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09/04/2015

Lettre à mon père, d'Adan Jodorowsky

Adan Jodorowsky à posté le texte suivant sur son compte Facebook quelques jours avant l’anniversaire de son père Alejandro :

Il y a quelques mois, j’ai écrit une lettre à mon père. Puis une femme que je ne connais pas, émue, m’a proposé de la traduire pour que les personnes qui parlent français puissent la lire. La voici.

Traduction: Mélanie Skriabine

Lettre à mon père.

« Cher père, Alejandro. Toi qui as toujours pensé qu’appeler « papa » son père est une erreur. Que « papa » et « maman » sont les premiers mots qu’un bébé est capable de prononcer et que de continuer de les appeler ainsi étant adulte signifie maintenir sa progéniture prisonnière d’un statut d’enfant. Toi, qui m’as dit: « Je ne m’appelle pas Papa, mon nom est Alejandro; je ne t’appelle pas Ada, dada ou adadá… »
J’écris cette lettre ouverte parce que je veux que le monde sache que l’amour entre un père et son fils existe.

Je vois tant de cas de pères absents ou qui n’acceptent pas leurs enfants tels qu’ils sont. C’est pour cela qu’aujourd’hui je veux que tout le monde sache ce que peut être une vraie relation d’amour et de respect.
J’espère que cela puisse être utile à cette planète; que cela serve d’exemple pour qu’une transformation positive s’opère en ce monde et que cessent de se créer les guerres qui ne sont que la conséquence de la colère refoulée.

T’appeler Alejandro ne m’a rien enlevé. Bien au contraire, je ne te voyais pas en tant que figure emblématique ou un être supérieur, je te voyais en tant qu’allié. Un être plein de bonté. T’appeler Alejandro est au monde la chose la plus tendre et merveilleuse qui soit. Et le fait que je me sois senti différent des autres enfants, a fait naître en moi une grande force.
Tu ne m’as jamais éduqué dans la peur, tu ne m’as jamais frappé. Tu me parlais, m’expliquais tout et te préoccupais de m’enseigner tes pensées, me laissant libre d’être celui que je devais être et non celui que tu voulais que je sois. Te souviens-tu ? Tu avais pour habitude de t’asseoir près de moi et de me lire des contes japonais pour m’initier à une philosophie de vie.
Tu as formé mon esprit pour me préparer comme un guerrier à recevoir les coups de la vie, à faire face aux discours stupides et à l’imbécilité humaine. Mais tu m’as aussi appris à reconnaitre la beauté dans la laideur. Je me souviens qu’un jour tu m’as dit « je vais t’apprendre à penser ». Nous étions en Espagne, en vacances sur une île et chaque matin tu me donnais des cours de réflexion. Chaque père devrait enseigner à son enfant la réflexion. Les enfants ne sont évidement pas stupides, ce que vous leur enseignez restera en eux à jamais. Grâce à ça, tu m’as marqué pour toujours.
« Qu’est-ce que Dieu ? Qu’est-ce que l’univers ? Quel est notre but dans cet univers ? D’où viens-je ? Où vais-je ? Suis-je un corps habité d’une âme ou une âme habitant un corps ? Ta vérité est une vérité, pas la vérité…. »

Tu m’as appris à parler en tant que personne délicate et consciente. Quand j’étais enfant, tu me parlais doucement mais comme à un adulte, tu ne m’infantilisais pas en me parlant d’une voix de dessin animé. Les parents ont l’habitude de parler à leurs enfants comme s’ils étaient des poupées, mais toi, tu me parlais comme on parle à un être humain. Puis, tu m’as montré comment communiquer avec autrui et au lieu de parler par affirmation dans une conversation, j’ai appris à commencer mes phrases par: « selon ce que je pense et je peux me tromper…. »

Dans un combat, au lieu d’accuser l’autre, tu m’as appris à exprimer ce que je ressentais et ce qui était la cause de la discussion en moi. Tu ne m’as jamais fait part de tes difficultés financières, pour que l’argent ne représente pas un fardeau à mes yeux. Je vivais dans un paradis. Un enfant doit voir la vie comme un paradis. Le contraire produit des êtres angoissés, épouvantés à l’idée de devoir faire face à leur propre existence.
Lorsque j’étais en colère, au lieu de me la faire contenir, tu m’as pris par la main pour m’amener dans le jardin et tu m’as fait détruire une chaise en mille morceaux. Tu ne peux pas t’imaginer le bonheur que m’a procuré le fait de mettre cette pauvre chaise en morceaux. Je t’ai dit: « Mais si je la casse, nous n’aurons plus de chaise… » ce à quoi tu as répondu que ce n’était pas important, que tu en achèterais une autre. Pour toi, le matériel n’avait pas d’importance, aucune valeur. La seule valeur à tes yeux était celle d’être humain.
Au lieu de réprimer ma créativité, tu m’as acheté des pinceaux pour que je puisse peindre sur les murs de ma chambre. Rien ne m’était interdit. Lorsque je faisais une erreur, nous en parlions et la corrigions. Tu avais confiance en moi et dans mes propres limites, celles que je m’étais fixé moi-même. Je pouvais tout demander et faire. J’étais un enfant et nous parlions ouvertement de sexe, sans morale religieuse qui aurait pu nous laisser penser que c’était quelque chose de fou. Quand quelqu’un faisait l’amour dans la maison, le lendemain c’était la fête.
Quand je voulais un instrument, au lieu de penser que c’était un caprice, tu m’achetais un piano, une trompette même si je ne l’utilisais qu’un seul jour. Tu disais que tout était utile dans la vie. Et c’est vrai, tout ce que j’ai demandé et que tu m’as donné dans mon enfance, m’a aidé. Absolument tout. Tu n’as jamais fixé aucune limite à ma créativité.Tu m’as appris comment méditer, tu m’as donné des livres.

Bien que ma mère et toi vous soyez séparés quand j’avais 8 ans, tu ne m’en as jamais dit de mal. Tu n’as pas essayé de détruire l’amour que je lui portais. Et tu as créé une relation d’amour entre mes frères et moi, sans esprit de compétition, nous aimant chacun différemment.

Tu m’as appris à croire que tout est possible dans la vie. Et comment ? Je vais te rappeler comment: un jour nous étions dans les rues de Paris cherchant une paire de chaussures et jusqu’à ce que je trouve la paire parfaite, nous n’allions pas laisser tomber. Nous sommes rentrés dans quinze boutiques jusqu’à ce que je trouve ce que je voulais vraiment. Merci père de mon coeur, grâce à ça, aujourd’hui, je ne laisse pas tomber et ce jusqu’à ce que je sois totalement satisfait de ce que je crée. Tu m’as aussi appris que lorsque quelque chose ne fonctionne pas, il est possible d’emprunter d’autres chemins qui mènent à ce que l’on désire et souhaite réaliser..

Quand je tombais dans la rue, tu me disais: « Samourai! » pour qu’à chaque pas, mon regard sur le monde soit conscient. Le Samourai ne se laisse jamais distraire. Je me sens vivant Alejandro, tellement vivant. Je ne t’ai jamais vu abattu. Tu te rends compte ? Tu ne t’es jamais plaint ou ne t’es laissé submergé par les difficultés de la vie. Tu ne m’as jamais montré tes angoisses. Tu m’as appris à être heureux, à penser que la vie est une fête. Tu m’as appris à ne pas me mettre à fumer quand les adolescents le font. Tu m’as expliqué que j’étais un enfant confiant et que je n’avais pas besoin d’une cigarette pour séduire, être adulte ou accepté des autres. Je me suis senti fort, tellement fort. Tu m’as appris à m’aimer et à respecter mon temple, mon corps.

Je te regardais écrire huit heures par jour, toute ta vie dédiée à ton art.
Tu as trouvé l’amour réel à tes 75 ans. Tu as rencontré ta femme, Pascale et c’est la plus belle histoire que j’ai jamais vu de toute ma vie. Tu m’as permis de croire en l’union de deux âmes. Maintenant j’ai foi en l’amour à tout âge.

Quelques fois tu me demandes: « Comment te sens-tu mentalement, physiquement, sexuellement, émotionnellement ? » Tu communiques avec tout mon être. Quand je viens chez toi, je m’assois face à toi et tu me regardes, tu me parles de ta vie, demandes au sujet de la mienne et nous essayons de faire en sorte que nos monologues soient égaux en temps pour que nous puissions avoir une conversation équilibrée et que personne ne parle plus que l’autre.
Tu t’inquiètes pour moi sans envahir mon espace. Mais tu me dis toujours que tu m’aimes. Chaque parent devrait le dire à son enfant.

Quand j’étais enfant et que tu devais partir voyager, tu m’appelais tous les jours, même si ce n’étais que deux minutes. C’était notre accord. Je ressentais ta présence. J’ai toujours ressenti que je pouvais compter sur toi. Chaque fois que tu disais quelque chose, tu le faisais. Et la chose la plus importante pour un enfant est qu’un père tienne ses promesses. Une fois, je suis parti en classe verte avec l’école et je me suis senti si mal avec les autres enfants, je me sentais si différent d’eux que je t’ai appelé en pleurs. La nuit même, tu es venu en voiture. Tu as fais 400 kilomètres pour venir me sortir de l’enfer. Et on est rentrés ensemble, en chantant. Tu m’as dit qu’un enfant ne doit jamais souffrir parce que les jeunes années sont sacrées.

Tu sentais toujours mes cheveux et ma peau en me disant que je sentais merveilleusement bon. Tu me disais toujours que j’avais du talent, que j’étais beau, que j’étais un prince. Tu me caressais, me touchais, me serrais dans tes bras. J’étais aimé. Le matin je frappais à ta porte et je courrais me glisser dans ton lit près de toi pour que tu me serres dans tes bras. Avec ma tête sur ta poitrine, j’écoutais ta respiration et ton coeur battre. Puis nous avions l’habitude de petit-déjeuner dans un café en face de la maison et tu me parlais de livres, de films, de découvertes que tu avais fait, de nouvelles idées spirituelles auxquelles tu avais pensé.

En ce moment même je pleure d’émotion parce que je n’ai jamais pris le temps de te dire tout cela. Tu es un père merveilleux. Mes larmes coulent, mais ces larmes sont des gouttes d’amour.

Tu m’as toujours emmené avec toi à tes conférences, tes séminaires, je t’ai vu soigner les gens, leur donner le sourire, calmer leurs peurs. Nous avons travaillé ensemble au théâtre, au cinéma, sur mes chansons. Comme c’est magnifique de pouvoir créer quelque chose en famille.
Quand j’ai eu des doutes, tu as toujours été là. Tellement présent, que si tu n’étais pas à mes côtés aujourd’hui, je pourrais toujours entendre ta voix dans mon esprit, me conseillant. Je t’ai tatoué en moi, pour toujours.

Tu m’as sauvé Alejandro, de ce monde cruel, de ce chaos qu’est la vie. Tu m’as montré le plus beau de tout. Tu m’as tenu éloigné de toute pensée bourgeoise, de toute illusion, de toute pensée religieuse. Tu m’as appris à ne pas me fixer de limites. Tu m’as enseigné que je suis un homme libre. Libre de la folie des hommes, libre des guerres, des peurs. Tu m’as appris que la réalité dans laquelle je vis n’est pas la seule réalité, qu’il n’y a pas de limites, que mon horizon ne se limite pas à une maison, un pays ou un monde mais qu’il est l’univers tout entier, l’infini.

Pourquoi m’as-tu fait peindre sur les murs de ma chambre ? Je me le suis tellement demandé. Pourquoi me donner la liberté de faire ce que je voulais ? J’ai compris que tu m’avais enseigné à créer, à libérer mon esprit, à vivre sans contraintes, sans murs. Que ces murs étaient illusoires, invisibles et qu’en les peignant je pouvais passer à travers eux.

Tu m’as appris à parler: ni trop, ni pas assez, puis à mesurer le volume de ma voix, qu’elle soit une caresse pour les autres. Tu m’as appris à respecter le champs énergétique, l’aura d’autrui. Tu m’as appris à me fier aux arcanes du Tarot. Et tu m’as montré que les symboles sont de l’art. Tu m’as appris que la vie est magique et que les miracles sont partout. Tu m’as appris que Dieu est une énergie qui vit en nous et non un être sévère crée par des écrivains. Tu m’as ouvert un compte à la librairie et grâce à toi j’ai découvert la poésie. La Poésie ! Je me souviens que nous nous asseyions sur la table de la salle à manger et que chacun lisait son poème.

Tu n’as jamais eu d’amis superflus, les seules personnes qui entraient dans notre maison étaient celles que tu souhaitais aider ou des personnes talentueuses. Des poètes, des philosophes, des chanteurs, des médecins, des cordonniers, des saints, toutes sortes de personnes mais riches d’esprit. Tu n’as jamais perdu ton temps dans des discussions superficielles. Je ne t’ai jamais vu saoul ou drogué. Je t’ai seulement vu développer ton esprit et ton talent d’une façon positive afin de changer le monde et de lui apporter quelque chose.

Durant de nombreuses années, tu as eu le sentiment d’être un écrivain raté et regarde ce que tu as fait. A l’âge de soixante ans tu t’es libéré de ce sentiment, tu as publié plus de trente livres. Aujourd’hui, alors que tu as quatre-vingt-six ans tu es un écrivain avec un tel succès. Tout cela parce que tu crois en toi. Quel exemple tu es. Combien de personnes ne croient pas en ce qu’elles sont et cherchent une issue, incapables de voir que tout en elles est énergie vibrante depuis le premier jour! Tout est en nous!
Tu m’as parlé de ce qu’est vieillir comme de quelque chose de beau et grâce à toi j’apprécie chaque année qui passe sans crainte de la mort. Grâce à toi je sais que tout est possible dans la vie, n’importe quand.

Je vois l’amour dans tes yeux lorsque tu me regardes. Tu m’as aimé et tellement donné que je t’aime sans limites. Tu as crée l’être qui écrit en ce moment. Tu as crée l’amour que je te porte. Tu as parfaitement appliqué cette phrase que tu as écrite et qui s’est révélée si vraie: Ce que tu donnes, tu te le donnes à toi-même, ce que tu ne donnes pas, tu te l’ôtes à toi-même.

Merci de me donner cette vie.

Ton fils Adan qui t’aime. »

 

https://plancreateur.wordpress.com/2015/04/07/2101/

 

 

 

07/04/2015

« Petit pied » pourrait être à l’origine de l’humanité

Publié dans

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L’australopithèque Little Foot, exhumé il y a près de vingt ans en Afrique du Sud, serait âgé de 3,67 millions d’années, d’après une nouvelle méthode de datation. Plus âgée que la fameuse Lucy éthiopienne (3,2 millions), australopithèque elle aussi, cette découverte recentre l’origine de l’humanité sur l’Afrique du sud.

Une équipe internationale de paléoanthropologues vient de dater à nouveau le squelette de Little Foot à – 3,67 millions d’années, ce qui en fait l’un des plus vieux australopithèques et relance l’Afrique du sud comme berceau de l’humanité.

« Cela remet l’Afrique du Sud dans la course de l’évolution humaine », alors que depuis plusieurs décennies, l’Afrique de l’Est tenait la corde, explique Laurent Bruxelles, chercheur de l’Inrap (Institut national de recherches archéologiques préventives) au laboratoire Traces (CNRS-Université de Toulouse) et médaille de bronze du CNRS en 2015.

Un australopithèque sud-africain

« Avec un âge de 3,67 +/– 0,16 millions d’années, Little Foot arrive devant l’Éthiopienne Lucy (Australopithecus afarensis) âgée de 3,2 millions d’années et largement avant Homo Habilis, notre ancêtre direct, apparu il y a environ 2,5 millions d’années », souligne Laurent Bruxelles.

« Dans ce cas, rien ne s’oppose à ce que cet australopithèque (« singe austral ») sud-africain soit à l’origine de l’humanité. » « Tout reste possible », a souligné M. Bruxelles qui a participé à une étude internationale publiée dans la revue britannique Nature.

Une méthode de datation plus précise

Cette date est le fruit de l’invention d’une nouvelle méthode de datation par isotopes cosmogéniques. Celle-ci consiste à mesurer l’âge d’atomes radioactifs d’aluminium et de berylium arrivés sur terre par les rayonnements cosmiques en s’aidant d’un spectromètre de masse, une technique mise au point à l’université Purdue (Indiana).

Une histoire de berceau à roulettes

« Les résultats sont étonnants », souligne l’Université de Witwatersrand de Johannesburg. Sur les onze échantillons récoltés au cours de la dernière décennie, neuf se trouvent sur une unique courbe, apportant ainsi « une datation solide au dépôt », souligne l’université.

Finalement, cette découverte rebat les cartes et confirme que l’Afrique du sud est un potentiel berceau de l’humanité, au même titre que l’Afrique de l’est. Un événement scientifique et culturel qui devait amuser l’Abbé Breuil, préhistorien français de renommée internationale décédé en 1961, qui, dans les années 1950 avait pertinemment fait remarquer que si le berceau de l’humanité était bien en Afrique, c’en était pas moins un berceau… à roulettes.

DENIS SERGENT


Extrait de http://www.la-croix.com/Actualite/Monde/Petit-pied-pourra...

01/04/2015

Un article très intéressant et à contre-courant à propos du porno

Article original publié en anglais sur le site de truthdig.com, le 15 février 2015.
Christopher Lynn Hedges (né le 18 septembre 1956 à Saint-Johnsbury, au Vermont) est un journaliste et auteur américain. Récipiendaire d’un prix Pulitzer, Chris Hedges fut correspondant de guerre pour le New York Times pendant 15 ans. Reconnu pour ses articles d’analyse sociale et politique de la situation américaine, ses écrits paraissent maintenant dans la presse indépendante, dont Harper’s, The New York Review of Books, Mother Jones et The Nation. Il a également enseigné aux universités Columbia et Princeton. Il est éditorialiste du lundi pour le site Truthdig.com.


BOSTON— « Cinquante nuances de Grey », le livre comme le film, est une glorification du sadisme qui domine quasiment tous les aspects de la culture américaine et qui repose au coeur de la pornographie et du capitalisme mondial. Il célèbre la déshumanisation des femmes. Il se fait le champion d’un monde dépourvu de compassion, d’empathie et d’amour. Il érotise le pouvoir hypermasculin à l’origine de l’abus, de la dégradation, de l’humiliation et de la torture des femmes dont les personnalités ont été supprimées, dont le seul désir est de s’avilir au service de la luxure mâle. Le film, tout comme « American Sniper », accepte inconditionnellement un monde prédateur où le faible et le vulnérable sont les objets de l’exploitation tandis que les puissants sont des demi-dieu violents et narcissiques. Il bénit l’enfer capitaliste comme naturel et bon.

« La pornographie », écrit Robert Jensen, « c’est ce à quoi ressemble la fin du monde. »

Nous sommes aveuglés par un fantasme auto-destructeur. Un éventail de divertissements et de spectacles, avec les émissions de télé « réalité », les grands évènements sportifs, les médias sociaux, le porno (qui engrange au moins le double de ce que génèrent les films hollywoodiens), les produits de luxe attirants, les drogues, l’alcool et ce Jésus magique, nous offre des issues de secours — échappatoires à la réalité — séduisantes. Nous rêvons d’être riches, puissants et célèbres. Et ceux que l’on doit écraser afin de construire nos pathétiques petits empires sont considérés comme méritants leurs sorts. Que la quasi-totalité d’entre nous n’atteindra jamais ces ambitions est emblématique de notre auto-illusionnement collectif et de l’efficacité de cette culture submergée par manipulations et mensonges.

Le porno cherche à érotiser le sadisme. Dans le porno les femmes sont payées pour répéter les mantras « Je suis une chatte. Je suis une salope. Je suis une pute. Je suis une putain. Baise moi violemment avec ta grosse bite. » Elles demandent à être physiquement abusées. Le porno répond au besoin de stéréotypes racistes dégradants. Les hommes noirs sont des bêtes sexuelles puissantes harcelant les femmes blanches. Les femmes noires ont une soif de luxure brute, primitive. Les femmes latinos sont sensuelles et ont le sang chaud. Les femmes asiatiques sont des geishas dociles, sexuellement soumises. Dans le porno, les imperfections humaines n’existent pas. Les poitrines siliconées démesurées, les lèvres pulpeuses gonflées de gel, les corps sculptés par des chirurgiens plastiques, les érections médicalement assistées qui ne cessent jamais et les régions pubiennes rasées — qui correspondent à la pédophilie du porno — transforment les exécutants en morceaux de plastique. L’odeur, la transpiration, l’haleine, les battements du cœur et le toucher sont effacés tout comme la tendresse. Les femmes dans le porno sont des marchandises conditionnées. Elles sont des poupées de plaisir et des marionnettes sexuelles. Elles sont dénuées de leurs véritables émotions. Le porno n’a rien à voir avec le sexe, si on définit le sexe comme un acte mutuel entre deux partenaires, mais relève de la masturbation, une auto-excitation solitaire et privée d’intimité et d’amour. Le culte du moi — qui est l’essence du porno — est au cœur de la culture corporatiste. Le porno, comme le capitalisme mondial, c’est là où les êtres humains sont envoyés pour mourir.

Il y a quelques personnes à gauche qui saisissent l’immense danger de permettre à la pornographie de remplacer l’intimité, le sexe et l’amour. La majorité de la gauche pense que la pornographie relève de la liberté d’expression, comme s’il était inacceptable d’exploiter financièrement et d’abuser physiquement une femme dans une usine en Chine mais que le faire sur un lieu de tournage d’un film porno était acceptable, comme si la torture à Abu Ghraib — où des prisonniers furent humiliés sexuellement et abusés comme s’ils étaient dans un tournage porno — était intolérable, mais tolérable sur des sites de pornographies commerciaux.

Une nouvelle vague de féministes, qui ont trahi l’ouvrage emblématique de radicales comme Andrea Dworkin, soutiennent que le porno est une forme de libération sexuelle et d’autonomisation. Ces « féministes », qui se basent sur Michel Foucault et Judith Butler, sont les produits attardés du néolibéralisme et du postmodernisme. Le féminisme, pour eux, ne relève plus de la libération de la femme opprimée; il se définit par une poignée de femmes qui ont du succès, sont riches et puissantes — où, comme c’est le cas dans « cinquante nuances de grey », capables d’accrocher un homme puissant et riche. C’est une femme qui a écrit le livre « Cinquante nuances », ainsi que le scénario du film. Une femme a réalisé le film. Une femme dirigeante d’un studio a acheté le film. Cette collusion des femmes fait partie de l’internalisation de l’oppression et de la violence sexuelle, qui s’ancre dans le porno. Dworkin l’avait compris. Elle avait écrit que « la nouvelle pornographie est un vaste cimetière où la Gauche est allée mourir. La Gauche ne peut avoir ses prostituées et leurs politiques. »

J’ai rencontré Gail Dines, l’une des radicales les plus prééminentes du pays, dans un petit café à Boston mardi. Elle est l’auteur de « Pornland: Comment le porno a détourné notre sexualité » (“Pornland: How Porn Has Hijacked Our Sexuality”) et est professeure de sociologie et d’études féminines à l’université de Wheelock. Dines, ainsi qu’une poignée d’autres, dont Jensen, dénoncent courageusement une culture aussi dépravée que la Rome de Caligula.

« L’industrie du porno a détourné la sexualité d’une culture toute entière, et dévaste toute une génération de garçons », nous avertit elle. « Et quand vous ravagez une génération de garçons, vous ravagez une génération de filles. »

« Quand vous combattez le porno vous combattez le capitalisme mondial », dit-elle. « Les capitaux-risqueurs, les banques, les compagnies de carte de crédit sont tous partie intégrante de cette chaine alimentaire. C’est pourquoi vous ne voyez jamais d’histoires anti-porno. Les médias sont impliqués. Ils sont financièrement mêlés à ces compagnies. Le porno fait partie de tout ceci. Le porno nous dit que nous n’avons plus rien d’humains — limite, intégrité, désir, créativité et authenticité. Les femmes sont réduites à trois orifices et deux mains. Le porno est niché dans la destruction corporatiste de l’intimité et de l’interdépendance, et cela inclut la dépendance à la Terre. Si nous étions une société d’être humains entiers et connectés en véritables communautés, nous ne supporterions pas de regarder du porno. Nous ne supporterions pas de regarder un autre être humain se faire torturer. »

« Si vous comptez accumuler la vaste majorité des biens dans une petite poignée de mains, vous devez être sûr d’avoir un bon système idéologique en place qui légitimise la souffrance économique des autres », dit elle. « Et c’est ce que fait le porno. Le porno vous dit que l’inégalité matérielle entre femmes et hommes n’est pas le résultat d’un système économique. Que cela relève de la biologie. Et les femmes, n’étant que des putes et des salopes bonnes au sexe, ne méritent pas l’égalité complète. Le porno c’est le porte-voix idéologique qui légitimise notre système matériel d’inégalités. Le porno est au patriarcat ce que les médias sont au capitalisme. »

Pour garder excités les légions de mâles facilement ennuyés, les réalisateurs de porno produisent des vidéos qui sont de plus en plus violentes et avilissantes. « Extreme Associates », qui se spécialise dans les scènes réalistes de viols, ainsi que JM Productions, mettent en avant les souffrances bien réelles endurées par les femmes sur leurs plateaux. JM Productions est un pionnier des vidéos de « baise orale agressive » ou de « baise faciale » comme les séries « étouffements en série », dans lesquelles les femmes s’étouffent et vomissent souvent. Cela s’accompagne de « tournoiements », dans lesquels le mâle enfonce la tête de la femme dans les toilettes puis tire la chasse, après le sexe. La compagnie promet, « toutes les putes subissent le traitement tournoyant. Baise la, puis tire la chasse ». Des pénétrations anales répétées et violentes entrainent des prolapsus anaux, une pathologie qui fait s’effondrer les parois internes du rectum de la femme et dépassent de son anus. Cela s’appelle le « rosebudding ». Certaines femmes, pénétrées à de multiples reprises par nombre d’hommes lors de tournages pornos, bien souvent après avoir avalé des poignées d’analgésiques, ont besoin de chirurgie reconstructrices anales et vaginales. Les femmes peuvent être affectées par des maladies sexuellement transmissibles et des troubles de stress post-traumatique (TSPT). Et avec la démocratisation du porno — certains participants à des vidéos pornographiques sont traités comme des célébrités dans des émissions comme celles d’Oprah et d’Howard Stern — le comportement promu par le porno, dont le strip-tease, la promiscuité, le sadomasochisme et l’exhibition, deviennent chic. Le porno définit aussi les standards de beauté et de comportements de la femme. Et cela a des conséquences terribles pour les filles.

« On dit aux femmes qu’elles ont deux choix dans notre société », me dit Gail Dines. « Elles sont soit baisables soit invisibles. Être baisable signifie se conformer à la culture du porno, avoir l’air sexy, être soumise et faire ce que veut l’homme. C’est la seule façon d’être visible. Vous ne pouvez pas demander aux filles adolescentes, qui aspirent plus que tout à se faire remarquer, de choisir l’invisibilité. »

Rien de tout ça, souligne Dines, n’est un accident. Le porno a émergé de la culture de la marchandise, du besoin de vendre des produits qu’ont les capitalistes corporatistes.

« Dans l’Amérique d’après la seconde guerre mondiale, vous avez l’émergence d’une classe moyenne avec un revenu disponible », explique-t-elle. « Le seul problème c’est que ce groupe est né de parents qui ont connu la dépression et la guerre. Ils ne savaient pas comment dépenser. Ils ne savaient qu’économiser. Ce dont [les capitalistes] avaient besoin pour faire démarrer l’économie c’était de gens prêts à dépenser leur argent pour des choses dont ils n’avaient pas besoin. Pour les femmes ils ont créé les séries télévisées. Une des raisons pour lesquelles les maisons style-ranch furent développées, c’était parce que [les familles] n’avaient qu’une seule télévision. La télévision était dans le salon et les femmes passaient beaucoup de temps dans la cuisine. Il fallait donc diviser la maison de façon à ce qu’elles puissent regarder la télévision depuis la cuisine. Afin qu’elle puisse être éduquée ». [Via la télévision]

« Mais qui apprenait aux hommes à dépenser leur argent? » continue-t-elle. « Ce fut Playboy [Magazine]. Ce fut le génie de Hugh Hefner. Il comprit qu’il ne suffisait pas de marchandiser la sexualité, mais qu’il fallait sexualiser les marchandises. Les promesses de Playboy n’étaient pas les filles où les femmes, c’était que si vous achetez autant, si vous consommez au niveau promu par Playboy, alors vous obtenez la récompense, qui sont les femmes. L’étape cruciale à l’obtention de la récompense était la consommation de marchandises. Il a incorporé le porno, qui sexualisait et marchandisait le corps des femmes, dans le manteau de la classe moyenne. Il lui a donné un vernis de respectabilité. »

Le VCR, le DVD, et plus tard, Internet ont permis au porno de s’immiscer au sein des foyers. Les images satinées de Playboy, Penthouse et Hustler devinrent fades, voire pittoresques. L’Amérique, et la majeure partie du reste du monde, se pornifia. Les revenus de l’industrie du mondiale du porno sont estimés à 96 milliards de $, le marché des USA comptant pour environ 13 milliards. Il y a, écrit Dines, « 420 millions de pages porno sur internet, 4.2 millions de sites Web porno, et 68 millions de requêtes porno dans les moteurs de recherches chaque jour. »

Parallèlement à la croissance de la pornographie, il y a eu explosion des violences liées au sexe, y compris des abus domestiques, des viols et des viols en réunion. Un viol est signalé toutes les 6.2 minutes aux USA, mais le total estimé, qui prend en compte les assauts non-rapportés, est peut-être 5 fois plus élevé, comme le souligne Rebecca Solnit dans son livre « Les hommes m’expliquent des choses ».

« Il y a tellement d’hommes qui assassinent leurs partenaires et anciennes partenaires, nous avons bien plus de 1000 homicides de ce type chaque année — ce qui signifie que tous les trois ans le nombre total de morts est la première cause d’homicides relevés par la police, bien que personne ne déclare la guerre contre cette forme particulière de terreur », écrit Solnit.

Pendant ce temps-là, le porno est de plus en plus accessible.

« Avec un téléphone mobile vous pouvez fournir du porno aux hommes qui vivent dans les zones densément peuplées du Brésil et de l’Inde », explique Dines. « Si vous avez un seul ordinateur portable dans la famille, l’homme ne peut pas s’assoir au milieu du salon et se masturber. Avec un téléphone, le porno devient portable. L’enfant moyen regarde son porno sur son téléphone mobile ».

L’ancienne industrie du porno, qui engrangeait de l’argent grâce aux films, est morte. Les éléments de la production ne génèrent plus de profits. Les distributeurs de porno engrangent la monnaie. Et un distributeur, MindGeek, une compagnie mondiale d’informatique, domine la distribution du porno. Le porno gratuit est utilisé sur internet comme appât par MindGeek pour attirer les spectateurs vers des sites de pay-per-view (paye pour voir). La plupart des utilisateurs de ces sites sont des adolescents. C’est comme, explique Dines, « distribuer des cigarettes à la sortie du collège. Vous les rendez accrocs. »

« Autour des âges de 12 à 15 ans vous développez vos modèles sexuels », explique-t-elle. « Vous attrapez [les garçons] quand ils construisent leurs identités sexuelles. Vous les marquez à vie. Si vous commencez par vous masturber devant du porno cruel et violent, alors vous n’allez pas rechercher intimité et connectivité. Les études montrent que les garçons perdent de l’intérêt pour le sexe avec de véritables femmes. Ils ne peuvent maintenir des érections avec des vraies femmes. Dans le porno il n’y a pas de « faire l’amour ». Il s’agit de « faire la haine ». Il la méprise. Elle le dégoute et le révolte. Si vous amputez l’amour vous devez utiliser quelque chose pour remplir le trou afin de garder le tout intéressant. Ils remplissent ça par la violence, la dégradation, la cruauté et la haine. Et ça aussi ça finit par être ennuyeux. Il faut sans cesse surenchérir. Les hommes jouissent du porno lorsque les femmes sont soumises. Qui est plus soumis que les enfants? La voie du porno mène inévitablement au porno infantile. Et c’est pourquoi des organisations qui combattent le porno infantile sans combattre le porno adulte font une grave erreur. »

L’abus inhérent à la pornographie n’est pas remis en question par la majorité des hommes et des femmes. Regardez les entrées du film « cinquante nuances de grey », qui est sorti la veille de la saint valentin et qui prévoit d’engranger plus de 90 millions de $ sur ce week-end de quatre jours (avec la journée du président de ce lundi).

« La pornographie a socialisé une génération d’hommes au visionnage de tortures sexuelles’, explique Dines. Vous n’êtes pas né avec cette capacité. Vous devez être conditionné pour cela. Tout comme vous conditionnez des soldats afin qu’ils tuent. Si vous voulez être violent envers un groupe, vous devez d’abord le déshumaniser. C’est une vieille méthode. Les juifs deviennent des youpins. Les noirs des nègres. Les femmes des salopes. Et personne ne change les femmes en salope mieux que le porno. »

Chris Hedges

Réflexion sur la violence, par AKHENATON

 

" Il y a quelques jours, je regardais un documentaire dans lequel était interviewé un jeune homme qui participait à la fameuse "marche des beurs" en 1983. Un de mes fils, qui a 18 ans, me fit remarquer que ce jeune homme s'exprimait extrêmement bien, clairement et connaissait parfaitement son sujet. Je lui répondis que dans ces années là, les jeunes des quartiers étaient politiquement "conscientisés", qu'ils étaient capables de s'organiser au delà d'émeutes tiers-mondistes, et qu'ils pensaient en conjuguant tous les verbes avec "nous". Et pour moi, voilà le terrible changement auquel nos sociétés, principalement urbaines, doivent faire face : l'ultra-individualisme...

Et le 11 septembre 2001 a scellé le côté irréversible de ce changement, car le premier support culturel de notre pays qu'est la télévision a complètement basculé dans un flot d'informations tragiques et effrayantes, de publicités rassurantes et de téléréalité absurde. L'information se délecte de faits divers violents qui étaient cantonnés aux colonnes de la sixième page du journal local il y a 30 ans. Et tous les Français se disent," mon Dieu, que ce pays est devenu violent !". Violent ? Des aînés me racontaient l'autre jour comment ils se battaient dans les années 60, à 400 gars contre 400 bougres, ou à l'époque des "blousons noirs", comment le public s'affrontait à coup de chaises et de barres de fer pendant un concert de... Johnny ! Cela renvoie le grand méchant "gangster rap" français, si souvent décrié, dans la catégorie "musique pour enfants", si ça se passait aujourd'hui, ces "bastons" feraient la une du JT de 20 heures, et pour peu que les protagonistes soient des "caïds de cité - noirs - arabo - musulmans - armés jusqu'aux dents", on en aurait pour 6 mois...

Effectivement, les gamins des quartiers n'ont majoritairement plus aucune conscience sociale, ni politique. Ils veulent ressembler à "monsieur tout le monde", mais version riche. Car les formidables émissions télé qu'ils affectionnent leur rabâchent que l'apparence est primordiale, la forme l'emporte sur le fond. Du coup, ils veulent la femme avec la parfaite plastique, l'appart, la grosse voiture, les vêtements chers, et si possible: la rolex... Et si certains d'entre eux sont délinquants pour pouvoir accéder à leur idéal, ce ne sont pas des "robin des bois", ce sont des délinquants ultra-libéraux.

Ah... pour s'intégrer, ils se sont bien intégrés! Puis, lorsqu'ils s'aperçoivent que le modèle libéral ne fonctionne pas pour tous, ils partent en quête d'un idéal des origines, qu'ils ne connaissent pas pour la plupart, et le trouvent dans la voie des interprétations extrêmes car c'est la seule qui les valorise à leurs yeux, c'est la désintégration.

Dans tous ces changements de cap, les maître-mots sont "s'en sortir". Seul. Les réseaux sociaux sont là pour l'attester, tout comme les forums, les commentaires correspondent souvent à un gonflement de l'égo. Un quotidien coincé entre clics, buzz, tweets, et vues...

D'un autre côté, chez certaines personnes qui vivent un rêve gauchiste en habitant dans le 19ème à Paris ou au Panier à Marseille, qui vont aux "sardinades" comme les prolos, et qui nous distillent à nous les gens du Hip-Hop, des leçons de comportement à longueur de temps, on ne fait aucun effort pour cerner cette jeunesse. Puis vient la tarte, bien lourde, un dimanche, en rentrant chez soi, et on se fait voler son portable dans la foulée, les dangers du 19ème n'est-ce pas ? Ils étaient de gauche... jusqu'à l'agression.

Pour finir, dans cette France "profonde" ou on se jalouse, ou on vole la veste du petit camarade de son fils sur le portant de l'école maternelle tout en pestant contre les immigrés, ou on se délecte de voir des "stars" déchues de la télévision s'exploser dans une piscine en sautant de quinze mètres, on est convaincu que le pays sombre dans la violence. Oui, toute cette violence exhibée dans les médias est un formidable outil promotionnel, elle engendre la peur et la peur engendre la division, le désir de sur-consommation et la désignation de "l'autre" comme coupable d'une hypothétique situation critique. On s'isole, on essaie de "faire son trou" et les nouvelles valeurs télé-réalité-esques nous disent qu'on peut tricher, dénoncer, critiquer, faire des sale coups : c'est cool ! C'est le jeu ! Chacun sa mère comme on disait quand on était minots ! En bout de chaîne, les hommes et femmes politiques se sont adaptés à ce système, ils "squattent" les antennes radio, télé à tel point qu'on a le sentiment que c'est cela leur boulot finalement. Non, leur boulot c'est d'exécuter les tâches qu'ils ont promis d'accomplir quand ils ont été élus, à moins qu'ils ne travaillent depuis un bureau à BFM, i>Télé ou RTL... Auto-promo permanente... Il faut savoir se placer.

Dans tout ce chaos, je ne sais même pas ou me situer, je ne dis pas que je suis meilleur, je tombe certainement dans un de ces cas de figure parfois. Mais j'essaie de lutter contre, de penser au pluriel, éduquer mes enfants correctement, exprimer mon amour aux miens quotidiennement et faire des choses qui me semblent bien autour de moi constitue un premier pas. J'espère en tout cas, que notre beau pays dans les espoirs, les luttes et les épreuves qui l'attendent, conjuguera son futur avec "nous"..."

 

 

 

 

25/03/2015

Souriez vous les uns les autres

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19/03/2015

Tailinh Agoyo - The Warrior Project: Indigenous Children Defend the Planet

 

 

https://www.kickstarter.com/projects/2049080322/the-warri...

 

 

17/03/2015

Au temps où les Arabes dansaient

Un spectacle de danse de Radhouane El Meddeb

Le titre, magnifique, sonne comme une provocation. Il est une porte ouverte sur la mémoire du chorégraphe Radhouane El Meddeb qui orchestre une représentation appuyée sur la tradition, mais également sur le présent. Cet artiste tunisien, présent lors de la première édition des Vagamondes avec Je danse et je vous en donne à bouffer, fait son retour dans le festival. D’abord dans un silence total, quatre hommes, en veste légère et pantalon de flanelle, vont et viennent sur le plateau. Tantôt de dos, tantôt de face, remontant les mètres qui les séparent des spectateurs, s’alignant en fi le droite ou s’éparpillant dans l’espace, ils s’emparent d’une pratique qui des années 40 à 70 consacrait le cinéma arabe : la danse du ventre. Habituellement dévolu aux femmes, c’est peu dire que cet art lascif et sensuel engage ici bien plus qu’un simple déhanchement langoureux du bassin. Exercée à la perfection, tordue, distordue, accélérée, disséquée, séquencée, interrompue, ondoyante, tournoyante, agressive ou caressante, la danse du ventre quitte les rives du féminin pour transformer les danseurs en messagers d’une civilisation qui aspire aujourd’hui à plus de libertés politiques, sexuelles ou artistiques.

SITE : www.lacompagniedesoi.com


EXTRAIT VIDÉO :

 

 

 

 

12/03/2015

Par Jacques Livchine : Calais, les migrants, Le Channel...

J’ai carrément une envie pressante de parler et de tout raconter. 
Je suis à Calais la ville des bourgeois de Calais et du tunnel sous la manche
et hier ça y est,  j’ai vu l’histoire du monde en train de se fabriquer sous mes yeux 
Des centaines de camions étaient bloqués à l’entrée du tunnel sous la Manche à cause d’une grève des ferries et des centaines de migrants tentaient de les prendre d’assaut, j’étais  avec Hervée, elle pourra témoigner et affirmer que je ne dis que la vérité. 
Les migrants vivent dans ce qu’ils appellent la jungle, derrière le Leaderprice  là j’ai jeté mon oeil rapidement, c’est la honte de toute l’Europe, concentrée dans un mouchoir de poche. 
Honte de l’Angleterre, honte de la France, honte de Hollande, Honte de Merkel, honte de Sarkozy. 
Ce que j’ai vu, c’est le cauchemar. Je pleurais à l’intérieur,  on t’en parle, on t’en parle, tu vois des photos, mais là c’est là devant toi,  c’est  du vrai, c’est  du réel,  tu te dis oui, ça existe, t’es pas dans une bidonville d’Afrique, t’es là en france , sixième pays le plus riche du monde, et tu vois des hommes chassés de leur pays en guerre,  dans une situation qui est au delà de la pauvreté,  ensuite le long de l’autoroute un  gosse de  20 ans se faisait massacrer à coup de batte de base ball par un chauffeur routier, et partout autour, des camions bloqués, et dans toutes les prairies le long de l’autoroute on voyait des petits points noirs, des hommes prêts à bondir sur le toit des camions. 
et là bien sûr, moi roi de la culpabilité, je me disais  , et toi tu vas faire ton  théâtre, que peut le théâtre contre l’impuissance de 29 pays incapables de régler le sort de 2500 ou 5000 ou même 100 000 migrants  ? 
Et justement, il y a  à Calais le Channel. J’avais dit à Filipetti, vous y êtes bien sûr allée au Channel ?  Elle ne savait même pas de quoi je lui parlais, et la nouvelle Fleur elle a depuis  longtemps oublié d’où elle vient.
Et hier les comédiens arrivaient pour liberté de séjour, et ils hallucinaient devant un lieu de culture totalement utopique avec ses restaurants, sa librairie, son cirque, ses salles de répétition et le look général, pas de Jean  Nouvel ici, non Delarozière, l’ex de Royal de Luxe, oui ici tout est beau. 
Mille fois plus beau que la philharmonie et son triplement de budget. 
Alors les migrants à 500 mètres et le théâtre ? 
Jacques tu fais quoi  avec ça ? 
Mais justement,   Le Channel est le lieu d’oxygénation de Calais , le lieu d’enrichissement des âmes, ici  tous ceux qui aident les migrants  se croisent et viennent quêter la vitamine de l’esprit dont ils ont besoin pour se battre, le Channel c’est un immense lieu de résistance qui ne  dit pas son nom . 
Alors nous lançons l’événement,  un des plus grands de notre vie, un événement qui n’est pas une foire aux spectacles,  qui n’est pas un lieu d’exhibition des narcissismes d’artistes. 
On va dans la rue, dans les forêts, on va partout, les nigériens arrivent les haïtiens arrivent les italiens, les franc comtois, on va jouer pour les animaux, on fait dans le symbole, réussi ou raté on s’en fout, on le fait. On l’aura fait. 
La vie culturelle parisienne continuera, aucun journaliste ne trouvera le temps de venir (à part Thibaudat), car un lieu comme le Channel qui épouse la pulsation historique de son époque est quasiment mis au ban des institutions théâtrales.  
Ce matin, j’ai de l’énergie , je sens que je suis dans le flux de l’histoire. 

http://lechannel.fr/images/documents/publiPDF/programme/Lds2015-new.pdf
 

J’ai carrément une envie pressante de parler et de tout raconter.
Je suis à Calais la ville des bourgeois de Calais et du tunnel sous la manche
et hier ça y est, j’ai vu l’histoire du monde en train de se fabriquer sous mes yeux
Des centaines de camions étaient bloqués à l’entrée du tunnel sous la Manche à cause d’une grève des ferries et des centaines de migrants tentaient de les prendre d’assaut, j’étais avec Hervée, elle pourra témoigner et affirmer que je ne dis que la vérité.
Les migrants vivent dans ce qu’ils appellent la jungle, derrière le Leaderprice là j’ai jeté mon oeil rapidement, c’est la honte de toute l’Europe, concentrée dans un mouchoir de poche.
Honte de l’Angleterre, honte de la France, honte de Hollande, Honte de Merkel, honte de Sarkozy.
Ce que j’ai vu, c’est le cauchemar. Je pleurais à l’intérieur, on t’en parle, on t’en parle, tu vois des photos, mais là c’est là devant toi, c’est du vrai, c’est du réel, tu te dis oui, ça existe, t’es pas dans une bidonville d’Afrique, t’es là en france , sixième pays le plus riche du monde, et tu vois des hommes chassés de leur pays en guerre, dans une situation qui est au delà de la pauvreté, ensuite le long de l’autoroute un gosse de 20 ans se faisait massacrer à coup de batte de base ball par un chauffeur routier, et partout autour, des camions bloqués, et dans toutes les prairies le long de l’autoroute on voyait des petits points noirs, des hommes prêts à bondir sur le toit des camions.
et là bien sûr, moi roi de la culpabilité, je me disais , et toi tu vas faire ton théâtre, que peut le théâtre contre l’impuissance de 29 pays incapables de régler le sort de 2500 ou 5000 ou même 100 000 migrants ?
Et justement, il y a à Calais le Channel. J’avais dit à Filipetti, vous y êtes bien sûr allée au Channel ? Elle ne savait même pas de quoi je lui parlais, et la nouvelle Fleur elle a depuis longtemps oublié d’où elle vient.
Et hier les comédiens arrivaient pour liberté de séjour, et ils hallucinaient devant un lieu de culture totalement utopique avec ses restaurants, sa librairie, son cirque, ses salles de répétition et le look général, pas de Jean Nouvel ici, non Delarozière, l’ex de Royal de Luxe, oui ici tout est beau.
Mille fois plus beau que la philharmonie et son triplement de budget.
Alors les migrants à 500 mètres et le théâtre ?
Jacques tu fais quoi avec ça ?
Mais justement, Le Channel est le lieu d’oxygénation de Calais , le lieu d’enrichissement des âmes, ici tous ceux qui aident les migrants se croisent et viennent quêter la vitamine de l’esprit dont ils ont besoin pour se battre, le Channel c’est un immense lieu de résistance qui ne dit pas son nom .
Alors nous lançons l’événement, un des plus grands de notre vie, un événement qui n’est pas une foire aux spectacles, qui n’est pas un lieu d’exhibition des narcissismes d’artistes.
On va dans la rue, dans les forêts, on va partout, les nigériens arrivent les haïtiens arrivent les italiens, les franc comtois, on va jouer pour les animaux, on fait dans le symbole, réussi ou raté on s’en fout, on le fait. On l’aura fait.
La vie culturelle parisienne continuera, aucun journaliste ne trouvera le temps de venir (à part Thibaudat), car un lieu comme le Channel qui épouse la pulsation historique de son époque est quasiment mis au ban des institutions théâtrales.
Ce matin, j’ai de l’énergie , je sens que je suis dans le flux de l’histoire.

http://lechannel.fr/…/do…/publiPDF/programme/Lds2015-new....

 

Jacques Livchine

 

Jacques Livchine, c'est le Théâtre de l'Unité fondé en 1968 à Issy-les-Moulineaux : http://www.theatredelunite.com/

 

 

 

 

 

 

11/03/2015

Un excellent article de Don Juanito : ON A RETROUVÉ DON JUAN MATUS

Source : http://magick-instinct.blogspot.fr/2014/12/on-retrouve-do...

 

 

 

      Quelle commotion, n'est-ce pas ? Le très controversé Bert Hellinger, créateur de la méthode thérapeutique des constellations familiales, a retrouvé don Juan Matus, le maître mythique de Carlos Castaneda. Tata Cachora (ou Kachora), de son vrai nom Victor González Sandoval, est un yaqui originaire de Tecate, un guérisseur traditionnel qui, même avant d'avoir été identifié comme le don Juan de Castaneda, était fort respecté. C'est un herboriste remarquable, rivalisant avec nos meilleurs kallawaya, puisqu'il dit connaître 4000 plantes médicinales. "J'ai revêtu l'habit de don Juan Matus pour initier Carlos. Puis je l'ai ôté et ne l'ai plus jamais remis" assure-t-il.

      L'homme dit être né le 14 janvier 1914. Découvert dans sa 96ème année par Hellinger qui s'est de suite déclaré son disciple, le dynamique vieillard aura donc bientôt 101 ans. Entre-temps, dans le confusionnisme grandissant, les activités commerciales des deux parties ont fait un bond impressionnant au Mexique. Les constellations familiales ayant épousé le chamanisme, Bert Hellinger écrit des livres à succès, tirant profit de la gloire du Nagual. Des conférences sont organisées où le sorcier légendaire sert de figure publicitaire aux constellations familiales.

      Si don Juan Matus fait bien plus jeune que son âge canonique, c'est sans doute en vertu d'une histoire de pouvoir. Il faut dire que comme beaucoup d'indiens d'un certain âge, don Cachora n'avait pas de papiers, ce qui crée un intéressant flou artistique autour de sa date de naissance. On s'est aperçu de cette absence de documents d'identité trois semaines avant la sortie du Nagual du territoire mexicain, alors qu'il devait se rendre en Allemagne pour fêter les 85 ans de Bert Hellinger, qui est lui-même devenu depuis une vraie star au Mexique.

      Branle-bas de combat, tout le monde s'est mobilisé pour fournir un passeport à l'insigne Nagual, soudain transformé en patrimoine, en fierté nationale. Grâce à la sœur du président de la république, Tata Cachora a donc pu rapidement obtenir ses papiers et voyager vers l'Europe. "Il a fallu qu'un si grand maître voyage hors de son pays pour être enfin reconnu" s'étonne, oublieuse de l'indifférence à l'importance et à l'histoire personnelles, une dame dans la video.
 
      Malgré le grand âge du Nagual, le problème chronologique reste pourtant entier. Déjà très âgé lors de sa première rencontre avec le facétieux Carlos et plus vieux que don Genaro, don Juan Matus devrait plutôt avoir 120 ans, objectent les connaisseurs. Et Carlos n'avait-il pas écrit que le Nagual, tel Enoch, avait disparu dans la lumière en déjouant la mort ? Mais qu'à cela ne tienne, on y croit dur comme fer. Starisé, don Juan Matus est de retour.

      Et depuis, sans être avare de profondes banalités, Tata Cachora se laisse promener et rencontre les sages de la planète. Même le Dalaï-Lama l'aurait invité nous dit-on. En 2013, l'enterrement de son fils adoptif et héritier spirituel (Flecha Dorada), excellent danseur kumiai mort dans un accident de voiture, a été l'occasion de singulières rencontres œcuméniques. Le rite syncrétique mélangeant traditions locales, Nouvel Age et pratiques amérindiennes du nord, a permis au Nagual de faire connaissance, entre autres, avec un chef Dakota et un sheikh Nakshbandi, mandatés par l'ONU. Il faut dire que depuis que Flecha Dorada était entré dans la danse, les activités organisées autour de don Cachora avaient pris un tour singulièrement New Age, attirant une clientèle nouvelle, peu ou prou semblable à celle que connaît le renouveau chamanique français.
 
        Ce n'est pas la première fois que des personnages littéraires de Castaneda apparaissent soudain dans la vraie vie, dont on se demande d'ailleurs si elle n'est pas, la coquine, de plus en plus menteuse. On se souvient du coup d'éclat - pétard mouillé en vérité - de Dominique Aubier, qui prétendait être la fameuse Catalina, rencontrée par Carlos en 1962. Son envoyée spéciale, devenue la Carol du Feu du dedans, est spécialiste en diète alimentaire et journaliste à Paris-Match. Missionnée par Catalina Aubier, cette compagne de Demis Roussos, Veronique Skawinska, tentera en vain de convaincre Castaneda en lui livrant la carte de l'inconnu kabbalisée par Aubier. La bourgeoisie se spiritualise comme elle peut...
 
      Toutefois, c'est en faisant quelques recherches sur Tata Cachora que j'ai été mené à explorer, quoique trop superficiellement, le précieux enseignement du Sheikh Abdoul Rauf. Frappant contraste que cette nourriture très consistante. Rien de commun avec le commerce spirituel et ses stratégies marketing mensongères. Calife d'Amérique Latine vivant en Patagonie, Abdoul Raouf est disciple d'un maître pour lequel j'ai beaucoup de respect, le regretté Mawlana Sheikh Nazim. Mais cela n'empêche pas le Sheikh de se faire abuser comme les autres, tout émoustillé qu'il fut dans sa jeunesse par les récits de don Carlos.

      En écoutant le compte rendu de la visite du Sheikh à don Cachora, je réalise à quel point les indiens peuvent être méconnus, même de ceux qui vivent près d'eux en Patagonie. Ceci n'empêche pas de donner un avis autorisé sur ce qu'ils sont et ne sont pas, soulignant au passage le caractère viral des projections occidentales dont les indiens sont l'objet.

      Ainsi, le Sheikh Abdoul Rauf vit en Patagonie sans vraiment fréquenter les autochtones. Heureusement il les découvre. Il les rencontre en voyageant au Mexique, au Pérou, au Panama, dans un contexte souvent plus néo-chamanique que traditionnel. D'après lui, un grand nombre de rites de certaines ethnies proviennent de l'islam et seraient dus à la venue d'explorateurs musulmans bien avant Colomb. Chacun tire la couverture à soi, c'est peut-être de bonne guerre. On a beau aimer l'indien, notre approche, invasive ou captatrice, tend à l'instrumentaliser. N'a-t-on pas vu récemment le faux roi français d'Araucanie défiler à Paris contre le "mariage pour tous", au nom des valeurs mapuche, qui, comme chacun sait, sont parfaitement catholiques, hétérosexuelles et françaises ? Mais l'appropriation de l'indigène et de son image n'empêche pas celui-ci de défiler dans les rues de Santiago au coté des lesbiennes.

      Le Sheikh Abdoul Raouf s'étonne de ce que les amérindiens possèdent naturellement les qualités indispensables à la voie, qualités que nous autres occidentaux devons cultiver avec de grands efforts pour pouvoir les obtenir. Selon lui, les indiens au sud du Mexique sont des musulmans qui s'ignorent et se montrent curieux des croyances de l'autre. Il suffit de leur dire qu'ils sont musulmans sans le savoir pour qu'ils se convertissent. Car le but affirmé du Sheikh est bien entendu de convertir les indiens, et même don Cachora.

      Nous retrouvons-là un trait caractéristique du colonialisme et du monothéisme. Il ne vient pas à l'idée du Sheikh que les indiens n'ont pas besoin de devenir musulmans, puisqu'ils disposent déjà d'une spiritualité. Je me suis déjà exprimé sur cette tendance de la pensée chu'lla et n'y reviendrai donc pas. Notre universalisme devant être imposé comme exclusif et inévitable, nous exploitons souvent, pour le ramener à nos vues et changer l'autre, l'inclusivisme indigène. C'est un trait occidental commun non seulement aux grandes religions monothéistes, mais aussi au néo-chamanisme ou au New Age, tel que celui produit par Michael Harner.
      L'une des particularités de l'influence New Age est la tendance à construire des structures adoptant une forme d'entreprise plutôt que celle d'un groupe spirituel. La totalité de l'activité consiste à organiser des séminaires, proposer des formations, donner des conférences, organiser des voyages, vendre des livres, des DVD. On peut appeler ces structures "école", "méthode", "fondation", "ONG", "académie" "cercle" ou "faculté", l'esprit qui les anime reste celui de la boutique.

      On fait la promotion d'une ère nouvelle et d'une nouvelle conscience, mais l'on fonctionne sous le mode de l'ancienne. Loin de représenter une alternative réelle au monde de la marchandise, le New Age en est plutôt la représentation, le produit final qui introduit capital et marketing au Royaume des Cieux. Bientôt coté en bourse, l'être fait vendre. La corruption cerne l'essentiel au plus près pour mieux le parodier.

      Danièle Hervieu-Léger décrit fort bien ces nouveaux trusts religieux. Il s'agit de proposer des services symboliques à des consommateurs, sur un marché du "bien-être" devenu diversifié et très concurrentiel. Le consommateur peut passer de l'un à l'autre de ces produits "sans engagement" de sa part. Le mode d'emploi doit être facile et le produit rapide à consommer. L'individualisme étant poussé au paroxysme, la demande du consommateur exerce une influence déterminante sur les biens symboliques proposés et leur conception. On ne s'adapte pas à la voie, c'est la voie qui s'adapte. Autrement dit, l'épicier de l'esprit ne va pas chercher à satisfaire les besoins réels du client mais uniquement sa demande, son caprice, son rêve. Le client est roi et les boutiquiers construisent et étudient le discours pour le séduire. Il n'est pas possible à l'entreprise de dire, par exemple, que tout le monde n'est pas fait pour être "chamane". Cela équivaudrait pour elle à un suicide commercial. Pour gagner des parts de marché, il lui faut donc construire un produit qui fasse illusion et s'adresser à un public aussi large que possible.

      L'état modifié de conscience, l'extase, devient donc un simple état de méditation et de relaxation. La vision devient une visualisation et l'on part à la recherche de son animal de pouvoir grâce à la méditation guidée au son du tambour, ou pourquoi pas, du CD fourni avec la méthode. Rien n'est plus facile que cette proposition considérablement appauvrie. Le long apprentissage est remplacé par des séminaires d'un week-end. A l'engagement de toute une vie se substitue l'abonnement à l'année. Si l'on ajoute à ceci l'atrophie du chuyma que nous avons étudiée le mois dernier, on ne saurait douter du fort nivellement qu'induisent ces stratégies.

      Il est évident qu'un livre comme La Voie du Chamane de Michael Harner repose entièrement sur ces opérations de substitution. Dès sa conception, il s'agit d'un produit destiné à un vaste marché, conçu spécialement pour des consommateurs pressés. Il suit donc scrupuleusement les règles du marketing spirituel énoncées par Danièle Hervieu-Léger, ainsi que le montre ce mémoire de Constantin Lupascu. Peu importe que le fonds de commerce repose sur des thèses douteuses, puisqu'on ne lui demande pas d'être vrai mais de le paraître.

      A ce jour d'ailleurs, le néo-chamanisme ne se distingue plus du New Age. Il en est l'une des branches les plus populaires et de nombreux anthropologues étudiant le phénomène soulignent l'identité du néo-chamanisme et du New Age. Les ONG et autres fondations qui prétendent œuvrer à la sauvegarde et la préservation du soi-disant "chamanisme", tout en faisant la promotion du néo-chamanisme, sont en pleine dissonance cognitive. Elles contribuent grandement à la destruction des traditions locales, leur substituant peu à peu une forme occidentalisée de spiritualité, véritable soupe mondiale marchandisée. Les projets d'écotourisme, le tourisme spirituel et même l'alphabétisation, entraînent une occidentalisation des valeurs locales. Faire croire qu'il n'en est rien et que par de telles initiatives on protège une culture, c'est mentir. On détruit forcément d'un coté ce que l'on tente de sauver de l'autre. C'est une situation très inconfortable qui mériterait d'être reconnue plutôt que niée. Car il n'est pas possible de réfléchir sur un problème que l'on refuse de voir en face.

      Les acteurs de la destruction du mal nommé "chamanisme" ont souvent recours au sophisme pour ne pas reconnaître l'évidence de cette dissonance. Comme le suggère l'anthropologue Roberte Hamayon, le "chamanisme" n'a jamais été statique et constitue un ensemble mouvant, susceptible d'évolutions notables, de recevoir des influences. J'ajouterai en revanche qu'existent des seuils et des proportions au-delà desquelles l'effondrement est total. Pourtant cet argument suffit souvent aux néo-chamanes pour ne plus prendre de précautions, imposant partout l'étalon de leur occidentalité. S'engouffrant dans la brèche de la plasticité chamanique, ils refusent de reconnaître ce que produit mondialement la promotion de ces pratiques déculturées inconsistantes.

      Malgré les maigres avantages qu'y trouverait la ménagère de cinquante ans, l'effet est manifeste : une perte irréparable de profondeur et de diversité. L'indien yaqui se met à chanter comme un amérindien du nord, frappant sur un tambour identique à celui des "chamanes" celtiques, sibériens, lakotas, etc. Le "chamanisme" devient partout le même, là où il variait autrefois fortement d'une communauté à l'autre, à quelques kilomètres de distance seulement. Aussi Michael Harner n'a-t-il pas décrit un "chamanisme universel" : il l'a fabriqué.

      Une autre échappatoire pour ne pas mesurer les méfaits de l'entreprise consiste à minimiser les objections académiques. Pour reprendre l'exemple de Michael Harner, celui-ci est plébiscité en francophonie comme étant un homme courageux ayant fait l'objet d'attaques d'anthropologues concurrents. C'est une information édulcorée qui n'est jamais documentée. On ne nous dit pas en quoi consistent ces objections académiques, ni si elles proviennent d'observations de terrain irréfutables. Non seulement on reste aussi vague que possible, mais on discrédite le milieu qui formule ces réserves en évoquant une jalousie d'anthropologues. Rien ne saurait être plus caricatural car il existe des arguments très sérieux contre le travail de Harner, notamment du fait qu'il repose sur des hypothèses de Mircea Eliade - très largement réfutées depuis le milieu des années 80 - ou qu'il crédite la délicieuse imposture de Castaneda.

      Ce qui me semble encore plus douteux, c'est qu'à aucun moment n'est mentionnée la parole autochtone. C'est un indice très fort de l'attitude colonialiste. On prend bien soin de ne pas écrire que les autochtones eux-mêmes produisent une critique virulente du travail de Michael Harner, se plaignant d'être traités par sa Fondation avec beaucoup d'arrogance. Or, c'est tout de même leurs arguments à eux, qui devraient être écoutés en premier.

      La raison peut donc trouver des justifications à tout, même à l'injustifiable. Et tant qu'il s'agira de produire un discours permettant seulement d'avoir raison ou de pérenniser un marché, plutôt que d'ouvrir les yeux sur un problème bien réel, il est clair qu'aucune approche saine des spiritualités indiennes ne pourra voir le jour, au-delà de cet esprit boutiquier.

      Par petites touches, ce blog devenu très fréquenté et dont les visiteurs quotidiens ont doublé depuis le mois de mai 2014, tente d'explorer une autre manière de voir. C'est un très modeste début de piste qui certes, pose plus de questions qu'il n'en résout.

      Au début, je me disais que le lecteur n'allait guère apprécier le point de vue critique que j'y exprime. J'étais certain de le perdre peu à peu, mais c'est le contraire qui s'est produit, signe que nous ne sommes peut-être pas des cas aussi désespérés et pouvons accepter de ne pas être toujours caressés dans le sens du poil.

      En revanche la fréquentation du blog est honteuse, c'est-à-dire que malgré son nombre important de visiteurs, peu de gens le placent en lien sur leur site ou leur blog. On le consulte en secret et en catimini. Cet ostracisme est très compréhensible et n'empêche pas l'information de circuler. Au fond, ce blog joue le rôle qui est le sien, un rôle qui n'attend pas d'être reconnu mais qui est utile. Déjà à l'époque du site Magick-instinct, la fréquentation pouvait atteindre 2000 visiteurs par jour alors que le site n'était relayé que par peu de personnes et que je m'interdisais d'en faire la publicité ou de le promouvoir. De l'anti-marketing, en quelque sorte. Un travail, s'il sert à quelque chose, n'a pas besoin d'être claironné. On ne fait pas de publicité pour les clés USB parce que tout le monde sait à quoi ça sert. Mais on en fait pour Coca-Cola.

      Alors certes, la fréquentation de ce lieu virtuel est plus modeste que celle de Magick-Instinct en 2001. Mais elle est presque équivalente à celle des deux sites réunis d'une célèbre ONG qui fait la promotion du néo-chamanisme en Amazonie et bénéficie de nombreux liens sur les sites professionnels de néo-chamanes occidentaux. Je suis donc très satisfait et fier de ce résultat et j'en remercie vivement mes lecteurs.

      Aujourd'hui, j'aimerais bousculer de nouveau le visiteur en l'amenant à réfléchir sur certaines notions qui bouleversent les codes sémantiques habituels. Voyons par exemple ce qu'il en est des termes "chamane", "chamanisme", "extase" et "transe". De quelle manière pourrions-nous réajuster le contenu de ces termes pour y voir plus clair ?
Attractions touristiques à Iquitos. Photos C. Guislain
      Remarquons tout d'abord que le mot chamane ne veut plus rien dire du tout, tellement on en a abusé. On parle de chamanisme à propos de Jean de Patmos, d'Odin, de Socrate, du soufisme ou de soirées en boite bien arrosées. Il serait peut-être temps d'interroger ce terme, pour se rendre compte que le chamanisme n'est pas du tout une tradition vieille de milliers d'années, mais une invention occidentale du XXème siècle. A cette condition, le mot pourrait être honnêtement utilisé. Et dans ce sens, la distinction entre chamane et néo-chamane deviendrait presque superflue, puisqu'il n'y a de chamanisme que dans l'occident moderne et ses annexes touristiques. On sait que dès que surgit le mot, il s'agit d'une construction occidentale. On n'est plus dans un contexte proprement indigène mais dans celui d'une occidentalité s'appropriant un folklore, des "techniques", ou nommant l'autre par des termes qui lui sont étrangers.

      Il n'y a pas de chamane indien à proprement parler. Même en Sibérie le mot n'est pas utilisé ailleurs que dans un contexte occidentalisé, excepté chez les Evenks. Les amérindiens du nord dénoncent avec force le caractère colonial de cette appellation qu'ils détestent. Pourquoi ne tiendrions-nous pas compte, enfin, de leur avis ? Dans les milieux kallawaya, aymara et quechua que j'ai pu fréquenter, ce terme n'est jamais prononcé. Si je l'avais entendu, j'aurais immédiatement compris qu'une influence occidentale était à l'oeuvre et qu'il s'agissait en réalité de néo-chamanisme. En revanche, j'ai rencontré des paqos, des yatiris, des wachumeros, des amautas, tous très différents les uns des autres. Mais pas de "chamanes". C'est donc que le chamanisme est un concept de l'occident moderne, plutôt qu'une survivance archaïque.

      Les anthropologues modernes n'utilisent souvent le terme que par défaut, mais sont de plus en plus nombreux à en interroger la pertinence. Le spécialiste en religions comparées Daniel Noel y reconnaît un "phantasme, une fiction, une oeuvre de l'imagination". Michael Tausig parle d'une "projection de l'Ouest". L'historien Andy Letcher n'y voit qu'une "construction d'orientaliste". En 1903, Arnold van Gennep écrivait que parmi les mots " créés par les voyageurs, adoptés ensuite sans réflexion par les dilettantes de l’ethnopsychologie et employés à tort et à travers […], l’un des plus dangereux est celui de chamanisme ". Grand spécialiste des Evenks et sur les lieux mêmes où apparut le mot saman, Shirokogoroff écrit dès les années 30 que " Le 'chamanisme' comme création européenne est un échec total ". Il a été largement démontré que le chamanisme en tant que pratique archaïque ou catégorie universelle n'existait pas et n'était qu'une construction littéraire développée par Eliade. Le mot lui-même, appliqué à toutes les sauces et dans tous les contextes, continue de nous laisser croire que cette unité universelle du chamanisme existe, alors qu'elle n'est qu'une projection nous empêchant de réellement connaître les cultures et les êtres que nous désignons ainsi. Le regard de l'observateur extérieur sur ces cultures en altère dès le départ l'idiosyncrasie, la corrode, la soumet. Dans une étude intitulée Le Chamanisme aujourd'hui : construction et déconstruction d'une illusion scientifique, Håkan Rydving dénonce un piège épistémologique, là où je reconnais pour ma part une habitude culturelle de la pensée ch'ulla, autrement dit, de l'universalisme occidental :

      " Il est par trop tentant de croire qu’en décidant d’appeler « chamane » une personne dotée d’une fonction rituelle dans telle ou telle culture, on aura mieux compris le contenu particulier de sa fonction sociale. C’est en fait le contraire qui est le cas. La traduction de böö, noaidi, angakkoq, etc. par « chamane » cache plus qu’elle ne révèle, car elle laisse croire que nous « savons » ce qu’est un böö, un noaidi, un angakkoq, etc. Elle nous amène à nous concentrer sur les aspects qui correspondent à notre propre définition de « chamane », laissant de côté l’étude précise de la personne envisagée dans son contexte culturel et social et avec les variations qu’elle connaît. Par ailleurs, cela permet d’accepter des constructions théoriques larges, reposant sur une littérature de seconde main, ce qui ne répond pas aux critères d’un travail anthropologique de qualité constitués par une bonne connaissance des langues et d’autres compétences en matière d’études des civilisations."

      La dernière phrase semble être une allusion à la façon dont travaillait Mircea Eliade. Il faut bien comprendre qu'il ne s'agit pas simplement de chipoter sur des mots. L'usage des termes "chamane" et "chamanisme" a permis de construire la stratégie d'appropriation coloniale des savoirs indigènes, dont nous sommes témoins aujourd'hui. En même temps, il a détruit une diversité au profit d'une universalité uniformisante. C'est la tactique habituelle de la pensée ch'ulla. Il a fallu tout d'abord universaliser un concept, pour pouvoir s'approprier et effacer ensuite les singularités où il était projeté. Mais Mircea Eliade et Michael Harner se sont trompés sur un point : il n'y a pas de chamanisme universel proprement dit. Håkan Rydving poursuit :

" Beaucoup de collègues considèrent « chamane » et « chamanisme » comme des catégories générales et ils estiment que l’usage de ces termes est nécessaire, car il rend la comparaison possible. D’après moi, c’est tout le contraire. Si nous utilisons les catégories « chamane » et « chamanisme » pour comparer les traditions des Bouriates et des Inuit, par exemple, c’est qu’on a présupposé des similitudes entre elles. Au contraire, les études comparatives doivent se fonder sur les traditions et concepts locaux/autochtones. Sinon, la comparaison n’est pas valable puisqu’elle est en partie déjà implicite par le choix des catégories analytiques. D’un point de vue méthodologique, il est donc préférable de comparer un böö avec un angakkoq plutôt que comparer un « chamane » bouriate avec un « chamane » inuit. " 

      " Les concepts de « chamane » et de « chamanisme » ont créé une illusion d’homogénéité (régionale ou mondiale). Ils nous laissent croire que nous comprenons les phénomènes que nous prétendons étudier, alors qu’en réalité le risque est qu’ils nous empêchent de bien les comprendre. Concluons que le temps est venu d’abandonner ces termes comme concepts comparatifs."


      J'ai mis en caractères gras la phrase qui réfute l'hypothèse de travail de Mircea Eliade, reprise par Michael Harner pour élaborer son core-shamanism. C'est à raison que Mircea Eliade est considéré par bien des anthropologues comme le grand-père du néo-chamanisme, puisqu'il est l'inventeur de l'universalisation du concept de "chamanisme", tel que nous la connaissons aujourd'hui. On comprend sans difficultés les motifs pour lesquels l'auteur est adulé par les praticiens chamaniques occidentaux, sans que ceux-ci prennent la peine d'étudier les réfutations, désormais nombreuses, de l'oeuvre de l'intellectuel roumain.

      Mais cette tentative d'universalisation repose sur des bases trop fragiles. Sous prétexte qu'existent des prêtres dans presque toutes les religions, serait-il possible de regrouper celles-ci sous le concept unique de "prêtrisme" ? Et qu'aurions-nous dit de plus alors ? De même, si comme Harner nous tentions de regrouper sous un seul terme une poignée de techniques que nous croirions reconnaître dans les pratiques religieuses de toute la planète, ne pourrions-nous pas résumer en un seul terme l'ensemble des cultures pratiquant l'oraison ? Cela s'appellerait peut-être "religion". Et dans ce cas nous n'aurions finalement pas du tout avancé.

      La conclusion du travail de Håkan Rydving rejoint ce que j'ai exprimé plus haut :

      " Est-ce que cela signifie qu’il n’y a pas de contexte où les mots « chamane » et « chamanisme » pourraient être utilisés comme concepts au sens strict (sauf chez les Évenks) ? Bien sur qu’il y en a ! Avec le même point de départ que j’ai souligné pour les traditions indigènes (que l’analyse devrait être basée sur les concepts et terminologies vernaculaires) on peut maintenir que là où « chamane » et « chamanisme » sont utilisés comme auto-désignations, c’est-à-dire dans certains groupes du New Age inspirés par Eliade, Castaneda, Harner et autres, et pour les participants aux cours de développement personnel portant le label « chamanisme », ils sont appropriés comme concepts. Mais, c’est là – dans l’Occident et dans des contextes plus ou moins occidentalisés et mondialisés – et là seulement, que nous pouvons trouver un objet de recherche qu’on pourrait appeler « chamanisme » ".
Kallawaya : le maître et l'apprenti.
      Un autre point sémantique intéressant est celui de l'"extase" ou de la "transe" chamanique. En anthropologie, l'extase est un marqueur important de la catégorie "chamanisme". Depuis Eliade, la définition du chamane impose la "transe" comme moyen de communication entre le chamane et le sacré. Ceci pose néanmoins de nombreux problèmes méthodologiques et c'est pourquoi, au cours des vingt dernières années, les chercheurs ont de moins en moins utilisé la définition du chamane comme technicien de l'extase, lui préférant une acception plus large. Håkan Rydving en donne deux exemples :

      Pour Vladimir Basilov, les chamanes sont "les élus des esprits", tandis que le chamanisme est la "croyance en la nécessité d'intermédiaires particuliers entre la masse des hommes et les esprits (déités)". D'où l'inanité d'un concept tel que le "chamanisme démocratique" en anthropologie, puisque le chamanisme est, par définition, une élection des esprits.

      Pour Christian Malet, le chamane est " un homme sain de corps et d'esprit qui, ayant répondu à une vocation éprouvante, est devenu apte - au terme d'une initiation - à entrer en relation avec les puissances spirituelles auprès desquelles il intercède pour le bien des membres de sa communauté ".

      On note que dans ces deux définitions, l'extase ne sert plus de marqueur à la condition du chamane. D'autres part, les chercheurs insistent sur le rôle social et communautaire du chamane, ce qui correspond mieux à la réalité de terrain que les seules lectures neuro-psychologiques et individualistes. Mais quelles sont les raisons pour lesquelles l'extase et les états modifiés de conscience ne sont plus considérés comme le trait principal de ce qui a été qualifié de  "chamanisme" ?

      On constate aisément qu'existent de nombreuses disciplines (le tantrisme, le yoga, la magie...) travaillant sur ces aspects de la conscience, sans pour autant être qualifiées de chamaniques. De plus, à l'intérieur même de cette catégorie dite "chamanique", toutes sortes d'opérations sont exécutées sans nécessiter de transe ni d'états modifiés de conscience. Enfin, le concept d'état modifié de conscience est, nous le verrons, extrêmement flou. Eliade en vient même à le manipuler facilement, pour le soumettre à ses préjugés. Selon lui, il existe par exemple des transes licites et des transes illicites. Une transe de possession est considérée par Eliade comme une dégénérescence du chamanisme, tout comme la transe produite par l'usage de plantes hallucinogènes. C'est un a priori culturel évident.

      Il faut rappeler que le livre d'Eliade qui a défini le champ d'étude du chamanisme pendant plus de 50 ans fut écrit par un homme qui n'était ni ethnologue ni anthropologue. Eliade n'a jamais rencontré de chamane, n'a pas vécu au sein de peuplades pratiquant les rites qu'il décrit. Tout ce qu'il consigne dans son livre est composé à partir d'ouvrages rédigés par d'autres et à ceci s'ajoute le fait que les sources bibliographiques russes les plus importantes et donc, les plus directes, restèrent inaccessibles jusqu'à la fin de la guerre froide, moment à partir duquel son oeuvre commença d'ailleurs à être sérieusement mise en doute.

      Eliade ne retient de ses sources que des détails lui permettant de confirmer son opinion préconçue. A telle enseigne que Marjorie Mandelstam Balzer finit par déclarer qu'Eliade est : " remarquablement inexact sur le chamanisme sibérien ". Ignorant les faits qui ne correspondent pas à ses théories, Eliade finit par faire des affirmations générales complètement fausses. Il considère que les chamanes sont principalement caractérisés par l'extase, le vol de l'âme, l'ascension céleste, le voyage hors du corps vers le royaume de l'esprit. Mais il dévalorise tout ce qui ne correspond pas à cette description. Or, pour Anna-Leena Sikala, l'interaction avec les esprits se fait en Sibérie selon trois modes : le voyage, la possession et la convocation. Aucun de ces procédés n'est dévalorisé, ni même hiérarchisé. Les trois interviennent souvent dans une même cérémonie.

    L'ouvrage de Mircea Eliade sur le chamanisme est rempli de références au ciel, à l'ascension, à la verticale plutôt que l'horizontale. Le sacré est réduit à ce plan axial transcendant, au centre plutôt que la périphérie ou le contour des choses. C'est au centre, au pôle de la tente, de la montagne, de l'axe du monde, que le chamane communique avec le ciel, monte à travers l'ouverture centrale, ou vers la montagne sacrée, vers le paradis. L'influence du symboliste René Guénon pèse trop lourdement sur cette production, en faisant un livre d'ésotérisme plutôt qu'une oeuvre scientifique. Eliade est toujours disposé à dénigrer comme décadent ou aberrant tout chamanisme dans lequel l'ascension vers le ciel jouerait un rôle insuffisamment important. Le chamanisme toungouse d'aujourd'hui, dit-il - c'est-à-dire celui des années 1930, lorsque Shirokogoroff produit ses études les plus importantes - ne peut pas être considéré comme le chamanisme dans sa forme classique, à cause, entre autres choses, du "rôle mineur qu'y joue l'ascension vers le ciel." Ne tenant aucun compte des aspects sombres et ambigus de cette discipline, c'est cette même vision morale et chrétienne du chamanisme que nous retrouvons aujourd'hui dans le néo-chamanisme New Age.

      En accordant une importance disproportionnée au "voyage chamanique", Eliade néglige les autres formes de relation aux esprits, les diabolise même. Non seulement cette différentiation obéit à un a priori religieux personnel, mais en définissant le chamanisme comme le seul produit d'une technique, Eliade réduit l'expérience du sacré à un domaine purement cérébral et physiologique, connu désormais sous le nom de modèle neuro-psychologique. L'oeuvre de Michael Harner suit la même inclination et s'avère plus étroite encore, puisqu'elle limite le champ du chamanisme au seul soin thérapeutique individualiste. Or, celui-ci est autrement plus étendu.

      Pour ne m'en tenir qu'au domaine scientifique, autrement dit en m'abstenant d'entrer dans des considérations spirituelles, ce modèle neuro-psychologique a fait l'objet de critiques remarquées. Dans un texte devenu célèbre intitulé Pour en finir avec la "transe" et l'"extase" dans l'étude du chamanisme, Roberte Hamayon note tout d'abord l'imprécision des catégories employées. Les descriptions de "l'état chamanique" sombrent souvent dans la contradiction : " il est difficile de savoir s’il est vraiment en transe ou s'il fait seulement semblant ", " la transe peut être aussi efficace quand elle n’est que simulée ", " le rituel n’opère pas forcément même si la ‘transe’ est authentique ". Ou inversement : " le rituel peut opérer même en l’absence de ‘transe’ manifeste ". Nous sommes ici face à une catégorie aussi imprécise que la fameuse "gnose" de la chaos-magick, dont j'ai tantôt souligné le manque de précision, tant théorique que pratique.

      Quand on songe que sont utilisés parfois des termes aussi opposés entre eux que "transe" et "extase" pour désigner les mêmes "états modifiés de conscience", on ne saurait douter de l'inutilité de ces outils analytiques, tout au moins en l'état. Mais ce qui retient surtout l'attention de Roberte-Hamayon, c'est l'absence complète de notions semblables dans le discours des peuples chamanistes traditionnels :

      " À ma grande surprise, ce terme, courant dans les travaux occidentaux sur le chamanisme, surtout depuis la publication du livre d’Eliade, ne m’était apparu d’aucune utilité tout au long de mon travail de thèse sur les formes sibériennes de chamanisme. Il n’était la traduction d’aucun terme autochtone utilisé dans le discours chamanique.[...]"

      " Ainsi les peuples sibériens (comme beaucoup d’autres peuples chamanistes) qualifient l’épisode rituel que les auteurs appellent transe en termes d’actions en rapport avec des esprits (mouvement du chamane vers eux ou mouvement de ceux-ci vers le chamane). Leur discours évoque l’idée d’une rencontre ou d’un contact qui est à la fois le moyen et la preuve de l’exercice de la fonction de chamane."

      Il est tout de même curieux qu'aucune des sociétés supposées utiliser le processus de la transe chamanique ne dispose de termes spécifiques pour désigner l'état de conscience altérée, l'extase (passive) ou la transe (active). Plus encore, lorsqu'on questionne les principaux acteurs de la transe, ceux-ci ne comprennent pas du tout les questions qui leur sont posées et répondent à coté des attentes, se référant essentiellement à des données cosmologiques. C'est donc que nous errons peut-être quant à l'approche.

      Il n'est d'ailleurs pas nécessaire d'être dans un état modifié de conscience pour percevoir différemment ou pour "voir" ce qui normalement est invisible. Je pourrais sur ce sujet apporter différents témoignages personnels, ou constatés chez mes amis indiens, mais je suis peu prolixe quant aux récits intimes relevant de phénomènes paranormaux, surtout lorsqu'il s'agit de le faire par écrit. Dans ma tradition, certaines choses - et notamment les pratiques et les expériences de ce type - ne se communiquent jamais qu'oralement et en confrérie. Quoi qu'il en soit, la possibilité de percevoir à l'état de veille des choses que l'on estime ne pouvoir devenir sensibles qu'en état altéré de conscience, constitue un élément de nuance qu'il me semble très important de noter.

      Rétrospectivement, nous pouvons remarquer maintenant que le tableau du renü Aukanaw que j'ai commenté le mois dernier est en effet influencé par les conceptions occidentales de Eliade et de Harner. Il induit la pensée que pour percevoir autrement, il faut être obligatoirement dans un autre état que l'état de veille. Or, non seulement ce n'est pas toujours le cas, mais la lecture des phénomènes de vision subtile en fonction du seul modèle neuro-psychologique entretient nombre de préjugés coloniaux. Puisque toute vision peut être interprétée en termes de conscience altérée, on en déduit facilement qu'il s'agit d'hallucinations et que le pauvre "primitif" ne sait pas distinguer la réalité de l'illusion. C'est en général ce que produit l'analyse neuro-psychologique d'un phénomène de ce type, lorsqu'on l'isole du contexte cosmologique et sociétal qui en explique la pertinence.

      D'autre part, concernant la pratique, les paradigmes influencent la perception. En interprétant la visite des esprits en termes de changement d'état de conscience, nous passons du domaine mystique de l'échange au domaine pseudo-scientifique de l'individu s'auto-interprétant ; nous allons d'un symbolisme chaud vers un symbolisme froid et rationalisé, technicien et sans âme. Le mythe cosmologique a une charge, un poids, une chaleur, une force, une grâce et un pouvoir communautaire importants. Le vocabulaire scientifique est dépourvu de cette propriété dynamique et amoureuse qui donne à la pratique son élan, son énergie visionnaire. "La science remplace nos mythologies passées. C'est une mythologie bien triste", écrivait Jorge Luis Borges parlant de la psychanalyse. Dans une approche concrète de la pratique visionnaire, le modèle neuro-psychologique représente bien le même type d'appauvrissement.

       L'anthropologue mexicain Roberto Martínez González met particulièrement bien en relief l'inconvénient du modèle neuro-psychologique, notamment dans son article Lo que el chamanismo nos dejó, cién años de estudios chamánicos en México y Mesoamérica, ou encore dans El chamanismo y la corporalización del chamán : argumentos para la deconstrucción de una falsa categoría antropológica. Pour R. M. González, la diffusion du modèle neuro-psychologique, en accordant trop d'importance aux états modifiés de conscience, centrant l'investigation sur le seul cerveau du chamane, a entretenu la " représentation de l'autre comme incapable de distinguer entre la croyance et la réalité ". L'idée que l'autre croit uniquement parce qu'il l'a expérimenté au cours d'états de conscience altérée est un argument dévalorisant les croyances autochtones, utilisé depuis au moins le XVIème siècle. C'est aussi devenu l'argument décisif des sceptiques. Pourquoi entrer dans ce jeu et continuer d'y recourir alors qu'existent des perspectives plus pertinentes ?

      R. M. González cite plusieurs chroniqueurs espagnols, ainsi que des extraits du Repertorium Inquisitorum, pour montrer que les religieux utilisaient déjà ces failles du modèle neuro-psychologique afin de dénigrer l'expérience religieuse des païens européens (les sorcières) et des amérindiens : " Et nul ne doit devenir idiot au point [nec debet aliquis in tentam venire stultitam] de croire que s'est produit corporellement ce que l'on a seulement rêvé ". Dans la mesure où elle n'est pas relative à l'état de veille et objective, l'autre réalité n'est plus qu'une hallucination sans valeur, inspirée par le démon de la confusion.

      La réduction de la perception de l'autre à une hallucination continue d'être, à mon sens, le gros inconvénient de la seule lecture neuro-psychologique des spiritualités visionnaires. Or, même Harner n'en sort pas. Du vol de la sorcière à l'apparition du faune, de la vision de la Vierge Marie au voyage dans l'Autre Monde, de la transformation en jaguar à la vue à distance, tout est désormais réduit par ce modèle explicatif à l'hallucination, ce pour quoi il apparaît nécessaire de le compléter par le contexte de la cosmovision elle-même, favorisant ainsi la compréhension non plus seulement psychologique, mais sociale, politique, écologique, symbolique, imaginale, spirituelle et communautaire de ces phénomènes et de leur portée sapientielle.

Maître de l'invisible et du secret, le dieu-hibou s'abrite sous le corps arc-en-ciel du dieu-félin bicéphale. Notez les spirales doubles en symétrie inverse sur le centre thoracique (céramique mochica)

 

 

 

 
 

08/03/2015

VIDEO. Kaboul : des hommes en burqa pour le droit des femmes

Source : http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20150306.OBS4013/afg...

A trois jours de la Journée des droits des femmes, des hommes afghans ont défilé dans la capitale de Kaboul en burqa pour attirer l'attention sur un vêtement jugé oppressif.

Afghanistan : des hommes manifestent en burqa   Crédit Mohammad Fahim Abed / ANADOLU AGENCY Afghanistan : des hommes manifestent en burqa Crédit Mohammad Fahim Abed / ANADOLU AGENCY
 

 

Pour afficher leur solidarité avec les femmes, des hommes ont revêtu des burqa et ont manifesté jeudi 5 mars dans les rues de Kaboul. Parmi eux, l'association "Les volontaires pour la paix en Afghanistan".

Juste avant la journée des femmes, qui a lieu le dimanche 8 mars, ils condamnent ce vêtement imposé aux femmes depuis les années 1990 par les talibans et symbole d’oppression. Cette action originale rappelle celle des Turcs, qui avaient porté des jupes, le mois dernier.

Regardez :

24/02/2015

Istanbul ; des hommes en minijupes pour défendre les droits des femmes après l'assassinat de l'étudiante Ozgecan Aslan

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Vêtus de jupes, un groupe d’hommes a dénoncé samedi à Istanbul le viol et le meurtre d’une étudiante qui a provoqué une vague d’indignation en Turquie contre les violences faites aux femmes.

 

La vingtaine d’hommes se sont rassemblés sous les regards curieux et parfois franchement amusés des passants sur la grande rue piétonne d’Istiklal qui mène à la célèbre place de Taksim, sur la rive européenne de la mégapole.

Des policiers avaient été mobilisés pour encadrer la manifestation annoncée par un collectif sur les réseaux sociaux pour dénoncer le brutal meurtre d’Özgecan Aslan à Mersin (sud) la semaine dernière et soutenir « toutes les femmes ».

 

« Ce n’est pas qu’une histoire de femmes, là où les femmes ne peuvent pas se sentir libre, bientôt les hommes ne se sentiront pas libres non plus », a expliqué Mustafa Solay, un des participants de la manifestation.

Bulut Arslan, un autre manifestant, a indiqué qu’il était venu « parce qu’au sein de la société les femmes subissent de nombreuses violences et cela fait du mal à toute la société en général ».

Le meurtre d’Özgecan, 20 ans, violée, assassinée et brûlée par trois hommes, a provoqué une vague d’indignation sans précédent dans le pays, et des dizaines de milliers de personnes ont défilé dans les grandes villes de Turquie contre les violences faites aux femmes.

Samedi encore, plusieurs centaines de manifestants ont défilé à Besiktas, dans un autre quartier d’Istanbul, scandant « Dis non à la violence frappant les femmes ! ».

Mis en cause, le gouvernement islamo-conservateur a promis de punir les auteurs des faits. Malgré ces promesses, l’opposition et les mouvements féministes reprochent au président Recep Tayyip Erdogan et aux membres de son parti, au pouvoir depuis 2002, d’entretenir les violences contre les femmes par leurs préjugés religieux.

Source : http://www.lavoixdunord.fr/france-monde/turquie-des-homme...

 

 

21/02/2015

Mort pendant 48 minutes, un prêtre catholique affirme que Dieu est une femme

 

 
Le prêtre John Micheal O’neal.

Le prêtre John Micheal O’neal.

Un prêtre catholique du Massachusetts était mort pendant 48 minutes avant que les médecins ne réussissent à le réanimer. Et sa première déclaration a crée un choc auprès de son entourage et du personnel médical. Le prêtre John Micheal O’neal, âgé de 71 ans, affirme qu’il est allé au Paradis et qu’il a rencontré Dieu qui s’avère être une figure maternelle et rassurante. Ce prêtre a été admis à l’hopital le 29 janvier après une crise cardiaque et il a été déclaré mort sur le plan clinique à son arrivée à l’hôpital.

Mais avec l’aide d’une machine appelé LUCAS 2 qui permet de préserver la circulation sanguine dans le cerveau, les médecins du Massachusetts General Hospital ont réussis à déboucher les artères vitales pour faire repartir son coeur. Les médecins craignaient des dommages cérébraux après une mort clinique aussi longue, mais il s’est réveillé 48 minutes plus tard dans un bon état de santé.

Le prêtre a déclaré qu’il était conscient de tout ce qui se passait après sa mort. Il a vécu une expérience de sortie extra-corporelle ainsi qu’une sensation intense d’amour et de pardon et il était entouré par une lumière douce et réconfortante. Il ajoute qu’il a rencontré Dieu au Paradis qui ressemble à la présence rassurante d’une mère. Selon lui, Elle avait une voix douce et rassurante et il n’était pas du tout choqué que Dieu soit une Sainte Mère plutôt que le Saint Père comme dans la tradition catholique.

Les déclarations de ce prêtre ont causés un choc et une colère dans le clergé. L’archevêque de la région a même organisé une conférence de presse pour faire taire ces rumeurs. Et en dépit du désaccord avec ses supérieurs, ce prêtre a déclaré qu’il continuerait à dédier sa vie à Dieu, mais qu’il propagerait le concept de Sainte Mère.

 

http://actualite.housseniawriting.com/insolite/2015/02/21...

 

 

 

14/02/2015

La propriété - Nicole Ferroni

 
 
 

30/01/2015

Rûmî, la religion d’amour

http://www.lesurbainsdeminuit.fr/coups-de-coeur-et-autres...

 

(photo : http://www.harakiri-choron.com/)

 

Toujours, quand un cycle finit et que commence un autre, les gens souhaitent et espèrent la paix et l’amour.

Ce nouveau cycle 2015 a commencé terriblement. L’attaque au journal Charlie Hebdo a laissé tout le monde choqué. Et, incompréhensiblement, l’assassinat des 12 personnes est passé pour une motivation religieuse, comme c’était possible d'assembler religion et haine. Les  religions parlent d’amour, enseignent l’amour et ses fidèles vivent l’amour.

Parfois, l’amour est exprimé par la poésie. Une poésie qui n'est pas toujours présente dans notre quotidien. À cause de notre vie troublée, de l'agitation pour des choses qui n’ont pas d'importance, nous fermons nos antennes à l'aspect poétique de la vie. La poésie n’est pas de ce monde. Donc, elle ne devrait pas être comprise par des instruments de ce monde. Elle transcende la matérialité, le concret de la vie, demeure régions subtiles - et vrai - de l'être. La poésie parle de valeurs éternelles, si réelles. La poésie se mêle avec le mysticisme.

Un poète persan du XIIIe siècle a parlé d'amour par la poésie comme personne ne l'avait fait, d’une façon profonde et mystique. Mohammad al-Dîn Jalâl Balkhi, ou simplement Rumi,  a parlé d’amour, et quand ce sentiment l'envahissait entièrement, il ne pouvait faire qu’une chose : le silence. Beaucoup de ses poèmes finissent comme ça : un appel au silence, une invitation pour entendre le son des autres sphères. Une extase méditative.

Rumi est considéré comme l'un des plus incandescant mystique de l'islam spirituel, ou soufisme. Un grand poète de la tradition persane et arabe.

Pour célébrer la rencontre avec son maître, Shams de Tabriz, qui lui a donné accès à la contemplation de l'invisible, Rumi a écrit un ouvrage avec plus de cinq mille poèmes. Dans le "Divan de Shams de Tabriz" la beauté et la force des poèmes reflètent l'intensité de cette réunion et l'expérience mystique partagée entre les deux. Et dans la lecture de ses poèmes, nous pouvons aussi sentir le reflet de leurs découvertes et de leurs extases intérieures - et entrer en extase avec lui.

Ses poèmes sont le miroir de son âme et ils nous invitent à le suivre dans ce monde plus réel que le monde matériel, le monde des archétypes, que les mystiques perses appellent monde imaginal. L'amour de qui parle.

Rumi est le vrai amour, une lucarne vers les profondeurs du soi. Il est l'infini du ciel, un océan sans rivages.

Une poésie des troubadours, Fedele d'amore, pour la qualité de l'allégorie où le divin, se transforme en amour humain. "Soyez attentifs aux subtilités qui ne se produisent pas en paroles. Comprenez ce qui ne se laisse pas capturer par la compréhension intelectuelle", dit un de ses poèmes. Rumi est capable d'entrer, au même temps, dans les sphères de la création divine et poétique. En parlant de cette fonctionnalité de troubadour, Henri Corbin dit "l'amour humain (Eros) donne accès au tawhil ésotérique parce-que l'amour est la seule expérience réelle capable de nous conduire à prévoir et parfois réaliser l'unité de l'amour, de l’amoureuse et de l'aimé. "

Comme Rumi a conçu des poèmes originaux avec des images de grande densité symbolique, sa poésie rappelle ce que TS Eliot appelle "poésie métaphysique". Comme il parle de la danse et de la poésie des cercles et des sphères, il lui est attribué la création de l'ordre Mevlevi, les derviches tourneurs. Mais en fait, c'est son fils, Sultan Walad, le créateur de cet ordre.

Rien ne se compare à la sensation de se joindre à d'autres sphères avec lui. C’est d’amour dont le monde a besoin. 

“L’amour est un océan infini,

Dont les cieux ne sont qu’un flocon d’écume

Sache que ce sont les vagues de l’amour,

Qui font tourner la roue des cieux

Sans amour le monde serait inanimé.

 

Chaque atome est épris de cette perfection

Et se hâte vers lui.

A chaque instant retentit de tous côtés l’appel de l’amour.

 

Si ce n’avait été par pur amour

Comment aurais-je donné aux cieux l’existence ?

 

J’ai élevé cette sublime sphère céleste

Afin que tu puisses comprendre la sublimité de l’amour.”

(Rumi)

 

 

“Je ne suis pas de cet endroit

Ici, je suis un étranger et je marche aveuglément. ”

(Rumi)

 

 

“Sois attentif aux subtilités

Qui n’ont pas lieu en paroles

Comprend ce qui ne se laisse pas

Capturer par la compréhension.

 

Dans le cœur de pierre de l'homme

Brûle le feu qui fait fondre la voile de haut au bas.

romp le voile,

Le cœur découvre les histoires de Hydr

Et toute la connaissance qui vient de nous.” (Rumi)

 

http://www.babelio.com/auteur/Djalal-od-Din-Rmi/14209

 

Iara Borges, aux Urbains de Minuit

 

29/01/2015

Le soufisme

« Le soufisme n’est ni une religion, ni une philosophie. Il n’est ni déisme, ni athéisme. Ce n’est pas non plus une morale ni une forme particulière de mysticisme. Si jamais il était qualifié de religion, il ne pourrait être qu’une religion d’amour, d’harmonie et de beauté »


« La voie du Soufi est de faire l’expérience de la vie, et cependant de se maintenir au dessus d’elle, de vivre dans le monde sans permettre au monde de le posséder »

Hazrat Inayat Khan

Le soufisme ou l'humanisme dans l'Islam

 

par Elias

Ce texte est paru dans la Tribune d'Octobre No 19
(El Badil, Montreuil, 25 mars 1990)

 

Le soufisme s'est développé dans un cadre particulièrement difficile. le pouvoir en place, sous les Omeyyades et plus particulièrement sous les 'Abbassides, était très sourcilleux sur l'orthodoxie sunnite et jetait le discrédit sur toute fausse note susceptible de donner plus d'assise au chiisme.

Il n'est pas du tout surprenant d'assister à une lutte sans merci pour la mainmise sur la religion dès l'avènement du deuxième calife Omar. L'élaboration de la vulgate coranique sous Othman avait donnée le ton de ce qui allait advenir en matière de politisation de la croyance. La volonté de régenter le culte s'en est davantage accentuée.

Dès l'époque Omeyyade, il y eut un islam officiel, proche du pouvoir en place et un islam légitimiste incarné par les chi'ites qui réclamaient un "juste retour des choses". Le message coranique subira dès lors beaucoup d'avatars pour culminer à l'époque 'Abbasside par une volonté de faire triompher le courant litté-raliste qui s'est non seule-ment attaché à mettre en avant l'aspect exotérique des Écritures Saintes mais en plus selon la technique de l'abrogation, s'est rangé sur les positions les plus restrictives voire répressives du message. Cette lecture littéraliste était le propre des théologiens de cour occupant des positions prédominantes dans le clergé informel de la judicature islamique.

Face à cette formalisation excessive d'une croyance basée sur l'émancipation des individus, d'autres catégories ont vu le jour pour mettre les pendules à l'heure: les philosophes et les soufis.

Les philosophes hellénisants n'avaient pas à proprement parler les coudées franches. Ils devaient promouvoir leur activité spéculative à l'ombre du dogme sous peine d'être taxés d'hérésie.

Les soufis

En schématisant à l'extrême, on pourrait dire que le soufisme est un ésotérisme par opposition à l'ésotérisme. Cette attitude ésotérique (batin) n'est pas fortuite, elle plonge ses racines dans le champ ouvert par le Coran. Dès lors que le soufisme représente l'aspect intérieur de l'Islam, sa doctrine est en substance un commentai-re ésotérique du Coran. Le prophète lui-même a donné la clef de toute exégèse coranique dans ses enseignements oralement transmis et vérifiés par la concordance d'intermédiaires.

Parmi ces paroles prophétiques, certaines sont fondamentales pour le soufisme, à savoir celles que le Prophète énonçait en sa qualité, non de législateur, mais de saint contemplatif, et qu'il adressait à ceux de ses compagnons qui furent, par la suite, les premiers maîtres soufis, puis celles où Dieu parla directement par la bouche du Prophète et qu'on appelle Sentences Saintes (Ahadith Qudsiya). Celles-ci relèvent du même degré d'inspiration que le Coran, mais non du même mode "objectif" de révélation; elles énoncent, du reste, des vérités qui n'étaient pas destinées à toute la communauté religieuse, mais aux seuls contemplatifs. C'est de là que part l'exégèse soufie du Coran, "se basant sur la parole du Prophète selon laquelle chaque parole du Coran comporterait plusieurs sens et sur le fait que chaque lettre a son sens (hadd) et que chaque définition implique un lieu d'ascension" (matla') 1.

Le soufisme est né pratiquement avec l'Islam, cependant le terme tasawuf n'est apparu qu'aux confins du IIe et IIIe siècles de l'hégire. Un groupe de spirituels chi'ites aurait été le premier désigné sous le nom de soufis. Parmi eux un certain 'Abdak (210/825) antérieur à Jonayd et son maître Sari al-Saqati.

La Tradition du Prophète abonde en préceptes mystiques. N'est-ce pas lui qui incita à une lecture ésotérique du Coran. Abou Hurayra disait: "j'ai gardé précieusement dans ma mémoire deux trésors de connaissance que j'avais reçu du messager de Dieu; l'un, je l'ai rendu public, mais si je divulguais l'autre, vous me trancheriez la gorge".

Après la disparition du dernier calife qui était le chef légal, théologique et mystique, l'autorité se divisa entre les jurisconsultes, les théologiens et les mystiques. Hassan al Basri (mort en 728) était probablement le premier mystique "pur" n'ayant pas de responsabilité dans la direction de l'État. C'est aussi le premier, sans doute, à avoir posé explicitement ce qu'allait être le fondement du soufisme: "Qui connaît Dieu l'aime, et qui connaît le monde y renonce" 2.

Ce renoncement est repris par Dâwad at-Tâ'i, disciple et successeur de Habib al 'Ajami (le persan) lui-même disciple de Hassan al Basri: "Fais ton jeûne de ce monde, fais ton déjeuner de la mort et fuis les hommes comme tu fuirais les bêtes" 3.

Ces principes vont inaugurer toute une lignée de mystiques qui ne vont pas se contenter de rechercher la haqiqa (vérité spirituelle permanente) au détriment de la Shari'a (la lettre de la loi divine). Au premier rang desquels Jonayd (mort en 297/909) surnommé Cheikh at-Taifa (le maître du groupe des soufis). Iranien d'origine, il reçut l'enseignement des plus grands maîtres de l'époque dont Abu Thawr al Kalbi et fût initié par son oncle Sari al Saqati. Il résida toute sa vie à Bagdad et laissa une quinzaine de traités dont Kitab at Tawhid (le Livre de l'Unicité) et Kitab al-Fana' (le Livre de l'Extinction). Il disait à propos de l'absorption mystique (al Fana'): "le soufisme, c'est que Dieu te fasse mourir à toi-même et vivre en lui" 4.

Le supplice de Hallaj

En 264/977, Hallaj fait la rencontre de Jonayd et pratique sous sa direction les exercices spirituels. Il reçoit la Khirqa (le manteau de soufi) des mains du maître. Mais dès son premier pèlerinage à la Mecque, il rompt ses relations avec les soufis ainsi qu'avec les traditionalistes et les juristes.

L'union avec Dieu réalisée grâce à l'amour était le sujet de ses prédications en public à Bagdad. Les canonistes en conçurent beaucoup de colère et l'accusèrent de panthéisme. Les soufis ne le soutinrent pas sous prétexte qu'il aurait divulgué des secrets qui ne devaient être communiqués qu'aux initiés. Hallaj avait commis la faute de rompre publiquement "la discipline de l'arcane". Les politiciens et les juristes réclamèrent une fatwa pour l'envoyer au gibet. Il fut mis à mort par un jour de printemps en l'an 922, le 24 Du'l-Qa'da.

Mais quels qu'aient pu être ses effets immédiat, son martyre se révéla finalement comme une source de force pour le statut des mystiques et pour le mysticisme lui-même au sein de la communauté dans son ensemble.

Le verdict déclarant que personne n'avait le droit de prononcer de telles paroles: "Ana al Haq" (je suis la Vérité) fut graduellement oublié en faveur d'une opinion selon laquelle ce n'était pas l'homme dans ce cas qui parlait et maintenant, pour un nombre croissant de musulmans la formule condamnée est elle-même d'abord un élément important de la preuve que Hallaj fut l'un des plus grands saints de l'Islam, alors qu'elle sert, en même temps, de démonstration générale du fait que les soufis ne sont pas toujours responsables de ce qu'ils expriment.

Cette reconnaissance graduelle et tardive est due en partie à des traités de soufisme plus simples. Des ouvrages accessibles à la masse comme Ta'aruf de Kalabadhi ou Kashf al Mahjub (le Dévoilement des choses cachées) de Hujwiri.

Les IVe et Ve siècles connurent un foisonnement sans pareil de grands maîtres. Niffari est une des figures les plus intéressantes. Auteur de Kitab al Mawaqif (Le Livre des Stations) ou il relate les révélations qu'il aurait eues en état d'extase:

"Il m'établit dans la Mort; et je vis que les actes, tous sans exception, étaient mauvais.
Et je vis la crainte régnant sur l'espérance;
et je vis la richesse changée en feu et adhérant au feu;
et je vis la pauvreté comme un adversaire qui dépose;
et je vis que, de toutes les choses, aucune n'avait pouvoir sur l'autre;
et je vis que le monde est une illusion et les cieux en mensonge.

Et j'appelai: "Connaissance" mais elle ne répondit pas.
Et je vis que toute chose m'avait abandonné, et que tout être créé m'avait fui, je restais seul. Alors l'acte vint à moi et je vis en lui une imagination secrète et cette partie secrète était ce qui restait; et rien ne fut de secours que la Miséricorde de mon Seigneur.

Il me dit: Où est ta connaissance?
et je vis le Feu.

Il me dit: Où est ta gnose?
et je vis le Feu.

Et il me dévoila Ses Gnoses d'Unicité et le Feu s'éteignit.
Et il me dit: "je suis ton ami" et je fus affermi.
Et il me dit: "Je suis ta Gnose" et je parlai. Et il me dit: "je suis Celui que tu cherches" et je sortis".

Au-delà des propos d'extase qui ne peuvent être entendus que par une infime minorité d'initiés, il y eut un phénomène qui sauva le soufisme des griffes de ses détracteurs le jour où Ghazali 5 se convertit au soufisme.

Ce personnage exceptionnel ayant éprouvé les limites du rationalisme, fit l'expérience intense et providentielle de la nécessité du soufisme. Devenu l'un des premiers théologiens et juristes de Bagdad, il parvint à un état de crise durant lequel, comme il nous le rapporte, il fut pendant deux mois, en proie à des doutes sur la vérité de la religion. Le salut lui vint d'un contact avec le soufisme. Il raconte sa conversion (tawba) dans son autobiographie: al Munqidh min al Dhalal (Celui qui sauve de l'erreur) dont voici un extrait significatif:

"L'examen de ces doctrines terminé, je m'appliquai à l'étude de la Voie Soufie. Je vis que, pour la connaître parfaitement, il fallait joindre la pratique à la théorie. Le but que les soufis se proposent est celui-ci: arracher l'âme au joug tyrannique des passions, la délivrer de ses penchants coupables et de ses mauvais instincts, afin que dans le coeur purifié il n'y ait place que pour Dieu; le moyen de cette purification est le dhikr Allah, la commémoration de Dieu et la concentration de toute sa pensée en lui. Comme il m'était plus facile de connaître leur doctrine que de la pratiquer, j'étudierai d'abord ceux de leurs livres qui la renferment... les ouvrages... les fragments qui nous sont restés des cheikhs. J'acquis une connaissance approfondie de leurs recherches, et je sus de leur méthode tout ce qu'on peut savoir par l'étude et l'enseignement oral; il me fut démontré que son dernier terme ne pouvait être révélé par l'enseignement, mais seulement par le transport, l'extase et la transformation de l'être moral... J'en savais tout ce que l'étude peut en apprendre, et ce qui manquait était du domaine, non de l'enseignement, mais de l'extase et de l'initiation... Faisant un sérieux retour sur moi-même, je me vis enserré de toutes parts dans ces attaches. Examinant mes actions dont les plus honorables étaient l'enseignement et le professorat, je me surpris plongé dans plusieurs études de peu de valeur et sans profit pour mon salut. Je sondai le fond de mon enseignement et je vis qu'au lieu d'être sincèrement consacré à Dieu, il n'était stimulé que par le vain désir de l'honneur et de la réputation. Je m'aperçus que j'étais sur le bord de l'abîme et que, sans une conversion immédiate je serai condamné au feu éternel... Enfin sentant la faiblesse et l'accablement de mon âme, je me réfugiai en Dieu comme un homme à bout de courage et sans ressources. "Celui qui exauce le malheureux qui l'invoque" daigna m'exaucer; il facilita à mon coeur le sacrifice des honneurs, des richesses, de la famille".

Si Ghazali, le juriste shaféite, avait donné sa caution en se jetant corps et âme comme en témoignent ses "confessions" dans le soufisme, son jeune contemporain Abd al Qadir al Jilani avait rendu cette reconnaissance pleinement effective. Abd al Qadir réussira à faire admettre définitivement le soufisme dans la cité. La tariqa qadiriya en tant que branche de la jonaydia se développera dans la majeure partie des pays musulmans.

Avant d'évoquer le prolongement du soufisme en confréries religieuses, il n'est pas inutile d'évoquer l'ultime sinon la figure la plus marquante de l'histoire du soufisme: Ibn 'Arabi.

Al cheikh al akbar

Ibn 'Arabi est sans conteste celui qui donnera tout son sens au soufisme tant par sa pratique que par les centaines d'ouvrages qu'il a rédigé.

Né à Murcia en Andalousie en 569/1165, il rencontre à l'âge de 17 ans Ibn Rochd (Averroès) qu'il ne devait jamais revoir. Ibn 'Arabi peut être considéré comme un héritier d'Abou Madyan Shu'ayb 6 car il fut en contact étroit avec plusieurs de ses disciples et parlait toujours de lui avec la plus grande vénération, le désignant parfois comme son "Cheikh".

Bien qu'ils ne se soient jamais rencontrés de fait, ils communiquèrent néanmoins grâce au miracle de la lévitation. Le lien spirituel existant entre eux fut confirmé au temps de la jeunesse d'Ibn 'Arabi. Ce dernier raconte qu'un soir après avoir accompli la prière du maghrib [coucher du soleil], il se mit à penser très fort à Abou Madyan et ressentit un très vif désir de le voir. Quelques instants plus tard, un messager entra, le salua et l'informa qu'il venait de la part du saint avec lequel il venait d'accomplir la prière à Bougie. Abu Madyan l'avait chargé de dire à Muhyi'd-din: "Pour ce qui est de notre rencontre dans l'esprit, tout est bien, mais Dieu ne permettra pas celle que nous pourrions avoir dans ce monde matériel. Rassurez-vous, cependant, car le temps fixé pour une rencontre entre vous et moi se situe dans la sécurité de la miséricorde divine" 7.

Ce disciple de Abu Madyan, écrivain d'une prolixité colossale, produisit au cours de son existence quelques huit cent cinquante-six ouvrages dont seulement cinq cent cinquante nous sont parvenus et sont attestés dans deux mille neuf cent dix sept manuscrits. Son chef-d'oeuvre le plus célèbre s'intitule: Kitab al Futuhat al Makkiya (Le livre des conquêtes spirituelles de la Mecque ou Illuminations Mecquoises). Cet ouvrage fut rédigé à la Mecque sous l'injonction de l'ange de la révélation. Il comporte 565 chapitres répartis sur quatre volumes.

Ibn 'Arabi s'éteignit paisiblement à Damas, entouré des siens, le 28 Rabi' 11638/16 Novembre 1240 peu avant la prise de Bagdad par les Monghols en 1258.

Depuis la disparition du Khatem Al Awliya' (Sceau des Saints), le soufisme n'a plus connu de théoricien de cette envergure. Les ordres soufis ont servi, depuis lors, de relais avec des fortunes diverses à ces penseurs qui incarnèrent la spiritualité de l'Islam.

1 Burkhardt. Introduction aux doctrines ésotériques de l'islam
2 Abu Sa'id al-Kharraz. Kitab aç-Cidq
3 Qushairî. Risâlah
4 Qushairî. Risâlah
6 Al Ghazali surnommé Hujjat al Islam (la Preuve de l'Islam) naquit en 451/1059 à Tus dans le Khorassan. Après une formation de théologien et de juriste, il est nommé professeur à la Madrasa Nizamîya de Bagdad en 484/1091. En 488/1095, il renonce à sa chaire et entame une retraite mystique jusqu'à sa mort survenue en 505/1111.

7 Abu Madyan Shu'ayb était né à Séville, mais il se rendit en Orient où il aurait reçu son investiture (Khirqa) des mains d'Abd al-Qâdir Jilani.

27/01/2015

« Nous ne sommes jamais assez poète » (Esther Tellermann)

Source à citer impérativement : http://blogs.mediapart.fr/blog/patrice-beray/250115/nous-...

 

|  Par Patrice Beray

Tel est le titre d’un essai publié l’été dernier par Esther Tellermann, une des voix (discrète) de la poésie de langue française. Rien là dans ce titre de ce ton déclaratif dont on fait les mots d’ordre (intermittents) ou les généralités (écumantes). Il s’agit simplement de dire, pour celui qui s’y aventure, que le poème est une expérience.

Mais d’abord, avant même de situer un peu mieux cette expérience, à quoi la reconnaîtrait-on cette manière singulière du poème d’apparaître ? Autrement dit, à nos yeux de lecteurs, avant même de poser quoi que ce soit qui serait de l’ordre de la réflexion, du « retour » sur le poème, sur cette « expérience » particulière qu’il indique, qu’est-ce qui pourrait bien – comme à la dérobée – nous ravir encore, nous incliner toujours à percevoir comme telle une écriture poétique ?

Ainsi, contre toutes les archéologies du savoir (jusqu’aux strates les plus contemporaines), ce poème nous dirait qu’il est toujours temps au moment de le lire d’écarter les grilles de lecture, que l’on a tout le temps pour les apposer. Tant il s’imposerait d’abord de le laisser s’effiler, déborder, au moment de l’inventer comme au moment de le découvrir.

Pour éprouver ce « sentiment » que l'on aime un poème, sans avoir à se l'expliquer, ouvrir un livre de poèmes d’Esther Tellermann peut suffire. Ce sentiment, c’est le phrasé du poème qui le communique, dans son apparente solution de continuité, faite donc d’infimes sautes de sens, de directions, aux disjonctions pourtant comme étouffées dans sa rythmique, tant une vision le soutient, lui prête au bout du compte sa voix, comme ici dans le recueil Un point fixe :

Je m’étais disposée
     de face
dans le jardin et
le feuillage
cherchais
sommeils éteints
brouillards des
nostalgies
     lueurs afin que
deviennent
les horizons
j’ai vu les sables

dans les soleils.

Pétri de toute l’âpreté de certains poètes de la revue L’Éphémère (d’André du Bouchet, Paul Celan, notamment), requis par un égal souci d’épellation littérale de la langue (chez Claude Royet-Journoud par exemple), le poème d’Esther Tellermann est plus encore à rapprocher de ce « geste de la parole » qu’a voulu y joindre l’instigateur de la revue Argile, Claude Esteban, pour qui elle écrivit ces mots lors de sa disparition :

« Le poème [...] n’est “qu’un geste de la parole”. Un geste offert vers le dehors qui ne nous assure ni le salut d’un vocable neuf, ni une issue possible “au mirage du concept” [...]

« Alors les mots du poème tombent en pluie simple, impérieuse et laconique. Ce sont les mots du pauvre et du fou, les mots fredonnés sur la lande pour tous les morts, la marche de celui qui s’incline pour les entendre, défaire les certitudes, les rapporter à l’appel de la voix humaine » (in Europe, no 971, mars 2010).

C’est cette expérience d’une écriture que lacèrent les mots pour faire advenir une voix à travers les figures dévoilées par le geste d’écriture, une fois les images mises à nu, que donnent aussi à lire certains poèmes du recueil Un point fixe :

Nous avions vécu
la parole
comme un masque
       qui tombe
       tout éclatait
       au centre du
       signe.

*

Notre expérience
      fut
d’entendre
nous commencions
par le bruit
     de l’espace
sa fuite         hors
des règles du temps
une erreur
     calculée
de la distance
entre le mot
     et vous
ce qui l’efface
rétablit
le milieu
du regard.

Odile Savajols-Carle, aquarelle (1960)Odile Savajols-Carle, aquarelle (1960) © Tous droits réservés

Ce regard vers un « point fixe » est une vrille qui révèle le réel au poème :

Asphaltes baignées
à nouveau se
retirent
je voulais
    vos genoux
votre joue se creuse
c’est l’air que je
     respire
douleur interrompt
la cambrure     déplace
         l’instant
ce qui est
         perdu

une anse emporte

  le soleil.

Si l’on ne peut manquer d’être profondément intrigué par les traces à peine divulguées de différents récits du monde dans bien des livres d’Esther Tellermann, c’est la force de ses appels, incomparable aujourd’hui, pas même avec les prédécesseurs qu’elle s’est reconnus, qui magnétise ses poèmes. Où toujours une voix renaît des cendres de l’écriture :

Cieux avaient défait
     les liens
     aciers   la perle

orages enfouis
rafales ont inondé
ce que la terre
     allume
     une page
     au loin noircie
emporte le

     nuage.

_______________

Esther Tellermann, Nous ne sommes jamais assez poète, essai, éditions La Lettre volée, 21 €, 2014 ; Un point fixe, coll. “Cendrier du voyage”, éditions Fissile, 10 €, 2014. Esther Tellermann est aussi publiée dans la coll. “Poésie” des éditions Flammarion.

 

 

 

 

25/01/2015

J'me présente je m'appelle....

Source : http://www.lesurbainsdeminuit.fr/coups-de-coeur-et-autres...

PUBLIÉ LE 31/03/2014 à 16 PAR JACQUES SCHAELLER

Je m'appelle Jacques, mais vous pouvez m'appeler Mohamed, si ça vous fait plaisir !

Ceci est la réponse que je fais à qui me demande mon prénom et s'étonne de trouver un prénom si "français" sur ma gueule d’Arabe…

C'est à se dire que nous avons un problème profond avec la notion d'étranger dans notre pays. "Non mais sérieusement c'est quoi ton vrai prénom ?", " Tu as honte de tes origines ?"… Honte de mes origines ?? Lesquelles ? J'ai du sang français (alsacien, auvergnat), marocain, allemand, algérien (Algérie "française"), espagnol, italien… Et toi tu as honte d'être con ? Tes ancêtres se reproduisent entre frères et soeurs depuis plusieurs générations ?? 
Je suis las ! Las de devoir m'excuser de ne pas rentrer dans la petite case où certains regards obtus aimeraient me faire entrer. 
Las de devoir décliner mon identité comme à un contrôle de police… Ou comme un chien doit donner la patte… 
Je suis fier d'être un bâtard, tant pis si cela fait de moi un étranger dans mon pays.

Au vu des résultats des dernières élections municipales et de cette montée de l'extrême droite, je me questionne… À qui la faute ? À la politique du bonnet blanc, blanc bonnet ? Aux abstentionnistes ? À tous ceux qui n'ont pour opinion politique, que leur haine, leurs frustrations et ne militent que pour leurs propres petits intérêts ? À la "crise" ? Au Pôle emploi ? Au chansons de Khaled ? À la bêtise… (si on s'accorde à dire que la bêtise est humaine, les français semblent devenir de plus en plus humains…) Quel dommage qu'ils ne fassent pas front contre l'invasion extraterrestre, plutôt que de faire "Front National"…

Je n'ai pas honte de mes origines, j'ai honte d'être amalgamé à une bande de bas-du-front, qui donnent de mon pays une bien vilaine image.

Sir cé j'y vous laisse j'y dois priparer li pigeot pour rentrer au bled, même si j'y connais pas li bled… Comme on dit chez moi : "couscous loukoum kebap kebab harissa harissa !!" 

Bonjour chez vous.
Ja… Mohamed

 

 

 

 

23/01/2015

L'Histoire, absente de la question antiraciste

Par Caroline Trouillet

Historien spécialiste des racismes et des antiracismes dans la France contemporaine, Emmanuel Debono tient un blog depuis juin 2014 "Au Cœur de l'antiracisme". Rencontre. -

 

Pourquoi, en tant qu'historien, avoir créé un blog sur l'antiracisme ?

E.D.B : C'est un domaine de réflexion où je m'efforce d'introduire un peu de complexité, le sujet étant trop souvent dominé par le manichéisme. Car l'Histoire semble absente de l'approche de la question de l'antiracisme, comme si tout avait commencé avec SOS Racisme dans les années 1980. Or des débats du XXe siècle, et parfois antérieurs, font étrangement écho aux tensions actuelles entres mouvements antiracistes.

 

Vous parlez de "fractures" historiques dans les mouvements antiracistes français. C'est-à-dire ?

E.D.B : Les mobilisations antiracistes naissent au début du XXe siècle. L'aspect dominant est alors le rejet du racisme antijuif avec, en références appuyées, les principes de la République et la laïcité. Le discours antiraciste s'est construit dans ce cadre où les différences, les particularismes, devaient s'estomper devant des valeurs communes à tous les Français. Les premières organisations antiracistes sont alors la LICA (1) et le MRAP (2). Elles s'intéressent surtout aux idées et aux agressions verbales : on combat le racisme sur le terrain de la presse, dans la rue, mais le principe de la discrimination n'est pas vraiment pris en compte. La République, avec son idéal assimilationniste, peine à reconnaître les différences de traitements qui touchent certaines personnes dans le quotidien, dans les services publics. Dès lors, dans les années 1970, des associations commencent à critiquer les vieilles centrales comme la LICRA et le MRAP, par exemple le Mouvement des Travailleurs Arabes. En effet, avec cet antiracisme universaliste et l'idée de l'unicité du racisme, on tend à ignorer la spécificité de certaines revendications et l'existence d'identités qui exigent de plus en plus leur reconnaissance. Des militants estiment aujourd'hui que celui qui n'est pas directement touché par le racisme ou les discriminations ne peut s'ériger en porteparole des victimes. Mais d'autres rejettent le fait de désigner d'emblée des groupes de victimes, notamment ceux qui s'estiment abusivement rattachés. Cette problématique existait déjà dans les années 1930, lorsque des militants juifs se mobilisaient contre l'antisémitisme tandis que d'autres, les "Israélites", ne ressentaient pas cette forme de racisme, s'estimant parfaitement assimilés. Les nouvelles organisations militantes actuelles, mais aussi, dans une certaine mesure, les vieilles centrales de l'antiracisme, contribuent à dessiner les contours de catégories de victimes et à fragmenter la communauté nationale en sous-groupes. On voit toute la complexité de la lutte antiraciste, les critiques et les contradictions internes qu'elles peuvent engendrer.

 

Qu'en est-il de l'enseignement du racisme et de l'antiracisme?

E.D.B : Très peu d'historiens étudient l'antiracisme. On manque cruellement d'éclairages à ce sujet. Quant au racisme, il n'est pas véritablement enseigné. C'est un paradoxe car figurent bien dans les programmes scolaires des sujets aussi variés que la traite des esclaves, la Shoah, le conflit israélo-palestinien, le génocide des Tutsi au Rwanda… Mais ce qui fait défaut, c'est une certaine exigence conceptuelle pour aller au-delà des représentations basiques.             

(1) Ligue Internationale contre l'Antisémisme, rebaptisée LICRA, Ligue Internationale contre le Racisme et l'Antisémisme en 1979

(2) Mouvement contre le Racisme, l'Antisémitisme et pour la Paix puis Mouvement contreisme et pour l'Amitié entre les Peuples à partir de 1977

Source : http://www.africultures.com/php/index.php?nav=article&...

 

Blog d'Emmanuel Debono : http://antiracisme.blog.lemonde.fr/

 

 

22/01/2015

(Enfin) Une vision positive de l’enfant

 

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Cet article est involontairement d’une actualité bouleversante.
Ce mercredi 7 janvier, le siège du journal satirique Charlie Hebdo a été attaqué à l’arme de guerre. La rédaction a été décimée.
Puisse cet article contribuer à la réflexion sur la violence et la haine en y apportant des propositions bienveillantes et altruistes.

Oui, la nature humaine est bonne ! d’Olivier Maurel est un livre qui (re)donne la gniaque !
Grand classique de l’éducation bienveillante, cet ouvrage se penche sur la source de la violence humaine et va à contre-courant de l’idée selon laquelle cette violence serait innée, gravée dans nos gènes, notre nature, notre espèce.

Olivier Maurel, admirateur et diffuseur des idées d’Alice Miller est président de l’Observatoire de la violence éducative ordinaire. Tous ses livres (que je vous recommande !) portent sur la violence et ses causes.

La violence éducative ordinaire, origine et répercussions

Tout le monde en France s’accorde à dénoncer les châtiments corporels faits aux enfants. Mais étonnamment, cette mise au pilori est accompagnée d’une indifférence toute aussi généralisée concernant la violence éducative ordinaire.

La violence éducative ordinaire ce sont les gifles, les fessées, les « petites » tapes sur les mains, la tête, l’arrière-train… C’est aussi la violence psychologique : le mépris, la dévalorisation, l’exclusion, l’indifférence des adultes vis-à-vis des enfants.

«Un sondage SOFRES réalisé en France en janvier 1999 pour l’association Eduquer sans frapper nous apprend que 84% des personnes interrogées donnent des coups à leurs enfants (33% en donnent rarement, 51% en donnent souvent).»

Cette situation n’est pas spécifique à la France. Olivier Maurel nous apprend que 80 à 90% des enfants dans le monde ont reçu des coups de leurs parents ou de leurs enseignants, grands-parents, éducateurs… bref des adultes représentant la base de sécurité de l’enfant.

Nous avons donc (presque) tous subi une forme de violence dans notre éducation (et la moitié d’entre nous de façon régulière !), et ce, à une période de notre vie où notre cerveau est en plein développement et en construction.

Or, la violence éducative ordinaire est une forme de maltraitance. Et c’est un des objectifs de ce livre de démontrer pourquoi.

Effets de la violence éducative

«Il semble cependant qu’on puisse dire qu’appartiennent spécifiquement
aux conséquences de la violence éducative :

  • l’apprentissage des gestes de la violence ;
  • la valorisation de cette forme particulière de violence qu’est la violence éducative ;
  • l’indifférence au spectacle de la violence éducative considérée comme normale ;
  • l’ignorance, l’oubli, le silence, la cécité par rapport à la violence éducative ;
  • le stress provoqué par les coups ou la peur des coups ;
  • l’apprentissage du mépris des enfants, corollaire du fait qu’on a le droit de les frapper comme s’ils étaient des êtres inférieurs ;
  • et bien sûr, les effets physiologiques spécifiques de la violence éducative […] ;»

A partir de travaux de recherche en sociologie (Alice Miller), neurosciences (Antonio Damasio), philosophie (Emmanuel Todd) et même primatologie (le travail de Frans de Waal sur les grands singes), l’auteur établit les effets de la violence éducative sur les victimes et analyse ses conséquences politiques, économiques et sociales. C’est passionnant !

D’où vient la violence éducative ordinaire ?

Le plus gros problème de la violence éducative est qu’elle se nourrit d’elle-même.
Parce qu’on a facilement tendance à reproduire (au moins en partie) le modèle d’éducation que l’on a reçu, parce que l’on a tendance à minimiser la portée des coups reçus (le fameux « J’ai reçu des fessées et j’en suis pas mort-e »), parce qu’il est difficile de porter un regard critique sur ses parents, parce que aussi on ne sait pas comment faire autrement.

Ainsi les nombreuses études démontrant la nature intrinsèque de la violence humaine sont biaisées, car elles ne tiennent pas compte du fait que leur sujet d’étude (les Hommes) sont eux-mêmes conditionnés à cette violence de par leur éducation.

Nous sommes comparables à des sexologues qui vivraient dans une population composée uniquement de femmes excisées et infibulées, et qui considéreraient les conséquences de cette particularité comme naturelles. Quelle confiance pourrait-on faire à leur connaissance de la sexualité humaine ?

Réhabilitation de l’enfant

Olivier Maurel va à l’encontre de l’idée largement répandue selon laquelle l’Homme (et donc l’enfant) est fondamentalement mauvais et que c’est l’éducation/la société/la civilisation qui peut le rendre bon.
Il retrace l’historique de cette conception pessimiste, diffusée depuis des millénaires par les religions (le pêché originel), la psychanalyse (« l’enfant est un pervers polymorphe » et la théorie des pulsions) et la sagesse populaire (« Qui aime bien, châtie bien »).
Au contraire, l’empathie, la sociabilité et la solidarité sont des valeurs fortement ancrées en nous et qui nous ont permis de survivre et d’évoluer tout au long de notre histoire.

Et si on était tous bienveillants ?

L’exemple des 400 « Justes parmi les nations » est pour cela édifiant. Samuel et Pearl Oliner ont étudié l’enfance et l’éducation qu’ont reçu ces hommes et ces femmes qui, au péril de leur vie et sans l’espoir de la moindre récompense, ont sauvé la vie de leurs congénères désignés par la pensée dominante comme sous-hommes.
Il s’avère que tous ces Justes, absolument tous, ont vécu dans un climat familial aimant et respectueux, et ont eu une éducation non autoritaire et non répressive. Ils expliquent d’ailleurs leur choix comme « étant naturel », « allant de soi ». Leur altruisme est instinctif.

A l’inverse, tous les grands dictateurs de l’Histoire ont subi durant leur enfance des violences extrêmes de la part de leurs parents.

«L’enfant n’est pas partagé entre le bien et le mal. Il est tout entier positivité, volonté de vivre et de vivre avec. […] Avoir le choix entre respecter les autres et soi-même, ou leur nuire, c’est en fait avoir le choix entre être soi-même ou se renier.»

L’éducation bienveillante n’est donc pas seulement bénéfique dans la relation parent-enfant, elle est aussi LA solution à la violence de nos sociétés. Nous devons faire confiance à nos enfants et les laisser grandir en les accompagnant et en leur permettant de s’exprimer pleinement plutôt qu’en les contraignant et en les dirigeant. C’est à cette condition que nous aurons des sociétés plus justes, plus égalitaires et plus heureuses.

En conclusion

Malgré quelques redites et des citations parfois surprenantes (j’ai du mal avec les sources du type « un reportage de TF1 nous apprend que…. »), ce livre reste un document quasi exhaustif à lire absolument.
Olivier Maurel ne juge pas, n’accuse pas, mais dévoile les mécanismes historiques, sociologiques, culturels et sociétaux qui font que la violence éducative est malheureusement la norme pour l’immense majorité de l’humanité. Mais cela peut encore changer. Il faut pour cela que les adultes considèrent les enfants comme des êtres à part entière, dont la vulnérabilité ne doit pas être vue comme une faiblesse mais comme un investissement sur l’avenir.
Ce livre confirme bien ma conviction profonde : Les enfants d’aujourd’hui sont les citoyens de demain.

Alors quel monde voulons-nous pour demain ?

Source : http://lesvendredisintellos.com/2015/01/09/enfin-une-visi...