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05/07/2020

L’urgence de ralentir de Philippe Borrel (2014)

 

La version intégrale est maintenant visible en ligne :

 

 

 

 

23/06/2020

Pensées pour Tristan Cabral (1944-2020)

 


" Le pays d’où je viens n’a jamais existé
Un vieil enfant de sable y pousse vers le large
Un bateau en ciment qui ne partira jamais"


et bien le voilà parti, libre pour de bon, bon vent et bon voyage à toi poète !

 

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Maison de la Fourdonne, St Cirq-Lapopie, 2008

 

 

Le somnambule
Je garde sous la peau mon costume de mort
avec à l'intérieur le long poignard de l'aube
ma voix se couvre mon ombre et moi nous sommes seuls
et je laisse sur l'eau des blessures insensées
Je suis à bout de peau je fais des métiers d'absence
je descends dans le corps des oiseaux somnambules
j'éteins les ombres blanches sur le miroir des morts
et la couleur du monde s'est perdue en chemin
Je vois le ciel pendu à des crochets de plomb
je vois des marées mortes dans le sang blanc des algues
et sur les seuils de pierre des bracelets d'oiseaux
Dans un désert de peau je guette un enfant fou
je vois dans les bûchers des émeutes de miroirs
et le même visage à toutes les fenêtres....

Tristan Cabral, 1982
In "faire-part" n°1er trimestre 1982

 

 

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2008

 

*

 

 

21/06/2020

Jean-Louis Millet a lu À la loupe, tout est rituel

 

"Des tranches de trois années de vie façon confessionnal ou divan. C'est fort et beau et prenant cet attrait pour la vérité crue, pour la recherche de soi au creux de soi, pour le don et pour l'abandon. Cette prose est touchante - au sens premier - sans aucune mièvrerie. Et cette écriture devient le rituel, l'indispensable rituel afin de surnager, de s'envoler - parfois - dans un souffle de poésie vive. "

jlmi, juin 2020

 

 

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Les sociétés matriarcales par Heide Goettner-Abendroth

 

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Recherches sur les cultures autochtones à travers le monde

Traduit de l’anglais par Camille Chaplain

 

 

Dans cet ouvrage pionnier, fondateur des Recherches matriarcales modernes, Heide Goettner-Abendroth propose une nouvelle approche méthodologique du concept de matriarcat, revisitant ainsi l’histoire de l’humanité tout entière. Dans un aller-retour permanent entre le terrain et la théorie, elle offre une vue d’ensemble des sociétés matriarcales dans le monde, faisant apparaître que celles-ci ont non seulement précédé le système patriarcal, apparu seulement vers 4 000- 3 000 ans avant notre ère, mais qu’elles lui ont survécu jusqu’à ce jour sur tous les continents. Elle montre que les sociétés matriarcales, loin d’être une image inversée du patriarcat, comme le prétend l’idéologie dominante dont l’autrice fait une critique radicale, sont des sociétés d’égalité et de partage entre les sexes. D’où l’utilité de leur étude pour aider les femmes et les peuples autochtones en particulier à penser une alternative au système de domination patriarcal et colonisateur.
Ces travaux, qui ont inspiré plusieurs générations de chercheuses et chercheurs en histoire et en anthropologie, sont aujourd’hui enfin disponibles en français.

 

 

Heide Goettner-Abendroth, née en Allemagne en 1941, est docteure en philosophie des sciences et a enseigné la philosophie pendant dix ans à l’université de Munich (1973-1983). Elle consacre sa vie et ses recherches aux sociétés et cultures matriarcales dont elle est devenue l’une des grandes spécialistes mondiales, ouvrant la voie à toute une génération de jeunes anthropologues. En 1986, elle a fondé en Allemagne l’Académie internationale HAGIA pour les Recherches matriarcales modernes, dont elle assure depuis la direction et qui est à l’initiative de nombreux congrès internationaux sur le sujet. Elle a été sélectionnée en 2005 par le programme international « 1 000 Femmes de paix à travers le monde » comme candidate pour le prix Nobel de la paix.

 

 

https://www.desfemmes.fr/essai/les-societes-matriarcales/...

 

 

 

 

 

 

25/05/2020

Vient de paraître : À la loupe, tout est rituel

 

 

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À la loupe, tout est rituel vient clôturer une tétralogie commencée en 2005, composée de Jardin du causse, Chroniques du hamac et Calepins paisibles d’une pâtresse de poules, sorte de journaux poétiques où l’inspiration puise à l’environnement immédiat, à l’ordinaire des jours. La poésie peut-elle naître de cette source si infime ou bien s’y épuise-t-elle ? Aux lectrices et lecteurs d’en décider.

 

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« Il nous faut changer de cap, lâcher du lest, faire face aux vraies peurs masquées par les fausses, les peurs conformes, les peurs induites, celles qu’il est bon d’avoir même si on ne les a pas. Il nous faut embarquer vers l’inconnu, sans rives, sans repère. Ne rien projeter, ne rien regretter, s’ouvrir à l’espace infini de l’instant, desserrer les vis, libérer, par le souffle paisible, nos viscères, admettre que l’on ne sait rien de l’amour. »

 

 

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Format A5, 52 pages agrafées

 

 

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Illustrations originales de l'auteur

 

 

Édité et imprimé par elle-même
sur papier 90gr calcaire
couverture 250 gr calcaire
100 % recyclé

 

à réserver par mail à mc point gc arobase orange point fr

12 € + 2 pour le port

pour le règlement : chèque ou virement

 

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10/05/2020

La "Pénurie" Alimentaire - vidéo de Partager c'est sympa

La crise alimentaire sera-t-elle plus meurtrière que la crise sanitaire ? Ruptures des flux d'approvisionnement, surstock et arrêt des exportations de céréales, manque de main d’œuvre pour les récoltes : Qu'en est-il de la France ?

08/05/2020

Coronavigation en air trouble par Alain Damasio

 

 

«Vivre est le métier que je veux lui apprendre. Il s’agit moins de l’empêcher de mourir que de le faire vivre. Vivre, ce n’est pas respirer, c’est agir, c’est faire usage de nos organes, de nos sens, de nos facultés, de toutes les parties de nous-mêmes qui nous donnent le sentiment de notre existence. L’homme qui a le plus vécu n’est pas celui qui a compté le plus d’années, mais celui qui a le plus senti la vie […]

— Jean-Jacques Rousseau, Émile ou De l’éducation

  

Je l’ai souvent dit : je ne suis ni philosophe ni sociologue. Pas plus un psy ou un savant. Encore moins un prophète, même si l’anticipation fait partie de mon travail. Je suis un écrivain de science-fiction. Donc par choix et par nécessité : un bâtard. Un hacker de pensées, d’imaginaires filants, de perceptions furtives et de sensations vibratoires. Ma force, comme tout artiste il me semble, est de pouvoir être traversé. D’éponger les pluies chaudes du réel comme ses remontées acides, de prendre l’empreinte des cris et de restituer les vents qui passent dans mes veines. En essayant de ne jamais peindre mon moi sur le monde mais le monde sur moi, comme l’intimait Deleuze. Puis de regarder ce que ça dessine. Et tenter alors de l’écrire, comme on tatouerait une peau qui mue.

Comme beaucoup d’entre vous, j’imagine, j’ai énormément lu pendant ces trois semaines confinées. Des tribunes, des entretiens, des articles, venus de tous les penseurs qui peuplent nos biotopes culturels. J’y ai cherché le texte de génie qui réticulerait tout et livrerait ce miracle d’une lecture lumineuse de ce qui nous atteint. Le texte qui, au milieu du brouillard spéculatif intense qui monte des réseaux, ferait l’effet d’un blizzard qui nous ouvrirait soudain le paysage. À la place, j’ai lu la réfraction de l’événement sur des pensées déjà construites, sur des sensibilités déjà faites. J’y ai lu des projections de désirs sur la brume et même quelques espoirs, derrière les ombres portées.

Et c’est déjà beaucoup, et c’est déjà précieux.

Je ne vais pas ici faire mieux, c’est certain, ni même autre chose. Je n’ai jamais été platonicien, ni cru que la vérité se cachait et que notre tâche serait de la dévoiler. Je crois que la vérité est produite, comme Foucault, Nietzsche ou Deleuze. Qu’elle est une construction. Qu’elle a ses rituels et ses conditions académiques de validité, qui sont parfois moins pertinentes qu’une intuition authentique. Même et surtout incomplète. Parce qu’une intuition ouvre à des prolongements collectifs possibles, elle appelle à penser — tandis que la vérité académique s’impose, certes, mais au fond se consomme sans nous rassasier.

Hier j’ai senti que mon attente même du génie capable de penser cette pandémie à ma place disait quelque chose d’essentiel : à savoir que face au choc, on aimerait être soulagé de penser. On aimerait tellement qu’on nous dise quoi faire, comment être, qui suivre. On attend le geste de magie et la solution miraculeuse. Pire : on l’attend parfois de ceux qui n’ont aucune vocation à la moindre sagesse. Ceux qui n’ont rien prévu ni senti mais dont le métier putride est de tirer profit du moindre choc pour consolider leur pouvoir : nos « décideurs ».

Alors bienvenue dans mes coronavigations à l’estime et à vue. Si vous entrevoyez un phare sur l’océan chaotique de ce qui va suivre, n’attendez pas qu’il vous éclaire. Tracez ! Et dites-vous que chacun de nous a un soleil posé sur l’équerre de ses épaules. La plus belle des lumières vient de nos bouilles ensemble — têtes brûlées rassemblées dans la nuit des combats.

 

I. PETITE ÉTHOLOGIE DU COVID

  • La colère est une énergie trop belle pour qu’on la piège dans le ressentiment

Évacuons déjà la colère, en l’exprimant. Ça va être court. Parce que ce réflexe même de chercher des boucs émissaires et des coupables est naturel mais insuffisant. Parce que cristalliser notre rage sur eux est presque déjà un honneur qu’on leur fait. Qu’ils la méritent, cette rage, c’est l’évidence ; qu’on en reste à les pointer du doigt pour penser l’après serait se priver de toute dynamique riche. La colère est une énergie trop belle pour rester piégée dans le ressentiment. On doit la convertir en joie dure comme une lame, et tailler nos étoffes avec.

Alors allons-y, mode covide-ordure. De ce gouvernement, il n’y a rien à garder — sinon la dernière syllabe, qui est un verbe conjugué. Je voudrais faire une ultime faveur à ces crétins : juste les évaluer à l’aune de leurs propres critères, même pas des miens. À l’école de commerce où j’ai subi mes études, on nous apprenait ça : qu’un bon manager de l’entreprise « France », puisque c’est ainsi qu’ils se rêvent, devrait être capable : 1) d’écouter les clients (aka le peuple) 2) d’être réactif 3) de bien s’entourer 4) de savoir déléguer.

On mesure ce qu’il en est de l’écoute du milieu médical depuis deux ans, qu’on a gazé à bout portant quand il a réclamé un budget, des moyens et des lits. On sait ce qu’il en a été de la réactivité face à la pandémie — criminelle de lenteur — avec ce si judicieux changement de Ministre de la Santé (Buzyn) pile à l’éclosion du virus à cause d’un type qui montrait sa bite triste sur une vidéo. Bien s’entourer ? On sait ce qu’il faut penser de l’inutilité paroxystique des trois cents pantins de la République en Moche qui siègent à l’assemblée. Pourquoi continuer à stigmatiser Macron ? Pourquoi évoquer son absence de charisme abyssale, son incapacité à même lire un prompteur, la nullité de sa vision et de l’incarnation qu’il en tire. Pourquoi discuter d’une bûche, en vérité ? On la brûle, c’est tout. 

  • Enjeux de focalisation

À l’heure où j’écris, sur le plateau de la pandémie, dans le suspense morbide du « jusqu’où ça va durer ? », dans la scansion des 500 morts par jour et des cadavres empaquetés dans des sacs plastiques puis stockés dans des chambres froides à Rungis, tout relativisme, toute distanciation critique posée sur la tragédie en cours, passe pour une obscénité. Le randonneur qui marche deux heures seul en forêt reste un irresponsable. Celui qui vous parle à 90 cm est devenu un assassin. Les jeunes des cités qui jouent au foot la nuit postulent pour Walking Dead, saison 11.

Dans ce contexte, qui voudrait rappeler qu’en toute rigueur, si l’on s’en tient aux chiffres et aux faits, le covid-19 ne tue qu’une personne contaminée sur 300 (létalité réelle = 0,3%) ? Que le taux réelde contaminés actifs tourne autour d’une personne sur 35 en France ? Que même en léchant les poignées de porte de votre immeuble, la probabilité que vous mourriez du coronavirus est donc d’une chance sur 10 000 environ ? Qu’en France, en mars 2020, il n’y a pas eu plus de morts qu’en mars 2018 (58 000 environ). Que tous ces chiffres qu’on vous martèle à longueur de journée mériteraient, à tout le moins, une mise en perspective, des comparaisons, un minimum de recul.

Il ne s’agit pas de dire que le covid-19 n’est pas grave. Il ne s’agit pas de faire un concours de mortalité comparée en ricanant sur l’importance inaperçue des grippes saisonnières (13 000 morts sur la saison 2017-2018) ou en pointant, narquois, l’hyperfocalisation nécessaire des mortes par féminicide (126 en 2019) face aux morts invisibilisés des cancers du cerveau, des suicides ou de la tuberculose en Afrique. Il s’agit bien plutôt de se demander : dans ce champ primordial des « morts évitables », pourquoi les décès liés au coronavirus sont-ils parvenus à mobiliser l’attention mondiale aussi magnifiquement ?

Pourquoi n’y est-on pas parvenu avec les cancers dûs aux pesticides, par exemple, avec la pollution atmosphèrique qui fait 45 000 mots par an en France ou pire encore avec le réchauffement climatique ?

Et pour poser la question plus politiquement encore : pourquoi ce décompte si précieux et cette attention portée à la vie, ne l’active t-on pas pour les 30 000 migrants sauvés par SOS Méditerranée en deux ans puis les 8 000 (probables) qu’on a laissé criminellement se noyer tout le temps que la France bloquait le navire à quai en lui refusant un pavillon ?  Quel effet produirait un compteur des noyés chaque soir à 19h30 avec des images des canots qui coulent ?

Abordons la réalité autrement : le Covid-19 n’est pas en soi un événement. Il ne l’est pas intrinsèquement. On l’a construit ainsi. Il l’est par le regroupement opéré des symptômes, dont Deleuze montrait à propos du Sida que l’histoire de la médecine n’est que ça : une façon spécifique à chaque époque d’isoler ou regrouper les symptômes et de faire émerger une pathologie. Sans cet agencement, les décès, qui sont dans une écrasante majorité des cas des décès multifactoriels, issus de comorbidités, seraient passés sous les radars dans les statistiques. On les aurait imputés au diabète, à une pathologie cardiaque ou pulmonaire, dont ces morts sont AUSSI et surtout la cause (90% des décès du covid en France avaient au moins une autre cause). Le covid est avant tout un précipiteur. Un nudgequi frappe à 90% des patients déjà âgés (> 65 ans), déjà fragiles, qu’il achève dans la solitude la plus féroce. 

À mes questions de visibilité massive, un philosophe comme Yves Citton suggérerait une réponse possible : la clé est sans doute à chercher dans nos économies de l’attention. Dans la construction collective et « virale » — en partie médiarchique, en partie gouvernementale et en partie populaire — de l’attention à cette vague de morts-ci.

Si bien que si l’on a une conscience écologique minimale, une attention au moins minime au massacre industriel de l’étoffe vitale de forêts, d’océans, d’animaux, de sols fertiles, d’air autrefois sain et d’eau naguère pure dont nous sommes tissés, on ne peut s’empêcher de poser la question, non qui tue, mais qui sauve :

Comment réussir à ouvrir, pour nos crises écologiques globales, une telle fenêtre d’attention nationale et mondiale ? Un tel cadre de visibilité quotidien et suivi ? Une telle hyper-focalisation, si précieuse et si furieusement efficace ?

Déjà : comment y a t-on réussi ici ? Le Collectif Malgré tout, sous l’égide de Miguel Benasayag, donne une réponse qui mérite qu’on s’y arrête. Il dit en substance : c’est l’action disciplinaire de nous confiner qui a créé cette visibilité cruciale à la pandémie. C’est le pouvoir qui en confinant, rend tangible le problème, le fait exister, le rend perceptible. En bloquant nos déplacements, il crée les conditions d’une visibilité optimale et exclusive : une focale. Mais il s’appuie pour ça, bien sûr, sur des faits, des probabilités, des menaces explicitables.

Cette action disciplinante, il me semble qu’elle a deux effets croisés, au moins : agir sur les esprits et agir sur les corps.

Agir sur les esprits : par un bombardement médiatique sans précédent dans l’histoire récente. Une véritable pluie torrentielle d’articles, de graphes, de schémas et de chiffres, un déluge continu d’hypothèses et d’incertitudes, de possibilités d’évolution tragique et de potentialités de remèdes, laquelle rassure tout autant qu’elle relance en continu les boucles d’anxiété d’une population trop confinée pour aérer son cortex ; une avalanche d’infos, d’entretiens, de témoignages, de récits et de rituels, de mises en scène, en images et en sons qui produit une bulle « spéculative » d’une infobésité assez terrifiante.

Cette bulle nous aveugle et ça nous englue. Elle grégarise nos pensées et nos perceptions.

Agir sur les corps : par l’activation d’une pratique basique : quarantaine, confinement, assignation de chacun à son chez-soi, blocage des corps pour bloquer ce qui circule de corps en corps, comme toute vie : ce fameux virus.

Et c’est pour moi là qu’il faut creuser. Car cette bulle d’attention, cette mobilisation par la raison et l’émotion, est abondamment utilisée, par exemple, pour faire prendre conscience du réchauffement climatique, sans produire beaucoup d’effets. Où est donc la différence ? Pourquoi ça marche ici si bien ?

La différence est dans la neutralisation des corps. Leur mise en veille. L’injonction qui leur est fait de ne plus bouger, ou si peu. Elle est dans l’expérience physique et donc éthologique du confinement. C’est mon hypothèse. Dans la discipline qu’elle impose, oui, et les contraintes communes auxquelles elles nous assignent. Ces contraintes créent un ethos partagé. Si rare aujourd’hui tant nos vies sont individualisées, nos comportements des mosaïques, nos statuts inégaux.

(Je distingue ici, parce qu’ils sortent, les soignantes, les éboueurs, les livreurs, les SDF, les caissières, bref toutes celles et ceux par qui ce confort tient encore et qui eux, n’en disposent pas : c’est au contraire leur mise en danger actuelle qui protège et ménage la nôtre !)

Un affect commun donc ! Enfin ! Pour tous, partout, et même mondialement. Cet affect commun dont Lordon montre bien qu’aucune mobilisation politique ne peut s’en passer si elle entend produire quelque effet.

D’un seul coup, toutes nos habitudes — de déplacement, de consommation, de vie sociale, d’activité professionnelle, de modes de relation… — sont dynamitées.

Si l’on met de côté ceux qui sont au front (une personne sur huit environ), les télétravailleurs harassés, les mères célibataires assumant seules leurs enfants et évidemment les malades, il reste encore une moitié de la population environ pour qui le confinement réouvre une vraie disponibilité. Doublement. Disponibles tout autant par le temps libéré (pour ceux que la crise n’angoisse pas) que par l’inquiétude hautement aiguillonnante qui pousse à chercher, à mieux comprendre et à apprivoiser la menace. Disponibles aussi affectivement tant la fragilité toute neuve produite par la crise nous rend sensible et empathique aux autres.

Ce que je vais dire est horrible : mais le confinement des corps se révèle être une façon optimale de remobiliser un temps de cerveau disponible sur une durée suffisamment longue pour produire des effets. Bien sûr, cette attention est limitée, virtuelle et pervertie, mais elle est indiscutablement efficace. Ce qu’il faudrait, c’est activer et ouvrir cette capacité d’attention et d’empathie aux corps des autres pour tous les autres cas, si nombreux, où leur vulnérabilité est en jeu : vieillesse, maladie, migrations, accidents du travail, violences, harcèlement. Alors se déploierait une écologie de l’attention, à vocation sociale, que le covid révèle ici sur un seul axe.

  •  Viralité psychique et cycles du contrôle

Trollons un peu : au fond, pour 97% des gens, la charge virale du Covid se révèle moins physique que psychique. C’est à mes yeux une leçon étrange du confinement. Elle infecte infiniment moins nos corps qu’elle n’affecte nos psychés. Active nos peurs multiples, nos paranos, nos anxiétés. Notre hypocondrie. Nos insurmontables angoisses. Et donc notre soif inétanchable d’en sortir, par les certitudes fragiles qu’un flux tendu d’infos est censé nous apporter. Alors ça compulse dur. Les audiences des sites d’infos explosent. Ah cette construction hors sol et hors corps d’une espèce de vérité flottante sur les événements, qui finit par prévaloir sur le réel ! La contagion des trouilles est devenue pulvérulente. On la hume tous et toutes, fenêtres pourtant fermées, dans nos solitudes connectées dont les fils se touchent.

Conjurez cette peur par une discipline ancienne et presque archaïque : la quarantaine — celle de la peste si bien décrite par Foucault. Ajoutez-y le contrôle des populations, initiée historiquement sous la variole : biopolitique. Saupoudrez d’une pincée de tracking téléphonique : traçabilité. Puis secouez le shaker. Vous avez le poison et son antidote. Le pharmakon. Peurs puis réassurances partielles, en boucle, cybernétiques. 

Cycle du contrôle comme il y a un cycle de l’eau : orage de la contamination subite. Pluie des mesures et des ordonnances s’abattant dans les corps. Évaporation de la peur par les chairs confinées, qui alimentent en retour les cumulus d’infos et les clouds de données. Pluies numériques à nouveau, horizontales comme sous furvent.

Ce couplage entre l’angoisse et ses conjurations imparfaites est un must du psychopouvoir. Une machine de guerre qui tourne toute seule à plein régime parce que son carburant est en vous, inépuisable : c’est la peur de mourir — et de faire mourir.

Alors la délation nous brûle les lèvres. Chacun de nous est devenu menace, vecteur infectieux. Le voisin est une bombe biologique. La frontière qui excluait les migrants s’est rétrécie fulguramment : elle passe désormais par nos paliers, sépare nos couples, passe à l’intérieur de nos corps. L’obéissance s’introjecte, elle devient obéissance à nous-mêmes, au flic-surmoi qui pousse sur le terreau de nos trouilles et dont le flic-état n’est qu’un engrais presque inutile.

Ceux qui ragent contre la restriction hallucinante de nos libertés en si peu de temps et de façon si abusive ont intégralement raison. Sauf qu’ils voient rarement que le contrôle est une demande sociale massive. Le gouvernement n’aura même pas besoin d’imposer le port du masque ni cette appli d’inter-délation censée tracer les porteurs du virus. Il n’y pas de complot. Il n’y a jamais que des stratégies à l’arrache de gouvernements aux abois qui se raccrochent aux branches d’un paternalisme qu’on leur demande de fleurir, nous les enfants peureux.

Lire la seconde partie de ce texte ici  et la troisième partie ici

 

 

 

 

29/04/2020

Le Corps-marché de Céline Lafontaine

 

103888_couverture_Hres_0.jpgLe Corps-marché La marchandisation de la vie humaine à l'ère de la bioéconomie

Sang, tissus, cellules, ovules : le corps humain, mis sur le marché en pièces détachées, est devenu la source d’une nouvelle plus-value au sein de ce que l’on appelle désormais la bioéconomie. Sous l'impulsion de l'avancée des biotechnologies, la généralisation des techniques de conservation in vitro a en effet favorisé le développement d'un marché mondial des éléments du corps humain.

Ce livre passionnant éclaire les enjeux épistémologiques, politiques et éthiques de cette économie particulière. Ainsi montre-t-il que la récupération des tissus humains promulguée par l’industrie biomédicale et l’appel massif au don de tissus, d’ovules, de cellules ou d’échantillons d’ADN cachent une logique d’appropriation et de brevetage. De même fait-il apparaître que, du commerce des ovocytes à la production d’embryons surnuméraires, l’industrie de la procréation assistée repose sur une exploitation du corps féminin. Et inévitablement dans notre économie globalisée, le capital issu de la « valorisation » du corps parcellisé se nourrit des corps des plus démunis, avec la sous-traitance des essais cliniques vers les pays émergents, ou le tourisme médical. Ainsi, ce n’est plus la force de travail qui produit de la valeur, mais la vie en elle-même qui est réduite à sa pure productivité.

Un livre essentiel sur les implications méconnues de l’industrie biomédicale.

 

Céline Lafontaine est professeure agrégée de sociologie à l'université de Montréal. Elle a notamment publié L'Empire cybernétique. Des machines à penser à la pensée machine (Seuil, 2004, prix Jeune Sociologue) et La Société postmortelle (Seuil, 2008).

 

Seuil éd. 10/04/2014
21.50 € TTC
288 pages
EAN 9782021038880

 

 

 

28/04/2020

"Robots tueurs" : le rôle d’Amazon et Microsoft dans le développement des armes autonomes pointé du doigt

Publié le 22/08/2019

Sudouest.fr avec AFP

 

 

Les américains Amazon, Microsoft et Intel font partie des géants technologiques qui pourraient mener une gigantesque course aux armements dans le secteur de l’intelligence artificielle, selon un rapport d’une ONG sur les armes de destruction autonomes.

L’organisation néerlandaise PAX a sondé les principaux acteurs de ce secteur hautement stratégique et a classé 50 entreprises selon trois critères : développent-elles des technologies permettant de créer des "robots tueurs" ? Travaillent-elles sur des projets militaires liés à ces technologies ? Ont-elles promis de s’abstenir d’y contribuer dans le futur ?

 
 

L’usage de l’intelligence artificielle pour permettre à des systèmes d’armement de choisir automatiquement et d’attaquer des cibles a provoqué d’importants débats éthiques au cours des dernières années. Pour certains critiques, on pourrait même assister à la troisième révolution de l’art de la guerre après les inventions de la poudre et de la bombe nucléaire.

 

"Pourquoi est-ce que les entreprises comme Microsoft et Amazon ne nient pas qu’elles sont actuellement en train de développer ces armes hautement controversées qui pourraient décider d’elles-mêmes de tuer, sans implication humaine ?", demande Frank Slijper, principal auteur du rapport publié lundi.

21 entreprises dans la catégorie "haute inquiétude"

Vingt-deux entreprises représentent une "inquiétude moyenne" pour les auteurs du rapport, dont l’analyse se porte sur 12 pays à travers le monde. Parmi elles, le japonais SoftBank, notamment connu pour son robot humanoïde Pepper. La catégorie "haute inquiétude" compte 21 entreprises, dont Amazon et Microsoft, qui essaient tous les deux de passer un contrat avec le Pentagone pour fournir à l’armée américaine l’infrastructure de son "cloud" (service de stockage de données en ligne).

"Les armes autonomes deviendront inévitablement des armes de destruction massives", prédit Stuart Russell, professeur de sciences informatiques à l’université californienne de Berkeley. "Des travaux sont actuellement entrepris pour que tout ce qui constitue actuellement une arme – chars, avions de chasse, sous-marins – ait sa version autonome", ajoute-t-il.

Google et six autres entreprises figurent quand à elles dans la catégorie "bonne pratique". L’année dernière, Google a renoncé à candidater pour le contrat du Pentagone sur le "cloud", car il pourrait être en contradiction avec ses "principes" en matière d’intelligence artificielle. Le géant californien avait expliqué ne pas vouloir s’impliquer dans des "technologies qui sont ou pourraient être nocives" et "des armes ou d’autres technologies dont le but principal ou la mise en oeuvre causeraient ou faciliteraient l’atteinte physique aux personnes".

Comment encadrer ces armes ?

Mardi, aux Nations unies à Genève, un panel d’experts gouvernementaux a débattu des options politiques pour encadrer les armes autonomes, même s’il s’est avéré jusqu’ici très difficile de parvenir à un consensus autour de cette question.

Selon le rapport de l’ONG PAX, des employés de Microsoft ont également signalé leur opposition à un contrat avec l’armée américaine concernant des lunettes de réalité augmentée HoloLens destinées à l’entraînement et au combat. Beaucoup d’inquiétudes entourent également le futur de l’armement autonome, des armes qui n’ont pas encore été inventées mais sont présentées dans certains films de science-fiction, comme les mini-drones.

"Avec ce genre d’armes, vous pourriez en envoyer un million dans un container ou un avion-cargo et elles auraient la capacité destructrice d’une bombe nucléaire, mais laisseraient tous les immeubles intacts derrière elles", notamment grâce à la reconnaissance faciale" Stuart Russell

En avril, la Commission européenne a proposé une série de règles éthiques pour le secteur de l’intelligence artificielle. La liste de propositions fournie rappelait le besoin de placer "l’humain" au cœur des technologies liées à l’IA et la nécessité de favoriser la "non-discrimination", ainsi que le "bien-être de la société et l’environnement". Pour Stuart Russell, le prochaine étape est une interdiction internationale des intelligences artificielles tueuses. "Les machines qui peuvent décider de tuer des humains ne doivent pas être développées, déployées ou utilisées", résume-t-il.

 

 

 

 

 

Tous surveillés : 7 milliards de suspects, documentaire de Sylvain Louvet (2019)

 

 

 

De la Chine aux États-Unis, de Tel-Aviv à Washington en passant par Londres, Paris et San-Francisco cette investigation internationale montre pour la première fois comment sous couvert de lutte contre le terrorisme ou la criminalité, les grandes puissances se sont lancées dans une dangereuse course aux technologies de surveillance. Caméras à reconnaissance faciale, détecteurs à émotions, système de notation des citoyens, drones tueurs autonomes…Cette enquête nous entraine dans les rouages de cette machine de surveillance mondiale et donne la parole aux premières victimes de ce flicage hors norme. Une obsession sécuritaire qui dans certains pays, est en train de donner naissance à une nouvelle forme de régime : le totalitarisme numérique. Le cauchemar d’Orwell.

Visible jusqu'au 19 juin sur ARTE +7

 

 

 

25/04/2020

Contre  la 5G  :  la  PAC  -  Pétition Action Collective

Nouvel outil collectif, la PAC vise l’efficacité pour résoudre un litige. Dès 10.000 signatures, les adversaires sont informés des reproches qui leur sont faits.
Faute de solution sous 30 jours, une action en justice est ouverte à ceux qui le souhaitent.

La signature de la PAC est gratuite, une contribution n’est à prévoir que si vous allez au-delà. Les reproches étant vérifiés par nos avocats, les adversaires savent ce qu’ils risquent : un procès sérieux s’ils ne trouvent pas de solution.

 

NOUS, citoyens conscients et informés – exposés à d'innombrables radiofréquences et technologies espionnes – entendons rappeler quelques principes simples et incontestables, destinés à promouvoir l’intérêt de tous plutôt que la spéculation de quelques-uns :

  • Le respect de la santé ainsi que le principe de précaution ont valeur légale et constitutionnelle ;
  • Le droit à l'autodétermination s'oppose à la soumission d'une population à des industriels adeptes du contrôle des citoyens ;

OR, la 5G a pour conséquences :

  • D’augmenter l’exposition globale cumulée avec celle générée par les réseaux 2G/3G/4G ;
  • De transformer le réel en un « Internet des objets » gouverné par des industriels dans leur propre intérêt sans contrôle démocratique ;

DÈS LORS, il est demandé :

  • La suspension du déploiement de la 5G dans l'attente de réaliser toutes les études nécessaires ;
  • La réalisation des études sanitaires et sociétales complètes sur les conséquences de la 5G ;

SAUF véritable solution :

  • 30 jours après que la pétition ait atteint 10.000 pétitionnaires ;
  • Les pétitionnaires se réservent le droit de saisir la Justice.

 

à signer ici :

https://5g.mysmartcab.fr/?fbclid=IwAR3a5CKbUqlBRlWhi9oQmY...

 

 

 

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Crise sanitaire : la liste des atteintes à la protection de l'environnement s'allonge

 

Hier est paru au journal officiel un décret permettant des enquêtes publiques au rabais pour autoriser plus vite des projets destructeurs. Depuis le début de la crise sanitaire, plusieurs textes étaient déjà venus malmener la démocratie et le droit de l’environnement, en complète contradiction avec le discours du gouvernement. France Nature Environnement dénonce ce piétinement de la consultation citoyenne et appelle le Gouvernement à la raison : le « monde d’après » ne peut pas se construire de cette façon.

Non, des consultations « en ligne » ne peuvent pas suffire

Pour France Nature Environnement, les procédures de participation nécessitant des réunions (enquêtes publiques notamment, avis d’instances de concertation…) ne peuvent avoir lieu dans de bonnes conditions durant le confinement. En effet, si les procédures numériques peuvent être utiles, elles ne peuvent en aucun cas se substituer aux échanges humains permettant le débat argumenté car contradictoire. Surtout elles excluent de la participation les personnes non-voyantes ou malvoyantes ou celles qui subissent la fracture numérique. La participation du public en matière d’environnement est pourtant un droit protégé par la Constitution.

Une première ordonnance au début du confinement a prévu la suspension des délais de ces procédures. Mais quelques jours et de nombreuses pressions des lobbys plus tard, de nouveaux textes ont été pris afin de raccourcir les délais de suspension et créer des dérogations…

Des projets destructeurs pourraient voir le jour

Certains entendent ainsi profiter du confinement pour faire passer en force des projets destructeurs, comme la construction d’une route dans l’Allier, projet vieux de 25 ans qui devient subitement urgent, ou encore une centrale de production d’électricité au fioul dans les mangroves de Guyane ! De même, le ministère de l’agriculture a autorisé les agriculteurs à épandre des pesticides tout près des habitations, sans attendre la concertation promise sur les « chartes riverains » qui devaient définir les conditions de dérogation aux distances légales, déjà minimalistes[1]. Dans la même veine, une autre ordonnance « d’urgence » a permis de faciliter l’implantation de nouvelles antennes relais téléphoniques, sans concertation, avec une possibilité de les pérenniser par la suite. N’en jetez plus !

Pour Emmanuel Wormser, juriste de France nature Environnement, « il est inadmissible que l'administration et certains lobbys profitent de cette période troublée durant laquelle les citoyens ne sont pas vraiment en mesure de donner leurs avis pour faire passer des projets en force. Nous demandons donc que ces dérogations soient supprimées pour que le confinement ne soit pas synonyme de régression démocratique et environnementale ; et de toute puissance de la loi du marché. »

La loi à la carte, ce sont les préfets qui cuisinent !

Ce n’est pas tout. Le 8 avril, un décret a étendu et pérennisé la faculté donnée aux préfets de déroger à certaines normes, notamment en matière de protection de l’environnement. Pour France Nature Environnement, ce nouveau pouvoir donné aux préfets est un pas de plus dans une déréglementation sournoise. La fédération a de nombreuses fois constaté que l’autorité préfectorale fait primer une appréciation laxiste et contestable de la réglementation au nom d’un développement économique à courte vue, au détriment des enjeux environnementaux et de l’intérêt général. Pour Antoine Gatet, juriste de France Nature Environnement, « la protection de l’environnement est un impératif pour notre survie, pas une variable que les préfets peuvent décider d’ignorer ! Pour être efficace, le droit de l’environnement doit être appliqué de la même façon sur tout le territoire, ça ne peut pas être ‘à la carte’. »

Arnaud Schwartz, président de France Nature Environnement, conclut : « Les citoyens soumis en ce moment à de fortes contraintes ne peuvent accepter qu’on profite de la crise sanitaire pour faire primer des intérêts économiques sur la protection de leur environnement, sans même leur laisser la possibilité de s’exprimer. Si la démocratie et le droit de l’environnement sont ainsi mis à mal pendant le confinement, c’est de mauvaise augure pour les promesses du Gouvernement sur le « monde d’après » et cela interroge sur sa capacité à changer de logiciel ! Est-il réellement capable de ‘bâtir une stratégie où nous retrouverons le temps long, la possibilité de planifier, la sobriété carbone, la prévention, la résilience’, comme l’avait appelé Emmanuel Macron le 13 mars, pour les citoyens et la défense des biens communs, plutôt que pour les lobbys ? »

Télécharger le communiqué en PDF
 
Par FNE
Le jeudi 23 avril 2020

19/04/2020

Edgar Morin: «Nous devons vivre avec l'incertitude»

 

06.04.2020, par

Le philosophe Edgar Morin. « Je ne dis pas que j’avais prévu l’épidémie actuelle, mais je dis par exemple depuis plusieurs années qu’avec la dégradation de notre biosphère, nous devons nous préparer à des catastrophes. »
Confiné dans sa maison à Montpellier, le philosophe Edgar Morin reste fidèle à sa vision globale de la société. La crise épidémique, nous dit-il, doit nous apprendre à mieux comprendre la science et à vivre avec l’incertitude. Et à retrouver une forme d’humanisme.

La pandémie du coronavirus a remis brutalement la science au centre de la société. Celle-ci va-t-elle en sortir transformée ?
Edgar Morin : Ce qui me frappe, c’est qu’une grande partie du public considérait la science comme le répertoire des vérités absolues, des affirmations irréfutables. Et tout le monde était rassuré de voir que le président s’était entouré d’un conseil scientifique. Mais que s’est-il passé ? Très rapidement, on s’est rendu compte que ces scientifiques défendaient des points de vue très différents parfois contradictoires, que ce soit sur les mesures à prendre, les nouveaux remèdes éventuels pour répondre à l’urgence, la validité de tel ou tel médicament, la durée des essais cliniques à engager… Toutes ces controverses introduisent le doute dans l’esprit des citoyens.
 
Vous voulez dire que le public risque de perdre confiance en la science ?
E.M. : Non, s’il comprend que les sciences vivent et progressent par la controverse. Les débats autour de la chloroquine, par exemple, ont permis de poser la question de l’alternative entre urgence ou prudence. Le monde scientifique avait déjà connu de fortes controverses au moment de l’apparition du sida, dans les années 1980. Or, ce que nous ont montré les philosophes des sciences, c’est précisément que les controverses font partie inhérente de la recherche. Celle-ci en a même besoin pour progresser.

Malheureusement, très peu de scientifiques ont lu Karl Popper, qui a établi qu’une théorie scientifique n’est telle que si elle est réfutable, Gaston Bachelard, qui a posé le problème de la complexité de la connaissance, ou encore Thomas Kuhn, qui a bien montré comment l’histoire des sciences est un processus discontinu. Trop de scientifiques ignorent l’apport de ces grands épistémologues et travaillent encore dans une optique dogmatique.

Recherches sur le covid-19 à l'Institut Pasteur de Lille. Les récentes controverses scientifiques ont-elles ébranlé la confiance des citoyens dans la science ?

 

La crise actuelle sera-t-elle de nature à modifier cette vision de la science ?
E.M. : Je ne peux pas le prédire, mais j’espère qu’elle va servir à révéler combien la science est une chose plus complexe qu’on veut bien le croire – qu’on se place d’ailleurs du côté de ceux qui l’envisagent comme un catalogue de dogmes, ou de ceux qui ne voient les scientifiques que comme autant de Diafoirus (charlatan dans la pièce Le Malade imaginaire de Molière, Ndlr) sans cesse en train de se contredire…

J'espère que cette crise va servir à révéler combien la science est une chose plus complexe qu’on veut le croire. C'est une réalité humaine qui, comme la démocratie, repose sur les débats d’idées.

La science est une réalité humaine qui, comme la démocratie, repose sur les débats d’idées, bien que ses modes de vérification soient plus rigoureux. Malgré cela, les grandes théories admises tendent à se dogmatiser, et les grands innovateurs ont toujours eu du mal à faire reconnaitre leurs découvertes. L’épisode que nous vivons aujourd'hui peut donc être le bon moment pour faire prendre conscience, aux citoyens comme aux chercheurs eux-mêmes, de la nécessité de comprendre que les théories scientifiques ne sont pas absolues, comme les dogmes des religions, mais biodégradables...

La catastrophe sanitaire, ou la situation inédite de confinement que nous vivons actuellement : qu’est-ce qui est, selon vous, le plus marquant ?
E.M. : Il n’y a pas lieu d’établir une hiérarchie entre ces deux situations, puisque leur enchaînement a été chronologique et débouche sur une crise qu’on peut dire de civilisation, car elle nous oblige à changer nos comportements et change nos existences, au niveau local comme au niveau planétaire. Tout cela est un ensemble complexe. Si on veut l’envisager d’un point de vue philosophique, il faut tenter de faire la connexion entre toutes ces crises et réfléchir avant tout sur l’incertitude, qui en est la principale caractéristique. 

Ce qui est très intéressant, dans la crise du coronavirus, c’est qu’on n’a encore aucune certitude sur l’origine même de ce virus, ni sur ses différentes formes, les populations auxquelles il s’attaque, ses degrés de nocivité… Mais nous traversons également une grande incertitude sur toutes les conséquences de l’épidémie dans tous les domaines, sociaux, économiques...
 
Mais en quoi ces incertitudes forment-elles, selon vous, le lien entre ces toutes ces crises ?
E.M. : Parce que nous devons apprendre à les accepter et à vivre avec elles, alors que notre civilisation nous a inculqué le besoin de certitudes toujours plus nombreuses sur le futur, souvent illusoires, parfois frivoles, quand on nous a décrit avec précision ce qui va nous arriver en 2025 ! L’arrivée de ce virus doit nous rappeler que l’incertitude reste un élément inexpugnable de la condition humaine. Toutes les assurances sociales auxquelles vous pouvez souscrire ne seront jamais capables de vous garantir que vous ne tomberez pas malade ou que vous serez heureux en ménage ! Nous essayons de nous entourer d’un maximum de certitudes, mais vivre, c’est naviguer dans une mer d’incertitudes, à travers des îlots et des archipels de certitudes sur lesquels on se ravitaille…  
 
C’est votre propre règle de vie ?
E.M. : C’est plutôt le résultat de mon expérience. J’ai assisté à tant d’événements imprévus dans ma vie – de la résistance soviétique dans les années 1930 à la chute de l’URSS, pour ne parler que de deux faits historiques improbables avant leur venue – que cela fait partie de ma façon d’être. Je ne vis pas dans l’angoisse permanente, mais je m’attends à ce que surgissent des événements plus ou moins catastrophiques. Je ne dis pas que j’avais prévu l’épidémie actuelle, mais je dis par exemple depuis plusieurs années qu’avec la dégradation de notre biosphère, nous devons nous préparer à des catastrophes. Oui, cela fait partie de ma philosophie : « Attends-toi à l’inattendu. »
 

Nous essayons de nous entourer d’un maximum de certitudes, mais vivre, c’est naviguer dans une mer d’incertitudes, à travers des îlots et des archipels de certitudes sur lesquels on se ravitaille…

En outre, je me préoccupe du sort du monde après avoir compris, en lisant Heidegger en 1960, que nous vivons dans l’ère planétaire, puis en 2000 que la globalisation est un processus pouvant provoquer autant de nuisances que de bienfaits. J’observe aussi que le déchaînement incontrôlé du développement techno-économique, animé par une soif illimitée de profit et favorisé par une politique néolibérale généralisée, est devenu nocif et provoque des crises de toutes sortes… À partir de ce moment-là, je suis intellectuellement préparé à faire face à l’inattendu, à affronter les bouleversements.

 

Le philosophe Edgar Morin dans sa maison de Montpellier, en novembre 2018.

 

Pour s’en tenir à la France, comment jugez-vous la gestion de l’épidémie par les pouvoirs publics ?
E.M. : Je regrette que certains besoins aient été niés, comme celui du port du masque, uniquement pour… masquer le fait qu’il n’y en avait pas ! On a dit aussi : les tests ne servent à rien, uniquement pour camoufler le fait qu’on n’en avait pas non plus. Il serait humain de reconnaître que des erreurs ont été commises et qu’on va les corriger. La responsabilité passe par la reconnaissance de ses erreurs. Cela dit, j’ai observé que, dès son premier discours de crise, le président Macron n’a pas parlé que des entreprises, il a parlé des salariés et des travailleurs. C’est un premier changement ! Espérons qu’il finisse par se libérer du monde financier : il a même évoqué la possibilité de changer le modèle de développement…
 
Allons-nous alors vers un changement économique ?
E.M. Notre système fondé sur la compétitivité et la rentabilité a souvent de graves conséquences sur les conditions de travail. La pratique massive du télétravail qu’entraîne le confinement peut contribuer à changer le fonctionnement des entreprises encore trop hiérarchiques ou autoritaires. La crise actuelle peut accélérer aussi le retour à la production locale et l’abandon de toute cette industrie du jetable, en redonnant du même coup du travail aux artisans et au commerce de proximité. Dans cette période où les syndicats sont très affaiblis, ce sont toutes ces actions collectives qui peuvent peser pour améliorer les conditions de travail.
 
Sommes-nous en train de vivre un changement politique, où les rapports entre l’individu et le collectif se transforment ?
E.M. : L’intérêt individuel dominait tout, et voilà que les solidarités se réveillent. Regardez le monde hospitalier : ce secteur était dans un état de dissensions et de mécontentements profonds, mais, devant l’afflux de malades, il fait preuve d’une solidarité extraordinaire. Même confinée, la population l’a bien compris en applaudissant, le soir, tous ces gens qui se dévouent et travaillent pour elle. C’est incontestablement un moment de progrès, en tout cas au niveau national.

Je ne dis pas que la sagesse, c’est de rester toute sa vie dans sa chambre, mais ne serait-ce que sur notre mode de consommation ou d’alimentation, ce confinement est peut-être le moment de se défaire de toute cette culture industrielle dont on connaît les vices.

Malheureusement, on ne peut pas parler d’un réveil de la solidarité humaine ou planétaire. Pourtant nous étions déjà, êtres humains de tous les pays, confrontés aux mêmes problèmes face à la dégradation de l’environnement ou au cynisme économique. Alors qu’aujourd'hui, du Nigeria à Nouvelle-Zélande, nous nous retrouvons tous confinés, nous devrions prendre conscience que nos destins sont liés, que nous le voulions ou non. Ce serait le moment de rafraîchir notre humanisme, car tant que nous ne verrons pas l’humanité comme une communauté de destin, nous ne pourrons pas pousser les gouvernements à agir dans un sens novateur.

Que peut nous apprendre le philosophe que vous êtes pour passer ces longues périodes de confinement ?
E.M. : C’est vrai que pour beaucoup d’entre nous qui vivons une grande partie de notre vie hors de chez nous, ce brusque confinement peut représenter une gêne terrible. Je pense que ça peut être l’occasion de réfléchir, de se demander ce qui, dans notre vie, relève du frivole ou de l’inutile. Je ne dis pas que la sagesse, c’est de rester toute sa vie dans sa chambre, mais ne serait-ce que sur notre mode de consommation ou d’alimentation, c’est peut-être le moment de se défaire de toute cette culture industrielle dont on connaît les vices, le moment de s’en désintoxiquer. C’est aussi l’occasion de prendre durablement conscience de ces vérités humaines que nous connaissons tous, mais qui sont refoulées dans notre subconscient : que l’amour, l’amitié, la communion, la solidarité sont ce qui font la qualité de la vie. ♦

 

Source : 

https://lejournal.cnrs.fr/articles/edgar-morin-nous-devon...

 

 

 

 

17/04/2020

Jean Ziegler : Pourquoi il faut détruire le capitalisme ?

 

 

 

 

Pensées pour Luis Sepúlveda

 

 

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Un auteur qui m'est très cher s'est envolé, bon voyage Monsieur Sepúlveda, votre plume et votre belle âme va nous manquer !

 

Vous trouverez sur ce blog cinq notes de lectures, dont trois pour la jeunesse, consacrées à cet écrivain

 

 

 

05/04/2020

Carlos Latuff - Rio de Janeiro - 2019

 

 

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de très sinistre actualité...

 

28/03/2020

De la coquille au placenta, un coup de pouce viral de génie

 

Source : https://www.museum.toulouse.fr/

 

De la coquille au placenta, un coup de pouce viral de génie
Pour faire un bébé il faut être deux. Mais comment se fait-il que le fœtus ne soit pas rejeté par le système immunitaire de la mère qui n’a aucune raison de (re)connaître les molécules « étrangères » d’origine paternelle? C’est que le placenta veille au grain ! Tout a commencé il y a bien longtemps, environ 150 millions d’années, quand l’ancêtre des mammifères, qui pondait probablement encore des œufs, a été infecté par un virus. Le matériel génétique du virus s’est inséré dans le génome de l’hôte. Une des séquences virales ainsi piratées a permis la fabrication de protéines indispensables à la formation du placenta. Ce phénomène s’est répété au cours du temps, de nouvelles intégrations virales aboutissant à l’expression de molécules essentielles au fonctionnement du placenta. Et c’est ainsi que grâce aux virus, les mammifères ne pondent plus d’œufs mais tiennent au chaud leur(s) embryon(s).

Des protéines placentaires venues d’ailleurs, les syncytines

            Au cours du développement, chez les mammifères, le placenta est le premier organe à se former à partir des cellules du foetus. Il permet un ancrage du fœtus dans l’uterus maternel et des échanges régulés (nutriments, gaz respiratoires, déchets) avec la mère. Il secrète des hormones, fait barrière aux infections et assure, lourde tâche, le non rejet du fœtus qui représente une semi-greffe, puisque son génome est hérité pour moitié du père et pour moitié de la mère.

            Cette structure transitoire est  indispensable au développement du fœtus tout au long de la gestation et de nombreuses complications pré- et post-natales peuvent survenir s’il est défectueux. La structure anatomique du placenta varie considérablement entre les espèces. On en distingue 4 types principaux suivant l’importance du syncytium, une couche de cellules présente à l’interface foeto-maternelle. Cette couche est caractérisée par la fusion de cellules d’origine fœtale (les trophoblastes). La couche ainsi obtenue, qu’on appelle syncytiotrophoblaste, constitue une structure multinuclée (plusieurs noyaux) sans limites cellulaires distinctes. La fusion est un processus essentiel pour le dévelopment du placenta et pour le déroulement normal de la  gestation. Elle est assurée par des protéines appelées syncytines (Figure 1).

 


Figure 1 : chez la femme dès le 6e jour de gestation, des cellules fœtales mononuclées, les cytotrophoblastes (CT), fusionnent pour former le syncytiotrophoblaste (ST), une structure multinuclée qui permet l’implantation de l’embryon dans l’utérus maternel. Plus tard, le ST régénère à partir des CT sous-jacentes et s’étend. Le ST a des propriétés multiples : contrôle des échanges foeto-maternels, sécrétion d’hormones, contrôle de la réponse immune et protection contre les pathogènes (d’après 1).

           

Pour en étudier l’importance, des expériences ont été réalisées par une équipe française chez la souris où il est facile de faire des expériences de Knock-out (KO), c’est à dire d’anéantir l’expression d’un gène désiré. Quoique la structure du placenta murin soit différente de celle du placenta humain, deux protéines Syncytine (Syncytine A et B) y sont exprimées et ce de manière spécifique. Leur perte simultanée induite par KO provoque une malformation du placenta et une mort embryonnaire précoce2.

 

 

Des gènes Env aux gènes syncytine

            Mais d’où viennent ces protéines ? La paléovirologie qui s’interesse à l’histoire évolutive des séquences virales fossiles intégrées dans le génome d’organismes vivants a permis de mettre le doigt sur une observation de taille : les  gènes codant pour les syncytines ont une origine virale ! C’est un des exemples les plus remarquables du phénomène d’exaptation, un terme que l’on doit au génial biologiste Stephen J. Gould et à Elizabeth Vbra. Il désigne l’évolution progressive, par sélection naturelle, d’un caractère revêtant initialement une certaine fonction vers un tout nouveau rôle.

            C’est exactement l’histoire des gènes viraux « env » et de la formation du placenta chez les mammifères. Les gènes «env » sont l’apanage des rétrovirus, un type particulier de virus dont le matériel génétique est non pas de l’ADN (Acide DésoxyiboNucléique) comme dans nos cellules mais de l’ARN (Acide RiboNucléique). Un rétrovirus bien connu est le VIH responsable du sida. On les appelle rétrovirus car une des étapes clefs de leur cycle de vie est la conversion de leur génome ARN en ADN (par le processus de rétrotranscription). Cette étape est obligatoire pour que le virus s’intègre sous forme de provirus dans l‘ADN de la cellule hôte (Figure 2). Si la cellule hôte est une cellule sexuelle (spermatozoïde ou œuf), les séquences rétrovirales nouvellement acquises seront transmises aux générations suivantes comme n’importe quelle autre séquence, devenant des éléments permanents du génome hôte. Elles sont alors considérées comme « endogènes » et appelées pour cette raison ERV pour Endogenous RetroVirus. Les ERV occupent une portion non négligeable du génome des mammifères, 8% chez l’humain et 10% chez la souris !

Figure 2 : Infection rétrovirale et intégration du virus dans le génome de la cellule hôte.
Les virus à ARN  convertissent leur génome ARNen double brin ADN qui s’intègre alors dans le génome
de la cellule infectéesous la forme de provirus. C’est l’endogénéisation.

Les séquences virales  env ainsi  capturées conservent leur capacité codante
et sont  utilisées par l’hôte pour fabriquer les syncytines (d’après 1).

 

            La plupart sont dégénérées, inactives, car modifiées, mutées au cours du temps. Mais certaines restent intactes malgré les dizaines de millions d’années qui se sont écoulées depuis l’insertion rétrovirale ancestrale. Leur maintien suggère que leur « capture » confère  un avantage sélectif. C’est effectivement le cas des séquences Env. Chez les rétrovirus, les gènes env codent  pour la protéine de l’enveloppe virale Env qui permet au virus de fusionner sa membrane à celle de la cellule infectée pour y pénétrer (propriété fusogène) et de déjouer le système immunitaire de l’hôte infecté. Chez les mammifères, les gènes env capturés ont été peu à peu « domestiqués » au fil du temps pour remplir des fonctions essentielles dans le placenta en permettant la fabrication des syncytines (Figure 3).

 

Figure 3 : les gènes syncytine dérivés des séquences rétrovirales env permettent la synthèse
des protéines syncytine qui assurent la fusion cellulaire et la formation du syncytiotrophoblaste (d’après 3).

 

Acquisition indépendante d’un placenta chez différentes espèces : évolution convergente

            Ce qui est remarquable quand on analyse le génome de tous les placentaires,  c’est de constater que des éléments rétroviraux endogènes de type env ont été capturés et domestiqués en de multiples occasions et indépendamment dans diverses espèces. Ainsi, la comparaison des séquences des gènes syncytine chez les mammifères dont le génome a été séquencé (primates, ruminants, rongeurs, carnivores, lagomorphes, …) montre qu’ils ne sont pas identiques mais proviennent de différentes intégrations rétrovirales dans le génome des ancêtres de chaque lignage à différents moments de la radiation (diversification) des mammifères. Le plus ancien gène syncytine connu à ce jour est le gène syncytine-Car1, trouvé chez les 26 espèces de carnivores étudiées. Sa présence daterait d’il y a au moins 80 milions d’années (Ma) (après la divergence entre les Laurasiathere et les Euarchantoglires). L’intégration du gène syncytine 1 humain, conservé chez les hominoïdes, daterait d’il y a 30 Ma d’années ; celle du gène syncytine 2, présent chez tous les primates sauf les prosimiens, serait plus ancienne (45 Ma) (Figure 4). Les gènes syncytine A et B murin se seraient intégrés il y a plus de 25 Ma. Tous ces gènes syncytine codent pour des protéines Syncytines, mais elles sont toutes différentes, ce qui pourrait expliquer la diversité morphologique des placentas 4. Ainsi, des infections rétrovirales indépendantes ont permis, en de multiples occasions durant l’évolution, de conférer un avantage sélectif aux individus infectés de différentes espèces, en favorisant la fusion cellulaire et la formation d’un syncytium à l’interface foeto-maternelle et partant un développement intra-utérin.

 

Figure 4 : Les mammifères comportent les monotrèmes (platypus) qui pondent des œufs, et les marsupiaux, ainsi que les mammifères euthériens qui possèdent un placenta (caractères rouge). Le lézard Mabuya est aussi en rouge parce qu’il possède un placenta.
La flèche rouge indique l’émergence probable du placenta chez l’ancêtre des mammifères.
Il pourrait correspondre à la capture de syncytine ancestrale, qui au cours de l’évolution est remplacée par de nouvelles séquences rétrovirales plus récentes qui codent les syncytines.
 Les flèches mauves indiquent la capture et le nom de ces syncytines chez les différents vertébrés étudiés. La longueur des traits est proportionnelle au temps (exprimé en millions d’années Mya), comme le représente l’échelle de temps en bas du dessin (d’après 4).

           

Env, LTR et compagnie

            Des résultats très récents parus en octobre 2018 montrent qu’outre le gène env, les séquences ERV comportent d’autres éléments co-optés et conservés dans l’évolution. Il ne s’agit pas là de séquences codant une protéine particulière, de type Env->syncytine, mais d’éléments dits de « régulation », les LTR (Figure 5). Dans le génome humain, un de ces LTR se trouve à proximité du gène CRH qui code la corticolibérine (ou corticotropinereleasing hormone), une hormone  qui joue un rôle très important tout au long de la grossesse et détermine le moment où l’accouchement a lieu. Les auteurs ont montré dans des expériences sophistiquées chez la souris que si les séquences LTR ne fonctionnent pas normalement, l’expression de CRH est dérégulée et la mise bas est retardée 5.

 

Figure 5 : d’autres éléments viraux, tels les éléments de régulation LTR influencent,
spécifiquement dans le placenta,  l’expression de gènes « cellulaires » tel que la corticotropin releasing hormone (d’après 3)

 

De l’oviparité à la viviparité, un modèle

            L’histoire des gènes syncytine dérivés du gène env et leurs rôles dans la placentation suscite encore des questions. En particulier, comment réconcilier le fait qu’un placenta primitif serait apparu chez un ancêtre des mammifères il y a environ 150 Ma alors que la capture des différentes séquences env serait plus récente (maximum 80 Ma) ? Le modèle proposé aujourd’hui est le suivant : une séquence rétrovirale env « fondatrice » se serait intégrée il y 130-150 Ma ou plus chez un ancêtre ovipare des mammifères, permettant l’élaboration d’un placenta primitif. Par la suite, cette séquence aurait été remplacée au fur et à mesure de la radiation des mammifères par des nouveaux gènes env résultant probablement d’au moins 10 infections indépendantes par des rétrovirus différents. Ces gènes différents les uns des autres, dotés soit de propriétés fusogéniques soit de propriétés immunosuppressives ou des deux,  auraient apporté un avantage sélectif à leur hôte et contribué à la diversité des structures placentaires observées chez les mammifères.

 

                       Les rétrovirus semblent donc avoir façonné depuis des millions d’années la structure et la fonction du placenta des mammifères. Seulement des mammifères ? Rien n’est moins sûr puisque qu’on a récemment découvert des syncytines chez de rares vertébrés placentaires non mammalians vivipares, tels que les poissons à nageoires rayonnées et le lézard Mabuya (Figure 4) ! Ainsi, la capture de gènes syncytine et de séquences régulatrices virales n’est pas restreinte aux mammifères et a pu jouer un rôle majeur, au cours de l’évolution, dans l’émergence du placenta chez les vertébrés.

 

 


Références

Ref 1 : Paleovirology of 'syncytins', retroviral env genes exapted for a role in placentation. Lavialle C, Cornelis G, Dupressoir A, Esnault C, Heidmann O, Vernochet C, Heidmann T.Philos Trans R Soc Lond B Biol Sci. 2013 Aug 12;368(1626):20120507. doi: 10.1098/rstb.2012.0507. Print 2013 Sep 19. Review.

Ref 2 : A pair of co-opted retroviral envelope syncytin genes is required for formation of the two-layered murine placental syncytiotrophoblast. Dupressoir A, Vernochet C, Harper F, Guegan J, Dessen P, Pierron G, Heidmann T. 2011. Proc. Natl Acad. Sci. USA 108, E1164–E1173. (doi:10.1073/pnas. 1112304108)

Ref 3 : The placenta goes viral: Retroviruses control gene expression in pregnancy. Chuong EB (2018) The placenta goes viral: Retroviruses control gene expression in pregnancy. PLoS Biol 16(10): e3000028. https:// doi.org/10.1371/journal.pbio.3000028

Ref 4 : Captured retroviral envelope syncytin gene associated with the unique placental structure of higher ruminants. Cornelis G, Funk M, Vernochet C, Leal F, Tarazona OA, Meurice G, Heidmann O, Dupressoir A, Miralles A, Ramirez-Pinilla MP, Heidmann T. Proc Natl Acad Sci U S A. 2017 Dec 19;114(51):E10991-E11000. doi: 10.1073/pnas.1714590114. Epub 2017 Nov 2.

Ref 5 : Anthropoid primate±specific retroviral element THE1B controls expression of CRH in placenta and alters gestation length. Dunn-Fletcher CE, Muglia LM, Pavlicev M, Wolf G, Sun M-A, Hu Y-C, et al. (2018). PLoS Biol 16(9): e2006337. https://doi.org/10.1371/journal.pbio.2006337 PMID: 30231016


Article rédigé par Dominique Morello, chercheuse en biologie moléculaire au CNRS, ex-chargée de mission au Muséum de Toulouse
Mis en ligne le 25 avril 2019


Crédit photo : CC by SA Wei Hsu and Shang-Yi Chiu via Wikipedia

 

21/03/2020

Covid-19 : fin de partie ?! par Jean-Dominique Michel

Source :

http://jdmichel.blog.tdg.ch/archive/2020/03/18/covid-19-f...

 

Telle était la tonitruante affirmation proférée le 26 février dernier par le meilleur infectiologue au monde (selon le classement expertscape), accueillie pourtant avec scepticisme et même sarcasmes par la communauté scientifique. Trois semaines plus tard, la réalité est en train de lui donner raison. Révélant au passage que nous aurions à peu près tout faux face au virus. Ce qui est en fait une excellente nouvelle !

Nous voici donc nous dit-on en « état de guerre ». Nouveauté certes pour nos générations qui (sauf pour les plus anciens) n’ont connu que des temps de paix. L’Europe est sous un quasi-couvre-feu, avec une restriction massive des libertés individuelles et une casse économique et sociale qui promet d’être dramatique. Les discours des chefs d’état s’enflamment à qui mieux mieux: nous sommes « attaqués », l’ennemi est « invisible », « sournois », « redoutable » mais nous en viendrons à bout ! Ce genre de vocabulaire paraît d’un autre âge. La réalité est plus prosaïque : nous subissons la contamination à large échelle par un virus qui est un pur produit de la rencontre entre la bêtise humaine (l’entassement dans des cages d’animaux sauvages de diverses espèces dans des marchés insalubres…) et de l’inventivité du vivant. La bestiole a donc franchi la barrière inter-espèces et s’est propagé à partir de là entre humains. Ce n’est pas une guerre, nous ne pourrons jamais vaincre ou éradiquer cette créature. Nous prémunir contre ses dégâts si, puis nous aurons à apprendre à vivre avec elle. Ce qui réclame une autre intelligence que celle des slogans martiaux sanitaires…

 

Précaution liminaire

Je l’ai dit et le répète : en ces temps de mobilisation collective, nous avons tous à respecter scrupuleusement les mesures qui sont imposées. Même si on doute de celles-ci ou qu’on les trouve inadaptées, aucun d’entre nous ne peut se donner le droit de suivre sa propre idée. Cette compliance -que je n’ai cessé de prôner- m’habite inconditionnellement.

Par contre, cette obéissance civile ne doit surtout pas conduire à une interdiction de penser ou de parler. Nous vivons des temps hautement traumatiques, avec des dégâts sur la population qui seront considérables. Donner sens à ce que nous vivons, nous renseigner, oser poser des questions est non seulement un droit inaliénable mais aussi une nécessité vitale !

J’ai lu passablement de commentaires ironiques sur le nombre soudain de virologues ou d’épidémiologies amateurs s’exprimant sur les réseaux sociaux, ce que je peux comprendre. Mais je pense à l’inverse que plus les citoyennes et citoyens s’intéresseront à ce qui nous arrive, plus ils s’informeront ou même se documenteront, mieux cela nous aidera à mettre en dialogue ce que nous vivons, ce qui essentiel à la fois pour notre santé psychique individuelle et notre résilience collective.

On m’a parfois objecté que j’avais une responsabilité en tant que scientifique, que les analyses que je pouvais faire (toutes pertinentes qu’elles soient) risquaient d’être mal interprétées ou pousser les gens à faire n’importe quoi. Je le rappelle donc : nous avons tous à suivre sans discuter les instructions des autorités. Et abstenons-nous strictement de toute automédication, en particulier en ce qui concerne les substances que je mentionnerai plus loin. Utilisées hors suivi médical strict, elles peuvent en effet être dangereuses. Ceci posé, allons-y !

 

D’où je parle…

Je suis anthropologue de la santé et expert en santé publique. Mon métier consiste depuis plus de 30 ans à étudier les pratiques des soins et les dispositifs sanitaires. J’arrive à un âge où l’on sait (hopefully) qu’on n’est pas le nombril du monde et (sauf exception) qu’on n’a pas inventé le fil à couper le beurre. J’ai quelques références dans mon domaine, comme celle d’être (malgré  l'embarrassante immodestie de ce propos) un des meilleurs connaisseurs actuels des processus de salutogenèse et de rétablissement ainsi que des déterminants de la santé. Ce qui m’a valu d’être invité à enseigner dans une quinzaine de programmes universitaires et de hautes écoles en santé (Facultés de médecine de l’UNIGE et de l’UNIL, EPFL, IHEID, Universités de Montréal, Fribourg, Neuchâtel, etc.) J’ai exercé ma profession hors des milieux académiques, préférant agir au sein des politiques de santé ainsi que sur le terrain. J’ai créé différents dispositifs socio-sanitaires innovants, en particulier en santé mentale, dont certains font encore référence aujourd’hui.

Je m’excuse pour ce petit étalage. C’est le prix à payer pour me prévaloir d’une (modeste) compétence quant à ce que je vais maintenant avancer.

 

Banal ou pas banal ?

Depuis le début de l’émergence du coronavirus, je partage mon analyse qu’il s’agit d’une épidémie  banale. Le terme peut choquer quand il y a des morts, et a fortiori dans la crise sanitaire et la dramaturgie collective hallucinée que nous vivons. Pourtant, les données sont là : les affections respiratoires habituelles que nous vivons chaque année font bon an mal an 2'600'000 morts à travers le monde. Avec le Covid-19, nous en sommes, au quatrième mois, à 9'000 décès, et avec le pays initialement le plus touché qui est parvenu à juguler l'épidémie. Nous sommes très très loin d'avoir un effet statistiquement significatif au regard de la mortalité habituelle et en particulier de la surmortalité saisonnière.

Je l’ai dit et je le répète : le même traitement politique ou journalistique appliqué à n’importe quel épisode de grippe saisonnière nous terrifierait tout autant que l’épidémie actuelle. Comme la mise en scène (avec décompte en live des victimes) de n’importe quel problème sanitaire d’envergure, qu’il s’agisse des maladies cardiovasculaires, des cancers ou aux effets de la pollution atmosphérique nous ferait frissonner d’effroi tout autant et même infiniment plus !

Nous savons aujourd’hui que le Covid-19 est bénin en l'absence de pathologie préexistante. Les plus récentes données en provenance d'Italie confirment que 99% des personnes décédées souffraient d'une à trois pathologies chroniques (hypertension, diabète, maladies cardiovasculaire, cancers, etc.) avec un âge moyen des victimes de 79,5 ans (médiane à 80,5) et très peu de pertes en-dessous de 65 ans.

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 Les quatre plus grands facteurs à l'origine des maladies chroniques étant :

- La malbouffe.

- La pollution.

- Le stress.

- La sédentarité.

Les maladies chroniques seraient évitables à 80% si nous nous donnions les moyens de protéger la population plutôt que de sacrifier sa santé au profit d'intérêts industriels. Nous avons depuis des décennies accordé des facilités coupables à des industries hautement toxiques au détriment du bien commun et de la santé de population (pour un développement de ce constat, se référer à l’article suivant).

Il faut oser le dire : ce n’est pas le virus qui tue (il est bénin pour les personnes en bonne santé), ce sont les pathologies chroniques qu’on a laissé se développer depuis des décennies.

 

Stats et probas en folie

Il y a un autre problème : les taux en particulier de complications et de mortalité qu’on nous brandit sous le nez jour après jour ne veulent rien dire. En l’absence de dépistage systématique de la population, nous n’avons aucune donnée fiable à laquelle référer les données dont nous disposons (nombre de cas déclarés et de décès).

C’est un classique en épidémiologie : si vous ne dépistez que les morts, vous parviendrez à 100% de taux de mortalité ! Si vous ne testez que les cas critiques, vous en aurez moins mais encore beaucoup plus qu’en réalité. Si vous dépistez beaucoup, vous aurez beaucoup de cas alors que si vous dépistez peu, le nombre de cas sera faible. La cacophonie actuelle ne permet juste pas d’avoir la moindre idée de la progression réelle du virus et de sa diffusion.

Les estimations les plus crédibles laissent penser que le nombre de personnes déclarées est très largement inférieur (dans un facteur allant  selon les meilleures estimations jusqu'à 1/47) au nombre de personnes réellement infectées, dont à peu près la moitié ne se rendra même pas compte qu’elle a contracté le virus. Pour un redoutable tueur, il est parfois plutôt sympa…

Nous n’avons donc à ce stade aucune idée de l’ampleur réelle de la propagation du virus. La bonne nouvelle est que les données réelles (en particulier les taux de complications et de mortalité) ne peuvent être que largement inférieures à ce qui est couramment avancé. La mortalité réelle, comme annoncé dans un précédent article, doit en fait s'établir au plus à 0,3% et probablement encore moins. Soit moins du dixième des premiers chiffres avancés par l’OMS.

Les dernières statistiques en provenance de Chine évaluent à 800'000 le nombre de personnes infectées (et donc très probablement immunisées) pour 3'118 décès. Soit effectivement un taux de mortalité de 3/1000.

 

Fin du monde ou pas ?!

Pareillement, les projections qui sont faites pour imaginer le nombre de morts possibles sont rien moins que délirantes. Elles reposent sur un « forçage » artificiel et maximal de toutes les valeurs et coefficients. Elles sont faites par des gens qui travaillent dans des bureaux, devant des ordinateurs et n’ont aucune idée ni des réalités de terrain, ni de l’infectiologie clinique, aboutissant à des fictions absurdes. On pourrait leur laisser le bénéfice de la créativité et de la science-fiction. Malheureusement, ces projections, littéralement psychotiques, font des dégâts massifs.

Mon expérience en santé mentale me fait éviter strictement les expressions toutes faites comme « schizophrénie » ou « psychose », qui sont à peu très toujours utilisées abusivement et d’une manière désobligeante pour les personnes concernées. Médicalement, la psychose se caractérise par des distorsions cognitives, perceptuelles et affectives entraînant une perte de contact avec la réalité. Ici, le terme est hélas pleinement indiqué.

J’en appelle à mes collègues de la Faculté de médecine et autres instituts universitaires pour qu’ils arrêtent de produire et de colporter des modélisations fausses et anxiogènes. Ces experts se protègent en reconnaissant par précaution de langage le caractère outrancier de leurs formalisations, les journalistes le mentionnent scrupuleusement (c’est à leur crédit), on n'en construit pas moins diligemment un sentiment de fin du monde qui non seulement n’a absolument pas lieu d’être, mais de surcroît est lui-même profondément nocif !

On peut certes donner crédit à nos dirigeants d’envisager le pire du pire du pire sur la base de ces élucubrations pour ne surtout pas prendre le moindre risque qu’il se produise. En attendant, on construit une hallucination -collective- sur la base de chiffres qui ne veulent rien dire.  La réalité, à nouveau, est que cette épidémie est largement moins problématique et dangereuse que ce qui est affirmé, le visionnement de la première vidéo référencée en fin d’article donnera au lecteur (ou la lectrice) les éléments nécessaires à comprendre le bien-fondé de cette affirmation.

 

Oui, mais tous ces morts et ces services engorgés ?!

C’est hélas le vrai point noir : s’il n’y avait pas ces cas graves, l’épidémie serait insignifiante. Il se trouve qu’elle entraîne des complications rares mais redoutables. Comme me l'écrivait le Dr Philippe Cottet, en première ligne aux HUG : « il faut le dire, les pneumonies virales sont rarissimes d’habitude en Suisse. Elles ont un tableau clinique fruste et d’évolution parfois fulminante, dont les signes annonciateurs sont difficilement identifiables face aux cas plus bénins. C’est un réel challenge clinique, sans compter le nombre de cas simultanés... »

C’est l’existence de ces cas graves (estimés de manière absurde à 15% des cas, probablement en réalité 10 fois moins) qui justifie que l’on ne s’en remette pas simplement à l’immunité de groupe. On nomme ainsi ce processus par lequel chaque personne qui contracte le virus et n'en meurt pas s’immunise, la multiplication des immunisés conduisant à un effet collectif de protection immunitaire…

En l’absence -jusqu’à il y a peu- de traitement pour protéger ou guérir les personnes à risque, le choix de laisser l’immunité se construire en laissant circuler le virus est apparu comme étant trop dangereux. Le risque pour les personnes vulnérables est tel qu’il s’avèrerait éthiquement indéfendable de prendre cette direction, du fait de la gravité des conséquences possibles.

C'est une des difficultés de la santé publique : la médecine comme le journalisme travaillent dans le cas particulier. En médecine, c'est pour cela par exemple qu'il n'y a pas "remède-miracle". Chaque personne sera susceptible de réagir différemment à un traitement.

En journalisme, on cherche à illustrer une thématique avec des cas particuliers, en montrant donc des images et paroles souvent choquantes. En santé publique, on n'agit pas à ce niveau "narratif" singulier. On collecte des données pour voir les contours exacts d'une problématique. Ainsi en Italie, seuls 7 des 2'500 premiers décès concernaient des personnes âgées de moins de 50 ans. Ces cas existent, mais ils sont heureusement marginaux.

Un possible motif d'inquiétude en revanche est cette affirmation qu'il y aurait des personnes jeunes en quantité non négligeable atteintes de pneumonie et placées sous assistance respiratoire. Elles semblent heureusement survivre, mais c'est bien le nombre de lits en soins intensifs qui est dès lors à risque de poser problème si l'encombrement des services der réanimation se poursuivaient.

C’est dans ce paradoxe compliqué entre la très grande innocuité du virus pour l'immense majorité des gens et sa dangerosité extrême dans certains cas que nous sommes trouvés coincés. Nous avons alors adopté des mesures absolument contraires aux bonnes pratiques : renoncer à dépister les personnes possiblement malades et confiner la population dans son ensemble pour enrayer la diffusion du virus. Mesures à vrai dire moyenâgeuses et problématique puisqu’elles ne ralentissent l’épidémie qu’au risque de phénomènes de rebond potentiellement encore pires. Et qu’elles enferment tout le monde alors qu’une faible minorité seulement est concernée. Toutes les recommandations en santé publique sont à l’inverse de dépister le plus de cas possibles, et de confiner uniquement les cas positifs le temps qu’ils ne soient plus contagieux.

Le confinement général constitue un pauvre pis-aller face à l'épidémie dès lors qu’on manque de tout ce qui permettrait de lutter efficacement contre elle

Pourquoi en est-on arrivé là ? Simplement parce que nous avons défailli à mettre d’emblée en place les bonnes réponses. Le manque de tests et de mesures de dépistage en particulier est emblématique de ce naufrage : alors que la Corée, Hong-Kong et la Chine en faisaient la priorité absolue, nous avons été d’une passivité invraisemblable à organiser la mise à disposition de quelque chose de techniquement simple.

Les pays mentionnés ont mis à profit l’intelligence artificielle notamment pour identifier les chaînes de transmissions possibles pour chaque cas positifs (avec les smartphones, on peut par exemple faire l’inventaire des déplacements et donc des contacts que les personnes infectées ont eu avec d’autres personnes dans les 48h précédent l’apparition des symptômes).

Enfin, nous avons réduit de manière importante la capacité de nos hôpitaux au cours de la décennie écoulée et nous retrouvons en manque de lits de soins intensifs et de matériel de réanimation. Les statistiques montrent que les pays les plus touchés sont ceux qui ont réduit massivement les capacités des services de soins intensifs.

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Rien de tout ceci n’a été pensé, alors que le risque de pandémie est un risque sanitaire majeur. La vérité, c’est que nous avons été complètement dépassés. C’est évidemment plus facile de jouer sur les métaphores guerrières que de reconnaître notre tragique impréparation…

 

Fin de partie ?!

Le premier expert mondial en matière de maladies transmissibles s’appelle Didier Raoult. Il est français, ressemble au choix à un Gaulois sorti d’Astérix ou un ZZ top qui aurait posé sa guitare au bord de la route. Il dirige l’Institut hospitalier universitaire (IHU) Méditerranée-Infection à Marseille, avec plus de 800 collaboratrices et collaborateurs. Cette institution détient la plus terrifiante collection de bactéries et de virus « tueurs » qui soit et constitue un des meilleurs centres de compétences en infectiologie et microbiologie au monde. Le Pr Raoult est par ailleurs classé parmi les dix premiers chercheurs français par la revue Nature, tant pour le nombre de ses publications (plus de deux mille) que pour le nombre de citations par d’autres chercheurs. Il a suivi depuis le début du millénaire les différentes épidémies virales qui ont frappé les esprits et noué des contacts scientifiques étroits avec ses meilleurs collègues chinois. Parmi ses hauts faits, il a découvert des traitements (notamment avec la chloroquine…) qui figurent aujourd’hui dans tous les manuels d’infectiologie au monde.

Le 26 février, il publiait donc une vidéo retentissante sur un canal en ligne (comprenant le mot « tube ») pour affirmer : « Coronavirus, fin de partie ! »

La raison de son enthousiasme ? La publication d’un essai clinique chinois sur la prescription de chloroquine, montrant une suppression du portage viral en quelques jours sur des patients infectés au SARS-CoV-2. Des études avaient déjà montré l’efficacité de cette molécule contre le virus en laboratoire (in vitro). L’étude chinoise confirmait cette efficacité sur un groupe de patients atteints (in vivo). Suite à cette étude, la prescription de chloroquine fut incorporée aux recommandations de traitement du coronavirus en Chine et en Corée, les deux pays qui sont le mieux parvenus à juguler l’épidémie…

La chloroquine est une molécule mise sur le marché en 1949, largement utilisée comme antipaludique. Tous les voyageurs des pays tropicaux se souviendront des comprimés de nivaquine (un de ses noms commerciaux) qui leur étaient prescrits à titre préventif contre la malaria. Ce remède a ensuite été remplacé par d’autres pour certaines zones géographiques, restant en usage pour certaines destinations.

L’hydroxychloroquine (nom commercial : plaquenil) a quant à elle été préparée en 1955 et présente une hydroxylation sur un des deux groupes éthyle de la chaine latérale.

 

So what ?!

Pourquoi vous parler de cela ? Eh bien parce que le Pr Raoult et ses équipes sont les meilleurs spécialistes actuels au monde de l’utilisation de la chloroquine. Il avait notamment eu l’idée géniale de l’essayer contre des bactéries intracellulaires (qui pénètrent les cellules comme les virus), en particulier les Ricksettia. L’IHU de Marseille dispose donc d’une expérience clinique et pharmacologique sans équivalent quant à l’usage de cette molécule.

La chloroquine a également démontré une puissante efficacité thérapeutique contre la plupart des coronavirus, dont le redouté SRAS de sinistre mémoire. Raoult trouva donc dans l’essai clinique chinois la confirmation que la chloroquine était aussi indiquée contre le Covid-19.

Il fut toutefois accueilli comme un cheveu sur la soupe, ses confrères dénigrant d’emblée sa proposition. Les journalises du Monde allèrent même jusqu’à qualifier sa communication de « fake news », accusation reprise sur le site du ministère de la santé pendant quelques heures avant d’être retirée.

Le Pr Raoult obtint pourtant dans la foulée l’autorisation de conduire un essai clinique sur 24 patients dans son service et fut appelé à faire partie du comité pluridisciplinaire de 11 experts formé en mars par l'exécutif français, afin "d'éclairer la décision publique dans la gestion de la situation sanitaire liée au coronavirus".

Les résultats de l’essai clinique étaient attendus avec impatience, en premier chef par votre serviteur. Nous savons la prudence requise face à de substances prometteuses et l’importance de ne rien avancer avant que la recherche confirme ou non une hypothèse La science n’est ni divination ni magie, elle est observation, test, puis le cas échéant validation.

Les résultats de son étude clinique sont sortis hier, confirmant l’obtention d’effets thérapeutiques spectaculaires. La méthodologie est robuste, puisque l’IHU de Marseille a pu comparer la négativation du portage viral chez les patients qui ont suivi le protocole avec des patients d’Avignon et de Nice qui n’ont pas reçu le traitement.

« Ceux qui n’ont pas reçu le Plaquenil [médicament à base d’hydroxychloroquine] sont encore porteurs à 90 % du virus au bout de six jours, tandis qu’ils sont 25 % à être positifs pour ceux qui ont reçu le traitement », explique le professeur Raoult.

Mais ça ne s’arrête pas là :  l’IHU Méditerrannée- Infection conseille (comme d’autres) depuis longtemps de donner concomitamment un antibiotique dans les infections virales respiratoires « parce qu’elles se compliquent surtout de pneumopathies. Donc tous les gens qui présentaient des signes cliniques qui pouvaient évoluer vers une complication bactérienne de pneumopathie, on leur a donné de l’Azithromycine. Il a été démontré que ça diminue les risques chez les gens qui ont des infections virales. L’autre raison, c’est que l’Azithromycine a montré en laboratoire qu’elle était efficace contre un grand nombre de virus, bien que ce soit un antibiotique. Donc quitte à choisir un antibiotique, on préférait prendre un antibiotique efficace contre les virus. Et quand on compare le pourcentage de positifs avec l’association hydroxychloroquine et Azithromycine, on a une diminution absolument spectaculaire du nombre de positifs. » ajoute-t-il.

 

Portage viral ?

Une étude publiée dans la revue Lancet le 11 mars avait entretemps révélé une donnée nouvelle mais essentielle : le temps de portage viral (durée entre le début et la fin de l’infection- et donc de contagiosité possible) s’avère supérieur à ce que l’on croyait, avec une durée moyenne de 20 jours. Avec l’association hydroxychloroquine / azithromycine, cette durée est réduite à 4-6 jours.

La réduction drastique du temps de portage viral donne non seulement l’espoir de traiter les cas critiques, mais aussi de réduire le temps nécessaire à une personne infectée pour ne plus être contagieuse. Et donc présente des perspectives énormes pour prévenir la propagation du virus. Cette nouvelle est bien sûr la meilleure nouvelle que l’on pouvait attendre. Les autorités et les scientifiques l’ont donc accueillie avec joie penserez-vous…

Eh bien que nenni ! Les réactions qui se sont fait entendre disputaient dans un premier temps la bêtise à la méchanceté.

Certes, ni les études chinoises, ni l’essai clinique marseillais n’a valeur de preuve (« evidence ») selon les critères de la recherche scientifique. Une réplication des résultats par d’autres équipes est requise, sans même parler d’une étude randomisée en double-aveugle, le top of the pop des méthodologies de recherche.

Mais diable ! nous sommes dans une situation d’urgence. La chloroquine est un des médicaments les mieux connus et les mieux maîtrisés (en particulier par l’IHU de Marseille). On peut donc tabler sur une très solide expérience relative au sujet de sa prescription. Se réfugier derrière un intégrisme procédural est éthiquement indéfendable dès lors qu’on parle d’un médicament qu’on connaît par cœur, qui a déjà démontré son efficacité sur d’autres coronavirus, confirmée sur celui-ci par deux essais cliniques, et alors que des vies sont en jeu jour après jour !

Raoult a relevé avec ironie qu’il n’était pas impossible que la découverte d’un nouvelle utilité thérapeutique pour un médicament tombé de longue date dans le domaine public soit décevant pour tous ceux qui espèrent un prix Nobel grâce à la découverte fracassante d’une nouvelle molécule ou d'un vaccin… sans oublier la perspective des dizaines de milliards de dollars de revenus à prendre, là où la chloroquine ne coûte littéralement rien.

 

Célébration des soignants !

Depuis quelques jours, la population confinée s’exprime chaque jour pour rendre hommage aux soignants et les soutenir dans les circonstances éprouvantes qu’ils vivent. Il s’agit d’une belle expression de solidarité, évidemment méritée par des professionnel-les remarquables d’abnégation et d’engagement, au front de cette lourde souffrance et de ce nouveau danger.

Dans les cercles des sommités, les choses sont hélas en général moins reluisantes. La recherche et l’autorité médicales sont aussi souvent faites de mesquineries, de manipulations, de malhonnêtetés ou d’abus en tous genres, ainsi que de pitoyables mais violents combats d’ego.

Sur BFM TV, le Dr Alain Durcadonnet cassait aussitôt du sucre sur le dos de Raoult en rappelant qu’une conclusion scientifique se publiait dans des revues scientifiques et non pas par vidéo… Ceci alors, que dans sa communication, le Pr Raoult (le chercheur français qui, rappelons-le, a le plus publié dans les revues scientifiques dans son domaine) venait évidemment de préciser que l’article décrivant son essai clinique avait été envoyé pour publication à une revue à comité de lecture. Cette anecdote montrant le niveau, comme les suivantes.

Le 1er mars, bien après la publication du premier essai clinique chinois, le directeur général de l'Assistance Publique - Hôpitaux de Paris, Martin Hirsch, disait ainsi au micro d’Europe 1 : "La chloroquine marche très bien dans une éprouvette, mais n’a jamais marché chez un être vivant", ce qui était déjà parfaitement faux !

Dans les retours de la presse nationale, l’insistance est mise lourdement sur le risque du surdosage avec la chloroquine, effectivement toxique au-delà de 2 gr/jour en l’absence de comorbidité somatique. Les chinois ont privilégié des doses de 2x 500 mg/jour pendant leur essai. Raoult et son équipe, trouvant ce dosage excessif, préférant opter pour 600mg/jour. L’objection est donc d’une consternante vacuité- rappelons que nulle équipe clinique ne connaît mieux cette molécule que celle de Méditerranée-Infection. Cela reviendrait à dire à une équipe de neurologues au sujet du Dafalgan : ouh là là, attention, il peut être toxique s’il est mal utilisé, donc ce n’est vraiment pas une bonne idée d'envisager de traiter les maux de tête avec ce médicament !

On invoqua (si, si, lisez la presse !) les risques liés à une utilisation prolongée, là où le traitement proposé dure en moyenne 6 jours.  L’IHU dispose de surcroît de l’expérience de prescriptions exceptionnelles au long cours (jusqu’à deux ans !) dans le cadre du traitement de certaines bactéries intracellulaires. On a beau savoir qu’il est bon d’être charitable avec son prochain, des fois la bêtise combinée à la malhonnêteté rendent la chose ardue...

D’autres insistèrent (et insistent encore) sur le fait qu’on ne peut tirer de conclusions définitives sur la base d’essais cliniques. Ce qui est tout-à-fait juste dans l’absolu mais s’applique mal au cas présent, étant donnée la parfaite connaissance de cette molécule ! Situation absurde résumée ainsi par Raoult : « Il y a une urgence sanitaire et on sait guérir la maladie avec un médicament que l'on connaît parfaitement. Il faut savoir où on place les priorités. » Face à la réalité de l'épidémie, il préconise d’arrêter de s'affoler et de détecter les malades sans attendre que leur cas s'aggrave pour mieux les traiter.

 

Le problème va plus loin…

La solitude de la compétence extrême ?! Raoult explique comment Emmanuel Macron est venu le chercher après sa première annonce publique du 26 février et l’étrange expérience qui a été depuis la sienne dans le cercle d’experts qui conseille le martial président. A la question posée par un journaliste de Marianne : « Y êtes-vous  entendu ? », il répond : « J'y dis ce que je pense, mais ce n'est pas traduit en acte. On appelle cela des conseils scientifiques, mais ils sont politiques. J'y suis comme un extra-terrestre. »

C’est sa certitude, évidemment inconfortable pour les autorités : avec les mesures prises actuellement contre l’épidémie, on marche sur la tête. Nos pays ont renoncé (contrairement aux Chinois et aux Coréens) au dépistage systématique au profit d’un confinement dont le Pr Raoult souligne qu’il n’a jamais été une réponse efficace contre les épidémies. C’est un réflexe ancestral de claustration (comme à l’époque du choléra et du Hussard sur le toit de Giono). Confiner chez eux des gens qui ne sont pas porteurs du virus est infectiologiquement absurde- le seul effet d’une telle mesure est de détruire l’économie et la vie sociale. Un peu comme bombarder une ville pour en éloigner les moustiques porteurs de malaria…

La seule voie qui fasse sens selon lui est de confiner les porteurs du virus uniquement, et de les traiter en cas de besoin soit pour éviter de terribles complications comme celles que l’on voit, soit pour réduire le temps pendant lequel elles sont contagieuses.

En Suisse comme en France (et partout en Occident), la décision prise est de confiner les gens chez eux, malades ou non. Quand ils sont malades, on attend qu’ils aillent mieux puis (du fait de la durée de portage viral), on les laisse ressortir alors qu’ils sont en fait encore contagieux ! Les personnes à risque, elles, développent parfois des complications, en particulier une détresse respiratoire aiguë qui les conduit aux urgences. Elles viennent alors engorger les services de soins intensifs, et, pour certains malades, y mourir alors qu’affirme Raoult, on aurait pu les traiter avant !

Confiner l’ensemble de la population sans dépister et sans traiter, c’est digne du traitement des épidémies des siècles passés.

La seule stratégie qui fasse sens est de dépister massivement, puis confiner les positifs et/ou les traiter, tout comme les cas à risque puisque c’est possible, comme on le voit en Chine et en Corée, qui ont intégré l’association de dépistages massifs avec la prescription de chloroquine dans leurs treatment guidelines.

Ni Hong Kong ni la Corée, deux territoires qui ont connu les plus faibles taux de mortalité face au Covid-19 n’ont imposé de confinement aux personnes saines. Elle se sont simplement organisées différemment.

 

La décadence de l’Occident

Elle est hélas criante et révélée ici dans toute sa crudité… Nous disposons d’une médecine de qualité, mais d’une santé publique moyenâgeuse. Le leadership technologique et scientifique est passé à l’Extrême-Orient depuis longtemps déjà, et notre nombrilisme intellectuel nous fait souvent nous raccrocher aux lanternes du passé plutôt qu’à la science d’aujourd’hui.

Des tests systématiques seraient faciles à instaurer, pour autant qu’on en fasse une priorité sanitaire et que l’on s’organise, ce que les Coréens ont fait en un temps record. En Europe, nous avons été complètement dépassés, comme si nous vivions dans un autre temps. Les autorités comprennent maintenant qu’il s’agit d’une priorité absolue -suivant en cela les recommandations insistantes de l’OMS.

Produire les tests ne présente aucune difficulté :« C’est de la PCR [réaction en chaîne par polymérase] banale que tout le monde peut faire, la question c’est l’organisation, pas la technique, ce n’est pas la capacité de diagnostic, nous l’avons, commente Raoult. C’est un choix stratégique qui n’est pas celui de la plupart des pays technologiques, en particulier les Coréens qui font partie, avec les Chinois, de ceux qui ont maîtrisé l’épidémie en faisant dépistage et traitement. On est capables dans ce pays comme n’importe où de faire des milliers de tests et de tester tout le monde. »

Certes, des régimes politiques plus disciplinés ou même autoritaires ont un avantage de compliance sociale, mais la question n’est pas là. Le problème, c’est bien nous. La France s’enfonce dans des polémiques sans fin avant même que qui que ce soit ait ouvert la bouche, pendant que son jupitérien président s’envole dans des pérorations antiques sur l’« état de guerre » en se contemplant dans un miroir… Dans notre pays, le Conseil fédéral a réagi sans agitation ni malice, mais en donnant comme toujours l’impression qu’on le réveillait déplaisamment de sa sieste.

Bref, pour notre pays qui se targue de sa qualité d’innovation et de biotech, c’est encore un peu la fête au village…

 

Le changement c’est maintenant ?!

Heureusement, on peut espérer que le vent change vite et bien. Le ministère de la santé français vient de mandater le CHU de Lille pour un essai visant à répliquer les résultats obtenus à Marseille. Rappelons que des essais probants ont déjà été menés en Chine et en Corée -mais en France on tient en général que ce qui vient de l’étranger est indigne du génie français.  Quelques services hospitaliers et leurs médecins-chefs sont capables d’envisager qu’ils se sont trompés, c’est par exemple le cas du Pr Alexandre Bleibtreu de l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, qui a tweeté récemment avec humour :

Bleibtreu.png

L’intérêt pour la chloroquine est désormais mondial avec des équipes travaillant aux quatre coins du monde. Si l’efficacité aujourd’hui très probable du médicament se confirme, ce sera un major game-changer.

Une fois les personnes à risque de complications diligemment traitées, les innombrables infections bénignes dues au SARS-CoV-2, que nous serons très nombreux à vivre, pourvoiront l’immunité de masse qui ravalera cette « pandémie » au rang de sale mésaventure.

Le dépistage de masse est désormais enfin une priorité sanitaire. Le temps d’organiser la capacité d’analyses des laboratoires, nous y aurons tous progressivement droit. Le laboratoire Sanofi vient par ailleurs de proposer au gouvernement français de produire gratuitement un million de de doses de chloroquine.

Et si la molécule ne tenait pas ses promesses ? C’est bien sûr une hypothèse possible, même si elle est à ce stade peu probable. D’autres médicaments sont actuellement en voie d’examen, notamment des antiviraux connus (comme le Favipiravir) testé en Chine également avec des premiers résultats cliniques encourageants. Selon une nouvelle tombée ce matin :

"La Chine a achevé une recherche clinique sur le favipiravir, un médicament antiviral présentant une bonne efficacité clinique contre le nouveau coronavirus (COVID-19).

Le favipiravir, médicament antigrippal dont l'utilisation clinique a été approuvée au Japon en 2014, n'a provoqué aucune réaction adversaire évidente dans l'essai clinique, a révélé Zhang Xinmin, directeur du Centre national du développement biotechnologique de Chine relevant du ministère des Sciences et des Technologies, lors d'une conférence de presse.

Le favipiravir a été recommandé aux équipes de traitement médical et devra être inclus le plus vite possible dans le plan de diagnostic et de traitement du COVID-19, a-t-il fait savoir."

Ce qui est frappant autour de la chloroquine, c’est la religiosité du débat que cette option provoque  -un classique toutefois en science. Raoult est décrit comme une espèce de gourou (malgré ses états de service scientifiques remarquables) et on décrit la « croyance » en ce médicament comme étant l’attente d’un « remède-miracle » qui égarerait les gens en faisant miroiter des « espoirs impossibles ».

Heureusement, il reste une démarche qui s’appelle la science et qui vise justement à passer du registre des opinions (chacun voit le monde à sa manière) au savoir (ce que l’on a éprouvé, vérifié et validé indépendamment des opinions personnelles).

Si les résultats obtenus à Marseille et Chine se démentent, alors l'hallucination collective dans laquelle nous sommes engoncés se poursuivra, avec de très lourdes conséquences sur notre société, nos mode de vie, notre santé psychique et sociale. Si en revanche ils se confirment, on aura fait un pas de géant pour sortir de cette lourde gonfle, et ce sera alors bel et bien « Fin de partie ! pour le Covid ». Nous aurons appris bien des choses au passage.

 

Hommage aux autorités

Il n’est pas dans mes habitudes d’être complaisant avec les autorités. J’ai trop souvent vu les ravages de la flatterie et de la veulerie (comme de la critique gratuite ou du procès d'intention) pour tomber dans le piège. Ici, on entend bien des critiques qui me semblent injustes. Oui, notre système de santé n’en est pas vraiment un, on a une industrie de la maladie – ce qui n’est pas pareil. Oui, nos réponses sanitaires sont incroyablement poussiéreuses et même dépassés. Oui, le Conseil fédéral a des godasses de plomb -ce a aussi d'ailleurs parfois ses avantages.

Mais je tiens à dire mon sentiment que la réaction des autorités fédérales et cantonales a été proportionnée à ce que nous savions et ne savions pas. Il est facile de dire qu’il aurait fallu fermer les frontières il y a un mois dans un monde où la menace était encore peu visible et où nous aurions été les seuls à le faire.

Tout fermer conduit inévitablement à un désastre économique et social. En l’absence des moyens d’appliquer la meilleure stratégie (dépistage – confinement – traitement), recourir à un « lock-down » est une mesure archaïque et peu efficace, mais la seule qu'il était possible de prendre.

A Genève en particulier, le Conseil d’Etat (avec MM. Mauro Poggia et Antonio Hodgers en première ligne) a été solide, humain, rassurant, et clair, agissant avec calme et un indéniable sens de la proportionnalité.

Une fois l'urgence passée, il faudra bien en revanche que les responsables sanitaires et politiques rendent des comptes sur la manière dont ils se seront révélés totalement pris de court par un risque sanitaire parfaitement identifié, avec une situation en l'occurrence très peu grave par rapport à ce que serait une vraie pandémie tueuse.

Rappelons que le risque pandémique est redouté depuis plus de 30 ans, en provenance d'Extrême-Orient comme désomais des toundras subarctiques, à risque de libérer d'innombrables variétés de virus jusque là congelées sous le permafrost...

Un peu donc comme si dans une région à risque de tremblement de terre, on n'avait ni prévu de normes de construction antisismique ni de procédures de protection de la population ! Ceci alors que des cohortes de hauts fonctionnaires et universitaires étaient généreusement payés pour anticiper ces risques...

Il faudra aussi répondre de l'inaptitude à répondre vite et bien (comme d'autres nations) en requérant au besoin de manière contraignante la mise à disposition des capacités industrielles et scientifiques pour faire ce qu'il aurait fallu. Comme me l'indique un lecteur, la France est tout de même le leader mondial de la production de machines d'assistances respiratoires et sa capacité pharmaceutique est puissante.

Un dernière info enfin, qui nous incitera tous je l’espère à la prudence : les dernières données infectiologiques tenderaient à confirmer que les enfants ne sont que très peu porteurs et/ou contaminateurs du SARS-CoV-2. Si cette hypothèse se confirme, la fermeture des écoles ne serait en fait pas une mesure nécessaire. Les données que je relaye ici sont tombées cette semaine. Au moment où la fermeture a été décidée, on les ignorait- comme je le précisais dans mon blog précédent- il s'agissait donc d'une mesure de précaution, dont l'indication pourrait être démentie si les données en question se confirment.

Soyons donc patients et appliqués. Une fois cette hallucination collective passée, il sera alors temps de faire un rigoureux « post-mortem » des décisions sanitaires et de chercher à comprendre ce qu’il s’est passé pour qu’on génère cet invraisemblable gâchis sociétal…

 

Jean-Dominique Michel

 

Coronavirus, analyse des données épidémiques dans le monde : diagnostiquer doit être la priorité, intervention du Pr Raoult du 17 mars 2020.

Résultats de l’essai clinique réalisé à l’IHU Méditerranée-Infection à Marseille, présentation du Pr Raoult du 16 mars 2020

 

Fabriquer rapidement masque de protection sans couture

et j'ai retrouvé une vidéo où on voit un tuto de masque en pliage, j'ai trouvé ça en traduisant mes recherches en japonais via un traducteur en ligne, donc pour faire dans l'urgence, ça peut être bien, juste mieux vaut du tissu que du papier à condition de le laver après chaque utilisation donc d'en avoir plusieurs, on peut aussi les rincer à l'eau chaude et les mettre au congélo apparemment ça tuerait le virus (à vérifier).... à voir jusqu'au bout car plusieurs versions et donc à la portée de tout le monde même sans machine à coudre :-)

Protégez-vous et protégez les autres !!!

 

 

 

 

 

14:30 Publié dans AGIR | Lien permanent | Commentaires (0)

10/03/2020

Psychotropes et tueries de masse de Roger Lenglet

 

mars, 2019
13.50 x 21.50 cm
192 pages


ISBN : 978-2-330-11864-8


Lanceur d’alerte chevronné, Roger Lenglet enquête ici sur les effets secondaires des médicaments psychotropes (hypnotiques et antidépresseurs) prescrits massivement.

Et si ces traitements participaient à la prolifération des coups de folie meurtriers, ces démences qui voient des gens ordinaires métamorphosés en tueurs enragés et suicidaires (pilotes de ligne, soldats, étudiants, automobilistes et même adolescents menant des assassinats collectifs dans les écoles) ?  Il lève aussi le voile sur les substances distribuées aux combattants de tout bord (militaires, terroristes, enfants soldats…) pour les rendre toujours plus endurants, insensibles et agressifs jusqu’à tuer sans remords. Des substances transformant les êtres humains en armes vivantes ou en marionnettes.

La puissance destructrice de ce marché juteux n’a encore jamais fait l’objet d’une recherche aussi vaste. Celle-ci aborde non seulement de grandes affaires criminelles françaises, mais aussi quelques secrets du complexe militaro-industriel.

En s’appuyant sur des études médico-scientifiques et des documents historiques explosifs, Roger Lenglet cherche des pistes d’action contre la banalisation, le trafic et les prescriptions non contrôlées de ces médicaments capables de fabriquer des tueurs.