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29/08/2015

Troupeau

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21/08/2015

Banksy's Dismaland park a Weston Super-Mare !

 

 

 

 

17/08/2015

Jacques Bonnaffé et Denis Podalydès - Matin brun de Frank Pavloff

 

 

25/07/2015

Chers agriculteurs en colère, de quoi vous étonnez-vous ?

Notre riverain Tibokaya est travailleur social, issu d’une famille paysanne. Le mouvement de protestation des « agriculteurs en colère » suscite chez lui beaucoup d’incompréhension. D’où cette lettre ouverte aux militants de la FNSEA et à ceux qui se retrouvent dans leurs combats. Mathieu Deslandes
Tibokaya | Jeune flegmaticien mayennais (et breton d'adoption)

Je ne suis inscrit dans aucun parti ni syndicat, je ne suis pas un électeur bobo-écolo EELV, je ne travaille pas dans le secteur agricole ; je suis travailleur social. Rien à voir. Je suis un Mayennais qui a emménagé en Bretagne, dans le Coglais voisin.

Depuis plusieurs semaines, je lis dans les journaux locaux que des actions quasi simultanées sont organisées par les éleveurs devant des grandes surfaces de villes que je connais bien, comme Laval ou Fougères. Je tenais à vous dire que vos actions ne suscitent absolument pas l’empathie d’un citoyen comme moi.

Je m’explique. Je viens vous parler du fond et non de la forme.

 

C’est souvent la forme de vos actions qu’on vous reproche. Pas moi. La violence – même si elle est uniquement matérielle dans votre cas – règle rarement les problèmes. Elle prend le risque de susciter plutôt de la réaction du côté des forces de l’ordre au sens large (police, gendarmerie, préfecture...). Et à la fin, en général, ceux qui gagnent, ce ne sont jamais ceux qui sont en face des boucliers et des matraques.

Cependant, si la violence ne se justifie pas dans un contexte quelconque, elle peut toujours s’expliquer. Or, dans votre cas, je ne vois pas où est l’explication.

L’incohérence de vos positions

C’est donc sur le fond que je porte ma critique de vos positions. Vous vous êtes installés en acceptant de jouer le jeu de la soi-disant « modernité » qui vous fait raser vos haies et vos talus, acheter d’immenses engins à crédit ou encore investir, toujours à grands coups de crédits et de subventions, dans des salles de traite high-tech. Vous avez accepté de jouer ce jeu orchestré par une Union européenne ultralibérale et des banques qui s’enrichissent sur votre travail et sur vos réveils réglés à 4h30 du matin.

Aujourd’hui, vous vous plaignez des prix auxquels la grande distribution et ses intermédiaires vous achètent vos produits. Tout ça pour quoi ? Je suis désolé de le dire – et blesser n’est pas mon intention : pour produire des denrées de mauvaise qualité, impropres pour notre santé et mises en circulation dans un système qui encourage le gâchis en quantité industrielle. Quelle est votre cohérence de vouloir jouer ce jeu tout en critiquant le fait d’être pris pour les dindons de la farce libérale ? C’était écrit sur la boîte ! Pourquoi faire aujourd’hui les étonnés ?


Manifestation d’agriculteurs devant centre commercial près de Rennes, le 2 juillet 2015 (DAMIEN MEYER/AFP)

Dans ce qui m’apparaît comme de l’incohérence, combien des membres de votre syndicat sont allés faire leurs courses chez Carrefour, Leclerc, U, Netto, Liddl ou Leader Price le week-end dernier ?

Dans le Coglais, je connais deux adresses de paysans. Ils le sont encore. Ils ne sont pas encore devenus ces « exploitants » qui ne se contentent que « d’exploiter » la terre et les bêtes au lieu de la cultiver et de les élever. Ils produisent pour les uns légumes et œufs, pour les autres volailles. Une troisième adresse existe dans un village limitrophe du canton pour les volailles. Ces deux premières adresses font de la vente directe.

Ainsi peuvent-ils, eux, critiquer la PAC, l’Union européenne et la grande distribution. Ainsi sont-ils, eux, cohérents lorsqu’ils le font. Ainsi seraient-ils, eux, légitimes pour manifester leur colère face à ce que l’on nous vend dans les supermarchés.

Vivre de l’agriculture hors de ce système

Je suis petit-fils d’ouvriers agricoles devenus métayers au milieu du siècle dernier. Je suis Mayennais jusqu’aux os et j’ai fait le choix, après dix années passées en centre-ville de Rennes, de retrouver la campagne qui m’a vu grandir heureux. Je crois être attaché à la terre et à ces valeurs qui ont animé mes grands-parents. Or, la terre, ce sont eux qui me l’ont dit, elle produit simplement et naturellement, avec la force de nos bras – aidée de nos outils motorisés, ne soyons pas rétrogrades. Pas besoin de produits chimiques. D’ailleurs, les rendements sont meilleurs sur les petites exploitations qui diversifient leurs cultures.

Aujourd’hui, il est tout à fait possible de vivre de l’agriculture hors de ce quatuor infernal : chimie-UE-banques-gâchis. Cela existe déjà, d’ailleurs – vente directe avec ou sans Amap (Association pour le maintien d’une agriculture paysanne). Aussi, celui qui décide volontairement d’entrer dans ce jeu, accepte d’être le dindon. Ou bien a-t-il toujours le choix de tourner le dos au productivisme et de partir faire une autre agriculture. Saine. Pour lui, psychologiquement, et pour nous, les consommateurs.

Vous qui devez aimer profondément l’agriculture, que faites-vous encore dans ce système ? Vous remarquerez qu’à aucun moment, je ne vous ai parlé de labels, de bio, d’écologie politique. Je ne mets pas non plus de majuscule quand je parle de la terre. Je parle de la matière et de rien d’autre. Je vous parle de bon sens, souvent qualifié à raison de « paysan » et de santé.

Par ces actions, vous vous isolez. Ayez également conscience que ce système vous fait passer pour des fainéants que vous n’êtes pas, et qui se contenteraient de grogner, salir et casser tout en profitant des subventions européennes. C’est bien sûr plus compliqué que cela. N’empêche qu’à la source de tout problème, il y a un choix individuel qui nous y a menés. Il est temps de le voir.

 

Source : http://rue89.nouvelobs.com/2015/07/10/chers-agriculteurs-...

 

 

07/07/2015

Angélique Ionatos - "Les poètes sont en exil"

 

Les poètes sont en exil. Dans notre monde, soumis à une nouvelle barbarie celle de la ploutocratie, il nous faut les interroger pour retrouver la mémoire et l'utopie tout à la fois.
Ce sont eux qui veillent sur notre humanité.
Ma « belle et étrange patrie » qui a déposé une terre si fertile sur mes racines,...
m'a enseigné que la poésie depuis toujours nourrit le chant.
Et ce chant peut devenir un cri.

Aujourd'hui la Grèce est défigurée.
Les Grecs sont humiliés.
Le premier devoir d'un artiste est de témoigner de son temps.
Et de résister! « Chacun selon ses armes », disait le poète Elytis, pour redonner espoir et dignité.

Souvent je me sens découragée et impuissante face à tant de malheur.
Parfois je suis même tentée de me taire.
Alors je lis mes poètes. Leurs mots jamais ne s'oxydent à l'haleine du désespoir.
Leur parole est politique et souvent prophétique.

Et voilà que l'espoir revient comme « un chant de maquisard dans le forêt des aromates ».
Ce cri et cet espoir vont habiter aujourd'hui mon propre chant.

 

Angélique Ionatos. Juillet 2015

 

24/06/2015

La marque du diable

  23 juin 2015

 (mise à jour : 24 juin 2015)

 

En 1879, le docteur Dujardin-Beaumetz, de l’hôpital St Antoine à Paris publie le cas inédit d’une jeune femme qui ne sent rien quand on la transperce d’aiguilles mais dont la peau est si sensible qu’on peut écrire sur elle… du bout du doigt.

Lorsqu’elle entre dans le service du docteur Dujardin-Beaumetz, Marie présente tous les symptômes de l’hystérie. Elle est souvent saisie de compulsions (pleurs et rires involontaires), s’évanouit à répétition et souffre tantôt de surdité, tantôt de somnambulisme, de catalepsie ou de convulsions. Cette malade de 29 ans présente surtout la particularité d’être totalement insensible à la douleur. «On peut lui traverser de part en part la peau des membres, du ventre, des seins, de la face, sans qu’elle ressente la moindre douleur», écrit Dujardin-Beaumetz. Chose inouïe, la peau qui ne réagit pas aux piqures semble en revanche ultra-sensible aux contacts légers. Elle est anesthésiée mais rougit «au moindre contact» (1). «On peut tracer les caractères que l’on veut sur la peau de cette malade». Il suffit d’y promener le bout du doigt. Ahuri par le phénomène, Dujardin-Beaumetz en fait part à un collègue, Ernest Mesnet, qui constate à son tour, stupéfait.

«Si, prenant un stylet mousse, un crayon taillé fin, nous traçons sur ses épaules, sur sa poitrine, sur les bras, sur les cuisses, le simulacre d’un mot, d’un nom, d’une figure […] nous voyons presque à l’instant une rougeur vive se manifester sur la ligne parcourue par l’instrument. Cette rougeur diffuse constitue le premier temps du phénomène. Deux minutes après, la lettre ou l’inscription commence à paraître sous forme d’un tracé blanc rosé, d’une teinte beaucoup plus pâle que l’érythème rubéolique qui l’encadre de tous côtés». Encore quelques minutes et voilà que «la ligne pâle s’étend, grossit rapidement, prend un relief de plus en plus saillant» qui peut atteindre 1 à 2 millimètres de hauteur. «Bien des fois, nous avons obtenu ainsi des inscriptions assez développées pour qu’on pût les lire à vingt mètres de distance », affirme Mesnet qui propose de baptiser le phénomène «autographie». Dujardin-Beaumetz suggère, quant à lui, de nommer la patiente «femme-cliché», par allusion au daguerrotype, alors en plein essor. Son allocution, prononcée le 11 juillet 1879, fait un triomphe. Tous les médecins se mettent à tracer des signes sur leurs patients, dans l’attente du même phénomène qu’ils essayent de comprendre…

Dans un chapitre de son livre L’Image ouverte, le philosophe et historien de l’art Georges Didi-Huberman essaye lui aussi de comprendre. La nomenclature évolue, dit-il. Dans le courant du XIXe siècle, on parle d’«urticaire factice» ou «nerveuse», de «dermoneurose vasomotrice», de « sténographie cutanée», de «stigmatographisme»… Puis on se lasse d’écrire sur le dos des patients en espérant saisir quoi que ce soit de leur maladie. Il y en a trop. En 1893, une thèse rédigée sur le «dermographisme» s’appuie sur l’étude de 70 cas. En 1901, le chiffre a probablement doublé, voire triplé. Un médecin note, blasé, que ce symptôme n’est finalement «pas très rare si on prend la peine de le chercher.» Il s’avère que les hystériques incorporent volontiers des troubles sur simple effet de suggestion. Les malades sont «impressionnables», dans tous les sens du terme. Il suffit de leur en faire la suggestion pour qu’ils se mettent à simuler sur commande quantité de maladies, dont leur peau reproduit magiquement les apparences. Certains d’entre eux peuvent contrefaire des boutons de scarlatine un jour, les érythèmes de la variole le lendemain et les rougeurs de la rougeole, le surlendemain. Leur peau est celle d’un caméléon, éperdument saisie par l’envie de «figurer» le mal (2).

L’hystérie est une «structure de fantasme», explique Didi-Huberman. Cette forme d’auto-intoxication consiste à simuler tous les troubles associés dans l’imaginaire populaire à ce que les médecins ont nommé «hystérie». Usant de leur corps comme d’un outil théâtral, les hystériques mettent en scène des symptômes. «Leur surface corporelle ne les spécifie qu’à devenir la pure surface d’inscription du désir de l’autre». C’est ainsi, note Didi-Huberman, que cette peau se stigmatise. Celle de Marie, notamment, – qui «perd son sens pour faire Accueil au sens de l’autre» – n’est pas sans rappeler la peau des sorcières qui, dit-on, les trahit par des marques attestant qu’elles appartiennent au diable. En 1890, Mesnet publie d’ailleurs, au sujet de Marie, un texte établissant le curieux parallèle entre les caractéristiques de sa maladie et «les stigmates de la sorcellerie». «De même qu’autrefois les maîtres imprimaient à leurs esclaves des marques pour les reconnaître dans leurs fuites, de même aussi les démons imprimaient, avec leurs ongles des marques qui attestaient perpétuellement la servitude dans laquelle ils avaient entraîné leurs nouveaux adeptes. Ces marques, ces stigmates étaient, entre tous les signes de possession, le plus démonstratif, le plus fatal ! C’était le stigma ou sigillum diaboli !».

«Une éraillure de la peau, une ou plusieurs empreintes accusaient la griffe du diable, marquée soit par un ongle — le plus souvent l’auriculaire — soit par tous les doigts ensembles appliqués sur la peau. Une cicatrice — où qu’elle fut placée — était signe de possession ancienne ; une rougeur avec gonflement et saillie indiquait la possession récente. […] Entre toutes les épreuves, celle de l’aiguille était la plus redoutable ! car si le démon, seul, pouvait, disait-on rendre la peau insensible à la piqûre, lui seul pouvait bien mieux encore faire naître des rougeurs, des élevures, des saillies sur ces régions du corps privé de sensibilité. (3)» Mesnet se félicite que «l’époque de fanatisme» et d’inquisition barbare soit révolue. Dieu merci, on ne condamne plus au bucher les femmes portant la «marque du diable». Mais le stigmate, pourtant, continue d’exister et ce sont les médecins eux-mêmes qui l’apposent. Ils ne se privent en effet pas de tracer des signes cabalistiques sur la peau de leurs patientes. Parfois même, ainsi que Didi-Huberman le révèle dans son livre, les médecins écrivent le mot SATAN sur le dos des hystériques.

«Le diable a dû battre en retraite devant les progrès de la Science et de la Raison», affirme Mesnet, qui omet pudiquement de dire à quel point la notion du Mal reste prégnante dans les milieux de la médecine. Le Mal, bien sûr, n’est plus de nature démoniaque, mais les mots savants dont on l’habille restent infamants. Ce qui explique peut-être pourquoi les hystériques du XIXe siècle manifestent de façon spectaculaire leurs troubles, affichant à même la peau le désordre qui les frappe : celui qui touche à l’utérus (hysteria). Elles ont le mal du désir, résume Didi-Huberman. Or ce mal, d’où vient-il sinon de l’autre ? Les femmes autographes en sont parfois «affectées» jusqu’au prodige. Certaines se mettent à avoir leurs règles dès lors qu’on leur caresse le dos. Le simple contact d’un doigt déclenche une montée de sang, ou plutôt «une remontée du viscéral vers la surface : c’est le moment où le sang fait “anadrome“, par dilatation du système vasomoteur, et vient, du dedans, troubler la surface cutanée». Il n’y a là rien d’innocent, ajoute-t-il : «cette “remontée“ de l’incarnat fut le plus souvent associé, dans les anciennes théories figuratives, à une naissance du désir».

A LIRE : L’Image ouverte, de Georges Didi-Huberman, éditions Gallimard. Collection Le Temps des images. 2007.

NOTES

(1) Son allocution, le 11 juillet 1879 à la Société des Hôpitaux, est suivie de la publication d’un texte intitulé «Troubles vasomoteurs de la peau observés sur une hystérique», dans le Bulletin de la Société médicale des Hôpitaux.

(2) Dès 1859, le médecin nommé Briquet (qui fut le professeur de Mesnet et Dujardin) insiste sur «l’élément affectif du système nerveux [qui] constitue le fondement de la prédisposition à l’hystérie

(3) Source : Ernest Mesnet. «Autographisme et stigmates dans la sorcellerie au XVIe siècle». Brochure publiée à Paris, en 1890, illustrée de 3 photos de Marie.

 

Source :  http://sexes.blogs.liberation.fr/2015/06/23/impressionne-... 

 

 

08/06/2015

Lettre d’Amadou Hampâté Bâ à la Jeunesse (1985)

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"Soyez au service de la vie"

                                                          

Six ans avant sa disparition, l’écrivain malien Amadou Hampâté Bâ écrit une lettre dédiée à « La Jeunesse », pleine de force et de vigueur. Celui qui a côtoyé Théodore Monod à l’Institut Français d’Afrique Noire, et a occupé les sièges de l’UNESCO, livre là ses derniers engagements, son combat pour le multiculturalisme et la paix. Une belle leçon de vie, chargée d’espoir à l’heure où le Mali se déchire de nouveau.                           

 

Mes chers cadets,

Celui qui vous parle est l'un des premiers nés du vingtième siècle. Il a donc vécu bien longtemps et, comme vous l'imaginez, vu et entendu beaucoup de choses de par le vaste monde. Il ne prétend pas pour autant être un maître en quoi que ce soit. Avant tout, il s'est voulu un éternel chercheur, un éternel élève, et aujourd'hui encore sa soif d'apprendre est aussi vive qu’aux premiers jours.

Il a commencé par chercher en lui-même, se donnant beaucoup de peine pour se découvrir et bien se connaître, afin de pouvoir ensuite se reconnaître en son prochain et l'aimer en conséquence. Il souhaiterait que chacun de vous en fasse autant.

Après cette quête difficile, il entreprit de nombreux voyages à travers le monde : Afrique, Proche-Orient, Europe, Amérique. En élève sans complexes ni préjugés, il sollicita l'enseignement de tous les maîtres et de tous les sages qu'il lui fut donné de rencontrer. Il se mit docilement à leur écoute. Il enregistra fidèlement leurs dires et analysa objectivement leurs leçons, afin de bien comprendre les différents aspects de leurs cultures et, par là même, les raisons de leur comportement. Bref, il s'efforça toujours de comprendre les hommes, car le grand problème de la vie, c'est la MUTUELLE COMPRÉHENSION.

Certes, qu'il s'agisse des individus, des nations, des races ou des cultures, nous sommes tous différents les uns des autres ; mais nous avons tous quelque chose de semblable aussi, et c'est cela qu'il faut chercher pour pouvoir se reconnaître en l'autre et dialoguer avec lui. Alors nos différences, au lieu de nous séparer, deviendront complémentarité et source d'enrichissement mutuel. De même que la beauté d'un tapis tient à la variété de ses couleurs, la diversité des hommes, des cultures et des civilisations fait la beauté et la richesse du monde. Combien ennuyeux et monotone serait un monde uniforme où tous les hommes, calqués sur un même modèle, penseraient et vivraient de la même façon ! N'ayant plus rien à découvrir chez les autres, comment s'enrichirait-on soi même ?

A notre époque si grosse de menaces de toutes sortes, les hommes doivent mettre l'accent non plus sur ce qui les sépare, mais sur ce qu'ils ont de commun, dans le respect de l'identité de chacun. La rencontre et l'écoute de l'autre est toujours plus enrichissante, même pour l'épanouissement de sa propre identité, que les conflits ou les discussions stériles pour imposer son propre point de vue. Un vieux maître d'Afrique disait : il y a « ma » vérité et « ta » vérité, qui ne se rencontreront jamais. « LA » Vérité se trouve au milieu. Pour s'en approcher, chacun doit se dégager un peu de « sa » vérité pour faire un pas vers l'autre...

Jeunes gens, derniers-nés du vingtième siècle, vous vivez à une époque à la fois effrayante par les menaces qu’elle fait peser sur l'humanité et passionnante par les possibilités qu'elle ouvre dans le domaine des connaissances et de la communication entre les hommes. La génération du vingt et unième siècle connaîtra une fantastique rencontre de races et d'idées. Selon la façon dont elle assimilera ce phénomène, elle assurera sa survie ou provoquera sa destruction par des conflits meurtriers. Dans ce monde moderne, personne ne peut plus se réfugier dans sa tour d'ivoire. Tous les États, qu'ils soient forts ou faibles, riches ou pauvres, sont désormais interdépendants, ne serait-ce que sur le plan économique ou face aux dangers d'une guerre internationale. Qu'ils le veuillent ou non, les hommes sont embarqués sur un même radeau : qu'un ouragan se lève, et tout le monde sera menacé à la fois. Ne vaut-il pas mieux essayer de se comprendre et de s'entraider mutuellement avant qu'il ne soit trop tard ?

L'interdépendance même des États impose une complémentarité indispensable des hommes et des cultures. De nos jours, l'humanité est comme une grande usine où l'on travaille à la chaîne : chaque pièce, petite ou grande, a un rôle défini à jouer qui peut conditionner la bonne marche de toute l'usine.

Actuellement, en règle générale, les blocs d'intérêt s'affrontent et se déchirent. Il vous appartiendra peut-être, ô jeunes gens, de faire émerger peu à peu un nouvel état d'esprit, davantage orienté vers la complémentarité et la solidarité, tant individuelle qu'internationale. Ce sera la condition de la paix, sans laquelle il ne saurait y avoir de développement.

La civilisation traditionnelle (je parle surtout de l'Afrique de la savane au sud du Sahara, que je connais plus particulièrement) était avant tout une civilisation de responsabilité et de solidarité à tous les niveaux. En aucun cas un homme, quel qu’il soit, n'était isolé. Jamais on n'aurait laissé une femme, un enfant, un malade ou un vieillard vivre en marge de la société, comme une pièce détachée. On lui trouvait toujours une place au sein de la grande famille africaine, où même l'étranger de passage trouvait gîte et nourriture. L'esprit communautaire et le sens du partage présidaient à tous les rapports humains. Le plat de riz, si modeste fût-il, était ouvert à tous.

L'homme s'identifiait à sa parole, qui était sacrée. Le plus souvent, les conflits se réglaient pacifiquement grâce à la « palabre » : « Se réunir pour discuter, dit l'adage, c’est mettre tout le monde à l’aise et éviter la discorde ». Les vieux, arbitres respectés, veillaient au maintien de la paix dans le village. « Paix ! », « La paix seulement ! », sont les formules-clé de toutes les salutations rituelles africaines. L'un des grands objectifs des initiations et des religions traditionnelles était l'acquisition, par chaque individu, d'une totale maîtrise de soi et d'une paix intérieure sans laquelle il ne saurait y avoir de paix extérieure. C'est dans la paix et dans la paix seulement que l'homme peut construire et développer la société, alors que la guerre ruine en quelques jours ce que l'on a mis des siècles à bâtir !

L'homme était également considéré comme responsable de l'équilibre du monde naturel environnant. Il lui était interdit de couper un arbre sans raison, de tuer un animal sans motif valable. La terre n'était pas sa propriété, mais un dépôt sacré confié par le Créateur et dont il n'était que le gérant. Voilà une notion qui prend aujourd'hui toute sa signification si l'on songe à la légèreté avec laquelle les hommes de notre temps épuisent les richesses de la planète et détruisent ses équilibres naturels.

Certes, comme toute société humaine, la société africaine avait aussi ses tares, ses excès et ses faiblesses. C'est à vous, jeunes gens et jeunes filles, adultes de demain, qu'il appartiendra de laisser disparaître d'elles-mêmes les coutumes abusives, tout en sachant préserver les valeurs traditionnelles positives. La vie humaine est comme un grand arbre et chaque génération est comme un jardinier. Le bon jardinier n'est pas celui qui déracine, mais celui qui, le moment venu, sait élaguer les branches mortes et, au besoin, procéder judicieusement à des greffes utiles. Couper le tronc serait se suicider, renoncer à sa personnalité propre pour endosser artificiellement celle des autres, sans y parvenir jamais tout à fait. Là encore, souvenons-nous de l'adage : « Le morceau de bois a beaucoup séjourné dans l’eau, il flottera peut-être, mais jamais il ne deviendra caïman !

Soyez, jeunes gens, ce bon jardinier qui sait que, pour croître en hauteur et étendre ses branches dans toutes les directions de l'espace, un arbre a besoin de profondes et puissantes racines. Ainsi, bien enracinés en vous-mêmes, vous pourrez sans crainte et sans dommage vous ouvrir vers l'extérieur, à la fois pour donner et pour recevoir.

Pour ce vaste travail, deux outils vous sont indispensables : tout d'abord, l'approfondissement et la préservation de vos langues maternelles, véhicules irremplaçables de nos cultures spécifiques ; ensuite, la parfaite connaissance de la langue héritée de la colonisation (pour nous la langue française), tout aussi irremplaçable, non seulement pour permettre aux différentes ethnies africaines de communiquer entre elles et de mieux se connaître, mais aussi pour nous ouvrir sur l'extérieur et nous permettre de dialoguer avec les cultures du monde entier.

Jeunes gens d'Afrique et du monde, le destin a voulu qu'en cette fin du vingtième siècle, à l'aube d'une ère nouvelle, vous soyez comme un pont jeté entre deux mondes : celui du passé, où de vieilles civilisations n'aspirent qu'à vous léguer leurs trésors avant de disparaître, et celui de l'avenir, plein d'incertitudes et de difficultés, certes, mais riche aussi d'aventures nouvelles et d'expériences passionnantes. Il vous appartient de relever le défi et de faire en sorte qu'il y ait, non-rupture mutilante, mais continuation sereine et fécondation d'une époque par l'autre.

Dans les tourbillons qui vous emporteront, souvenez-vous de nos vieilles valeurs de communauté, de solidarité et de partage. Et si vous avez la chance d'avoir un plat de riz, ne le mangez pas tout seuls. Si des conflits vous menacent, souvenez-vous des vertus du dialogue et de la palabre !

Et lorsque vous voudrez vous employer, au lieu de consacrer toutes vos énergies à des travaux stériles et improductifs, pensez à revenir vers notre Mère la Terre, notre seule vraie richesse, et donnez-lui tous vos soins afin que l'on puisse en tirer de quoi nourrir tous les hommes. Bref, soyez au service de la Vie, sous tous ses aspects !

Certains d'entre vous diront peut-être: « C’est trop nous demander! Une telle tâche nous dépasse ! ». Permettez au vieil homme que je suis de vous confier un secret : de même qu'il n'y a pas de « petit » incendie (tout dépend de la nature du combustible rencontré), il n'y a pas de petit effort. Tout effort compte, et l'on ne sait jamais, au départ, de quelle action apparemment modeste sortira l'événement qui changera la face des choses. N'oubliez pas que le roi des arbres de la savane, le puissant et majestueux baobab, sort d'une graine qui, au départ, n'est pas plus grosse qu'un tout petit grain de café...
 
 
 
 

05/06/2015

Gabriel Celaya - La poésie est une arme chargée de futur

 

Quand plus rien de personnellement exaltant n'est attendu,

Plus on palpite et plus on est proche de la conscience,

Existant comme un fauve, aveuglement affirmé,

Comme un pouls qui frappe les ténèbres,

 

Quand on regarde en face

Les vertigineux yeux clairs de la mort,

On dit les vérités:

Les barbares, les terribles, les amoureuses cruautés.

 

On dit les poèmes

Qui élargissent les poumons de tous ceux qui,

Asphyxiés,

Demandent à être, demandent du rythme,

Demandent des lois pour ce qu'ils éprouvent

d'excessif.

 

Avec la vitesse de l'instinct,

avec l'éclair du prodige,

comme une évidence magique, ce qui est réel nous

Transforme

En ce qui est identique à lui-même.

 

Poésie pour le pauvre, poésie nécessaire

Comme le pain de chaque jour,

Comme l'air que nous exigeons treize fois par minute,

Pour être et tant que nous sommes donner un oui qui

Nous glorifie.

 

Parce que nous vivons par à-coups, parce que c'est à

Peine s'ils nous laissent

Dire que nous sommes ceux que nous sommes

Nos chants ne peuvent être, sans péché, un ornement,

Nous touchons le fond.

 

Je maudis la poésie conçue comme un luxe

Culturel par ceux qui sont neutres

Ceux qui, en se lavant les mains, se désintéressent et

S'évadent.

Je maudis la poésie de celui qui ne prend pas parti

Jusqu'à la souillure.

 

Je fais miennes les fautes. Je sens en moi tous ceux

Qui souffrent

Et je chante en respirant.

Je chante, et je chante, et en chantant par delà mes

Peines

Personnelles, je m'élargis.

 

J'aimerais vous donner la vie, provoquer de nouveaux

Actes,

Et je calcule en conséquence, avec technique, ce que

Je peux faire.

Je me sens un ingénieur du vers et un ouvrier

Qui travaille avec d'autres l'Espagne dans ses aciers.

 

Telle est ma poésie : poésie-outil

A la fois battement du coeur de l'unanime et aveugle

Telle est, une arme chargée de futur expansif

Avec laquelle je vise ta poitrine.

 

Ce n'est pas une poésie pensée goutte à goutte.

Ce n'est pas un beau produit. Ce n'est pas un fruit

Parfait. C'est similaire à l'air que nous respirons tous.

Et c'est le chant qui donne de l'espace à tout ce que

Nous portons en nous.

 

Ce sont des mots que nous répétons en les sentant

Nôtres, et ils volent. Ils sont plus que ce qu'ils nomment.

Ils sont le plus nécessaire: ce qui n'a pas de nom.

Ce sont des cris au ciel, et sur terre ce sont les actes.

 

 

 

 

04/06/2015

Qu'est-ce que la Réalité? Unité du monde physique, biologique et psychique", une intervention de Basarab Nicolescu

 

Elle a eu lieu dans le cadre du Colloque « Les nouvelles logiques du vivant », organisée par l'Université Interdisciplinaire de Paris et la Fondation Denis Guichard le 12 avril dernier à l'Espace Bellechasse à Paris.

 

 

 

19/05/2015

Ta gueule

 

On parle beaucoup de poésie mais on n’aime pas les poètes, je parle des vrais, des malades. C’est comme un abcès, qui met longtemps à mûrir, c’est énorme, c’est sale, et le jour où il se perce, ça gicle partout…. Écriiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiire, écriiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiire…. Dans ta gueule ! Ta puante et hypocrite gueule de normalité. Relookée, rasée de près, taillée au carré, préenregistrée, désensibilisée, bien adaptée, bonne suceuse. Ta gueule de pelouse, de pub, de marque, de marketing, de tuning, de timing, de fucking néant. Ta gueule en série des quatre saisons, ta gueule smartphone, ta gueule aphone, aveugle, ta gueule en plis, ta gueule en pack, ta gueule en fion dégoulinant de crème. Je ne peux plus la voir ta gueule, multipliée par les allées de caddies, ta gueule parking, ta gueule d’attraction, ta gueule en costard !

 
Ta gueule en faux-derche, ta gueule positive, ta gueule opportuniste, ta gueule arriviste, ta gueule suppositoire, elle leur fait mal au cul aux poètes. Le cul, ça ne lâche pas des volées de moineaux non, ça évacue la merde c’est tout. Ça n’existe pas un cul poète, pas plus que les poètes d’ailleurs, c’est une excuse, une salle d’attente. Il y a juste ceux qui peuvent et ceux qui ne peuvent pas, pour ceux qui ne peuvent pas, la poésie c’est la bouée, le parapet où se retenir pour ne pas chuter dans le vide, c’est le mouchoir où cracher de délicats grumeaux tachés d’un sang qui ne s’enlève pas au lavage. C’est bon pour les électrochocs les vrais poètes, ceux qui se cachent sous la poésie, qui se terrent dans la poésie avant de se taire pour de bon.

Se taire parce que quoi dire ? Cette chair de l’âme à vif, invisible, mais tellement à vif, ça fait un putain de mal, on ne peut pas imaginer à quel point ça fait mal, c’est le résultat d’un immonde entassement d’ordures. Le poète, le vrai, le malade, c’est un aimant à ordures, à saloperies, tout le monde peut en profiter, c’est la poubelle de l’humanité. A vif et plein à craquer de tes merdes, de tes bassesses, de tes mensonges, de ton paraître, de tes lâchetés, de tes kilos de masques et de prétentions, de tes peurs niées, de ta méchanceté, de tes manigances, humain, sale con ! Comme s’il n’était pas déjà assez lourd de ses propres ordures le con poète ! Mais il est tellement creux, le poète, le vrai, le malade, tellement creusé, raviné, et les années passent et toujours plus d’ordures.

Le poète c’est un humain raté. Pollué de sensiblerie. Pas bon pour la course. Bon pour la casse. Drôle à casser. Un jeu de fête foraine, on peut lui tirer dessus, lui cogner dessus, le faire tourner vite, de plus en vite et puis le lâcher comme un ballon, souffler dedans jusqu’à ce qu’il pète, lui balancer des fléchettes. On peut lui vomir dessus son trop-plein de pop-corn, de pommes collantes d’amour, de crânes tondus ou de barbe à papa. On peut lui vomir dessus ses restes de beuveries d’honnête travailleur. On peut le piétiner de toute la haine qui reflue du vase de décompression de la bienheureuse norme.

 On peut tout faire avec un poète, et surtout rien, car qu’as-tu de commun toi avec cette pleureuse, cette fiotte, ce parasite ? Rien hein, absolument rien en commun ! Avec cet allochtone, il n’est de nulle part le poète, il est tombé de la lune, du plafond, il a surgi d’un tas de merde comme ça et il déclame. Mais pas tous. Ils ne déclament pas tous, au contraire, il y en a qui la ferment, qui la bouclent, qui la verrouillent, qui la recousent la plaie par où ils ont fauté… Ce sont les pires, les poètes silencieux, les poètes qui ont renoncé au crayon, à la plume au fion, qui parfois n’ont jamais écrit ne serait-ce qu’une ligne, ils dégagent vraiment de mauvaises ondes. Tellement ils sont bourrés à craquer de poésie, et ça sort pas, ça reste là dedans, à pourrir avec toutes les autres ordures, innombrables, qu’on leur a balancé depuis qu’ils sont nés. Ils s’acharnent à en faire quelque chose, à ne pas mourir étouffés, définitivement empoisonnés, ils recyclent, ils se racontent des histoires, des tas d’histoires, ils voudraient bien avoir eux aussi une gueule positive, une gueule de puissance, une gueule de caddie plein. Une gueule passe-partout, une gueule passeport pour la normalité, une gueule nombril du monde. 
 
   

 

cg in (c)Ourse bipolaire

 

 

 

 

 

 

 

10/05/2015

Erri de Luca : la responsabilité de l'écrivain aujourd'hui

 

http://plus.franceculture.fr/erri-de-luca-la-responsabili...

 

 

 

 

 

 

06/05/2015

Signez le Manifeste de l’arbre

Ici : http://lemuseedelinvisible.org/signez-le-manifeste-de-lar...

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Le Manifeste de l’arbre a été lancé au Brésil le 4 août 2014 dans le cadre de la Biennale de Salvador de Bahia. Puis à Sao Paulo avec une première exposition réunissant six artistes contemporains. Cette initiative est proposée par l’Académie de l’arbre, le premier département du Musée de l’Invisible, qui a été inaugurée en novembre 2013 à Paris avec le lancement du livre « Sociomytho-logies de l’arbre » au Palais de Tokyo.

L’Académie et le Manifeste de l’arbre ont pour objectif de favoriser tout ce qui peut établir une nouvelle conscience de l’arbre et de la forêt à partir d’une approche expérimentale transdisciplinaire et transculturelle inédite. Le projet étant d’inventer de nouvelles continuités entre les approches scientifiques ou technologiques, les savoirs immémoriaux plus particulièrement liés aux cultures de l’Invisible, et les propositions artistiques les plus contemporaines.

A l’heure où l’arbre apparait comme l’une des premières solutions pour contrer les effets du réchauffement climatique, le Musée de l’Invisible propose de contribuer à l’émergence d’une nouvelle culture de l’arbre en opérant une jonction inédite entre les vécus mythiques de l’arbre, la création et la recherche contemporaine.

Avec ce Manifeste, le Musée de l’Invisible développe un projet d’exposition itinérante intitulée « L’arbre visionnaire » appelé à se développer à partir de 2015. Cette exposition évoluera en fonction des contextes, à partir de propositions spécifiques d’artistes contemporains pour l’extérieur et pour l’intérieur, d’œuvres d’autres horizons, de textes ou de toutes autres formes de contributions, ainsi que des ateliers participatifs d’éveil à l’arbre destinés à tous publics.

Le public, artistes, penseurs, scientifiques, sont invités à apporter leur contribution au Manifeste de l’arbre sous la forme d’une signature ou de tout apport, œuvres d’art, créations graphiques, images, textes etc.


Le Manifeste de l’Arbre sur Facebook

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Signez le Manifeste de l’Arbre

L’arbre est un agent essentiel à la vie sur Terre. Il fixe le carbone et joue un rôle majeur dans le cycle de l’air. Il constitue les écosystèmes des forêts et abrite la biodiversité. L’arbre est également un élément fondamental de la culture et de l’identité humaine. Des civilisations, des mythologies, des métiers et des économies entières se sont développées dans une relation intime à l’arbre.

 

Pourtant notre culture de l’arbre s’est considérablement détériorée. En partie du fait de nos modes de vie urbains qui policent désormais le monde rural et les campagnes. De même que les derniers territoires vierges de la planète, en menaçant de façon dramatique les forêts natives avec la déforestation galopante.

Dans l’histoire culturelle de l’humanité, l’arbre est passé du statut d’organisme vivant, d’alter ego ou d’allié de l’humain, à celui d’objet et de matière première que l’on exploite trop souvent de manière inconsidérée.

Toutefois, une culture durable de l’arbre n’a pas tout à fait disparu. Elle survit dans certaines sociétés et nombre de récits mythiques. Du sud au nord de la planète, ces récits et ces pratiques partagent un point commun : une culture active des mondes invisibles où l’arbre joue le rôle de médiateur et de pilier. D’axe du monde. Mais à l’image de l’arbre, ces cultures de l’invisible sont en danger car soumises à des périls d’ailleurs comparables, comme si curieusement leurs sorts étaient reliés.

Si l’arbre peut se passer de l’humain, l’humain ne pourra pas se passer de l’arbre. Ou alors au prix d’une détérioration considérable de ses conditions de vie. Sinon de sa propre disparition. C’est pourquoi le futur de notre espèce dépend déjà de la restauration et de l’entretien des équilibres auxquels l’arbre participe.

Malgré une prise de conscience croissante, les écologies politiques semblent vouées à l’échec. Même si la communauté internationale commence enfin à reconnaître que l’arbre est l’une des premières solutions au réchauffement climatique.

Encore faut-il inverser le mouvement inexorable de la déforestation. Et surtout replanter, restaurer, conserver. Alors que l’arbre est plus que jamais arraché, tronçonné, surexploité, pillé, annihilé. Que faire pour que cesse ce carnage ? Comment démultiplier les initiatives de reforestations ?

La solution n’est-elle pas avant tout culturelle ? Et ne faut-il pas replanter l’arbre qui est en nous ? C’est-à-dire travailler à l’émergence d’une nouvelle conscience et d’une nouvelle culture de l’arbre.

C’est l’objectif de l’Académie de l’Arbre du Musée de l’Invisible avec ce Manifeste de l’arbre. Et leurs actions (expositions, publications) destinées à favoriser tout ce qui peut établir une nouvelle conscience de l’arbre sur la base d’une approche expérimentale transdisciplinaire. Comme en opérant une jonction inédite entre nos cultures de l’arbre, telles qu’elles sont vécues en occident, et les cultures de l’Invisible. Pour revitaliser, réinventer et littéralement réenchanter une culture de l’arbre, du vivant et de l’environnement.

Une prise de conscience qui passe par la signature de ce manifeste lancé au Brésil pour la Biennale d’art contemporain de Salvador de Bahia 2014.

 

 

04/05/2015

Charles Bukowski

 

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L'écrasement

trop grand...
trop petit

trop gros
trop maigre
ou rien du tout.

rire ou
larmes

haineux
amoureux

des inconnus avec des gueules
passées
à la limaille de plomb

des soudards qui parcourent
des rues en ruines

qui agitent des bouteilles
et qui, baïonnette au canon, violent
des vierges

ou un vieux type dans une pièce misérable
avec une photographie de M. Monroe.

il y a dans ce monde une solitude si grande
que vous pouvez la prendre
à bras le corps.

des gens claqués
mutilés
aussi bien l'amour que par son manque.

des gens qui justement ne s'aiment
pas les uns les autres
les uns sur les autres.

les riches n'aiment pas les riches
les pauvres n'aiment pas les pauvres.

nous crevons tous de peur.

notre système éducatif nous enseigne
que nous pouvons tous être
de gros cons de gagneurs.

mais il ne nous apprend rien
sur les caniveaux
ou les suicides.

ou la panique d'un individu
souffrant chez lui
seul

insensible
coupé de tout
avec plus personne pour lui parler

et qui prend soin d'une plante.

les gens ne s'aiment pas les uns les autres.
les gens ne s'aiment pas les uns les autres.
les gens ne s'aiment pas les uns les autres.

et je suppose que ça ne changera jamais
mais à la vérité je ne leur ai pas demandé

des fois j'y
songe.

le blé lèvera
un nuage chassera l'autre
et le tueur égorgera l'enfant
comme s'il mordait dans un ice cream.

trop grand
trop petit

trop gros
trop maigre
ou rien du tout.

davantage de haine que d'amour.

les gens ne s'aiment pas les uns les autres.
peut-être que, s'ils s'aimaient
notre fin ne serait pas si triste ?

entre-temps je préfère regarder les jeunes
filles en fleurs
fleurs de chance.

il doit y avoir une solution.
sûrement il doit y avoir une solution à
laquelle nous n'avons pas encore songé.

pourquoi ai-je un cerveau ?

il pleure
il exige
il demande s'il y a une chance.

il ne veut pas s'entendre dire :
"non".

 

 in L'Amour est un chien de l'enfer, (c) Grasset, traduction de Gérard Guégan

 

 

 

 

30/04/2015

La poussière du Sahara nourrit l'Amazonie

 

Le désert du Sahara est un des déserts les moins hospitaliers de la planète. Ses plateaux dénudés, ses pics rocheux, et ses sables en constant mouvement enveloppent au nord du continent, un tiers de l'Afrique, qui de ce fait connait très peu de pluie, de végétation et de vie. 

Pendant ce temps, de l'autre côté de l'Atlantique, prospère la plus grande forêt tropicale du monde. Le luxuriant et éclatant bassin de l'Amazonie, situé au nord-est de l'Amérique du sud, alimente un vaste réseau d'une incomparable diversité écologique.

Alors, qu'est ce que ces deux climats en apparence si différent ont en commun ? Ils sont intimement connectés par une rivière intermittente de poussière atmosphérique longue de plus de 16000 km. (trad.cg)

 Source : http://science.nasa.gov/science-news/science-at-nasa/2015...

 

 

Une belle histoire d'amour en somme !

 

 

 

27/04/2015

Fatou Diome : "On sera riche ensemble ou on va se noyer tous ensemble !" – CSOJ – 24/04/15

 

"Ce ne sont que des noirs et des arabes !" Très fort témoignage de Fatou Diome qui parle de "l'hypocrisie européenne" après la mort de centaines de migrants disparus en Méditerranée :

"Ces gens là qui meurent sur les plages, et je mesure mes mots, si c'était des blancs, la terre entière serait entrain de trembler ! Mais là, ce sont des noirs et des arabes (...) Si on voulait sauver les gens, on le ferait, mais on attend qu'ils meurent d'abord ! Et on nous dit que c'est dissuasif, mais ça ne dissuade personne, car celui qui part pour sa survie, considère que sa vie (qu'il peut perdre lors du voyage) ne vaut rien, celui là n'a pas peur de la mort !"

Réponse d'un autre invité : C'est pour cela qu'il faut fermer les frontières ...


 Fatou Diome : "Monsieur, vous ne resterez pas comme des poissons rouges dans la forteresse Européenne ! A l'heure d'aujourd'hui, l'Europe ne sera plus jamais épargnée, tant qu'il y aura des conflits ailleurs dans le monde (...)"

"Monsieur, je vous vois bien habillé, bien nourris, peut être que si vous étiez affamé chez vous, peut être que votre famille serait ravie d'imaginer que vous pourriez aller gagner ce qui pourrait faire vivre les autres (...)"

"Alors il faut arrêtez l'hypocrisie, on sera riche ensemble ou on se noiera tous ensemble ! "

 

Petit rappel sur Le ventre de l'Atlantique (éditions Anne Carrière, 2003), un interview à retrouver ici : http://www.ina.fr/video/I08347558

 

 

 

 

 

 

 

 

 

23/04/2015

Charles Bukowski - Un poème est une ville

 

Un poème est une ville remplie de rues et d’égouts...
remplie de saints, de héros, de mendiants, de fous,
remplie de banalité et de bibine,
remplie de pluie et de tonnerre et de périodes de
sécheresse, une poème est une ville en guerre,
un poème est une ville demandant à une horloge pourquoi,
un poème est une ville en feu,
un poème est une ville dans de sales draps
ses boutiques de barbier remplies d’ivrognes cyniques,
un poème est une ville où Dieu chevauche nu
à travers les rues comme Lady Godiva,
où les chiens aboient la nuit et chassent
le drapeau : un poème est une ville de poètes,
la plupart d’entre eux interchangeables,
envieux et amers…
un poème est cette ville maintenant,
à 80 kilomètres de nulle part,
à 9 h 09 du matin,
le goût de l’alcool et des cigarettes,
pas de police, pas de maîtresses, marchant dans les rues,
ce poème, cette ville, fermant ses portes,
barricadée, presque vide,
mélancolique sans larmes, vieillissante sans pitié,
les montagnes rocheuses,
l’océan comme une flamme lavande,
une lune dénuée de grandeur,
une petite musique venue de fenêtres brisées…

un poème est une ville, un poème est une nation,
un poème est le monde…
et maintenant je colle ça sous verre
pour que l’éditeur fou l’examine de près,
et la nuit est ailleurs
et des dames grises indistinctes font la queue,
les chiens suivent les chiens vers l’estuaire,
les trompettes font pousser les gibets
tandis que de petits hommes enragent contre des choses
qu’ils n’arrivent pas à faire.

Les jours s’en vont comme des chevaux sauvages dans les collines », ® Editions du Rocher, 2008, traduction de Thierry Beauchamp)

 

 

Eduardo Galeano - Los Nadies

 

 

 

Les puces rêvent de s'acheter un chien

 et ceux qui sont personne rêvent de quitter la pauvreté,

 qu'un jour magique

 pleuve sur eux la providence

 pleuvent des cruches entières de providence ;

 mais la providence ne pleut pas hier,

 ne pleut pas aujourd'hui, ni demain, ni jamais,

 ni même en bruine, elle ne tombera, la providence,

 aussi fort qu'il puissent bien l'appeler,

 et que la main gauche les démange ou pas,

 ou qu'ils se soient levés un matin du pied droit,

 ou qu'il aient commencé l'année en achetant un balai neuf.

 

 Ceux-là qui sont personne : fils de personne

 et proprios de rien.

 Ceux-là qui sont personne : nuls et

 rendus plus nuls encore,

 que l'on voit courir vers du vent

 et jour à jour mourir leur vie,

 enculés doublement.

 

 Qui ne sont pas, bien qu'ils soient.

 Qui ne parlent pas une langue, mais un dialecte.

 Qui ne professent pas une religion,

 mais des superstitions.

 Qui ne créent pas de l'art, mais de l'artisanat.

 Qui n'ont pas de culture, mais un folklore.

 Qui ne sont pas des êtres humains

 mais des ressources humaines.

 Qui n'ont pas de visage, mais des bras.

 Qui n'ont pas de nom, mais un numéro.

 Qui ne figurent pas dans l'histoire universelle,

 mais dans la chronique rouge des presses locales.

 Ceux-là qui sont personne

 et coûtent moins cher

 que la balle qui les tue.

 

  
traduction inédite de Laurent Bouisset
 

 
 

22/04/2015

.......................

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16/04/2015

L’adultisme, ce poison invisible qui intoxique nos relations avec les enfants

 

Cet article est paru dans une version abrégée dans le n° 1 (mars-avril 2012) de Kaizen.
Traduction : Béatrice Mera.

« Dans notre vie, même si nous combattons le racisme, même si nous nous battons pour un monde en paix, même si nous luttons pour un monde plus respectueux de l’environnement, si nous utilisons notre pouvoir sur les enfants qui vivent avec nous, alors nous perpétuons l’injustice et l’oppression. Nous faisons en sorte que nos enfants acceptent un monde basé sur cette loi : celui qui a le plus de pouvoir contrôle celui qui en a le moins. »

En tant que parents ou futurs parents, nous nous engageons à comprendre les besoins physiologiques et émotionnels des enfants. Nous cherchons des informations à propos de l’allaitement et de ses bienfaits sur la santé des enfants. Nous faisons des choix éclairés au sujet de leur alimentation et des jouets que nous leur proposons. Nous faisons des recherches approfondies sur le développement de l’enfant pour savoir comment apporter à nos propres enfants des expériences propices à leur épanouissement. Nous réfléchissons à notre propre enfance et nous imaginons comment nous pourrions être parents : différemment des nôtres ou peut-être de la même façon qu’eux. Comme moi, vous vous êtes peut-être interrogés sur la manière d’élever un garçon dans ce monde de façon à ce qu’il ne devienne pas sexiste. Comme nous sommes une famille métisse, j’ai aussi songé à la façon dont je pouvais l’aider à comprendre qui il est dans ce brassage multiculturel.

Nous pouvons aussi nous situer dans une démarche écologique et nous montrer désireux de vivre un quotidien respectueux de l’environnement pour le bien-être de nos enfants et des générations futures, ainsi nous faisons pour nos familles des choix conscients et en accord avec nos valeurs.

Pourtant, le plus souvent, en tant que parents, nous ne cherchons guère à comprendre l’impact de l’environnement social et culturel qui contribue à former nos points de vue sur les enfants, l’enfance et le rôle des parents. Notre courant de pensée dominant sur l’éducation est basé sur la peur, le contrôle et la domination. Nous utilisons les écoles, les lieux culturels, religieux et même l’autorité parentale pour nier les droits élémentaires des enfants à être traités avec respect et confiance.

Nous vivons dans une culture où la conception du rôle des parents, des enfants et de l’enfance a pour origine l’adultisme. L’adultisme est, dans nos sociétés, le poison silencieux, caché, qui intoxique les relations parents-enfants.

Qu’est-ce que l’adultisme ?

Le professeur Barry Checkoway2 de l’université d'Ann Arbor dans le Michigan définit l’adultisme comme suit : « Tous les comportements et les attitudes qui partent du postulat que les adultes sont meilleurs que les jeunes, et qu'ils sont autorisés à se comporter avec eux de n’importe quelle manière, sans leur demander leur avis. »

Pour lui, hormis les prisonniers et quelques autres groupes sous la coupe de diverses institutions, la vie des jeunes en société est plus contrôlée que celle de n’importe quel groupe dans la société. Qui plus est, les adultes se réservent le droit de punir, menacer, frapper, priver de « privilèges » les jeunes et les discriminent, sous prétexte que tout ceci leur est bénéfique dans ce contexte de contrôle ou de « discipline ». Si telle était la description de la façon dont un groupe d’adulte était traité, la société pourrait très rapidement y reconnaître une forme d’oppression.

Pourtant, les adultes ne considèrent pas l’adultisme comme une forme d’oppression, parce que c’est la façon dont ils étaient eux-mêmes traités en tant qu’enfants, et qu’ils ont intériorisé cette façon de procéder avec les enfants.

Le fondement de l’adultisme repose sur le fait que les jeunes ne sont pas respectés. Au contraire, ils sont considérés comme moins importants et, d’une certaine façon, inférieurs aux adultes. On ne peut pas leur faire confiance pour qu’ils deviennent par eux-mêmes responsables, ils doivent donc être éduqués et disciplinés, maîtrisés et punis, guidés dans le monde des adultes.
Pour leur libération, les jeunes vont avoir besoin de la participation active des adultes. La première chose à faire pour commencer à les aider, c’est de considérer et de comprendre comment nous – les adultes d’aujourd’hui – avons été maltraités et dévalorisés quand nous étions des enfants et des adolescents et comment, en conséquence, nous agissons aujourd’hui de façon « adultiste ».

Car l’adultisme a des incidences sur toutes les relations entre les adultes et les enfants dans notre culture. Il a des conséquences sur la façon dont nous les traitons et sur ce que nous nous sentons le droit de leur faire en tant que parents. L’adultisme est institutionnalisé dans les écoles, les lieux culturels et religieux, dans notre système médical, dans la justice.
J’ai travaillé plus de vingt ans dans l’enseignement supérieur sur la question de l’égalité des chances dans la société. Il m’a pourtant fallu cinq ans, après être devenue parent, pour réaliser que l’oppression que je combattais à l’extérieur de chez moi était fermement établie dans ma propre maison, dans les relations que j’avais avec mon premier enfant. J’ai compris comment l’usage de mon pouvoir et de mon contrôle sur lui ainsi que ma domination semaient les graines de l’oppression et de la discrimination qui allaient se propager par lui ou sur lui une fois adulte. L’adultisme crée un sol fertile pour l’émergence de toutes formes d’oppression.

Les relations que nous entretenons avec nos enfants depuis leur naissance représentent pour eux un modèle de référence avec lequel ils vont voir le monde et faire leurs expériences. C’est le fondement même de la socialisation ou de l’acculturation. Parce que la majorité d’entre nous ont fait l’expérience de la domination et du contrôle quand nous étions enfants, nous trouvons cela normal, même si en tant qu’enfants ou adolescents nous avons combattu cette injustice.

Cette socialisation s’opère dans le subconscient pour façonner le regard que nous portons sur les enfants et sur notre rôle de parents. La conviction que des adultes ont le droit d’exercer leur contrôle sur des enfants se perpétue avec des idées préconçues sur la nature de l’enfance qui sont profondément enracinées dans notre culture. Tout au long de nos vies, nous sommes bombardés d’informations sur la façon dont notre culture interprète le monde. Ces informations englobent l’histoire, les coutumes et les traditions, mais aussi les discriminations, les stéréotypes et les préjugés sur des groupes de personnes, y compris les enfants.

Nous créons ou construisons un regard sur les enfants qui légitime le contrôle et la domination, notre culture définissant les enfants par opposition aux adultes. Nous utilisons les adultes comme la norme de référence à partir de laquelle nous évaluons les actions des enfants. Nous définissons leurs différences comme des déficiences qui doivent être surmontées par une longue procédure de socialisation exécutée par les parents, les enseignants, les écoles et d’autres individus et institutions.
Ce processus de socialisation s’accomplit en utilisant notre très grand pouvoir institutionnel (ou structurel) sur les enfants pour s’assurer qu’ils font bien ce que nous, en tant qu’adultes, croyons être juste.

Il y eut un temps où j’ai cru – parce que j’avais des valeurs et des convictions peu répandues comme privilégier la naissance naturelle, pratiquer l’allaitement prolongé, le co-dodo, et ne pas utiliser de châtiments corporels – qu'utiliser mon pouvoir sur les enfants dans ma vie était acceptable car j’avais rejeté les valeurs éducatives dominantes. Mais je me suis fourvoyée dans cette conviction que mon parentage était le meilleur puisque j’avais consciencieusement étudié et choisi des alternatives au courant dominant dans l’éducation. Car je n’avais pas éliminé l’idée la plus fondamentalement nocive de notre culture : celle de croire que les adultes ont le droit d’utiliser leur pouvoir sur les enfants.

Ce paradigme du « superpouvoir » apprend aux enfants à douter d’eux-mêmes et à s’en remettre aux personnes qui font figure d'autorité pour prendre des décisions qui les concernent et leur dire ce qui est bon pour eux. Le besoin d’autonomie et de libre arbitre est sacrifié au profit des besoins d’ordre et de productivité. L’endoctrinement à l’adultisme est facilité quand le libre arbitre des enfants est écarté et n’est pas pris en compte. Nous pouvons transmettre à nos enfants des valeurs alternatives à la culture dominante, mais notre utilisation du pouvoir sur l’autre est par elle-même nocive et profite à cette culture dominante.

La perte de notre libre arbitre et de la capacité à faire entendre notre voix pendant l’enfance crée un environnement favorable aux institutions pour nous enseigner qu’utiliser le pouvoir sur les autres est l’unique moyen pour notre société de prospérer, d’être productive et performante. C’est ainsi que l’adultisme crée un environnement favorable pour que prospèrent toutes les autres formes d’oppression dans notre société.

Il devient tout à fait normal que celui qui a le plus de pouvoir – l’adulte – contrôle ceux qui en ont le moins – les enfants – pour leur faire faire ce que nous croyons être juste. Parce que la fin ne justifie pas les moyens, peu importe la conviction qui nous anime. C’est la façon dont nous utilisons notre pouvoir et la façon dont nous traitons les enfants qui importe.
Dans notre propre vie, même si nous combattons le racisme, même si nous nous battons pour un monde en paix, pour un monde plus respectueux de l’environnement, si nous utilisons notre pouvoir sur les enfants qui vivent avec nous, alors nous perpétuons l’injustice et l’oppression. Nous faisons en sorte que nos enfants acceptent un monde basé sur cette loi : celui qui a le plus de pouvoir contrôle celui qui en a le moins.

En réalisant ceci, j’ai commencé à comprendre pourquoi militer pour l’égalité des chances dans la société était si difficile. Lorsque j’ai commencé à travailler avec des étudiants à l’université pour les aider à comprendre comment le racisme, le sexisme, l’homophobie ou le rejet des handicapés fonctionnaient dans notre société, ils avaient déjà expérimenté vingt ans de domination et de contrôle. Ils considéraient ce fait comme normal parce que c’est ce que nous faisons tous, désireux de nous assurer l’amour et l’approbation de nos parents. A ce moment-là, je n’avais pas encore mis en relation l’adultisme et les autres formes d’oppression.

Progressivement, j’ai compris que l’adultisme était précisément le lien manquant.

Si nous devons créer un changement social de grande envergure, un monde où la justice est une valeur fondamentale, nous devons nous lancer le défi de nous défaire de l’adultisme que nous avons subi en tant qu’enfants et que nous avons intériorisé en tant qu’adultes. Nous devons nous lancer le défi de nous questionner sur notre propre libre arbitre et notre propre pouvoir, pas uniquement sur le pouvoir et l’autorité des grandes entreprises ou des gouvernements corrompus.

Nous devons nous demander : « Comment se reflète l’injustice du monde dans mes relations avec les enfants dans mon existence ? » « Comment puis-je vivre ma vie de façon à ce que mes actes soient en cohérence avec mes convictions ? » Et nous poser cette question pas seulement à propos des grandes causes auxquelles nous nous rallions, mais aussi à propos des petites décisions que nous prenons tous les jours et qui concernent ceux que nous côtoyons dans nos vies et qui ont le moins de pouvoir.

Nous pouvons insuffler le changement que nous désirons voir émerger dans le monde. Pour cela, nous devons commencer avec la relation la plus importante que nous avons en tant que parents : celle que nous construisons avec nos enfants.

Si nous parvenons à éliminer l’adultisme au cœur de ces relations parents-enfants, alors l’actuelle génération d’enfants pourra voir le monde avec des yeux différents.

Mieux encore, ils pourront agir à partir de cette nouvelle façon de voir les choses. S’ils n’ont pas expérimenté le sentiment d’être déshumanisés, négligés et marginalisés en tant qu’enfants, ils n’auront pas besoin de perpétuer l’injustice sur d’autres quand ils grandiront et auront davantage de pouvoir dans leur vie. S’ils ont expérimenté la confiance, le respect et la solidarité comme modèles de référence, alors ils pourront incarner le changement dont notre monde a besoin.

Ce changement, ce défi pour nous tous, commence avec notre propre remise en question en tant que parents pour rejeter et éliminer l’adultisme sous toutes ses formes, sous notre propre toit et dans l’existence de tous les enfants.


1. Lire sur le site Kindred l'article original (ainsi qu'un deuxième article du même auteur sur l'adultisme) : Adultism: The Hidden Toxin Poisoning Our Relationships with Children.

Teresa Graham Brett consacre une grande énergie, à travers son travail et son rôle de parent, à faire évoluer la société en y prônant l’égalité des chances. Durant vingt ans, elle a travaillé dans l’enseignement supérieur en tant qu’éducatrice, administratrice et consultante, militant pour mettre en place des changements dans la sphère sociale et la justice. Diplômée en sciences juridiques, elle a cependant décidé de ne pas pratiquer le droit. Elle choisit de servir la cause de l’égalité des chances dans la société via son travail avec trois grandes universités aux Etats-Unis. Elle a mis en place des programmes innovants conçus pour créer des outils de changement à l’attention des étudiants, des salariés et des universités. En tant que consultante, elle continue à apporter son expertise et sa passion à ses clients intéressés par l’acquisition d’outils pour changer les inégalités dans la société.

Sa vie a été bouleversée après la naissance de ses enfants, Martel et Greyson, qui lui ont lancé le défi de mettre en pratique ses valeurs de liberté et de respect dans son rôle de parent. Elle a décelé dans sa parentalité des attitudes qui n’étaient pas en cohérence avec les valeurs qu’elle défendait dans son travail. Utilisant son expérience d’éducatrice pour un changement social, elle a entamé son propre apprentissage pour établir des relations respectueuses avec les enfants qui partageaient sa vie.
Cette exploration personnelle ainsi que son désir d’impulser aux autres la mise en place d’un changement social en changeant le regard que nous portons sur les enfants et la façon dont nous les traitons sont relayés sur son site Internet ainsi que dans son livre Parenting for Social Change: Transform Childhood, Transform the World (‟Elever ses enfants pour un changement social”, en anglais uniquement). Vous pouvez la retrouver sur son site Parenting for Social Change.

2. Barry Checkoway, Adults as Allies, W.J. Kellogg Foundation, July 5, 2010, 13. (Voir l'extrait publié sur le site de Teresa Graham Brett.)

 

Source : http://www.oveo.org/ladultisme-ce-poison-invisible-qui-in...

 

 

15/04/2015

Mort de l'écrivain Eduardo Galeano, figure emblématique de la gauche latino-américaine

 

Le Monde.fr | 13.04.2015 à 16h03 • Mis à jour le 14.04.2015 à 08h11 | Par Julie Clarini

     

                                    

image: http://s2.lemde.fr/image/2015/04/13/534x0/4615129_6_3d36_eduardo-galeano-en-avril-2009_94716f5ada91b2f835865b7008843685.jpg

Eduardo Galeano, en avril 2009. Eduardo Galeano, en avril 2009. RONALDO SCHEMIDT / AFP

Le journaliste et écrivain uruguayen Eduardo Galeano est mort lundi 13 avril, à l’âge de 74 ans, dans sa ville natale, Montevideo, après avoir connu l’exil pendant plus de douze ans. Cet auteur prolifique, salué par la critique pour sa prose brûlante, toujours à fleur d’indignation, fut acteur et chroniqueur des luttes d’émancipation qui se sont déroulées sur le continent sud-américain dans le dernier quart du XXsiècle. Son nom restera associé au livre devenu un classique de la gauche latino-américaine, écrit en 1971 : Les Veines ouvertes de l’Amérique latine (traduit en français en 1981), une dénonciation cinglante du pillage des nations d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud par les puissances européennes et nord-américaine, traduite dans une vingtaine de langues. En 2010, le prestigieux prix littéraire Stig-Dagerman distinguait l’écrivain pour « avoir toujours été du côté des damnés de la terre, sans avoir cherché à être leur porte-parole ».

Son parcours, intensément politique, est le reflet d’une époque mouvementée où l’engagement se faisait autant par la plume que par les armes. Né le 3 septembre 1940, il débute très jeune dans la presse, comme journaliste et caricaturiste. A l’âge de 21 ans, il dirige Marcha, l’hebdomadaire-phare des intellectuels latino-américains de gauche, puis le quotidien Epoca. Chassé d’Uruguay par le coup d’Etat de 1973, Eduardo Galeano est également contraint de quitter l’Argentine, pays où il a trouvé refuge et fondé une autre revue, Crisis. Il choisit l’exil en Espagne, à Barcelone, en 1976, et ne revient dans son pays que dix ans plus tard, en 1985, alors qu’y débute la transition démocratique.

« Pour Obama, affectueusement. Hugo Chavez »

Son œuvre engagée témoigne de son attachement indéfectible à la lutte contre l’oppression. Sa trilogie Mémoires du feu (Les Naissances, 1982 ; Les Visages et les Masques, 1984 et Le Siècle du vent, 1986) traduite chez Plon, est une immense fresque inspirée par l’histoire de l’Amérique latine, des peuples précolombiens au XXsiècle : l’écrivain y donne à voir et à sentir, dans un puzzle de faits divers, de témoignages, d’extraits de discours, l’histoire d’un continent qui ploie sous la misère – des pages de prose « violentes, émouvantes, hurlantes de colère », écrivait Pierre Lepape dans Le Monde des livres, en 1988. Seul l’oubli tue véritablement, pensait Galeano, infatigable chroniqueur.

L’une des dernières personnes à avoir rendu visite chez lui à cette grande figure de la gauche latino-américaine est le président bolivien Evo Morales, nouvelle preuve que l’homme fut une figure importante et son œuvre un marqueur. Une anecdote autour de son essai Les Veines ouvertes de l’Amérique latine en témoigne :en marge du sommet des Amériques, en 2009, Hugo Chavez, le président vénézuélien, en avait offert et dédicacé un exemplaire à son homologue américain, Barack Obama — « Pour Obama, affectueusement ».

Aussitôt questionné sur ce geste, Galeano avait répondu que selon lui, ni l’un ni l’autre ne pouvaient comprendre ce texte, ajoutant : « C’est écrit dans une langue qu’Obama n’entend pas. C’est un geste généreux mais un peu cruel. »

Une partie de son œuvre est aujourd’hui disponible en français grâce à la maison d’édition québécoise Lux. Comme tous ses compatriotes, selon lui, il avait voulu être footballeur et avait consacré un très beau livre d’hommage à ce sport, en 1995 : Le Football, ombre et lumière (Climats, 1998). La parution d’un nouveau livre d’Eduardo Galeano, Mujeres (« Femmes »), est prévue jeudi en Espagne.

Eduardo Galeano n’avait jamais perdu la flamme, s’enthousiasmant en 2011 pour le mouvement des Indignés, en Espagne, rassemblé à la Puerta des Sol, à Madrid, qui était pour lui, disait-il, une « injection de vitamine E, pour “Espérance” ». Du reste, dans un entretien à un journaliste espagnol en 2012, il assurait : « Je crois que les mots ont un pouvoir, comme Serenus Sammonicus, qui, en 208, pour éviter la fièvre tierce, conseillait de se mettre sur la poitrine un mot et de se protéger grâce à lui nuit et jour : c’était abracadabra, qui signifie en hébreu ancien “envoie ta foudre jusqu’au bout”… Je choisirais également cette phrase. » Jusqu’à la mort.


En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/disparitions/article/2015/04/13/mort-de-l-ecrivain-eduardo-galeano_4615130_3382.html#WWIcIoDCbBF10HmY.99