Parfois il faut ranger, et ranger parfois s'apparente à un travail d'archéologie, avec maintes (re)découvertes plus ou moins réjouissantes, comme des photos olé olé de périodes olé olé, des photos de grossesse où la nudité là, se nimbe d'un voile de dignité et de beauté quasi, je dis bien quasi, virginal, un journal intime égaré depuis plus de un an (ouf !) et des livres comme celui-ci :
Il y a des livres qui vieillissent mal et d'autres qui sont de plus en plus d'actualité, ou en tout cas pas moins que lorsqu'il ont été écrits. Celui-là en fait partie, il m'avait été généreusement envoyé par son auteur, Stéphan Pascau, qui l'avait alors signé sous le nom d'Esteban Capusa. Il est dédié " A tous ceux qui n'ont pas la parole et qui hésitent encore à en rire" avec en exergue, cette phrase " Chers prétendants au pouvoir, vous n'avez pas le monopole du cynisme." Edité en 2005, chez Les points sur les I tant qu'à faire, en collaboration avec Le Défouloir des précaires, http://precaires.free.fr/, site que je suivais alors, ce livre est jubilatoirement intelligent et je suis absolument ravie que le rangement, car oui parfois il faut ranger, me l'ait replacé entre les mains et donc que je puisse en parler de nouveau.
Stéphan Pascau
Stéphan Pascau est aujourd’hui docteur ès Lettres. Son parcours en dents-de-scie pourrait lui valoir la désignation d’“atypique” si la linéarité, de nos jours, était encore de règle. Il formulera pudiquement qu’en raison d’un contexte social particulier, ainsi que d’un tempérament sans doute enclin à la découverte, sa préférence s’est portée naturellement sur les chemins de traverses… Après un arrêt scolaire à l’âge de 16 ans, l’essentiel de sa vie professionnelle très aléatoire s’est déroulé sans qualification dans l’industrie et les travaux publics. Il reprend les livres en autodidacte dès l’âge de trente ans à partir du niveau des classes de collège, obtient son bac en candidat libre quelques années plus tard, suivi d’un BTS en électrotechnique, puis s’inscrit pour le plaisir à un cursus universitaire littéraire, exclusivement en cours par correspondance. Sa thèse de troisième cycle a été consacrée à rétablir la biographie et à réhabiliter l’œuvre d’un auteur oublié du XVIIIe siècle, au parcours fort étonnant pour son époque ; il est des chemins romanesques qui se croisent avec bienveillance dans le décalage des temps...
Autres publications :
Henri-Joseph Dulaurens (1719-1793), réhabilitation d’une œuvre, Paris, Champion, DHS 109, déc. 2006, 540 p.
Ouvrage consacré à la reconstitution bibliographique de Dulaurens, dont l’œuvre essentiellement anonyme était jusqu’alors mal connue, sous-estimée et controversée. L’étude aborde également la portée des écrits de l’auteur et ses liaisons avec les littératures du siècle.
Écrire et s’enfuir, dans l’ombre des Lumières ; Henri-Joseph Dulaurens (1719-1793), Paris, Les Points sur les i, Collection des Gueux Littéraires, oct. 2009, 326 p.
Cet ouvrage fait suite au premier, avec compléments biographiques et lecture analytique de l’œuvre. Dulaurens y est décrit dans son intimité psychologique. De nombreuses archives inédites ont été retrouvées et consultées pour l’élaboration de ces deux ouvrages, adaptés d’une thèse consacrée à l’auteur.
et donc Chômologie portative, ou Dictionnaire du cynisme social, Paris, Les Points sur les i, 2005, 158 p. Publié sous le pseudonyme à peine voilé d’Esteban Capusa, ce petit pamphlet sans prétention est calqué sur la Théologie portative, ou Dictionnaire abrégé de la religion chrétienne (1768), attribué à D’Holbach, où la religion prise pour cible dans le second a été remplacée par l’ANPE dans le premier !
J'ai trouvé sur le site du défouloir des précaires, ces extraits agrémentés d'autres trouvailles qui ne figurent pas dans le livre, que vous pourrez lire ci-dessous :
A
Abnégation, ou sacrifice de soi au bénéfice d’autrui. Autrement dit : qualité majeure et forcée de tout chômeur, qui en a donc au moins une.
Actionnaire. Fainéant chronique, coléreux et menaçant, qui ne bosse jamais et qui réclame tout le temps du pognon, c’est un parfait chômeur qui a raté sa vocation.
Aide soignante. Nouvel idéal des jeunes filles n’ayant pas pu obtenir une instruction de 3ème cycle universitaire. Devenir aide soignante en l’an 2000 relève cependant d’un long parcours de la combattante, ponctué de concours et de vastes frais, parcours bien supérieur en difficultés à celui des infirmières des Trente Glorieuses. Ceci est dû au fait que l’accès au métier d’infirmière, en France, est aujourd’hui impossible puisque cet art est réservé aux Espagnoles, beaucoup plus intelligentes et adroites que les Françaises au chômage.
Alinéa : C'est un peu comme les puces. Il en sort toujours une du plancher pour te piquer rien qu'à toi, pile au moment où tu devais poser tout nu pour des photos, comme il y a toujours un alinéa quelque part qui s'applique à ton cas pour t'exclure de la nouvelle mesure avantageuse qu'on vient juste d'annoncer à la télé.
Ambition. Sentiment naturel visant à s’élever dans la vie pour se situer au-dessus du lot, soit par son travail, soit par son mérite, soit par l’exploitation de son talent. Curieusement, les minus les plus ambitieux du monde politico-économique ont réussi à imposer une façon géniale de s’élever au-dessus d’autrui sans faire le moindre effort, sans talent, et avec encore moins de mérite qu’un gagnant du loto : il suffit d’enfoncer autrui plus bas que soi.
Arnaque. C’est drôle, ceux qui réclament le pouvoir finissent toujours par le prendre, alors que ceux qui réclament le travail finissent toujours par se faire prendre pour des cons.
ASSEDIC. Il paraît que ce serait une Association pour l’Emploi dans l’Industrie et le Commerce (Qui le savait ?). En vrai, ça ressemble plus exactement à une Aumône Sèche et Suffisante pour Endiguer le Dynamisme et l’Insolence du Chômeur.
B
Bilan (de compétences), ou intitulé extravagant de l’un des multiples stages utiles proposés par une célèbre agence qui est censée en avoir (des compétences). En gros, c’est une sorte d’initiation où l’on persuade ceux que personne ne veut plus fréquenter, qu’ils ont des tonnes de qualités cachées mais qu’ils ne savent pas les mettre en valeur. Le fin est justement d’apprendre à dissimuler ces qualités, lorsqu’on en a trop, ou en tout cas lorsqu’on en a au moins une bonne. Ceci est destiné à ne pas énerver le monde que vous énervez déjà assez comme ça par votre seule existence de parasite, non mais : pour qui vous prenez-vous ?! Vous aviez évidemment besoin d’un stage afin que des gens compétents, eux, puisqu’ils travaillent, vous rappellent tout ça. D’ailleurs, ces gens compétents, qui travaillent dans la célèbre agence, vous apportent surtout la réponse universelle à cette question fondamentale qui vous tourmente depuis déjà longtemps (sinon vous n’auriez pas accepté ce stage) : question : « Où est la solution de mon problème ? » – réponse : « Continuez à chercher, elle est en vous ; compétent comme vous l’êtes, vous finirez bien par la trouver. »
BIT. Bureau International du Travail (si, si, ça existe et c’est à Paris) ! On aurait choisi NIC, c’eut été aussi parlant (Non Intéressé par les Chômeurs). Il n’existe d’ailleurs pas de BIC (Bureau International du Chômage), sans doute parce que ça, c’est jetable.
Bras. Il paraît qu’on en manque. Généralement, ce sont les petits patrons et les grosses matrones qui le disent avec indignation, sous-entendant qu’il y en a plein qui se reposent au chômage. Si tu es un homme et que tu te sens visé, n’hésite pas à répondre à ton interlocuteur que pour ce qui est des bras, tu ne peux pas le dépanner parce que tu n’en as pas plus que lui, mais qu’en revanche, tu as un cerveau et une bite, au cas où il en manquerait aussi.
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C
Carrière. Archaïsme dont on ne trouve la résurgence que dans les rares métiers médiatiques (présentateur, politicien) ou artistiques (chanteur, écrivain, chômeur).
Chômage : [ ! ] “ ... Chuuuut !... Taisez-vous donc, inconscients, vous n’avez pas honte ?! ”
Convocation. Terme courtois et respectueux, utilisé notamment par les administrations de la police et de la justice en lieu et place d’invitation. L’ANPE en use avec force prévenance (traduire menace) lorsqu’elle propose au chômeur, soit un (sous-)emploi, soit (et c’est beaucoup plus fréquent) un bilan de situation dite professionnelle (!). Le chômeur serait donc poliment assimilable à un coupable ?
Cynique : Toi-même !
D
Dégrader (se). « Comme c’est triste de voir les êtres qu’on chérit se dégrader peu à peu », disait déjà Flaubert... On comprend pourquoi ce n’est pas lui qui a inventé l’ANPE.
Délocalisation. Cela doit vouloir dire “déménagement sous protection pour que les chiens errants et les abeilles n’attaquent pas les camions ni les ouvriers”, puisqu’à chaque fois, les déménageurs arrivent en cachette la nuit et sont armés de battes de base-ball. Et puis souvent, le lendemain, il y a des types emmitouflés de noir avec des cagoules et des armes de Rambo qui viennent pour protéger l’ouvrier quand il s’enferme dans le bureau du patron pour éviter les piqûres d’abeilles.
E
Exclu. Électron libéré de l’ensemble des inclus à coups de pieds au cul, équivalent du relégué antique, du lépreux moyenâgeux, de la femme d’Henri VIII ou du moustique entêté qu’on chasse le soir dans la chambre.
F
Fainéant. Synonyme inavoué du mot “Fonctionnaire” (défini ci-dessous dans la liste), c’est aussi l’insulte favorite qu’emploient ceux dont la principale source de revenus consiste à faire bosser les autres, ou bien de ceux qui adorent voir transpirer autrui alors qu’eux-mêmes ne transpirent jamais.
Fin de droit. C’est exactement l’expression tronquée qu’il convenait de mettre en usage en matière socio-économique et historico-culturelle : la France est, depuis déjà fort longtemps, le pays de la fin des droits de l’homme !
Fonctionnaire. Énorme concurrent du chômeur. Il coûte une fortune au contribuable, il a la garantie de son statut à vie car personne ne peut le virer, il est antiproductif et donc ne sert à rien non plus, il a le culot de réclamer son seizième mois hebdomadaire à chaque rentrée comme le second sa prime de Noël à chaque sortie, il détient le record du monde de l’absentéisme occidental et, en outre, il présente cette même tendance surprenante à s’énerver lorsqu’on lui demande s’il a l’intention de travailler un jour.
Footballeur. Seule profession où l'on devient milliardaire à 20 ans en jouant, avec les encouragements de la foule laborieuse ; où l'on prend sa retraite à 30 ans sans que personne n'y trouve à redire, et surtout pas ceux qui doivent bosser plus de 45 ans pour en avoir une de merde ; où l'on peut donner des coups de boule devant la terre entière à quiconque semble vous manquer de respect en italien, sans avoir de compte à rendre à la justice et avec la bénédiction générale.
Fumer. Et en plus, tu fumes ?!
Futur. Pourquoi du compliques toujours tout ?!
Top
G
Gâteau (part de...) : disons que c’est dommage pour les chômeurs : ils font tous du diabète...
H
Hippie ou hippy. Mention souvent camouflée dans la partie “années 60 et 70” du CV des chômeurs de plus de cinquante ans.
Humour. Avec les comiques d’aujourd’hui, tu sais bien que pour accéder au rire, il faut choisir un camp. Alors si t’es chômeur, l’humour, oui, mais... entre chômeurs seulement, sinon ce serait de la provoc’.
I
Insécurité... de l’emploi, dans les banlieues, routière ; de l’emploi, dans les banlieues, routière ; de l’emploi, dans les banlieues, routière... Ah! Mince ! J’ai fini les pétales.
Intérim : ça vient du latin et ça veut dire pendant ce temps-là. D'où les expressions : “Intérim tu nous fais pas chier”, ou bien “Intérim je peux coucher avec ta femme”, ou encore “Intérim pas de maladies, pas de syndicats, pas de casse-couilles”.
Isolement : ou quel est le comble de l’isolement ?… Ben, c’est d’être au chômage, c’est-à-dire dans la plus grande des confréries, où se mêlent toutes les origines, toutes les professions, tous les profils, où la victimisation devrait donner lieu à l’un des plus vastes rapprochement humain, au plus bel élan de solidarité et de soutien collectif, à… Argh !Allez tous vous faire voir.
J
Job :
– T’en as trouvé un, chérie ?
– Oui, j’en ai trouvé un, mais comme d’habitude, il commence par z.
Justice. L’exclu n’y a accès que par le biais des aides juridiques. Autrement dit, il n’y a pas accès. C’est normal, non ? puisqu’il est exclu, ce maraud ne va pas en plus réclamer justice !... Bon, d’accord, il y a eu l’affaire des “recalculés”... Certes, de temps en temps, il y a des juges isolés qui se lancent dans l’humanitaire. Surtout quand le Syndicat de la Magistrature a des comptes à régler avec Monsieur le Ministre. Mais ça ne dure pas. La preuve : tous les recalculés ont été déboutés en appel, après que le Syndicat de la Magistrature a obtenu d’urgence une partie ce qu’il demandait.
Top
K
Kleptomane. Terme scientifique. Sauf quand c’est celui qui pique l’argent de ceux qui travaillent, tout en les encourageant à travailler pour continuer à ne rien foutre lui-même : là, on préfère utiliser l’un des termes populaires de chômeur ou de patron (c’est selon).
L
Loup-garou. Voir Patron.
Luxe : curieusement, pour les uns, c’est synonyme de vacances alors que pour les autres, c’est synonyme de travail. Allez y comprendre quelque chose !
M
Malade. Mais non ! Arrête, avec ça ! C’est pas toi, c’est le système qui est malade.
Mexicain. Mention à porter dans la case “dernier emploi exercé” lorsque l’on ne s’en rappelle plus.
Motivation. Si tu me demandes encore quelles sont mes motivations, je te les mets dans la fraise toutes les deux.
N
Non. Généralement assorti de t’es un con (sous-entendu ou pas), c’est le leitmotiv que doit subir le chômeur têtu s’il n’a toujours pas compris qu’il énerve les gens des bureaux d’embauche, à leur poser toujours la même question idiote.
Nomade. Aujourd’hui, on dit SDF. Ça fait plus kitch, et ça peut sous-entendre Standing De Fortune.
O
O.S. Anciennement Ouvrier Spécialisé, de nos jours plutôt Oisif en Solde. Il faut noter que lorsqu’on cherche du travail, on tombe souvent sur des os.
Top
P
Parasite. Le tout est de savoir lequel est le plus nuisible et le moins étranger à tous les maux du monde dit social : le pou, le chômeur, le grand patron, le gros ou le petit actionnaire, l’État, le fonctionnaire, le morpion… Quoi qu’il en soit, ce ne sont pas les chômeurs qui parasitent le système, mais l’ANPE qui parasite les chômeurs.
Patron. Souvent confondu avec le Manager stock-optionné, ou le repris de justic... (Pardon !) le Grand Patron nommé par l’État, il n’est pas forcément cet être abject qui considère que l’employé est un Gnakoué qui lui doit tout et qui doit se contenter de rien. Le patron, parfois petit, prend le risque de dégringoler plus bas que ses employés en cas d’échec, surtout s’il comptait sur le MEDEF pour le soutenir et s’il n’a pas eu la présence d’esprit, comme les grands, de délocaliser son compte bancaire. Lorsqu’il a le temps de lâcher la vapeur en se faisant fouetter chez une maîtresse dominatrice une fois par semaine, il lui arrive alors de ne pas trop faire subir ses états d’âme despotiques à ses subordonnés. Il lui arrive également de ne pas harceler ses secrétaires pendant que sa femme le surveille, de payer les heures sup. au personnel concerné lorsqu’un inspecteur du travail constate par hasard leur effectivité, d’accorder des échelons à ceux qui peuvent y prétendre selon les conventions collectives après intervention syndicale, et de respecter le droit du travail quand il y est contraint par les prud’hommes. Le (petit) patron, parfois, a le mérite d’être un ancien chômeur, même s’il oublie vite son triste passé ou ne s’en sert que pour reproduire, à son profit, les statuts qu’il a précédemment endurés (stages et contrats poubelles à répétition). Il est surtout le grand oublié des inventeurs du suivi de l’emploi : l’ANPE, depuis qu’elle existe, n’a encore pas pensé à lui organiser des “stages de recherche intensive d’employés”, avec apprentissage de la lettre de recrutement motivée, le tout assorti d’un revenu de 420 euros par mois pendant 6 mois, afin de mieux le rapprocher des réalités de l’offre et de la demande.
PIB, PNB, PPA, Pnud :
– Vous savez ce que c’est, vous ?
– Bien sûr. Le premier est la somme annuelle des valeurs ajoutées sur les biens et services réalisés sur le territoire national par l’ensemble des entreprises nationales ou non, le second étant la somme du premier et du solde des revenus des facteurs de productions transférés par ou à l’étranger sachant que le chiffre, à parité de pouvoir d’achat (PPA), caractérise la puissance économique du productivisme national. Ainsi, selon le Pnud (Programme des Nations Unies pour le Développement), le volume des exportations de la France ayant été multiplié par trois durant ces vingt dernières années, la France n’a jamais été aussi compétitive dans le monde.
– Ough ! Vous pouvez répéter la réponse ?...
– Toi y’en a vivre de mieux en mieux depuis trente ans, Ducon.
– T’as raison, Ducapable, c’est pour ça que le chômage n’a pas cessé d’augmenter depuis trente ans et qu’on peut plus se loger même en bossant.
Profession : Nom, prénom... jusque-là, ça va, on peut répondre. Mais après... SPF ?
Prédation. On ne peut pas parler d’“idéologie libérale”, parce que le terme “idéologie” supposerait qu’il y ait une idée. Il s’agit plutôt de “prédation libérale”. Un prédateur n’a aucune réflexion : il ne méprise pas seulement sa victime, il la culpabilise et la sanctionne. Il ne se lie jamais d’amitié avec ses congénères : il peut s’associer momentanément avec eux par intérêt ou par nécessité, mais il les tuera au moindre moment d’opulence. Voyez le comportement des lions autour de la carcasse de ce salaud de gnou, ou bien celui des requins à l’odeur de la moindre goutte de sang. N’espérez pas raisonner un prédateur : il ne comprendra jamais autre chose que son intérêt bestial, il ne reviendra jamais sur ses positions, même si vous avez réussi par miracle à le conditionner un temps, et il ne mangera jamais des pommes, même si sa femelle en mange de grosses, parfois (voyez certains politiques). Si vous êtes un gnou dans la nature, face à un prédateur, votre seule issue est la fuite. Si vous êtes un homme ou une femme, dans un monde civilisé, vous n’avez aucune raison de continuer à fuir, à vous cacher et à pleurer. Physiquement, votre prédateur n’a rien de plus que vous. Curieusement, il est même souvent plus faible et beaucoup plus lâche que vous.
Précarité. Depuis le temps qu’elle dure, on se demande ce qu’attend l’Académie pour en faire un synonyme de “stabilité”.
Q
Quand ? : « Quand on t’aura besoin. Pas avant, ni après. »
Que dalle :
– Et pourtant, je cherche, hein ! Et je suis vachement motivé, hein ! Et j’ai fait tous les stages que vous m’avez obligé à faire, hein !...
– Hein ?!
Quinquagénaire : ancien mort-vivant, aujourd’hui rejoint par le quadra, lui-même bientôt surfait par le trentenaire. C’est fou ce que l’exclusion vous vieillit un homme, alors qu’il passe son temps à faire la couleuvre sur le hamac.
R
Radar automatique, ou distributeur de sanctions automatisées, tellement le citoyen est coupable et irresponsable. Cette chose bizarre, issue du plus mauvais film de science-fiction ou de l’imaginaire rudimentaire de quelque politicard populiste sans âme, est la machine prémonitoire de ce qui attend le citoyen polisson du meilleur des mondes, au troisième millénaire. En effet, préparons-nous à voir surgir le “Distributeur automatique de coups de pieds au cul dans l’entreprise” pour tout travailleur qui aurait l’outrecuidance de s’octroyer une seconde d’inattention pendant ses heures de travail, ou encore la “Règle sauteuse qui tape systématiquement sur les doigts de la main gauche de tout employé droitier”, lorsque ce dernier se permettrait de laisser sa main gauche au repos pendant que sa main droite se tape tout le boulot.
Il y avait tout de même mille autres solutions que les radars automatiques (voir ci-après notre définition de la répression) : rétrécissement des voies, bandes frontales de ralentissement, autorégulation des moteurs, capteurs-émetteurs à l’entrée des lieux sensibles pour ralentissement automatisé, multiplication des ronds-points, pose d’obstacles identiques à ceux des péages, interventions aléatoires de police non pour piéger et réprimer mais pour faire ralentir, stages de sensibilisation obligatoires, 2 ou 3h d’auto-école obligatoires par an ou bien non obligatoires mais assorties d’un point de bonus... Ah, évidemment, la méthode “radar-caisse et débilisation du piégé” est tout à fait dans l’esprit de la délocalisation d’usine. C’est pourquoi tout nous porte à penser qu’il y a aussi mille autres solutions en matière de choix du travail et de gestion du chômage.
Raté : ancienne appellation de l’exclu. De nos jours, on ne peut plus être un(e) raté(e) puisque le système ne vous laisse plus le loisir d’essayer de réussir quelque chose.
Retour à l’emploi (aide au). Vu l’orientation de la courbe du chômage qui ne va qu’en croissant depuis bientôt 40 ans, il serait plus utile d’aider les travailleurs provisoires (pardon pour le pléonasme) à l’entrée au chômage.
Rien faire, ou chercher du boulot. Pour un chômeur, ça revient au même puisque chercher du boulot, c’est ne rien obtenir non plus, alors, autant ne…
Top
S
S.M.I.C. Stimulant Magique et Incitatif du Chômeur qui, au vu de cet incroyable émolument auquel il a décidément le privilège d’échapper, préfère lâchement rester chez lui dans la béatitude.
Stage : officiellement, c'est une période d'activité temporaire en vue de se perfectionner. Qu'est-ce qu'il y en a, ces temps-ci, des gens perfectionnistes, sur le marché ! C'est pas étonnant, avec tous ces fignoleurs, qu'on ne trouve plus assez de bourricots pour occuper des boulots de merde qui ne demandent aucun perfectionnement.
T
Travailler (ils n’ont qu’à aller). Vous connaissez l’histoire du type qui a perdu son larfeuille et à qui le flic du bureau des pertes demande, sourcil droit froncé, le gauche soupçonneux : « …z’avez votre larfeuille, vous ? »
Travailler (ils ne veulent pas aller). Expression consacrée, à l’attention des chômeurs, notamment de la part de ceux qui croient ou qui prétendent travailler. Pourtant, le nombre de gens qui ne fichent rien dans les entreprises, lorsqu’ils n’en ralentissent pas carrément le fonctionnement, est autrement plus élevé que celui des chômeurs ! En effet, demander à des employés attitrés de faire une heure supplémentaire, c’est 99 fois sur 100 leur demander la lune ou provoquer la prochaine grève. Pourquoi voudrait-on que les mêmes, une fois au chômage, se muent en esclaves et en sous-pantins ? Surtout lorsqu’on les pioche et qu’on les jette à la carte du patron, tout en les payant au lance-pierre, et en les persuadant qu’on leur fait là une grande faveur ?
En outre, les chômeurs qui ne cherchent plus de travail ont au moins une excuse, eux : on les en a écœurés.
Travailleurs. Assorti de “Travailleuses”, il s’agit de l’acouphène résonnant du sempiternel disque rayé de certains vieux Partis très nostalgiques, qui veulent encore croire que le mot est un compliment et la notion un idéal.
U
UNEDIC. “Union Nationale pour l’Emploi Dans l’Industrie et le Commerce”. En fait, tout ce qui finit par DIC, ça veut dire “Dans l’Industrie et le Commerce”. Ça ne veut pas dire “Des Incapables au Chômage”. Autrement dit, aucun de ces organismes ne s’occupe vraiment de l’emploi des chômeurs, mais seulement de l’emploi de ceux qui travaillent déjà dans l’industrie et le commerce. Quant aux individus qui perdent un tel emploi, l’Unedic est certes là pour leur jeter une aumône provisoire, mais surtout pour leur rappeler qu’ils sont en train de ruiner ceux qui bossent toujours dans l’industrie et le commerce.
V
Vérité. C’est sans doute ce qu’il y a de pire chez le chômeur : sa situation est tellement criante de vérité qu’il n’a plus besoin d’ajouter quoi que ce soit pour susciter la haine du reste du monde.
W
Wagon-lit : dernier hôtel 3 étoiles du sans-emploi qui a la chance d’habiter près d’une gare de triage.
X
X : catégorie professionnelle dans laquelle les jeunes chômeuses peuvent encore espérer bénéficier d’un bon coup de piston.
Y
Yéti : ou abominable homme des neiges, aussi légendaire et inquiétant pour le chômeur que ne le sont les synonymes de cet animal fabuleux : employeur, ami ou conjoint.
Z
Zigzag. Cette onomatopée désigne, au figuré, l’évolution sinueuse de la vie de quelqu’un (selon le Larousse). Ne pourrait-elle être aujourd’hui usitée au sens propre pour remplacer l’abréviation latine CV ? En effet, curriculum vitae signifie carrière de la vie. Or, la carrière est une chose qui n’existe plus et qui n’a même jamais existé pour la plupart des chômeurs. Il est donc absurde de demander un CV à un chômeur ! Il serait plus juste de lui demander son Zigzag.