, désormais et explicitement, l’existence elle-même, son projet de vivre, sa réalisation la plus entière imaginable. Cela se dit dans une langue magnifique, dans l’inattendu des sensations traduites, cueillies et éprouvées à l’unisson :
sur mes désirs parallèles
j’ai tendu des ponts
des passerelles instinctives
pour attirer la foudre
balafrer la plénitude
de mes courbes peut-être trop
maternelles
Cela se dit avec plus d’instinct encore, dans la crudité fraîche du mot sensible et juste, dans la simplicité des évidences toutes acceptables, toutes acceptées :
je suis une bête de lit
miauleuse jouisseuse
une arche de tendresse
une manne une nef
je suis un souffle une fièvre
une fente à polir
Cela se dit de cent façons, et toujours dans une magnificence verbale qui émeut ! Cette poésie, sans aucun doute, m’émeut jusqu’à la moelle des os, et j’en jouis sans me lasser. C’est la parole de célébration de ce qui existe : de ce qui est par conséquent. Foin des subtiles et collantes barrières par lesquelles des philosophes, mais aussi des poètes en forme de poissons froids, voudraient quadriller le vivant, le changer en spectre, en pur concept, en registre cadastral… J’aime ici la saline sensualité, l’aveu sans détours de la splendeur des mouvements libérés par et à travers la puissance de vie du corps, des corps… Oui, c’est beau, et très « entreprenant » au sens où il faut se percevoir en vision totale pour entreprendre d’être. Au risque de ma banalité, je lis le chant joyeux de ces vers comme un hymne à la joie, comme la délivrance première, l’entrée dans le jour, au matin où tout commence…
La célébration est un registre qui s’affronte aux dangers du répétitif, de la solennité et de l’ennui. Cathy Garcia s’en évade comme le papillon, avec la grâce valsante de l’inspirée. Elle multiplie les points de vue, les approches, les situations ; ni l’air ni l’eau ne lui manquent et ne nous manquent, ni le ciel ni la terre, ni la nuit ni le jour, ni les frimas ni les chaleurs. Le monde créé est, de par sa nature, une totalité de nature. Tout le recueil vibre sourdement, et non moins lumineusement, de ce contraste implicite entre le jardin de la Création que nous n’avons plus que le choix de regarder en songe, et ce jardin mutilé que, sous nos yeux, salit et martyrise la modernité cupide. La poétesse Cathy Garcia - elle ne récuse pas ce beau titre ! - n’écarte jamais l’homme, je veux dire le mâle, le porteur de phallus immodeste ou dominateur - cet importun majeur qu’elle veut allié, compagnon non pas adouci, ni dompté, mais complice nécessaire :
je cours encore après toi
animal intrépide
aux mains si fines
homme rivière aux étreintes
mille fois renouvelées
homme si vaste
aux bras de sable
homme profond
de sagesse infinie
De cette confiance, de cette complicité amoureuse naissent des sentiments d’une autre sorte. Nous glissons soudain sur le versant périlleux et bouleversant des choses : la conscience se fait jour - aiguë comme la morsure d’une bête venimeuse - de la fragilité de toute construction ou représentation du monde et de soi. La menace, fût-elle masquée par l’attente des bonheurs, est permanente, aux aguets, prête en un instant à jeter à bas l’édifice de notre vie. Elle surgira du nœud même de l’amour :
l’illusion
est si belle
vaut bien la blessure
que tu ne manqueras pas
de me faire
Elle surgira de notre propre faiblesse - « et si l’on n’était pas aussi fort / que l’on croyait ? » - comme de la puissance qu’il est besoin de déployer, jusqu'à l’épuisement de nos forces, pour se tenir en vie d’abord, puis « faire tourner le monde / à l’envers ».
Elle surgira, en dépit que l’on danse « la danse dissolue / des algues amnésiques », de notre fragilité, de la fugacité du temps qui est notre loi et notre geôle ! C’est là source d’une crainte et d’un vacillement constant :
ne pas se prendre
le plein fouet
le versant nu de nos extrêmes
fragilités
Le désordre cosmique est aussi un ordre immuable qui ne peut être refusé ou nié. L’âme s’y veut au large, s’y crée son espace ensoleillé d’un moment ; mais le cœur, s’il fut un jour chasseur solitaire, eh bien, il n’en finira pas de
Solitude
le cœur dans son terrier
un lapereau tremblant
De cette tragédie discrète qui touchera chacun de nous, dans un désamour, un recoin d’hôpital ou un lit familial, Cathy Garcia ne fait pas tout un drame ! - car, si « nos mains [ne sont] rien que des oiseaux dans la cage du temps », notre flamme de plaisir et de vie, désespérée noblesse, réside en fin de compte dans ce qui leur est propre,
le geste
toujours neuf
L’oubli dans lequel a sombré aujourd’hui la poésie rejoint le tréfonds de l’obscurantisme. Les poètes n’en ont cure, ils et elles chantent dans l’arbre, sous le ciel. De Marie de France à Louise de Vilmorin, d’Anne des Marquets à Marie Noël, en cascadant de Pernette du Guillet à Louise Labé, Marceline Desbordes-Valmore, Anna de Noailles et - bien sûr – jusqu’à Madame Colette, le long poème écrit par les femmes dans cette langue sublime encore appelée française, est ce ruisseau clair et courtois, tour à tour ensoleillé et ombré, sensuel et incisif, qui murmure et chuchote comme l’esprit du monde vivant. Il coule de source ancienne et nouvelle par le sous-bois de la forêt littéraire où les hommes se sont faits chasseurs absolus, dominateurs sans partage. Cathy Garcia est de cette eau pure, de cette force infinie et lointaine des fontaines résurgentes. Elle est la perle qui fait la fortune du pêcheur de perles. Certains l’ont déjà découverte, et je suis des élus. Mon admiration est sans mesure. Je voudrais seulement la rendre à sa lignée, à cette foi confiante en l’unité, en la beauté possible, qui lui fait écrire :
je cours encore après toi
homme qui sait la danse
homme loup qui me chasse
nuit après nuit
en mes forêts perdues
je cours encore après toi
magicien de la terre
aux savoirs de nuit
Michel Host
Octobre 2007
autoédition
Imprimé sur papier recyclé
Illustrations originales de Katy Sannier
12 €
Introuvable en librairie
10:25 Publié dans CG 2007 - SALINES, à tire d'ailes | Lien permanent | Commentaires (6)
31/07/2007
JE COURS
je cours encore après toi
ange brun de mes solitudes
à la peau tatouée
de signes étranges
homme premier
façonné dans l’argile
toi qui te tient
en haut de la montagne
et qui m’attend
je cours encore après toi
animal intrépide
aux mains si fines
homme rivière aux étreintes
mille fois renouvelées
homme si vaste
aux bras de sable
homme profond
de sagesse infinie
je cours encore après toi
homme qui sait la danse
homme loup qui me chasse
nuit après nuit
en mes forêts perdues
je cours encore après toi
magicien de la terre
aux savoirs de nuit
je cours
je cours avec toi./
14:35 Publié dans CG 2007 - SALINES, à tire d'ailes | Lien permanent | Commentaires (7)
05/04/2007
ÉPHÉMÉRIDES
23:40 Publié dans CG 2007 - SALINES, à tire d'ailes | Lien permanent | Commentaires (0)
04/12/2006
DÉGRINGOLADE
une étoile est tombée
tout au fond de moi
ne la cherche pas
trop brûlante encore
l’amour est un accident
qui défigure au dedans
mais le cœur
est un leurre
il saigne
mais ne meurt pas
le cœur est un fauve
aux accrocs incisifs
une émotion
qui ne sait ni se taire
ni dire son nom
ça mord
à l’entrecuisse
des traces de toi
périmées
mon sexe abysse
une mâchoire
à langue coupée
noire mais surtout
exaltée à l’extrême
jonction
16:54 Publié dans CG 2007 - SALINES, à tire d'ailes | Lien permanent | Commentaires (1)
09/10/2006
A PAS FEUTRÉS
Comment éviter
d’enclore l’amour
en des formes pré-conçues ?
Savourer la plénitude
de ce qui n’était pas convenu.
L’inattendu.
Comment ?
17:10 Publié dans CG 2007 - SALINES, à tire d'ailes | Lien permanent | Commentaires (1)
L'AMOUR FAUVE
je sens l’odeur
de ton sexe
et j’aime ça
ton jus qui coule
entre mes doigts
bouillon de ton sang
qui fait monter le mien
ou descendre
je ne sais plus
baisers tendres griffus
amour ce mot mouillé
amour ce mot souillé
de gourmandise
d’insolence
de stratégie féline
je te dévore
et quand il n’y en a plus
y’en a t-il encore ?
17:10 Publié dans CG 2007 - SALINES, à tire d'ailes | Lien permanent | Commentaires (1)
28/09/2006
DANS LA CAGE DU TEMPS
petit hameçon qui se tord
au cœur
ou à sa périphérie
et si …
n’appelait ne réapparaissait plus
et si devait me rester
seulement ce goût
d’addiction sans déclin
en bouche
c’est bon déchirant
d’attendre sans attendre
ouverture no limite
doit accepter
le vacant
que rien ne comble
ce vide
en moi
sexe
corps
bouche
à peine rêvés
disparus
ma peau t’appelle
ma bouche tremble
de toi
cette envie de me perdre
un mirage
me traverse
me remplit
un mirage
trop chaud encore
j’enrage
consume
ma soif
te rêve
te dessine
avec des mains
insatiables
mes mains
cependant
n’ignorent rien des courants
et je n’attend rien
sinon ce qui ne s’attend pas
seulement
ce qui survient
emporte
bouleverse
nos mains
rien que des oiseaux
dans la cage
du temps
23:45 Publié dans CG 2007 - SALINES, à tire d'ailes | Lien permanent | Commentaires (1)
27/09/2006
SEXE DE PAN
deux étoiles ont filé
dans la nuit belle
douces fièvres herbacées
ou peut-être mélodie
d’un prélude à la folie
trouvé à mes pieds
chez un ami
un ami ?
un phallus
de bois noir
dans son étui d’écorce
moi
jetée au ciel
en attente toujours
de jaillissement
ce qui n’empêche…
j’aime à fleurir
clandestinement
m’ouvrir à des nuits étoilées de plaisir
éclater sous la brûlure d’un soleil mâle
perles d’ombres
sous les paupières
dans mon creuset
mélanges ardents
je pense à toi virtuose
de ma sensualité insensée
ces façons intimes
d’allumer le feu
réchauffer la vie
nous appartiennent
ma bouche gorgée
de ta bouche
de ton oiseau sexe
palpitant
phare de fièvre
de nos cabotages
nocturnes
tu es parfum d’humanité
un mâle de mon espèce
et tu tiens entre doigts et langue
des bouquets d’étoiles
à jouir
je grésille
ne suis que source
épanchée
et mon cœur anémone
se déborde
à tous vents
ne sent pas le danger
seulement l’ivresse de la chute
sans aucune autre limite
que nos faiblesses
humaines.
22:50 Publié dans CG 2007 - SALINES, à tire d'ailes | Lien permanent | Commentaires (1)
19/09/2006
BEAUTÉ DOUCE DES ÉPAPILLONNEMENTS
je flaire je lèche croque
ton grain de peau
accroche à mes cheveux
tes grains
de folie
tout est musique
plus quelques mots
pour se parer
juste bougeotte
godasses de peaux
trouées
magiques
pour danser la vie
danser la mort
les rires fusées
les colliers
de songes
de griffes
qu’on débride
les saisissements
et qu’ils coule
coule ce ruisseau
d’amour
avec ses vapeurs
ses remous
qu’on s’y soûle
s’y soûle à vie !
18:15 Publié dans CG 2007 - SALINES, à tire d'ailes | Lien permanent | Commentaires (2)
17/09/2006
ATTRAPE-MOI UN RÊVE
ivresses et fulgurances
avant le baiser
du rideau
la solitude
est un feu
à la langue exaspérante
causer aux chats
aux feuilles à la lune aux nuages
au vent qui en dit
des choses…
cabaret tzigane
un asile russe
pour moi seule
quelque chose dans le sang
qui ne coule pas
chez les autres
chez certains en tout cas
que l’on nomme la plupart
des éclats d’âme
pure énergie
volcanique
sans doute
mais …
tout va bien
l’amer est calme
23:10 Publié dans CG 2007 - SALINES, à tire d'ailes | Lien permanent | Commentaires (0)
15/09/2006
LA FEMME QUE TU CHERCHES
je suis une mère une sœur
énergie lumineuse
enveloppante
je suis l’étoile charnelle
chaude et vibrante
je suis la mer
la lune tiède
le pansement doux
de tes blessures
continu
la soie d’une chair
appétissante
le calice de tes soupirs
je suis le corps
toi naufragé
la rive où tu ne cesses
de buter
miauleuse jouisseuse
une arche de tendresse
une manne une nef
je suis un souffle une fièvre
une fente à polir
la danseuse sur l’arbre
le creux dans la terre
créature de ton âme
l’émeraude fendue
je suis l’amazone
de tes égarements
la cavalière
de tes orages
la bauge noire de tes sens
je suis la vague la langue
le vampire et pire encore
je suis l’oiseau blanc qui boit
le sang des astres
qui découd tes paupières
le poisson qui glisse
entre tes doigts
le jus que tu tires de moi
le sucre
sur tes lèvres
ma morsure à tes rêves
adolescents
qui guette
la douce impasse
la ruelle
le délice à lécher
de ton sexe
je suis
je suis depuis longtemps
la femme que tu cherches
22:20 Publié dans CG 2007 - SALINES, à tire d'ailes | Lien permanent | Commentaires (4)
L'ISTHME D'EROS
l’amour a des lèvres
ravageuses
un sourire tueur
un souffle brûlant
des mains qui fouillent
des venins illicites
charnelle
rythme transe
trésor d’entre les cuisses
collision
corps
à cœur
dans l’un
dans l’autre
enfiévrée
intoxiquée
il me traîne
et j’aime ça
qui fond à sa flamme
22:10 Publié dans CG 2007 - SALINES, à tire d'ailes | Lien permanent | Commentaires (0)
Accessoiristes d'un soir aux méninges troublées
quel rivage pour les clandestins
et pour quel festin ?
le jeu ?
faire l’amour farfelu
divaguer avec des truies
puiser dans la nuit
les liqueurs illicites
leurs parfums mystiques
et la pluie
étonnée
nous rejoindrait à la nage ?
quand les longs doigts du rêve
pénètrent le réel
le frottement crée
des étincelles
des jouissances qui flambent
comme des allumettes
bile noire
lettres impossibles
et le rire
éclatant du soleil
profite, profite
des souffles ultimes
petite sœur
et ne joue pas avec les allumettes
il fait froid aujourd’hui
le monde est froid
le cœur grelotte
il pleut tristesse
romanesque
l’automne
à la gorge
commence à serrer
se mettre à l’abri
en hauteur
ne pas se prendre
le plein fouet
le versant nu de nos extrêmes
fragilités
la solitude me joue des tours
fait des grimaces
pour m’effrayer
le cœur dans son terrier
tremble comme lapereau
chercher l’autre rive
des yeux seulement
paysages projetés
crachés à nos faces
le mythe usé jusqu’au nerf
maudit
au taux destructeur
sous les doigts s’effrite la surface
et si on n’était pas aussi fort
que l’on croyait ?
et si ?
après A vient Z
la connaissance
des raccourcis
crépuscule en chute libre froide
et magnifique
comme une aurore boréale
visage zébré
bris de glace
vague fossile
ça ressemble à quelque chose que je suis peut-être censée connaître
ce malaise
qui étreint le cœur
l’exalte
cette douceur orpheline
reptation lente
inexorable
et qui jusque là était passée inaperçue
parce que l’immensité
peut tenir sur une feuille
en suspens
sur un fragment de mot
pénétré d’un silence
nous adultes avortés
faisons de l’art comme on cherche la surface
de l’art ou bien autre chose
pour ne pas se noyer
mais tout se résume à
« cherche cherche ! »
avec la ferveur des chiens
la dévotion des chiennes…
et un peu de leur brute chaleur
ani-mots
le bas-monde a son rythme propre
son langage ordurier
ses ouvriers ses manœuvres
et des antres de fées
des langues enchanteresses
de A à Z
on la tient la belle histoire
deux lettres
faut juste la coucher
sur le papier
consentante
fiévreuse
la belle histoire la drôle d’histoire
des étranges nuits infra-éternelles
22:05 Publié dans CG 2007 - SALINES, à tire d'ailes | Lien permanent | Commentaires (0)
MOIRURE
à regarder ma peur qui me regarde
un peu idiote
l’humide d’un trop plein
de beauté
l’envie d’un regard
amoureux
petit cinéma personnel
qui fait salle comble
cet élan qui fait gicler
de nous-mêmes le meilleur
il y a des crocs qui jamais ne lâchent
ouvrir se fondre à l’appel
briseur de sirènes
se couler dans le courant
d’une non-réalité
s’allonger sur le fond
et du coup sur les formes
des algues amnésiques
à tâtons je cherche
puis ne cherche plus
trouve la paix
sur les ailes d’un délire
un sourire qui s’étire
comme chat reptile
œil vif
brin d’herbe entre les dents
guérisseur
la laisser fondre sous la langue
manger la nuit
recracher ses étoiles
ces milliards de soleils dans les yeux
dans nos yeux
toujours noirs
les nouveaux dieux
barbares et bandant
qui marqueront nos lèvres
d’une sève profane
averse
vapeur
la traversée
l’entre-deux mondes
des anciens sillons
je sens la chaleur
des entrailles
la rougeur organique
les flux de la peur
et du désir
qui tressaute
le regard perforateur
du cheval écarlate
trempé de sueur
qui se cabre
pour dompter
ce cheval fou
ce cheval ivre
de cette puissance
qu’est vivre
à regarder ma peur qui me regarde
22:00 Publié dans CG 2007 - SALINES, à tire d'ailes | Lien permanent | Commentaires (1)
VA !
Va fouler la poussière
les sentiers d’exil
boire à la source
la fontaine étrange
qui jamais ne tarit
à
nos folies
nos errances
nos inéquations
à l’amour
sans boiter
sans chuter
sans dépendance
va et veille
la seule étoile
qui vaille
dans son berceau
de paupières
la flamme qui ne meurt pas
qui ne ment pas non plus
moi je cherche une ivresse
qui baigne
et ne cogne pas
n’enferme pas le sang
dans une cage d’acier
alors je me dénude
et laisse le vent filer
va !
21:20 Publié dans CG 2007 - SALINES, à tire d'ailes | Lien permanent | Commentaires (0)