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25/06/2014

Yves Sioui-Durand

Source : http://linsatiable.org/?Yves-Sioui-Durand

Grand témoin

par Valérie de Saint-Do

 



Membre de la nation Huronne-Wendat, Yves Sioui mène avec la compagnie Ondinnok, installée à Montréal, une aventure théâtrale qui puise au plus profond des traditions amérindiennes pour inventer un langage aussi singulier qu’universel. Des Inuits aux Mayas, il explore l’imaginaire mythologique des Premières Nations américaines et le traduit en formes où le contemporain le plus expérimental rejoint l’archaïque. Il ressuscite ce que cet imaginaire violé nous apprend de nous-mêmes.

(article paru dans le numéro 87 de Cassandre/Horschamp le 15 octobre 2011)

Quelle est la genèse d’Ondinnok et comment êtes-vous venu au théâtre ?

Yves Sioui-Durand : Mon parcours est fait de bifurcations et zigzags : j’ai étudié la musique, avant de créer en 1985 mon premier spectacle au festival des Amériques, dont c’était la première édition. Si Catherine Joncas, ma compagne, est passée par le Conservatoire, je suis un dinosaure relativement autodidacte, passé d’abord par la musique.
Je n’avais pas décidé, à l’époque, de fonder une compagnie de théâtre. Les œuvres ont précédé l’organisation. Je n’ai jamais pensé que cela durerait vingt-cinq ans ! Une compagnie, pour moi, cela signifiait instituer quelque chose. Peut-être sommes-nous désormais devenus une institution en raison de notre persistance, sans pour autant que cela passe par une reconnaissance sociale ni une contrainte de production. C’est parce qu’il y a des œuvres à naître qu’il y a un futur.

« Compagnie », cela induit aussi l’idée de collectif, de troupe. Autour de Catherine Joncas et vous, une troupe s’est-elle constituée ?

Au départ, nous étions trois. Jean Blandin nous a rejoints dans un premier temps, mais a malheureusement très vite disparu. Nous avons connu bon nombre de collaborateurs attitrés : techniciens, musiciens…Mais il n’y avait pas d’acteurs autochtones au Québec au moment où j’ai commencé, ni d’école. Et cela n’a pas beaucoup changé. Ces dernières années, nous avons formé des acteurs avec l’École nationale de théâtre. Mais l’École ne s’est pas beaucoup investie, et nos institutions politiques autochtones ne sont pas très ouvertes à l’art et à la culture. Le théâtre, ils ne connaissent pas ! La colonisation politique et spirituelle pèse toujours, et nos leaders politiques ont beaucoup de misère à envisager la culture comme un moteur de civilisation essentiel pour survivre. Ils sont beaucoup plus axés sur les luttes politiques pour le territoire et les conditions de vie, parfois d’une dureté extrême, des communautés confrontées aux problèmes de drogue et de pauvreté.

C’est un paradoxe que cette fermeture à la culture telle que nous l’entendons. Les traditions culturelles des Amérindiens n’étaient-elles pas une condition de leur survie ?

Tout dépend de l’angle de la lunette d’observation ! Historiquement, des traditions ont perduré, mais pas chez tous les peuples autochtones. Ceux du Québec ont vécu un problème majeur : l’acculturation religieuse initiée notamment par les Jésuites de la Nouvelle France. La démonisation du chamanisme a détruit les traditions. Les peuples du Nord sont des chasseurs, dépendants du caribou. Il existe une relation évidente entre spiritualité et survie : le chamanisme est lié à la chasse. En le détruisant, les Jésuites ont atteint le cœur de cette culture, et la révolution industrielle a aggravé les choses : les Indiens n’étaient plus utiles comme au moment du commerce des fourrures. Ils ont été les dupes de cette économie de marché qui les appauvrissait et qui, à l’époque, a presque fait disparaître le castor, surchassé ! Les questions d’écologie sociale et culturelle se sont posées très vite : surchasser, c’est aller contre la tradition.
La création du Canada en 1877 a donné le coup de grâce avec la fin des guerres indiennes aux États-Unis et la sédentarisation forcée des Indiens du Nord. Il reste encore quelques groupes qui savent nomadiser, mais ils sont aliénés par la religion et la structure des réserves, et ne constituent que de petits groupes à l’intérieur des communautés.
Dans les années 1970, un cinéaste français, Arthur Lamothe, a réalisé sa filmographie sur les derniers grands nomades, particulièrement les Innus [1]. À l’époque, on a achevé de les déstructurer en enlevant les enfants pour les scolariser de force dans des pensionnats, où ils ont souvent été abusés sexuellement [2]. L’assimilation, l’extinction culturelle étaient programmées. Encore aujourd’hui, des procès sont intentés pour ces abus qui ont augmenté l’alcoolisme, le désespoir, et la coupure générationnelle. Cette tragédie conjugue le mépris de soi. Mon père était un chasseur, chrétien. Mon grand-père, christianisé, avait encore des pratiques rituelles. Comment aimer quelqu’un qui t’a élevé dans le catholicisme et qui ensuite t’a maltraité ? Pour connaître l’héritage, c’est très dur de passer le mur du père.

Donc, il a vous a fallu aller rechercher les traditions initiatiques avec lesquelles vous travaillez. Quelles voies avez-vous empruntées ?

Je suis un privilégié : je n’ai pas connu ces sévices. Je viens du monde des Iroquois [3], différent de celui des Innus, les Indiens de la forêt. Mon théâtre ne se relie pas à ma seule culture : il se veut le théâtre des autochtones à travers le monde.
Nous sommes des cultivateurs de maïs, en lien avec un axe nord-sud qui va du Guatemala de l’ère maya jusqu’aux Grands Lacs au Nord, jusqu’au Chili au sud. Très peu de gens considèrent l’histoire de l’Amérique en fonction de ces niches écologiques !
Les Iroquois ont réintroduit les grandes cérémonies interdites par le gouvernement canadien de 1890 à 1947 et sont revenus à leur structure fondée sur ce que l’on appelle la Longue Maison [4]. Le concept est celui d’une seule famille : on vit tous ensemble dans la même maison, organisée autour d’un feu. Et notre structure de décision s’appelle aussi la Longue Maison : c’est un Parlement, lieu de prise de décision par consensus – dont on dit qu’il a influencé la constitution américaine ! –, très organisé pour l’époque et basé sur les différents clans représentés par des hommes eux-mêmes nommés par les femmes. Il s’agit d’un système matrilinéaire, les chefs sont les porte-parole des femmes.
Je viens d’achever un travail avec les Mayas du Guatemala sur un texte précolombien, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, dont les fondements remontent plus loin que la tragédie grecque. C’est l’ultime vestige de l’existence d’un théâtre amérindien, de formes traditionnelles qui ont chacune leurs caractéristiques, liées à des mythologies ou des drames ritualisés. Je me situe dans le sillon de ces grandes traditions. Je suis remonté à la source, avec une forme théâtrale qui date peut-être de 2000 av. J.-C., et un texte dont l’argument se situe juste avant l’arrivée des Espagnols, entre 1100 et 1300. Pour moi, c’est extraordinaire : quand j’ai commencé, je cherchais les racines d’un théâtre amérindien, qui existe !
Ma première pièce s’intitulait Le Porteur des peines du monde. Les autochtones de toutes les Amériques n’avaient pas d’animaux de trait, à l’exception des lamas. Le portage, l’homme qui porte, est un archétype fondamental. Le Soleil est vu comme un portageur. Dans le calendrier maya, chaque jour est un soleil, chaque soleil un esprit qui porte le monde plus loin. En espagnol, on dit : « cargar días », celui qui va prendre le poids du monde. Le chef, c’est celui qui prend la charge de son peuple pour l’emmener plus loin. Donc Le Porteur, dès le départ, collait à cet archétype.

C’est un archétype que l’on retrouve dont bon nombre de mythologies : on pense à Chronos…

Cela vient de la grande histoire du peuplement de l’humanité, de l’Asie à l’Amérique, qui s’est faite à pied ou à dos d’âne, enracinée dans le corps de l’homme américain. Encore aujourd’hui, si tu voyages avec les Indiens en canoë, inévitablement le portage s’impose. Dans la fonction sociale ritualisée, les chefs traditionnels de la culture maya urbaine de l’époque classique étaient ceux qui portaient la responsabilité de l’empire, en lien avec le Cosmos. Un rituel populaire a survécu dans les villages mexicains et guatémaltèques : les conseils indiens font une cérémonie de transmission du cargo, de la charge.
J’ai joué Le Porteur des peines du monde dix ans d’affilée et il m’a fallu tout ce temps pour comprendre la métaphore spirituelle qui se jouait là. J’avais touché une racine du grand alphabet mythologique des Amérindiens, une fonction non de rédemption, mais de renaissance. Pour renaître, il faut être capable de mourir à soi.
Dans l’alphabet mythologique des Trois Amériques, un principe fondamental est de mettre les morts à la bonne place. Tu ne peux pas prendre la mort de tes ancêtres sur ton dos, tu ne peux pas racheter l’histoire, il faut faire la paix avec les morts pour pouvoir avancer. C’est le problème des peuples autochtones du Canada et des Amériques en général face à la conquête. Comment transcender la souffrance qui vient de la conquête, du viol, de la dépossession, de la colonisation ? Le malaise de l’autochtone fait vivre le système global : on n’essaie donc pas de le régler. La seule façon de sortir de l’aliénation, c’est de retrouver une autonomie de pensée.
Le théâtre est le lieu pour cela, pour tout groupe humain. L’une de ses fonctions, c’est d’ouvrir cette brèche. De déjouer ce qu’on nomme le connu pour réénoncer le début du monde. Comment sommes-nous devenus humains ? Quels sont les liens entre le Dieu et l’homme, entre les hommes entre eux, entre les hommes et les animaux, les hommes et les esprits des ancêtres, cette famille liée au territoire ? En iroquois, on dit Onkwéonwé et on traduit « les êtres humains ». De même que Innu ou Inouit signifie « être humain ».C’est ainsi que se définissent la plupart des groupes humains ! Mais c’est un sens restrictif. On touche là une autre lettre de l’alphabet universel profond : qu’est-ce qui nous fait humain ? Le nom des peuples désigne à la fois l’humain et sa terre : l’homme et le lieu sont indissociables. On ne peut définir l’homme sans le lieu.

Dans ce que vous décrivez, on retrouve des fondamentaux du théâtre que l’on aimerait revoir partagés. À une époque où le théâtre est devenu spectacle et le spectateur, passif, comment votre travail peut-il s’accommoder des lieux et des dispositifs habituels ?

C’est la grande question. J’ai joué Le Porteur des peines du monde en extérieur, dans un terrain vague à Montréal, pour rapatrier un territoire originel, mais ce choix restait un peu inconscient. Je ne maîtrisais pas tout ce que je mettais en jeu. Nous connaissons une surabondance du spectaculaire ; je travaille de façon très consciente depuis quelques années contre le spectacle et sa structure préexistante. Dans mes premiers travaux, je tentais d’apprivoiser les langages du théâtre, je n’avais pas de maître.
C’est en 1999 que j’ai trouvé quelque chose, en me posant cette question : pourquoi nous, peuples autochtones, ne nous référons-nous plus à nos mythologies d’origine, matrices de nos psychés ? Avec Iwouskéa et Tawiskaron, j’ai travaillé sur le mythe de la Création du monde des Hurons et des Iroquois. Les spectateurs étaient capturés un à un par les esprits et conduits à l’intérieur d’une grande tente. Pendant au moins trois minutes, rien ne se passait. Il s’agissait de les placer dans le mythe comme matrice de civilisation, de les « iroquoïser » une heure et demie durant !De les adopter, parce que notre culture est une culture d’adoption des étrangers en son sein. Je voulais savoir si le mythe fonctionnait encore, si, ensemble, l’on pouvait devenir iroquois en partageant un ventre commun à travers le théâtre. Ce mythe – la longue histoire de la création du monde – était raconté pour reconstruire la psyché collective. Il faut que cette parole soit très forte pour restructurer la psyché. Comment va-t-elle reconstruire un homme qui a tué ?
Mes ancêtres iroquois ont maintenu jusqu’à nous cette idée fondamentale : on devient humain lorsque l’on reconnaît la perte, que l’on pleure, que l’on s’émeut et que l’on traduit cette émotion en mémoire. Ce spectacle évoquait la création du monde à travers une cérémonie funéraire. Le public était prisonnier de la tente, acteurs et spectateurs en contact direct, pour une dissolution du spectacle : nous étions témoins, comme une famille. Dans la seconde partie, quelqu’un du public « mourait » et assistait à sa propre cérémonie. Au tournant du millénaire, j’ai voulu réintroduire cette approche de la mort, à la fois banalisée et exclue de nos sociétés. Les sépultures anciennes nous disent : « Nous étions des humains. »
Par la suite, je suis revenu à du théâtre déambulatoire, en croisant un mythe des Indiens des Rocheuses et un mythe sibérien, deux groupes témoins de la grande migration transcontinentale. Dans Kmùkamch l’Asierindien, le personnage central voit tuer son fils, prend sa jeune femme et l’esprit de son fils vient se venger. Cela touche quelque chose de notre monde, le refus de vieillir.
Comme dans la tragédie grecque, il s’agit d’histoires de famille. La tragédie naît dans la destruction des liens familiaux, le bris du tabou de l’inceste notamment. La pièce touchait quelque chose de très contemporain, dans notre société où les hommes vivent une angoisse terrible face à la vieillesse. La mort est exclue, mais la vieillesse aussi. Cela convoque des choses très profondes, comme le cannibalisme. Dans une société où les rôles sont interchangeables et dont le seul but est de jouir, pourquoi ne pas manger tout de suite ce qu’il y a de plus beau ? Nous sommes dans un monde de prédateurs…

… et qui ne laisse pas de place à sa jeunesse : on le constate aujourd’hui en Espagne.

Dans Xajoj Tun-Rabinal Achi, le dernier texte que j’ai travaillé avec les Mayas [5], nous sommes dans un théâtre de la cruauté : les Mayas pratiquaient des sacrifices humains. C’est un spectacle sur la guerre, universel : sa violence et son absurdité font partie de l’alphabet mythologique de toute l’humanité. C’est inscrit dans notre nature, nous sommes des êtres agressifs, prédateurs. Dans leurs récits historiques à la limite de la mythologie, les Mayas mettent en scène deux guerriers, dont l’un, rebelle, va essayer de tuer le roi et sera capturé et mis à mort. Dans ce théâtre de cour, on demandait au prisonnier de rejouer ses faits d’armes et sa capture, et on le tuait au cours d’un festin rituel où il prenait des boissons hallucinogènes. On exauçait ses derniers vœux : danser avec la reine, s’affronter aux guerriers. Ce théâtre dont on connaissait la finalité énonçait la vérité de la guerre et de la mort : il est chargé d’humanité, selon d’autres codes que les codes occidentaux.
Au-delà de l’histoire, j’ai voulu travailler avec les habitants du village de Rabinal qui ont conservé la forme cérémoniale de leur théâtre traditionnel présenté un jour par an, comme une offrande pour leur village et leurs ancêtres. Eux aussi vivent le choc de la mondialisation, des technologies, les jeunes se désintéressent de leur culture… Ils sont conscients d’être devenus un musée vivant. Toute tradition doit sortir des ornières de la folklorisation pour atteindre ses buts : construire de grands êtres humains, dépasser par l’entendement les archétypes qui nous poussent à la violence, à l’abus de sa propre famille, au refus de prendre sa charge comme être humain ou à l’absence d’émotion devant la mort. Nous avons quitté le monde figé de la tradition pour l’universel : les Mayas, grande civilisation urbaine qui a connu l’apogée comme le désastre écologique, nous enseignent des choses que nous devons réapprendre. Nous, autochtones du Canada, nous nous sommes rapprochés de la source du théâtre amérindien pour retrouver nos ancêtres communs. Dans ce travail, les acteurs étaient conviés à ne pas fabriquer les personnages, mais à les laisser venir en eux chaque soir au travers des huit masques utilisés. On ne savait jamais qui incarnerait le personnage principal : il se laissait choisir chaque soir par le masque ! Cela m’a permis d’énoncer beaucoup de choses auxquelles je continue à travailler. Xajoj Tun-Rabinal Achi a fermé un cycle de vingt-cinq ans. Je suis venu au théâtre parce que, en 1978, je suis allé au Guatemala, en suivant un itinéraire fondé sur la grande mythologie maya d’après les codex traduits. C’est un acte de civilisation. Amener dans le monde contemporain du théâtre ces vestiges, faire entendre ces mots-là dans la cité et permettre une participation du public à un effort de transcendance, un théâtre de quête des ancêtres transcontinentale. Des acteurs du Chili, de Bolivie, de l’Équateur et du Québec y ont participé.

On pourrait dire que les peuples autochtones ont été des sortes de lanceurs d’alerte, comme on le dit aujourd’hui des écologistes. Tout ce qu’ils ont dénoncé, c’est ce que subit actuellement la plus grande partie de l’humanité : destruction des ressources, acculturation… Les gens qui résistent à cela ne vont-ils pas être remis dans des réserves, comme les artistes ?

Ce qui s’est vécu à l’échelle de Sumer, de l’Égypte ancienne, des anciennes mégapoles, c’est ce que nous sommes en train de reproduire à l’échelle de la planète. Les nouvelles Babylone sont à Djakarta ou Mexico, dans les grandes cités qui polarisent l’énergie de la planète. 52 % de la population mondiale vit en métropole : cela témoigne de la disparition de la diversité des cultures humaines, comme celle de la biodiversité animale.

En même temps, la ville n’a pas créé que du négatif : elle permet la rencontre, d’échapper à une communauté parfois trop étouffante, le croisement des arts…

C’est paradoxal. Comment échapper à l’effondrement des grandes civilisations urbaines ? Pourquoi les gens se rassemblent-ils dans les mégapoles ? C’est attirant, cela nous rassemble, c’est la galaxie humaine. On a besoin des hommes. On nous parle de la fin de l’histoire, de l’espace-temps réduit avec les télécommunications… Le cerveau humain peut s’adapter, mais le corps ne suit pas. La fiction collective de l’urbanité exponentielle, tous ces cerveaux combinés les uns les autres créent un monstre ingérable. Plus on ordonne les choses, plus la théorie du chaos se vérifie : le désordre s’accélère sous une prétention d’ordre mondial. Bien sûr que la ville est libératrice : elle mixe toutes les populations et toutes les cultures.
L’humanité, présentement, au-delà des difficultés de la mondialisation, vit un tsunami, une vague de fond encore tout juste perceptible. Ce que la postmodernité appelle le métissage, propre aux grandes cités comme Montréal et Paris, est inévitable. Ce brassage de l’humanité est peut-être une partie de la solution. Je vois cela comme positif et négatif, c’est la question fondamentale énoncée par Shakespeare : « Être ou ne pas être ? » Comment faire pour survivre, et survivre à quel prix ? Le risque est d’abolir les cultures fragiles. Sans territoire, il est très difficile de maintenir une culture comme celle des Innus, qui ont perdu les moyens de vivre d’une manière autonome.
Ce que je trouve terrible, c’est ce contact incessant à travers les technologies, qui dissipe l’angoisse de la relation véritable. Le théâtre est le lieu de la mise en lumière des relations. Tout notre travail est d’obliger à être présent un spectateur qui nous dit : « Je suis venu pour être distrait » ! À mon échelle, après avoir beaucoup lutté comme résistant culturel, je vois bien qu’on perd du terrain auprès des jeunes. Trouver l’essence d’une culture, décoder son alphabet mythologique : si on n’y parvient plus, c’est que quelque chose est dissous. Une vision du monde suppose un agir. C’est de plus en plus rare.

Ce n’est pas un hasard si l’archaïque tel que vous le définissez rejoint des pratiques qualifiées d’avant-garde, la performance dans ce qu’elle a de plus intéressant, une forme de rituel.

Le théâtre, dans sa fonction archaïque, est le lieu d’une réénonciation culturelle. Dans notre travail, on utilise des pierres, on les fait rougir, on les écoute chanter. Ce sont les os de la terre, l’os qui contient la moelle, c’est là qu’est l’esprit, la génétique. On fait le lien avec les premiers hommes qui ont vécu de la pierre pendant des millénaires. Retourner à la pierre, c’est retourner à la racine même d’une connaissance et l’utiliser pour rêver comme acteur ; pour entrer en contact avec la mémoire génétique enfouie dans notre squelette. C’est par ce moyen qu’on a rencontré théâtralement les Mayas : comme chez Grotowski, il s’agissait de briser l’occidentalité.
Je voudrais réunir des gens de toutes provenances pour étudier avec eux leur mythologie personnelle. « De qui descends- tu, d’où viens-tu ? », pour réinventer l’humanité. Tout le monde a des ancêtres, et on n’échappe pas au poids de ce qu’ils ont fait. Et la guérison passe par la mémoire, mettre les morts à leur place, accepter d’aimer, accepter de mourir, de porter une charge et de souffrir.
Offrir au lieu de prendre, c’est aussi un archétype des cultures amérindiennes. On ne peut pas juste se contenter de prendre, à la terre, aux bêtes : tout ce qu’on leur fait, on le fait à soi-même. Quand les Indiens disent qu’il y a des esprits (manitous) qui peuvent dialoguer avec leur frère animal, cela vient de milliers d’années de respect et de connaissance, ce n’est pas une fable. Les anthropologues et Claude Lévi-Strauss ont montré que les mythes sont un langage, une connaissance, une énonciation du cosmos aussi valables que la physique quantique. Les angoisses primaires des premiers hommes sont les nôtres et, en situation de régression, on se retrouve dans leur position. Il nous faut apprendre des civilisations qui nous ont précédés pour savoir qui nous sommes.

Propos recueillis par Valérie de Saint-Do

www.ondinnok.org
• Le film d’Yves Sioui-Durand, Mesnak, a été présenté le 30 octobre 2011 au Festival d’Abitibi.



[1Les Innus ou Montagnais sont l’une des onze Premières Nations répertoriées au Québec, avec les Abénaquis, Algonquins, Micmacs, Cris, Malécites, Naskapis, Attikamekws, Mohawks et Hurons-Wendat et la Nation Inuit, considérée à part.

[2Ce que raconte aussi le très beau Voyage en mémoires indiennes de Sally Tisiga (2004).

[3Originaires de la région des Grands Lacs, les Iroquois se divisent en plusieurs nations, dont, au Québec, les Mohawks (région de Montréal) et les Hurons-Wendat (région de Québec). Ils étaient des cultivateurs, notamment des « trois sœurs » : maïs, courge, haricot.

[4Maison construite de troncs d’arbres entrelacés et recouverte d’écorce. Une allée au milieu servait à circuler et à faire des feux. De cinq à dix familles habitaient dans ces maisons de 5 à 7 mètres de large par 50 à 100 mètres de long sur 7 mètres de haut.

[5Reconnu comme patrimoine immatériel de l’humanité, le texte du Rabinal Achi a été traduit par l’abbé Brasseur de Beaubourg en 1862, puis par l’anthropologue Alain Breton en 1994.

Les fantômes de la Coupe du monde

Lorsque les premiers Européens débarquèrent au Brésil en 1500, quelque 10 millions d’autochtones vivaient sur cette terre. Au terme de cinq siècles de meurtres, tortures, épidémies et exploitation qui ont ravagé leur population, celle-ci chuta dans les années 1950 à son taux le plus bas jamais atteint : elle ne comptait plus que 100 000 personnes.

L’éminent sénateur et anthropologue Darcy Ribeiro estimait qu’au siècle dernier une tribu disparaissait tous les deux ans et il prédisait une extinction totale des Indiens d’ici 1980. On estime à 1 500 le nombre de tribus ayant disparu depuis l’an 1500.

Pour certains autres groupes, leur taille a été tellement réduite qu’ils ne comptent même plus les 11 membres nécessaires pour composer une équipe de football :

5: Tribu Akuntsu (Etat de Rondônia)

4: Tribu Juma (Etat d’Amazonas)

3: Tribu Piripkura (Etat de Rondônia)

2: Indiens de la rivière Tapirapé (Etat de Maranhão). (L’un d’eux étant probablement décédé aujourd’hui)

1: ‘Le dernier de sa tribu’/ ‘l’homme dans le trou (Etat de Rondônia)

 

Les derniers survivants de la tribu akuntsu. Tous les autres membres ont été décimés.
©Survival
 

Les stades

Le plus petit stade, à Curitiba (avec 41 456 places) a une capacité supérieure à ce qui suffirait pour héberger la plus grande tribu d’Amazonie (les Tikuna, avec une population de 40 000 membres).

Le stade Maracanã de Rio est celui qui peut accueillir le plus grand nombre de spectateurs (76 804 places), nombre supérieur à celui de la population de la plus grande tribu du Brésil, les Guarani (qui comptent 51 000 membres), dont certains vivent à quelque 50 km de Rio.

Les stades de Rio de Janeiro, São Paulo, Porto Alegre et Curitiba

Ces villes sont situées dans les Etats qui sont aujourd’hui le théâtre des conflits fonciers les plus acharnés. Les communautés indigènes du sud du Brésil – les Guarani Mybá, les Guarani Ñandeva, les Kaingang, les Xokleng et les Xetá, ayant été spoliés de la plus grande partie de leur territoire pendant la période coloniale, vivent sur des parcelles extrêmement réduites.

Tribu menacée: les Xetá ont été quasiment décimés dans les années 1950, lorsqu’ils ont été dépossédés de leurs terres. En 1999, il ne restait plus que huit survivants, trois hommes et cinq femmes, tous parents.

Les Guarani ont été spoliés de leurs terres ancestrales par les propriétaires de ranchs et les cultivateurs de canne à sucre qui ont rasé leurs forêts. Les Indiens n’ont plus d’autre endroit où vivre que le bas côté de la route.
© Paul Borhaug/Survival
 

Maracanã, Rio de Janeiro

Maracanã, en langue tupi, signifie ‘perroquet’ (et sous la forme ‘maraca-na’, il peut également désigner des maracas, instruments à graines utilisés lors des cérémonies religieuses guarani). Son nom officiel est ‘stade Mário Filho’.

Quand les travaux de rénovation ont débuté dans la perspective de la Coupe du monde, un groupe de 70 Indiens, de 17 tribus différentes, qui vivait dans une demeure abandonnée datant du XIXe siècle, a été expulsé et le bâtiment détruit, afin de permettre la construction d’un parking géant et d’un musée du football. Les Indiens demandaient que le bâtiment soit épargné et converti en centre culturel indigène.

Cette demeure coloniale avait abrité en 1901 le premier institut de recherche sur les cultures indigènes. Peu de temps après, elle hébergea le bureau principal du Service de protection des Indiens, devenu aujourd’hui la FUNAI. Jusqu’en 1978, c’était le siège administratif du musée de l’Indien.

Tribu disparue: les Goitacá, qui vivaient sur la côte de Rio de Janeiro, ont été décimés suite à des combats armés avec les colons européens.

 

Le stade de Cuiabá, dans l’Etat du Mato Grosso

Les Indiens qui vivent dans cette région sont les Nambiquara, les Umutina et les Pareci.

Les Umutina ont été décimés par la rougeole et d’autres maladies. Alors qu’on en dénombrait 400 en 1862, seuls 73 avaient survécu en 1943. Leur population a tendance à s’accroître de nouveau lentement aujourd’hui.

La construction de l’autoroute BR-364, financée par la Banque mondiale, dans la vallée fertile où étaient établis les Nambiquara a eu des conséquences désastreuses sur cette population. Ils étaient 7 000 en 1915, seuls 530 étaient encore en vie en 1975.

Les Nambiquara sont aujourd’hui 2 000, mais leurs territoires continuent d’être envahis par des chercheurs de diamants, des exploitants forestiers et des éleveurs.

‘Ils ont tout subi, les chiens, les chaînes, les winchesters, les mitraillettes, le napalm, l’arsenic, les vêtements contaminés, les certificats falsifiés, les expulsions, la déportation, les routes, les barbelés, les incendies, le bétail, les décrets légaux et la réalité qui les fait mentir’, Darcy Ribeiro, sénateur et anthropologue brésilien.

Tribu menacée: les Kawahiva vivent à 1 400 kilomètres de Cuiabá (à mi-chemin des stades de Manaus et de Cuiabá), ils sont l’une des tribus isolées les plus menacées au monde.

Un jeune Nambiquara photographié par Claude Lévi-Strauss en 1938.
Un jeune Nambiquara photographié par Claude Lévi-Strauss en 1938.
© C. Lévi-Strauss
 

Le stade de Belo Horizonte, Etat de Minas Gerais

A une centaine de kilomètres au nord-est de Belo Horizonte, se trouve le territoire des Indiens krenak et pataxó, appelé ‘Fazenda Guarani’. Ces deux groupes ont subi de lourdes pertes au cours de leurs combats de résistance contre l’expansion coloniale.

Dans les années 1960, le gouvernement brésilien construisit deux prisons secrètes administrées par la police militaire qui était chargée de punir et de rééduquer les Indiens qui avaient résisté à l’invasion de leurs terres. Un ancien détenu les a comparées à des camps de concentration où les Indiens étaient contraints au travail forcé et s’ils refusaient, ils étaient battus et placés à l’isolement. ‘J’ai été détenu dans l’une de ces prisons pendant douze ans. Les policiers nous battaient tellement, nous les Krenak, que nous devions ensuite nous immerger dans de l’eau salée pour soulager la douleur’, a témoigné Manelão Pankararu.

Aujourd’hui, la Commission nationale pour la vérité enquête sur les mauvais traitements infligés dans les prisons aux Indiens détenus.

Tribu menacée: les Krenak ne sont plus aujourd’hui que 350.

 

 

Le stade de Manaus

Manaus, la capitale de l’Etat d’Amazonas, est l’unique ville amazonienne accueillant la Coupe du monde. La structure du stade est bâtie selon le modèle d’un panier traditionnel indigène.

 

Tribu disparue : le nom de Manaus a été donné à cette ville après l’extinction de la tribu des Manáos. Menés par le grand leader Ajuricaba qui était parvenu à unir plusieurs tribus rebelles, les Manáos ont âprement résisté à la domination portugaise dans cette région avant d’être finalement vaincus.

 

Manaus a connu une brusque expansion à la fin du XIXe siècle grâce à l’essor de l’industrie du caoutchouc. Des dizaines de milliers d’Indiens ont été réduits en esclavage et forcés de récolter la sève de l’hévéa. Ils ont été victimes d’effroyables atrocités – des milliers d’entre eux sont morts des suites de torture, de maladies et de malnutrition. Certains sont parvenus à échapper à l’esclavage en se réfugiant dans les lointaines contrées reculées où les affluents de l’Amazone prennent leur source, et où ils vivent encore aujourd’hui, fuyant tout contact avec la société nationale.

 

Le territoire des Waimiri Atroari se situe à une centaine de kilomètres de Manaus. Depuis le XVIIIe siècle, cette tribu a vaillamment résisté aux invasions de chasseurs et d’exploitants de caoutchouc et beaucoup trouvèrent la mort au cours de violents conflits. Un contact a cependant été établi au moment où le gouvernement construisit à coups de bulldozers une route traversant leur territoire. Des centaines d’entre eux trouvèrent la mort suite à des maladies ou au cours de violentes confrontations avec les unités militaires déployées pour en finir avec la rébellion. Le général Gentil Noguera Paes annonça alors : ‘Nous achèverons coûte que coûte la construction de cette route, même si cela implique d’ouvrir le feu sur ces Indiens criminels. Ils nous ont déjà suffisamment provoqués et ils entravent l’avancement des travaux’. Aujourd’hui, la Commission nationale pour la vérité enquête sur les atrocités commises à l’encontre des Waimiri Atroari au cours de cette période.

 

Tribu menacée: en 1988 la population des Waimiri Atroari ne comptait plus que 374 individus sur les 6 000 qu’ils étaient auparavant. Ils sont aujourd’hui 1 500. On estime qu’au moins un groupe d’Indiens isolés vit sur leur territoire.

 

Tribu menacée: à seulement 370 kilomètres de Manaus vivent deux groupes d’Indiens isolés. Le Brésil abrite plus de tribus isolées que n’importe quel autre pays au monde ; la FUNAI les estime à plus de 80. Nombre d’entre eux, tels que les Kawahiva et les Awá, fuient constamment devant le front de bûcherons lourdement armés et les éleveurs qui détruisent leur forêt.

 

Un Waimiri Atroari montre à des enfants comment fabriquer  une flèche.
Un Waimiri Atroari montre à des enfants comment fabriquer une flèche.
© Fiona Watson/Survival

Le stade de Brasília

Tribu menacée: à seulement cinq heures de route de Brasília, de petits groupes d’Indiens se terrent dans l’immensité du maquis broussailleux. Ce sont les Avá Canoeiro, qui ne sont plus que 24 aujourd’hui – les derniers survivants d’une tribu fière et forte qui vit constamment en fuite depuis 1780 et qui est au bord de l’extinction. Au début des années 1980, des centaines d’ouvriers recrutés pour construire un barrage hydroélectrique sur la rivière Tocantins se sont installés sur leurs terres.

Le lac artificiel du barrage a englouti leur dernier refuge et leurs territoires de chasse. Lorsque la construction a commencé, la FUNAI mit sur pied une mission d’urgence pour entrer en contact avec les groupes survivants – il est vite devenu évident que très peu d’Avá Canoeiro étaient encore en vie. Mais en 1983 elle parvint finalement à entrer en contact avec un couple, Iawi et Tuia, accompagnés de la tante et de la mère de Tuia, Matcha et Naquatcha. Ce petit groupe avait survécu à un massacre en 1962 et avait ensuite passé vingt ans caché dans des excavations perchées dans les montagnes.

Iawi et Tuia ont eu deux enfants, Trumak et Putdjawa, qui vient lui-même d’avoir un enfant avec une Indienne tapirapé, appelé Paxeo.

Un autre petit groupe d’une douzaine d’Avá Canoeiro a été contacté en 1973. Presque tous portaient des cicatrices causées par les balles des hommes de main du ranch de Camagua, appartenant à une banque brésilienne. Ils ont été retrouvés vivant cachés dans un marécage – leur dernier refuge sur ce qui avait été leur territoire de chasse, aujourd’hui cerné de barbelés. Ils souffraient de malnutrition. Ce groupe compte moins de vingt personnes.

Une grande partie du territoire des Avá Canoeiro a été inondé par le barrage de Serra da Mesa en 1998, quinze ans après qu'ils aient été contactés.
Une grande partie du territoire des Avá Canoeiro a été inondé par le barrage de Serra da Mesa en 1998, quinze ans après qu'ils aient été contactés.
© Walter Sanches/FUNAI

Les stades du Nord-Est à Recife, Salvador, Fortaleza et Natal

Sur les 23 tribus de la côte nord-est, seuls les Fulnios ont conservé l’usage de leur langue.

Cette région a été l’une des premières à être colonisée. Elle est aujourd’hui le théâtre des conflits fonciers les plus acharnés. Les Pataxó Hã Hã Hãe ont lutté pour la défense de leurs droits territoriaux pendant des décennies, au cours desquelles ils ont été victimes de violence et plusieurs de leurs leaders ont été assassinés.

A six heures de route de Salvador, les Indiens Tupinambá sont actuellement pris pour cible par la police qui lance des raids sur leurs villages dans le but de les faire fuir de leurs terres destinées à l’élevage intensif de bétail. En août 2013, quatre Tupinambá ont été assassinés, leurs corps mutilés, et 26 maisons détruites.

 

Le prix à payer

Le gouvernement brésilien consacre 791 millions de dollars à l’organisation des services de sécurité durant la Coupe du monde. Ce qui équivaut à au moins trois fois le budget annuel du département des affaires indigènes, souvent à court de fonds.

 

La FIFA ignore l’histoire des Indiens du Brésil

 

On peut lire sur le site de la FIFA :

‘Officiellement, c’est le Portugais Pedro Alvares Cabral qui a découvert le Brésil. Sa flotte, qui voguait à destination des Indes, a atteint le sud de l’actuelle Bahia le 22 avril 1500’.

Le leader indigène Davi Kopenawa Yanomami rétorque: ‘‘Les Blancs aujourd’hui clament à tue-tête « Nous avons découvert le Brésil ». Ce n’est rien de plus qu’un mensonge ! Le Brésil existe depuis qu’Omame, notre Créateur, l’a créé et nous avec. Nos ancêtres connaissent cette terre depuis toujours. Elle n’a pas été découverte par les Blancs. Mais les Blancs continuent à se mentir à eux-mêmes en prétendant qu’ils ont découvert ce territoire ! Comme s’il avait été inhabité ! « Nous avons découvert cette terre. Nous avons des livres et donc nous sommes des gens importants » disent les Blancs. Mais ce ne sont que des mensonges. La seule chose que les Blancs ont fait a été de voler les terres des gens de la forêt et de les exterminer. Je suis le fils de mes ancêtres yanomami, je vis dans la même forêt que celle où vivait déjà mon peuple quand je suis arrivé au monde, et je ne vais pas pour autant pérorer devant les Blancs que c’est moi qui l’aie découverte ! Je ne dis pas que je l’ai découverte pour la simple raison que si mon regard était tombé dessus, elle m’appartiendrait. Elle était déjà là bien avant moi. Je ne dis pas « j’ai découvert le ciel ». Je ne clame pas non plus « j’ai découvert les poissons et j’ai découvert les animaux ! ». Ils ont toujours été là, depuis la nuit des temps’.

Aucune mention des Indiens

La FIFA dit : ‘Le Brésil compte environ 190 millions d’habitants, ce qui en fait le cinquième pays le plus peuplé de la planète. Près de 75 pour cent d’entre eux sont catholiques, tandis que 26 millions sont protestants. La communauté juive du Brésil est très faible en comparaison’.

‘La langue officielle est le portugais, bien que de nombreux Brésiliens parlent d’autres langues en fonction de leurs origines. L’allemand et l’italien, par exemple, sont des langues assez répandues dans les villes du Sud.’

La réalité : la grande majorité des langues parlées au Brésil sont des langues indigènes – il y en a plus de 200.

Pendant des siècles les Guarani ont été à la recherche de ce qu’ils appellent ‘la terre sans mal’. Cette prophétie se traduit aujourd’hui de manière tragique : profondément affectés par la perte de leur terres tout au long du siècle dernier, ce peuple est aujourd’hui frappé par une vague de suicides sans équivalent en Amérique du Sud.
Pendant des siècles les Guarani ont été à la recherche de ce qu’ils appellent ‘la terre sans mal’. Cette prophétie se traduit aujourd’hui de manière tragique : profondément affectés par la perte de leur terres tout au long du siècle dernier, ce peuple est aujourd’hui frappé par une vague de suicides sans équivalent en Amérique du Sud.
© Sarah Shenker/Survival

Aucune mention des Indiens :

La FIFA dit : ‘La forêt tropicale brésilienne est une autre source de richesses naturelles, y compris l’huile de tung et de carnauba, le caoutchouc, la fibre de caroa, les plantes médicinales, les huiles végétales, les résines, le bois de construction et diverses essences utilisées dans la fabrication des meubles. Le Brésil a aussi récemment commencé l’exploitation minière pour profiter de ses abondantes ressources naturelles.’

La réalité : la forêt n’est pas seulement une ‘source de richesses naturelles’, elle est la demeure ancestrale de centaines de milliers d’Indiens qui en ont été spoliés de la plus grande partie ou qui a été détruite. L’exploitation minière sur les territoires indigènes a lieu depuis des décennies

 

 

Et les Indiens du Brésil ont même leur propre version du football…

Certains Indiens du Brésil pratiquent des jeux comparables au football.

Les Pareci, par exemple, qui vivent à une centaine de kilomètres du stade de Cuiabá, jouent le xikunahity. Ce jeu se pratique dans un rectangle semblable à un terrain de football et oppose deux équipes de 10 hommes qui s’échangent d’un coup de tête une balle en résine de mangaba. Les équipes viennent généralement de deux villages pareci différents. Chaque joueur apporte des objets manufacturés, comme des hameçons, qui servent de mises pour les paris.

Les Enawene Nawe qui vivent à 400 km de Cuiabá, jouent également au football avec la tête.

Un Enawene Nawe jouant au football.
Un Enawene Nawe jouant au football.
© Survival
 

Coca Cola, sponsor de la Coupe du monde, utilise les Indiens pour promouvoir sa marque tout en étant compromis dans leurs luttes territoriales

Dans sa campagne publicitaire, Coca-Cola utilise l’image d’un Indien souriant tout en s’approvisionnant en sucre auprès du géant de l’agroalimentaire Bunge – qui à son tour achète la canne à sucre cultivée sur des terres qui ont été spoliées aux Guarani.

Un porte-parole guarani a dit : ‘Coca-Cola doit cesser d’acheter du sucre à Bunge. Tandis que ces compagnies prospèrent, nous endurons la faim, la misère et les assassinats’.

  

Les Guarani dénoncent Coca-Cola.

Les Guarani dénoncent Coca-Cola.
© Survival

 

Dans sa campagne publicitaire, Coca-Cola utilise l’image d’un Indien souriant tout en s’approvisionnant en sucre auprès du géant de l’agroalimentaire Bunge qui à son tour achète la canne à sucre cultivée sur des terres qui ont été spoliées aux Guarani.

 

Agir maintenant !

Les Indiens du Brésil ont besoin de votre aide. Sans soutien extérieur, ils ont peu de chance de survie.

Le Brésil abrite plus de tribus isolées que partout ailleurs dans le monde. Ce sont les groupes les plus vulnérables du pays.

Ils dépendent exclusivement de leur forêt pour leur survie, cependant elle est en grande partie détruite par l’exploitation forestière, l’élevage, les méga-barrages, les routes, l’exploitation pétrolière et gazière… Et aujourd’hui le gouvernement et les propriétaires envisagent d’ouvrir davantage leurs terres à des projets industriels massifs.

Ces projets et la vague d’immigrants qu’ils attirent menacent d’anéantir des communautés isolées entières, comme cela s’est tragiquement produit sur d’innombrables tribus du Brésil depuis qu’il a été colonisé par les Européens.

Les Indiens isolés ne pourront survivre que si leurs terres sont dûment protégées et réservées à leur usage exclusif. Il Il faut agir de toute urgence pour mettre fin à cette crise humanitaire, l’une des plus graves de notre époque.

Cliquez ici pour agir : http://www.survivalfrance.org/agir/lettres/indiensisol%C3...

 

Les Indiens isolés du Brésil sont les groupes les plus vulnérables du pays.
©CIMI
 

Pour en savoir plus …

Pour en savoir plus sur l’histoire des Indiens du Brésil, lire le rapport de Survival ‘Dépossédés. Les Indiens du Brésil’ (Ethnies n°28, printemps 2002), sur leur histoire depuis l’invasion européenne jusqu’à l’an 2000.

 

 

Source : http://www.survivalfrance.org/

 

 

 

22/01/2014

Indiens d’Amérique: un génocide tranquille et presqu'achevé

Source : http://www.marianne.net/obj-washington/Indiens-d-Amerique...

 

Les Etats-Unis ne voient pas d'un bon oeil que le sort des Indiens d’Amérique soit pour la première fois à l'ordre du jour des Nations-Unies. Car il s'agit de se pencher sur le sort d'une population de 2,7 millions d'habitants ravagés par une multitude de fléaux et dans des proportions effroyables. Mais qu'en attendre? Car la parole de ces exterminés est inaudible.


Photo John Miles / Survival
Photo John Miles / Survival
 
 
Un jour d'avril 1973, un militant noir américain pour les droits civiques, Ray Robinson, qui a longtemps suivi Martin Luther King, débarque à Wounded Knee, dans le Dakota du Sud. Il souhaite apporter son soutien à la cause des "Native Americans", ainsi que l'on nomme les Indiens aux Etats-Unis, qui manifestent contre les injustices dont ils sont victimes dans le pays. Wounded Knee est un lieu emblématique et de sinistre mémoire. C'est là, en effet, que furent massacrés et jetés dans une fosse commune entre 150 et 300 hommes, femmes et enfants au matin du 29 décembre 1890, par le 7ème régiment de Cavalerie du Colonel James Forsyth. Sitôt arrivé dans ces lieux où résident toujours une petite communauté indienne, Ray Robinson appelle sa femme qui lui demande de rentrer à la maison, inquiète car elle sait que la situation sur place est explosive. Elle ne le reverra jamais. Après avoir reçue l'annonce de la mort de son époux, Cheryl n'a jamais pu savoir ce qui était arrivé à son mari ni où son corps avait été enterré. 

Voilà quelques jours, quarante ans plus tard, Cheryl a fait le voyage de Détroit à Sioux City pour témoigner de son histoire. Le gouvernement américain refuse toujours de communiquer sur le sort de son mari, officiellement parce que le cas est toujours en cours d'investigation par le bureau du FBI de Minneapolis. A Wounded Knee, plus personne ne se souvient de Ray Robinson. Une épisode parmi tant d'autres dans l'histoire des militants de la cause des Indiens d'Amérique, qui n'a jamais bénéficié d'un large soutien populaire et que beaucoup voudraientt voir s'éteindre.

Et de fait, cynisme et indifférence se conjuguent pour ensevelir année après année la mémoire des peuples indiens presqu'entièrement anéantis en Amérique du Nord.

On ne va pas le nier, les Apaches, les Cheyennes, les Iroquois, les Sioux ou les Esquimaux ne nous inspirent pas, la plupart du temps, un sentiment extrême de culpabilité. Mais ce n'est rien comparé au pays du Western et de la Country. Pas plus que le Jazz ou le Blues ne suscitent leur part de tristesse chez leurs amateurs et ne réveillent chez eux les souvenirs tragiques des lynchages des Noirs, ces genres populaires ne renvoient à la réalité d'un génocide toujours en cours dans l'indifférence générale.

Lorsqu'un Américain de l'Illinois souhaite acheter ses cigarettes à bas prix (un paquet coûte ici actuellement 10 dollars), il prend la route du sud de l'Etat ou de l'Indiana voisin, pour s'approvisionner dans l'un des territoires octroyés aux tribus indiennes locales. Là, il paiera son paquet de cigarettes 4 dollars en moyenne. Dans un certain nombre de ces tribus, qui sont des milliers à travers les Etats-Unis, on peut également se procurer de l'alcool à bon marché, jouer au casino (dans 452 d'entre-elles) ou, si l'on se sent possédé par le mal (ce qui est très en vogue), consulter un shaman. Il est toujours très exotique de s'offrir une escapade dans ces drôles d'endroits. Pourtant, l'Américain moyen ne s'y risque pas trop.

En effet, 2,1 millions de ces Indiens, soit l'écrasante majorité, vivent largement sous le seuil de la pauvreté. La vision offerte par bien des campements tient purement du bidonville. Et une fois passé ses limites, c'est un voyage en enfer qui commence. L'alcoolisme y prend des proportions catastrophiques. Le chômage y bat tous les records du pays. La maladie s'y propage et tue comme dans les pires zones de la planète. Le suicide, celui des jeunes en particulier, crève le plafond des statistiques. Les Indiens vivant à l'extérieur des tribus n'y reviennent eux-mêmes que pour se faire soigner lorsqu’ils n'ont pas, chose courante, accès au système de santé américain. 

Anthony B. Bradley est Professeur de Théologie au King's College de New York et Spécialiste des questions raciales aux Etats-Unis. « Si quiconque pense que le gouvernement fédéral sait ce qui est bon pour les communautés locales, explique t-il, il ferait bien de visiter une Réserve Indienne Américaine. Les Natifs Americains [Indiens d'Amérique, NDA] sont aujourd'hui plongés dans le cauchemar de la privation de soins et d'économie qui est la conséquence directe des problemes crées par le Gouvernement lequel, en imposant des solutions sensees résoudre les problemes, rend ceux-ci bien pires en retirant aux communautées leur autonomie. »

Tel est le prix à payer pour les Indiens d'Amérique, afin de rester sur la terre de leurs ancêtres, grâce aux concessions faites par le gouvernement fédéral. Pourtant, les Etats abritant ces réserves n'ont de cesse de rogner ces droits et de tenter de récupérer par tous les moyens ces espaces.

Pire, une certaine propagande laissant entendre que les Indiens d'Amérique auraient fait le choix de vivre dans ces conditions a fort bien fonctionné dans l'esprit collectif. Or, cela repose sur une contre-vérité historique. 
 

L'une des plus graves violations des Droits de l'Homme dans le monde

Photo Fiona Watson / Survival
Photo Fiona Watson / Survival
 
 
En effet, peu rappellent le grand mouvement de délocalisation qui fut la conséquence de l'Indian Removal Act [Loi sur le Retrait Indien, NDA] lequel, au milieu du XIXe siecle, contraint les Indiens à délaisser leurs terres historiques au gouvernement pour se concentrer dans les zones qui leur étaient réservées en échange. En 1890, il était devenu interdit aux Indiens de sortir hors de leurs réserves afin de s'approvisionner en nourriture. Une étude du Professeur Jeffrey E.Holm, de l'Université de Médecine du Nord Dakota, a mis en évidence que le changement de régime alimentaire imposé durant des décennies aux tribus indiennes a engendré une surmortalité aujourd'hui toujours existante, en raison des pathologies qu'elles ont engendrées pour des peuples qui ne pouvaient plus se nourrir comme ils l'avaient fait durant des millénaires.

En 2010, les Etats-Unis, dans la foulée du Canada, fut le dernier pays au monde à ratifier la Déclaration des droits des Peuples indigènes aux Nations-Unies. Une des rares concessions faites par un pays qui place souvent l'Histoire au dernier rang de ses préoccupations, si ce n'est pour en offrir une version idéalisée. Mais en l'espèce, il est impossible d'idéaliser la réalité sur laquelle s'est construite l'Amérique. En effet, 90% des tribus amérindiennes ont disparu à la suite de l'arrivée des Européens en Amérique du Nord, la plus grande partie à cause des maladies, la partie restante par les armes.

Mais ce n'est pas tant cette réalité historique qui rend ces jours-ci le rôle du Professeur James Anaya complexe, en tant que Rapporteur spécial des Nations-Unies sur les Peuples indigènes. Bien que, pour la première fois de leur histoire, l'organisation se penche, du 23 avril au 4 mai, sur le sort des Indiens d'Amérique, ce qui en soit est déjà un événement notable, c'est avant tout pour regarder en face une réalité qui n'est pas celle du passé mais celle du présent.

Cette réalité concerne les 2,7 millions d'Indiens vivant actuellement sur le territoire des Etats-Unis, et qui constitue l’un des cas de violation des droits de l'homme a grande échelle le plus emblématique de toutes les nations développées.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes:

  • Les Indiens d'Amérique vivent en moyenne 6 ans de moins que les autres Américains
  • Ils ont 770% de risques en plus de mourir d'alcoolisme
  • Ils ont 665% de risques en plus de mourir de Tuberculose
  • Ils ont 420% de risques en plus de mourir de Diabète
  • Ils ont 280% de risques en plus de mourir d'accidents
  • Ils ont 52% de risques en plus de mourir de Pneumonie et de Grippe
 
(Source: Commission des Etats-Unis sur les Droits Civils, 2004:8)
 

Un Apartheid constitutionnel

Répartition des Réserves Indiennes aux Etats-Unis (Source:  National Atlas)
Répartition des Réserves Indiennes aux Etats-Unis (Source: National Atlas)
Les Indiens d'Amérique se sont vus accorder la citoyenneté américaine en 1924. Mais ils ont pour longtemps encore été exposes au même sort que les Noirs américains, empêchés d'accéder à l'enseignement scolaire, victimes de la ségrégation.

Ce n'est qu'en 1969 qu'ils se sont organises, dans la foulée de la loi sur les Droits civils des Indiens votée l'année précédente. C'est à cette époque qu'ils ont obtenu ce dont les Américains blancs jouissaient depuis deux siècles: la liberté d'expression et d'information, la protection contre les recherches et les arrestations arbitraires, le droit d'engager un avocat pour se défendre, la protection contre les punitions inhumaines et dégradantes, contre les cautions excessives, l'abolition de la peine systématique d'un an d'emprisonnement ou de 5000 dollars d'amende quel que soit le délit commis, le droit d'être jug
é par un jury, et ainsi de suite.

Mais à l'heure actuelle, aucun Indien d'Amérique, citoyen des Etats-Unis, n'a accès à la plénitude des droits des autres citoyens américains. Une réalité qui peut prendre des aspects accablants pour l'Administration américaine. Ainsi, le 6 novembre 2008, le Gouverneur du Dakota du Sud, Michael Rounds, décrète l'état d'urgence car son Etat est recouvert par une épaisse couche de neige et de glace qui le paralyse. Mais les réserves indiennes seront exclues du dispositif. 
 

La guerre des Etats contre les Tribus

Mais le pire pour ces tribus à l'heure actuelle vient probablement de la pression des Etats pour s'accaparer leurs terres. Les conflits sont nombreux à travers tout le pays. Ils sont allumes sous divers motifs, comme la volonté du Gouverneur de New York, en 2007, d'étendre la taxation de l'Etat aux territoires de la Nation des Seneca, ce qui a engendre une violente bagarre juridique. Et bien que les territoires laisses aux Indiens soient pour la majorité pauvres en ressources et difficiles d'accès, leur contestation par les Etats qui les abritent sont de plus en plus courantes. 

Toutefois, la pente naturelle démographique et sociologique suivie par cette population dont la Constitution américaine fait fi devrait se résoudre par le procédé le plus naturel du monde dans les décennies qui viennent: l'extinction. 


Lire le rapport de l'Organisation Survival

19/01/2014

Jeremy Narby at the Temple of the Way of Light

 

 

http://templeofthewayoflight.org/

 

 

03/01/2014

Seeing

Indiens d’Amazonie – Le Dernier Combat

Mardi 7 janvier 2014 à 21.45 sur France  (Le Monde en face) Documentaire
 
 
 

16/12/2013

Chico Mendes, ne l'oubliez pas

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Le 22/12/1988, le syndicaliste Chico Mendes, qui était devenu un emblème international de la lutte contre la déforestation était assassiné. Le monde devrait lui rendre hommage aujourd'hui, mais tous l'ont oublié. Aujourd'hui, ceux qui luttent pour l'Amazonie risquent toujours leur vie. WAKE UP PEOPLE !

04/12/2013

Genesis, la nouvelle exposition de Sebastião Salgado

par Joanna Eede de Survival    

Dans la Péninsule de Yamal en Sibérie, une femme nenets agenouillée sur le sol découpe la glace à l’aide d’une hache. Un chien de traîneau se tient à coté d’elle; devant eux, jusqu’à l’horizon lointain, l’immense étendue de neige gelée par le vent ne se distingue pas du ciel lourd et bas.

Les Nenets sont des éleveurs de rennes nomades; cette femme a été photographiée durant la transhumance, depuis les mélèzes de la taiga méridionale jusqu’aux vastes étendues du nord qui bordent la mer de Kara. Les Nenets vivent dans cette région depuis plus de mille ans, accompagnant leurs rennes sur ces routes très anciennes qui s’entrecroisent sur le pergélisol, brisant la surface gelée pour atteindre l’eau et se nourrissant de viande de renne bouillie, de saumon blanc et de canneberge.

Cette image est tirée de ‘Genesis’, une nouvelle exposition du photographe brésilien Sebastião Salgado, qui sera présentée à la Maison européenne de la photographie à Paris du 25 septembre 2013 au 5 janvier 2014. ‘Genesis’ est l’aboutissement de huit années de travail durant lesquelles, comme l’explique le catalogue de l’exposition, Salgado a photographié dans une trentaine de pays ‘ces régions vastes et lointaines où, intacte et silencieuse, la nature règne encore dans toute sa majesté’.

Les splendides images de la nature sauvage de Salgado montrent tour à tour des pingouins manchots glissant sur un iceberg; le vol des albatros en larges cercles au dessus de leur colonie dans les îles Malouines; l’amusant clin d’œil d’un gélada; une vague arrosant la queue d’une baleine tel un rideau de perles de verre et un babouin solitaire traversant les dunes de sable de Namibie.

L’exposition présente également des paysages à couper le souffle, bibliques dans leur grandeur : des nappes de brouillard se formant sur une rivière de Zambie; des chaînes de montagnes aux arêtes déchiquetées surgissant d’un champ de glace en Patagonie; la majesté d’un iceberg d’une blancheur étincelante dérivant lentement dans la mer de Weddell; une horde de zèbres vue du ciel soulevant des nuages de poussière dans leur galop à travers la plaine; des centaines de caïmans dans l’obscurité de la nuit brésilienne dont les yeux apparaissent comme des lucioles. Une photo cocasse prise depuis une jeep en Zambie, montre Salgado fuyant à toutes jambes pour échapper à un éléphant mâle en train de le charger.

Les peuples indigènes sont bien sûr à l’honneur dans cette exposition. On peut y voir un chasseur bushman faisant tournoyer des petits brins d’épineux pour allumer le feu; des membres de la tribu des Dinka avec leurs troupeaux de bovins à longues cornes ou des femmes mursi de la vallée inférieure de la rivière Omo en Ethiopie.

La profondeur du lien qui existe entre les peuples indigènes et leur environnement apparaît très clairement dans les photos de Salgado. Que ce soit dans les portraits d’Indiens waura du Haut Xingu, au Brésil, pêchant dans une rivière disparaissant dans la brume ou d’un Mentawai grimpant à un arbre sur un fond de palmiers géants et de lianes grimpantes ou encore des femmes yali de Papouasie occidentale portant des paniers tissés en fibres d’orchidées, cette intimité avec la nature est évidente. Tous ces environnements distincts ont non seulement permis la survie de ces peuples durant des siècles, mais ont contribué à façonner leur pensée, leurs langues et leur identité collective. ‘Sur cette terre, nous nous sentons chez nous, nous connaissons tout d’elle’, dit une femme akawaio du Guyana.

Ce n’est pas une surprise si 80% des zones les plus riches en biodiversité du monde sont les territoires de communautés indigènes qui, au fil des siècles, ont élaboré des méthodes ingénieuses pour répondre à leurs besoins tout en maintenant l’équilibre écologique de leur environnement.

Dans le discours qu’il a prononcé lors de l’inauguration de l’exposition ‘Genesis’ à Londres, l’ex-président brésilien Lula da Silva a déclaré : ‘Ceux qui connaissent son travail vont voir ici des photographies qui racontent vraiment une histoire’. Ces histoires inspirent l’émerveillement, exaltent notre imagination en nous rappelant que nous vivons dans un monde resplendissant de beauté. Faire naître de fortes émotions grâce à la puissance de l’art est un processus très précieux, surtout s’il agit comme catalyseur du changement de la conscience des êtres humains, et tout particulièrement si les politiques mises en place pour protéger les peuples vulnérables, les espèces et l’environnement sont le fruit de ces réactions.

Mais il existe un envers du décor accablant pour ces tribus représentées dans les images de Salgado. Il nous donne à voir ce que nous risquons de perdre si nous galvaudons la diversité humaine, si les espèces disparaissent et si la nature est continuellement avilie. Comme il l’a dit dans une interview : ‘Nous vivons aujourd’hui sur une planète qui peut mourir. Notre existence même est en danger’. Malheureusement, au vu de ses photos, il n’est pas possible de dire quels sont les peuples indigènes qui ont déjà tout perdu – leurs familles, leurs foyers, la santé et le bonheur – ou si la survie d’un grand nombre de peuples est menacée depuis bien longtemps. Il n’y a par exemple plus que cinq survivants de la tribu akuntsu au Brésil, après le massacre de leur groupe par les hommes de main de propriétaires terriens. Tragiquement, certains peuples ont complètement disparu : durant tout le XXe siècle, une tribu brésilienne a disparu en moyenne chaque année.

On ne peut pas deviner sur les photos des femmes mursi portant un labret dans la lèvre inférieure que leur avenir ainsi que celui des nombreuses autres tribus qui vivent le long de la vallée inférieure de l’Omo en Ethiopie est en péril. Les tribus de cette région, historiquement importante, ont toujours dépendu de la rivière pour assurer leur survie; mais un important barrage hydroélectrique actuellement en construction va bloquer la partie sud-ouest de la rivière, mettant ainsi fin au cycle naturel des crues, privant les tribus du précieux limon déposé sur les berges de la rivière par le long retrait des eaux. ‘Il n’y a plus ni chant ni danse maintenant le long de la rivière Omo’, déplore un Mursi, ‘Les gens ont trop faim. Les enfant restent silencieux. Si les crues de l’Omo disparaissent, nous mourrons’.

Les Zo’é, qui sont l’un des groupes les plus isolés du Brésil, ont vécu pendant des milliers d’années dans une région de forêts luxuriantes de la partie nord-ouest du pays. Ces dernières années, des chercheurs d’or et des missionnaires ont régulièrement envahi leur terre. Ils ont néanmoins continué à vivre selon leurs coutumes, mais ils sont extrêmement vulnérables aux maladies transmises par les gens de l’extérieur qui accaparent périodiquement leur territoire.

Comme les Zo’é et les Mursi, les Bushmen d’Afrique australe ne sont pas seulement un peuple vulnérable, mais aussi le peuple le plus victimisé dans l’histoire de cette région. Ils étaient des chasseurs-cueilleurs depuis des millénaires, mais lorsqu’on a découvert d’importants gisements de diamants sur leurs terres ancestrales dans la Réserve du Kalahari central, nombre d’entre eux ont été contraints d’abandonner leurs terres et leurs foyers. Ils ont été déportés dans des camps de relocalisation hors de la réserve, où prostitution, dépression, alcoolisme et sida – des problèmes sociaux qu’ils n’avaient jamais rencontrés – sont désormais monnaie courante. ‘Je ne veux pas de cette vie’, nous a confié un Bushman gana. ‘Ils nous ont d’abord rendus indigents en nous prenant nos vies et ensuite ils disent que nous ne valons rien parce que nous sommes indigents’. Les Bushmen se préparent aujourd’hui à engager un nouveau procès pour obtenir le droit de vivre en paix sur leurs propres terres. La terre qu’ils connaissent si bien, la terre qui fait partie intégrante de leur identité en tant que peuple. ‘Nous sommes faits comme le sable’, dit l’un d’entre eux. ‘Cet endroit est la terre du père du père de mon père’.

Il est donc important que dans l’appréciation des histoires extraordinaires que Salgado raconte visuellement, nous puissions aussi avoir accès à des informations sur leur situation : celles par exemple sur les territoires indigènes dévastés par la déforestation ou l’extraction minière par des gouvernements ou des compagnies qui ne s’intéressent qu’aux ressources qui se trouvent sous leurs territoires, aux arbres qui s’y épanouissent et à l’or qui gît dans leurs rivières; celles aussi sur le fait que les peuples indigènes sont rarement consultés sur les projets qui affectent leurs terres et qu’ils en sont souvent expulsés au nom du ‘progrès’; celles aussi qui rappellent que depuis les années 1960, environ 100 000 Papous ont été tués par les autorités indonésiennes ou bien que la désintégration sociale, les maladies chroniques, le suicide et l’espérance de vie réduite sont quelques-unes des conséquences des tentatives d’assimilation par la force des peuples indigènes à la société dominante.

La disparition des peuples indigènes du monde n’est pas une fatalité. Ils ne sont pas des sociétés condamnées, destinées à disparaître naturellement. Il existe des solutions, et ces solutions se trouvent dans la reconnaissance de deux droits fondamentaux : le droit à l’autodétermination et le droit à la terre. Depuis plus de 40 ans, Survival International a connu de nombreux succès dans son combat pour faire respecter ces droits.

Mais c’est seulement en étant conscient de la situation des peuples indigènes – en considérant aussi bien la triste réalité que la beauté de leurs cultures comme celle que Salgado a fixée en images – que leur histoire peut se comprendre dans son intégralité.

 

http://www.survivalfrance.org/

Indiens d’Amazonie : le dernier combat

A l’occasion de la Journée internationale des droits de l’homme des Nations-Unies, Survival International (France) vous invite à la projection en avant-première du film de Laurent Richard : Indiens d’Amazonie : le dernier combat le 10 décembre 2013 à 21h à l’auditorium de la Maison d’Amérique latine 217 boulevard Saint-Germain 75007 Paris M° Rue du Bac ou Solferino

 

Entrée libre dans la limite des places disponibles

 

Ce film raconte le dernier combat mené par les Awá, une tribu amazonienne que Survival considère comme la plus menacée au monde. Les Awá sont l’un des derniers groupes de chasseurs-cueilleurs nomades du Brésil. Une centaine d’entre eux n’a toujours aucun contact avec le monde extérieur. Bien que la plupart des Awá vivent dans des territoires officiellement reconnus par le gouvernement brésilien, ils sont refoulés dans des zones de plus en plus restreintes en raison de l’invasion violente de bûcherons, d’éleveurs de bétail et de colons qui détruisent massivement leurs forêts. Sans leur forêt, les Awá n’ont aucun espoir de survie en tant que peuple. Mais leur forêt, c’est aussi notre histoire. Car ce bois coupé illégalement finit souvent chez nous, dans nos magasins ou dans nos appartements en lames de parquet… Un trafic qui rapporterait plus de 15 milliards par an dans le monde entier.

 

Le film sera diffusé le 7 janvier à 21h35 sur France 5.

 

Source : http://www.survivalfrance.org/

03/12/2013

Ambrósio Vilhalva, chef Guarani et acteur de cinéma assassiné dans la nuit de dimanche

In 2008 Ambrósio attended the premiere of 'Birdwatchers' at the Venice Film Festival.
In 2008 Ambrósio attended the premiere of 'Birdwatchers' at the Venice Film Festival.
© Survival

Guarani Indian leader and film-star Ambrósio Vilhalva was murdered on Sunday night, after decades of campaigning for his tribe’s right to live on their ancestral land.

Ambrósio was reportedly stabbed at the entrance to his community, known as Guyra Roká, in Brazil’s Mato Grosso do Sul state. He was found dead in his hut, with multiple knife wounds. He had been repeatedly threatened in recent months.

Ambrósio starred as the main character in the award-winning feature film Birdwatchers, which portrays the Guarani’s desperate struggle for their land. He traveled internationally to speak out about the tribe’s plight, and to push the Brazilian government into protecting Guarani land, as it is legally obliged to do.

Police officials examine Ambrósio's body inside his hut.
Police officials examine Ambrósio's body inside his hut.
© Osvaldo Duarte

He said, ‘This is what I most hope for: land and justice… We will live on our ancestral land; we will not give up’.

The Guarani of Guyra Roká were evicted from their land decades ago by ranchers. For years they lived destitute on the roadside. In 2007 they re-occupied part of their ancestral land, and now live on a fraction of their territory, but most has been cleared for enormous sugar cane plantations. One of the principal landowners involved is powerful local politician José Teixeira. The Guarani are left with almost nothing.

Ambrósio spoke out passionately against the planting of sugar cane on his community’s land, and against Raízen, a joint venture between Shell and Cosan which used the sugar cane for biofuel production. His community’s campaign with Survival International forced Raízen not to use sugar cane grown on Guarani land.

Sugar cane plantations (in red) occupy most of the ancestral land (yellow outline) of Ambrósio's community.
Sugar cane plantations (in red) occupy most of the ancestral land (yellow outline) of Ambrósio's community.
© Tribunal Popular

A Guarani spokesman told Survival today, ‘Ambrósio fought hard against the sugar cane. He was one of our main leaders, always at the forefront of our struggle, so he was being threatened. He was an extremely important figure in the Guarani land campaign, and now, we’ve lost him’.

The police are investigating the killing, and two suspects have reportedly been detained.

Survival’s Director, Stephen Corry, said today, ‘The Guarani have one of the highest murder rates in the world and land theft is at the heart of all the violence. In spite of this, the land demarcation process is stalling – the authorities are doing far too little to challenge ranchers who have taken the tribe’s ancestral land. How many more gruesome killings must the Guarani suffer before their territory is mapped out and protected?

 

 

Source : Survival International

10/10/2013

Journée mondiale de la santé mentale : une épidémie de suicides dévaste les Guarani

 9 Octobre 2013

Fillette guarani devant son abri en bord de route - des champs sans fin ont remplacé la forêt luxuriante de son peuple. Beaucoup d'enfants se sont suicidé, la plus jeune n'avait que neuf ans.
Fillette guarani devant son abri en bord de route - des champs sans fin ont remplacé la forêt luxuriante de son peuple. Beaucoup d'enfants se sont suicidé, la plus jeune n'avait que neuf ans.

© Paul Patrick Borhaug

Attention : contient des images choquantes

A la veille de la journée mondiale de la santé mentale, le 10 octobre, Survival International révèle de nouvelles données sur le suicide qui affecte les Guarani du Brésil. Face à la perte de leurs terres ancestrales et aux attaques constantes des hommes de main armés, les Indiens affrontent un taux de suicide au moins 34 fois plus élevé que la moyenne nationale.

Les chiffres montrent qu’en moyenne, au moins un Guarani s’est suicidé chaque semaine depuis le début de ce siècle. Selon le ministère brésilien de la Santé, 56 Indiens guarani se sont suicidé en 2012 (les chiffres réels sont probablement plus élevés en raison du manque d’information). La majorité des victimes avaient entre 15 et 29 ans, et la plus jeune n’avait que 9 ans.

Rosalino Ortiz, un Guarani, a déclaré : ‘Les Guarani se suicident car nous n’avons plus de terre. Autrefois nous étions libres, mais aujourd’hui nous ne le sommes plus. Alors nos jeunes pensent qu’il ne leur reste plus rien. Ils s’assoient et pensent, ils se perdent et se suicident’.

Les Guarani ont perdu la majeure partie de leur terre ancestrale – avec laquelle ils possèdent une forte relation spirituelle – transformée en pâturages et en plantations de canne à sucre. Les Indiens sont forcés de vivre dangereusement et dans des conditions déplorables au bord des routes ou dans des réserves surpeuplées, ils souffrent de malnutrition et d’alcoolisme et leur santé est précaire.

La majorité des victimes avaient entre 15 et 29 ans.
La majorité des victimes avaient entre 15 et 29 ans.

© João Ripper/Survival

Les communautés qui tentent de retourner sur leur terre sont confrontées à une extrême violence, les fermiers employant des hommes de main pour les attaquer et, souvent, pour les tuer.

La démarcation des terres guarani devait avoir lieu il y a plusieurs années, mais le processus est aujourd’hui gelé et les hommes politiques brésiliens débattent actuellement sur un amendement constitutionnel qui donnerait au Congrès, influencé par le lobby agricole anti-Indien, davantage de pouvoir dans le processus de démarcation. Ce projet de loi serait désastreux pour les Guarani et leur lutte pour leur terre.

Survival International appelle le gouvernement brésilien à démarquer les terres guarani de toute urgence et exhorte les compagnies telles que la nord-américaine Bunge à cesser d’acheter de la canne à sucre en provenance des terres guarani.

Stephen Corry, directeur de Survival International, a déclaré aujourd’hui : ‘Ces suicides sont un rappel brutal et déchirant de la dévastation que provoque pour les peuples indigènes le vol de leurs terres. Malheureusement, les Guarani ne sont pas un cas isolé – les peuples indigènes à travers le monde souffrent souvent d’un taux de suicide plus élevé que la population nationale. Le soi-disant ‘progrès’ détruit fréquemment les peuples indigènes, mais dans ce cas précis, la solution est claire : il faut démarquer les terres guarani avant que d’autres vies innocentes ne soient perdues’.

Note aux rédactions :

- Visionner la galerie photos sur la réoccupation courageuse d’une partie des terres ancestrales de la communauté guarani de Apy Ka’y

- Télécharger le rapport de Survival sur les Guarani (en anglais).

  

 

Agissez maintenant pour aider les Guarani

26/09/2013

Damiana, un combat pour la vie

 


Chers amis,
 
La situation des Indiens dans le sud du Brésil est extrêmement préoccupante et nous avons, une fois encore, besoin de votre aide. Damiana, une femme guarani à la tête d'une petite communauté, vient de mener une courageuse 'retomada' (réoccupation) de son territoire ancestral. Sa communauté est encerclée par des hommes armés à la solde des propriétaires terriens.
 
Expulsée de son territoire sous la menace des armes il y a une dizaine d'années pour faire place à des plantations de canne à sucre, Damiana s'est vue contrainte de vivre, telle une réfugiée, dans un campement insalubre installé sur un minuscule terrain clôturé de barbelés à la limite de son territoire ancestral.
 
De son vivant, Damiana a connu une terrifiante épidémie de suicides qui a frappé son peuple. Elle a vu des enfants mourir de malnutrition, une de ses tantes empoisonnée par des pesticides pulvérisés d'avion ainsi que son mari et trois de ses fils écrasés et tués sur la route qui passe à quelques mètres de sa cabane. Le mois dernier, pour la deuxième fois en quatre ans, son campement a été incendié et ses maigres possessions perdues.
 
Et pourtant, malgré la crainte, l'humiliation et le deuil, elle tient bon, avec courage et dignité. Son espoir - vivre enfin en paix sur la petite parcelle de forêt qu'elle et sa communauté viennent de reconquérir. 'Nous le disons haut et fort, nous avons décidé de rester coûte que coûte sur cette parcelle de notre territoire ancestral que nous venons de réoccuper'.
 
 
Nombreux sont les leaders guarani qui ont été assassinés ces dernières années pour avoir osé dénoncer les spoliations dont ils sont victimes ou bien pour avoir tenté de réoccuper leur terre ancestrale. Damiana est consciente des risques qu'elle encourt : elle a déjà reçu de nombreuses menaces de mort.
 
Nous sommes convaincus que les Guarani ne devraient pas avoir à risquer leur vie pour ce qui leur appartient de droit. Grâce à votre don, Survival pourra employer les plus grands moyens pour porter le courageux combat de Damiana à la une des médias du monde entier et contraindre le gouvernement brésilien à agir. Avec votre soutien, nous aurons les moyens d'intensifier nos efforts pour mettre un terme aux expulsions, faire garantir que les droits des Guarani et d'autres peuples indigènes soient reconnus et que leurs terres leur soient restituées et protégées.
 
Votre soutien financier à ce stade de notre campagne est primordial. Donnez ce que vous pouvez, toute somme, même modeste, sera grandement appréciée.
 
Merci de votre générosité,
 
Très cordialement.
  
Stephen Corry
Directeur général de Survival International
 

15/06/2013

BRÉSIL • Le "nouveau Far West"

 

La mort d’un Amérindien tué par la police dans une grande propriété occupée du Mato Grosso do Sul a déclenché une vague d’indignation. Le journaliste et universitaire Felipe Milanez va jusqu'à parler de "terrorisme d’Etat".
 
Un dessin de Kazanesvky
Un dessin de Kazanesvky
              
La crise de la question amérindienne a pris ces dernières semaines une tournure dramatique. Des conflits anciens sont en train de ressurgir partout au Brésil, du Sud à l’Amazonie.

Que ce soit sur le chantier du mégabarrage de Belo Monte, sur les lieux de la future centrale hydroélectrique de São Luiz do Tapajós [le Tapajós est un des affluents de l’Amazone], ou bien dans les fazendas [grandes propriétés rurales] du Mato Grosso, du Mato Grosso do Sul, du Paraná, du Rio Grande do Sul, de Santa Catarina et du Pará [Etats du sud et de l’ouest du pays], ou bien encore dans les terres convoitées par les compagnies forestières des Etats du Rondônia et d’Amazonas. Brusquement, la campagne a pris des airs de "nouveau Far West". Les protestations des Amérindiens sont suivies par l’action de tueurs à gages.

Les grands propriétaires en appellent même à l’armée. La mort d’Adenilson Kirixi Munduruku [le 7 novembre 2012] et celle d’Oziel Terena [le 30 mai 2013], tous deux tués par la police fédérale, sont la face visible d’un problème que le gouvernement est non seulement incapable de résoudre, mais qu’il attise à travers notamment les déclarations de plusieurs ministres soutenant l’action de la police, tout en s’en prenant à la Fondation nationale de l’Indien [Funai, organisme gouvernemental mettant en application les politiques liées aux peuples indigènes], et le silence de la présidente Dilma Rousseff. Une des raisons de l’aggravation des conflits est la volonté de la part des Amérindiens et de leurs soutiens de répondre [aux agressions] et de se montrer.

Une inversion des rôles

La violence à leur encontre, dictée par le groupe ruraliste présent au Congrès [véritable lobby de l'agrobusiness, il compte près de la moitié des sièges au Parlement] et au gouvernement, a explosé. Aussi bien en milieu rural que dans les médias où se développent attaques racistes et inversion du rôle de la victime, celle-ci devenant l’agresseur. "Les Indiens envahissent des fazendas", peut-on entendre au journal télé. Mais n’est-ce pas plutôt les fazendas qui ont envahi les territoires amérindiens en conflit ? Ces derniers jours, les pires moments de la dictature semblent de retour au vu des déclarations du gouvernement – qui voit l’Embrapa [organisme de recherche sous tutelle du ministère de l’Agriculture] comme l’institution la plus apte à faire des recherches anthropologiques – et des réactions des intellectuels et des mouvements sociaux dénonçant la violence.

Quand le pouvoir mobilise les forces de l’ordre pour attaquer les plus faibles, c’est qu’une situation de terrorisme d’Etat est à l’œuvre. C’est ce qui se produit actuellement au Brésil à l’égard des Amérindiens. Si les ruralistes sont interviewés, écrivent des articles et sont présents partout, les Amérindiens n’ont pas la chance de pouvoir s’exprimer. Ils leur restent uniquement les réseaux sociaux pour manifester leur indignation. Ils mettent en ligne des manifestes qui ne trouvent aucun écho dans les médias, mais qui circulent et provoquent le débat.

"Guerre juste"


Leurs critiques et celles de leurs soutiens ciblent les ruralistes et même Dilma Rousseff : "Comment cette femme arrive-t-elle à dormir en sachant que la frange la plus fragile du peuple brésilien, les peuples autochtones, est en train d’être assassinée par la police fédérale dans leurs villages et que leurs enfants sont assassinés par des hommes de main de l’agrobusiness sur leurs terres envahies par des soi-disant propriétaires terriens ?" se demande ainsi sur Facebook Cláudio Romero, qui travaille depuis près de quarante ans à la Fondation nationale de l’Indien (Funai).

Le démantèlement des droits amérindiens va de pair avec la destruction des droits en matière d’environnement, à l’instar d’un Code forestier vidé de sa substance, qui sert moins à protéger les forêts qu’à favoriser les cultures productrices de matières premières à grande échelle. Par le passé, le gouvernement s’est dit "otage" du lobby ruraliste. Mais ce dernier est sorti de l’opposition et a décidé de soutenir le pouvoir depuis la campagne électorale de Dilma Rousseff en 2010. Pour une meilleure gouvernance, le gouvernement s’est donc allié à ce secteur. Une alliance qui s’inscrit de plus en plus dans un contexte de "guerre juste".

Les Amérindiens subissent une déculturation, une déterritorialisation, une déshumanisation. Ils doivent ouvrir la route au soja, à la canne à sucre, à l’élevage bovin et aux barrages sans opposer de résistance. Dans le cas contraire, toute la violence à leur égard est justifiée et soutenue par l’Etat. Comme du temps de la colonisation où les "guerres justes" étaient utilisées comme justification à l’esclavage des Amérindiens – un esclavage auquel ils n’échapperont pas s’ils se retrouvent dans les champs de canne à sucre du Mato Grosso do Sul.

CONTEXTE — Le triste sort des Guaranis-Kaiowás

La mort le 30 mai d'Oziel Gabriel sur
des terres revendiquées par son peuple, les Terena, une ethnie présente pour
l'essentiel dans le Mato Grosso do Sul, a une nouvelle fois mis sous les
projecteurs ce riche Etat du centre-ouest du Brésil. Outre les Terena, 43 000 Guaranis-Kaiowás,
la deuxième population amérindienne du pays, vivent encerclés par des fermes d'élevage
et de vastes champs de soja et de canne à sucre. Les enfants souffrent de
malnutrition et les leaders communautaires sont tués. Selon le CIMI, une organisation
catholique de défense des populations autochtones, sur les 503 Amérindiens
assassinés au Brésil entre 2003 et 2011, 279 étaient des
Guaranis-Kaiowás - auxquels il faut rajouter les suicides : un
Guarani-Kaiowá se donne la mort tous les six jours et demi, précise
le CIMI, un taux record en Amérique du Sud.

 

Source : http://www.courrierinternational.com/article/2013/06/10/l...

06/06/2013

LES INDIENS ISOLÉS DU PÉROU MENACÉS PAR UN PROJET GAZIER

 

Postée le 04/06/2013 à 21h25

Les Indiens isolés du Pérou menacés par un projet gazier

 

Ils vivent à moins de 100 km du Machu Picchu. Aujourd'hui, l'avenir des Indiens isolés qui vivent au coeur de la région de l'ancien empire inca est menacé par l'exploitation pétrolière et gazière.

C'est lorsque les premiers rayons du soleil apparaissent à travers les murs de l'Inti Punku, la porte du Soleil, que de nombreux visiteurs font leur première découverte du Machu Picchu.

Chaque année, près d'un million de touristes se rendent dans la cité inca. Perché dans les Andes orientales, dominant la vallée de l'Urubamba, la vallée sacrée des Incas, le Machu Picchu est le site archéologique le plus célèbre du Pérou, le coeur-même de l'empire inca.

Mais peu de visiteurs savent qu'à seulement 100 km de ces terrasses en escalier et de ces temples en granit vivent certaines des dernières tribus encore isolées du monde.

Peu de touristes savent qu'aujourd'hui ces tribus sont menacées de disparition.

 

 

Un rapport confidentiel a révélé le projet secret du géant argentin Pluspetrol d'étendre ses activités au-delà de sa concession actuelle –dite bloc 88– vers le bloc Fitzcarrald.

Le bloc porte ironiquement le nom du baron du caoutchouc qui a été le premier à ouvrir la région aux compagnies de caoutchouc au XIXe siècle. Si ce projet est confirmé, le bloc coupera en deux la réserve Nahua-Nanti et mettra la vie des Indiens isolés en danger immédiat.

En mars 2013, les Nations-Unies ont demandé la suspension immédiate de l'expansion du projet gazier.

Pluspetrol a ensuite publié une déclaration dans laquelle la compagnie admettait avoir planifié ce qu'elle décrit comme des ‘études géologiques superficielles... pour l'intérêt scientifique' dans le parc national du Manu, mais assure avoir abandonné ce projet.

Aujourd'hui cependant, le ministre péruvien de l'Energie est sur le point d'approuver une expansion massive du projet.

 

 

Les ouvriers du projet Camisea voyagent dans la région en hélicoptère, ce vacarme inhabituel fait fuir le gibier dont les Indiens dépendent.

Nous entendons constamment les hélicoptères, déplore José Choro, un chef nahua. Notre gibier a fui et il n'y a plus de poisson.

L'AIDESEP, l'organisation indigène nationale péruvienne, affirme que le projet Camisea est une menace à l'intégrité physique, culturelle, territoriale et environnementale des peuples indigènes.

 

 

Les Nanti sont des chasseurs qui cultivent également des plantes alimentaires dans leurs jardins.

Durant la saison sèche, lorsque le niveau d'eau est faible et que les plages blanches se forment dans les courbes des rivières, les familles campent sur les berges. Elles profitent des eaux basses pour pêcher et déterrer les oeufs de tortues. Elles capturent les poissons avec du barbasco, un poison naturel.

Les hommes chassent des tapirs, des pécaris, des singes et des cervidés en marchant jusqu'à 20 km par jour, pendant que les femmes collectent les fruits sauvages, les coeurs de palmiers et les larves de scarabée.

 

 

Lever du jour sur la rivière Manú, lorsque les volées d'aras aux plumes vertes picorent l'argile des flancs des falaises.

Au fil des générations, les tribus de la réserve ont développé une relation intime avec leur forêt et ont accumulé des connaissances encyclopédiques de la faune et de la flore.

Selon Glenn Shepard, les Matsiguenga connaissent plus de 300 espèces de plantes médicinales pour traiter les maladies communes ainsi que pour dissiper les cauchemars, empêcher les bébés de pleurer la nuit ou bien accroître l'habileté des chiens de chasse.

 

 

La législation internationale reconnaît les droits fonciers des Indiens péruviens ainsi que leur droit de vivre dans leurs territoires comme ils le souhaitent.

Cette législation n'est ni respectée par le gouvernement péruvien ni par les compagnies qui envahissent la réserve Nahua-Nanti.

Ces nouveaux projets sont une violation du décret suprême de 2003 qui interdit tout nouveau développement des ressources naturelles dans la réserve Nahua-Nanti, déplore Stephen Corry.

L'expansion du bloc 88 et les projets de Fitzcarrald sont en totale contradiction avec ce décret.

 

 

La vallée sacrée des Incas continue son chemin au nord, vers les montagnes.

La plupart des cités incas ont été détruites par les conquérants espagnols, raconte Stephen Corry. Il est ironique de constater que pendant que le gouvernement passe autant de temps et mobilise autant de ressources à respecter les symboles de l'héritage indigène, il échoue à manifester le même respect pour les Indiens encore vivants.

Si les territoires des Indiens isolés ne sont pas protégés, ils disparaîtront comme l'Empire inca aux mains des colonisateurs du XVIIe siècle.

 

Un article publié par survivalfrance.org

03/06/2013

L’Etat chilien devant la justice pour violations des droits des Mapuches

    

Des Mapuches réunis à Santiago pour défendre leurs revendications, le 17 janvier dernier.
Des Mapuches réunis à Santiago pour défendre leurs revendications, le 17 janvier dernier.
CITIZENSIDE / MARIO TELLEZ
Par Véronique Gaymard

L’Etat chilien est sur le banc des accusés ce mercredi 29 mai devant la Cour interaméricaine des droits de l'homme. Les juges se sont saisis de sept cas de Mapuches (peuple autochtone vivant majoritairement dans le Sud chilien mais aussi côté argentin) et d’une militante qui ont porté plainte contre l’Etat chilien auprès de la Commission interaméricaine des droits de l'homme pour utilisation abusive de la loi antiterroriste et pour discrimination. Des témoignages déclarés recevables par la Commission, qui les a donc transmis à la Cour.

 

 

Des tensions entre les Mapuches et l’Etat chilien depuis plusieurs décennies

Cela fait des décennies, et même des siècles que les tensions existent. C'est ce que déclarent les représentants des Indiens mapuches eux-mêmes : ils réclament la restitution de leurs terres ancestrales, situées à quelque 600 kilomètres au sud de la capitale Santiago, une vaste région à cheval entre le Chili et l’Argentine, et se battent contre des entreprises multinationales forestières, hydroélectriques ou minières.

Depuis une vingtaine d’années, ils se sont organisés et ont lancé des actions d’occupation de terres, réprimées par les autorités qui ont utilisé la loi antiterroriste, ce qui implique des peines bien plus lourdes. Une loi qui date de l’ère de la dictature de Pinochet.

C’est ce que dénoncent les Mapuches, comme l’explique Jimena Reyes de la FIDH (Fédération internationale des droits de l’homme), qui va les représenter devant la Cour interaméricaine : « Depuis 2001 où l’Etat utilise les lois antiterroristes pour poursuivre et condamner des indigènes mapuches, pour la plupart des dirigeants qui promeuvent la récupération de leurs terres ancestrales, personne n’a reconnu l’existence d’une utilisation indue de cette législation et d’une discrimination à leur encontre. Car ces indigènes ne sont pas des terroristes. Donc le fait d’aller devant des instances interaméricaines, c’est la possibilité d’avoir une reconnaissance des violations des droits de l’homme qu’ils ont subies. »

La Cour interaméricaine a retenu les cas de sept dirigeants mapuches

Sept dirigeants mapuches et une militante, condamnés en 2002 en vertu de la loi antiterroriste (de 1984), ont porté plainte pour discrimination, utilisation abusive de la loi antiterroriste, et irrégularités lors des procès, notamment l’utilisation par l’accusation de témoins protégés, dont n'ont été révélés ni le nom ni le visage.

« Ces lois antiterroristes datent de Pinochet, avec des définitions bien trop larges, car elles étaient justement faites pour cibler des militants, souligne Jimena Reyes. Cette loi doit donc absolument être révisée. »

Parmi les cas retenus figure celui de Victor Ancalaf. Il avait pris part à des actions pour protester contre des barrages dans la région du Bio Bio. Il avait été condamné à cinq ans de prison. « Dans les années 1997-98, j’ai fortement soutenu ce qu'il s’est passé dans le haut Bio Bio , avec le barrage hydroélectrique Ralco, où 15 000 hectares de terres ont été usurpés, et une douzaine de nos sites sacrés ont été inondés, relate M. Ancalaf. J’ai été arrêté, et incarcéré en 2002, accusé d’avoir incendié des camions, et condamné en vertu de la loi "pinochettiste" antiterroriste 18 / 314. Moi, j’ai été condamné non pas comme auteur matériel, mais pour participation présumée à ces faits. »

Certains dirigeants mapuches ont écopé de peines allant de cinq à dix ans de prison. Un procureur avait même réclamé dans un cas jusqu’à 100 années d’emprisonnement. Selon Nancy Yanez, codirectrice de l’Observatoire citoyen au Chili -qui suit ces cas de près-, ceci montre « la discrimination envers le peuple mapuche, surtout lorsqu’on compare cela aux peines infligées à ceux qui ont commis des crimes contre l’humanité dans notre pays, qui ne dépassent pas les vingt ans de réclusion, ce qui signifie une disproportion dans l’application de la justice. »

La loi antiterroriste toujours en vigueur, les jeunes Mapuches se radicalisent

La répression a eu pour effet de radicaliser la jeune génération mapuche. Un groupe a mis le feu à une maison en janvier dernier, causant la mort d’un couple d’agriculteurs âgés dont les terres étaient réclamées par la communauté, ce qui a provoqué une onde de choc au Chili. Mais selon Nancy Yanez, la loi antiterroriste est inappropriée : « Si des actes de violence sont commis, il faut bien sûr que la responsabilité pénale soit établie, mais selon les lois qui s’appliquent à tous les citoyens chiliens, et non pas de façon discriminatoire contre le peuple mapuche pour réprimer leurs revendications politiques. »

Plusieurs Mapuches incarcérés avaient observé une longue grève de la faim en 2010. L’Etat chilien avait alors promis de réviser la loi antiterroriste. Mais jusqu’à présent, rien n’a changé, explique Jimena Reyes de la FIDH : « L’Etat avait promis de réformer la loi, il y a eu des discussions, des projets de révision ont été présentés au Sénat, mais ils ne sont pas passés. Puis l’Etat a changé son fusil d’épaule et a recommencé à appliquer ces lois antiterroristes. Cette politique répressive a contribué à radicaliser les choses. La jeune génération est dépitée, haineuse et plus violente. L’Etat n’a pas su accompagner ce mouvement. Au contraire, il a causé de très grandes frustrations. »

Les Mapuches attendent des réparations « en terres »

Avec ce procès qui s’ouvre à la Cour interaméricaine des droits de l’homme au Costa Rica, les Mapuches attendent des réparations de l’Etat chilien. « Ils veulent une reconnaissance des violations à leur encontre, et de leur gravité, ce qui conduirait à une véritable réforme de la loi antiterroriste, explique Jimena Reyes. Les victimes sont des dirigeants spirituels de leur communauté, qui revendiquent leur droit à leurs terres ancestrales. C’est pour cette raison qu’elles demandent à être réparées "en terres". »

La jurisprudence de la Cour interaméricaine des droits de l’homme pourrait être suivie pour d’autres situations sur le continent américain. « La jurisprudence de la Cour interaméricaine est très ouverte aux particularités indigènes et on espère qu’elle comprendra que pour les Mapuches, c’est la terre qui compte. »

Du côté de la défense des Mapuches devant la Cour, Jimena Reyes dit aussi demander que « les procureurs et les juges qui ont contribué à cette grave discrimination soient sanctionnés. Car aujourd’hui encore, cette loi antiterroriste est utilisée à l’encontre de Mapuches par les mêmes acteurs qui agissent avec beaucoup d’idées préconçues. »

La Commission interaméricaine des droits de l’homme avait transmis ces cas à la Cour le 7 août 2011, car elle a « considéré que l’Etat chilien n’avait pas suivi les recommandations contenues dans le rapport qui lui avait été transmis », peut-on lire sur le communiqué de la CIDH.

Au cours de ces deux jours d’audience (29 et 30 mai 2013), les juges vont entendre les témoins cités à comparaître et les deux parties. Un verdict pourrait être attendu dans six mois.

 
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01/06/2013

Un ancien dictateur guatémaltèque accusé de génocide

Des milliers d'Indiens du Guatemala ont été torturés ou tués pendant la dictature militaire de José Efrain Ríos Montt. © Survival International

Des milliers d'Indiens du Guatemala ont été torturés ou tués pendant la dictature militaire de José Efrain Ríos Montt. © Survival International

© Survival International

ACTUALISATION AU 22 MAI : La Cour constitutionnelle du Guatemala a rejeté la condamnation de Ríos Montt pour des motifs de procédure. La Cour a déclaré que le procès devait reprendre en l’état où il se trouvait au 19 avril. A cette date, l’avocat de Ríos Montt avait été brièvement expulsé de la salle d’audience après avoir accusé le juge de partialité. Un nombre incalculable de témoignages devront désormais être ré-entendus.


Un ancien général, président du Guatemala durant le régime de terreur des années 1980, a été reconnu coupable de génocide.

Lors de la dictature militaire de José Efrain Ríos Montt, environ 200 000 personnes, dont la plupart étaient indigènes, ont été tuées ou portées disparues.

Lorsqu’il a pris le pouvoir en 1982 en promettant de restaurer une ‘authentique démocratie’, le pays était déjà en pleine guerre civile, la guérilla d’extrême gauche lançant des attaques contre le régime militaire depuis ses bases des provinces rurales.

La réponse de Ríos Montt a été d’ordonner une nouvelle offensive militaire contre les bastions de la guérilla supposés être dans les montagnes.

Au moins 100 000 Indiens, essentiellement des Maya, ont fui au Mexique tandis que des milliers d’autres, hommes, femmes et enfants, ont été torturés ou tués dans les montagnes du nord-ouest du Guatemala, leurs villages et leurs récoltes détruites, leurs approvisionnements en eau empoisonnés et leurs forêts brûlées.

En 1983, Survival a publié un rapport sur le Guatemala après avoir interviewé des réfugiés le long de la frontière avec le Mexique. Les témoignages recueillis donnent un aperçu poignant de la terreur qui régnait sur des centaines de villages à cette période.

Les chargés de campagne de Survival ont interviewé par exemple une femme de 30 ans de la province de Huehuetenango. Il y est décrit dans le rapport : ‘A 6 heures du matin, le 6 mai 1982, une centaine de soldats, qu’elle put reconnaître à leurs tenues de camouflage et à leurs pistolets, arrivèrent à pied dans son village et l’encerclèrent. Les villageois furent dépouillés de leurs vêtements et de leur argent et leurs maisons incendiées. Nombre d’entre eux furent battus, torturés et fusillés. Seule, elle vit les soldats tuer quinze personnes alors qu’elle ne se trouvait qu’à vingt-cinq mètres d’eux. Elle fut violée. Son mari et ses frères furent tués dans leur maison. Peu après, elle réussit à s’enfuir au Mexique. Elle ne veut plus retourner au Guatemala’.

Ríos Montt a été condamné à une peine d’emprisonnement de 80 ans. Yasmin Barrios, la présidente du tribunal, a déclaré qu’il ‘savait ce qui se passait et n’a rien empêché, alors qu’[il] en avait le pouvoir’. Les avocats du dictateur ont annoncé qu’ils feraient appel.

 

http://www.survivalfrance.org/

 

La police brésilienne tire sur les Indiens – crainte d’un regain de violence 31 Mai 2013

 Au sud du Brésil, des policiers ont abattu un Indien terena et blessé plusieurs autres.

Au sud du Brésil, des policiers ont abattu un Indien terena et blessé plusieurs autres.
© Marcello Casal Jr/ABr

Au sud du Brésil, des policiers ont abattu un Indien terena et blessé plusieurs autres alors qu’ils procédaient violemment à leur expulsion. Des membres de ce groupe étaient retournés vivre sur une partie de leur territoire ancestral occupé par un éleveur qui est également un politicien local.

Dans une autre partie du Brésil, un ordre d’expulsion a été émis contre les Indiens kayapó, arara, munduruku, xipaia et juruna qui occupent le barrage controversé de Belo Monte. La police armée a encerclé les manifestants, la tension monte et l’on craint de nouvelles violences.

Les Indiens munduruku protestent également contre la construction d’un barrage sur la rivière Tapajós. En novembre dernier, un Indien munduruku avait été tué d’une balle dans la tête par la police qui avait envahi sa communauté.

Paygomuyatpu, porte-parole munduruku a déclaré : ‘Le gouvernement s’apprête à provoquer une tragédie. Nous ne partirons pas d’ici. Le gouvernement nous a ignorés, offensés, humiliés et assassinés. S’il nous tue, c’est parce que nous nous opposons aux barrages’.

La Constitution brésilienne et la législation internationale garantissent le droit des peuples indigènes à être consultés sur tout projet qui les affecte. Mais une série de lois et d’amendements constitutionnels proposés par un puissant lobby minier et agricole risque d’affaiblir ces droits territoriaux. Les Indiens se sentent trahis par la présidente Dilma Rousseff qui, après deux ans de mandat, ne les a pas encore rencontrés.

L'occupation de Belo Monte est la dernière manifestation d'une série de protestations contre le non-respect du droit de consultation des Indiens par le gouvernement.
L'occupation de Belo Monte est la dernière manifestation d'une série de protestations contre le non-respect du droit de consultation des Indiens par le gouvernement.

© Atossa Soltani/ Amazon Watch

Survival International appelle Dilma Rousseff à faire cesser l’expulsion des manifestants, à consulter les Indiens et à reconnaître de toute urgence les territoires terena.

Stephen Corry, directeur de Survival International, a déclaré aujourd’hui : ‘C’est malheureusement toujours la même histoire qui se répète au Brésil. Le rapport Figueiredo qui dénonçait le génocide des précédentes générations a été exhumé au moment même où ces nouvelles attaques sur les Indiens étaient perpétrées. Ce genre de crime ne devrait être toléré nulle part, encore moins dans un pays appelé à accueillir un événement sportif mondial’.

 

 

28/04/2013

Un rapport sur le génocide des Indiens du Brésil sort de l’ombre

Source : http://www.survivalfrance.org/actu/9195

25 Avril 2013

Chamane umutima en 1957. La plupart des Umutima ont été décimés en 1969 par une épidémie de grippe.
Chamane umutima en 1957. La plupart des Umutima ont été décimés en 1969 par une épidémie de grippe.
© José Idoyaga/Survival

Un rapport alarmant sur les atrocités commises contre les Indiens du Brésil dans les années 1940, 1950 et 1960 vient de refaire surface, 45 ans après avoir été mystérieusement détruit dans un incendie.

Le rapport Figueiredo, commandé en 1967 par le ministre de l’Intérieur brésilien, avait déclenché un scandale international suite à la révélation des crimes commis contre les Indiens aux mains des puissants propriétaires terriens et du service gouvernemental de protection des Indiens (SPI). Ce rapport fut à l’origine de la création de Survival International deux ans plus tard.

Dans ce document de 7 000 pages, le procureur public Jader de Figueiredo Correia énumère les meurtres de masse, la torture, l’esclavagisme, la guerre bactériologique, les abus sexuels, les spoliations territoriales dont furent victimes les Indiens du Brésil. Suite à ces atrocités, certains peuples ont complètement disparu et de nombreux autres ont été décimés.

Le rapport a récemment été retrouvé au musée de l’Indien au Brésil. Il sera examiné par la Commission nationale de vérité qui enquête sur les violations des droits de l’homme commises entre 1947 et 1988.

L’un des faits les plus horribles de ce rapport est celui du ‘Massacre du 11e parallèle’ au cours duquel une avionnette largua de la dynamite sur le village des Indiens cinta larga. Trente Indiens furent tués – deux seulement survécurent et purent témoigner.

Un couple karajá avec leur bébé mort de la grippe.
Un couple karajá avec leur bébé mort de la grippe.
© Jesco von Puttkamer/ IGPA archive

D’autres exemples relatent l’empoisonnement de centaines d’Indiens avec du sucre mêlé d’arsenic ou bien des méthodes de torture employées contre les Indiens, comme celle qui consistait à écraser lentement les chevilles des victimes avec un instrument connu sous le nom de ‘tronc’.

Les recherches de Figueiredo scandalisèrent l’opinion internationale. Dans son article intitulé ‘Génocide’ qu’il publia en 1969 sur ce rapport dans le magazine britannique Sunday Times, le journaliste Norman Lewis écrivait : ‘Depuis l’époque du feu et des épées jusqu’à celle de l’arsenic et des balles, notre civilisation a provoqué l’extermination de six millions d’Indiens’. Son article fut à l’origine de la création de Survival International la même année par un petit groupe de citoyens concernés par le sort des Indiens.

Suite à ce rapport, le Brésil lança une enquête judiciaire et 134 fonctionnaires furent condamnés pour plus d’un millier de crimes. Trente-huit d’entre-eux furent licenciés mais aucun ne fut condamné à une peine de prison pour ces atrocités.

Le SPI fut ensuite dissous et remplacé par la FUNAI, la Fondation nationale de l’Indien. Si certains de leurs territoires ont déjà été officiellement reconnus et protégés, les Indiens du Brésil continuent de lutter contre l’invasion et la destruction de leurs terres par les bûcherons, les éleveurs et les colons illégaux. Ils sont également menacés par le programme agressif de croissance économique du pays qui comporte la construction de méga-barrages hydroélectriques et l’exploitation minière à grande échelle sur leurs territoires.

Stephen Corry, directeur de Survival International, a déclaré aujourd’hui : ‘Le rapport Figueiredo est effroyable, mais dans un certain sens, rien n’a changé : les meurtres d’Indiens restent impunis. Des Indiens sont régulièrement abattus par les hommes de main des propriétaires terriens qui savent pertinemment qu’ils ont peu de chances d’être poursuivis en justice – aucun des assassins de leaders guarani et makuxi n’ont été emprisonnés pour leurs crimes. Il est difficile de ne pas soupçonner que le racisme et la convoitise sont les causes profondes de l’inertie du Brésil qui ne semble toujours pas décidé à défendre les droits fondamentaux et la vie de ses citoyens les plus vulnérables’.

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Crédit : © Survival
 
Les atrocités commises à l'encontre des Indiens cinta larga ont été dénoncées dans le rapport Figueiredo. Après avoir tiré une balle dans la tête d'un bébé, les tueurs coupèrent sa mère en deux. Les atrocités commises à l'encontre des Indiens cinta larga ont été dénoncées dans le rapport Figueiredo. Après avoir tiré une balle dans la tête d'un bébé, les tueurs coupèrent sa mère en deux.
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Crédit : © Survival
 
Un couple karajá avec leur bébé mort de la grippe. Un couple karajá avec leur bébé mort de la grippe.
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Crédit : © Jesco

14/04/2013

Un tribunal rejette la demande de suspension d'une vente d'objets sacrés hopi

La vente d'objets sacrés hopi

L'aîné hopi James Kootshongsie, décédé en 1996. Les Hopi sont ‘farouchement opposés' à la vente auxenchères de leurs objets sacrés à l'hôtel Drouot à Paris

 
 

Madame la vice-présidente du Tribunal de grande instance de Paris a rejeté le référé de Survival International visant à obtenir la suspension d'une vente aux enchères controversée d'objets sacrés de la tribu hopi d'Arizona, au motif que ‘ces masques, malgré leur caractère sacré pour les Hopis, ne peuvent pas être assimilés à des êtres vivants ou morts'.

La société de commissaires-priseurs Neret-Minet Tessier & Sarrou a ignoré les demandes répétées des Hopi de reporter la vente qui a eu lieu ce vendredi (12 avril) à 14h30 à l'hôtel Drouot à Paris.

Les Hopi sont ‘farouchement opposés' à la vente aux enchères de leurs Katsinam (‘amis') et autres objets cérémoniels qui, pour eux, ont une importance spirituelle et religieuse fondamentale et ont demandé que ces objets leur soient immédiatement retournés.

Les avocats de Survival International ont demandé au juge de suspendre la vente jusqu'à ce que la légitimité de la collection soit établie. Il n'existe cependant aucun obstacle légal qui s'oppose à cette vente.

L'acteur Robert Redford avait précédemment contesté cette vente. Il a déclaré dans un communiqué : ‘Procéder à cette vente serait, à mon opinion, un sacrilège, un acte criminel qui implique de graves répercussions morales. Je souhaite que ces objets sacrés soient retournés à leurs légitimes propriétaires, les Hopi. Ils ne sont pas à vendre'.

 

Me Pierre Servan-Schreiber, du cabinet Skadden Arps à Paris et membre de l'Alliance des avocats pour les droits de l'homme, mandaté par Survival International, a déclaré aujourd'hui : ‘C'est là un dénouement malheureux car ces objets seront vendus et dispersés et la probabilité qu'ils soient restitués à leurs propriétaires légitimes, les Hopi, est très faible.

Cela signifie également que les institutions françaises ne sont toujours pas entièrement conscientes des conséquences dévastatrices que ce type de marchandage d'objets sacrés peut avoir sur les tribus qui ont déjà été terriblement éprouvées'.

Jean-Patrick Razon, directeur de Survival International (France), a déclaré : ‘Les acquéreurs potentiels de ces objets devraient être conscients que cette vente d'objets que les Hopi considèrent comme leur légitime propriété représente un outrage irréparable. La loi française offre peu de recours aux Hopi, mais nous avons bon espoir que la justice vaincra et que ces objets ne seront pas dispersés et restitués à leurs propriétaires'.


Note :

Les Hopi, qui sont environ 18 000, vivent dans 12 villages au nord Arizona. Ils appellent leur patrie Hopituskwa

 

 

Un article de survivalfrance.org,

10/04/2013

Quand les Kogis nous parlent de la Terre