Créée en 1999, cette maison d’édition est dirigée par Bruno Msika, titulaire d’un doctorat en écologie, qui après avoir édité de la documentation scientifique s’est spécialisé dans l’édition de poésie sous toutes ses formes.
Il a bien voulu, avec beaucoup de gentillesse, répondre à nos questions concernant son activité d’éditeur :
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La Pierre et le Sel : Quel est l’itinéraire personnel qui vous a conduit à la poésie ? Culture familiale ? Rencontres personnelles ? Études ?
Adolescent, j’ai commencé à écrire de la poésie (années 1970), d’abord sous forme de jeux avec un copain (cadavres exquis, joutes poétiques…) ; c’est rapidement devenu un moyen d’exprimer mes sentiments (surtout), mes sensations, mes interactions avec l’environnement (animé et inanimé). J’ai lu, comme tout le monde, un peu de poésie à l’école, mais sans ressentir grand-chose. J’ai écrit de façon inégale, mais sans longue interruption jusqu’à aujourd’hui. J’ai diversifié peu à peu mes lectures, sans ordre, au hasard des rencontres. J’ai auto publié un premier recueil en 2002 ; un travail très intéressant : sélectionner des poèmes écrits sur une période de trente ans (75 % de « déchets »), les classer, les améliorer… Puis un second recueil en 2003, écrit en un an celui-là. Là, j’ai vraiment intensifié mes lectures en me focalisant sur ce qui me plaît, la poésie contemporaine. Jusqu’à ne plus lire que ça… Lorsque j’ai commencé à publier divers poètes en 2004, j’avais du mal à « préciser mes affinités » ; aujourd’hui, ce n’est plus le cas : je sais quand un texte me touche.
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La Pierre et le Sel : Quelle place occupe aujourd’hui la poésie dans votre existence ? Avez-vous une écriture personnelle en dehors de votre travail d’éditeur ? D’autres activités de création artistique ? Si oui quelles sont les interactions entre ces créations et l’édition ?
Je continue à explorer la poésie. En 2008, j’ai rencontré Christian Saint-Paul, qui anime une émission de poésie hebdomadaire sur Radio Occitania (Toulouse) ; je l’ai publié l’année d’après. Jusque là, mon écriture était spontanée : j’écrivais un texte, court, tel qu’il me venait à esprit, et c’était fini, je n’y retouchais pratiquement pas ; c’était la traduction d’un instant volé au néant. Christian m’a lancé un défi, celui de choisir un thème et de le travailler. Je m’y suis mis, ça a duré un an ; en 2010, Christian préfaçait « Prisme », publié par Michel Cosem chez Encres Vives (coll. Encres Blanches). Je continue à écrire des textes courts, qui laissent la part belle à l’inconscient (d’autant que la forme est toujours surréaliste), mais également des « textes conscients », plus travaillés.
Pas d’autres activités de création artistique actuellement, mise à part la réalisation en 2014 d’un CD de textes lus sur fond de piano (Satie) arrangé par un compositeur, CD accompagnant un recueil publié.
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La Pierre et le Sel : Quels sont les poètes, contemporains ou du patrimoine, qui vous sont proches par leur écriture ? Quelle place accordez-vous à la lecture des autres poètes dans votre travail personnel ?
Parmi les connus, Breton, Char, Éluard, Michaux, Tzara… J’ai exploré le surréalisme, qui continue à me fasciner. Maintenant je reçois des revues, « on » m’attire dans des blogs, je picore, la création poétique est pléthorique ; je ne retiens pas les noms, et tout ce qu’écrit untel n’est pas forcément « bon ». Me sont très proches par leur écriture, certains que j’ai publiés (Pierre Bonnet, Cathy Garcia), ou qui ont publié ailleurs (Francine Charron, Thierry David).
J’estime aussi que la poésie peut avoir différentes formes écrites, dont le conte poétique, et des formes complètement libres que j’ai souvent du mal à qualifier de textes…
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La Pierre et le Sel : Avez-vous personnellement déjà publié ? Dans des revues ? Lesquelles ? Des recueils ? Avez-vous des activités de traduction ? Dans quelle(s) langues (s) ?
Deux recueils auto publiés : « L’encrier de vinyle », 2002 ; « Comme une mandarine », 2003.
Un essai poétique : « Prisme », 2010 (Encres Vives).
Rien en revue.
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La Pierre et le Sel : Quelles sont vos activités éditoriales : éditeur, directeur de collection ? Depuis quand les exercez-vous ? Avec quel projet ?
Je suis éditeur de poésie. Je publie 4-5 recueils par an. Mon objectif est surtout de constituer un catalogue cohérent, qui corresponde le plus précisément possible à ma sensibilité.
Je publie « sérieusement » depuis 2004-2005. J’ai 27 titres à mon catalogue, si je ne me trompe pas.
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La Pierre et le Sel : Comment travaillez-vous ? Seul ou en équipe ? Comment effectuez-vous les choix de publications ? À partir de quels critères ?
Je travaille seul ; mes choix de publication sont uniquement une affaire de sensibilité personnelle, et ne sont dictés par aucun impératif économique. Une seule contrainte, ne pas sortir d’argent : tirages très faibles, vente à l’avance par souscription, qui doit rembourser l’impression.
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La Pierre et le Sel : Comment entrez-vous en relation avec les auteurs que vous publiez ? Relations personnelles ? Envoi de manuscrits ou tapuscrits ? Sollicitations de votre part ? Avez-vous une ligne éditoriale précise ou êtes-vous ouvert à une large palette d’expressions ? Comment travaillez-vous avec les auteurs ?
Les auteurs me contactent uniquement par connaissance : internet (via mon site ou d’autres), revues (je soigne mon service de presse), réseaux… Je reçois les manuscrits uniquement en PDF, par mail.
Voici la ligne éditoriale que j’affiche sur mon site :
En poésie, l’intention (narration, observation, description...) doit avoir été transformée, décalée, habillée, traduite en abstraction, jusqu’à perdre son sens, de telle sorte que le lecteur en déshabillant le texte puisse ne faire appel qu’à son propre monde poétique, ses images, ses émotions, qu’il puisse être surpris par ce qu’il découvre, et non seulement complice. Cette double opération magique de cryptage précis et de traduction volontaire, personnelle, voire inconsciente, est le propre de la poésie. La rencontre de deux abstractions qui peuvent se comprendre… en l’absence de sens. C’est ainsi que le style (rythme, musique, choix des mots, etc.) peut servir autre chose que séduire le lecteur, quelque chose qui s’accorde profondément avec le message poétique.
Avant et au moment de la parution, je travaille en lien étroit avec l’auteur : établissement des listes de souscripteurs potentiels, du service de presse et des lieux-ressources (librairies, bibliothèques…). Ensuite, l’auteur établit son programme de promotion comme il l’entend ; je lui demande de m’informer pour l’accompagner sur mon site (« Agenda »), mais c’est difficile !
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La Pierre et le Sel : Quel est votre fonctionnement matériel ? Avez-vous un imprimeur de référence ou changez-vous selon les projets ? Quelles sont les techniques d’impression que vous utilisez pour vos publications ?
Mes tirages en poésie sont faibles (100-300 ex.), les pages intérieures en nuances de gris, donc j’opte toujours pour le numérique. La couverture est en quadri, sur un papier Rives. Mon imprimeur numérique se situe à Nîmes ; la proximité est une bonne chose, on peut se rencontrer !
(J’imprime également en Italie, des ouvrages plus grand public, dans le champ du pastoralisme, qui est mon activité professionnelle principale ; souvent des livres tout quadri, tirage 500 à 1000 ex.)
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La Pierre et le Sel : Quel est votre fonctionnement économique ? Quel est le statut de votre structure éditoriale ? Quel est votre budget de fonctionnement ? Avez-vous des subventions ?
Mon fonctionnement est devenu simple : je suis spécialisé en pastoralisme, c’est l’édition d’ouvrages dans ce domaine qui me fait vivre (sciences & techniques, sciences humaines, récit, philosophie…). Je ne compte absolument pas sur la poésie, ce qui fait que je me fais plaisir (cf. note 1).
Je suis en EURL, mon chiffre d’affaires, 50 000 €, le budget de fonctionnement 30 000 €.
J’ai rarement demandé des subventions pour la poésie, et obtenu jusqu’à maintenant 3 fois une aide pour la publication de recueils (cf. note 2).
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La Pierre et le Sel : Quels modes de diffusion utilisez-vous ? Avez-vous un diffuseur ? Démarchez-vous les libraires ? Organisez-vous des lectures et des manifestations autour de vos publications ? Participez-vous à des salons du Livre ?
Utilisez-vous Internet en relation avec votre travail d’éditeur ? Avez-vous un site personnel, un blog ? Consultez-vous ceux des autres ?
Je suis auto diffusé et auto distribué. J’ai à peu près tout tenté : divers diffuseurs locaux, nationaux, gros et petits, mais je n’ai certainement pas réussi à accrocher le bon !
J’ai également fait consciencieusement des tournées de libraires pendant une dizaine d’années, jusqu’à ce qu’elles me coûtent davantage que ce qu’elles rapportent…
Aujourd’hui, ma diffusion se fait uniquement sur internet, ce qui reste assez large : librairies en ligne, plateforme petits éditeurs, mon propre site internet avec achat en ligne, etc.
Personnellement je n’organise pas (ou très rarement) de lectures ou manifestations (cf. note 3). En revanche, mes auteurs le font (librairies, salons d’auteurs, médiathèques…).
Très peu de participation également à des salons, trop coûteux et très chronophages (j’en ai fait de nombreux, pendant quelques années, puis je me suis calmé). Je vais à la Comédie du Livre, depuis 2 ans, pour maintenir et renforcer le « contact régional » (collègues éditeurs, auteurs, agence régionale du livre LR2l, service du Livre de la région LR…).
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La Pierre et le Sel : Quelle est votre opinion quant à l’état de la poésie en France et particulièrement de la petite édition ?
D’après mon expérience, il me semble que l’écriture de poésie est une activité à la fois très vivante et de pratique très autocentrée, (trop) souvent narcissique : ceux qui en écrivent sont extrêmement nombreux, peut-être de plus en plus ; ceux qui en lisent semblent beaucoup moins nombreux ; beaucoup de ceux qui en écrivent n’en lisent pas… Je n’ai pas de chiffres à mettre à l’appui !
Note 1, poésie et édition : Ce déséquilibre (poètes/lecteurs de poésie) pose un problème à l’édition de poésie, qui ne peut pas exister en tant qu’activité commerciale (quel éditeur ne se plaint pas de l’indigence des ventes ?), y compris pour les grands éditeurs (il n’y a qu’à constater l’état des rayons poésie chez les libraires, quand il en subsiste). La poésie ne rapporte rien, j’en suis convaincu – en tout cas, pas d’argent, mais quelque chose de plus précieux. Cette conviction m’amène au moins à : 1) ne pas rechercher inutilement de rentabilité, au risque de n’y rencontrer que frustration et aigreur ; 2) bâtir et préciser, sortie après sortie, une unité de sensibilité littéraire dans laquelle les auteurs que je publie devraient se retrouver.
Le modèle « éditer de la poésie » est à trouver, probablement à l’opposé du modèle « éditer des romans »…
Note 2, poésie et reconnaissance publique : Lorsqu’un recueil est subventionné, le CNL apporte une aide à hauteur d’environ 40 %, mais impose un tirage minimal de 300 exemplaires (le triple d’un tirage normal de lancement) ; la publication d’un recueil subventionné par le CNL revient ainsi toujours plus chère que pour le même non subventionné, même en ayant un peu « gonflé » les devis, CQFD.
Le seul avantage de la subvention pourrait être la reconnaissance par une instance nationale reconnue. Cependant, qu’une demande soit rejetée ou acceptée, aucune motivation argumentée du comité d’attribution des aides ne peut être obtenue. Les critères d’attribution restent totalement opaques à l’éditeur, et la reconnaissance, du coup, très relative…
Note 3, lectures et manifestations publiques : De façon très générale, une lecture organisée avec l’auteur apporte aux participants une sorte de plaisir convivial, un « moment » partagé souvent chaleureux. On retrouve cette atmosphère lors des salons de poésie, pour peu qu’il y ait des animations, performances, slams, mises en espace, etc. Mais… ce plaisir n’est pas suivi d’un acte d’achat. Un de mes auteurs, qui pratique lectures, brigades et balades poétiques, me dit qu’il s’agit de deux choses différentes : le partage gratuit de la poésie, et le partage d’un recueil acheté. Soit. Pour moi, le premier relève essentiellement de l’ego (celui de l’auteur, flatté, celui de l’auditeur, qui a l’impression de connaître une personne importante, un créateur) ; je ne peux pas me résoudre à être partie prenante de cette relation, en tant qu’éditeur, je n’y trouve pas ma place ; je ne sais pas parler d’un livre autrement qu’en disant : achetez-le, lisez-le en solo, imprégnez-vous du texte, uniquement du texte, le reste c’est du folklore !
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La Pierre et le Sel : Quels sont vos projets à venir ?
Mes projets se bâtissent au fil de rencontres avec les textes. Je suis submergé de demandes depuis qu’un de mes auteurs a fait du « foin » sur Facebook ! Parallèlement, j’ai de plus en plus de travail avec l’édition en pastoralisme. Il est donc possible que je « réduise la voilure », mais j’ai toujours deux ou trois projets sous le coude. J’ai beaucoup aimé notre projet livre + CD ; ce serait à développer, peut-être avec de la vidéo, ou bien avec des applis livres numériques
Coordonnées
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Éditions Cardère
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Contact : Bruno Msika
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Adresse : 42 rue du pont de Nizon
30126 LIRAC -
Tél. : 04.66.79.90.42
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Email : bouquins@cardere.fr
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Site internet : www.cardere.fr
Contribution de Jean Gédéon