« La pensée vole et les mots vont à pied. Voilà le drame de l’écrivain », avait coutume de dire Julien Green. Le livre de Guy Girard, poèmes associés aux polaroïds de Christian Martinache, préface de Jean-Pierre Lassalle, Le Grand Tamanoir Editeur, 98 pages, 12 €, est un peu un démenti à la déploration de Green. La surréalité du monde est saisie au vol par les deux artistes. Et les mots ont chaussé les bottes de sept lieues pour marcher au rythme d’une pensée emballée. Le surréalisme qui a opéré la plus profonde des révolutions en poésie, certainement plus que dans les autres arts, et imprègne qu’on le reconnaisse ou non, notre poésie actuelle, compte toujours des adeptes de talents. Guy Girard, nous dit son préfacier Jean-Pierre Lassalle, poète surréaliste lui aussi, répond aux exigences énoncées par André Breton selon lesquelles « il n’y avait de poésie qu’avec le ton, l’image, le souffle ». Et, insiste Lassalle, l’originalité des images de Guy Girard « renouvelle la métaphore et l’hypallage : « la laine hilare des taupinières », "une petite fille de mercure qui nidifie sur la banquise de l’impatience », etc. Le poète est, par ailleurs, un plasticien : « il épie les faillites de l’objet », cette phrase est saluée par le préfacier comme « une phrase-prisme qui réfracte une part des interrogations de l’art contemporain ». Ce bien beau livre, avec des polaroïds en couleurs (pour 12 € !) de Christian Martinache, plasticien de haut vol, honore la poésie surréaliste, toujours présente et vivace. Nous solliciterons Jean-Pierre Lassalle, Mainteneur de l’Académie des Jeux Floraux de Toulouse, pour approfondir l’impact des surréalistes et évoquer aussi son œuvre personnelle. Lecture d’extraits du livre.
A signaler également,dans l’immédiat, l’article à lire pour mieux connaître la personnalité de René Nelli qui a été publié dans la revue « La sœur de l’ange » N° 14 (2015) : « René Nelli et Toulouse : des amours difficiles ».Nous reviendrons sur ce sujet et sur cet article dont le titre est loin de nous surprendre, dans une prochaine émission sur René Nelli.
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Un petit éditeur toulousain, ou plus exactement un éditeur indépendant, Jean-Pierre Paraggio, publie dans sa collection de l’umbo Passage du Sud-Ouest : « Où mes ruines sont fixes » de Mauro Placi avec un frontispice de Claude Barrère.
Des poèmes, comme des cris d’interrogation, dont le ton est magnifiquement résumé par l’auteur lui-même dans un des textes du livre :
" Poèmes d'un lent échouage, d'une accalmie funèbre, muette, qui tire sur la corde jusqu'à la voix.
Et pourtant une main qui consigne, qui parle long, qui voudrait convaincre les mots que l'exigence perdure, que le cœur n'est pas faible, que la Ville est ouverte, toujours. "
Il y a comme un renoncement douloureux dans ce recueil à la beauté noire envoûtante, parce qu’il y a, là aussi, le souffle, le ton, l’image.
Et le frontispice de Claude Barrère, qui tire sa force de la méticulosité du détail de sa fabrication, est désormais un « classique » de cet artiste dont le style affirmé est immédiatement repérable. En résumé, de la belle ouvrage que ce petit recueil publié par Jean-Pierre Paraggio.
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L’émission est ensuite consacrée à Gilles Lades. Elle sera suivie d’autres émissions sur ce poète qui vit à Figeac, ville où il est né en 1949. Il a été professeur de Lettres dans plusieurs académies, avant de retrouver le Lot au cours des années 80. Il a publié de nombreux recueils de poésie depuis 1977. Parmi les plus récents : "Lente lumière", éd. L'Armourier, 2002,"Le temps désuni", éd. Sac à mots, 2005, "Vue seconde", éd. Encres Vives, 2008, "Témoins de fortune", éd. L'Arrière Pays, 2010, "Au bout des pas de source", éd.Trames et La Porte, 2014.
Il est également l'auteur de récits et de nouvelles : "Dans le chemin de buis" éd. Le Laquet, 1998, "Sept solitudes" éd. Le Laquet, 2000, ainsi que d'études de paysages : "Rocamadour, le sanctuaire et le gouffre" éd. Tertium, 2006, "Les vergers de la Vicomté" éd. Tertium, 2010. Il a composé une anthologie des poètes du Quercy éd. Le Laquet, 2001.
La poésie de Gilles Lades occupe une place prépondérante, et bien cernée, dans la mosaïque de plus en plus vaste de la poésie d’expression française. Il est, par le ton, le voisin immédiat de son ami Michel Cosem. Une écriture irrépressible qui quitte le corps qui l’a créée et qui la retenait, avec une maîtrise savamment calculée. Lades est avant tout un orfèvre. Il cisèle la langue, l’enferme au cordeau dans les mots justes et suffisants. Tout est dans cet équilibre étincelant. L’homme est pudique, ce qui pourrait être un handicap en poésie. Mais il n’élude pas la réalité. C’est un poète de la lucidité. Il ne la crie pas. Il la laisse voir en filigrane. Dans certains recueils, l’angoisse est là, tapie sous quelques mots. Elle devient familière, non envahissante, inquiétude qu’il faut bien apprivoiser. Cette inquiétude inhérente à l’état deviné du monde, de la difficulté de s’harmoniser à ce monde, ne peut s’apaiser que dans le travail de création. Etre poète, c’est être un artiste au travail. Paradoxalement, pour trouver sa place dans le monde et chanter le monde, il faut se « défamiliariser » d’avec l’état entrevu de ce monde.
C’est ainsi que « la terre est bleue comme une orange ». Il faut énoncer le monde en le renouvelant. En l’offrant sous un jour surprenant mais plus juste ;
Et qu’est-ce qui accroche le regard de chacun ? Les lieux de notre présence, les lieux traversés. Dire les lieux, c’est peindre le particulier, le détail, unique, croit-on, et pourtant qui confine, s’il est bien saisi, à l’universel. Et à cet exercice, Gilles Lades, dans toute son œuvre de poésie de célébration, excelle. Ses mots précis, retenus, grattent le paysage jusqu’à l’os. Un de ses derniers recueils « Village à l’Embrasure » (Encres Vives, collection Lieu), avec une économie de mots poussée à son comble, cerne le réel d’après les photographies, subversives, comme toutes les photographies, de Jérémie Fauré. Et dans cette suite de poèmes fulgurants, à l’instar des instantanés du photographe, Gilles Lades construit son art et parvient par là-même à la sérénité : « devenir / le silence / de la paix / d’octobre ».
Lecture par Christian Saint-Paul de « Village à l’Embrasure ».
Dans « Chemins croisés » (La Porte éd. 2015, 3,83 € - livret à commander à Yves Perrine, 215 rue Moïse Bodhuin, 02000 Laon), le ton est plus ample, la phrase plus large. C’est la vie du poète qui remonte des profondeurs et l’interroge. La douceur de la mère, de l’été, du jardin, de la maison d’enfance, relie une nostalgie sans pathos, mesurée, mais terriblement lucide : « Pays qui s’en va / seul / avec ses morts / qui le regardent ». Un petit chef d’œuvre où le poète, à sa façon toujours pudique, maîtrisée, se livre intimement. Cette retenue donne une force à l’émotion qui est un grand plaisir de lecture.
Enfin, avec son ami Claude Barrère, poète et plasticien, Gilles Lades a fait paraître un livre d’artiste chez Trames « Une source au bout des pas », un régal pour les yeux, avec les gravures de Claude Barrère et le luxe de l’impression, et pour le texte conçu dans la perfection, de Gilles Lades.
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Chaque hiver
les troncs se redessinent
comme pour atteindre
la pureté du symbole
ils sont les remparts
d'un pacage tendre
dont la beauté brille
pour le seul inconnu,
dont le silence
habite la durée
comme l'arôme noir
les longs couloirs d'une maison
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Gilles Lades, un poète du siècle, à coup sûr. Qu’il faut lire dans le recueillement pour écouter cette voix ténue, mais vive, comme une musique envoûtante dans le silence.
Vous pouvez écouter les poèmes de Gilles LADES en cliquant sur : http://les-poetes.fr/emmission/emmission.htmlet en allant à l'émission du jeudi 2 juin 2015.
Nous retrouverons Gilles LADES qui s'expliquera sur son art, le jeudi 26 juin 2015.