à la salle attenante à la mairie
du Samedi 19 juillet 2014 au Dimanche 27 juillet 2014
Le vernissage aura lieu le samedi 19 juillet 2014 à 18 H
Vous y trouverez quelques-uns de mes tableaux à déguster sur place
et à emporter !
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Arrestation d'un Palestinien durant des échauffourées avec la police israélienne à Jérusalem Est le 25 juillet. | AP/Mahmoud Illean
A Souwaneh, l'un des quartiers « chauds » de Jérusalem-Est, les habitants marchent en se couvrant le visage ou se pinçant le nez. Personne ne traîne dans les rues. Est-ce le but de cette sanction collective ? Sans aucun doute. En obligeant les gens à se cloîtrer chez eux, les forces de l'ordre espèrent empêcher toute nouvelle manifestation. L'ennui est que la « dirty water » ne se contente pas de maculer les façades. Elle pénètre dans les habitations, s'incruste dans les rideaux, les tapis, les coussins, et rend la vie des Palestiniens encore plus insupportable. Encore plus humiliante aussi. « Qui sommes-nous pour qu'on nous traite au moyen d'insecticides comme des rats ou des moustiques ? », s'interroge Mounir avec colère, inquiet pour ses enfants.
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DÉSESPOIR ET FATIGUE
Nahla, sa voisine d'en face, ne cache pas son désespoir et sa fatigue. « J'ai tout essayé pour faire partir cette odeur de ma maison, le savon liquide, le vinaigre, le chlore, rien à faire… », déplore-t-elle, avant de souligner la cruauté de la situation : en plein ramadan, elle qui jeûnait et ne buvait pas une goutte, a dû jeter des trombes d'eau sur son perron, ses marches d'escalier, son carrelage…
A quelques kilomètres de là, le quartier d'Issaouia subit, lui aussi régulièrement, cette punition collective. Faouzi, épicier et boulanger, a dû jeter ses stocks à plusieurs reprises. « Il y a trois semaines, j'engueulais les jeunes qui lançaient des pierres, renversaient les ordures et y mettaient le feu chaque nuit. Je leur disais : “Vous provoquez les soldats et vous nous attirez des ennuis. Allez ailleurs !” Maintenant, je ne leur dis plus rien. Au contraire. J'en ai tellement marre d'Israël que je dis à mes voisins : “Laissons-les faire…” »
Lire aussi le reportage : Un «Aïd martyr» pour les habitants de Gaza bombardée
Si les habitants de Jérusalem-Est se plaignent depuis trois semaines de cette eau sale et malodorante, le procédé n'est pas nouveau. Les forces israéliennes ont commencé à se servir de cette « dirty water », surnommée « skunk » (appellation en anglais de la mouffette, animal redouté pour son odeur) en 2008. Un correspondant de la BBC décrivait alors cette arme « non létale, mais terriblement efficace » en ces termes :
« Imaginez la chose la plus immonde que vous ayez déjà sentie. Un mélange irrésistible de viande pourrie, de vieilles chaussettes qui n'ont pas été lavées depuis des semaines et l'odeur âcre d'un égout à ciel ouvert. »
Méthode de contrôle des foules développée à partir de 2004 après qu'Israël a été critiqué pour son usage d'une force disproportionnée lors de manifestations, ces « skunk bombs » sont aspergées sur la foule à l'aide de véhicules antiémeutes équipés de canons à eau.
Si la composition de ce produit demeure secrète, la police israélienne expliquait en 2008 qu'elle n'avait rien de toxique et pouvait même être ingérée sans risques. Mais, dès l'apparition de cette méthode, plusieurs voix ont dénoncé son côté arbitraire qui punissait aussi bien les riverains que les manifestants.
Source : http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2014/07/29/l-...
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22:22 Publié dans FILMS & DOCUMENTAIRES A VOIR & A REVOIR, RÉSONANCES | Lien permanent | Commentaires (0)
27 juillet 2014, par ,
Nicolas Roméas : Le kotéba est un rituel de village de cette région de l’ancien empire mandingue et vous avez, Adama, porté cette pratique à l’extérieur, sur le « parvis » d’un hôpital psychiatrique où le travail était rendu très difficile parce qu’il y avait trop de patients et pas assez de personnel. Par ailleurs, la méthode individuelle ne convenait pas à la culture africaine, il était préférable de travailler de façon collective. Là, d’un coup, on se rappelle que cet outil théâtral, qui a à voir avec la structure de la commedia dell’arte, permet de travailler sur la collectivité, d’un point de vue « politique » au sens grec, et aussi d’un point de vue thérapeutique… Et qu’il s’agit bien d’art.
Adama Bagayoko : Oui, je suis comédien et depuis 1992, j’ai initié une pratique théâtrale au sein d’un hôpital psychiatrique pour venir en aide aux patients. Cette démarche de théâtre thérapeutique résulte d’une première expérience menée avec Philippe Dauchez et l’association Tract [2]. Ça consistait à élaborer des messages ciblés sur des programmes de développement de santé pour éduquer, sensibiliser la population rurale, car dans notre pays beaucoup de gens n’ont pas accès aux médias.
C’est le « théâtre utile ».
Voilà. Forts de cette expérience, nous avons été approchés par le psychiatre Baba Koumaré qui venait de prendre les commandes de l’hôpital psychiatrique de Bamako et Jean-Pierre Coudray, un coopérant français qui travaillait là-bas. En 1981, ils ont pris contact avec mon professeur de l’Institut national des arts, Philippe Dauchez, pour savoir s’il pouvait leur fournir des artistes, musiciens, danseurs et chanteurs. Philippe leur a dit : « Je ne suis pas musicien, je suis professeur de théâtre, mais dans ma classe il y a des élèves qui ont une pratique du kotéba, qui engendre tout ça : la musique, la danse et le théâtre. » C’est comme ça que Philippe m’a approché et j’ai dit : « Pourquoi ne pas tenter l’expérience ? » Du coup, j’ai été autorisé par le personnel de l’hôpital à assister au groupe thérapeutique qu’ils animaient avec les patients et j’ai constitué une équipe de cinq personnes. Avec des collègues, nous sommes montés un après-midi au service psychiatrique de l’hôpital du Point G pour faire de « l’animation ». Je ne savais pas comment ça allait se passer, j’ai plongé dans le vide… Mais on a réussi. Quand on a eu fini nos danses et nos sketchs, les patients étaient si ravis qu’ils ont demandé aux chefs de service qu’on revienne le lendemain. Et ils ont voulu que ça se reproduise chaque semaine.
Et ça continue : tous les vendredis, nous partons au Point G où nous donnons des séances avec les patients. Nous n’avons pas changé beaucoup de choses par rapport à la forme du kotéba, qui est un théâtre traditionnel propre au milieu bamanan, fait de chants, de danses et de sketchs improvisés. Le but, c’est la régulation sociale. Nous avons pris l’hôpital comme un tournant, nous nous sommes dit : « Les patients ont des problèmes, des préoccupations à exprimer et il faut leur en donner l’opportunité. » Au départ, on préparait les thèmes, en essayant de faire participer les patients. Ça marchait jusqu’à un certain point, mais je me suis dit : « Il y a un manque, nous préparons les choses alors que les patients en ont d’autres à dire. Il ne faut rien préparer, il faut plonger dans le vide. » Donc, nous arrivons, nous faisons « l’appel », nous jouons le tam-tam pour avertir de notre arrivée et, au bout de trente minutes, les patients sont sortis de leurs chambres et commencent à créer une ambiance.
Les villageois viennent, parce que le Point G est contigu à un village. Au départ, beaucoup de préjugés entouraient la maladie mentale, les gens ne pouvaient pas s’aventurer dans un service de psychiatrie, ils se faisaient insulter ou agresser, c’était comme un parc fermé où les gens étaient aigris. Quand le professeur Koumaré est arrivé, il a voulu ouvrir les portes et le kotéba l’a aidé. Désormais les gens pouvaient venir car il y avait quelque chose d’autre à voir que les patients, il y avait des manifestations données par des comédiens, chacun avait son conte. Le kotéba est une tradition très connue au Mali. Quand on parle d’un kotéba, tout le monde a hâte de venir parce que c’est l’occasion de rire, et de connaître beaucoup de choses qui sont cachées dans la société puisque le kotéba ignore les tabous. Tout est permis.
C’est un peu la même fonction que celle du carnaval en Europe. Et ça a tellement bien marché que vous êtes allés montrer cette pratique dans des pays lointains, au Canada, et à Lyon, à l’hôpital du Vinatier où un film sur vos activités à Bamako a été réalisé. Est-ce que ce que vous venez de nous raconter peut avoir lieu dans n’importe quel contexte ?
Nous avons donné la preuve que ce que nous faisons n’a pas de frontières, il suffit qu’on vienne et que quelqu’un se mette à chanter, nous entendons le rythme et ça commence à danser. À partir du moment où les gens commencent à se mélanger, à danser, ça crée la confiance et tout devient possible. Ces gens-là ont toujours envie de dire quelque chose, parce que, de tout temps, ils ont été rejetés… Nous donnons l’opportunité aux malades mentaux d’être entendus. Le désir de s’exprimer est universel et nous excitons ce désir, nous créons une atmosphère qui se prête à ça.
Coline Merlo : C’est complètement à contre-courant de la psychiatrie actuelle.
AB : Ce que je sais, c’est que donner l’opportunité à quelqu’un, qui est opprimé ou malade, de s’exprimer, c’est très important. À partir de l’instant où on accepte de l’écouter, on trouve une approche de solution à son problème, c’est ce qui nous permet d’aller partout. J’ai joué pendant trois années dans tous les centres de Maison Blanche, et quand je suis parti du Vinatier, j’ai entendu dire que ça marchait aussi bien qu’à Bamako. Il ne s’agit pas d’inventer quelque chose, il s’agit de donner l’opportunité aux gens de s’exprimer. C’est ça qui est capital !
CM : Ça signifie qu’on considère les malades comme des gens à part entière, et ce n’est pas une pensée dominante dans la psychiatrie en France sauf dans quelques endroits très rares, comme la clinique de La Borde qui fonctionne aussi sans grilles, un endroit ouvert, pas immédiatement contigu à la ville, où les malades peuvent sortir, se déplacer, faire des rencontres, être responsables et entendus. Mais cette pensée existe à peine. Tu dis que la compagnie avec laquelle tu travailles vient chaque semaine au Point G. Qui joue au départ ? Les thématiques sont proposées par les malades ? Ce sont des improvisations ?
Il y a des étapes. Après l’appel du tam-tam, on se regroupe sur la terrasse des femmes, une terrasse ouverte, et on commence à danser, cette danse dure de vingt à trente minutes, ça dépend de l’engouement des gens et ça permet de se faire une idée de la personnalité du patient, de l’envie qu’il a… On tient compte de tout ça et on propose à tout le monde de s’asseoir, malades, spectateurs, médecins, psychologues, et on choisit le premier personnage. J’appelle les premiers personnages « les personnalités de la séance », à savoir le chef du village, son adjoint, la représentante des femmes, son adjointe, et le représentant des jeunes. Généralement, ils sont choisis parmi les patients mais nous varions parfois pour ne pas donner l’impression qu’ils sont les seuls concernés… On prend aussi des visiteurs pour jouer. À partir de là, on demande aux « chefs du village » ce qu’ils ont à dire aux villageois. On leur dit : « Tout le monde a des préoccupations, qu’est-ce que vous voulez qu’on joue aujourd’hui ? » et on spécifie qu’on souhaite qu’ils parlent de ce qui est mauvais pour essayer de le jouer : les gens disent ce qui ne va pas à leur niveau, à celui de leur environnement, de leurs familles… Je fais la synthèse de tout ça et j’envoie les comédiens aider les patients à développer le thème. C’est totalement improvisé. Sinon, nous passerions à côté des préoccupations des patients, et leur participation active est indispensable.
NR : On comprend la nécessité de l’improvisation dans une pratique où des choses inattendues vont se dire, où des interactions imprévues vont avoir lieu afin que tout ça agisse sur la réalité des personnes et du groupe. Je dirais que c’est le noyau du théâtre. Mais en Occident, il y a quelques siècles, on s’est mis à écrire le théâtre. Et vous-même, vous vous êtes mis à travailler avec BlonBa sur des pièces écrites… On vient de vous voir au Grand Parquet dans ce beau spectacle, Ala tè sunogo, inspiré du kotéba mais qui est du théâtre écrit, une sorte de dénonciation, sur le mode de la comédie, de la corruption généralisée de l’État malien. Comment faites-vous le lien entre ces pratiques ?
AB : J’ai toujours voulu aider les exclus à s’exprimer, mais, eu égard aux maux qui gangrènent notre société, j’ai aussi des choses à dénoncer ! Et, au sein d’un hôpital psychiatrique, c’est très limité : s’il y a l’opportunité de le faire sur la grande scène, c’est mieux… BlonBa m’a donné cette opportunité. Ala tè sunogo s’inscrit dans cette droite ligne et c’est une fierté pour moi, parce que nos problèmes concrets sont dénoncés dans la pièce. Tous les Maliens sont aujourd’hui confrontés à la corruption. Le kotéba, c’est une satire, une mise en scène de tout ce qui donne mauvaise conscience, et c’est une opportunité de s’adresser à une échelle plus vaste. Ala tè sunogo, ça veut dire « Dieu ne dort pas ». Nous sommes fatigués de la corruption, et « Dieu ne dort pas », ça signifie que ça changera un jour, à condition que nous ne restions pas passifs. Jouer sur des scènes internationales, c’est ma façon de participer, pour pouvoir me dire : « Je ne suis pas passif, je lutte pour une bonne cause. »
C’est ça, le sens de la pièce que vous avez écrite, Jean-Louis ?
Jean-Louis Sagot-Duvauroux : Ala tè sunogo est une expression qu’on emploie régulièrement quand on a des problèmes dont on a l’impression qu’on ne peut pas sortir. On s’en remet à Dieu mais, en exprimant l’idée que « Dieu ne dort pas », on se dit qu’il y a une solution, même invisible ! Même si je suis au fond du trou aujourd’hui, quelque chose va pouvoir se passer.
Vous avez écrit cette pièce dans l’idée que ça fasse débat dans la société ?
JLSD : Oui, le kotéba est une mise en forme des préoccupations des gens, qui joue sur l’effet comique et qui a pour objectif de parler de ce qui ne va pas, le mauvais, comme dit Adama. Les Maliens ne le mettraient pas dans la catégorie « culturelle », qui est une catégorie de l’histoire occidentale des formes et du champ symbolique… C’est considéré comme un moment de libre expression. Ça a bien sûr des ressemblances avec Molière, la comédie classique, qui veut corriger en divertissant, mais dans la représentation que les gens en ont, c’est différent. Ça n’entre pas immédiatement dans les catégories artistiques. Quand Adama explique : « On fait s’exprimer les gens et moi aussi j’ai quelque chose à dire », les deux choses se diront différemment, l’une sera écrite et l’autre sera improvisée.
Il y a une première longue étape avec le kotéba originel des villages, très proche de ce dont parlait Adama à l’hôpital du Point G, ensuite dans les années 1980, pendant la dictature militaire, des comédiens courageux ont mis cet esprit du kotéba sur la scène et ça a pris une forme théâtrale. C’était en langue bamanan, le Mali se parlait à lui-même. Ça a eu une fonction importante : le kotéba se fait devant le roi, devant les chefs qui ont fait les mauvaises choses et le Président de la République, qui était un dictateur militaire, Moussa Traoré, est venu voir la pièce. Pour la première fois, les Maliens ont entendu la vérité exprimée à la télévision, devant le dictateur, et lui, pris par la nature du kotéba, s’est mis à rire jusqu’à perdre sa babouche ! Les gens l’ont vu, et à partir de ce moment, ils se sont dit : « On peut parler ! » C’est un moment important de ce qui a amené la révolution en 1991. Nous sommes arrivés plus tard, avec Alioune Ifra Ndiaye qui avait 27 ans et démarrait l’aventure de BlonBa. Nous voulions continuer à faire du kotéba en bamanan mais aussi en français, parce que ça fait partie de la voix du Mali, de dire : « Mon problème est un problème du monde. » Ça a très bien marché, les gens se réunissaient autour de ces histoires, même sans en avoir tous les codes… Même si des choses échappent, quelque chose se passe qui est à l’image de notre monde planétaire, et d’une jeunesse qui est reliée à différentes sources de civilisations. De plus, le fait d’échapper aux catégories « culture », « œuvre », « artiste » rend la chose moins intimidante. Nos acteurs ne donnent pas l’impression d’exercer un sacerdoce, ils remplissent une fonction qui n’existe que dans le rapport au public, un public beaucoup plus réactif au Mali, mais ça se passe aussi ici. On s’est rendu compte, notamment devant des jeunes, que les gens s’appropriaient cette forme. Que le Mali, avec une autre configuration des arts de la représentation, de la production du champ symbolique, etc., vienne en France, c’est très salutaire et thérapeutique, ça rappelle que l’histoire n’est pas finie avec les grands paradigmes, aujourd’hui épuisés, issus de la modernité occidentale.
Est-ce que ça ne nécessiterait pas, en France, un échange et un apport de connaissances pour qu’un vrai débat puisse avoir lieu, avec un rappel de l’histoire et de la situation politique du Mali ?
JLSD : Oui, quand on présente ces pièces en France, les gens n’ont pas toutes les clés, ce qui fait qu’ils prennent ça au simple niveau de la comédie… Au Mali, ça a vraiment une importance, comme c’était le cas avec les spectacles faits au temps de la dictature. Aujourd’hui, certains spectacles sont des événements politiques, des milliers de gens les voient, il y a des ministres, on fait des tournées dans les villages avec des débats qui durent tard dans la nuit. Ici, l’Afrique est restée très périphérique dans l’esprit des gens, y compris des programmateurs, et un spectacle africain qui parle d’une urgence africaine ou qui est d’abord fait pour le public africain a plus de mal à entrer dans l’institution qu’un spectacle où un Français imagine l’Afrique.
Cette action politique a-t-elle un effet ?
JLSD : La plupart de nos spectacles sont très critiques par rapport à l’administration, à l’État et à la société, on dit des choses que les gens aiment beaucoup entendre, mais par-derrière ce n’est pas évident. Quand on refuse d’entrer dans le système de corruption, tout devient compliqué. Dans la pièce, on montre un inspecteur des impôts qui fait vraiment n’importe quoi et ça nous est arrivé ! Ça aurait pu se régler en donnant 300 000 francs au gars, mais Alioune n’a pas voulu et notre salle a été fermée trois fois en 2011 ! L’administration a perdu cinq fois le dossier parce qu’on avait fait les recours légaux et la chose n’a pu être réglée qu’au niveau du Président. Dans ce qu’Alioune a mis en place avec BlonBa, il y a un travail exigeant, avec des gens qui travaillent, qui imaginent, et il y a une exigence intellectuelle et morale. 80 % de notre énergie est utilisée à éviter les pièges et tous ceux qui construisent de manière innovatrice en Afrique rencontrent ce problème.
CM : Dans Dieu ne dort pas, Adama interprète tous les personnages corrompus, et j’ai impression qu’il s’agit d’une déclinaison du même personnage, du même vice. Cette secrétaire administrative avec sa perruque qui essaye d’empêcher Cheikna de faire aboutir son dossier, cet inspecteur des impôts ou ce juge, c’est la même personne…
AB : Je suis comédien et je dois m’adapter à tous les rôles. Ce n’est pas moi qui les choisis, ils m’ont été attribués par le metteur en scène ou l’auteur. Le monologue de Cheikna répond à une tradition théâtrale du Mali, des personnages idiots, ou fous, dont la parole consiste à dire le contraire de ce qu’ils pensent, généralement des personnes âgées… Je ne sais pas si l’auteur l’a pensé dans ce sens, mais, en ayant vécu cette tradition, je crois que c’est la meilleure manière de faire passer le message. C’est aussi la rencontre de deux générations, Cheikna dit : « J’ai 100 ans et tout ce que je voulais apprendre, je l’ai appris » et la jeune Goundo dit : « Moi, je n’ai pas 100 ans mais tout ce que tu dis, ça pèse sur nous », c’est un dialogue entre générations.
JLSD : Dans la pièce, il y a une chose en rapport avec le kotéba et qui en est en même temps éloignée, c’est l’utilisation de la danse contemporaine. On a le personnage du jeune muet qui ne s’exprime qu’en dansant et ce personnage, avec Goundo, met une espèce de vibration poétique de vie, d’énergie, sans mots, et ça ressemble beaucoup au Mali d’aujourd’hui : il y a le couvercle, les choses qui écrasent le pays, l’abaissent, l’avilissent, et il y a une tonicité de la jeunesse, une énergie latente formidable, encore déboussolée : la question culturelle, pour prendre l’expression française, est centrale. Apprendre à être libre, construire une image de soi habitable pour pouvoir se lever et faire sauter le couvercle. Le spectacle est un moment politique au Mali : jouer Wari devant le dictateur militaire a été un moment de l’histoire du pays et le parcours de BlonBa depuis quinze ans est un moment de l’histoire malienne. Une compagnie dirigée par des jeunes et qui a donné un espoir énorme à la jeunesse.
Sur le rôle central de ce qu’on nomme « culture », vous nous avez rapporté, Jean-Louis, une représentation extraordinaire de Tête d’or…
JLSD : On a mené en janvier et février dernier une expérience étonnante. Jean-Claude Fall, metteur en scène qui a dirigé des CDN et a fondé le théâtre de la Bastille, a proposé de monter Tête d’or de Paul Claudel à Bamako. Il était convaincant, mais c’était aussi une période où il n’y avait plus de travail pour les artistes, il en employait quinze, et des techniciens… Avec Alioune, nous avons décidé de le faire. Ça ne nous paraissait pas absurde et c’était une opportunité de donner du boulot aux artistes. Ça s’est très bien passé et ces partis pris fonctionnaient. Le beau langage fait partie de la vie des Africains. La rhétorique est dans la vie des gens et il y a une qualité de langue vraiment forte dans les discussions : l’ironie, l’astuce, la bonne formulation. La langue de Claudel était en faveur d’une adhésion du public malien. Tête d’or est un conte initiatique, ça raconte le débat intérieur du jeune homme orgueilleux, « rimbaldien », « satanique », qui est convaincu par sa vision dans Notre-Dame-de-Paris d’aller vers la religion qui dit que Dieu aime les faibles et les affamés. Il y a ce débat très fort qui se sent dans le récit, et le public malien est disponible pour ce genre d’histoires à double fond. En outre, ça raconte l’histoire des Seleka [3] ! Un royaume délabré avec un roi impuissant et, soudain, un homme orgueilleux, fascinant et démoniaque se lève et entraîne les gens derrière lui. Il y a l’incapacité à avoir une institution qui tienne et l’émergence de personnalités charismatiques qui ne se sentent plus liées à la société, c’est ce qui se passe aujourd’hui en Afrique. Les gens ont même mis sur le roi de Tête d’or le nom de l’ancien président Amadou Toumani Touré.
Nous avons travaillé avec une équipe de jeunes gens, entre 20 et 25 ans, c’est la jeunesse malienne d’aujourd’hui qui vit avec le monde : ils ont fait un vrai travail de construction du public. On a eu la surprise et l’émerveillement de voir 1000 Bamakois enthousiastes de cette pièce de Claudel astucieusement ancrée dans un terreau où le public malien se retrouvait. Mais le directeur de l’Institut français n’est pas venu le voir. Il n’est jamais venu nous serrer la main, ni saluer Jean-Claude Fall ! Ça nous a étonnés.
Propos recueillis par Coline Merlo et Nicolas Roméas
Photos David Merle.
• Compagnie BlonBa – www.blonbablog.com
[1] J’avais tout d’abord écrit « franco-malienne », mais voici le commentaire que m’a fait Jean-Louis : « tu étonneras beaucoup de Maliens quand tu écris que BlonBa est une compagnie "franco-malienne". C’est une compagnie malienne où des Français ont leur place. Comme tant d’étrangers ont leur place dans des compagnies françaises. »
[2] Troupe de recherche, d’animation et de communication théâtrale, l’une des trois équipes crées et animées par Philippe Dauchez, professeur à l’Institut National des Arts de Bamako.
[3] Coalition constituée en août 2012 de partis politiques et de forces rebelles opposés au président centrafricain François Bozizé.
20:01 Publié dans ALTERNATIVES | Lien permanent | Commentaires (0)
Quand elle a appris qu'elle était atteinte d'un cancer, Marinella Banfi a consulté cinq cancérologues, notant chacun avec des croix dans son petit carnet. C'est finalement au Pr Thomas Tursz, alors directeur de l'Institut Gustave-Roussy, qu'a échu la tâche de soigner la malade rétive. Mais la rebelle qui ne trouvait pas sous nos latitudes l'écoute et la prise en charge attendues est aussi allée chercher en Inde une autre façon de se soigner.
Quelques années plus tard, Marinella Banfi a proposé au Pr Tursz de refaire avec elle le voyage en Inde pour découvrir la médecine ayurvédique traditionnelle. C'est le périple indien de ce curieux duo — la patiente indocile et le docteur incrédule — que filme avec une pointe d'humour Simon Brook. Au fil du documentaire au récit maîtrisé et à l'image superbe, Nella et Thomas, comme ils s'appellent bientôt, multiplient les rencontres, de gourous en médecins traditionnels. Elle est convaincue que l'Inde l'a sauvée, lui est piqué au vif de sa curiosité scientifique. (Valérie Hurier - Télérama)
22:14 | Lien permanent | Commentaires (0)
Actes Sud, mars 2014.
240 pages, 21 €.
« Resserre ton monde et regarde comme il s’étend
Un œil plein de ciel, un monde dans tes bras »
Nida Fazli
Voici un roman rafraichissant, profond, drôle, d’une haute teneur en vitamines spirituelles, dans la trame duquel viennent très naturellement s’insérer des fragments de ghazal, la poésie indienne :
Ce que nous appelons le monde est un jouet magique :
Un tas de sable quand on l’a, une pièce d’or quand on le perd
Un roman qui propose sans avoir l’air un enseignement précieux, imprégné de sagesse hindoue et de philosophie bouddhiste, en équilibre sur le fil fragile entre dukkha, la tristesse et ananda, la joie.
Au départ, Anand est un jeune et brillant avocat de New Delhi, qui a tout sacrifié à une ambition qui ne le mène à rien, sinon à être le pantin d’un associé moins compétent que lui qui l’humilie et se prend pour le patron. Aussi quand Anand apprend brutalement qu’il est atteint d’un cancer du pancréas et n’en a plus que pour quelques mois, il apprend aussi dans la foulée que sa femme le quitte pour épouser Adi, cet associé justement, dont elle est la maîtresse. D’un coup, tout s’effondre en lui et autour de lui. Passés le choc, la colère et le refus de se savoir condamné et abandonné de surcroit, mourant, par sa femme pour son meilleur ennemi, ce chaos total lui ouvre les yeux sur ce qu’a été sa vie jusque là, le non-sens de sa vie et de l’univers factice dans lequel il évoluait. Il réalise avec cet arrêt obligatoire combien il est passé à côté de tout, pour courir après des chimères, plus qu’amères à l’heure où il s‘en rend compte.
Il n’y a qu’aux êtres condamnés qu’est donnée la lucidité de voir à quel point ce qui leur avait paru important n’est que foutaise.
Anand cependant, nourri de poésie indienne, commence à entrevoir les prémisses d’une paix dans l’acceptation de ce qui est. Aussi, quand son médecin le rappelle pour lui dire qu’en fait, il s’était peut-être trompé, et que suite à une opération, il s’avère qu’effectivement ce n’était pas ce qu’on pensait, c’est comme une nouvelle naissance pour Anand, et cette fois il est bien décidé à vivre vraiment. Pleinement.
Il règle ses comptes, soulage son cœur et ne retourne pas travailler, refuse même de nouvelles offres encore plus avantageuses et comme il en a pour l’instant les moyens, il décide de ne rien faire, laissant ainsi son esprit se tourner vers des questionnements plus spirituels. Il prend enfin ce temps qu’il ne s’était jamais accordé, ni à lui, ni à sa femme, pour flâner, méditer, observer, humer et se laisser guider par l’instant présent. Ses pas le mènent ainsi plusieurs fois auprès du tombeau d’un grand saint soufi indien. C’est là qu’il fera la rencontre de l’ambassadeur du Bhoutan, rencontre qui va le propulser dans une toute nouvelle et très surprenante direction.
C’est là-bas, dans ce pays à la nature extraordinaire, où le bonheur national brut remplace le PIB, où les façades des maisons et des temples s’ornent d’imposants phallus magnifiquement colorés, que sa renaissance va vraiment avoir lieu, grâce à une vallée merveilleuse, à une rivière qui court aux pieds de falaises vivantes et de deux femmes. L’une, Chimi, sera celle qui lui louera une petite maison dans cette vallée et qui l’initiera à l’esprit des lieux. L’autre, Tara, est une Indienne comme lui, qui veut laisser définitivement derrière elle le monde et son lot de douleurs et de déceptions, en devenant nonne dans un monastère tout près de là. Anand va tomber fou amoureux d’elle, mais Tara ne veut pas renoncer à son vœu.
Leur rencontre étonnante avec un disciple de Drukpa Kunley, ce yogi tantrique tibétain du XVIe siècle, connu sous le nom de « fou divin », initiateur irrévérencieux, en apparence, d’une sage philosophie de liberté fondée sur le rire et le sexe, va les bouleverser tous deux et les emmener au plus près de la connaissance de soi et peut-être aussi au plus près d’ananda.
Ô Khusro, la rivière de l’amour suit sa propre loi
Ceux qui l’ont traversée s’y sont noyés à coup sûr
Ceux qui s’y sont noyés l’ont traversée
Amir Khusro
Il n’y a pas à hésiter, c’est un livre dans lequel il fait très bon plonger !
Cathy Garcia
Diplomate, essayiste, traducteur, Pavan K. Varma est aujourd’hui ambassadeur de l’Inde au Bhoutan. Actes Sud a déjà publié Le Défi indien (2005, Babel n° 798), La Classe moyenne en Inde (2009) et Devenir Indien (2011). Les Falaises de Wangsisina est sa première incursion dans la fiction.
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Un documentaire de Xavier Harel, Rémy Burkel - 2012
Imaginez un monde dans lequel vous pourriez choisir de payer ou non des impôts tout en continuant de bénéficier de services publics de qualité (santé, éducation, sécurité, transport...) payés par les autres. Ce monde existe : c'est le nôtre. Aujourd'hui, les multinationales peuvent dégager des milliards d'euros de bénéfice et ne pas payer un euro d'impôt. De même que des riches contribuables ont tout loisir de dissimuler leurs fortunes à l'abri du secret bancaire suisse ou dans des trusts domiciliés à Jersey. L'évasion fiscale a pris de telle proportion qu'elle menace aujourd'hui la stabilité de nos États. Entre vingt mille et trente mille milliards de dollars sont ainsi dissimulés dans les paradis fiscaux, soit l'équivalent des deux tiers de la dette mondiale !
Le pillage de nos richesses
Xavier Harel, journaliste et auteur de La grande évasion, le scandale des paradis fiscaux, nous emmène aux îles Caïmans, dans le Delaware aux États-Unis, à Jersey, en Suisse ou encore au Royaume-Uni pour nous faire découvrir l'industrie de l'évasion fiscale. Il démonte avec humour les savoureux montages de Colgate, Amazon ou Total pour ne pas payer d'impôt. Il dénonce aussi le rôle des grands cabinets de conseil comme KPMG, Ernst and Young ou Price Water House Cooper dans ce pillage de nos richesses. Il révèle enfin au grand jour l'incroyable cynisme des banques comme UBS ou BNP qui ont été renflouées avec de l'argent public mais continuent d'offrir à leurs clients fortunés des solutions pour frauder le fisc. Mais l'évasion fiscale a un prix. En Grèce, Xavier Harel nous montre comment un pays européen a basculé dans la faillite en raison de son incapacité à lever l'impôt. Faillite qui nous menace tous si rien n'est fait pour mettre un terme à ces incroyables privilèges dont jouissent aujourd'hui les grandes entreprises et les riches fraudeurs.
Les grosses fortunes ont toutes sortes de moyens à leur disposition pour dissimuler leur argent dans les paradis fiscaux. Apprenez à faire comme eux !
Des fuites sans précédents ont permis à de nombreux gouvernements d’engager des poursuites contre des fraudeurs ayant dissimulés de l’argent dans les paradis fiscaux. Des milliards de dollars d’arriérés d’impôts ont ainsi été récupérés. Le Consortium international des journalistes d’investigation, qui réunit des journalistes de plusieurs dizaines de pays, vient de publier des données sur pas moins de 120 000 entités offshores domiciliées dans une dizaine de paradis fiscaux. Vous voulez savoir comment certains contribuables peu scrupuleux s’attachent les services d’avocats et de conseillers financiers payés à prix d’or pour dissimuler tout ou partie de leur fortune dans des territoires opaques ? Alors lancez-vous dans le jeu interactif du parfait fraudeur ci-dessous :
http://www.arte.tv/sites/fr/evasion-fiscale/#.U9K8ZsscRMw
22:27 Publié dans FILMS & DOCUMENTAIRES A VOIR & A REVOIR, QUAND LA BÊTISE A LE POUVOIR | Lien permanent | Commentaires (0)
par Seth Menachem Au
Tous les matins ma fille de quatre ans, Sydney, met une chaise devant son placard et choisit une robe. J'essaie de lui faire prendre d'autres directions -- "Pourquoi tu ne porterais pas un short aujourd'hui?"--mais Sydney est têtue. Et je pense qu'elle a droit à la liberté de choisir ce qu'elle veut porter.
Mon fils, Asher, a 2 ans. J'attrape un short et un t-shirt dans le placard et l'habille, parce qu'il a toujours du mal à le faire lui-même. Mais il a compris comment se déshabiller -- et souvent cela signifie qu'il se débarrasse de ses vêtements et crie "robe" encore et encore. Il monte sur la chaise et attrape l'une des robes de Sydney --"celle-ci".
Donc la plupart du temps mon fils est habillé comme Princesse Sofia, ou autre princesse Disney. Et en oubliant tous les préjudices sociaux, je dois dire que ça lui va bien. Et lors d'un été à 40 degrés à LA, c'est sûrement le meilleur choix.
J'ai d'abord été gêné de le voir porter des robes en public. Et ce n'est pas parce que je me souciais de l'avis des gens qui pensaient que c'était bizarre. J'avais juste peur qu'ils pensent que je l'avais forcé à porter cette robe.
C'était la fête d'anniversaire de la fille d'un ami. Avant de quitter la maison, j'avais essayé de convaincre Asher de porter des "vêtements de garçon". Je savais que ce serait une série de questions et jugements, et je n'avais pas envie d'y faire face.
Mais Asher a fait une énorme crise lorsque j'ai essayé de lui mettre son short de force. Il pleurait et protestait, le nez coulant, et j'ai soudain réalisé que je combattais pour quelque chose en quoi je ne croyais pas. Je lui ai donné un câlin et me suis excusé. Et je lui ai remis sa robe de princesse et les chaussures de sa sœur.
Nous sommes allés à la fête et, comme je me l'imaginais, certaines personnes ont ri et fait des commentaires. L'une m'a dit: "Vous trouvez ça drôle? Il y a des enfants ici. Vous voulez qu'ils voient ça?" Une autre: "Vous voulez qu'il devienne gay?"
Et j'ai gardé mon calme. Et je leur ai expliqué qu'il n'y avait aucun lien entre porter une robe et être gay. Et si effectivement il est gay, ce n'est pas moi qui l'aurai provoqué.
De nombreuses personnes nous soutiennent. Quand je leur dis que mon fils est un garçon, ils sourient et me répondent: "J'adore."
Un ami gay m'a vu au festival Jazz at LACMA vendredi soir, et m'a dit: "Je ne portais pas de robe quand j'étais petit". Comme pour me rassurer sur le fait que mon fils n'est pas gay.
Ce qu'il y a de plus triste dans cette histoire, c'est le sentiment de mon ami par-rapport à son homosexualité. Comme si c'était une malédiction.
Il y a quelques jours, à la demande de ma fille, j'ai enfilé une robe de ma femme pour aller promener le chien. Elle nous a rencontrés dans la rue et, après avoir éclaté de rire et pris une photo, elle m'a juste dit: "Si tu la déchires, je te tue."
Source : http://www.huffingtonpost.fr/seth-menachem/garcon-porte-r...
16:46 Publié dans RÉSONANCES | Lien permanent | Commentaires (0)
traduit de l’anglais (États-Unis) par Hubert Tézénas
Cherche Midi, janvier 2014
650 pages, 20€.
Ce roman à la construction extrêmement élaborée, d’une densité vertigineuse, nous emporte avec son personnage principal dans un tourbillon d’évènements, dont une bonne partie a pour théâtre la ville de Vienne. Frank Standish Burden III, alias Wheeler Burden, champion de base-ball dans ses années étudiantes comme son père avant lui, puis célèbre musicien de rock des années 70, a abandonné la musique pour consacrer une dizaine d’années à l’écriture d’un livre. C’est suite à la sortie de ce livre, en 1988 donc, que Wheeler rentrant d’une soirée qui lui était consacrée, se retrouve tout d’un coup à Vienne ! Ce fait est déjà fort surprenant, mais le plus incroyable, c’est que la Vienne dans laquelle il se retrouve ainsi transporté, est la Vienne de 1897 ! Un inexplicable et soudain bond en arrière qui marque le début d’une aventure tout aussi impensable.
Ce roman labyrinthique s’articule donc autour de nombreux aller-retour dans le temps et dans la vie de Wheeler Burden mais aussi de plusieurs autres membres de sa famille et quelques autres personnages qui ont tous en commun la ville de Vienne. Wheeler Burden la connaissait sans jamais y avoir mis les pieds et tout particulièrement la Vienne étincelante de la fin du XIXème, grâce aux récits passionnés du vénérable Haze, lui-même viennois d’origine. D’ailleurs le livre que Wheeler venait de faire paraître avant d’être catapulté dans le temps, était en fait la mise au propre des innombrables notes que ce bien-aimé professeur d’Histoire de St Grégory lui avait bizarrement léguées. Haze avait eu aussi pour élève le père de Wheeler, qui de même que son grand-père, avait étudié dans cet établissement privé très chic pour garçons des environs de Boston. Wheeler, bien que n’ayant pas le profil habituel, y était entré grâce à sa grand-mère, Eleanor Burden, dont Haze était un ami proche. Il avait pu ainsi entrer par la suite à Harvard, toujours sur les traces de ses illustres père et grand-père.
La Vienne de cet automne 1897, capitale de l’Empire austro-hongrois, c’est une Vienne en pleine ébullition, qui privilégie le faste des fêtes, du théâtre et de la musique, avec son célèbre Ring, grand et chic boulevard annulaire bordé de platanes où la population aisée se presse pour aller se divertir. C’est aussi la Vienne de jeunes intellectuels et artistes qui se retrouvent au Café Central pour refaire la société : la Jung Wien que fréquentait le jeune Arnauld Esterhazy, le futur professeur Haze, mais cette Vienne est aussi celle qui ne se préoccupe pas de sa population la plus miséreuse et celle d’un tout nouveau maire, Karl Lueger, qui assoit sa popularité en exploitant les idées nauséabondes d’un antisémitisme insidieux et montant.
Il semble très vite évident à Wheeler, alors âgé d’une cinquantaine d’années, que ce voyage dans le temps, bien que des plus improbables, ne s’est pas fait complètement au hasard. Cela deviendra une évidence, bien que toujours plus ahurissante, quand on découvrira en même temps que Wheeler, que bien des personnes auxquelles il est apparenté, sont également à Vienne à ce moment là. En effet, l’Américain dans la chambre d’hôtel duquel il va dérober vêtements et argent juste après sa rocambolesque arrivée, n’est autre que son futur grand-père et Weezie, la jeune américaine dont il va tomber follement amoureux, n’est autre que sa future grand-mère, le jeune Haze y est également. Plus fou encore, Wheeler va y rencontrer Dilly, son père, qui lui aussi vient de voyager dans le temps pour arriver au même lieu, en cet automne 1897, alors qu’il était en 1944, mourant aux mains de la Gestapo, après avoir été arrêté et torturé. Il travaillait pour les services anglais en aidant la résistance française et détenait des informations aussi cruciales que la date et le lieu du débarquement. Son fils Wheeler qu’il avait eu avec Flora, une anglaise militante et pacifiste, avait alors 3 ans.
Selden Edwards pour un premier roman, nous offre donc un spectaculaire enchevêtrement d’histoires, un tissage réalisé de main de maître dont le motif apparaîtra peu à peu dans son ensemble et révélera bien des secrets d’une famille peu ordinaire, c’est le moins qu’on puisse dire, elle-même directement liée aux grand évènements de l’Histoire et dans lequel apparaissent d’autres personnages tel que Freud, le seul à qui Wheeler racontera toute la vérité, sachant qu’il ne le croirait pas mais serait suffisamment intéressé par les mécanismes inconscients pouvant pousser un homme à raconter de telles invraisemblances, pour lui procurer en échange le gite et la nourriture, mais aussi le compositeur Gustav Mahler, le peintre Klimt et l’écrivain américain Mark Twain sans oublier Adolf Hitler, que Dilly veut absolument retrouver, qui vit alors dans un village non loin de Vienne. C’est encore un enfant de 6 ans, maltraité par son père.
Plein de suspens et de rebondissements, c’est un roman qui ne cessera de nous étonner tout en nous faisant parcourir un pan entier de l’Histoire contemporaine avec ses dessous plus ou moins reluisants. Il ouvre un abime de réflexion sur la place du temps, de la fatalité, de la mort et du risque ou pas de changer les évènements en se retrouvant comme Wheeler et son père dans un temps antérieur à leur propre naissance. C’est un roman impossible à résumer, à la fois très documenté, doté d’une époustouflante inventivité, qui en racontant le destin de personnages pris dans le flux de plusieurs époques, idées, principes et croyances, interroge aussi et surtout les tréfonds de l’humain et les valeurs auxquelles nous nous accrochons, ouvrant grand la porte à la réflexion sur le sens que chacun des personnages peut ou veut donner à sa vie.
Cathy Garcia
Né en 1945, Selden Edwards est professeur. Il vit en Californie, à Santa Barbara. L’Incroyable Histoire de Wheeler Burden est son premier roman. Il y a travaillé pendant près de trente ans.
16:25 Publié dans CG - NOTES DE LECTURE | Lien permanent | Commentaires (0)
à la salle attenante à la mairie
du Samedi 19 juillet 2014 au Dimanche 27 juillet 2014
Le vernissage aura lieu le samedi 19 juillet 2014 à 18 H
Vous y trouverez quelques-uns de mes tableaux à déguster sur place
et à emporter !
22:34 Publié dans CG - QUOI DE NEUF? QUE FOUS-JE ? | Lien permanent | Commentaires (0)
Le numéro 3 de la revue L'Or aux 13 îles sortira des presses de l'imprimerie bruxelloise dans une semaine ! Je pourrai commencer alors à la diffuser, et lui permettre de retrouver le public qui fut le sien pour les deux premiers numéros, et, je l'espère, de rencontrer aussi un nouveau public.
Je suis particulièrement fier de pouvoir y montrer un bel ensemble d'œuvres d'Alan Glass, méconnu hors du Mexique où il réside, et du Canada où il a vu le jour. Alan Glass a été, notamment, l'ami et le voisin de Leonora Carrington à Mexico avec qui il réalisa un livre-objet que nous reproduisons, et un complice d'Alejandro Jodorowsky qui utilisa une de ses boîtes dans l'ouverture de l'un de ses films, il est l'auteur de centaines de dessins exposés d'abord par André Breton et Benjamin Péret, de gravures, d'aquarelles et de boîtes du plus pur merveilleux.
Je ne dévoile pas davantage le contenu de ce nouveau numéro, dont vous pourrez découvrir le sommaire joint à ce message.
N'hésitez pas à faire suivre ce message, à propager la nouvelle, avec la couverture, le sommaire et le bon de commande. Merci infiniment.
Jean-Christophe Belotti
cliquez ci-dessous pour voir le bulletin d'abonnement :
22:34 Publié dans COPINAGE | Lien permanent | Commentaires (0)
Ce conteneur qui baille est pourtant "fait pour durer 10.000 ans"!
Il n'y a pas que le foute, le Tour ou les massacres routiniers du proche-orient. Il y a aussi ce dont on ne parle pas dans la presse-purée et les canards laquais. Par exemple la panique qui règne depuis six mois au Nouveau-Mexique (USA) autour d'un site d'enfouissement de déchets nucléaire, le WIPP. ( Waste Isolation Pilot Plant). Ce WIPP est un centre de stockage profond de déchets nucléaires dans une couche de sel de 600 mètres d'épaisseur. C'est l'équivalent étazunien de ce que les grosses têtes de l’ANDRA et du CEA veulent en construire à Bure dans la Meuse sous le nom de CIGEO, et que la lutte farouche des populations a évité à Marcoule (Gard).
WIPP est situé à quelques kilomètres de la ville de Carlsbad, dans le Nouveau Mexique (USA). Depuis le 14 février 2014, un « incident » (!!??) nucléaire est en cours dans ce centre de stockage profond de déchets radioactifs militaires et issus de la recherche. Un ou plusieurs conteneurs se sont ouverts suite à une explosion qui serait d’origine chimique à 655 mètres sous terre. Une radioactivité des plus redoutables - Plutonium, Americium - s’est échappée. Des taux de radioactivité faramineux ont été mesurés sur le site. En France, le très pro-nucléaire IRSN (institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) reprend les déclarations du DOE (départment of energy) et affirme que le panache de Plutonium et Americium est "sans danger" pour la santé de celles et ceux qui le respirent - une "évidence" vue que 1/ 1.000.000e de grammes de plutonium inhalé suffit à provoquer un cancer des poumons !
Á propos des causes possibles du feu, l’expert Don Hancock au Southwest Research and Information Center déclare que le plafond peut s’effondrer, sous le poids de la roche et du sel à 655 mètres sous terre et que c’est pour cela que depuis 1999, seulement 4 des 7 salles de stockage ont été remplies. L’expert évoque également des possibilités de dégâts collatéraux de l’industrie gazière car l’activité de fracturation hydraulique est très importante dans la région (source). Tiens, revoilà le gaz de schiste ! Mais il se pourrait aussi que le feu soit le fait de l'enveloppe de ces conteneurs, en magnésium (hautement inflammable, la base de tous les feux d'artifices!), enveloppe « faite pour contenir la radioactivité pendant 10.000 ans ». Ouarf ! Ouarf ! Ouarf ! Non, on est prié de ne pas rire ni ricaner...
Les « spécialistes » envisagent maintenant d'installer des « filtres » permanents pour « purger » les vapeurs s'échappant du site avant de les lacher dans l’atmosphère. Ben voyons. C'est très simple. Et ça durera bien 10.000 ans...
Á méditer avant de donner le feu vert à la construction du site d'enfouissement de Bure. Ouais, mais on sort du Mundial, on a le Tour et puis, merde, on est en vacances, non !
Sources :
http://www.coordination-stopnucleaire.org/spip.php?auteur...
http://www.ensi.ch/fr/2014/07/04/dechets-radioactifs-lifs...
Nonidi 29 messidor 222
Photo X – Droits réservés
11:05 Publié dans NUCLEAIRE | Lien permanent | Commentaires (0)
Un article de Hanane Harrath à lire ici :
http://www.yabiladi.com/articles/details/27648/gaza-paix-...
et aussi :
Le Monde.fr | 15.07.2014 à 18h55 • Mis à jour le 15.07.2014 à 20h17
Huit cinéastes israéliens dont les films sont présentés au festival de Jérusalem, organisé du 10 au 20 juillet, en appellent à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza. « Les enfants de la bande de Gaza ne bénéficient pas de la protection du système du Dôme de fer, écrivent Efrat Corem, Ronit Elkabetz, Shlomi Elkabetz, Tali Shalom Ezer, Shira Geffen, Bozi Gete, Nadav Lapid et Keren Yedaya. Ils ne disposent pas d’espaces résidentiels sécurisés, ni de sirènes. Les enfants qui vivent aujourd’hui à Gaza sont nos partenaires pour la paix de demain. La tuerie et l’horreur que nous infligeons ne font que repousser plus loin toute solution diplomatique. »
Ce texte a été présenté lors d’une conférence de presse, lundi 14 juillet. Les réalisatrices Shira Geffen et Keren Yedaya ont lu les noms d’enfants tués à Gaza lors des affrontements des derniers jours, en précisant : « Ce n’est pas une provocation, il est naturel de leur donner un nom et de se souvenir. »
Les réalisateurs mettent également en cause l’impartialité des médias dans la couverture du conflit : « Ceux qui filment la souffrance des Israéliens devraient être assez courageux et honnêtes pour filmer également les morts et les destructions à Gaza, et raconter aussi cette histoire. La douleur des Israéliens et des Palestiniens ne peut être distinguée, et l’une ne cessera pas tant que l’autre durera. »
Navi Lapid, l’auteur de L’Institutrice, présenté lors du dernier Festival de Cannes à la Semaine de la critique, a déclaré à Screen International : « J’espère que ce n’est qu’un premier pas et que les cinéastes israéliens se feront plus actifs et plus influents en tant que tels dans la vie politique israélienne. »
11:59 Publié dans LE MONDE EN 2014 | Lien permanent | Commentaires (0)
Avez-vous entendu parler de la Taskforce sur les pesticides systémiques ?
Il s’agit d’un groupe de 53 scientifiques venus du monde entier, qui ont mené dans le plus grand secret une étude sur les pesticides néonicotinoïdes – suspectés de décimer les abeilles.
Leurs conclusions sont sans appel : non seulement ces pesticides sont très nocifs pour les abeilles et autres insectes pollinisateurs, mais ils nuisent aux oiseaux, à la faune aquatique, aux mammifères et même peut-être à l’Homme.
En étant utilisés à grande échelle dans le monde entier, ils contaminent l’environnement et mettent en péril l’agriculture de demain.
Je vous invite à regarder la vidéo des scientifiques en Anglais, très bien faite, et qui résume bien les conclusions de leurs recherches.
Cette étude est une arme de plus dans le combat contre les firmes agrochimiques qui sont prêtes à tout pour sécuriser leurs milliards de profits, et pour convaincre les responsables européens d’interdire, pour de bon, ces pesticides nocifs pour les pollinisateurs, l’environnement et l’alimentation des générations futures.
Pour accéder au site internet de la Taskforce, c’est ici : http://www.tfsp.info/
11:23 Publié dans AGIR | Lien permanent | Commentaires (0)
Vous pourrez me retrouver avec mes bouquins, dimanche après-midi au Jardin des Livres. Dans une ambiance musicale, une rétrospective littéraire en présence d’auteurs invités les années précédentes avec des lectures d’extraits de leurs textes.
12:32 Publié dans CG - QUOI DE NEUF? QUE FOUS-JE ? | Lien permanent | Commentaires (0)
par Christian Saint-Paul
Le prix Goncourt 1986 n'a jamais lâché la poésie et vient de publier aux éditions Rhubarde "Les Jardins d'Atalante". Il s'explique sur son métier d'écrivain qui est une tenace passion, mais en aucune manière une carrière. Une posture bien salutaire, une oeuvre à lire ou à relire, et un poète toujours sur le qui-vive. Certainement PESSOA avait-il raison d'affirmer que "chaque homme a très peu à exprimer, et que la somme de toute une vie de sentiment et de pensée peut être parfois totalement contenue dans un poème de huit vers". En tout cas, il y a beaucoup à retirer des poèmes des "Jardins de l'Atalante". J'aurai d'ailleurs le plaisir de faire entendre ce souffle poétique de Michel HOST dans une future émission.
En attendant vous pouvez écouter sa voix en cliquant sur : http://les-poetes.fr/emmission/emmission.html
Le compte-rendu de l'émission :
Christian Saint-Paul signale la parution de "Fulgurance des Êtres, des Lieux Et des Mots" Textes et Poésies, préface de Christian Saint-Paul, de Paul DAUBIN, 104 pages, 10 € disponible sur Amazon et PriceMinister.
Paul DAUBIN est le nom de signature des poèmes et textes de Paul Arrighiqui, comme il est mentionné dans la 4ème de couverture du livre, "est né à Bougie, désormais Bejaia, en Kabylie, d’un père Corse, professeur d’anglais, et d’une mère Pyrénéenne, institutrice, le 26 février 1954. Ses premières années se sont passées sous l'état de guerre. De cette enfance vécue à Akbou reste profondément enfouie les senteurs d'olives de l'épicier mozabite, les senteurs de viande d'agneau sur l'étal du marché et ce goût à la fois acide et sucré des nèfles. «Rapatrié» en 1962 dans les Pyrénées, Paul a toujours gardé une nostalgie pour les paysages méditerranéens et éprouve encore la sensation d’avoir quitté une terre ocre de soleil. Il a ensuite vécu sa jeunesse à Toulouse à l’école Bonnefoy et au lycée Raymond Naves mêlant alors dans un creuset culturel réussi, les enfants de «pieds noirs », les fils de réfugiés espagnols et les jeunes des faubourgs toulousains. Mai 1968 a éclaté alors qu’il avait 14 ans et l’a éveillé plus tôt à la vie de la cité. Paul Arrighi a ultérieurement fait des études d’histoire terminées par une maîtrise et bien plus tard, par une thèse de doctorat soutenu le 12 mars 2005 sur le juriste antifasciste, Italien et Européen, Silvio Trentin, figure de l’antifascisme et de la Résistance et libraire à Toulouse. Paul Arrighi aime beaucoup la Corse ou il a tant de fois séjourné depuis son enfance dans le village paternel. Ses goûts et les valeurs essentielles qu’il s’efforce de promouvoir sont : la liberté, la curiosité d’esprit, l’ouverture aux autres. L’écriture de la poésie est en quelque sorte devenue pour lui une sauvegarde et un talisman dans l’attente hypothétique d’un monde plus tolérant ainsi que de l’émergence d’un indispensable nouveau rapport avec la nature.
Ce recueil évoque les thèmes suivants :
Souvenirs d’Enfance situés avant 1962 en Kabylie à Akbou où mes parents
enseignaient, puis à Luchon où se situe la maison maternelle et où tant de souvenirs de jeux avec mon frère Régis sont encore présents à mon esprit.
Sur les Chemins de Toulouse correspond l’éloge de ma chère ville définie par René-Victor Pilhes comme « subtile, épicurienne et tolérante » largement ouverte aux influences Méditerranéennes. J’y dépeins le Toulouse des quartiers de ma jeunesse, le faubourg Bonnefoy, Croix-Daurade, l’atmosphère enflammée du lycée Raymond Naves puis les différents quartiers de Toulouse où j’ai résidé après mon retour dans cette belle ville en 1992.
La Corse, l’île enchanteresse correspond aux lieux et aux arbres souvent emblématiques de cette île si « souvent conquise jamais soumise » qui sait si bien aimanter ses amoureux et ses fidèles et leur rend leur attachement au centuple.
Les poésies de Révolte et de Feu décrivent mes passions parfois mes indignations. Aujourd’hui que j’ai atteint 60 ans, prétendument l’âge de la sagesse, j’ai gardé vivant cette faculté de m’indigner et de me révolter avec mes mots car comme l’a écrit Gabriel Celaya « La poésie est une arme chargée de futur ».
Renouveau des saisons et petits bonheurs regroupe des poèmes sur les
saisons, quelques lieux que j’ai découverts et aimés et pour finir, évoque nos
compagnons les chiens qui sont une source de confiance et de réconfort."
Saint-Paul converse ensuite avec l'invité de la semaine : Michel HOST.
Il s'explique sur les chemins pris dans sa vie, notamment après le Prix Goncourt pour "Valet de nuit" en 1986. Voici comment il se présente lui-même :
Michel Host / Notice biographique (brève autoscopie)
Né - l’écrivain, précision utile - en 1942, en Flandre.
Vit à Paris et en Bourgogne. Poète, romancier, nouvelliste, traducteur. Hispaniste, lusophile, arachnophile et ami des chats. Agrégé d’espagnol et professeur heureux dans une autre vie. Amateur de vins, de vitesse et de rugby (la deuxième de ces passions ayant été récemment freinée par la loi, il porte dorénavant ses efforts sur les deux autres.) Aime les dames, et aussi les enfants, mais seulement jusqu’à l’âge de dix ans. Athée déterminé, il ne porte cependant aucune condamnation sur ceux qui estiment devoir croire en un Dieu ou un autre, en dépit de cette évidence que ceux qui prétendent l’avoir « rencontré » sont des vantards ou des imposteurs.
Marié légalement à une artiste peintre (une plasticienne, selon le lexique contemporain), père d’une fille musicienne, esclave de trois chattes : Artémis (décédée), Nejma (décédée) et Tanit, et d’un chat sibérien et sourd nommé Snejok.
Se considère moins comme un créateur, terme grandiloquent réservé à Dieu, aux couturiers et aux fabricants d’automobiles, que comme un digresseur (théorie personnelle récemment développée dans Topic Magazine (Cambridge University). Contributeur dans différentes revues en activité ou défuntes* : Revue des Deux Mondes, Révolution*, Revue d’esthétique, L’Art du bref*, L’Atelier du roman, La Barbacane, Harfang, L’Autre Sud*, Nouvelle Donne*, Écrire & Éditer*, Lieux d’Être, Salmigondis…
Dirige depuis l’automne 2009 la revue de littérature et de pensée : La Sœur de l’Ange.
Fondateur de l’Ordre International du Mistigri qui comporte une quarantaine de membres répartis sur les deux continents, l’européen et l’américain. Son amour des animaux est une affaire d’enfance, nullement consécutive à cette déception que cause d’ordinaire la fréquentation des êtres humains.
Ont tenu un rôle essentiel dans sa formation initiale les écrivains, poètes et philosophes français des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, avec plusieurs auteurs de l’antiquité classique et des littératures espagnole, portugaise et allemande.
Peu attiré par le tourisme, il se déplace le moins possible, mais apprécie de voyager, c’est-à-dire de rester, aimer et connaître.
A improvisé des directions d’ateliers d’écriture en milieu scolaire, non pour former des écrivains, mais pour partager le plaisir du texte et rencontrer l’Autre-Soi. S’est un temps agrégé aux Ateliers du Jeune Ecrivain.
Apprécie l’aphorisme, l’adage, l’apophtegme et la maxime, dont il possède une riche collection personnelle. Sachant le diagnostic du docteur Jules Renard : « Sauf complications, il va mourir », il tente de s’appliquer le traitement préventif préconisé par la marquise de Sévigné : « Faisons provision de rire pour l’éternité. »
Plusieurs de ses livres ont été traduits en différentes langues, dont le chinois. Lui-même traduit de l’espagnol, du portugais, et seulement des textes qu’il aime. S’adonne volontiers au grec ancien. N’a pas trouvé le temps de s’ennuyer.
N’a encore assassiné aucun chroniqueur littéraire et aucun éditeur. Est conscient de son mérite sur ce point. Il place aussi de grands espoirs dans son site HOSTSCRIPTVM (aujourd’hui en panne !) pour asseoir sa mauvaise réputation.
La bêtise le remplit de mélancolie et de peur, car elle est bien trop intelligente ainsi que l’observa Robert Musil : « Il n’est pas une seule pensée importante dont la bêtise ne sache aussitôt faire usage, elle peut se mouvoir dans toutes les directions et prendre tous les costumes de la vérité. » Seul, on le sait, Paul Valéry pouvait la narguer impunément.
Bibliographie (juin 2014) (suivi de l’astérisque * , le livre est libre de droits et ré éditable)
- POÈMES -
Les Jardins d’Atalante, Ed. Rhubarbe (Auxerre), juin 2014
Figuration de l’Amante, Ed. de l’Atlantique , (Saintes) coll. Phoïbos, 2010
Poème d’Hiroshima, Ed. Rhubarbe, (Auxerre), 2005
Alentours (petites proses), Ed. de l’Escampette, 2001
Graines de pages *, poèmes sur des photos de Claire Garate, Ed. Eboris (Genève), 1999
Déterrages / Villes, Ed. Bernard Dumerchez, 1997
- NOUVELLES & RÉCITS -
L’Amazone boréale *, nouvelles, Ed. Luc Pire, coll. Le Grand Miroir, (Bruxelles), 2008
Le petit chat de neige, nouvelles express, Ed. Rhubarbe (Auxerre), 2007
Heureux mortels, nouvelles, (Grand Prix de la nouvelle de la SGDL), Ed. Fayard, 2008
Peter Sís ou l’Imagier du temps, Ed. Grasset , 1996
Les Attentions de l’enfance, récits (Prix du livre de Picardie), Ed. Bernard Dumerchez, 1996 – réédition aux Ed. La Table Ronde, coll. La Petite vermillon, 2002
Journal de vacances d’une chatte parisienne, récits, Ed. La Goutte d’eau (hors commerce), 1996
Forêt Forteresse *, « conte pour aujourd’hui », Ed. La Différence, 1993
Les Cercles d’or, nouvelles, Ed. Grasset, 1989
- ROMANS -
Mémoires du Serpent, roman, Ed. Hermann, 2010
Zone blanche, roman, Ed. Fayard, 2004
Converso ou la fuite au Mexique, roman, Ed. Fayard, 2002
Roxane, roman, Ed. Zulma, 1997 - réédition au Cercle Poche, 2002
Images de l’Empire, « roman d’un chroniqueur », Ed. Ramsay, 1991
La Maison Traum, roman, Ed. Grasset, 1990
La Soirée, roman, Ed. Maren Sell, coll. Petite Bibliothèque européenne du XXe siècle, 1989 – réédition aux Ed. Mille & Une Nuits, 2002
Valet de nuit, roman (Prix Goncourt 1986), Ed. Grasset, 1986
L’Ombre, le Fleuve, l’Été, roman, Ed. Grasset, 1983 et Livre de Poche, 1984 (Prix Robert Walser 1984, à Bienne – Suisse)
- TRADUCTIONS -
Romancero gitano / Romances gitanes, de Federico García Lorca, bilingue, aux Ed. de l’Atlantique, coll. Hermès, 2012
Ploutos, d’Aristophane (traduction nouvelle), Ed. des Mille & Une Nuits, 2012
Coplas por la muerte de su padre / Stances pour la mort de son père, de Jorge Manrique, bilingue, aux Ed. de l’Atlantique, coll. Hermès, 2011
Trente poèmes d’amour de la tradition mozarabe andalouse des XIIe et XIIIe siècles, - première traduction en langue française, Ed. de l’Escampette, 2010
Lysistrata, d’Aristophane (traduction nouvelle), Ed. des Mille & Une Nuits, 2008
La Fable de Polyphème et Galatée, de Luis de Góngora, Ed. de l’Escampette, 2005
Les Sonnets, de Luis de Góngora (les 167 sonnets authentifiés), Ed. Bernard Dumerchez, 2002
Vanitas, nouvelle d’Almeida Faria, dans Des nouvelles du Portugal, Ed. Métailié, 2000
Michel Host est agrégé d’espagnol, amoureux des langues espagnole et portugaise. Il a étudié le grec classique pour son plaisir.
Autres publications
La nouvelle est la fin, in Pour la nouvelle, Ed. Complexe, coll. L’heure furtive, 1990
40 Ecrivains parlent de la mort, Ed. Horay, coll. Paroles, 1990
Avec le temps, si j’ose dire…, in « Nouvelles du temps & de l’immortalité », Ed. Manya, 1992
Transmutations littéraires, in Chercheurs d’Or, Cahier Figures, N° spécial : Ecrans de l’Aventure, Cahier N° 12 du Centre de Recherche sur l’Image, le Symbole, le Mythe, 1993
L’affaire Grimaudi, roman, avec A.Absire, J.C.Bologne, D.Noguez, Cl.Pujade-Renaud, M.Winckler, D.Zimmermann, Ed. du Rocher, 1995
Dit de Neptune en sa fontaine, in « Des Livres et vous », Anthologie dirigée par Henri Zerdoun, aux Ed. Éboris, à Genève, 1996
Roman, problème sans énoncé, in « Questions du roman / Romans en question », Ed. Revue Europe, 1997
Fable de l’homme invisible, in « Le Livre Blanc de toutes les Couleurs », Ed. Albin Michel, 1997
La dérive des mers, in « Cent ans passent comme un jour », 56 poètes pour Aragon, Ed. Dumerchez, Coll. Double Hache, 1997
Double Hache 1990-2001 - anthologie – Ed. Bernard Dumerchez, 2001
La Plume et la Faux, 1914-1918, poèmes sur des images de Philippe Bertin, Intensité Editions, 2001
Geste du jouvenceau qui point n’ayant nom bien sut en l’aage moderne machiner s’en faire ung de hault credit & proufict, nouvelle, in Les Chevaliers sans nom, Nouvelle Donne et Nestiveqnen Éditions, 2001.
Pure voltige, puis sur une feuille, ouvert, nouvelle, in Le dernier livre, Nouvelle Donne et Nestiveqnen Éditions, 2002.
Claire au Touquet, 1953, in « Le bord de mer », sous la direction de Claude Jacquot, photographies de Claude Jacquot, 2003
L’Enquêteur, in « Nouvelles / Novellas », 1er Salon du Livre de Chaumont, Ed. Les Silos, 2003
C’était un lundi de novembre, La Compagnie des Livres, 2003
Puzzle dans la nuit, in « Petites nouvelles d’Éros », Cercle Poche, 2003
Digression et aléagraphie, in « Le roman, pourquoi faire ? », Ed. Flammarion, coll. L’Atelier du roman / Essais littéraires, 2004
L’Appel de la forêt – la forêt dans le conte -, Editions Transbordeurs, 2005.
Chant des ombres, in « L’année poétique 2005 » (Anthologie), Ed. Seghers
Derniers lieux humains, in « Initiales a 10 ans & autres bonnes nouvelles, Librairies du Groupement Initiales, 2007
Enquête du le roman, 50 écrivains d’aujourd’hui répondent… Ed. Le Grand Souffle, 2007
Les Brucolaques, in « Was aus mir wurde / Ce que je devenais » (Album du Prix Robert Walser / bilingue), 2008 – Fondation Robert Walser
Le Voyageur éveillé & autres nouvelles, Ed. Isoète, Cherbourg, 2009
Le Voyeur, in « Nouvelles belges à l’usage de tous », sous la direction de René Godenne, Ed. Luc Pire, coll. Espace Nord, 2009
Nuno Júdice, Les Degrés du regard, L’Escampette, 1993.
Alonso de Ercilla, La Araucana, Utz, 1993.
François Regnault, Chemin héréditaire, En-Bas, Lausanne, 1997.
Jean-Philippe Katz, Violons et fantômes, Littéra, 1996.
Monique Castaignède, Nom de code : Athéna & Hé bien ! La guerre ! Olympio, 2000.
A publié au cours du temps dans les REVUES suivantes :
Révolutions (devenue Regards), L’Art du bref (revue fondée par Richard Millet), Quai Voltaire, Autre Sud, Harfang, Revue des Deux Mondes, Nouvelles Nouvelles (revue de Daniel Zimmermann & Claude Pujade-Renaud), L’Argilète (revue d’Arthur Cohen), Les Cahiers du Ru (revue de Pierre Lexert), La Barbacane (revue de Max Pons), Topic (Université de Cambridge), Nouveaux Délits (revue de Cathy Garcia), Faites entrer l’infini (revue des Amis de Louis Aragon), L’Atelier du roman (revue de Lakis Proguidis), La Sœur de l’Ange (revue de Michel Host & Jean-Luc Moreau), Saraswati (revue de Silvaine Arabo), Le Manoir des Poètes (revue de Maggy de Coster)
*
Michel HOST après plus de trois décennies de publications n'a rien de l'écrivain habitué. Il ne porte sur le monde littéraire aucune condescendance; son travail l'a singulièrement fortifié dans une posture naturelle d'humilité, celle même qui fait dire si justement au poète moine de Ligugé, François CASSINGENA-TREVEDY: "l'humilité est une certaine certitude de soi". En aucune manière, il n'a considéré son travail d'écrivain et encore plus de poète, comme le déroulement d'une carrière. Il réserve celle-ci à son métier d'enseignant, agrégé d'espagnol. Ecrire est pour lui une vocation qui lui permet d'exister pleinement. Dans l'écriture comme dans la lecture, impossible d'oublier la personne intime qui s'y livre. C'est si vrai qu'il précède ses notes de lecture de la phrase suivante : "Une lecture est une aventure personnelle, sinon à quoi bon ?" Ce qui domine dans son œuvre et dans le désintéressement mercantile de sa démarche, c'est son indéfectible attachement à la poésie. C'est avant tout un poète, et sa dernière publication "Les jardins d'Atalante" en atteste. Il se reconnait dans la formule de Georges PERROS : "La poésie "Elle est ce qui est toujours là", dans nos jours et nos nuits difficiles, et pourquoi rêvons-nous la nuit, sinon parce qu'elle ne nous lâche pas". Non, Michel HOST ne lâchera jamais la poésie, même s'il reconnait avec la totale sincérité qui caractérise l'homme, qu'on ne peut être habitée par elle, nuit et jour. L'inguérissable dépendance de l'amour, la beauté confondante de la femme, sont les thèmes inépuisables du poète. Il lit pour illustrer cette évidence, des extraits de son livre "Figuration de l'Amante" paru aux éditions de l'Atlantique, et qui espérons le, sera réédité dans une anthologie ou autre livre, bientôt.
TA CHEVELURE
Tes crèmes y pourchassent les rides
À l’heure malaise s’y porte ta main
S’y coule la lumière avide
D’y capter l’ombre d’une peine
J’y lis ta pensée nos pensées
Durs paysages, nos jours innocents,
Nos jours coupables
notre lent passage
Il se lève
Il m’éclaire
Laisse que l’orage de mes lèvres
Y lave ta tristesse et l’ennui de ce jour
*
Lecture d'extraits du livre "Les Jardins d'Atalante". Poèmes sur les douze mois de l'année illustrés par Danièle BLANCHELANDE
JANVIER
Infortune du vocabulaire cette année
misère de la syntaxe
muets de charme secs défoliés abolis
dépouillés plumés nuls
les arbres
Le fond de la fontaine s’est crevassé
l’eau goutte à goutte a traversé
parois capes couches strates
pour dessiner un lac une cuisse
en bas dans la vallée désirée d’ombres
Nous notre soif déclinons
les crêtes grattons le rocher de nos doigts cassés
Sans crier gare la femme a remué
le grand lac salé se vide de son sang
les pores s’obscurcissent
les habitants de la vallée jouissent d’un coucher de soleil
génital
visible entre les jambes d’Albane
car goguenards les bergers - là -
troupeau aux yeux rayés
aux quatre coins
démons de l’antique jardin
en elle satisfont
des peurs séminales longtemps
enchaînées
Mais veille Atalante la chasseresse
qui sur leurs rires referme ses genoux coursiers
écrase leurs têtes de liqueurs gelées
ô craquement croissance décimale
loin propagée sur les eaux
Atalante se tourne et se rendort
des mois des semaines
laissant au lac l’usage de recourir au sang
Et meurt le soleil sur ces hauteurs que le froid envahit
et jusqu’au cœur de nos ossatures se loge le gel
cependant que l’autre fontaine sourd doucement
entre tes cuisses qu’elle lave toute la nuit
Tu t’appelles Albane et le moi braconnier
entre dans ta nuit
*
FÉVRIER
Amère amande altère mes os
Amarante ô
tu devins la sereine amante de
celui qui jonchait le val de cadavres ennemis
et crucifiait les femmes sur les portes des sanctuaires
arrachait aux ventres des mères
le fœtus violacé les vives entrailles
qu’il livrait aux crocs des chiens
Si limpide Toi
plus suave que le clavecin des armistices
Toi couchée dans l’arc incendié
de ses cuisses
Toi ployant sous la masse
de son obscénité
Je me déchire à ton soupir
m’écorche au râle d’amour
comment peux-tu ? comment peux-tu ?
Moi retiré de ta bouche je vais sans clocher
ni maison dans l’ornière des égorgés
parmi ses victimes tes victimes maintenant
ô Amarante trop aimante
moi fol insensé qui me désespère
mais empli de rêves où tu baves et gémis
et râles embrassée de flammes verges brandies
redoublantes lacérations de l’air
inscrites en griffes bleutées
à tes bras à tes seins lactescents
quand déjà les bourreaux hurlent tout excités
autour du brasier de tes yeux
dressant les poteaux où ton agonie finira
dans les saccades inondées du plaisir
Amarante ô mon innocente
tu avais cessé de lui plaire
à la traverse de ton ventre
sur tes seins déchiquetés
sur la neige
avec des gestes lents ils étendent
- que du supplice fort l’on jouisse -
leurs filets le désir un oubli de colombes
*
JUILLET
Hors leur écrin de satin tes flancs s’allument
mon regard te détache à l’aube où tu te faisais prendre
des chasseurs montés de leurs vallées
Tu es Amarante
aussi belle en dépit de la sanie des étreintes
d’abord
ce papillon triste au coin de ta lèvre emporte
le souci de tes yeux ma rancune tout ensemble
sauf cette source de sang dont mes mains n’ont su
dévier les courants mais qu’y faire si tu accordes
plus que pain et feu à plus de prétendants
que n’en affronta le Grec
et - penses-y – moi une Ombre
que pouvais-je contre leurs poings leurs fusils
leurs chiens l’alcool blanc qui les imbibe leurs plaisanteries
grasses herbes dont ils savent se repaître
Je te vois qui descends au torrent
antienne couchée sur une page de ciel toute
amertume déserte ma pensée cela suffit à combler
l’attente de la lumière rais jetés pluriel hommage
à ton corps elle est sur toi et peu à peu t’immacule
ô Joie
C’est d’une princesse solitaire future reine d’États
délimités sur des portulans que j’invente
c’est le premier bain d’un matin de création
où des oiseaux virevoltent autour de tes épaules
mes yeux seuls les doigts roux des joncs s’y posent
leur caresse mon regard
font tes gestes pudiques et neufs
quand déjà
tu te penches sur le miroir inversé et contemples
les rides de l’amour sur fond de sable blanc
Parmi l’étrange songe
pour plus de lenteur en l’accomplir
j’accoste voiles amenées aux baies aux dunes aux étangs
que tu révèles et ouvres à mon esquif
j’y erre à loisir lynx agile je te contemple toute
de branches en rochers de mousses en vergers
en silence y pourchassant le lièvre du frisson
à l’entour de tes seins
je fuis tes cimes effraction qu’un orage m’interdit
te propose dans l’éclair notre longue petite mort
notre course nouvelle et de poursuivre le jeu
*
Même si PERROS affirme qu'est "poète celui qui habite totalement son être", idée reprise par SOLLERS qui dit, lui, que "la poésie, on ne la fabrique pas, on la vit, on la respire, on l'habite", il n'en demeure pas moins que ce travail de création, malgré tout, toujours un rien suspect s'agissant de poésie, Victor Hugo la considérant d'ailleurs comme "un peu extra-légale", requiert une vraie fabrication. Car "un mot de trop met tout en péril" selon le constat bien vu de Louis-René DES FORETS. Et ce livre de douze poèmes de Michel HOST, s'il existe parce que, indéniablement, son auteur est bel et bien "habité de poésie", s'est façonné lentement, comme un luthier fignole chaque violon en chef d'œuvre. L'auteur l'indique implicitement en exergue du livre : "Ces douze poèmes, issus d’un songe d’années - jetés la première fois sur le papier en 1972, à Saint-Auban-sur-l’Ouvèze, réécrits de mois en mois, jusqu’en 2012 -, disent aussi la cruauté des Jardins abandonnés."
Enfin Michel HOST aborde son travail de traducteur. Nul mieux qu'un poète ne peut traduire un autre poète. Ce faisant, il sert une passion; cette passion est celle d'une admiration militante de l'œuvre traduite. Ainsi il choisit les figures les plus emblématiques de la poésie espagnole, le grec antique ARISTOPHANE, le portugais Almeida FARIA. Il répète son engouement jamais affaibli pour Federico GARCIA-LORCA.
Lecture par Michel HOST de deux poèmes du romancero gitano dont :
ROMANCE DE LA GUARDIA ROMANCE DE LA GARDE
CIVIL ESPAÑOLA CIVILE ESPAGNOLE
Los caballos negros son. Noirs ils sont, noirs sont les chevaux.
Las herraduras son negras. Leurs fers aussi, leurs fers sont noirs.
Sobre las capas relucen Sur leurs capes partout reluisent
manchas de tinta y de cera. des macules d’encre et de cire.
Tienen, por eso no lloran, Ils ont, c’est pourquoi ils ne pleurent,
de plomo las calaveras. si obtus, des crânes de plomb.
Con el alma de charol Avec leur âme en cuir verni
vienen por la carretera. ils arrivent par la grand-route.
Jorobados y nocturnos, Bossus au milieu de la nuit[1],
por donde animan ordenan là où ils passent ils disposent
silencios de goma oscura des silences de gomme obscure
y miedos de fina arena. et tant de peurs de sable fin.
Pasan, si quieren pasar, Ils passent, s’ils veulent passer,
y ocultan en la cabeza puis dans leur tête dissimulent
una vaga astronomía une imprécise astronomie
de pistolas inconcretas. de pistolets immatériels.
* *
¡ Oh ciudad de los gitanos ! Ô ville, ville des gitans !
En las esquinas, banderas. Aux coins des rues sont vos bannières.
La luna y la calabaza La lune avec la calebasse,
con las guindas en conserva. les griottes qu’on a confites.
¡ Oh ciudad de los gitanos ! Ô ville, ville des gitans!
Ciudad de dolor y almizcle, Ville de douleur et de musc,
con las torres de canela. ceinte de tes tours de cannelle.
Cuando llegaba la noche Tandis que la nuit approchait,
noche que noche nochera ô nuit d’une nuit plus que nuit,
los gitanos en sus fraguas les gitans au fond de leurs forges
forjaban soles y flechas. forgeaient des soleils et des flèches.
Un caballo malherido Mais un cheval blessé à mort
llamaba a todas las puertas. à toutes les portes frappait.
Gallos de vidrio cantaban Lors des coqs de verre chantaient
por Jerez de la Frontera. vers Jerez de la Frontera[2].
El viento vuelve desnudo Et tourne le vent dénudé
la esquina de la sorpresa, au coin de la rue de Surprise,
en la noche platinoche, dans la nuit qu’argente la nuit,
noche que noche nochera. ô nuit d’une nuit plus que nuit.
* *
La Virgen y San José La Sainte Vierge et saint Joseph
perdieron sus castañuelas, ont égaré leurs castagnettes,
y buscan a los gitanos et ils vont chercher les gitans
para ver si las encuentran. qui les retrouveront peut-être.
La Virgen viene vestida La Vierge s’avance parée
con un traje de alcaldesa, d’une toilette d’alcadesse[3],
de papel de chocolate tout en papier de chocolat
con los collares de almendras. avec ses colliers faits d’amandes.
San José mueve los brazos Saint Joseph agite les bras
bajo una capa de seda. sous sa belle cape de soie.
Detrás va Pedro Domecq Derrière eux va Pedro Domecq[4]
con tres sultanes de Persia. avec trois sultans de la Perse.
La media luna soñaba La demi-lune s’ensongeait
un éxtasis de cigüeña. dans une extase de cigogne.
Estandartes y faroles Les étendards et les lanternes
invaden las azoteas. envahissent jusqu’aux terrasses.
Por los espejos sollozan À travers les miroirs sanglotent
bailarinas sin caderas. des danseuses privées de hanches.
Agua y sombra, sombra y agua Et l’eau et l’ombre, et l’ombre et l’eau
por Jerez de la Frontera. vers Jerez de la Frontera.
* *
¡ Oh ciudad de los gitanos ! Ô ville, ville des gitans!
En las esquinas, banderas. Aux coins des rues sont vos bannières.
Apaga tus verdes luces Éteins-les tes vertes lumières
Que viene la benemérita. car vient la Toute méritante[5].
¡Oh ciudad de los gitanos ! Ô ville, ville des gitans!
¿ Quién te vio y no te recuerda ? Qui, t’ayant vue, peut t’oublier ?
Dejadla lejos del mar Oh! laissez-la loin de la mer
sin peines para sus crenchas. avec ses mèches dépeignées.
* *
Avanzan de dos en fondo Ils avancent en rangs par deux
a la ciudad de la fiesta. jusqu’à la ville de la fête.
Un rumor de siemprevivas Puis un murmure d’immortelles
invade las cartucheras. hante soudain les cartouchières.
Avanzan de dos en fondo. Ils avancent en rangs par deux.
Doble nocturno de tela. Double nocturne de tissu,
una vitrina de espuelas. qu’une vitrine d’éperons.
* *
La ciudad, libre de miedo, Libre de toute peur, la ville
multiplicaba sus puertas. alors multipliait ses portes.
Cuarenta guardias civiles Les quarante gardes civils
Entran a saco por ellas. s’y jettent pour la mise à sac.
Los relojes se pararon, Là, les horloges s’arrêtèrent,
y el coñac de las botellas et le cognac dans les bouteilles
se disfrazó de noviembre pour n’éveiller point de soupçons
para no infundir sospechas. de novembre se travestit.
Un vuelo de gritos largos Une longue envolée de cris
se levantó en las veletas. jaillit d’entre les girouettes.
Los sables cortan las brisas Les sabres découpent les brises
que los cascos atropellan. que les sabots ont culbutées.
Por las calles de penumbra Au travers des rues de pénombre
huyen las gitanas viejas s’ensauvent les vieilles gitanes
con los caballos dormidos avec les chevaux endormis,
y las orzas de moneda. avec leurs pots pleins de piécettes.
Por las calles empinadas Et le long des rues escarpées
suben las capas siniestras se hissent les capes sinistres,
dejando detrás fugaces qui derrière laissent, fugaces,
remolinos de tijeras. les moulinets de leurs ciseaux.
* *
En el portal de Belén À la crèche de Bethléem
los gitanos se congregan. ils se rassemblent les gitans.
San José, lleno de heridas, Saint Joseph, couvert de blessures,
Amortaja a una doncella. met une fille en son linceul.
por toda la noche suenan. claquent durant toute la nuit.
La Virgen cura a los niños La vierge soigne les enfants
con salivilla de estrella. qu’elle oint de salive d’étoile.
Pero la Guardia civil Mais la Garde civile avance
avanza sembrando hogueras, semant sur ses pas des brasiers,
donde joven y desnuda dans lesquels jeune et mise à nu
la imaginación se quema. l’imagination se consume.
Rosa la de los Camborios Rosa, fille des Camborios,
gime sentada en su puerta assise à sa porte gémit
con sus dos pechos cortados regardant ses deux seins coupés
puestos en una bandeja. qu’on a posés sur un plateau.
Y otras muchachas corrían Et d’autres filles s’enfuyaient
perseguidas por sus trenzas, pourchassées, saisies par leurs tresses,
en un aire donde estallan dans un air où partout éclatent
rosas de pólvora negra. de ces roses de poudre noire.
eran surcos en la tierra furent des sillons mis en terre
el alba meció sus hombros l’aube balança ses épaules
en largo perfil de piedra. en un très lent profil de pierre.
¡ Oh, ciudad de los gitanos ! Ô ville, ville des gitans!
La Guardia civil se aleja La Garde civile s’éloigne
por un túnel de silencio suivant un tunnel de silence
mientras las llamas te cercan. tandis que les flammes t’encerclent.
¡ Oh, ciudad de los gitanos ! Ô ville, ville des gitans!
¿ Quién te vio y no te recuerda ? Qui, t’ayant vue, ne se souvient ?
Que te busquen en mi frente. Qu’on te cherche ici, sur mon front,
Juego de luna y arena. Ô toi, jeu de lune et de sable.
Michel HOST, auteur consacré peu enclin à jouer le jeu d'une conformité médiatique dominante, a conservé l'enthousiasme du découvreur. Il semble naître, renaître plus justement à chaque nouvelle publication. Sa ferveur doit nous guider. Dans un monde littéraire où les "hommes habitués" sont cohortes de cynisme, cette fraicheur est un démenti à l'agacement qui pourrait s'installer. Qu'il en soit remercié !
[1] Sous les capes, les fusils portés en bandoulière leur dessinent des silhouettes bossues.
[2] Belle ville d’Andalousie qu’entourent de nombreux vignobles. Les Arabes du califat de Cordoue en avaient fait une frontière défensive contre les invasions venues du Nord.
[3] L’alcadesse est l’épouse de l’alcade (ou alcalde), premier magistrat d’une municipalité.
[4] Le plus renommé des éleveurs de cognac d’Espagne, dont sur toutes les routes des panneaux publicitaires vantent les mérites.
[5] La Très méritante, la Toute méritante (la Benemérita), celle qui a bien mérité de la patrie : surnom familier de la Garde civile.
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Reportage sur le travail de REEJER, une organisation qui aide les enfants des rues de Kinshasa. Par Gael Metroz et Jump Cut Productions. Voix de Marcus Berry.
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Ed. Zulma, février 2014
Traduit de l'anglais (Ghana) par Sika Fakambi. Prix Mahogany 2014
304 pages, 21 €.
Kayo Odamtten est un jeune médecin légiste qui a fait ses études à Londres et qui vient de retourner au pays, c’est à dire au Ghana. Sa candidature n’a pas été retenue par les services de police, aussi il travaille sans grand enthousiasme comme manager dans un laboratoire d’analyse biochimique et vit chez ses parents, à Accra, la capitale, tout en espérant mieux, malgré un contexte difficile pour exercer dans son pays.
Pendant ce temps, de mystérieux restes humains sont retrouvés dans la case de Kofi Atta, un cultivateur de cacao à Sonokrom. Le légisse, comme le nomme les villageois,n’a pas su déterminer de quoi il s’agissait réellement : « ça pourrait être n’importe quoi. Personnellement, je pencherais plutôt pour de la matière placentaire, mais en même temps ça me parait un peu trop gros pour que ce soit ça ». Sonokrom est un petit village situé à quelques heures d’Accra qui sert de rendez-vous discret pour le ministre du Développement des routes et autoroutes avec sa jeune maîtresse, originaire de Tafo, proche de Sonokrom. C’est justement parce que c’est cette fille qui, alertée par l’odeur alors qu’elle poursuivait un oiseau à tête bleu, a découvert ces restes humains dans la case, que Kayo va être recruté de façon plutôt inhabituelle par l’inspecteur principal Donkor. Donkor est un type tout sauf sympathique, dont l’ambition est à la mesure d’une totale absence de scrupules. Ainsi Kayo, de son vrai nom ghanéen Kwadwo, est chargé, ou plutôt sommé, de faire la lumière sur cette affaire, mais surtout de pondre un rapport du style « Les Experts », une série qu’affectionne l’inspecteur, qui puisse servir la cause de ce dernier aux yeux du ministre, et peu importe la vérité vraie. Voilà donc notre médecin légiste, qui après avoir passé une mauvaise nuit en cellule, part pour Donokor, affublé de Garba, un policier qui lui sert d’aide et de chauffeur. Kayo est content de pouvoir enfin exercer son métier, mais cependant contrarié par les circonstances dans lesquelles il est appelé à le faire. Détenteur de connaissances à la fois venues de l’étranger mais aussi de son éducation, dont il a retenu les bonnes façons de se comporter selon les coutumes de la société rurale de son pays, il va se mouvoir avec pas mal d’aisance et beaucoup de respect entre deux mondes. Il fait ainsi le lien entre sa science et sa technologie et le monde clos du village avec ses traditions ancestrales et un savoir tout aussi ancien mais pas moins efficace. Cela lui vaudra d’être apprécié et soutenu dans son enquête par les habitants du village, particulièrement par Opanyin Poku, dit Yao Poku, le chasseur, mais aussi le féticheur du village, Oduro, et ces deux là semblent en savoir bien plus sur cette affaire que ce qu’ils en disent. Il faudra donc que Kayo prenne patience et se rende utile, tout en savourant le vin de palme et les bons plats de chez la troublante Akosuoa Darko et sa fille Esi, plus troublante encore et qu’il écoute surtout jusqu’au bout l’histoire que Yao Poku va lui raconter. « Ah. Peut-être c’est ça l’histoire que tu cherches. Mais ce n’est pas moi qui peux te dire si c’est vrai. Je te raconte une histoire seulement. Sur cette terre ici, nous devons bien choisir quelle histoire nous allons raconter, parce que l’histoire là va nous changer. Ça va changer comment nous allons vivre après. »
Kayo savait qu’il ne pourrait jamais se faire une idée complète et précise de ce qui s’était passé dans la case, avant la fin du délai imparti pour rendre son rapport. « Il commençait même à se dire que l’ultime vérité des choses, comme l’amour, se trouvait hors de portée de toute explication scientifique ». Aussi une fois sa mission remplie, sa confrontation avec la corruption des pouvoirs en place et ce qu’il avait appris de son séjour à Sonokrom, le placent face à un choix qui met au défi son courage et son intégrité, mais plus encore, qui le poussent à décider qui il veut être véritablement.
« Les lois des livres et le pouvoir des fusils n’enseigneront jamais les manières de faire avec les humains. »
Notre quelque part dans l’écriture duquel se mêle avec bonheur français classique et langue populaire d’Afrique de l’Ouest, est un bel hommage à l’identité profonde ghanéenne. Nii Ayikwei Parkes nous fait entrer ainsi de façon très originale dans l’intimité de son pays natal, nous fait découvrir au-delà des travers et problématiques, sa beauté, sa sagesse et sa dimension humaine et donc universelle. C’est un livre rafraichissant, d’une grande dignité et qui fait du bien.
« Ceux qui ont vécu savent que l’ombre n’est là que pour un temps ; le matin apporte avec lui sa lumière. »
Cathy Garcia
Romancier, poète du spoken word, nourri de jazz et de blues, Nii Ayikwei Parkes est né au Ghana en 1974. Il partage sa vie entre Londres et Accra. Notre quelque part, est son premier roman, très remarqué, finaliste du Commonwealth Prize.
14:42 Publié dans CG - NOTES DE LECTURE | Lien permanent | Commentaires (0)