En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.
Les minutes alarmantes de la rencontre de la semaine passée entre le président Vladimir Poutine et le secrétaire d’état US John Kerry révèlent "l’extrême outrage" du dirigeant russe concernant la protection, par le régime Obama, des géants de l’agrochimie Syngenta et Monsanto face à une "apocalypse des abeilles" dont le Kremlin avertit qu’elle "mènera très certainement" à une guerre mondiale.
Selon ces minutes, publiées aujourd’hui au Kremlin par le ministère des ressources naturelles et de l’environnement de la fédération de Russie (MRNE), Poutine était si énervé du refus du régime Obama de discuter de ce sujet très grave qu’il déclina pendant trois heures de recevoir Kerry, qui avait voyagé jusqu’à Moscou pour une mission diplomatique programmée d’avance, mais se ravisa pour ne pas créer une scission encore plus grande entre les deux nations.
Au centre de cette dispute entre la Russie et les USA, annonce ce rapport du MRNE, sont les "preuves incontestées" qu’une gamme d’insecticides neuro-actifs liés à la nicotine, connue sous le nom de néo-nicotinoïdes, détruisent la population d’abeilles de notre planète, ce qui, laissé en l’état, pourrait anéantir la capacité de notre monde à faire pousser assez de nourriture pour nourrir ses populations.
Cette situation est devenue si sérieuse, rapporte le MRNE, que la Commission Européenne dans son ensemble a institué la semaine dernière une interdiction de précaution de deux ans (devant commencer le 1 décembre 2013) sur l’usage de ces pesticides "tueurs d’abeilles" à la suite de la Suisse, de la France, de l’Italie, de la Russie, de la Slovénie et de l’Ukraine, qui avaient déjà tous interdit l’usage d’organismes génétiquement modifiés des plus dangereux sur le continent.
Deux des néo-nicotinoïdes les plus redoutés sous le coup de cette interdiction sont Actara et Cruiser, fabriqués par la multinationale suisse de biotechnologie Syngenta AG, qui emploie plus de 26000 personnes dans plus de 90 pays, eu troisième rang mondial des ventes sur le marché commercial des semences agricoles.
Il est important de noter, dit ce rapport, que Syngenta, avec les géants de la bio-tech Monsanto, Bayer, Dow et DuPont contrôlent maintenant presque 100% du marché global de pesticides et de semences et plantes génétiquement modifiées.
Relevable également à propos de Syngenta, poursuit le rapport, en 2012 Syngenta fut condamnée en Allemagne pour avoir caché le fait que son maïs génétiquement modifié tue le bétail, et paya comme réparation d’une plainte collective $105 millions aux USA suite à la découverte de la contamination de l’eau potable de quelques 52 millions de citoyens états-uniens, dans plus de 2000 bassins aquifères avec son herbicide "changeur de genre" Atrazine.
"En tant que composante d’une étude sur les effets de la classe d’insecticides les plus utilisés au monde, des produits chimiques similaires à la nicotine appelés les néo-nicotinoïdes, l’American Bird Conservancy (ABC) a appelé à une interdiction de leur usage et à la suspension de toutes leurs applications en attente d’un examen indépendant des effets de ces produits sur les oiseaux, les invertébrés terrestres et aquatiques, et d’autres organismes vivants.
Il est clair que ces produits chimiques ont le potentiel d’affecter des chaînes alimentaires entières. La persistance dans l’environnement des néo-nicotinoïdes, leur propension au ruissellement et à l’infiltration dans les eaux souterraines, et leur mode d’action cumulatif et grandement irréversible chez les invertébrés soulèvent des inquiétudes écologiques sérieuses,"
a dit Cynthia Palmer, co-auteure du rapport et directrice des programmes sur les pesticides pour ABC, l’une des organisations les plus éminentes des USA pour la conservation des oiseaux.
ABC a commandité le toxicologue environnemental de renommée mondiale le Dr. Pierre Mineau pour mener ces recherches. Le rapport de 100 pages, "L’impact des insecticides les plus usités de la nation sur les oiseaux", passe en revue 200 études sur les néo-nicotinoïdes dont des études menées par l’industrie elle-même et obtenues grâce au Freedom of Information Act US (loi sur la liberté de l’information, ndt). Le rapport évalue le risque toxicologique encouru par les oiseaux et les écosystèmes aquatiques, et comprend des comparaisons exhaustives avec les anciens pesticides que les néo-nicotinoïdes ont remplacé. Le document conlut que les néo-nicotinoïdes sont mortels pour les oiseaux et aux systèmes aquatiques dont ils dépendent.
"Un seul grain de maïs enduit d’un néo-nicotinoïde peut tuer un passereau," atteste Palmer. "Même un tout petit grain de blé ou sa canule raité avec le plus ancien des néo-nicotinoïde – dénommé imidacloprid – peut empoisonner un oiseau de manière fatale. Et aussi peu qu’un dixième de semence de maïs recouverte de néo-nicotinoïde par jour pendant la saison de ponte est tut ce qu’il faut pour perturber la reproduction."
Le nouveau rapport conclut que les taux de contamination par les néo-nicotinoïdes dans les eaux de surface et souterraines aux États-Unis et autour du monde ont déjà dépassé le seuil constaté être mortel pour beaucoup d’invertébrés aquatiques.
Rapidement suite à ce sévère rapport, dit le MRNE, un large groupe d’apiculteurs et d’écologistes états-uniens a porté plainte contre le régime Obama à cause de la poursuite de l’usage de ces néo-nicotinoïdes, affirmant: "Nous amenons l’EPA (Environmental Protection Agency, agence de protection de l’environnement US, ndt) devant les tribunaux à cause de son échec à protéger les abeilles des pesticides. Malgré nos meilleurs efforts pour prévenir l’agence des problèmes posés par les néo-nicotinoïdes, l’EPA a continué d’ignorer les signes d’avertissement clairs d’un système agricole en péril."
La gravité de ce qui est vraiment devenu le système agricole planétaire du fait de ces plantes et semences génétiquement modifiées et ces pesticides, poursuit le rapport, peut être comprise à travers la décision de la Commission Européenne la semaine dernière, qui fait suite à leur interdiction des néo-nicotinoïdes, où ils projettent de rendre illégales presque toutes les plantes et semences non-enregistrées auprès de l’Union Européenne, et nous pouvons lire, entre autres:
"L’Europe se précipite vers les bons vieux jours de 1939, 40… Une nouvelle loi proposée par la Commission Européenne rendrait illégales "la culture, la reproduction et le commerce" de toutes semences végétales qui n’aient pas été "testées, approuvées et acceptées" par une nouvelle bureaucratie de l’UE dénommée "l’agence de l’UE des variétés végétales.
Cela s’appelle la Loi sur le Matériel Reproductif Végétal, et entend rendre le gouvernement responsable de presque toutes les plantes et semences. Les jardiniers chez eux qui font pousser leurs propres plantes à partir de semences non-régulées seraient considérés comme des criminels sous cette loi."
Ce rapport du MRNE souligne que bien que cette action de l’UE paraisse draconienne, elle est néanmoins nécessaire pour purger le continent d’une poursuite de la contamination par ces "monstruosités de semences" engendrées par la génétique de laboratoire.
Ce qui rend encore plus perplexe dans tout cela, dit le MRNE, et qui provoqua la colère de Poutine envers les USA, sont les efforts fournis par le régime Obama pour protéger les bénéfices des producteurs de pesticides en face des dommages catastrophiques infligés à l’environnement. Comme le dit, entre autres choses, le Guardian News Service dans leur article du 2 mai intitulé "Les USA rejettent l’affirmation de l’UE que les pesticides sont la principale cause pour la chute de population des abeilles":
"L’Union Européenne a voté cette semaine une interdiction de deux ans de l’usage d’une classe de pesticides, connus sous le nom de néo-nicotinoïdes, qui a été associée avec la disparition des abeilles. Le rapport du gouvernement US, par contre, trouva des causes multiples à la disparition des abeilles mellifères."
Le MRNE ajoute que les "vraies" raisons derrière la protection accordée par le régime Obama à ces géants de la biotechnologie qui détruisent notre monde peuvent être trouvées dans l’article intitulé "Comment Barack Obama est-il devenu l’homme de Monsanto à Washington?" et qui lit, entre autres:
"Après sa victoire aux élections de 2008, Obama donna des postes-clés à des employés de Monsanto dans des agences fédérales ayant une influence considérable sur les thèmes alimentaires, la USDA (US Department of Agriculture, ministère de l’agriculture US, ndt) et la FDA (Food and Drug Administration, agence des aliments et des drogues, ndt): à la USDA, comme directeur du National Institute of Food and Agriculture (institut national de la nourriture et de l’agriculture, ndt), Roger Beachy, ancien directeur du Danforth Center de Monsanto. Comme commissaire adjoint de la FDA, le nouveau tsar des sujets de sécurité alimentaire, le notoire Michael Taylor, ancien vice-président des relations publiques de Monsanto. Taylor avait été instrumental dans l’obtention de l’approbation de l’hormone de croissance bovine fabriquée en laboratoire de biogénétique par Monsanto."
Encore pire, après que la Russie ait suspendu l’importation et l’utilisation du maïs transgénique de Monsanto suite à une étude suggérant un lien avec le cancer du sein et des dommages aux organes en septembre dernier, le Russia Today News Service a rapporté la réaction du régime Obama:
"La Chambre des Représentants US a passé en catimini un ajout de dernière minute à sa loi de prévision budgétaire agricole pour 2013 la semaine dernière – incluant une provision protégeant les semences génétiquement modifiées de litiges en cas de risques sanitaires.
Le texte, portant le titre officiel de "Farmer Assurance Provision" (provision d’assurance des fermiers, ndt), a été dénoncé par des opposants au lobbying biotechnologique comme le "Monsanto Protection Act", car il retirerait aux tribunaux fédéraux l’autorité pour faire immédiatement stopper la plantation et la vente de plantes et semences génétiquement modifiées en dépit de toutes considération sanitaires des consommateurs.
La provision, également décrite comme un "texte biotech", aurait dû passer par des comités agricoles ou juridiques pour examen. Au contraire, aucune audition n’a eu lieu, et le document était de toute évidence inconnu de la plupart des Démocrates (qui détiennent la majorité au Sénat) avant son approbation comme partie du HR 993, la loi de financement à court terme qui fut passée pour éviter une banqueroute du gouvernement fédéral."
Débat | Sous-estimé en France, le penseur Bruno Latour est une star à l'étranger, où il développe l'une des théories les plus avant-gardistes sur l'avenir de la terre : celle de Gaia, un système complexe, fini et capable de s'autoréguler. Qui pose la question de la survie non-plus de la planète mais des humains.
Le 04/05/2013 à 00h00 Weronika Zarachowicz - Télérama n° 3303
Première photo de la Terre prise de la Lune par l'équipage de l'Apollo 8 en décembre 1968.
La scène se passe en février dernier, dans la très vieille et vénérable université d'Edimbourg. Une foule dense d'étudiants, d'enseignants, de curieux venus d'Ecosse et d'ailleurs se presse pour assister à un rendez-vous incontournable du monde intellectuel : les Gifford Lectures, des conférences sur la théologie, la philosophie et leur rapport à la science, données par la crème de la pensée occidentale depuis plus d'un siècle. Hannah Arendt, John Dewey, George Steiner, Richard Dawkins, Noam Chomsky, Henri Bergson ou Raymond Aron y ont dispensé leurs lumières. Et ce 18 février 2013, c'est un Français à l'œil pétillant et aux sourcils broussailleux qui ouvre son cours.
Bruno Latour est sociologue, anthropologue, philosophe, reconnu en France, mais un peu en catimini. A l'étranger en revanche, c'est une star – il est traduit en trente langues, et plus souvent cité sur Google que Michel Serres, l'un de ses maîtres. Il est admiré pour son œuvre foisonnante, qui empoigne la question de l'écologie et de la modernité, et dément « l'idée reçue d'une décadence de la pensée française », comme l'écrivait récemment le philosophe Patrice Maniglier. Pour les Gifford, notre philosophe aventurier affronte une figure mystérieuse et controversée : Gaia, qu'il propose de regarder « en face ». « Combien de fois, explique-t-il devant un auditoire captivé, m'a-t-on conseillé de ne pas utiliser le terme et de ne pas avouer que j'étais intéressé par les livres de James Lovelock ! »
L'une des conférences de Bruno Latour aux Gifford Lectures à l'université d'Edimbourg
La terre : un être vivant capable de s'autocontrôler ?
Gaia, la déesse, Terre mère redoutable et toute-puissante de la Grèce archaïque, fleure bon les romans de l'écrivain de science-fiction Isaac Asimov, le new age et les néopaganismes. Mais Gaia, c'est surtout une déroutante hypothèse scientifique, formulée au début des années 1970 par un scientifique inventeur anglais, James Lovelock, et une microbiologiste américaine, Lynn Margulis : la Terre, selon eux, n'est pas une matière inerte.
Si la vie a pu y prospérer, c'est parce qu'elle constitue une énorme entité composée d'interactions entre différents écosystèmes, comprenant la biosphère terrestre, l'atmosphère et les océans. Chacune de ses composantes – physiques, chimiques, biologiques – interagit de façon à maintenir un environnement optimal pour la vie ! Bref, Gaia est un gigantesque « être vivant » capable d'autocontrôler sa température et la composition de sa surface, écrit Lovelock en 1974 (1).
Un écosystème autorégulé à la surface de la Terre, somme de tous les autres écosystèmes en interaction
D'abord rejetée comme « non scientifique » et non vérifiable, cette hypothèse révolutionnaire a peu à peu repris du galon. Plusieurs organismes scientifiques internationaux ont endossé la théorie d'un « système Terre », écosystème autorégulé à la surface de la Terre, somme de tous les autres écosystèmes en interaction. Parallèlement, les scientifiques ont confirmé que notre planète fait face à des changements environnementaux globaux, en passe de modifier la relative stabilité du climat que Gaia contribuait jusqu'ici à maintenir. La biodiversité se réduit. L'effet de serre augmente. Le climat se réchauffe à très, très grande vitesse.
On connaît la suite : création du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) et ses nombreux rapports, prise de conscience générale, grandes conférences internationales sur le climat qui, l'une après l'autre, échouent... Rappelons les dernières prévisions : la température moyenne de la Terre, actuellement de 15 °C, pourrait augmenter de 3 à 4 °C d'ici à 2060, de 6 °C d'ici à la fin du siècle. Aucun chercheur n'ose imaginer les conséquences du scénario pour ceux qui habiteront la planète à ce moment-là, principalement nos enfants ou nos petits-enfants.
Un nouvel âge géologique : l'anthropocène
Mais on peut raconter l'histoire d'une autre façon, popularisée par un scientifique néerlandais, le Prix Nobel de chimie Paul Crutzen : nous sommes entrés dans un nouvel âge géologique, l'anthropocène. Pour la première fois dans l'histoire de la Terre, l'anthrôpos – l'homme – est devenu la force géophysique qui modifie le plus la planète. L'être humain est déjà le premier agent de production et de distribution dans le cycle de l'azote ; avec la déforestation, il est l'un des principaux accélérateurs de l'érosion ; sans parler de son rôle dans le cycle du carbone, qui bouleverse la composition chimique de l'atmosphère !
“Littéralement, la Terre se dérobe sous nos pieds”
« En l'espace de deux générations, depuis les années 1950, nous voilà confrontés à l'anthropocène : l'obligation de prendre en charge la biosphère et l'atmosphère, résume le philosophe Patrick Degeorges, chargé de mission au ministère de l'Ecologie. Nous sommes contraints de repenser l'histoire humaine à échelle géologique, à la fois vers le passé et vers le futur, puisque nos émissions de carbone nous engagent pour les prochains dix mille, voire cent mille ans. C'est un éclatement des horizons qui donne le vertige : littéralement, la Terre se dérobe sous nos pieds. »
Ce vertige, les géologues, les climatologues, les chimistes ne sont plus seuls à le vivre. Du côté des humanités, des philosophes s'y confrontent à leur tour et élaborent une pensée de l'anthropocène. On les compte sur les doigts des deux mains – Bruno Latour, Isabelle Stengers, Mary Midgley, John Baird Callicott, Catherine Larrère… Mais leurs textes font souffler un vent nouveau, ultra créatif et puissant, qui nous fait dépasser les simples injonctions techniques – éteignez les lumières, pensez à recycler, pensez à la planète. Leur pari ? Nous donner à voir ce que nous ne voyons plus, comme il y a quelques jours, par exemple, cette révélation (en une du New York Times, passée presque inaperçue chez nous) que la calotte glaciaire des Andes, au Pérou, a fondu en vingt-cinq ans, alors qu'elle avait mis mille six cents ans (au moins) à se constituer.
Pourquoi avons-nous tant de mal à réagir et à « faire attention », comme dit la philosophe belge Isabelle Stengers ? Tâche immense en effet que de sentir des changements « globaux » quand on n'est pas soi-même un être « global » ; de ressentir le « climat » quand les seules façons d'en parler sont des gigantesques modèles conçus par ordinateur. « C'est toute la difficulté du changement climatique ; nous ne pouvons en faire l'expérience en tant que tel, car c'est une construction, un grand récit scientifique qui reste déconnecté de la vie quotidienne, en particulier dans les mégapoles globalisées où conditions et modes de vie nous insensibilisent », explique Patrick Degeorge. Bref, nous autres modernes sommes incapables de regarder Gaia en face et de faire le deuil de nous-mêmes.
“L'anthropocène et Gaia sont deux concepts extraordinairement en avance sur l'époque”
« L'anthropocène est le concept philosophique, religieux, anthropologique et politique le plus décisif jamais produit comme alternative aux idées de modernité », affirmait Bruno Latour en Ecosse. Quelques semaines plus tard, dans son bureau de Sciences Po, les yeux du philosophe pétillent toujours autant quand il évoque Gaia. « Au XVIe siècle, on a découvert l'Amérique. Au XIXe, on découvre non pas d'autres terres au sens d'une extension de l'espace, mais au sens d'une intensification de notre rapport à cette Terre. C'est aussi important et nous sommes aussi démunis face à cette découverte que nos ancêtres avec leurs idées médiévales. Ce qui m'intéresse aussi, c'est que l'anthropocène et Gaia sont deux concepts élaborés par des chercheurs de sciences exactes, extraordinairement plus en avance sur l'époque que toute une flopée d'intellectuels, de politiques, d'artistes qui ne s'intéressent qu'à l'histoire des êtres humains. »
Un rapport harmonieux et non plus conflictuel à la nature
Voilà le premier intérêt de Gaia pour les philosophes : mettre les pieds dans le plat de l'anthopocentrisme. Bouleverser l'habitude des modernes de ne parler que d'eux, à travers la nature et tous les « non-humains » (animaux, microbes, montagnes...), selon la formule de Bruno Latour. Nommer Gaia, selon Isabelle Stengers, c'est donner « un coup de vieux aux versions épiques de l'histoire humaine, lorsque l'homme, dressé sur ses deux pattes et apprenant à déchiffrer "les lois de la nature", a compris qu'il était maître de son destin, libre de toute transcendance. » Les humains ne sont pas le centre de la vie, pas plus qu'aucune autre espèce. Ils constituent « une partie qui croît rapidement dans un énorme tout ancien », écrit Lynn Margulis dans un article remarquable sur Gaia. Ils sont là, dans, avec et à côté de l'eau, de l'air, de la terre, à côté des bactéries, à côté des éléphants, à côté des microbes et des arbres de la forêt tropicale. Tous liés les uns aux autres. Mais l'homme y est à la fois plus puissant et plus fragile que jamais...
Trouver de nouveaux modes de coexistence entre humains et non-humains
La théorie Gaia ouvre un monde d'une complexité et d'une richesse étonnantes, avec une multitude de portes d'entrée. Celle, par exemple, offerte par un Américain encore trop méconnu en France, John Baird Callicott. Ce maestro de l'éthique environnementale insiste sur la nécessité de préserver le bien commun et de trouver de nouveaux modes de coexistence entre humains et non-humains (plantes, animaux...), en tenant compte des relations d'interdépendance qui définissent Gaia et en proposant de « penser comme Gaia ». Le philosophe américain dessine un nouveau rapport à la nature, harmonieux et non plus conflictuel, une précieuse et ambitieuse extension de l'éthique pour remplacer le paradigme industriel qui a marqué la modernité. Et dès lors, c'est toute l'idée que nous nous faisons de nous-mêmes qui s'en trouve transformée.
John Baird Callicot défend la théorie de Gaia à Paris en mai 2008
Vers les “humanités scientifiques”
Bruno Latour pousse plus loin la nécessité d'une refonte, et sur d'autres bases. Sus aux paradigmes d'hier, auxquels les modernes, les Occidentaux s'accrochent déséspérement, à ces fictions progressistes qui dressent une frontière entre le scientifique et la politique, la nature et la culture. Bienvenue dans les « humanités scientifiques », situées au croisement des sciences et de la politique. Elles seules sont capables de nous faire explorer le chaos d'aujourd'hui, et surtout de nous apprendre à naviguer dessus. Et quel morceau de choix que Gaia, née sous les doubles auspices de la science et des humanités ! Cette théorie dont le nom fut soufflé au scientifique Lovelock par... un écrivain, son ami William Golding, auteur de Sa Majesté des mouches. Gaia, quatre petites lettres à la place de « système cybernétique à tendances homéostatiques telles que détectées par les anomalies chimiques dans l'atmosphère terrestre ». Et à l'arrivée un « affreux mélange » qui permet à Bruno Latour de livrer un concentré fulgurant et inventif de l'oeuvre qu'il construit depuis trente ans autour des sciences, de la politique, du droit, de la religion, de la métaphysique.
Un « système science », un cosmos fini et « local » qui bouleverse radicalement la vision de l'univers infini
Le philosophe aborde Gaia par une démarche... gaïenne ! Il croise, interconnecte, enrôlant dans ce voyage mental Walt Disney, le cinéaste hongrois Béla Tarr ou le philosophe allemand Peter Sloterdijk. Il nous offre des clés essentielles pour mieux cerner cette entité étrange, ni divinité ni nature : un « système science » ; un cosmos fini et « local » qui bouleverse radicalement la vision de l'univers infini, sans limites des modernes ; une Histoire en soi, succession d'événements que Latour nomme « géo-histoires », histoires mélangées et intriquées de tout ce qui existe sur la Terre ; et surtout une injonction à repenser la politique, si seulement « on prend au sérieux ce que nous dit Gaia, à l'époque de l'anthropocène ».
Gaia : vengeresse ou indifférente à l'égard des humains ?
Prenons-la donc au sérieux. Et tentons d'interpréter ses messages. Gaia est en colère, elle prend sa revanche, affirme James Lovelock, devenu prophète du désastre dans l'un de ses derniers livres. « En empiétant sur l'environnement, c'est comme si nous avions à notre insu déclaré la guerre au système Terre. » D'où les cyclones Katrina ou Sandy, les grandes sécheresses, etc. Lovelock précise user d'une métaphore, mais est-ce la bonne, s'interroge Emilie Hache, jeune voix éloquente de la philosophie de l'écologie. « Il fait appel à cette métaphore guerrière pour nous faire (ré)agir, mais cette dernière nous engage-t-elle vers une façon d'agir intéressante, efficace ? Est-ce le type de relation dont nous avons aujourd'hui besoin ? » Imaginer une Gaia vengeresse nous amène en terrain glissant : comme si l'on savait ce qu'elle voulait, mais aussi comme si un tel scénario justifiait « une compensation, une punition et pourquoi pas la mort de l'humanité ».
L'enjeu est de nous protéger, pas de sauver la planète
On préfère la version de Lynn Margulis, finalement adoptée par beaucoup de philosophes : une entité ni protectrice ni malfaisante dans sa relation à l'humanité. « Gaia s'en sortira toujours, qu'on soit là ou non, c'est le processus bactérien qui continue, résume Catherine Larrère, la spécialiste française de l'éthique environnementale. Elle n'a pas besoin de nous, humains comme non-humains. Nous ne pouvons mettre fin à la nature, mais nous pouvons nous menacer nous-mêmes. » C'est ce qu'Isabelle Stengers appelle les relations dissymétriques. L'enjeu est de nous protéger, pas de sauver la planète. Ce qui bouleverse radicalement les perspectives, pour les écologistes et les autres. Bien traiter Gaia, qui se montre de plus en plus sensible et « chatouilleuse », qui réagit de plus en plus vite à nos actions, nous oblige à retrouver « l'art de faire attention » et à redevenir sensibles, nous aussi : non pas parce qu'elle serait fragile, mais parce que nous dépendons d'elle pour vivre.
Encore faut-il définir ce « nous », et s'ouvre là l'un des pans les plus vertigineux des Gifford Lectures de Latour. Car qui est l'homme de l'anthropocène ? Non pas cet anthrôpos unifié comme les modernes continuent de nous le présenter, mais des hommes aux intérêts contradictoires, aux cosmos opposés, des adversaires en guerre : bref, résume Bruno Latour, « nous sommes dans Babel après la chute de la tour géante » ! Pensons aux violentes controverses sur la réalité du changement climatique, qui opposent les scientifiques du Giec aux climatosceptiques. Ces derniers ne sont pas « irrationnels », ce sont des adversaires politiques qui investissent des millions de dollars dans des machines de guerre – comme les think tanks – pour contester le réchauffement. Car ils ont compris que cette thèse et ses implications représentent la fin de leur monde, celui de l'énergie bon marché, celui de la croissance et de la consommation sans limite.
“Nous devons identifier nos ennemis et nos alliés, les gens de Gaia”
Cette vision prométhéenne d'un homme capable de modeler la nature à l'infini n'étant évidemment pas exempte d'intérêts matériels et financiers bien compris. « Logiquement et raisonnablement, ils résistent, ils se battent. » D'où la question fondamentale que Gaia nous oblige à affronter, la seule qui soit porteuse de solutions : quelle politique à l'âge de l'anthropocène ? « Nous devons identifier nos ennemis et nos alliés, les gens de Gaia, ceux qui ne se disent pas seulement "humains", poursuit Latour. Une fois cette décision prise (car c'est une décision), nous serons capables de reconnaître la multiplicité des peuples qui sont en conflit, un état de guerre, et ensuite on pourra parler de paix. Ce qui nécessitera de la diplomatie, des traités de paix... Ni la nature, ni Dieu n'apportent d'unité ni de paix. Mais "les gens de Gaia", ceux qui se disent "Terriens", peuvent peut-être devenir, eux, les artisans de la paix. » En attendant, avec ces Gifford Lectures, c'est bel et bien la première philosophie gaienne que Bruno Latour vient d'écrire. Et c'est, à l'image de Gaia, un monde effrayant et fabuleux.
(1) James Lovelock ne présente plus Gaia comme un « organisme » vivant, ayant une « finalité ».
La déesse Gaia, un mythe grec L'hostilité des scientifiques à la théorie Gaia tient en partie à son nom, qui renvoie à la mythologie. Car Gaia, c'est la « Terre mère » originelle, déesse « aux larges flancs » de la mythologie grecque archaïque, héroïne de la Théogonie d'Hésiode. Née après le Chaos, Gaia est l'ancêtre maternelle des races divines et des monstres (mère des Titans et des Cyclopes, grand-mère de Zeus, etc.) : une déesse souvent cruelle et redoutable...
.
À lire
Facing Gaia. A new enquiry into natural religion, Gifford Lectures, février 2013, de Bruno Latour Ethique de la Terre, de John Baird Calicott, éd. Wildproject, 2010. Ce à quoi nous tenons, d'Emilie Hache, éd. La Découverte, 2011. Au temps des catastrophes, d'Isabelle Stengers, éd. La Découverte, 2009. Du bon usage de la nature, de Catherine et Raphaël Larrère, éd. Flammarion, 2009. Ethiques de la nature, de Gerald Hess, éd. PUF (à paraître le 29 mai).
La Commission Européenne va criminaliser presque toutes les semences et plantes non enregistrées auprès des gouvernements
Une nouvelle loi proposée par la Commission Européenne, rendrait illégal de « cultiver, reproduire ou faire commerce » de toute semence de légumes n’ayant pas été « testées, approuvées et acceptées » par la nouvelle paperasserie européenne, elle a pour nom « Agence pour l’UE sur la diversité des plantes ».
On l’appelle la Loi sur les matériaux de reproduction des plantes et son but est de rendre virtuellement responsable le gouvernement de toutes les plantes et semences. Les jardiniers amateurs qui cultivent leurs propres plantes à partir de semences non répertoriées seraient considérés comme des criminels en vertu de cette loi.
« Cette loi stoppera immédiatement le développement professionnel des variétés de légumes pour les jardiniers amateurs, les producteurs bio, et les petits maraîchers », a dit Ben Gabel, qui cultive des légumes et est le directeur du catalogue des semences naturelles. « Les jardiniers amateurs ont des besoins réellement différents – par exemple ils jardinent manuellement, n’ont pas de machines et ne peuvent ou ne veulent utiliser des pulvérisations chimiques. Il n’y a pas de moyen pour enregistrer les variétés qui conviennent à un usage domestique car ils ne répondent pas à des critères stricts de l’Agence pour la diversité des plantes, qui ne s’occupe que d’approuver le genre de semence utilisé par les agriculteurs industriels ». Virtuellement toutes les plantes, légumes, graines et jardiniers seront finalement enregistrés par le gouvernement Tous les gouvernements, bien sûr, se sont entichés de l’idée d’enregistrer tout le monde et toutes choses. En vertu du paragraphe IV de la loi proposée par l’UE :
Paragraphe IV : enregistrement des variétés dans des registres nationaux et de l’Union Les variétés, dans le but de les rendre disponibles sur le marché à travers l’Union, seront incluses dans un registre national ou dans un registre de l’Union via une procédure d’application directe par le CVPO(Community Plant Variety Office = Bureau de la communauté pour la diversité des plantes). Les jardiniers doivent aussi payer une redevance à la bureaucratie de l’UE pour l’enregistrement de leurs semences.
D’après le texte de loi proposé : Les autorités compétentes et le CPVO prélèveraient une redevance pour le traitement des demandes, l’examen formel et technique comprenant des audits, la dénomination des variétés et la maintenance des variétés pour chaque année pendant la durée de l’enregistrement. Bien que cette loi peut ne viser au début que les jardiniers professionnels, elle constitue un précédent pour se poursuivre tôt ou tard par les jardiniers amateurs et exiger qu’ils respectent ces mêmes stupides règlements.
La bureaucratie gouvernementale devient folle C’est un exemple de dérapage de la bureaucratie », dit Ben Gabel. « Tout ce que fait cette nouvelle loi est de créer une tonne de fonctionnaires civils dans l’UE payés à déplacer des montagnes de papiers toute la journée, tout en supprimant un approvisionnement en semences aux jardiniers amateurs et en interférant avec les droits des agriculteurs de cultiver ce qu’ils souhaitent. Il est aussi très ennuyeux qu’ils se soient arrogés le pouvoir de réglementer et donner une autorisation dans l’avenir pour toutes les espèces de plantes – pas juste les plantes agricoles, mais les herbes, les tourbes, les fleurs, la totalité – sans avoir à le rapporter au Conseil pour être voté ».
Le jargon utilisé par une bureaucratie malade qui obligera les cultivateurs et jardiniers à se plier à cette loi de l’UE, est un langage bureaucratique orwellien qui ne signifie qu’une chose : tous les jardiniers devraient se préparer à se soumettre à la folie gouvernementale concernant les graines, les légumes et les jardins privés.
Comme on peut le soupçonner, cette idée est la « solution finale » de Monsanto, DuPont et autres corporations de semenciers qui ont depuis longtemps admis que leur but est de dominer complètement toutes les semences et cultures de la planète. En criminalisant la culture privée de légumes – transformant ainsi les jardiniers en criminels – les bureaucrates de l’UE peuvent enfin céder le total contrôle de l’approvisionnement alimentaire à de puissantes corporations comme Monsanto. La plupart des semences de variétés anciennes deviendront criminelles Presque toutes les variétés anciennes de graines de légumes seront criminalisées en vertu de cette loi de l’UE. Cela veut dire que le fait de sauvegarder des graines d’une génération pour les ressemer l’année suivante – base d’un mode de vie durable – deviendra un acte criminel.
De plus, comme l’explique Gabel, cette loi « …tuera efficacement l’utilisation des graines pour les jardins privés de l’UE ». C’est le souhait ultime de tous les gouvernements, bien sûr : criminaliser tout action en vue d’une autonomie et rendre la population complètement dépendante des monopoles des corporations pour sa survie. C’est vrai aussi bien aux USA que dans l’UE. Voilà ce que font les gouvernements : ils prennent le contrôle, un secteur à la fois, année après année, jusqu’à ce que vous finissiez par vivre en esclave sous un régime dictatorial mondial.
Source: NaturalNews, via BistroBarBlog, traduction Bbb
La Bolivie est devenue la première nation à se libérer de la malbouffe de McDonald, qui a lutté pendant plus d’une décennie pour conserver son icône «rouge». Et cette victoire de la Bolivie a encore fait la une des journaux.
Après 14 ans de malbouffe dans le pays et en dépit des nombreuses campagnes de promotion, McDonald a été contraint de fermer en 2002, ses 8 restaurants boliviens dans les principales villes de La Paz, Cochabamba et Santa Cruz de la Sierra.
McDonald a servi ses derniers hamburgers en Bolivie un samedi à minuit, après avoir annoncé un plan de restructuration global dans lequel il allait fermer ses portes dans sept autres pays à faibles marges bénéficiaires. Une victoire pour la santé des peuples du sud.
L’échec de McDonald en Bolivie a eu un impact profond qui a donné lieu à un documentaire intitulé “en Bolivie Por que quebro McDonald» ou «Pourquoi la Bolivie a fait faillite». Ce documentaire tente d’expliquer pourquoi les Boliviens n’ont jamais délaissé leurs empanadas traditionelles pour un Big Mac de merde et plein d’OGM.
Le documentaire comprend des entrevues avec des cuisiniers, des sociologues, des nutritionnistes et des éducateurs qui semblent tous d’accord sur un point ; les Boliviens ne sont pas contre les hamburgers en soi, sauf qu’ils sont juste contre les «fast-food» « La malbouffe » est un concept largement refusée dans la communauté bolivienne.
Cette histoire a également attiré l’attention du monde entier vers la restauration rapide en Amérique latine. Le blogue de El Polvorin a déclaré: « Le Fast-food représente le contraire de ce que les Boliviens considèrent comme étant un vrai repas. Pour être un bon repas, la nourriture doit avoir être préparé avec amour, dévouement avec certaines normes d’hygiène, sans OGM et de temps de cuisson approprié ».
Elle s’appelle Lucie, elle est jeune, belle et pleine de vie. Il s’appelle Émilien, il est jeune, beau et il joue merveilleusement bien de la mandoline. Ils sont tous deux orphelins, fous amoureux et veulent se marier. Seulement voilà, Émilien est malade.
« Elle le savait atteint par le bacille honteux. Ses proches la mettaient en garde, avec plus ou moins de franchise ou d’élégance, mais tous lui faisaient le même grief : on n’épouse pas quelqu’un qui va mourir ; un mariage, c’est d’abord de l’espoir ».
Mais l’amour rend immortel et rien ne pouvait détourner les tourtereaux de leur rêve d’union.
« Veux-tu toujours t’envoler avec moi, même si l’arrêt est brutal ?
(…)
Oui, Émilien, avec toi j’irai même en enfer ».
Aussi, passés leurs vingt-et-un ans, ils s’épousèrent envers et contre toutes les langues perfides. Un an passera, durant lequel le bonheur des jeunes mariés commence déjà à perdre de l’éclat. Le bacille s’est fait discret mais Émilien compense sa maladie par des excès de bon vivant, et une rechute l’oblige à partir en sanatorium. Avec la distance, les lettres se remplissent de mots d’amour, mais Lucie commence à sentir le poids de cette fatalité qui menace et peu à peu en elle, commence à se livrer une guerre des sentiments, une guerre secrète. En même temps, en Espagne, gronde la menace d’une autre guerre, une guerre qui se répand très vite d’un pays à l’autre avec la montée en puissance d’« un petit nerveux avec la moustache de Charlot, atteint d’une faim sans fond appelée annexion ». Très vite, la France elle aussi, est en guerre, mais pour l’instant cela ne semble que des mots. Émilien après avoir dû reporter plusieurs fois son retour, finit par rentrer du sanatorium. Il ne pouvait partir au combat, son état en avait fait un réformé définitif.
« Émilien revient, reposé, tendre, toujours plus habile, émouvant à la mandoline, mais toujours aussi contagieux et Lucie, d’un trait rageur, raya le mot guérison dans le dictionnaire ».
Vient la débâcle, « la guerre n’était plus “bidon”, elle devenait oppressante ». Lucie et Émilien vivent à Lorient, un port militaire, et tandis que Lucie se débat avec sa guerre civile intérieure, son horreur grandissante de la maladie mêlée de sentiments de jalousie après la découverte d’une photo dans le portefeuille d’Émilien, arrive le moment où « deux jours plus tard, les Allemands pénétraient dans la ville. Ce fut un tel fracas de moteurs et de chenilles que les vitres et les nerfs tremblèrent pendant des heures. Désormais, les drapeaux nazis flottaient partout, rouges avec des croix noires, araignées du chagrin ».
Désormais, il faudra faire avec ! « Longtemps cette phrase pour les Bretons sous-entendit : avec les femmes et le mauvais temps. Depuis la guerre, le champ des calamités tendait vers l’infini ».
L’auteur nous fait vivre ce Lorient occupé comme si nous y étions. En plus de sa véracité historique, l’écriture a le don de nous faire vivre de l’intérieur cette période terrible, et l’histoire de Lucie n’est pas juste une fiction, l’auteur y glisse une grande part de vérité aussi, parce qu’il est nécessaire d’affronter le passé, pour libérer le présent, et que la recherche de la vérité n’obscurcit pas forcément l’horizon. Dans le chaos des bombardements, de la peur, des restrictions, des arrestations, Émilien et Lucie vont chacun tracer comme ils peuvent leur chemin. Survivre. Émilien participant à la résistance malgré ou peut-être à cause de son état, Émilien qui fume encore et donc l’état ne cesse d’empirer. Émilien qui sera arrêté et jeté au cachot, puis relâché parce que même pas bon à être gardé prisonnier, et Lucie qui continue à travailler comme accompagnatrice de bus, qui rend service comme elle peut, ramenant des vivres de la campagne. Lucie qui un jour par hasard, à Pontivy, « s’apprêtait à entrer dans l’Hôtel des Voyageurs pour y prendre une menthe avant le retour, lorsqu’un homme en sortit, chapeauté, ganté, grand, beau comme au cinéma. Leurs regards s’effleurèrent, ils s’offrirent un sourire, elle en fut chamboulée ».
Cet homme, ce Monsieur Gentil auquel elle ne pourra cesser de penser, s’appelle Alex, elle le saura parce qu’elle le reverra, et il souhaitera rencontrer Émilien et ils deviendront amis, puis elle et lui, deviendront amants, mais à la grande déception de Lucie, c’est avec Émilien qu’il aura une véritable complicité. Émilien qui ne fera aucune remarque quand le ventre de Lucie commencera à s’arrondir, et d’ailleurs elle mettra du temps à admettre qu’en temps de guerre, un ventre qui s’arrondit, ce n’est pas par excès de gourmandise. Et elle vivra comme une ultime trahison le départ des deux hommes pour une virée en Gironde, alors qu’elle doit rester seule et enceinte. « Elle vécut ce départ comme un abandon. À qui en voulait-elle le plus ? À ce mari, habité par la vie, guettée par la mort, qui riait de tout, même de son ventre qui bientôt lui lécherait le menton ? À cet homme beau “comme rêve d’amour”, passager énigmatique, tentateur chaleureux s’encombrant d’un sac d’os et de bacilles ? À la vie dont elle n’avait jamais trouvé le sens ? Le verdict de sa guerre civile intérieure refusa de trop accabler le condamné ; mais monsieur Gentil devint “une sorte de démon qui a embobiné Émilien” ».
Ainsi viendra au monde une petite fille et Lucie refusera tout ce qui vient d’Alex, il devient le centre de sa rage, de son chagrin, tandis qu’Émilien meurt peu à peu, tandis qu’au dehors la guerre continue. « Lucie se fichait bien des salauds de miliciens, de la France combattante, de l’armée secrète et des FTP. Sa lutte à domicile lui suffisait. La mort, elle l’avait à sa porte, tapie jusqu’à l’heure dite, écrite quelque part ».
La Guerre secrète est une tranche de vie, arrachée à l’oubli, au déni aussi qui habitera Lucie, longtemps, très longtemps, même si cela n’est pas raconté dans le livre. Une histoire, comme il en existe tant et tant, mais chacune en réalité est unique, bouleversante et devient un vrai roman quand elle est racontée avec autant d’amour et de talent.
Cathy Garcia
La ville de Lorient ayant été détruite par les Alliés en 1943, Guénane est née au cœur de la Bretagne. Après des études de Lettres à Rennes où elle a enseigné, elle a longtemps vécu en Amérique du Sud. En 1968, elle envoya son premier manuscrit, Résurgences, à l’éditeur René Rougerie. En 2014 devrait paraître son quatorzième recueil, Un Rendez-vous avec la dune. Elle a publié aussi 12 livrets chez La Porte, dont Venise ruse en 2012, des livres d’artiste et une dizaine de récits et romans dont le dernier, Dans la gorge du diable, chez Apogée en 2013. www.guenane.fr
Je suis là depuis des millénaires, je pourrais même dire depuis l’origine du monde. Pas le monde des hommes, si jeune, si puéril !
Non. Le monde minéral, celui de la concrétion d’après le grand barouf. Paf ! Boum !
Bien sûr, je n’avais pas la forme que j’ai aujourd’hui. Comme tous mes camarades de l’époque d’ailleurs. Nous étions tous très... unis. Nous étions même inséparables !!! Puis le temps a fait son œuvre, il nous a séparés, aidé en cela par ceux d’entre nous dont la nature était d’être fluides et ceux qui, dans un tel état d’excitation pour se faire une place à la surface, atteignaient la fusion avant de rejoindre les grands courants ascendants du magma.
Enfin, tout ça est tellement loin que je ne me souviens plus bien de tous les détails. Toujours est-il que l’érosion m’a donné une vie propre, en cela qu’elle m’a permis de voyager en banc de myriades de grains assemblés pour de grandes transhumances conduites par l’eau ou le vent.
Aujourd’hui, je m’étale en une longue et belle plage blanche et rose entourée de mes parents chenus, ces somptueux blocs de granit rose aux formes arrondies que vous ne pouvez manquer d’apercevoir lorsque vous venez me rendre visite. Dans leurs jeunesses, vous auriez dû les voir, hauts et pointus, défiant le ciel et ses nuées. Plus de dix mille mètres. C’était quelque chose. J’avoue que maintenant ils font bien leur âge, ils souffrent d’arénisation. Tant mieux d’ailleurs ! Sans cela je ne serais pas là !!! Je m’égare, excusez moi, mais je n’ai que ça à faire…
Donc, je suis là. Sur la côte nord de la Bretagne, dans ce pays appelé France. Chaque jour, par deux fois, la mer vient me baigner, en douceur, souvent avec tendresse, vague après vague. Sauf quand elle est en colère bien sûr. Alors ces jours là, ça déménage, passez moi l’expression. Elle me brasse, me masse, me malaxe, me pitrouille, me papouille, me tourne et me retourne avant de m’abandonner hors d’haleine et trempée. Heureusement, j’ai plusieurs heures pour m’en remettre. Et puis elle n’est pas souvent furieuse deux fois de suite. Il faut bien lui reconnaître ça. Un autre avantage que j’ai omis de vous conter : la mer supprime toutes mes imperfections. Elle me retend la peau même si elle me laisse ici ou là des petits bourrelets, des ripple-marks dit-on je crois. Enfin, c’est ma thalasso à moi !
Le vent aussi prend soin de moi. Il me sèche, peigne mes mèches de surface, les met parfois en désordre mais ses doigts sont si doux… Enfin c’est comme sa compagne. Quand elle est en boule, il l’est aussi. Je crois que dans tous les couples il y a ce genre de chose. Nul n’est parfait. Moi, je suis résolument célibataire, ouverte à toutes et à tous pour être plus juste…
La pluie aussi est une bonne compagne, mais passagère, irrégulière, quoique certains en disent sur ici. Bonne fille la pluie, elle s’adapte entre les grosses gouttes et la bruine, entre les averses – les grains – et le crachin. J’aime bien la pluie. Elle m’hydrate et me dessale un peu.
Ah ! et puis il y a le soleil. Lui aussi me sèche comme le vent mais en plus il me chauffe, tiédit ma peau, la blanchit ou la fait rosir. Un réel plaisir. Vous connaissez d’ailleurs, vous qui venez coucher avec moi, non ? C’est bien cela que vous venez chercher, bien plus que moi je le sais bien…
Tentez donc maintenant d’imaginer ce qu’aujourd’hui peut contenir ma mémoire. Disons sur les cent dernières années, c’est tout. Facile. La mémoire du sable.
Sa mémoire vous dites vous, mais elle a perdu le nord, c’est pas possible !
Mais si, c’est possible et je vais vous mettre sur la voie. Parce que c’est vous !
Lorsque vous arrivez juste après mon bain, ma peau est lisse, souple et tendre. Puis, vous marchez, vous courez, vous jouez au ballon, vous me percez de vos parasols et de vos tentes, vous laissez vos enfants me trouer, me couvrir de ces pustules qu’ils appellent châteaux, vous me ratissez pour soi disant pêcher, vous laisser vos chiens me salir, ( je n’ai pas de caniveau dites-vous ? Curieuse réaction lorsque l’on connaît vos trottoirs à ce que je me suis laissé dire… poursuivons…), vous faites rouler vos char à voile, vous traîner vos bateaux ou vos planches à voile… Certains soirs même, vous venez vous aimez, un bain de minuit dites vous, mon œil ! Enfin, c’est mieux que de venir picoler ou se shooter…
Beaucoup d’entre vous me laissent leurs détritus et ça, c’est pas sympa. Du coup vous faites venir des herses pour me nettoyer mais en même temps ces monstres énergivores détruisent tout le petit monde vivant que j’héberge car vous n’êtes pas les seuls sur Terre, vous n’avez jamais été les seuls et c’est tant mieux, sinon ce serait tout bonnement invivable. Même vos cargos me dégueulent dessus de plus en plus souvent. Le pétrole, ça on vous le dit. Ça vous touche. Ça fait de l’audience, il y en a pour des jours et des jours à me voir engluée et nauséabonde, pleine de cadavres d’oiseaux, et seulement quelques uns d’entre vous se débattant avec toute cette merde ( oh pardon !)… Mais ce n’est pas tout. Il n’y a pas que le pétrole. Tenez, la dernière fois, c’était une cargaison d’ananas. Bien sûr dit comme ça, ça prête à sourire. Moi, ça me donne envie de chialer !
Et ces derniers temps tout ça empire malgré tous les signaux d’alarme que nous vous envoyons avec mes camarades des quatre coins du globe. Surtout celui de la calotte et il y met le paquet. Tâchez de vous en souvenir à l’heure de l’apéro – avec ou sans alcool - quand vous agitez vos glaçons dans vos verres…
Enfin, vous n’êtes que des humains, on ne peut pas trop vous en demander, ça, on l’a compris depuis longtemps… Mais de vous à moi - car vous pouvez êtes sympa quand même - à faire les cons comme ça, vous allez disparaître, mais nous, même blessés, abîmés, saccagés, défigurés nous serons toujours là avec tout le temps devant nous pour nous refaire une beauté, pensez, sur un million d’années…
Allez, même si c’est grave, nous resterons en relation. Mes camarades et moi nous ne sommes pas rancuniers. Ni rapporteurs d’ailleurs. Car si je vous disais tout…
Castorama, leader européen et plus grande enseigne du bricolage en France propose du Roundup aux jardiniers amateurs, alors que plusieurs études scientifiques ont démontré la toxicité de ce produit. Une pétition demande à Castorama de montrer l'exemple en arrêtant de vendre ce produit dangereux.
Le Roundup est un herbicide très populaire chez les agriculteurs et les jardiniers amateurs qui croient souvent avoir à faire à un produit biodégradable et sans dangers. En effet, les utilisateurs peuvent lire sur les bidons de Roundup vendus en grande surface et chez les enseignes de bricolage comme Castorama, qu' “utilisé selon le mode d'emploi, Roundup ne présente pas de risque pour l'homme, les animaux et leur environnement”.
Pourtant, le Roundup est loin d'être inoffensif : Monsanto, qui commercialise ce produit, a été condamné pour publicité mensongère concernant une annonce qui montrait un chien couvrant une plante de Roundup afin de déterrer un os enseveli pour le manger en toute sécurité, sans se préoccuper d'éventuels résidus toxiques sur sa nourriture.
Depuis, plusieurs études scientifiques ont montré la toxicité de ce produit, notamment l'étude du professeur Gilles Eric Séralini de l'université de Caen, qui a révélé que le produit avait un caractère cancérigène sur des rats en ayant consommé pendant 2 ans. En plus de développer les cancers, le Roundup est notamment accusé d'être à l'origine de troubles de la reproduction.
D'ici décembre, le sort de ce pesticide doit être discuté au Parlement français et à la Commission européenne. Seulement, sans pression populaire, le pesticide le plus vendu au monde, et sans doute l'un des plus dangereux aussi, risque de passer une fois de plus entre les gouttes... Il est donc indispensable d'en appeler à la responsabilité des grands distributeurs face à leurs clients.
Castorama s'est déjà engagé à fournir à ses clients une alternative écologique dans tous les rayons de l'enseigne en signant un partenariat avec le WWF. Demandons au leader du bricolage d'aller plus loin et de montrer l'exemple aux autres enseignes en stoppant la distribution du Roundup dans ses rayons.
1 — Comment les Éditions de l’Atlantique sont-elles nées ?
Elle a été un prolongement d’activités antérieures au service de la poésie : un site internet, créé en 1997, présentant les textes et bio-biblios d’une centaine de poètes ; une revue, initiée en 2001, Saraswati (revue de poésie, d’art et de réflexion), etc. La suite logique de tous ces travaux débouchait très naturellement sur l’édition papier.
2 — Je me souviens avoir passé de longues heures sur votre site internet, au début des années 2000, époque où j’ai commencé à lire de la poésie. C’était une mine d’or pour moi. Est-ce que la maison d’édition vous la voyiez comme une suite à ce site, quelque chose en partage ?
J’ai répondu ci-dessus à la question. Vous faites bien de souligner la notion de partage car elle est essentielle. Ce site avait un but largement pédagogique : il voulait bien évidemment mettre en lumière des auteur(e)s de qualité mais aussi sensibiliser à la poésie en tant que telle… et il semble bien qu’en ce qui vous concerne ce soit ce qui s’est passé. Il serait intéressant de mesurer son impact exact sur des années, ceci n’est guère possible malheureusement. A ce propos, j’aimerais signaler que ce site, créé en 1997 sur un espace gratuit et « neutre », est aujourd’hui hélas gangrené par divers encarts publicitaires qui empêchent une lecture sereine des différentes rubriques et poètes. Quel gâchis !
3 — Qu’est-ce que vous aviez envie de partager alors, quelle poésie souhaitiez-vous défendre ?
Je souhaitais défendre avant tout des écritures. A aucun moment je n’ai voulu entrer dans des querelles de chapelle qui me semblent stériles : ainsi l’éternelle querelle entre poésie lyrique et poésie impersonnelle par exemple. Je le dis souvent : la poésie est comme Protée : elle a mille visages et tant mieux ! Ce qui compte c’est la qualité de l’écriture, ce ne sont même pas les thématiques (là encore : les anti-spiritualistes contre les spiritualistes, etc.). Tout le monde a le droit d’exprimer ses idées même si c’est de plus en plus dur dans cette époque inquisitoriale où règne la pensée unique. Mais ce qui va distinguer le vrai poète, à mon sens, ce ne sont pas ses idées (tout a déjà été dit), ses sensations (id.), c’est la manière dont il va les mettre en mots (rappelez-vous la phrase de Chateaubriand : le style c’est l’homme). Et j’ai essayé de défendre une poésie de qualité, avec des auteur(e)s très divers.
4 — Je sais que vous arrêtez aujourd’hui l’édition, est-ce que vous souhaitez révéler ce qui vous a amené à cette décision ?
Cela ne me gêne pas d’en parler en tous cas : quand l’état subventionnera un peu moins le sport et un peu plus la culture (ça viendra peut-être un jour, qui sait, quand les politiques seront plus courageux et moins démagogues), alors on pourra rouvrir les petites maisons d’édition qui ferment les unes après les autres alors qu’elles donnaient une visibilité, modeste mais une visibilité, à des auteur(e)s de talent qui, on le sait, n’ont quasiment aucune chance d’être publié(e)s par de grands éditeurs. Mais là, imaginez que pendant 5 ans j’ai travaillé bénévolement, jour et nuit, et que l’éditeur Samuel Potier, quant à lui, se faisait chaque mois en net (une fois ses lourdes charges payées) environ 300 euros ! Il ne pouvait continuer ainsi : avec une si petite somme on ne peut subvenir à ses besoins les plus élémentaires. Quant à moi, il m’arrivait de donner un coup de pouce financier aux éditions mais je n’ai pas non plus énormément par mois… de plus je suis très fatiguée et ces éditions étaient véritablement vampiriques de notre énergie. Nous avons donc décidé, la mort dans l’âme, de fermer cette maison que nous avions construite amoureusement et pierre à pierre.
5 — Je pense que l’aventure de l’édition doit être quelque chose de formidable. Quels sont vos meilleurs souvenirs ?
Ils sont de deux sortes : — Le bonheur de découvrir et de mettre en lumière (donc d’encourager à une poursuite de l’écriture) des poètes méconnus ou peu connus. — La qualité du rapport humain avec un certain nombre d’auteur(e)s : des gens souvent modestes malgré leur talent, se remettant en question et comprenant que, si l’éditeur est de son plein gré à leur service, il n’est pas pour autant leur esclave, taillable et corvéable à merci ! Nous avons connu des personnes sincères, réellement sensibles, dont la poésie était vraiment signifiante, incarnait une véritable ascèse et pas juste une « facilité » qu’on exploite pour se faire valoir dans la société.
6 — Peut-être que ce n’est pas toujours très simple non plus. Quel est votre pire souvenir ?
Le contact avec les poètes dont l’ego est si surdimensionné et qui pensent que leur écriture est tellement oh… que tout le monde doit les admirer et les servir avec des chaînes. Ce sont les mêmes à qui tout est dû et dont l’arrogance, voire la goujaterie, vous laissent pantois ! On se pince parfois... Tout cela est bien loin de la poésie. D’autres n’ont pas cherché à établir avec nous une quelconque relation humaine : nous étions pour eux juste des « utilités ». C’est dommage. On retrouve chez les poètes toute la société, ni plus ni moins. Il faut « faire avec » et essayer de voir en toute chose ce qu’il peut y avoir de positif… sinon on ne ferait jamais rien. C’est pour la poésie que nous avons tant travaillé et nous ne le regrettons pas.
7 — Une dernière question : vous arrêtez l’édition, vous avez de nouveaux projets ?
Oui : ma revue Saraswati va, quant à elle, poursuivre sa route (le numéro 12 va paraître en principe courant avril) et je vais enfin retrouver mon rapport perso à l’écriture et à la peinture. Un peu de repos et de distanciation ne fera pas de mal.
Avertissement au lecteur
Voici un panel d’auteur(e)s ayant publié aux Éditions de l’Atlantique. Bien entendu il n’y a rien là d’exhaustif : une anthologie complète des poètes ayant publié chez cet éditeur paraîtra en effet bientôt chez Michel Cosem, aux Éditions Encres Vives et sur deux numéros (sans doute en mai et juin 2013). Les textes qui suivent ont été publiés sur ce site en mars 2013 avec l’aimable autorisation des Éditions de l’Atlantique.
Un numéro spécial pour fêter les 50 ans de cette si belle revue lotoise créée et dirigée par le poète Max Pons depuis 1963 et dans lequel j'ai la grande joie de figurer en très très bonne compagnie, avec des extraits de Fugitive, un recueil encore inédit.
Voici le premier roman d’une trilogie policière qui se déroule au Pays Basque espagnol. Des adolescentes sont retrouvées dans la vallée de Baztán, étranglées, les vêtements déchirés de part et d’autre de leur corps, maquillage effacé et un txatxingorri déposé sur leur pubis rasé. Les txatxingorris sont des gâteaux typiques de la région. De plus, des poils d’origine animale sont retrouvés sur chacune d’elles. L’enquête est confiée à l’inspectrice Amaia Salazar, originaire d’Elizondo, le chef-lieu de la vallée, qui n’y était jamais revenue depuis qu’elle l’avait quitté. Amaia Salazar est une femme fine et intelligente, dotée d’une ferme volonté, formée au FBI, elle est spécialisée dans la traque de tueurs en série. C’est donc confiante dans ses capacités qu’elle va se lancer, plus ou moins bien secondée de ses co-équipiers, dans une course contre la montre pour identifier et arrêter le tueur, mais ce retour sur les lieux de son enfance, où elle a encore de la famille, est loin d’être anodin. Surtout qu’une de ses deux sœurs, Flora, prend visiblement plaisir à réactiver ce passé.
« Oublier est un acte involontaire. Plus on essaie de laisser quelque chose derrière soi, plus cette chose vous poursuit ».
Et ce retour va la déstabiliser bien plus qu’elle ne le pensait. Tout s’enchevêtre au fur et à mesure, le passé, le présent, l’enquête et sa propre et douloureuse histoire, ce qui lui rend les choses de plus en plus difficiles. Elle va devoir faire face à ses propres démons, affronter ce qu’elle fuit depuis des années et admettre des blessures profondes. C’est un défi qu’elle relèvera, soutenu par la présence et l’amour de son mari, un peintre américain, et d’une tante qui sait beaucoup de choses à propos de l’âme humaine. Ils lui seront d’un grand secours quand ses propres facultés mentales sembleront sur le point de basculer.
Peut-être que dans la solution à l’énigme posée par ces meurtres se cache aussi la résolution de ce passé qui la hante.
Aux passions et folies humaines se mêleront mystère, tradition et folklore, tels que le basajaun, cet être mythique qui semble rôder sur les lieux du crime, la déesse Mari, les lamies, mi-femmes mi-serpents, les fées et les belagiles, ces sorcières obscures… Un polar dense et captivant qui prend source dans l’atmosphère particulière du pays de Navarre, entre montagnes, forêt profonde et rivières, et qui serpente aisément entre modernité et croyances populaires, pour le plus grand plaisir du lecteur.
Cathy Garcia
Dolores Redondo est née en 1969 à San Sebastian. Après un roman historique, Los privilegios del angel (2009), elle signe avec Le Gardien invisible son premier roman policier qui inaugure « la trilogie du Batzan ».
Vous pouvez lire ci-dessous une longue et intéressante critique de Sanda Voïca, concernant Le chef d'oeuvre sur la tempe de Guillaume Decourt, pour lequel j'avais réalisé des illustrations :
"Nous avons vu dans les illustrations de Cathy Garcia pour ce volume des petites tables d’échiquier, parsemées à travers les poèmes, invitant le poète et le lecteur à se poser pour une partie de ce jeu nouveau, aux nouvelles règles (à déceler), car il n’y a toutes les cases ni tous les pions d’un jeu d’échecs classique : seulement quelques cases, plus ou moins aléatoires, et seulement le roi et la reine, comme pions : soleil et lune, tous les deux noirs, à peine distincts."
" L'être humain est une partie du tout que nous appelons univers, une partie limitée par le temps et l'espace. Il fait l'expérience de lui-même, de ses pensées et de ses sentiments comme des événements séparés du reste, c'est là une sorte d'illusion d'optique de sa conscience.
Cette illusion est une sorte de prison pour nous car elle nous restreint à nos désirs personnels et nous contraint à réserver notre affection aux personnes qui sont les plus proches de nous.
Notre tâche devrait consister à nous libérer de cette prison en élargissant notre cercle de compassion de manière à y inclure toutes les créatures vivantes et toute la nature dans sa beauté... "
Un plathelminthe (ver plat) terrestre, prédateur de lombrics (ver de terre), vient d'être détecté cet hiver dans trois localités françaises (Finistère, Alpes-Maritimes, Corse).
Ce genre de ver n'existe pas naturellement en Europe. Dans les quelques pays où des espèces proches ont été récemment détectées, comme en Angleterre, on observe une quasi disparition de sa proie (les lombrics), causant des pertes agronomiques et des déséquilibres majeurs sur les milieux naturels.
Son origine serait l'hémisphère sud, le plus probablement la Nouvelle-Zélande. Dans son aire de répartition naturelle, les lombrics ont développé des stratégies d'évitement qui leur permettent de se maintenir malgré ce prédateur.
Mais en Europe, les lombrics ne sont pas préparés à cette menace. Or les lombrics sont des «espèces ingénieurs» : ils creusent des galeries qui aèrent le sol et permettent la circulation de l'eau, elles ré-assimilent la matière organique du sol, la rendant disponible et exploitable par les végétaux.
L'impact de leur disparition, autant pour les systèmes agricoles que naturels, serait un désastre.
Les lombrics sont par ailleurs considérés dans beaucoup d'écosystèmes comme la biomasse animale la plus importante. Ils sont donc une ressource déterminante dans les chaines alimentaires, permettant à de nombreux prédateurs naturels d'exister (insectes, oiseaux, mammifères, amphibiens...). Leur disparition pourrait provoquer la disparition de ces autres espèces.
Plathelminthes vus de dessus
Le ver plat invasif est assez facile à reconnaître. Il est un peu aplati, noir avec deux vagues bandes dorées. Il arrive qu'on le rencontre en amas emmêlé. C'est un organisme d'apparence anodine, mais d'un impact majeur pour l'environnement. Il n'est pas venimeux, mais peut être toxique si on l'ingère (et ne peut donc se substituer au lombric dans la chaîne alimentaire).
Nous lançons donc un appel à témoins afin de réaliser une cartographie de son implantation.
Si vous avez observé un tel animal, contactez le Professeur Jean-Lou JUSTINE :
Un rapport alarmant sur les atrocités commises contre les Indiens du Brésil dans les années 1940, 1950 et 1960 vient de refaire surface, 45 ans après avoir été mystérieusement détruit dans un incendie.
Le rapport Figueiredo, commandé en 1967 par le ministre de l’Intérieur brésilien, avait déclenché un scandale international suite à la révélation des crimes commis contre les Indiens aux mains des puissants propriétaires terriens et du service gouvernemental de protection des Indiens (SPI). Ce rapport fut à l’origine de la création de Survival International deux ans plus tard.
Dans ce document de 7 000 pages, le procureur public Jader de Figueiredo Correia énumère les meurtres de masse, la torture, l’esclavagisme, la guerre bactériologique, les abus sexuels, les spoliations territoriales dont furent victimes les Indiens du Brésil. Suite à ces atrocités, certains peuples ont complètement disparu et de nombreux autres ont été décimés.
Le rapport a récemment été retrouvé au musée de l’Indien au Brésil. Il sera examiné par la Commission nationale de vérité qui enquête sur les violations des droits de l’homme commises entre 1947 et 1988.
L’un des faits les plus horribles de ce rapport est celui du ‘Massacre du 11e parallèle’ au cours duquel une avionnette largua de la dynamite sur le village des Indiens cinta larga. Trente Indiens furent tués – deux seulement survécurent et purent témoigner.
Un couple karajá avec leur bébé mort de la grippe.
D’autres exemples relatent l’empoisonnement de centaines d’Indiens avec du sucre mêlé d’arsenic ou bien des méthodes de torture employées contre les Indiens, comme celle qui consistait à écraser lentement les chevilles des victimes avec un instrument connu sous le nom de ‘tronc’.
Les recherches de Figueiredo scandalisèrent l’opinion internationale. Dans son article intitulé ‘Génocide’ qu’il publia en 1969 sur ce rapport dans le magazine britannique Sunday Times, le journaliste Norman Lewis écrivait : ‘Depuis l’époque du feu et des épées jusqu’à celle de l’arsenic et des balles, notre civilisation a provoqué l’extermination de six millions d’Indiens’. Son article fut à l’origine de la création de Survival International la même année par un petit groupe de citoyens concernés par le sort des Indiens.
Suite à ce rapport, le Brésil lança une enquête judiciaire et 134 fonctionnaires furent condamnés pour plus d’un millier de crimes. Trente-huit d’entre-eux furent licenciés mais aucun ne fut condamné à une peine de prison pour ces atrocités.
Le SPI fut ensuite dissous et remplacé par la FUNAI, la Fondation nationale de l’Indien. Si certains de leurs territoires ont déjà été officiellement reconnus et protégés, les Indiens du Brésil continuent de lutter contre l’invasion et la destruction de leurs terres par les bûcherons, les éleveurs et les colons illégaux. Ils sont également menacés par le programme agressif de croissance économique du pays qui comporte la construction de méga-barrages hydroélectriques et l’exploitation minière à grande échelle sur leurs territoires.
Stephen Corry, directeur de Survival International, a déclaré aujourd’hui : ‘Le rapport Figueiredo est effroyable, mais dans un certain sens, rien n’a changé : les meurtres d’Indiens restent impunis. Des Indiens sont régulièrement abattus par les hommes de main des propriétaires terriens qui savent pertinemment qu’ils ont peu de chances d’être poursuivis en justice – aucun des assassins de leaders guarani et makuxi n’ont été emprisonnés pour leurs crimes. Il est difficile de ne pas soupçonner que le racisme et la convoitise sont les causes profondes de l’inertie du Brésil qui ne semble toujours pas décidé à défendre les droits fondamentaux et la vie de ses citoyens les plus vulnérables’.