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02/07/2014

RIP Albert Jacquard

"Le 11 septembre 2013, un grand homme nous a quitté, nous avons essayé de regrouper différentes vidéos d’Albert Jacquard afin que son message et ses idées puissent lui survivre sur la toile."

 

 

800px-Albert_Jacquard_-_May_2009.jpg

 

 

à voir ici :

http://4emesinge.com/rip-albert-jacquard/

 

« La morale collective actuelle nous fait croire que l’important c’est de l’emporter sur les autres, de lutter, de gagner. Nous sommes dans une société de compétition mais un gagnant est un fabricant de perdants. Il faut rebâtir une société humaine où la compétition sera éliminée. Je n’ai pas à être plus fort que l’autre, je dois être plus fort que moi… grâce à l’autre. »

 

 

29/06/2014

l'oeil de JL Millet & la plume de Bruno Toméra : à la tienne ! mon vieux

 

à la tienne recadrcontrast2.jpg
texte de bruno toméra                                                                                                                  collage  jlmi  2014
 

 

 

On n’en finit pas de blesser

ses doigts sur les arêtes acérées du stylo.

On sue en s’arrachant de son crâne des

caillasses de gros sentiments, des rochers

de lieux communs. Puis doucement la lime

fignole les mots, les phrases ; on a secoué

le tamis pour récupérer des poussières

d’instants. On est joyeux, le voilà enfin ce

maudit texte de mes deux, peaufiner,

bichonner, c’est le plus beau...Y a pas à

dire... On y a mis quoi, là dedans, Un

fouillis de soi ; des restes de bonheur ; des

souvenirs de poivrots ; des ballades avec

des ombres qui, parfois, nous tiennent la

main ; les bizarreries du monde que l’on a

cru bouffer, un jour, il y a longtemps. On

s’en remet jamais de cette naissance si

hasardeuse, si intelligente puisque la vie

nous pousse elle-même vers la FIN. On

s’arrange en attendant, avec les

embrouilles et les joies que l’on se

fabrique, avec d’autres qui savent sourire,

qui savent accueillir plus barjots qu’eux

mêmes. La curiosité n’est pas un vilain

défaut.

L’étonnement de l’écrit ;

toujours prêt à embarquer sur le rafiot de

la révolte et nous dans nos petits canoës

indiens pour élargir le sillage, on tachera

de pas jeter l’ancre trop tôt.

Ici, au dehors, les oiseaux

piaillent, un vrai capharnaüm à piafs, ils

nous préparent des nichées d’oisillons

grelottants, affamés des rêves d’Icare.

Les chats regardent tout ça d’un

drôle d’oeil. C’est la vie...

 

Lieu du larcin : http://jlmi22.hautetfort.com/

 

 

28/06/2014

L'attaque de robots traders

 

 

 

 

Monsanto, sa vie son empire

 

 

26/06/2014

Vous avez aimé le traité transatlantique, vous adorerez TISA !

 

"L'Humanité" consacre sa une du jour au nouveau traité commercial négocié par une cinquantaine de pays dont les Etats-Unis et la France. Prévu pour entrer en vigueur en 2015 — sauf échec des négociations — le TISA (ou Accord sur le commerce des services) vise à favoriser une libéralisation toujours plus poussée du commerce des services (santé, transports, énergie, eau, etc.). Une négociation qui se déroule dans le plus grand secret et qui enthousiasme la Chambre de commerce des Etats-Unis qui voit déjà l'Amérique mettre la main sur le marché mondial des services.


Vous avez aimé le traité transatlantique, vous adorerez TISA !
   

Les services publics de l’eau, de l’éducation, de la santé, des transports, mais aussi l’échange sans restriction de données. Tout est sur la table du nouvel accord commercial que négocient dans le plus grand secret, les Etats-Unis, l’Union européenne et une vingtaine d’autres Etats depuis deux ans dans les locaux de l’ambassade d’Australie à Genève.
 

La négociation porte sur le commerce des services et vise notamment une vaste libéralisation des services publics. Les tractations de cet Accord sur le commerce des services (ACS en français, Trade In Services Agreement en anglais) devaient rester secrètes « jusqu’à cinq ans après la conclusion d’un accord » ou la fin des négociations en cas d’échec. Wikileaks a révélé le 19 juin l’annexe du traité  en préparation consacré aux services financiers auquel le quotidien l’Humanité consacre sa une et un grand dossier. 

 

Selon l’Huma, ces révélations « soulignent, en fait, l’ampleur de l’offensive engagée par Washington, suivi par les Etats membres de l’Union européenne pour permettre aux multinationales de truster, le moment venu, le commerce des produits financiers mais aussi celui de tous les services sur les grands marchés transatlantiques et transpacifiques, dont les négociations avancent dans la plus grande discrétion ».

 

C’est suite à la paralysie du cycle de Doha de l’OMC qui visait un accord global sur le commerce des services (l'AGCS) qu’un groupe de pays a décidé en 2012 de démarrer des pourparlers pour un accord sur le commerce des services (l'ACS) proposé au groupe des « Really Good Friends », les « vrais bons amis ». Une simple opération de toilettage et un déménagement d’à peine quelques rues : du siège, sans doute un peu trop voyant, de l’OMC à Genève, les négociations ont été déplacées à l’ambassade d’Australie basée dans la même ville.   

 

Le document révélé par Wikileaks, mis en ligne par Marianne (voir ci-dessous), correspond au relevé de la négociation du 14 avril dernier sur le commerce des produits financiers et vise notamment à restreindre — le Medef appréciera — la capacité d’intervention de la puissance publique et à faciliter l’autorisation des produits financiers dits « innovants », conçus pour contourner les règles bancaires et  largement considérés comme responsables de la crise de 2008. La banque Lehman Brothers était leader sur ce marché des produits financiers innovants… jusqu’à sa faillite. 

 
Un traité déjà adoré par la Chambre de commerce américaine 

Entre autres joyeusetés, les firmes Internet américaines plaideraient pour une transmission sans restriction des données de leurs clients. Les grandes multinationales de services, elles, seraient favorables à l’accès sans discrimination aux marchés des pays signataires dans les mêmes conditions que les prestataires locaux, y compris l’accès aux subventions publiques (!)  — autant dire la fin de toute notion de protectionnisme... Les orientations du texte s’opposent également à toute nationalisation d’un service public privatisé. En Grande-Bretagne, impossible, par exemple, de revenir sur la privatisation des chemins de fer… 
 

Dans un communiqué diffusé en février 2014, la Chambre de commerce des Etats-Unis ne cachait pas son enthousiasme à propos des perspectives ouvertes par cette négociation : « Il ne fait pas la une des journaux mais ce nouvel accord passionnant a le potentiel d’enflammer la croissance économique américaine. Les services sont clairement une force pour les USA qui sont de loin le plus grand exportateur mondial de services. Le TISA devrait élargir l’accès aux marchés étrangers pour les industries de service. Le TISA ne fera pas les gros titres de sitôt mais sa capacité à stimuler la croissance et l’emploi aux Etats-Unis est plus que significative  ». La chambre de commerce américaine évalue un marché accessible de 1400 milliards de dollars !!!

  

Le blog juridique Contre la cour  — déjà cité par Marianne au sujet du TTIP — s’était intéressé à cet accord sur le commerce des services en avril dernier relayant notamment un rapport de l’Internationale des services publics (ISP) qui exprimait ses inquiétudes sur le contenu de ces négociations. 

Pour la privatisation des services publics

 

Selon l’étude de l’ISP (disponible à la fin de l'article), « l’ACS instaurerait un environnement plus favorable à la privatisation des services publics et entraverait la capacité des gouvernements à remunicipaliser (nationaliser) les services publics ou à en créer de nouveaux. L’accord limiterait aussi la capacité des gouvernements à légiférer dans des domaines tels que la sécurité des travailleurs, l’environnement, la protection du consommateur et les obligations de service universel » .

 

Seraient concernés les procédures d’autorisation et d’octroi de licences, les services internationaux de transport maritime, les services de technologie de l’information et de la communication (y compris les transferts de données transfrontaliers), l’e-commerce, les services informatiques, les services postaux et de messagerie, les services financiers, le mouvement temporaire des personnes physiques, les marchés publics de services, etc. 

 

« L’objectif est que chaque Etat participant égale voire dépasse le plus haut niveau d’engagement qu’il a contracté dans le domaine des services lors de la signature de tout autre accord sur le commerce et l’investissement » écrit sur son blog la juriste Magali Pernin.

« La principale menace qui pèse sur les services publics provient de la clause du traitement national. Il semble que les participants au projet d’accord envisagent de retenir le principe de la "liste négative". Ainsi, l’égalité de concurrence concernerait l’ensemble des secteurs, sauf ceux qui seraient expressément exclus par l’Etat signataire, ce qui signifie que tout soutien financier apporté aux services publics devrait être soit explicitement exclu, soit également ouvert aux prestataires de services privés poursuivant un but lucratif ». 

 

Et les négociations progressent : en avril 2014, le journal suisse Bilan écrivait qu‘« au cours de la 13e ronde de négociation, à Genève du 4 au 8 novembre [2013], les participants ont convenu que le texte de l'accord était suffisamment mûr et qu'il était possible de procéder à un échange d'offres initiales ».

 

Chaque pays a précisé début 2014 les secteurs qu’il souhaite inclure dans l’accord, et les modalités qu’il propose concernant « l’ouverture » à la concurrence internationale de ces secteurs, selon un cadre pré-déterminé par l’accord. Certains les ont rendus publiques, comme la Suisse. En France, pour l’instant rien à déclarer...

 

Pour lire L'annexe du traité TISA consacrée aux services financiers, dévoilée par Wikileaks et Le Rapport de l'International des Services Publics: « l'ACS contre les services publics »   : http://www.marianne.net/Vous-avez-aime-le-traite-transatl... 

25/06/2014

Yves Sioui-Durand

Source : http://linsatiable.org/?Yves-Sioui-Durand

Grand témoin

par Valérie de Saint-Do

 



Membre de la nation Huronne-Wendat, Yves Sioui mène avec la compagnie Ondinnok, installée à Montréal, une aventure théâtrale qui puise au plus profond des traditions amérindiennes pour inventer un langage aussi singulier qu’universel. Des Inuits aux Mayas, il explore l’imaginaire mythologique des Premières Nations américaines et le traduit en formes où le contemporain le plus expérimental rejoint l’archaïque. Il ressuscite ce que cet imaginaire violé nous apprend de nous-mêmes.

(article paru dans le numéro 87 de Cassandre/Horschamp le 15 octobre 2011)

Quelle est la genèse d’Ondinnok et comment êtes-vous venu au théâtre ?

Yves Sioui-Durand : Mon parcours est fait de bifurcations et zigzags : j’ai étudié la musique, avant de créer en 1985 mon premier spectacle au festival des Amériques, dont c’était la première édition. Si Catherine Joncas, ma compagne, est passée par le Conservatoire, je suis un dinosaure relativement autodidacte, passé d’abord par la musique.
Je n’avais pas décidé, à l’époque, de fonder une compagnie de théâtre. Les œuvres ont précédé l’organisation. Je n’ai jamais pensé que cela durerait vingt-cinq ans ! Une compagnie, pour moi, cela signifiait instituer quelque chose. Peut-être sommes-nous désormais devenus une institution en raison de notre persistance, sans pour autant que cela passe par une reconnaissance sociale ni une contrainte de production. C’est parce qu’il y a des œuvres à naître qu’il y a un futur.

« Compagnie », cela induit aussi l’idée de collectif, de troupe. Autour de Catherine Joncas et vous, une troupe s’est-elle constituée ?

Au départ, nous étions trois. Jean Blandin nous a rejoints dans un premier temps, mais a malheureusement très vite disparu. Nous avons connu bon nombre de collaborateurs attitrés : techniciens, musiciens…Mais il n’y avait pas d’acteurs autochtones au Québec au moment où j’ai commencé, ni d’école. Et cela n’a pas beaucoup changé. Ces dernières années, nous avons formé des acteurs avec l’École nationale de théâtre. Mais l’École ne s’est pas beaucoup investie, et nos institutions politiques autochtones ne sont pas très ouvertes à l’art et à la culture. Le théâtre, ils ne connaissent pas ! La colonisation politique et spirituelle pèse toujours, et nos leaders politiques ont beaucoup de misère à envisager la culture comme un moteur de civilisation essentiel pour survivre. Ils sont beaucoup plus axés sur les luttes politiques pour le territoire et les conditions de vie, parfois d’une dureté extrême, des communautés confrontées aux problèmes de drogue et de pauvreté.

C’est un paradoxe que cette fermeture à la culture telle que nous l’entendons. Les traditions culturelles des Amérindiens n’étaient-elles pas une condition de leur survie ?

Tout dépend de l’angle de la lunette d’observation ! Historiquement, des traditions ont perduré, mais pas chez tous les peuples autochtones. Ceux du Québec ont vécu un problème majeur : l’acculturation religieuse initiée notamment par les Jésuites de la Nouvelle France. La démonisation du chamanisme a détruit les traditions. Les peuples du Nord sont des chasseurs, dépendants du caribou. Il existe une relation évidente entre spiritualité et survie : le chamanisme est lié à la chasse. En le détruisant, les Jésuites ont atteint le cœur de cette culture, et la révolution industrielle a aggravé les choses : les Indiens n’étaient plus utiles comme au moment du commerce des fourrures. Ils ont été les dupes de cette économie de marché qui les appauvrissait et qui, à l’époque, a presque fait disparaître le castor, surchassé ! Les questions d’écologie sociale et culturelle se sont posées très vite : surchasser, c’est aller contre la tradition.
La création du Canada en 1877 a donné le coup de grâce avec la fin des guerres indiennes aux États-Unis et la sédentarisation forcée des Indiens du Nord. Il reste encore quelques groupes qui savent nomadiser, mais ils sont aliénés par la religion et la structure des réserves, et ne constituent que de petits groupes à l’intérieur des communautés.
Dans les années 1970, un cinéaste français, Arthur Lamothe, a réalisé sa filmographie sur les derniers grands nomades, particulièrement les Innus [1]. À l’époque, on a achevé de les déstructurer en enlevant les enfants pour les scolariser de force dans des pensionnats, où ils ont souvent été abusés sexuellement [2]. L’assimilation, l’extinction culturelle étaient programmées. Encore aujourd’hui, des procès sont intentés pour ces abus qui ont augmenté l’alcoolisme, le désespoir, et la coupure générationnelle. Cette tragédie conjugue le mépris de soi. Mon père était un chasseur, chrétien. Mon grand-père, christianisé, avait encore des pratiques rituelles. Comment aimer quelqu’un qui t’a élevé dans le catholicisme et qui ensuite t’a maltraité ? Pour connaître l’héritage, c’est très dur de passer le mur du père.

Donc, il a vous a fallu aller rechercher les traditions initiatiques avec lesquelles vous travaillez. Quelles voies avez-vous empruntées ?

Je suis un privilégié : je n’ai pas connu ces sévices. Je viens du monde des Iroquois [3], différent de celui des Innus, les Indiens de la forêt. Mon théâtre ne se relie pas à ma seule culture : il se veut le théâtre des autochtones à travers le monde.
Nous sommes des cultivateurs de maïs, en lien avec un axe nord-sud qui va du Guatemala de l’ère maya jusqu’aux Grands Lacs au Nord, jusqu’au Chili au sud. Très peu de gens considèrent l’histoire de l’Amérique en fonction de ces niches écologiques !
Les Iroquois ont réintroduit les grandes cérémonies interdites par le gouvernement canadien de 1890 à 1947 et sont revenus à leur structure fondée sur ce que l’on appelle la Longue Maison [4]. Le concept est celui d’une seule famille : on vit tous ensemble dans la même maison, organisée autour d’un feu. Et notre structure de décision s’appelle aussi la Longue Maison : c’est un Parlement, lieu de prise de décision par consensus – dont on dit qu’il a influencé la constitution américaine ! –, très organisé pour l’époque et basé sur les différents clans représentés par des hommes eux-mêmes nommés par les femmes. Il s’agit d’un système matrilinéaire, les chefs sont les porte-parole des femmes.
Je viens d’achever un travail avec les Mayas du Guatemala sur un texte précolombien, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, dont les fondements remontent plus loin que la tragédie grecque. C’est l’ultime vestige de l’existence d’un théâtre amérindien, de formes traditionnelles qui ont chacune leurs caractéristiques, liées à des mythologies ou des drames ritualisés. Je me situe dans le sillon de ces grandes traditions. Je suis remonté à la source, avec une forme théâtrale qui date peut-être de 2000 av. J.-C., et un texte dont l’argument se situe juste avant l’arrivée des Espagnols, entre 1100 et 1300. Pour moi, c’est extraordinaire : quand j’ai commencé, je cherchais les racines d’un théâtre amérindien, qui existe !
Ma première pièce s’intitulait Le Porteur des peines du monde. Les autochtones de toutes les Amériques n’avaient pas d’animaux de trait, à l’exception des lamas. Le portage, l’homme qui porte, est un archétype fondamental. Le Soleil est vu comme un portageur. Dans le calendrier maya, chaque jour est un soleil, chaque soleil un esprit qui porte le monde plus loin. En espagnol, on dit : « cargar días », celui qui va prendre le poids du monde. Le chef, c’est celui qui prend la charge de son peuple pour l’emmener plus loin. Donc Le Porteur, dès le départ, collait à cet archétype.

C’est un archétype que l’on retrouve dont bon nombre de mythologies : on pense à Chronos…

Cela vient de la grande histoire du peuplement de l’humanité, de l’Asie à l’Amérique, qui s’est faite à pied ou à dos d’âne, enracinée dans le corps de l’homme américain. Encore aujourd’hui, si tu voyages avec les Indiens en canoë, inévitablement le portage s’impose. Dans la fonction sociale ritualisée, les chefs traditionnels de la culture maya urbaine de l’époque classique étaient ceux qui portaient la responsabilité de l’empire, en lien avec le Cosmos. Un rituel populaire a survécu dans les villages mexicains et guatémaltèques : les conseils indiens font une cérémonie de transmission du cargo, de la charge.
J’ai joué Le Porteur des peines du monde dix ans d’affilée et il m’a fallu tout ce temps pour comprendre la métaphore spirituelle qui se jouait là. J’avais touché une racine du grand alphabet mythologique des Amérindiens, une fonction non de rédemption, mais de renaissance. Pour renaître, il faut être capable de mourir à soi.
Dans l’alphabet mythologique des Trois Amériques, un principe fondamental est de mettre les morts à la bonne place. Tu ne peux pas prendre la mort de tes ancêtres sur ton dos, tu ne peux pas racheter l’histoire, il faut faire la paix avec les morts pour pouvoir avancer. C’est le problème des peuples autochtones du Canada et des Amériques en général face à la conquête. Comment transcender la souffrance qui vient de la conquête, du viol, de la dépossession, de la colonisation ? Le malaise de l’autochtone fait vivre le système global : on n’essaie donc pas de le régler. La seule façon de sortir de l’aliénation, c’est de retrouver une autonomie de pensée.
Le théâtre est le lieu pour cela, pour tout groupe humain. L’une de ses fonctions, c’est d’ouvrir cette brèche. De déjouer ce qu’on nomme le connu pour réénoncer le début du monde. Comment sommes-nous devenus humains ? Quels sont les liens entre le Dieu et l’homme, entre les hommes entre eux, entre les hommes et les animaux, les hommes et les esprits des ancêtres, cette famille liée au territoire ? En iroquois, on dit Onkwéonwé et on traduit « les êtres humains ». De même que Innu ou Inouit signifie « être humain ».C’est ainsi que se définissent la plupart des groupes humains ! Mais c’est un sens restrictif. On touche là une autre lettre de l’alphabet universel profond : qu’est-ce qui nous fait humain ? Le nom des peuples désigne à la fois l’humain et sa terre : l’homme et le lieu sont indissociables. On ne peut définir l’homme sans le lieu.

Dans ce que vous décrivez, on retrouve des fondamentaux du théâtre que l’on aimerait revoir partagés. À une époque où le théâtre est devenu spectacle et le spectateur, passif, comment votre travail peut-il s’accommoder des lieux et des dispositifs habituels ?

C’est la grande question. J’ai joué Le Porteur des peines du monde en extérieur, dans un terrain vague à Montréal, pour rapatrier un territoire originel, mais ce choix restait un peu inconscient. Je ne maîtrisais pas tout ce que je mettais en jeu. Nous connaissons une surabondance du spectaculaire ; je travaille de façon très consciente depuis quelques années contre le spectacle et sa structure préexistante. Dans mes premiers travaux, je tentais d’apprivoiser les langages du théâtre, je n’avais pas de maître.
C’est en 1999 que j’ai trouvé quelque chose, en me posant cette question : pourquoi nous, peuples autochtones, ne nous référons-nous plus à nos mythologies d’origine, matrices de nos psychés ? Avec Iwouskéa et Tawiskaron, j’ai travaillé sur le mythe de la Création du monde des Hurons et des Iroquois. Les spectateurs étaient capturés un à un par les esprits et conduits à l’intérieur d’une grande tente. Pendant au moins trois minutes, rien ne se passait. Il s’agissait de les placer dans le mythe comme matrice de civilisation, de les « iroquoïser » une heure et demie durant !De les adopter, parce que notre culture est une culture d’adoption des étrangers en son sein. Je voulais savoir si le mythe fonctionnait encore, si, ensemble, l’on pouvait devenir iroquois en partageant un ventre commun à travers le théâtre. Ce mythe – la longue histoire de la création du monde – était raconté pour reconstruire la psyché collective. Il faut que cette parole soit très forte pour restructurer la psyché. Comment va-t-elle reconstruire un homme qui a tué ?
Mes ancêtres iroquois ont maintenu jusqu’à nous cette idée fondamentale : on devient humain lorsque l’on reconnaît la perte, que l’on pleure, que l’on s’émeut et que l’on traduit cette émotion en mémoire. Ce spectacle évoquait la création du monde à travers une cérémonie funéraire. Le public était prisonnier de la tente, acteurs et spectateurs en contact direct, pour une dissolution du spectacle : nous étions témoins, comme une famille. Dans la seconde partie, quelqu’un du public « mourait » et assistait à sa propre cérémonie. Au tournant du millénaire, j’ai voulu réintroduire cette approche de la mort, à la fois banalisée et exclue de nos sociétés. Les sépultures anciennes nous disent : « Nous étions des humains. »
Par la suite, je suis revenu à du théâtre déambulatoire, en croisant un mythe des Indiens des Rocheuses et un mythe sibérien, deux groupes témoins de la grande migration transcontinentale. Dans Kmùkamch l’Asierindien, le personnage central voit tuer son fils, prend sa jeune femme et l’esprit de son fils vient se venger. Cela touche quelque chose de notre monde, le refus de vieillir.
Comme dans la tragédie grecque, il s’agit d’histoires de famille. La tragédie naît dans la destruction des liens familiaux, le bris du tabou de l’inceste notamment. La pièce touchait quelque chose de très contemporain, dans notre société où les hommes vivent une angoisse terrible face à la vieillesse. La mort est exclue, mais la vieillesse aussi. Cela convoque des choses très profondes, comme le cannibalisme. Dans une société où les rôles sont interchangeables et dont le seul but est de jouir, pourquoi ne pas manger tout de suite ce qu’il y a de plus beau ? Nous sommes dans un monde de prédateurs…

… et qui ne laisse pas de place à sa jeunesse : on le constate aujourd’hui en Espagne.

Dans Xajoj Tun-Rabinal Achi, le dernier texte que j’ai travaillé avec les Mayas [5], nous sommes dans un théâtre de la cruauté : les Mayas pratiquaient des sacrifices humains. C’est un spectacle sur la guerre, universel : sa violence et son absurdité font partie de l’alphabet mythologique de toute l’humanité. C’est inscrit dans notre nature, nous sommes des êtres agressifs, prédateurs. Dans leurs récits historiques à la limite de la mythologie, les Mayas mettent en scène deux guerriers, dont l’un, rebelle, va essayer de tuer le roi et sera capturé et mis à mort. Dans ce théâtre de cour, on demandait au prisonnier de rejouer ses faits d’armes et sa capture, et on le tuait au cours d’un festin rituel où il prenait des boissons hallucinogènes. On exauçait ses derniers vœux : danser avec la reine, s’affronter aux guerriers. Ce théâtre dont on connaissait la finalité énonçait la vérité de la guerre et de la mort : il est chargé d’humanité, selon d’autres codes que les codes occidentaux.
Au-delà de l’histoire, j’ai voulu travailler avec les habitants du village de Rabinal qui ont conservé la forme cérémoniale de leur théâtre traditionnel présenté un jour par an, comme une offrande pour leur village et leurs ancêtres. Eux aussi vivent le choc de la mondialisation, des technologies, les jeunes se désintéressent de leur culture… Ils sont conscients d’être devenus un musée vivant. Toute tradition doit sortir des ornières de la folklorisation pour atteindre ses buts : construire de grands êtres humains, dépasser par l’entendement les archétypes qui nous poussent à la violence, à l’abus de sa propre famille, au refus de prendre sa charge comme être humain ou à l’absence d’émotion devant la mort. Nous avons quitté le monde figé de la tradition pour l’universel : les Mayas, grande civilisation urbaine qui a connu l’apogée comme le désastre écologique, nous enseignent des choses que nous devons réapprendre. Nous, autochtones du Canada, nous nous sommes rapprochés de la source du théâtre amérindien pour retrouver nos ancêtres communs. Dans ce travail, les acteurs étaient conviés à ne pas fabriquer les personnages, mais à les laisser venir en eux chaque soir au travers des huit masques utilisés. On ne savait jamais qui incarnerait le personnage principal : il se laissait choisir chaque soir par le masque ! Cela m’a permis d’énoncer beaucoup de choses auxquelles je continue à travailler. Xajoj Tun-Rabinal Achi a fermé un cycle de vingt-cinq ans. Je suis venu au théâtre parce que, en 1978, je suis allé au Guatemala, en suivant un itinéraire fondé sur la grande mythologie maya d’après les codex traduits. C’est un acte de civilisation. Amener dans le monde contemporain du théâtre ces vestiges, faire entendre ces mots-là dans la cité et permettre une participation du public à un effort de transcendance, un théâtre de quête des ancêtres transcontinentale. Des acteurs du Chili, de Bolivie, de l’Équateur et du Québec y ont participé.

On pourrait dire que les peuples autochtones ont été des sortes de lanceurs d’alerte, comme on le dit aujourd’hui des écologistes. Tout ce qu’ils ont dénoncé, c’est ce que subit actuellement la plus grande partie de l’humanité : destruction des ressources, acculturation… Les gens qui résistent à cela ne vont-ils pas être remis dans des réserves, comme les artistes ?

Ce qui s’est vécu à l’échelle de Sumer, de l’Égypte ancienne, des anciennes mégapoles, c’est ce que nous sommes en train de reproduire à l’échelle de la planète. Les nouvelles Babylone sont à Djakarta ou Mexico, dans les grandes cités qui polarisent l’énergie de la planète. 52 % de la population mondiale vit en métropole : cela témoigne de la disparition de la diversité des cultures humaines, comme celle de la biodiversité animale.

En même temps, la ville n’a pas créé que du négatif : elle permet la rencontre, d’échapper à une communauté parfois trop étouffante, le croisement des arts…

C’est paradoxal. Comment échapper à l’effondrement des grandes civilisations urbaines ? Pourquoi les gens se rassemblent-ils dans les mégapoles ? C’est attirant, cela nous rassemble, c’est la galaxie humaine. On a besoin des hommes. On nous parle de la fin de l’histoire, de l’espace-temps réduit avec les télécommunications… Le cerveau humain peut s’adapter, mais le corps ne suit pas. La fiction collective de l’urbanité exponentielle, tous ces cerveaux combinés les uns les autres créent un monstre ingérable. Plus on ordonne les choses, plus la théorie du chaos se vérifie : le désordre s’accélère sous une prétention d’ordre mondial. Bien sûr que la ville est libératrice : elle mixe toutes les populations et toutes les cultures.
L’humanité, présentement, au-delà des difficultés de la mondialisation, vit un tsunami, une vague de fond encore tout juste perceptible. Ce que la postmodernité appelle le métissage, propre aux grandes cités comme Montréal et Paris, est inévitable. Ce brassage de l’humanité est peut-être une partie de la solution. Je vois cela comme positif et négatif, c’est la question fondamentale énoncée par Shakespeare : « Être ou ne pas être ? » Comment faire pour survivre, et survivre à quel prix ? Le risque est d’abolir les cultures fragiles. Sans territoire, il est très difficile de maintenir une culture comme celle des Innus, qui ont perdu les moyens de vivre d’une manière autonome.
Ce que je trouve terrible, c’est ce contact incessant à travers les technologies, qui dissipe l’angoisse de la relation véritable. Le théâtre est le lieu de la mise en lumière des relations. Tout notre travail est d’obliger à être présent un spectateur qui nous dit : « Je suis venu pour être distrait » ! À mon échelle, après avoir beaucoup lutté comme résistant culturel, je vois bien qu’on perd du terrain auprès des jeunes. Trouver l’essence d’une culture, décoder son alphabet mythologique : si on n’y parvient plus, c’est que quelque chose est dissous. Une vision du monde suppose un agir. C’est de plus en plus rare.

Ce n’est pas un hasard si l’archaïque tel que vous le définissez rejoint des pratiques qualifiées d’avant-garde, la performance dans ce qu’elle a de plus intéressant, une forme de rituel.

Le théâtre, dans sa fonction archaïque, est le lieu d’une réénonciation culturelle. Dans notre travail, on utilise des pierres, on les fait rougir, on les écoute chanter. Ce sont les os de la terre, l’os qui contient la moelle, c’est là qu’est l’esprit, la génétique. On fait le lien avec les premiers hommes qui ont vécu de la pierre pendant des millénaires. Retourner à la pierre, c’est retourner à la racine même d’une connaissance et l’utiliser pour rêver comme acteur ; pour entrer en contact avec la mémoire génétique enfouie dans notre squelette. C’est par ce moyen qu’on a rencontré théâtralement les Mayas : comme chez Grotowski, il s’agissait de briser l’occidentalité.
Je voudrais réunir des gens de toutes provenances pour étudier avec eux leur mythologie personnelle. « De qui descends- tu, d’où viens-tu ? », pour réinventer l’humanité. Tout le monde a des ancêtres, et on n’échappe pas au poids de ce qu’ils ont fait. Et la guérison passe par la mémoire, mettre les morts à leur place, accepter d’aimer, accepter de mourir, de porter une charge et de souffrir.
Offrir au lieu de prendre, c’est aussi un archétype des cultures amérindiennes. On ne peut pas juste se contenter de prendre, à la terre, aux bêtes : tout ce qu’on leur fait, on le fait à soi-même. Quand les Indiens disent qu’il y a des esprits (manitous) qui peuvent dialoguer avec leur frère animal, cela vient de milliers d’années de respect et de connaissance, ce n’est pas une fable. Les anthropologues et Claude Lévi-Strauss ont montré que les mythes sont un langage, une connaissance, une énonciation du cosmos aussi valables que la physique quantique. Les angoisses primaires des premiers hommes sont les nôtres et, en situation de régression, on se retrouve dans leur position. Il nous faut apprendre des civilisations qui nous ont précédés pour savoir qui nous sommes.

Propos recueillis par Valérie de Saint-Do

www.ondinnok.org
• Le film d’Yves Sioui-Durand, Mesnak, a été présenté le 30 octobre 2011 au Festival d’Abitibi.



[1Les Innus ou Montagnais sont l’une des onze Premières Nations répertoriées au Québec, avec les Abénaquis, Algonquins, Micmacs, Cris, Malécites, Naskapis, Attikamekws, Mohawks et Hurons-Wendat et la Nation Inuit, considérée à part.

[2Ce que raconte aussi le très beau Voyage en mémoires indiennes de Sally Tisiga (2004).

[3Originaires de la région des Grands Lacs, les Iroquois se divisent en plusieurs nations, dont, au Québec, les Mohawks (région de Montréal) et les Hurons-Wendat (région de Québec). Ils étaient des cultivateurs, notamment des « trois sœurs » : maïs, courge, haricot.

[4Maison construite de troncs d’arbres entrelacés et recouverte d’écorce. Une allée au milieu servait à circuler et à faire des feux. De cinq à dix familles habitaient dans ces maisons de 5 à 7 mètres de large par 50 à 100 mètres de long sur 7 mètres de haut.

[5Reconnu comme patrimoine immatériel de l’humanité, le texte du Rabinal Achi a été traduit par l’abbé Brasseur de Beaubourg en 1862, puis par l’anthropologue Alain Breton en 1994.

Les fantômes de la Coupe du monde

Lorsque les premiers Européens débarquèrent au Brésil en 1500, quelque 10 millions d’autochtones vivaient sur cette terre. Au terme de cinq siècles de meurtres, tortures, épidémies et exploitation qui ont ravagé leur population, celle-ci chuta dans les années 1950 à son taux le plus bas jamais atteint : elle ne comptait plus que 100 000 personnes.

L’éminent sénateur et anthropologue Darcy Ribeiro estimait qu’au siècle dernier une tribu disparaissait tous les deux ans et il prédisait une extinction totale des Indiens d’ici 1980. On estime à 1 500 le nombre de tribus ayant disparu depuis l’an 1500.

Pour certains autres groupes, leur taille a été tellement réduite qu’ils ne comptent même plus les 11 membres nécessaires pour composer une équipe de football :

5: Tribu Akuntsu (Etat de Rondônia)

4: Tribu Juma (Etat d’Amazonas)

3: Tribu Piripkura (Etat de Rondônia)

2: Indiens de la rivière Tapirapé (Etat de Maranhão). (L’un d’eux étant probablement décédé aujourd’hui)

1: ‘Le dernier de sa tribu’/ ‘l’homme dans le trou (Etat de Rondônia)

 

Les derniers survivants de la tribu akuntsu. Tous les autres membres ont été décimés.
©Survival
 

Les stades

Le plus petit stade, à Curitiba (avec 41 456 places) a une capacité supérieure à ce qui suffirait pour héberger la plus grande tribu d’Amazonie (les Tikuna, avec une population de 40 000 membres).

Le stade Maracanã de Rio est celui qui peut accueillir le plus grand nombre de spectateurs (76 804 places), nombre supérieur à celui de la population de la plus grande tribu du Brésil, les Guarani (qui comptent 51 000 membres), dont certains vivent à quelque 50 km de Rio.

Les stades de Rio de Janeiro, São Paulo, Porto Alegre et Curitiba

Ces villes sont situées dans les Etats qui sont aujourd’hui le théâtre des conflits fonciers les plus acharnés. Les communautés indigènes du sud du Brésil – les Guarani Mybá, les Guarani Ñandeva, les Kaingang, les Xokleng et les Xetá, ayant été spoliés de la plus grande partie de leur territoire pendant la période coloniale, vivent sur des parcelles extrêmement réduites.

Tribu menacée: les Xetá ont été quasiment décimés dans les années 1950, lorsqu’ils ont été dépossédés de leurs terres. En 1999, il ne restait plus que huit survivants, trois hommes et cinq femmes, tous parents.

Les Guarani ont été spoliés de leurs terres ancestrales par les propriétaires de ranchs et les cultivateurs de canne à sucre qui ont rasé leurs forêts. Les Indiens n’ont plus d’autre endroit où vivre que le bas côté de la route.
© Paul Borhaug/Survival
 

Maracanã, Rio de Janeiro

Maracanã, en langue tupi, signifie ‘perroquet’ (et sous la forme ‘maraca-na’, il peut également désigner des maracas, instruments à graines utilisés lors des cérémonies religieuses guarani). Son nom officiel est ‘stade Mário Filho’.

Quand les travaux de rénovation ont débuté dans la perspective de la Coupe du monde, un groupe de 70 Indiens, de 17 tribus différentes, qui vivait dans une demeure abandonnée datant du XIXe siècle, a été expulsé et le bâtiment détruit, afin de permettre la construction d’un parking géant et d’un musée du football. Les Indiens demandaient que le bâtiment soit épargné et converti en centre culturel indigène.

Cette demeure coloniale avait abrité en 1901 le premier institut de recherche sur les cultures indigènes. Peu de temps après, elle hébergea le bureau principal du Service de protection des Indiens, devenu aujourd’hui la FUNAI. Jusqu’en 1978, c’était le siège administratif du musée de l’Indien.

Tribu disparue: les Goitacá, qui vivaient sur la côte de Rio de Janeiro, ont été décimés suite à des combats armés avec les colons européens.

 

Le stade de Cuiabá, dans l’Etat du Mato Grosso

Les Indiens qui vivent dans cette région sont les Nambiquara, les Umutina et les Pareci.

Les Umutina ont été décimés par la rougeole et d’autres maladies. Alors qu’on en dénombrait 400 en 1862, seuls 73 avaient survécu en 1943. Leur population a tendance à s’accroître de nouveau lentement aujourd’hui.

La construction de l’autoroute BR-364, financée par la Banque mondiale, dans la vallée fertile où étaient établis les Nambiquara a eu des conséquences désastreuses sur cette population. Ils étaient 7 000 en 1915, seuls 530 étaient encore en vie en 1975.

Les Nambiquara sont aujourd’hui 2 000, mais leurs territoires continuent d’être envahis par des chercheurs de diamants, des exploitants forestiers et des éleveurs.

‘Ils ont tout subi, les chiens, les chaînes, les winchesters, les mitraillettes, le napalm, l’arsenic, les vêtements contaminés, les certificats falsifiés, les expulsions, la déportation, les routes, les barbelés, les incendies, le bétail, les décrets légaux et la réalité qui les fait mentir’, Darcy Ribeiro, sénateur et anthropologue brésilien.

Tribu menacée: les Kawahiva vivent à 1 400 kilomètres de Cuiabá (à mi-chemin des stades de Manaus et de Cuiabá), ils sont l’une des tribus isolées les plus menacées au monde.

Un jeune Nambiquara photographié par Claude Lévi-Strauss en 1938.
Un jeune Nambiquara photographié par Claude Lévi-Strauss en 1938.
© C. Lévi-Strauss
 

Le stade de Belo Horizonte, Etat de Minas Gerais

A une centaine de kilomètres au nord-est de Belo Horizonte, se trouve le territoire des Indiens krenak et pataxó, appelé ‘Fazenda Guarani’. Ces deux groupes ont subi de lourdes pertes au cours de leurs combats de résistance contre l’expansion coloniale.

Dans les années 1960, le gouvernement brésilien construisit deux prisons secrètes administrées par la police militaire qui était chargée de punir et de rééduquer les Indiens qui avaient résisté à l’invasion de leurs terres. Un ancien détenu les a comparées à des camps de concentration où les Indiens étaient contraints au travail forcé et s’ils refusaient, ils étaient battus et placés à l’isolement. ‘J’ai été détenu dans l’une de ces prisons pendant douze ans. Les policiers nous battaient tellement, nous les Krenak, que nous devions ensuite nous immerger dans de l’eau salée pour soulager la douleur’, a témoigné Manelão Pankararu.

Aujourd’hui, la Commission nationale pour la vérité enquête sur les mauvais traitements infligés dans les prisons aux Indiens détenus.

Tribu menacée: les Krenak ne sont plus aujourd’hui que 350.

 

 

Le stade de Manaus

Manaus, la capitale de l’Etat d’Amazonas, est l’unique ville amazonienne accueillant la Coupe du monde. La structure du stade est bâtie selon le modèle d’un panier traditionnel indigène.

 

Tribu disparue : le nom de Manaus a été donné à cette ville après l’extinction de la tribu des Manáos. Menés par le grand leader Ajuricaba qui était parvenu à unir plusieurs tribus rebelles, les Manáos ont âprement résisté à la domination portugaise dans cette région avant d’être finalement vaincus.

 

Manaus a connu une brusque expansion à la fin du XIXe siècle grâce à l’essor de l’industrie du caoutchouc. Des dizaines de milliers d’Indiens ont été réduits en esclavage et forcés de récolter la sève de l’hévéa. Ils ont été victimes d’effroyables atrocités – des milliers d’entre eux sont morts des suites de torture, de maladies et de malnutrition. Certains sont parvenus à échapper à l’esclavage en se réfugiant dans les lointaines contrées reculées où les affluents de l’Amazone prennent leur source, et où ils vivent encore aujourd’hui, fuyant tout contact avec la société nationale.

 

Le territoire des Waimiri Atroari se situe à une centaine de kilomètres de Manaus. Depuis le XVIIIe siècle, cette tribu a vaillamment résisté aux invasions de chasseurs et d’exploitants de caoutchouc et beaucoup trouvèrent la mort au cours de violents conflits. Un contact a cependant été établi au moment où le gouvernement construisit à coups de bulldozers une route traversant leur territoire. Des centaines d’entre eux trouvèrent la mort suite à des maladies ou au cours de violentes confrontations avec les unités militaires déployées pour en finir avec la rébellion. Le général Gentil Noguera Paes annonça alors : ‘Nous achèverons coûte que coûte la construction de cette route, même si cela implique d’ouvrir le feu sur ces Indiens criminels. Ils nous ont déjà suffisamment provoqués et ils entravent l’avancement des travaux’. Aujourd’hui, la Commission nationale pour la vérité enquête sur les atrocités commises à l’encontre des Waimiri Atroari au cours de cette période.

 

Tribu menacée: en 1988 la population des Waimiri Atroari ne comptait plus que 374 individus sur les 6 000 qu’ils étaient auparavant. Ils sont aujourd’hui 1 500. On estime qu’au moins un groupe d’Indiens isolés vit sur leur territoire.

 

Tribu menacée: à seulement 370 kilomètres de Manaus vivent deux groupes d’Indiens isolés. Le Brésil abrite plus de tribus isolées que n’importe quel autre pays au monde ; la FUNAI les estime à plus de 80. Nombre d’entre eux, tels que les Kawahiva et les Awá, fuient constamment devant le front de bûcherons lourdement armés et les éleveurs qui détruisent leur forêt.

 

Un Waimiri Atroari montre à des enfants comment fabriquer  une flèche.
Un Waimiri Atroari montre à des enfants comment fabriquer une flèche.
© Fiona Watson/Survival

Le stade de Brasília

Tribu menacée: à seulement cinq heures de route de Brasília, de petits groupes d’Indiens se terrent dans l’immensité du maquis broussailleux. Ce sont les Avá Canoeiro, qui ne sont plus que 24 aujourd’hui – les derniers survivants d’une tribu fière et forte qui vit constamment en fuite depuis 1780 et qui est au bord de l’extinction. Au début des années 1980, des centaines d’ouvriers recrutés pour construire un barrage hydroélectrique sur la rivière Tocantins se sont installés sur leurs terres.

Le lac artificiel du barrage a englouti leur dernier refuge et leurs territoires de chasse. Lorsque la construction a commencé, la FUNAI mit sur pied une mission d’urgence pour entrer en contact avec les groupes survivants – il est vite devenu évident que très peu d’Avá Canoeiro étaient encore en vie. Mais en 1983 elle parvint finalement à entrer en contact avec un couple, Iawi et Tuia, accompagnés de la tante et de la mère de Tuia, Matcha et Naquatcha. Ce petit groupe avait survécu à un massacre en 1962 et avait ensuite passé vingt ans caché dans des excavations perchées dans les montagnes.

Iawi et Tuia ont eu deux enfants, Trumak et Putdjawa, qui vient lui-même d’avoir un enfant avec une Indienne tapirapé, appelé Paxeo.

Un autre petit groupe d’une douzaine d’Avá Canoeiro a été contacté en 1973. Presque tous portaient des cicatrices causées par les balles des hommes de main du ranch de Camagua, appartenant à une banque brésilienne. Ils ont été retrouvés vivant cachés dans un marécage – leur dernier refuge sur ce qui avait été leur territoire de chasse, aujourd’hui cerné de barbelés. Ils souffraient de malnutrition. Ce groupe compte moins de vingt personnes.

Une grande partie du territoire des Avá Canoeiro a été inondé par le barrage de Serra da Mesa en 1998, quinze ans après qu'ils aient été contactés.
Une grande partie du territoire des Avá Canoeiro a été inondé par le barrage de Serra da Mesa en 1998, quinze ans après qu'ils aient été contactés.
© Walter Sanches/FUNAI

Les stades du Nord-Est à Recife, Salvador, Fortaleza et Natal

Sur les 23 tribus de la côte nord-est, seuls les Fulnios ont conservé l’usage de leur langue.

Cette région a été l’une des premières à être colonisée. Elle est aujourd’hui le théâtre des conflits fonciers les plus acharnés. Les Pataxó Hã Hã Hãe ont lutté pour la défense de leurs droits territoriaux pendant des décennies, au cours desquelles ils ont été victimes de violence et plusieurs de leurs leaders ont été assassinés.

A six heures de route de Salvador, les Indiens Tupinambá sont actuellement pris pour cible par la police qui lance des raids sur leurs villages dans le but de les faire fuir de leurs terres destinées à l’élevage intensif de bétail. En août 2013, quatre Tupinambá ont été assassinés, leurs corps mutilés, et 26 maisons détruites.

 

Le prix à payer

Le gouvernement brésilien consacre 791 millions de dollars à l’organisation des services de sécurité durant la Coupe du monde. Ce qui équivaut à au moins trois fois le budget annuel du département des affaires indigènes, souvent à court de fonds.

 

La FIFA ignore l’histoire des Indiens du Brésil

 

On peut lire sur le site de la FIFA :

‘Officiellement, c’est le Portugais Pedro Alvares Cabral qui a découvert le Brésil. Sa flotte, qui voguait à destination des Indes, a atteint le sud de l’actuelle Bahia le 22 avril 1500’.

Le leader indigène Davi Kopenawa Yanomami rétorque: ‘‘Les Blancs aujourd’hui clament à tue-tête « Nous avons découvert le Brésil ». Ce n’est rien de plus qu’un mensonge ! Le Brésil existe depuis qu’Omame, notre Créateur, l’a créé et nous avec. Nos ancêtres connaissent cette terre depuis toujours. Elle n’a pas été découverte par les Blancs. Mais les Blancs continuent à se mentir à eux-mêmes en prétendant qu’ils ont découvert ce territoire ! Comme s’il avait été inhabité ! « Nous avons découvert cette terre. Nous avons des livres et donc nous sommes des gens importants » disent les Blancs. Mais ce ne sont que des mensonges. La seule chose que les Blancs ont fait a été de voler les terres des gens de la forêt et de les exterminer. Je suis le fils de mes ancêtres yanomami, je vis dans la même forêt que celle où vivait déjà mon peuple quand je suis arrivé au monde, et je ne vais pas pour autant pérorer devant les Blancs que c’est moi qui l’aie découverte ! Je ne dis pas que je l’ai découverte pour la simple raison que si mon regard était tombé dessus, elle m’appartiendrait. Elle était déjà là bien avant moi. Je ne dis pas « j’ai découvert le ciel ». Je ne clame pas non plus « j’ai découvert les poissons et j’ai découvert les animaux ! ». Ils ont toujours été là, depuis la nuit des temps’.

Aucune mention des Indiens

La FIFA dit : ‘Le Brésil compte environ 190 millions d’habitants, ce qui en fait le cinquième pays le plus peuplé de la planète. Près de 75 pour cent d’entre eux sont catholiques, tandis que 26 millions sont protestants. La communauté juive du Brésil est très faible en comparaison’.

‘La langue officielle est le portugais, bien que de nombreux Brésiliens parlent d’autres langues en fonction de leurs origines. L’allemand et l’italien, par exemple, sont des langues assez répandues dans les villes du Sud.’

La réalité : la grande majorité des langues parlées au Brésil sont des langues indigènes – il y en a plus de 200.

Pendant des siècles les Guarani ont été à la recherche de ce qu’ils appellent ‘la terre sans mal’. Cette prophétie se traduit aujourd’hui de manière tragique : profondément affectés par la perte de leur terres tout au long du siècle dernier, ce peuple est aujourd’hui frappé par une vague de suicides sans équivalent en Amérique du Sud.
Pendant des siècles les Guarani ont été à la recherche de ce qu’ils appellent ‘la terre sans mal’. Cette prophétie se traduit aujourd’hui de manière tragique : profondément affectés par la perte de leur terres tout au long du siècle dernier, ce peuple est aujourd’hui frappé par une vague de suicides sans équivalent en Amérique du Sud.
© Sarah Shenker/Survival

Aucune mention des Indiens :

La FIFA dit : ‘La forêt tropicale brésilienne est une autre source de richesses naturelles, y compris l’huile de tung et de carnauba, le caoutchouc, la fibre de caroa, les plantes médicinales, les huiles végétales, les résines, le bois de construction et diverses essences utilisées dans la fabrication des meubles. Le Brésil a aussi récemment commencé l’exploitation minière pour profiter de ses abondantes ressources naturelles.’

La réalité : la forêt n’est pas seulement une ‘source de richesses naturelles’, elle est la demeure ancestrale de centaines de milliers d’Indiens qui en ont été spoliés de la plus grande partie ou qui a été détruite. L’exploitation minière sur les territoires indigènes a lieu depuis des décennies

 

 

Et les Indiens du Brésil ont même leur propre version du football…

Certains Indiens du Brésil pratiquent des jeux comparables au football.

Les Pareci, par exemple, qui vivent à une centaine de kilomètres du stade de Cuiabá, jouent le xikunahity. Ce jeu se pratique dans un rectangle semblable à un terrain de football et oppose deux équipes de 10 hommes qui s’échangent d’un coup de tête une balle en résine de mangaba. Les équipes viennent généralement de deux villages pareci différents. Chaque joueur apporte des objets manufacturés, comme des hameçons, qui servent de mises pour les paris.

Les Enawene Nawe qui vivent à 400 km de Cuiabá, jouent également au football avec la tête.

Un Enawene Nawe jouant au football.
Un Enawene Nawe jouant au football.
© Survival
 

Coca Cola, sponsor de la Coupe du monde, utilise les Indiens pour promouvoir sa marque tout en étant compromis dans leurs luttes territoriales

Dans sa campagne publicitaire, Coca-Cola utilise l’image d’un Indien souriant tout en s’approvisionnant en sucre auprès du géant de l’agroalimentaire Bunge – qui à son tour achète la canne à sucre cultivée sur des terres qui ont été spoliées aux Guarani.

Un porte-parole guarani a dit : ‘Coca-Cola doit cesser d’acheter du sucre à Bunge. Tandis que ces compagnies prospèrent, nous endurons la faim, la misère et les assassinats’.

  

Les Guarani dénoncent Coca-Cola.

Les Guarani dénoncent Coca-Cola.
© Survival

 

Dans sa campagne publicitaire, Coca-Cola utilise l’image d’un Indien souriant tout en s’approvisionnant en sucre auprès du géant de l’agroalimentaire Bunge qui à son tour achète la canne à sucre cultivée sur des terres qui ont été spoliées aux Guarani.

 

Agir maintenant !

Les Indiens du Brésil ont besoin de votre aide. Sans soutien extérieur, ils ont peu de chance de survie.

Le Brésil abrite plus de tribus isolées que partout ailleurs dans le monde. Ce sont les groupes les plus vulnérables du pays.

Ils dépendent exclusivement de leur forêt pour leur survie, cependant elle est en grande partie détruite par l’exploitation forestière, l’élevage, les méga-barrages, les routes, l’exploitation pétrolière et gazière… Et aujourd’hui le gouvernement et les propriétaires envisagent d’ouvrir davantage leurs terres à des projets industriels massifs.

Ces projets et la vague d’immigrants qu’ils attirent menacent d’anéantir des communautés isolées entières, comme cela s’est tragiquement produit sur d’innombrables tribus du Brésil depuis qu’il a été colonisé par les Européens.

Les Indiens isolés ne pourront survivre que si leurs terres sont dûment protégées et réservées à leur usage exclusif. Il Il faut agir de toute urgence pour mettre fin à cette crise humanitaire, l’une des plus graves de notre époque.

Cliquez ici pour agir : http://www.survivalfrance.org/agir/lettres/indiensisol%C3...

 

Les Indiens isolés du Brésil sont les groupes les plus vulnérables du pays.
©CIMI
 

Pour en savoir plus …

Pour en savoir plus sur l’histoire des Indiens du Brésil, lire le rapport de Survival ‘Dépossédés. Les Indiens du Brésil’ (Ethnies n°28, printemps 2002), sur leur histoire depuis l’invasion européenne jusqu’à l’an 2000.

 

 

Source : http://www.survivalfrance.org/

 

 

 

24/06/2014

Revue Cabaret n°10

La sortie du numéro 10 de la revue Cabaret "The beach girls" est couplée avec la sortie de "Poèmes solaires" d'Etienne Liebig, premier livre publié par les éditions du Petit Rameur.


"The Beach girls" et "Poèmes solaires" forment l'indispensable kit de plage pour l'été 2014.



 Cabaret #10 : The beach girls

 

 Avec Jade Blackmore, Murièle Camac, Valérie Canat de Chizy, Guénolée Carrel, Muriel Carrupt, Cathy Garcia, Arlette Perussie, Isabelle Rolin

 guest : Paul Badin, Jean-Pierre Lesieur

 chorégraphie : Guénolée Carrel

 

   
Point de vente
-   Libraire 2B -  59 rue Centrale 71800 La Clayette


Abonnement
10 € pour 4 numéros par an.
Formulaire en pièce jointe à imprimer ou à reproduire sur papier libre.

 



Poèmes Solaires - Etienne Liebig

© Les Editions du Petit Rameur, juin 2014
ISBN 978-2-9549062-0-1
Prix 5 €

S’aventurer en terres poétiques est un acte courageux parce que la poésie est risque et mise à nu. Etienne Liebig (E.L.) – alias Don Quichotte – ne peut avancer masqué – ce n’est d’ailleurs pas son genre.
Dans le soleil, le chaud et le cru, la tendresse exulte à chaque jet. Ici, le poète ose regarder l’amour en face, tel l’aigle. Ici, le créateur se sacrifie pour sa créature, tel le pélican. E.L. n’a pas peur des cimes au bord du monde et des abîmes. E.L. sait bien le mot de Hölderlin : « Là où croît le danger, est aussi ce qui sauve. »
Quoi de plus généreux ? Quoi de plus vivant ?
(Didier Bazy)

En librairie

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Chez l’éditeur

Sur le site du Petit Rameur (www.petitrameur.com) en remplissant le bon de commande ou en le reproduisant sur papier libre puis en l’envoyant avec votre chèque à l'ordre du Petit Rameur à l’adresse :

Le Petit Rameur

31, rue Lamartine – 71800 La Clayette

 

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Le Petit Rameur & Revue Cabaret

 
31 rue Lamartine
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France


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23/06/2014

Découverte d’un gigantesque océan à 640 km sous terre

L’équipe du minéralogiste Steven Jacobsen vient de faire une découverte époustouflante : notre planète contiendrait une immense réserve d’eau à 640 km sous la surface de la Terre, d’une taille équivalente à 3 fois tous nos océans réunis.

 

Cette mine aquifère est dissimulée dans un minéral appelé la ringwoodite bleue qui se situe à 700 kilomètres de profondeur dans le manteau terrestre, au sein d’une couche de roches chaudes entre la surface de la Terre et son noyau. Cette impressionnante taille du réservoir jette un nouvel éclairage sur l’origine de l’eau sur Terre. Certains géologues pensent que l’eau est arrivée grâce à des comètes qui ont frappé la planète, mais cette nouvelle découverte soutient une autre idée : les océans auraient progressivement suinté de l’intérieur de la Terre primitive. « C’est une bonne preuve que l’eau de la Terre venait de l’intérieur », a dit Steven Jacobsen de l’Université Northwestern à Evanston dans l’Illinois. L’eau cachée pourrait aussi agir comme tampon pour les océans de surface, ce qui expliquerait pourquoi ils ont conservé une dimension identique durant des millions d’années.

 

en savoir plus sur (en anglais) : http://www.newscientist.com/article/dn25723-massive-ocean...

 

 

 

 

22/06/2014...USA: ALERTE Gaz de schiste: Des centaines de milliers de puits d'extraction de gaz de schiste abandonnés sont soupçonnés de fuir du méthane en grande quantité rien qu'en Pennsylvanie, des millions sur tout le territoire des états unis.

dimanche 22 juin 2014
 
Des milliers de puits d'extraction de gaz de schiste abandonnés à travers l'état de Pennsylvanie aux USA libèrent des fuites incontrôlées du méthane en plus ou moins grande quantité dans l'atmosphère, confirme un nouveau rapport officiel.

L'étude a été menée par la scientifique Marie Kang de l'Université de Princeton  qui a étudié et inspecté 19 puits abandonnés en Pennsylvanie. Selon son rapport publié dans le journal "The Guardian", sur chaque puits qu'elle a visité, des fuites plus ou moins importantes de méthane ont été constaté, un gaz à effet de serre 34 fois plus puissant que le dioxyde de carbone.


En Pennsylvanie on dénombre entre 280 000 et 970 000 puits d'extraction abandonnés , la possibilité que des milliers d'entre eux libérent sans aucune surveillance du méthane en grande quantité est désormais devenue une situation trés préoccupante


Tout les vieux puits abandonnés des Etats-Unis pourraient alors contribuer grandement au changement climatique sans qu'aucun rapport documenté par des groupes gouvernementaux comme l'Agence de protection de l'environnement n'est chiffré les dégâts.


Plus grave, l'EPA ( l'agence américaine de protection de l'environnement ) ne tient pas compte de ces fuites de méthane dans ses estimations d' émissions totales de gaz à effet de serre libérés par les États-Unis. En effet elle ne détient aucune estimation des quantités de méthane libérée par ces fuites, puisqu'aucun puit abandonné n'est inspecté par les services de l'état.


L'étude de Marie Kang démontre que la réglementation actuelle de la Pennsylvanie rend totalement insuffisant les moyens de contrôle des fuites de méthane des anciens puits abandonnés après exploitation. Aucune réglementation, donc aucune inspection n'est rendue obligatoire. 


Robert Jackson de l'Université Duke a également mené des recherches et elles ont déjà révélé que les fuites de méthane issues des anciens puits d'extraction de gaz de schiste sont désormais devenues un grave problème aux États-Unis, il confirme qu'il serait grand temps de se pencher sérieusement sur cette situation devenue extremement préoccupante.


"Les émissions provenant de chaque puits d'extraction pris individuellement semble à première vue relativement faibles, mais il y a des centaines de milliers de puits abandonnés rien qu'en Pennsylvanie », at-il déclaré au Guardian. "


Il estime que les émissions totales de méthane issue des ancien puits abandonnés pourraient s'élever même à un huitième de tout le méthane libéré par les activités humaines rien que dans l'état de Pennsylvanie."


D'autres études ont déjà trouvé un lien entre les niveaux élevés de méthane dans le comté de Parker, au Texas, avec les activités de fracturation. 


Ailleurs des niveaux de méthane beaucoup plus élevés que la moyenne ont été aussi constaté dans les eaux voisines des puits par la Railroad Commission.


Bref, si vous pensez aux millions de puits abandonnés au monde, un flot de compréhension se déversera alors dans votre conscience, un cri terrible risque d'en jaillir, "où ont ils planqué le disjoncteur".


© Nature Alerte
 
 

22/06/2014

Cécile Coulon - On m'a vendu du rêve (et j'aimerais être remboursée)

 

Je vous présente mon existence
Elle fait environ trente mètres carrés
Il faudra se serrer...
Mais la terrasse vaut la peine
De s'asseoir pour parler
De ce qui n'a pas d'importance
Et la cuisine est superbe
Avec ces placards vides
Ces bouteilles dans l'évier
J'ai aéré la pièce
Ouvert grand les volets
Pour laisser entrer la lumière
Je vous présente mon existence
Aménagée sous les toits
C'est comme un grand matelas
Dans une toute petite chambre

Je vous présente mes entrailles
Elles ont besoin d'un coup de peinture
J'y ai nourri des blessures
Des bestioles aveugles qui braillent
J'ai décidé de les emmener à la fourrière
Un aller simple pour ma graisse en trop
Et mon sale caractère
J'en ai acheté un propre
Avec des couleurs claires
Des mots d'amour encore
Mais ça coûte tellement cher
Je vous présente mes entrailles
Proches d'une voie ferrée
On entend les trains passer
Et les hommes qui déraillent

Je vous présente mon foie
C'est pas joli joli
Ça sent la bière le steak haché
C'est plein de sucres raffinés
Même le sucre est plus raffiné que moi
À chaque fois que je termine la soirée
Avec des chansons mal écrites
De longs poèmes ratés
Des pages manuscrites
C'est comme se faire lécher l'oreille
Polir la voûte du palet
Par un ange défoncé
Un ange qui a le mal de mer
À force de se noyer
Dans tes jolis yeux verts
Méfie-toi des enfants de choeur
Des sombres dames de pique
Ces gens là ont du mal à se tenir à carreau
Les trèfles à quatre feuilles
Ont été inventés
Pour rouler de longs spliffs
Gros comme le poing fermé du ciel
Où les anges font leurs griffes

Je vous présente mes excuses
Elles sont si mal élevées
Chiennes en chaleur qui pissent partout
Affamées les oreilles retournées
Endormies dans la boue
Je voudrais payer pour mes fautes
Mais le passé refuse
Il dit je ne prends pas la carte bleue
Je ne rends pas la monnaie
Je baisse toujours les yeux
Quand on me demande d'expliquer
Les raisons des fausses notes
Qui salissent la portée
C'est simple mon cher monsieur
On m'a vendu du rêve
Et j'aimerais être remboursée.

 

Lieu du larcin : sur son mur...

 

 

 

 

21/06/2014

L’âme de Kôtarô contemplait la mer de Medoruma Shun

traduit du japonais par Myriam Dartois-Ako, Véronique Perrin et Corinne Quentin

 

L’âme de Kôtarô contemplait la mer, Medoruma Shun
 
 

 Ed. Zulma janvier 2014, 285 p. 21 €

 

Six nouvelles qui nous embarquent pour un Japon un peu particulier, le Japon de l’enfance de l’auteur, l’île d’Okinawa qui est restée sous administration américaine pendant vingt-sept ans. Nous sommes ici dans l’ambiance d’une période qui précède et suit la rétrocession en 1972.

« J’étais alors en quatrième année de primaire. L’inquiétude ambiante chez les adultes du fait qu’Okinawa serait restitué au Japon l’année suivante se propageait jusqu’à nous, les enfants. (…) après la rétrocession au Japon est-ce qu’il neigerait à Okinawa ? Est-ce que les cerisiers se mettraient à fleurir en avril ? ».

Dans ce contexte incertain de crise identitaire, se confrontent et se confondent une Histoire en marche avec les croyances et traditions ancestrales très vivaces, d’une société insulaire encore rurale, surtout dans le nord. C’est dans ce terreau que prennent racine les nouvelles de ce très beau recueil. Le monde des ancêtres et des esprits de la nature est encore très présent au quotidien, nous ne sommes pas encore dans la trépidation folle de la modernité. L’écriture de Medoruma Shun est douce, délicate, poétique, enveloppante et même envoûtante comme dans Mabuigumi-L’âme relogée, la nouvelle qui a inspiré le titre du recueil :

« L’âme de Kôtarô était assise à la même place dans la même attitude. Le soleil s’était radouci et la couleur de la mer était enveloppée d’une lumière pâle, une lune blanche flottait auprès des gros nuages mafflus qui grimpaient à l’horizon », et dans celle, peut-être la plus belle et la plus poignante de toutes, intitulée Avec les ombres :

« Moi j’aimais bien me tenir dans la clairière du sanctuaire, les yeux fermés j’écoutais le chant des oiseaux, les insectes et le bruissement des feuilles, je respirais l’odeur de la forêt, un mélange de feuilles mortes, de terre, d’eau, de fleurs et d’écorce d’arbre, je sentais que les divinités de la forêt sacrée me regardaient. Je restais debout et j’avais l’impression de devenir un arbre ou une plante, mon corps bourgeonnait ici et là, des fleurs s’épanouissaient au bout de mes doigts, je devenais légère comme un voile de mariée, prêt à s’envoler, c’était comme si mon corps se déployait pour se mêler à la forêt. Je pouvais passer des heures là-bas sans m’en lasser ».

Cette nouvelle relate pourtant une histoire triste et même violente. Dans leur ensemble, ces nouvelles évoquent, dans une langue sensible, subtile et pleine de fraîcheur, les choses de la vie, du quotidien, des souvenirs d’enfance mais aussi les premiers émois contrariés d’adolescents : « C’était un fil incroyablement long et fin. Parallèle à la surface de l’eau, il émettait une lueur fragile et pure qui apparaissait et disparaissait tour à tour au gré du vent. Nous étions fascinés par cette lumière. L’épaule de S. a bougé. Il a passé son bras dans mon dos, m’a enserré le torse par le côté et m’a enlacé. – Ne bouge pas ! a-t-il murmuré, sa joue plaquée derrière mon oreille », peut-on lire dans Rouges palmiers et puis la violence conjugale et le suicide dans La mer intérieure, la soumission et la rébellion face aux hiérarchies sociales et les rapports familiaux, notamment dans Coq de combat, mais aussi le déclin et la disparition des cérémonies rituelles. Elles parlent d’amitié, d’amour, de vieillesse, de solitude, de différences et d’esprits errants entre les mondes, un peu comme les gens eux-mêmes qui évoluent entre passé et présent. Vraiment un remarquable et original voyage dans l’âme profonde du Japon.

 

Cathy Garcia

 

 

medoruma-shun.jpg« L’été est long à Okinawa, écrit Medoruma Shun. Il y a une trentaine d’années, les enfants jouaient tout le temps dehors. Sans les poissons combattants qui ondulaient de leur longue queue bleue dans une eau claire jaillissant au milieu des rochers, ni les expériences de mon enfance entièrement plongée dans la nature, les forêts et les montagnes d’Okinawa, je pense que je n’aurais pas pu écrire ces histoires ». Medoruma Shun est né le 6 octobre 1960. Il est, avec Eiki Matayoshi, un des plus importants écrivains contemporains originaires d’Okinawa. Ses nouvelles ont été couronnées par les très prestigieux Prix Akutagawa et Kawabata.

 

 

20/06/2014

Fugitive lu par Jacmo

Note parue dans la revue Décharge n°162 - Juin 2014

 

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19/06/2014

Pétition pour la libération immédiate de la cinéaste iranienne Mahnaz Mohammadi

•► Mahnaz Mohammadi condamnée à cinq ans de prison par un tribunal des mollahs à Téhéran à une peine de cinq ans de prison. Le samedi 7 juin, elle a été incarcérée dans la sinistre prison d’Evine (située au nord de Téhéran). Cette réalisatrice a été accusée de « complot contre la sécurité de l’Etat » et « propagande contre le régime »

► Elle s’appelle Mahnaz Mohammadi, elle est jeune, brune et belle. Elle est cinéaste (Femmes sans ombre) et défend activement, courageusement, la cause des femmes dans son pays. Elle a été arrêtée dimanche 26 juin à Téhéran, après la perquisition de son domicile par la police iranienne, puis enfermée dans la prison d’Evin, au nord de Téhéran, dans le secteur 209 qui appartient aux gardiens de la révolution, le bras armé idéologique du régime iranien. Les militants politiques qui ont fait de la prison en Iran connaissent bien le secteur 209 où le régime est très sévère.

• Mahnaz Mohammadi était venue à la Cinémathèque française le 13 juin 2010 participer à une « Journée à Téhéran ». Elle y avait présenté son film Travelogue, et participé à une table ronde sur la situation du cinéma dans son pays aux côtés de Marjane Satrapi, Rafi Pitts, Nader T. Homayoun, Sou Abadi et les actrices Golshifteh Farahani et Behi Djanati-Atai.

• Je me souviens que lorsque Mahnaz avait pris la parole pour évoquer la situation des femmes dans son pays et faire état de ses propres difficultés à réaliser des documentaires, les larmes coulaient sur ses joues. Le public nombreux qui remplissait la salle Henri Langlois était ému, bouleversé. Nous étions suspendus à ses propos : allait-elle avoir la force de continuer ? Oui, elle poursuivit, tenant à témoigner. J’avais la gorge serrée, ressentant une incroyable émotion à voir et entendre cette jeune femme, assise à mes côtés, faire preuve d’un tel courage, inquiet du fait qu’elle prenait des risques à s’exprimer ainsi, librement.

• Lors du dernier Festival de Cannes, Mahnaz Mohammadi ne put obtenir l’autorisation des autorités iraniennes d’accompagner le film dans lequel elle joue le rôle principal, Noces éphémères, réalisé par Reza Serkanian. Elle adressa un message, lu par Costa-Gavras : « Je suis une femme, je suis cinéaste, deux raisons suffisantes pour être coupable dans ce pays. Actuellement, je réalise un nouveau documentaire sur les femmes de mon pays. Le combat des femmes pour leur identité est un élément incontournable de leur vie de tous les jours… et la liberté est le mot qui manque le plus à leur quotidien. J’aurais vraiment aimé être parmi vous, chers amis. Hélas, n’ayant pas l’autorisation de sortir de mon territoire, je suis privée de partager cette joie avec vous. Mais j’attends toujours et j’ai de l’espoir ».

• Décidément, le cinéma n’a pas l' air de plaire aux autorités iraniennes. Se sentent-elles tellement affaiblies, tellement désavouées, pour s’autoriser à bafouer ainsi la liberté d’expression d’artistes et de militants des droits de l’homme et mettre en prison une cinéaste, sans le moindre chef d’accusation ?

• Une pétition a été lancée exigeant la libération immédiate de Mahnaz Mohammadi et dénonçant les attaques faites à la liberté d’expression et de création dont sont victimes de nombreux cinéastes iraniens.

► Pour signer cette pétition, allez sur :
http://www.change.org/fr/pétitions/au-gouvernement-iranien-libérez-la-cinéaste-mahnaz-mohammadi-condamnée-à-cinq-ans-de-prison
 
 
 

•► Mahnaz Mohammadi condamnée à cinq ans de prison par un tribunal des mollahs à Téhéran à une peine de cinq ans de prison. Le samedi 7 juin, elle a été incarcé...rée dans la sinistre prison d’Evine (située au nord de Téhéran). Cette réalisatrice a été accusée de « complot contre la sécurité de l’Etat » et « propagande contre le régime »

► Elle s’appelle Mahnaz Mohammadi, elle est jeune, brune et belle. Elle est cinéaste (Femmes sans ombre) et défend activement, courageusement, la cause des femmes dans son pays. Elle a été arrêtée dimanche 26 juin à Téhéran, après la perquisition de son domicile par la police iranienne, puis enfermée dans la prison d’Evin, au nord de Téhéran, dans le secteur 209 qui appartient aux gardiens de la révolution, le bras armé idéologique du régime iranien. Les militants politiques qui ont fait de la prison en Iran connaissent bien le secteur 209 où le régime est très sévère.

• Mahnaz Mohammadi était venue à la Cinémathèque française le 13 juin 2010 participer à une « Journée à Téhéran ». Elle y avait présenté son film Travelogue, et participé à une table ronde sur la situation du cinéma dans son pays aux côtés de Marjane Satrapi, Rafi Pitts, Nader T. Homayoun, Sou Abadi et les actrices Golshifteh Farahani et Behi Djanati-Atai.

• Je me souviens que lorsque Mahnaz avait pris la parole pour évoquer la situation des femmes dans son pays et faire état de ses propres difficultés à réaliser des documentaires, les larmes coulaient sur ses joues. Le public nombreux qui remplissait la salle Henri Langlois était ému, bouleversé. Nous étions suspendus à ses propos : allait-elle avoir la force de continuer ? Oui, elle poursuivit, tenant à témoigner. J’avais la gorge serrée, ressentant une incroyable émotion à voir et entendre cette jeune femme, assise à mes côtés, faire preuve d’un tel courage, inquiet du fait qu’elle prenait des risques à s’exprimer ainsi, librement.

• Lors du dernier Festival de Cannes, Mahnaz Mohammadi ne put obtenir l’autorisation des autorités iraniennes d’accompagner le film dans lequel elle joue le rôle principal, Noces éphémères, réalisé par Reza Serkanian. Elle adressa un message, lu par Costa-Gavras : « Je suis une femme, je suis cinéaste, deux raisons suffisantes pour être coupable dans ce pays. Actuellement, je réalise un nouveau documentaire sur les femmes de mon pays. Le combat des femmes pour leur identité est un élément incontournable de leur vie de tous les jours… et la liberté est le mot qui manque le plus à leur quotidien. J’aurais vraiment aimé être parmi vous, chers amis. Hélas, n’ayant pas l’autorisation de sortir de mon territoire, je suis privée de partager cette joie avec vous. Mais j’attends toujours et j’ai de l’espoir ».

• Décidément, le cinéma n’a pas l' air de plaire aux autorités iraniennes. Se sentent-elles tellement affaiblies, tellement désavouées, pour s’autoriser à bafouer ainsi la liberté d’expression d’artistes et de militants des droits de l’homme et mettre en prison une cinéaste, sans le moindre chef d’accusation ?

• Une pétition a été lancée exigeant la libération immédiate de Mahnaz Mohammadi et dénonçant les attaques faites à la liberté d’expression et de création dont sont victimes de nombreux cinéastes iraniens.

► Pour signer cette pétition, allez sur :
http://www.change.org/fr/pétitions/au-gouvernement-iranie...

 

 

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18/06/2014

TAFTA : A la rencontre des négociateurs européens

Source : http://www.monde-diplomatique.fr/2014/06/EBERHARDT/50559

On sait peu de choses des négociations autour du grand marché transatlantique, maintenues secrètes. On n’en sait guère davantage des conditions dans lesquelles travaillent les négociateurs européens, particulièrement perméables aux groupes de pression.

 

       

Dans le domaine des politiques commerciales, c’est la Commission qui négocie au nom de l’Union européenne et de ses vingt-huit Etats membres. Une vingtaine de fonctionnaires provenant de la direction générale pour le commerce (DGC) jouent le rôle de négociateurs en chef, avec l’aide d’une douzaine de leurs collègues issus d’autres directions générales : entreprise et industrie (pour les questions liées au secteurs automobile et chimique par exemple), santé et consommateurs (pharmacie, cosmétique...) ou encore agriculture et développement rural (produits agricoles).

Critiques ou enthousiastes, les observateurs évoquent régulièrement le pouvoir exorbitant de la Commission. Ils ont raison. Elle dispose d’un monopole total pour la rédaction des textes préparatoires aux négociations tout en gravitant dans une galaxie confortablement éloignée des débats publics : aucun de ses membres n’est élu. Comme l’explique le professeur d’économie internationale Richard Baldwin : « La politique commerciale de l’Europe bénéficie d’un avantage clef par rapport aux autres puissances commerciales : elle est pilotée par une comité de technocrates non élus tous persuadés des biens-faits du libre-échange et protégés des pressions de nature politique (1). »

La « consultation publique » engagée par la Commission autour de la question de l’investissement au sein du projet de GMT illustre son mépris des populations. En dépit de la mobilisation croissante contre l’accord, la « consultation » ne vise pas à s’interroger sur le « pourquoi » d’une décision visant à graver la primauté des intérêts du secteur privé dans le marbre. Elle se contente de proposer d’en discuter les « modalités » (2)...

Les négociateurs se sont montrés parfaitement clairs : une consultation n’est pas un référendum. « Ce n’est pas parce que soixante contributions proposent de se débarrasser du dispositif de règlement des différends entre Etats et entreprises que nous suivrons leurs recommandations », a expliqué M. Marc Vanheukelen, chef de cabinet du Commissaire au commerce Karel De Gucht lors d’un débat à Bruxelles, le 1er avril 2014. Pis, les négociateurs ne se proposent pas de patienter jusqu’à la fin de la consultation pour poursuivre leur travail : un nouveau cycle de négociation a eu lieu aux Etats-Unis au mois de mai dernier.

Toute-puissante, la Commission souffre néanmoins d’un cruel manque de moyens, une situation qui la rend particulièrement vulnérable aux pressions des lobbies, avec lesquels elle travaille désormais main dans la main. Les représentants de Business Europe, un lobby patronal, et d’autres fédérations d’industries bénéficient régulièrement d’invitations à des rencontres privées, au cours desquelles ils obtiennent d’importantes informations sur le déroulement des négociations commerciales en cours — informations qui ne sont pas divulguées au public. Le secteur privé jouit par ailleurs du (lucratif) privilège de participer aux « groupes de travail sur l’accès aux marchés » (Market access working groups). Au cours de ces réunions, des représentants de la Commission, des Etats-membres et des lobbyistes du secteur privé discutent des règlementations qui « entravent » l’activité des entreprises — et se coordonnent pour les détricoter (3).

L’intimité de la Commission avec le monde des affaires résulte également des convictions idéologiques de ses membres. Interrogé sur son rôle au sein des institutions européennes, l’actuel Commissaire au commerce Karel De Gucht répondit un jour : « Ma fiche de poste, c’est “ouvrir de nouveaux marchés pour l’industrie et le secteur des services européens” (4). » Une définition à laquelle il s’est rigoureusement tenu.

Pia Eberhardt

« Face à la dimension criminelle de la crise, les élites sont aveugles, incompétentes ou complices »

 

par Agnès Rousseaux 5 juin 2014

Et si la crise financière était une vaste fraude ? Dérégulé à l’excès, le capitalisme comporte des incitations au crime et à la fraude absolument inédites, explique Jean-François Gayraud, commissaire de police et criminologue. Il pose dans son ouvrage Le nouveau capitalisme criminel un diagnostic décapant : les responsables politiques sont dans le déni ou l’aveuglement, les acteurs de la fraude de 2008 sont aujourd’hui revenus dans le jeu, les lois votées pour tenter de réguler le système financier n’ont rien changé, et des techniques comme le trading haute fréquence échappent à tout contrôle. Il y a urgence à reprendre en main un système économique devenu criminogène, avec ses dérives frauduleuses et prédatrices. Entretien.

Basta ! : Vous analysez les crises financières au prisme de la criminologie. Pour vous, la crise de 2008 est-elle due à des comportements criminels ?

Jean-François Gayraud [1] : Le nouveau capitalisme qui se développe depuis les années 80 comporte des incitations et des opportunités à la fraude d’une ampleur inédite. L’alliance entre la financiarisation, la dérégulation et une mondialisation excessives forme un cocktail explosif. La criminalité est l’angle mort de la pensée économique, un impensé radical, et ce depuis le 18ème siècle. Cela avait peu de conséquences durant le capitalisme fordiste et keynésien, plus régulé. Désormais, cet impensé est mortifère. On nous explique que cette crise financière des subprimes est liée à un simple dysfonctionnement des marchés : comme si, une fois ce dysfonctionnement disparu, on reviendrait à une situation à peu près normale. Je tente de combler cette erreur de diagnostic en analysant les mutations du capitalisme à la lumière de la criminologie [2].

Il ne s’agit pas d’être « mono-causal » et de tomber dans la théorie du complot. Mais simplement de montrer qu’il y a dans ce capitalisme une dimension criminogène qui n’est ni marginale ni folklorique. « Criminogène » ne veut pas dire criminel. Cela signifie simplement que ce système a des potentialités et des vulnérabilités à la fraude, qui étaient jusqu’à présent inconnues. On voit que toutes les crises financières depuis les années 1980 ont été causées par des bulles immobilières et boursières en parties nées de fraudes systématiques. Au point que désormais, la fraude fait système.

Avons-nous avancé depuis la crise de 2008, pour éviter de nouvelles crises ? Vous dites que nous n’avons fait que rajouter des canots de sauvetage autour du Titanic – des canots qui profiteront aux premières classes...

Entre 2008 et 2012, nous avons connu une révolution, dans le sens astronomique du terme : nous sommes revenus au point de départ ! Rien n’a changé. Les grandes promesses de re-régulation se sont traduites par de petites lois à caractère cosmétique, qui n’ont modifié ni l’architecture du système financier international, ni les mauvaises pratiques, ni les incitations à la prise de risques inconsidérés et à la fraude. Ou alors de manière marginale. Le lobby de la finance a su neutraliser les volontés de réforme en profondeur du système. Il est fascinant de voir que tous les mécanismes à l’origine de la crise de 2008 – comme les modes de rémunération des grands dirigeants par exemple – sont quasiment restés inchangés.

Comment l’expliquez-vous ?

Il y a un problème de déni et d’aveuglement. Pointer la dimension criminelle de la crise est inconfortable. C’est un diagnostic nouveau, moins confortable que ceux qui tentent des explications par les dysfonctionnements du marché ou la théorie des cycles. La dimension sociologique doit aussi être prise en compte. Ces crises financières à répétition, à forte dimension criminelle, naissent en haut de la société, au sein de l’Upper World. Elles interrogent le mode de fonctionnement des élites. Celles-ci n’ont aucun intérêt à revenir sur un système qui, dans sa dimension à la fois prédatrice et frauduleuse, fonctionne à leur avantage depuis les années 80. Il leur a permis de s’enrichir de manière anormale, dans des proportions inconnues depuis le 19ème siècle. Conséquence ? Une montée des inégalités faramineuse, intenable, qui nous conduira au chaos si cette tendance mortifère perdure.

D’où vient cette situation ?

C’est une question de rapport de force entre pouvoir politique et pouvoir financier. Il s’agit d’ailleurs moins d’une confrontation que d’un fonctionnement symbiotique : aux États-Unis, ce sont les grands lobbys, dont celui de la finance, qui permettent l’élection des candidats. Une partie de la classe politique américaine a été capturée par le lobby de la finance : ces élus votent donc des lois en faveur de Wall Street. Depuis 2013, plus de la moitié des parlementaires américains sont millionnaires en dollars ! Qu’en conclure ? Soit qu’il faut être riche pour être élu, soit que l’élection permet de devenir riche ! Exactement ce que les Grecs nommaient une « ploutocratie » : un gouvernement des riches, par les riches, pour les riches.

Ce qui me frappe, c’est la corrélation entre la financiarisation de l’économie, la montée des inégalités, et la multiplication des fraudes sur les marchés financiers. Depuis l’émergence de ce nouveau capitalisme, des élites mondialisées réunies dans une Upper class internationale vivent hors-sol, dans une sorte de séparatisme social, financier, territorial et symbolique. Au même moment, les classes moyennes et populaires en Occident se précarisent et se paupérisent. Ce vaste transfert de richesses, des classes moyennes et pauvres vers les plus riches, est le fruit d’un phénomène de prédation – qui relève d’une analyse de sciences économiques – et aussi d’un phénomène de fraude – qui relève alors plus d’une lecture criminologique.

Au-delà des mécanismes – criminels – de fraude et de manipulation, vous parlez de mécanismes de prédation, comme mode de fonctionnement naturel du capitalisme. Ces mécanismes peuvent-ils être aussi considérés comme un crime ? Où se situe la frontière entre le légal et l’illégal ?

C’est la question centrale. Pour l’ensemble des crises financières nées de la dérégulation, je propose deux niveaux d’analyse. Le premier est macro-économique et macro-criminologique : il s’agit d’analyser comment le système s’organise, afin de repérer ses dimensions criminogènes et prédatrices. On est ici dans le « supra-pénal » : personne ne mettra une paire de menottes à un système économique ou à une idéologie. Et il y a le second niveau d’analyse, micro-économique et micro-criminologique. On entre alors dans le droit pénal. Là, il faut savoir détecter, matériellement et juridiquement les fraudes que le système génère concrètement.

Les régulateurs ont montré leur impuissance jusqu’à présent à agir à ces deux niveaux…

Oui. La crise financière des subprimes est née d’un défaut de régulation. Les gouvernements ont la responsabilité de s’interroger sur les risques de fraude engendrés par les lois qu’ils font voter. On peut être politiquement favorable à la dérégulation, mais encore faut-il être conscient des risques gigantesques que comporte une dérégulation excessive. Penser qu’une dérégulation débridée du secteur financier est « neutre », c’est de la complicité, de l’aveuglement ou de l’ignorance. Imaginez un poulailler, un renard et un fermier. Vous n’allez pas reprocher à la poule d’être une poule, ou au renard d’être un renard. Mais vous êtes en droit de vous poser des questions si systématiquement le fermier laisse la porte du poulailler ouverte la nuit. Il peut toujours feindre de s’indigner en retrouvant ses poules égorgées le matin. Mais il est ou aveugle, ou incompétent, ou complice ! A vous de choisir entre ces qualificatifs.

Est-il encore possible de punir les responsables de comportements criminels ? La justice ne semble pas effrayer les banques...

Dans la crise des subprimes, il y a eu une vraie criminalité. Mais les Etats-Unis se sont contentés a minima et ponctuellement d’une justice transactionnelle (basée sur les transactions en amont de procès, ndlr), qui est loin d’être satisfaisante. Le système judiciaire doit avant tout rechercher la vérité. Telle est notre vision de la justice en Europe. Alors que le système de justice nord-américain ne recherche pas tant la vérité qu’un accord négocié, pour résoudre une situation [3]. Cette justice transactionnelle est-elle de la justice ? On peut en douter. Résultat : il y a une réelle difficulté à connaître la vérité des situations – comme si personne n’ouvrait jamais le capot de la voiture endommagée ! On l’a vu de manière caricaturale dans l’affaire Madoff : le coupable a avoué, mais l’on ne sait toujours pas qui a réellement fait quoi, quels ont été les mécanismes criminels à l’oeuvre, qui sont les complices et où est passé l’argent !

Cette justice transactionnelle ne prévoit que des sanctions financières, payées par les entreprises. Mais ces pénalités sont socialisées et mutualisées, les entreprises les anticipent et les intègrent dans leurs comptes d’une année sur l’autre. Jamais aucun banquier n’est réellement sanctionné à titre individuel. A Wall Street, tous les grands acteurs de la fraude de 2007-2008 sont restés impunis. Les rares qui ont été écartés sont aujourd’hui revenus dans le jeu. Au final, cette justice transactionnelle génère de l’impunité. C’est un encouragement à récidiver.

Est-ce mieux en Europe ?

La situation est parfois pire. Le système américain a au moins une vertu : souvent, il sait poser les diagnostics. Sur l’affaire des subprimes, le diagnostic criminel a été très bien posé par les deux commissions d’enquête du Congrès. Il suffit de lire ces rapports, sans œillères. En France, on a tendance à mettre le couvercle sur les faits. Ainsi, la gigantesque faillite de la banque Dexia a coûté des milliards aux contribuables français, et pourtant il n’y a aucune investigation judiciaire ou parlementaire digne de ce nom. Il y a certainement eu beaucoup d’incompétence et de démesure à l’origine de cette affaire. Mais expliquer cette faillite par l’incompétence et la démesure est peut-être aussi un écran de fumée pratique pour masquer d’autres choses.

Vous décrivez dans votre ouvrage le cas du trading haute fréquence, emblématique de la fraude que peut générer le système – une fraude de très grande ampleur, invisible, et quasiment impossible à sanctionner. Est-ce possible aujourd’hui d’enquêter sur ces fraudes ?

Quel est le bilan des organes de régulation, et de la justice pénale, face aux acteurs du trading haute fréquence (THF) aux États-Unis et en Europe ? Il est égal à zéro. Tout au plus, les régulateurs américain et britannique ont-ils réussi à sanctionner certains acteurs, mais de manière très rare et très ponctuelle, et ce dans un cadre transactionnel, donc non pénal. Pourtant, il n’y a pas de marché sans fraude ni fraudeurs. On le sait depuis Durkheim : rien de plus normal que le crime ! Si vous n’observez pas de fraude sur un marché, il n’y a que deux possibilités : soit les fraudes sont devenues totalement invisibles, soit le marché est tenu par une congrégation de saints ! Un exemple : lorsque l’entreprise états-unienne de trading haute fréquence Virtu Financial a publié ses comptes financiers des cinq dernières années, pour entrer en bourse, on a constaté qu’elle n’avait perdu de l’argent qu’une seule fois sur 1238 séances de bourse ! Voilà qui pose question... A Las Vegas, ceux qui ne perdent jamais d’argent, ce sont les propriétaires de casino. Qui sont les propriétaires du casino à Wall Street ?

Aux États-Unis, les régulateurs ne font que courir après les avancées technologiques. Ils sont en permanence à la traîne d’un système qu’ils ne comprennent pas ou auquel ils ne veulent pas toucher.

Le FBI enquête actuellement sur des délits d’initié concernant des processus de trading haute fréquence... A quoi cela peut-il aboutir ?

Le THF est intrinsèquement un délit d’initié systémique, notamment avec le front running technologique (lorsque les traders utilisent l’information de leurs clients pour s’enrichir, ndlr). Mais tellement visible que nous ne le voyons pas. Nous sommes aveuglés par son omniprésence, telle la Lettre volée dans la nouvelle d’Edgar Poe. Le délit d’initié consiste à disposer d’une information privilégiée avec un temps d’avance : 24 heures du temps des pigeons voyageurs qu’utilisaient les Rothschild au début du 19ème siècle, quelques nanosecondes aujourd’hui ! Les enquêtes ouvertes aux États-Unis [4] concernent certaines pratiques spécifiques, et aussi semble-t-il, l’architecture même du système de THF, avec un questionnement sur le principe de la « colocation », qui consiste à placer les ordinateurs des traders au plus près des serveurs des bourses, pour gagner du temps dans les transmissions. Mais restons prudents : apporter des preuves de fautes pénales est très compliqué, surtout en matière financière. Les financiers ont recours à des armadas d’avocats très compétents. Ce qui peut provoquer des stratégies d’évitement : les États ont-ils encore envie de s’engager dans des bras de fer difficiles à gagner face à des acteurs puissants et influents ?

Les sommes en jeu sont pourtant considérables !

Le THF permet des micro-profits sur chaque transaction grâce à l’hyper-vitesse. Mais pour être rentable, il faut d’énormes volumes ! Les chiffres publiés sur les profits de cette activité ne me semblent pas très sincères. Mais en matière financière quels sont les chiffres fiables ? Nous vivons sous l’empire d’une doxa libérale qui n’a que le mot « transparence » à la bouche, mais dont beaucoup des outils et des dispositifs sont d’une opacité totale !

La difficulté est aussi liée à la complexité du secteur, avec une véritable « course aux armements technologiques » à laquelle se livrent les acteurs du trading haute fréquence...

Le THF est fondamentalement une course au temps. Elle ne peut être gagnée qu’avec des ordinateurs et des algorithmes de plus en plus puissants et rapides qui coutent très chers. Il faut aussi embaucher des compétences rares : les meilleurs mathématiciens, physiciens et informaticiens. Pour transmettre les informations, nous sommes aussi passés de la fibre optique aux ondes courtes. Et le phénomène de colocation, pour s’approcher au maximum des serveurs des bourses, s’est développé. Un paradoxe : dans le monde du cyber et du digital, l’immatérialité devait rendre illusoire les questions de placement géographique, et on redécouvre qu’un trader haute fréquence a les mêmes problématiques qu’un camelot au Moyen Âge !

Le mouvement de dérégulation financière a conduit à la privatisation des places boursières. Elles se sont mises à vendre aux traders des masses d’informations et de données, mais aussi de l’immobilier, en vendant des espaces au plus près des serveurs. Conséquence de cette privatisation : les bourses n’ont aujourd’hui plus aucun intérêt à être regardantes sur les pratiques des traders du THF. Pourquoi renforcer les contrôles, qui feraient migrer les traders vers d’autres places boursières ? Les fraudes étant invisibles, les victimes n’ayant pas de visage et ignorant qu’elles ont été spoliées, quelle peut être l’incitation à bien se comporter ?

Y aura-t-il un gagnant dans cette « course aux armements » ?

On peut douter qu’il y ait un gain pour la collectivité. Quelle est l’utilité sociale de ce système ? En quoi concourt-il au bien public ? Tous ces investissements technologiques et financiers, ces talents qui s’immergent dans le monde de la finance mathématisée, ne seraient-il pas mieux utilisés ailleurs ? Il y a forcément un gain pour les acteurs du THF, sinon ils abandonneraient ce business. L’une des quatre grandes banques françaises a cependant eu le bon sens de se retirer de ce marché (le Crédit agricole. La Société Générale et BNP Paribas restent des acteurs importants du THF, ndlr). Cela montre qu’il y a un début de prise de conscience du fait que cette technique est vicieuse et viciée, et qu’elle peut avoir un coût en terme de réputation.

En cas d’emballement du système, que reste-t-il comme possibilité d’action pour les régulateurs, à part débrancher les machines ?

C’est ce qui s’est passé lors du crash éclair du 6 mai 2010 (le Dow Jones a chuté de 9% en quelques minutes, ndlr) : pour éviter qu’un crash localisé devienne systémique, il faut alors débrancher la prise. Quel terrible aveu d’impuissance ! Par leur poids technologique et financier, ces systèmes de THF sont devenus des immenses blocs de granit jetés dans l’espace financier. Et les lois de régulation n’arrivent plus qu’à limer certaines aspérités de ces blocs.

Le trading haute fréquence menace-t-il l’ensemble du système financier ? A-t-il des conséquences sur nos économies ?

Le THF comporte des risques pour la stabilité des marchés financiers. Il y a une dimension virale. Surtout, le THF est par nature un système de prédation. La proie, c’est d’abord l’investisseur qui s’est jeté dans une grande mare au milieu de requins sans en être conscient. Et ensuite, c’est l’économie réelle. Cet excès de financiarisation n’entraine ni créations d’emploi ni prospérité. Il participe à la spéculation généralisée, comme par exemple celle sur les marchés des matières premières, une spéculation qui contribue à rendre les cours erratiques, ce qui a des conséquences concrètes, dramatiques, sur la vie quotidienne de millions d’hommes et de femmes à travers le monde.

En quoi votre analyse des crises financières sous l’angle du crime est-elle innovante et dérangeante ?

Ce diagnostic est nouveau. Proposer une analyse criminologique des crises financières, c’est aussi montrer, au delà d’une analyse nouvelle des causalités, les conséquences de ces crises issues de la dérégulation. Ces grandes crises ont plongé des millions de personnes dans le chômage, la pauvreté et la précarité. Ces crises à dominante criminelle provoquent également un assèchement du crédit aux entreprises. Celles-ci, mécaniquement, doivent se tourner vers les financements occultes du crime organisé. Les organisations criminelles regorgent toujours d’argent liquide à investir. Les crises financières sont ainsi des périodes d’accélération des processus de blanchiment d’argent et de captation de l’économie légale par le crime organisé. C’est ce qui se produit en Italie depuis 2008.

Les responsables politiques qui cautionnent cela sont-il complices de crimes ?

Il ne faut jamais faire de procès d’intention. L’honnêteté se présume et la culpabilité se démontre. Mais il faudra beaucoup de courage et de lucidité pour sortir d’un système aussi mortifère. 1788 a duré longtemps : près d’un siècle ! Le grand historien de la Révolution française Hippolyte Taine [5] explique comment les élites au 18ème siècle, en l’occurrence la noblesse, furent « en vacances » durant un siècle. Je crois que les élites contemporaines sont en effet en vacances. Elles se divertissent et elles nous divertissent, au sens pascalien. Peu importe de savoir si elles sont conscientes de la situation. La confrontation avec le réel sera de toute façon brutale.

Pour revenir au prisme criminologique, je dirai que les peuples sont pris en tenaille entre une criminalité de l’Upper world et une criminalité de l’Under world, par le haut et par le bas. Il suffit de relire Marx qui explique très bien cela. La seule chose qui me rend optimiste, c’est que je crois au génie national. Le peuple français est plein de ressources, il a des capacités de réaction insoupçonnées. Encore faut-il ne pas le mépriser.

Propos recueillis par Agnès Rousseaux

@AgnesRousseaux

Photo : Source


A lire :
Jean-François Gayraud, Le Nouveau Capitalisme criminel, Odile Jacob, 2014, 350 pages. Pour commander ce livre dans la librairie la plus proche de chez vous, rendez-vous sur le site de lalibrairie.com.

Notes

[1Commissaire divisionnaire, ancien élève de l’École nationale supérieure de police (ENSP, Saint-Cyr-au-Mont-d’Or), docteur en droit, diplômé de l’Institut de criminologie de Paris, il a longtemps travaillé à la direction de la surveillance du territoire (DST). Il est l’auteur notamment de La Grande Fraude. Crime, Subprimes et crises financières (Odile Jacob), 2011, et Le Nouveau Capitalisme criminel (Odile Jacob), 2014.

[2Voir notamment l’analyse de la dimension criminelle de la crise financière de 2008 dans le livre La grande fraude, Crime, subprimes et crises financières, par Jean-François Gayraud, Editions Odile Jacob, 2011.

[3Au civil, cela s’appelle le settlement. Au pénal, c’est le Plea bargaining.

[4Ces enquêtes on été ouvertes par la Securities and Exchange Commission (SEC) (organisme de contrôle des marchés financiers) et le ministère public de l’État de New York. Lire FBI Investigates High-Speed Trading, Wall Street Journal, 31 mars 2014, et FBI Seeks Help From High-Frequency Traders to Find Abuses, Bloomberg, 2 avril 2014.

[5Hippolyte Taine (1828-1893), Les Origines de la France contemporaine.

 

 

 

17/06/2014

Hommage à Pierre Colin sur Radio Occitania

 

Le chanteur catalan RIBALTA qui a traduit FERRE, BERTHAUT le toulousain, BASTIDE le méridional, MIGOZZI le Corse du Var, le jeune FLAHAUT, au sommaire de cette émission consacrée à Pierre COLIN qui nous a quittés en mai. Mais les poètes sont impérissables et leurs voix veillent sur nos destinées.

Vous pouvez écouter l'émission en cliquant sur : http://les-poetes.fr/emmission/emmission.html

 

Le compte-rendu de l'émission :

 

Christian Saint-Paul de retour de ce pays cousin de l'Occitanie, la Catalogne, où pendent aux balcons le drapeau revendiquant son indépendance et sa volonté de poursuivre son partenariat européen, fait entendre la voix virile et chaude d'un chanteur mythique découvert dans les années soixante en France, notamment au festival de Carcassonne où il venait en concert à côté de Paco  IBANEZXavier RIBALTA; diffusion de l'adaptation catalane du Vaisseau Espagnol de Léo FERRE: El Vaixell Espanyol.

Comme il l'avait promis la semaine dernière, Saint-Paul fait écouter un extrait de "Petits poèmes diversement appréciables mais néanmoins écrits avec grande attention" d'Olivier BASTIDE (cardère éditeur, 15 €); on reconnaît dans cet enregistrement la voix de l'éditeur lui-même, et d'ailleurs aussi poète, Bruno MSIKA. Ces textes ont été écrits sur des suites d'Erik SATIE. Diffusion "D'entrain bien mesuré" sur "Sonatine bureaucratique" du compositeur, pionnier du modernisme.

A signaler cette semaine, un jeune poète qui totalise tout de même presque une dizaine de publications : Jean-Marc FLAHAUTpour son livre "aliéné(s)" aux éditions des états civils, illustrations de Maxime DUJARDIN, 83 pages, 12,50 €. Un ton narratif, rugueux, où la poésie fait mouche comme dans les poèmes de DUBOWSKI; un régal pour la radio. Lecture d'un extrait.

Fugue

deux patients

se font la belle

c'est la troisième

fois cette année

 

deux patients

dont un que tout

le monde ici appelle

le policier

 

Cobra serre les poils

de sa barbe

entre ses doigts

et se prend à rêver

qu'il est cet autre

en cavale

 

il sait que je sais

qu'il sait mais continue

de garder le secret

 

une fois dehors

il aperçoit un village

dans le lointain

 

plus il avance plus il marche

et mieux il marche

 

Sainte Agnès

se trouve maintenant

dans son dos

et devant c'est le passé

*

 

Avant  d'aborder le poète de la semaine, Pierre COLIN, qui malheureusement ne peut plus être invité, puisqu'il nous a quittés le 5 mai 2014, Saint-Paul revient sur Philippe BERTHAUT qui avait, avec le poète disparu, des similitudes d'activités comme celle de formation et d'ateliers d'écriture. BERTHAUT écrit "Le champ de lave", COLIN "La lave et l'obscur". Lecture d'un extrait de "Paysage Déchiré" de BERTHAUT.

Poème, ce soir je ressens pleinement ta faille,

A ta manière d'empoisonner le monde

dans le maigre filet des mots,

de ne rien laisser paraître de l'enjeu

ni du câble de sang qui traverse la chair

en filament perpétuel.

 

J'entends des trouées de notes,

je les égrène d'attente,

les épuise sur le pré blanc,

retenus l'impatience et le vouloir mieux,

l'illusion du tout,

sa geste longue,

le méridien offert au cartographe aventurier,

avec sa meute de lieux toujours avides

d'assemblage.

Le manque alors et sa désinvolture

se mettent au cahier comme au lit figé des pierres.

 

Pousse de ta poitrine

La mêlée des fantômes.

 

Poème, ce soir je ressens pleinement la faille

que je ne puis parler.

Partager le piétinement.

Se reconnaître mutilé dans l'éloignement.

 

Ce soir le couchant s'effectuera sans couleur.

Tu partiras encore plus loin dans la sente absente.

 

Il n'y a plus lieu d'insister.

Laisse les lieux à leur cadastre.

 

Ils ne t'ont jamais demandé

de les mêler à tes désastres.

 

C'est une pierre à fond de chair

que ta vie ainsi révélée.

 

Tous les chants ont fondu dans l'air

et l'air n'en fut pas mieux porté.

 

Le paysage est dans la cage

que tu ouvres à chaque matin.

 

Un passeport pour le passage

que tu négocieras en vain.

 

Il n'y a plus lieu d'insister

tout ce que tu as pu en dire

 

te manque dès lors que l'écrire

devient grand temps de s'en aller.

*

Christian Saint-Paul revient sur "De bogue et de roc / Di riccia è rocca  L'amour l'amort  / Amor amorti "de Marcel MIGOZZI, édition bilingue français, corse, avec un avant-poème de Jean-François AGOSTINI et traduit en corse parStefanu CESARIColonna édition,100 pages, 10 €. Ce que la poésie aujourd'hui nous offre de plus dense, dans cette simplicité étourdissante qui témoigne de tant d'essorages, de tant de plaies cicatrisées. Cette écriture concise et d'une précision aiguë, cette percussion du langage qui rend compte de la percussion de la vie, précède de peu le silence. Plus tard elle le magnifiera.

Lecture d'extrait ainsi que de : "Et si nous revenions sans vieillir ?", "Voyageurs sans regard", "Qels âges as-tu ?", tous ces recueils chez Encres Vives, 6,10 € chacun, 2 allée des Allobroges 31770 Colomiers. A signaler également : "Un pied toujours dans mon quartier"(La Porte éditeur)"Derniers Témoins" (Tarabuste éditeur).

 

poème de province

autrement dit                       vieux linge

 

abandonné dans un lavoir

de mots usés            de phrases accrocs

 

et l'eau

va boue

*  

Bernard MAZO avait écrit dans "L'hostilité mortelle de l'inconnu" qui constituait le 364ème Encres Vives :

Toute écriture

            retourne

               un jour

                  au silence

 

L'écriture de Pierre COLIN est retournée au silence. Il nous appartient dorénavant de puiser dans ce silence et de retrouver la parole du poète et de la faire entendre. C'est notre vocation, à nous, acteurs de cette émission "les poètes". 

Pour cette première évocation, l'idée est de faire écouter ce flux poétique propre à Pierre COLIN. C'est ainsi que la parole lui est donnée à travers la lecture d'extraits de "La lettre de Mytilène", de "Les Soleils de l'Apocalypse"(Encres Vives éditeur, 6,10 € chaque volume), de "La lave et l'obscur" (prix spécial du jury Max-Pol FOUCHET, L'Atelier Imaginaire et Le Castor Astral éditeurs, 43 pages, 12 €).

Encres Vives lui a consacré son numéro 345, "Spécial Pierre COLIN" qui rassemble des critiques et notes de lecture deMichel DUCOM, Félix-Marcel CASTAN, Claude NIARFEIX, Michel BAGLIN, Henri HEURTEBISE, Marie Florence EHRET, Luis MIZON, Werner LAMBERSY, Michel COSEM, Les SOLICENDRISTES; LES PHOTOS sont de Maïté COLIN.

Lecture de "Pierre Colin : tout est en question" de Michel DUCOM, son vieux compagnon de "L'Education Nouvelle", les deux poètes s'étant rendus ensemble à Saint-Pétersbourg et à Moscou dans le cadre de la promotion de cet organisme. Lecture des mots de CASTAN, l'Occitaniste sur son alter égo celte.

Voici un extrait des mots prononcés par Michel DUCOM le jour des obsèques de Pierre COLIN le 7 mai 2014:

                                                 Un homme du partage

« Il fut un chercheur- trouveur. La recherche ne pouvait aboutir au scepticisme ou à la contemplation mélancolique. Elle devait s'enrichir de vérités conquises - fussent-elles provisoires ?-  pour ouvrir le droit aux bonheurs de vivre, de grandir, de savoir, de penser, de débattre.  « Il faut reprendre aux mots leurs dernières comètes »  avait-il écrit il y a longtemps...

Certains trouvent pour eux, pour enrichir leur image, lui fut un homme du partage. Le souci de faire connaître accompagnait la passion de connaître. Une générosité permanente, il écrivait sans cesse, publiait, s’engageait au plus haut niveau de ses exigences dans les stages que nous mettions en place, quels que soient les obstacles : l'argent, la santé, les incompréhensions, car toute idée neuve est d'abord souvent  reçue comme une violence. Rien ne l'arrêtait. Impulsif, il apprit la patience, enthousiaste devant les découvertes et les idées,  il apprit à se maîtriser le plus possible pour se faire entendre. Il a laissé de très nombreux articles dans la revue Dialogue et dans Cahiers de Poèmes -revues du GFEN- Il fut directeur plusieurs années de cette dernière qui avait été créée par son ami l'écrivain Michel Cosem. Une œuvre   pédagogique majeure, liée aux chemins de la création, de l'auto-socio-construction des savoirs, de la pensée mythique, de l'imaginaire, de l'écriture. Générosité intellectuelle qui n'avait pour limite que son absence de concession à ce qui lui paraissait aller à l'encontre de l'émancipation des enfants, des êtres humains, des peuples.

Une personnalité de chercheur d'autant plus exceptionnelle qu'on ne pouvait séparer son engagement pédagogique de son engagement politique sans concession du côté des opprimés. Un engagement fidèle, - très jeune il avait écrit avec des amis un ouvrage « Citoyen d'autrui »_ engagement fidèle  qui lui valut des conflits et de l'estime, un engagement qui lui a permis de confronter sans cesse son combat savant avec celui que les hommes menaient en tant que bataille collective pour vivre mieux. Quand des populations entières méprisent aujourd'hui  la vie politique, lui a su, jusqu'aujourd'hui lui redonner sa force, sa pertinence comme mesure des actes humains. Terrible leçon, encore à découvrir.

Son engagement en écriture a été intimement mêlé à son action publique et à ses préoccupations intimes. Il a publié plus de trente ouvrages, il a rempli des carnets et des carnets,  travaillé, et surtout il a témoigné très souvent sur ce qu'était le travail d'écriture, à partir des avancées les plus contemporaines.  Non pas du côté des recherches formelles qu'il connaissait bien pourtant, mais du côté du partage de la pensée écrite. Du côté du sens humain et de la possibilité pour tous de penser à l'écrit comme on pense sous d'autres formes.

Pionnier des ateliers d'écriture pour adultes, en tant qu'écrivain d'abord puis ensuite en tant que chercheur en éducation, il passa une grande partie de sa vie à les développer. Universités d'été, stages nationaux, actions locales et internationales, rencontres d'animateurs, séminaires de recherche dans tous les domaines où l'écriture se donnait avant son action comme domaine « réservé » à quelques-uns."

Sa biographie et bibliographie selon "Le Printemps des Poètes":

Biographie

Pierre Colin est né en Bretagne où il effectue de nombreux séjours. Il vivait à Tarbes.
Auteur d'une trentaine de recueils de poèmes, tous publiés à compte d'éditeur. Le premier recueil fut publié par Marc Alain, dans sa collection Formes et Langages
Le Recueil intitulé Une épine de bonheur a obtenu, en 1996, le Prix National Poésie Jeunesse.
Le recueil La lave et l’obscur a obtenu le Prix spécial du jury du Concours international de poésie Max-Pol Fouchet en octobre 2006 (Préface Werner Lambersy et Luis Mizon).

Bibliographie

Recueils, Roman, Nouvelles

  Le Kââ d’Isis, Roman Jeunesse, 2008

 

  Le Nord Intime, recueils de poèmes (Adultes), Editions Chemin Bleu, 2008 

 

  Je ne suis jamais sortie de Babylone, Éditions Multiples, Collection Fondamente, mai 2008

 

  Trouble en moyenne parole, Éditions Nouveaux Délits, Cathy Garcia, Laramière, janvier 2007

 

  Encres vives, spécial N° 345, avril 2007

 

  Contes de fées, Princesse occupe-toi de ta bouche, Éditions du corbeau, Raffuts, Toulouse, octobre 2006

 

  La Lave et l'Obscur, Éditions Le castor Astral, Prix spécial du Jury Concours International de poésie Max-Pol Fouchet, octobre 2005

 

  Lieux d'hiver, Poésies, Éditions multiples, Collection Fondamente, juillet 2003

 

  La Lettre de Mytilene, Revue Encres vives, N° 306

 

  Le Coefficient des marées, nouvelles, Éditions Blanc Silex, Collection "Amers", août 2002

 

  Le Retour à Sumer, Poésies, Éditions La Bartavelle, juillet 2002

 

  Tout retourne au bercail des langues, Numéro spécial de la revue "Encres vives" N° 265, novembre 2001

 

  La Baie des secrets, roman pour la jeunesse, Éditions du Laquets, mars 2001 

 

  Grèce obscure, Éditions Encres vives, avril 2000

 

  Chacun s'éveillera parmi ses mots dormants, Éditions La Bartavelle, mars 1999

 

  Le Corps rupestre, Éditions La Bartavelle, juillet 1998

 

  Une épine de bonheur, Prix National Poésie Jeunesse 96, Éditions La Bartavelle, Novembre 1997, 4ème édition, Tarbes 2006

 

  Se désagrègent, se décousent nos manteaux de disants, Éditions Encres vives, janvier 1997

 

  Monde aux yeux brefs, La loi du corps, Éditions « Soleils et Cendres », Septembre 1995

 

  Dans la Tour des Archets, Europos..., Éditions « Cadratins », octobre 1993

 

  J'ai dit mon nom, Folie dans les syllabes, Éditions « Encres vives »

 

  Il faut reprendre aux mots leurs dernières comètes, Éditions Glyphes

 

  Les mots 'ont pas de langue, Éditions "Encres vives"

 

  Remiremots, Citoyens d'autrui, etc., recueil collectif, 1970-1980

 

  Schizo-Symphonie, Éditions actuelles, Formes et Langages

Revues de poésie 
Encres Vives, Racines, Le Puits de l'Ermite, Glyphes, Rivaginaires, Filigranes, Soleils et Cendre, Traces, Le Pilon, Multiples, autres
Responsable de la revue « Cahiers de Poèmes », fondée par Michel Cosem, pendant une dizaine d’années ; collaborateur régulier de la Revue Dialogue du gfen.

Anthologies 

 

  Aa Pays des mille mots, Éditions Milan, Michel Cosem

 

  Les poètes du Sud-Ouest, Éditions multiples, Henri Heurtebise.

Éducation et Pédagogie

 

  Réconcilier Poésie et Pédagogie

 

  Ça Conte

 

  L'atelier d'Ecriture

 

  Livres de Formation pour Adultes et Formateurs, auteur collectif, Coordonnateur: Pierre Colin, Editeur GFEN

Cette émission est une première approche de ce poète, qui compte désormais parmi ceux qui nous éclairent dans les ténèbres du présent, où il nous a laissés.

 

Christian Saint-Paul

 

 

 

ps : on peut lire aussi Pierre Colin entre autre dans le numéro 21 de la revue Nouveaux Délits :

http://larevuenouveauxdelits.hautetfort.com/archive/2006/...

C.G.

 

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(dernière minute) Sacrifice humain à Bruxelles

 

 

 

12/06/2014

Juste après la pluie de Thomas Vinau

Alma éditeur, 30 janvier 2014

 

Juste-après-la-pluie-de-Thomas-Vinau.jpg

81 pages, 17 euros.

 

 

 

Comme il l’écrit lui-même dans sa postface intitulée « Lignes de fuite » : « Ma poésie n’est pas grand-chose, elle est militante du minuscule, insignifiante, et je l’écris au quotidien, à la mine de rien. J’ai pensé à ce projet plus conséquent. Un gros livre de petits poèmes. » Pari osé, ce roman-poésie, car on sait bien, l’offre en poésie dépasse de loin la demande, beaucoup en écrivent, peu en lisent ; « je travaille beaucoup à la simplicité » nous dit Thomas Vinau, or rien n’est plus difficile à atteindre que la simplicité, cependant chacun pourra très certainement puiser dans ce « gâteau de miettes » quelque chose à son goût.  D’ailleurs, poésie du quotidien peut-être, mais comme le souligne l’air de rien l’intitulé de la postface, il semble qu’écrire de la poésie soit justement pour Thomas Vinau une façon d’échapper au quotidien, ou tout au moins de le rendre parfois plus respirable, plus supportable. C’était peut-être moins évident dans des recueils plus anciens, mais ici on peut distinguer plus nettement des fêlures, des fragilités, dans les constructions qui protègent un quotidien, qui est surtout celui de l’intimité, de soi, du couple, de la famille, comme à opposer à un monde devenu bien trop fou, bien trop agressif pour qui a la sensibilité à fleur de peau. « Tout va bien » écrit-il, « le monde court après le monde dans les paisibles chuchotements de nos agonies veloutées ». Fragile le poète certes, mais aussi « la solidité des parfums de pivoine lorsque tu me piétines ».

 

Poète… Spécialiste de « l’inutile indispensable ». La poésie aime peut-être l’ordinaire mais elle ne le laisse pas tranquille, quand elle s’engouffre dans le quotidien, elle le chahute, elle le transforme, le bouscule, le bascule et c’est ainsi que lorsque les yeux de Thomas Vinau « fouillent les ratures du paysage », ils  « distinguent un troupeau de fenêtres sauvages ».

 

Dans le quotidien, il y a ce trésor nommé instant présent, un puits sans fond dans lequel Thomas Vinau sait puiser quelques fulgurances, comme on remonterait quelques jolis poissons.

 

« Souvent j’ai l’impression

d’être un sachet de thé

dans l’eau tiède du monde

mais parfois me rattrape

la sensation violente

d’être une goutte d’eau

saturée de saveurs

dans une boite à thé »

 

Et la vie est « une petite rivière pleine et fraîche qui nous file entre les doigts » aussi le poète déplore

 

« le décès instantané

D’un petit matin frais

Fauché en pleine course

Par un quotidien trop pressé

 

aux dernières nouvelles

Le champ des possibles

S’écoule encore de son ventre

Sur la chaussée

 

 

Thomas Vinau a l’âme sauvage, qui le ramène autant que se peut vers la nature, l’enfance, ce qui est un peu la même chose.

 

Je me sers

d’un toboggan d’enfant

comme chaise longue

je me sers

de l’herbe haute comme déodorant

je me sers

du ciel foutraque

comme cahier de brouillon

 

D’ailleurs le poète a beau viser l’horizontalité, même s’il sait qu’ « on fait pisser nos rêves à la laisse comme des chiens », il ne peut s’empêcher de lever les yeux au ciel et se dire que Dieu a l’haleine chargée

 

« dans sa dent creuse

 un soleil

endormi »

 

Et les poètes sèment leurs innombrables poèmes que les oiseaux du malheur ne manqueront pas de dévorer, c’est pourquoi il faut en semer beaucoup, beaucoup, afin que certains puissent avoir la chance de germer. Ne serait-ce que pour continuer à nous bousculer le quotidien.

 

 

Cathy Garcia

 

 

 

AVT_Thomas-Vinau_240.jpgThomas Vinau est né en 1978 à Toulouse. Auteur de plusieurs recueils de nouvelles et de poèmes, il publie en 2011 son premier roman, Nos cheveux blanchiront avec nos yeux, aux éditions Talma. Un road-movie d’inspiration autobiographique, à « l’écriture pudique et organique », qui fait le tour des blogs littéraires et fait sortir le jeune auteur de son microcosme littéraire. Influencé par les poètes américains (Richard Brautigan), et militant du minuscule, Thomas Vinau signe en 2012 un Bric à brac hopperien, portrait du peintre américain Edward Hopper « réalisé à partir de listes, de notes et de chutes autobiographiques » (Ed.Talma). Thomas Vinau vit aujourd’hui près du Lubéron, plante des radis et taille des lilas, écoute les insectes grouillants qui organisent le monde,  non loin des chauves-souris qui s’endorment, la tête au pied des mots. Bibliographie complète : http://bibliothomasvinau.blogspot.fr

 

 

 Note parue sur : http://www.lacauselitteraire.fr/

 

 

 

 

 

 

 

10/06/2014

Intelligence artificielle : un ordinateur se fait passer pour un adolescent

Sources : L'Express et 20 minutes, mis en ligne le 9 juin 2014.

Pour la première fois, samedi dernier à la Royal Society de Londres (l'équivalent anglais de l'Académie des sciences), un ordinateur a réussi le test de Turing qui consiste à imiter une conversation humaine, révèle The Independent dans son édition d'aujourd'hui. Cet événement constitue une étape dans l'évolution de l'intelligence artificielle.

 

Eugene Goostman, 13 ans, est-il un petit garçon ukrainien originaire d’Odessa ou un ordinateur ? Lors d’un événement organisé à la Royal Society de Londres, les juges qui devaient répondre à cette question après avoir chatté pendant cinq minutes avec Eugene, n’étaient pas si sûrs d’eux : 33% d’entre eux ont estimé avoir à faire à un humain. Résultats impressionnants mais quelque peu inquiétante pour celui qui n’est autre qu’un ordinateur, créé par une équipe de chercheurs basée en Russie.

Selon les organisateurs de l’événement, c’est en effet la première fois qu’une machine passe avec succès le test de Turing, qui détermine la faculté d’un ordinateur à imiter une conversation humaine. Le test est concluant si plus de 30% des juges sont dupés. «Ce test a été mené à une échelle jamais atteinte, avec des observateurs indépendants, et les conversations étaient entièrement libres», affirme Ken Warwick, un professeur associé de l’université de Reading, dans un communiqué. Pour l’institution, qui organisait l’événement à l’occasion des 60 ans de la mort d’Alan Turing, l’inventeur du test, il s’agit donc véritablement d’une première.

Si les conditions du test peuvent sans doute donner lieu à discussion, l’avancée scientifique en matière d’intelligence artificielle est indiscutable et soulève de nombreuses questions sur les bouleversements qu'elles va inéluctablement engendrer.