28/01/2007
POESIE EN CONSERVE
Les éditions A Tire d'Ailes ont le plaisir de vous présenter
LES PETITS POIS ROUGES
de Patrick Evrard
Les petits pois rouges de Patrick Evrard tiennent de l'écrit par nécéssité, du craché, du jeté, du supplié, du perdu, du jamais, de l'espoir qui s'écoule rouge des plaies invisibles et si profondes pourtant. Les petits pois rouges font mal, mais on en perd pas une miette parce qu'ils sont bons aussi.
CG
Les petits pois se récoltent en juin
je ne m'en rappelai pas
j'ai oublié de cultiver mon jardin.
(...)
c'est une année à petits pois rouges.
Très rare.
(...)
Maintenant il y en a partout
ce ne sont pas des légumes
plutôt des enclumes
le poids qu'ils font !
je compris qu'ils poussaient dans le coeur
pas dans les jardins
questions de circonstances.
(...)
c'est le pois rouge de Sisyphe
le petit pois rouge
décisif
sur le bout de ma langue
il brûle il hurle
Tel un chien fou
Je l'avale
(...)
Pétéchies.
j'en chie, j'écosse,
mes petits pois sont rouges.
Les petits pois rouge, 10 euros la boite.
Pour commander, envoyez-moi un mail.
18:18 Publié dans COPINAGE | Lien permanent | Commentaires (0)
26/01/2007
Octobre 2000 - Sydney, Australie
3 heures du matin soit 18 heures en France. Nous voilà aux antipodes pour participer à la Cérémonie d’ouverture des Jeux Paralympiques qui suivent de peu et dans un grand silence médiatique les J.O.
Nous logeons dans le quartier King Cross. Je partage avec Marie-Pierre, un appartement un peu bizarre, incolore mais spacieux, énième étage d’une tour-hôtel.
Vaste baie vitrée, tout plein de fenêtres donnant sur les pupilles phosphorescentes de la ville. De ma chambre, je vois le fameux Harbour Bridge et le fleuve qui promène ses bateaux, parfois de grands voiliers anachroniques.
Carte postale typique de Sydney. Je vois aussi le faisceau de buildings ultra modernes qui en plein jour, semblent tout juste posés sur une vaste pelouse - la City prête à décoller – quartier des affaires et du commerce, et puis les maisons, des maisons et des maisons à perte de vue.
Une maquette ! Un immense studio de cinéma !
L’Australie, une sorte d’Amérique ?
J’ai vu le bush depuis l’avion. Des milliers de kilomètres, rien d’autre que la terre, le sable, la roche ! Vagues rouges pétrifiées, gigantesques, des trous, des canyons, des monts étranges et polis, la terre aborigène ! Les pistes du Rêve…
J’en ai vu un à Sydney, pour l’instant, la nuit sous un porche… Juste sa tête crépue qui émergeait d’un duvet crasseux, ai-je besoin d’en rajouter ?
King Cross, soi-disant le seul quartier chaud de toute l’Australie ! Un des seuls en tout cas à Sydney à avoir sa vie et sa faune nocturne. Sex-shops, cinés pornos, strip bars and co... Les rares bars qui ne sont pas dédiés au sexe sont mornes ou trop chics, mais nous n’avons pas encore tout exploré.
Les filles sont jolies, pas vulgaires, des airs de jeunes étudiantes...
Plus glauques sont les shooteuses, dans tous les coins, ça fixe à toute heure, n’importe où, y compris sur la petite placette, juste devant la porte de l’hôtel. Ils me filent un mauvais frisson.
Sydney donc !
Un stade tout neuf, joliment coloré mais un stade reste un stade et j’en ai déjà vu quelques-uns - c’est vrai pas des moindres - et puis l’envers du décor : dédales de béton, câbles, tuyauteries, cuves de je ne sais quoi, stockages, poubelles puantes, ascenseurs, montes-charges, cagibis fonctionls en tout genre…
Le déroulement des événements du jour J, nous allons le connaître jusqu’au bout de la ficelle, il y a des répétitions pratiquement tous les jours.
Quoi d’autre ? Il y a la bouffe fast-fadasse, les bagnoles, l’écho des sirènes la nuit, les stations de métro, de train, les gens tranquilles, sympathiques, pas Européens, pas Américains, mais Australiens et fiers de l’être.
Ils aiment leur ville en tout cas, ça c’est sûr, et c’est un amour communicatif.
Pas de stress ici, tellement que cela en devient étrange, mais bon il y a toujours ce décalage horaire, impossible de dormir la nuit, ça perturbe !
Je pense aux tous premiers colons, volontaires ou involontaires, les indésirables, les putains et les bandits. Je pense aux natifs de cette terre qui étaient là bien avant eux...
Sydney, c’est aussi des oiseaux, des arbres en fleurs, quelques beaux palmiers glanés au passage et des chauves-souris géantes qui tournent la nuit au-dessus des buildings de la City comme dans un film d’horreur de série B.
Drôles et terribles à la fois, plein de tendresse aussi. L’humain est un grand tendre très maladroit, un crabe du troisième type !
Je suis sans attente spéciale, sans impatience, toute à la découverte.
Je regarde, j’écoute. Tout ça, cette vie que je mène, ce qui a changé, ce qui m’a changée, ce qui confirme ou affine ce que je sais déjà.
Je réalise simplement à quel point je tiens à ce groupe, justement parce que malgré tout, je suis encore là…
Et puis il y a les tromperies, les illusions, le jeu du monde…
Parfois je me fais peur, ce que je prends pour lucidité n’est peut-être qu’une forme de folie. Je ne vois pas ou plus le monde de la même façon et je me sens parfois si seule avec ce que je ressens, ce que j’en comprends…
Des intuitions dont la justesse parfois m’effraye. Sensations claires, puissantes, après seulement viennent les élucubrations du mental.
Je me sens seule parce que j’écris ou bien j’écris parce que je me sens seule ?
Cela n’a rien à voir avec l’amour ou l’attention que peut ou pas m’apporter autrui, d’ailleurs trop d’attention finit par me peser.
Il faut que je dorme, ça risque d’être dur jusqu’au 18 et puis vlan, le retour dans les dents, looping et nouveau décalage !
Il est encore 3 ou 4 heures du matin et le sommeil n’est pas au rendez-vous.
A ce rythme là, je ne vais pas tenir…
Je me suis sentie mal en fin d’après midi, malgré mes biscuits et graines du matin, puis un kiwi, puis une banane… Une autre banane plus tard et même encore après un cake industriel proudly made in Australia… J’oubliais un mini paquet de noix de macadamia salées, que j’avais gardé depuis l’avion. Bref, tout ça pour dire qu’un vrai repas serait le bienvenu…
Pour le décalage, je ne vois pas ce que je peux faire, hormis me lever tout à l’heure, c’est à dire tenter une journée comme celle d’aujourd’hui, voire plus longue avec quasi pas de sommeil… Pourquoi pas ?
Aucun intérêt tout ça, mais je suis trop fatiguée pour écrire, trop éveillée pour dormir.
Soupir. Un coup de téléphone qui m’assombrit. Décalage, trop gros décalage…
Ne pas me prendre la tête, ne pas avoir peur de me tromper, je me tromperai de toute façon mais à vrai dire, qu’est ce que cela signifie ? Tromper, se tromper, faire erreur… N’est ce pas cela la vie ? Qui saurait démêler le vrai du faux ?
Je réfléchis trop mais je dois aimer ça. Je cherche, je cherche toujours !
Je ne sais quoi mais je cherche, partout et encore, dans les regards, dans les miroirs, au ciel je cherche, au loin, en profondeur, autour et au-dedans, je cherche !
De m’être balader dans le quartier, me vient cette question : est-ce que ce sont les femmes qui s’habillent en pute ou les putes qui s’habillent en femme ?
Question sans aucun doute vitale… Sourire.
Qu’est ce que « correct » signifie ? Et « normal » ?
D’où vient la norme ? Qui l’a décrétée ? Qui nous a demandé notre avis ?
L’éthique vendue au profit de l’étiquette…
Ne pourrait-on pas dire que c’est le client qui fait la pute comme l’occasion fait le larron ? Pas de client, pas de pute. Impossible de séparer les deux.
Pourtant c’est la prostitution que l’on condamne, pas sa consommation.
L’offre et la demande… Qui de la poule ou de l’œuf ?
Sydney toujours, 6h30 du matin !
Encore une nuit blanche, un peu chimique celle là. Le jour s’est levé, je n’ai pas dormi. La nuit est passée comme un rêve, c’est du moins l’impression que j’en ai maintenant, mais sans avoir été pour autant spécialement idyllique. Que faire ?
Un petit déjeuner, une douche et aller me balader enfin ? Mais il va bien arriver un moment où la fatigue va me tomber dessus…
C’est rageant d’imaginer l’espace immense qui entoure cette ville et d’être là, dans une chambre. Non-sens.
Dehors il y a des chants d’oiseaux incroyables, depuis que le jour a pointé son nez. D’ailleurs, c’est toute la ville qui est incroyable, un gigantesque village, une légo-city.
Il y a ici quelque chose d’irréel, de factice... De toutes manières je ne peux m’empêcher de songer que nous sommes sur la terre aborigène et que cette ville est absurde, déplacée !
Je ne pourrais pas expliquer mieux ce sentiment d’étrangeté, alors que je n’ai même pas mis les pieds dans le bush.
Je n’ai rien vu de ce pays, si ce n’est quelques Australiens.
Très bons contacts d’ailleurs, excellents même avec Melissa, ma partenaire sur les paralympiques.
Ce séjour s’écoule tranquillement et ne ressemble à aucun autre, peut-être parce que nous n’avons pas vraiment l’habitude de ce que nous y faisons.
Ni autant d’autonomie, cette chambre individuelle dans un appartement est bien agréable, surtout quand c’est pour une dizaine de jours.
A vrai dire, j’ai perdu la notion du temps passé ici, toujours ce décalage.
Voyage à l’autre bout de la planète et pourtant encore l’Occident…
Terre volée, comme les Amériques mais je l’admets, Sydney est une ville séduisante.
Je pense à tous ces voyages… Rester ou partir, s’installer ou nomadiser, qu’importe !
Ce dont j’ai besoin d’abord, c’est de nature.
Une ville est une ville, un arbre est un arbre ! Un arbre est une oasis dans la ville.
J’aurai aimé ici me plonger dans la culture aborigène mais je suis de l’autre côté du miroir. Je ne sais plus trop ce qui est réel ou pas, comme à chaque fois que je pars trop loin. Ma perception des choses est forcément limitée.
Pardonnez-moi, je ne suis qu’humaine…
Blanche, verte, en poudre et à torrent !
Dehors la tempête et moi dans la chambre, profitant de mes dernières heures ici, en solitaire.
J’ai échappé tout à l’heure à ce qui restait du groupe, c’était trop pour moi, je n’étais plus en état de discuter.
J’en ai pris plein les yeux, plein le cœur, sans trop réfléchir.
Cette soirée était magique, au-delà de la « simple » cérémonie, parce que tous les gens réunis là, tous les athlètes, les délégations ne sont pas là pour la victoire de l’un ou de l’autre, mais bien pour la victoire de la vie et de l’espoir.
Bien autre chose que les Jeux Olympiques dont on nous rabat les oreilles, aussi je suis très contente d’avoir participer à l’ouverture de ces jeux là. Ils intéressent bien moins de monde et c’est bien dommage.
Des cadeaux, encore des cadeaux de la vie ! C’est fou quand même.
J’ai envie de rester, de découvrir l’immensité de cette terre du bout du monde…
Du balcon, si je regarde en direction de l’océan que je ne vois pas - seulement le fleuve où s’égarent les requins - je peux flairer l’espace, le grand large, les confins du globe…
Très loin en face, les côtes chiliennes. Au sud, le pôle et ses glaces, fouettées par les blizzards. Impossible d’être blasée, en moi il y a encore l’enfant qui voyage.
Je n’ai rien vu ! Une tranche, une miette à peine et pourtant pleine de saveur.
Elle m’étonne cette espèce de tendresse que j’éprouve à l’égard de cette ville, sans la connaître. J’ai surtout fréquenté ses entrailles et son stade en fleur.
Eprouver de la tendresse pour un stade, moi, c’est quand même fort non ?
Je n’ai pas quitté la ville mais je peux sentir le bush, que je n’ai jamais vu autrement qu’en images ou depuis l’avion. Il y a beau y avoir des rues, des voitures, des magasins, le quartier chaud, tout ce que l’on veut, il y a cet espace là, tout autour, immense…
Plus réel que la ville.
Je n’avais jamais éprouvé cette sensation dans une ville auparavant à part peut-être à Belo Horizonte, mais là-bas l’espace était aussi et surtout dans ma tête.
Océan, terre nue, ciel. Fameux ciel qui hormis le fait qu’il semble en coupole, n’a rien d’exceptionnel, je m’attendais à des couchers de soleil grandioses mais ce ne doit pas être la bonne saison.
La lune comme un ballon un peu dégonflé, des étoiles mais surtout des nuages, beaucoup de nuages. C’est vrai, le ciel semble plus vaste ici mais il est gris !
Nous pourrions tout aussi bien être en Angleterre à cet instant, s’il n’y avait cet espace…
Nous partons dans l’après-midi. L’avion, retour à la case départ et encore une fois, ne rien comprendre.
Ma vie mosaïque… Cette espèce de ré-assemblement auquel je travaille depuis six mois, un an, deux ans ? Pas la peine d’y penser, je suis trop loin !
La vie ce n’est toujours qu’ici et maintenant.
21:25 | Lien permanent | Commentaires (3)
24/01/2007
Halte au Paraquat
Merci de prendre le temps de lire et de transmettre à vos amis et connaissances.
La Déclaration de Berne a lancé une importante et passionnante action de protestation contre Syngenta: la société civile est invitée à donner son avis, pour déterminer si ce géant suisse de l'agrochimie est coupable de pratiques commerciales immorales.
Voici l'affaire:
Le pesticide PARAQUAT, commercialisé par l'entreprise suisse Syngenta, intoxique chaque année des dizaines de milliers de personnes. Dans de nombreux pays européens, l'utilisation du PARAQUAT n'est pas autorisée. Par contre, dans la plupart des pays en développement, des employées de plantations et des petits cultivateurs s'en servent pour éliminer les mauvaises herbes. Par suite d'accidents ou de suicides, des milliers de personnes meurent chaque année dans de terribles souffrances.
Vous pouvez contribuer à changer cela. Soutenez l'action de la Déclaration de Berne sur le site http://www.tribunal.paraquat.ch .
Le temps presse: d'ici fin janvier 2007, nous avons besoin du soutien d'au moins 50 000 personnes. Il faut que chacun-e participe et transmette ce message, afin que Syngenta cède à la pression de l'opinion publique et accepte d'arrêter la production du PARAQUAT.
Merci beaucoup!
P.-S.: Vous pouvez obtenir la confirmation que cette action est authentique en envoyant un e-mail à: paraquat@ladb.ch .
17:15 Publié dans AGIR | Lien permanent | Commentaires (1)
23/01/2007
Cyber acteurs est un pari
Le pari de croire qu'il existe en France et dans le monde des milliers de citoyens qui souhaitent exercer activement leur citoyenneté et promouvoir une autre approche de la démocratie, de l'économie et de la solidarité entre les peuples et les êtres humains.
Devenir cyberacteur ne signifie pas adhérer à une association de plus. C'est adhérer à un réseau efficace qui se mobilise rapidement sur des problèmes importants en partenariat avec de nombreuses associations.
Une conviction:
face à l'Organisation Mondiale du Commerce doit se mettre en place une Organisation Mondiale de Consom'acteurs citoyens et solidaires
Une démarche:
faire pression sur les décideurs politiques et économiques pour peser dans le sens du développement durable, de la paix, des droits de l'être humain et de la solidarité internationale
Une méthode :
donner un prolongement électronique à des campagnes menées par ailleurs par des réseaux
avec des outils modernes
pour des projets ambitieux
Un annuaire :
Un annuaire pour faire connaitre les initiatives économiques allant dans le sens d'une économie sociale, solidaire et citoyenne.
Des cyber actus
Des actus pour faire connaitre les infos des réseaux.
Des cyber actions :
Actions pour faire entendre la voix des citoyens en prolongement d'actions déjà menées par différents acteurs dont concernant la protection de l'environnement (Amazonie, Erika, Extrême chasse, Tchernolabos, Tchernobile, les droits de l'être humain (Mumia, Bandazhevsky) la paix (Timor, Tchétchénie), la solidarité internationale (Pinochet)
un petit clic vaut mieux
qu'un grand choc
C'est facile :
il suffit de copier et coller un texte et des adresses de décideurs et de l'expédier d'un simple clic
C'est pas cher :
quelques minutes de connexion téléphonique pour recevoir les propositions d'action et expédier les courriers.
Cela peut rapporter gros :
si le battement de l'aile d'un papillon peut modifier le climat, un petit clic sur un mulot peut parfois sauver des vies (Safyia, Abok ou Amina..) ou réorienter des politiques (chasse, OGM, Effet de serres...) recevez en échange:
La possibilité de recevoir cyber actus (un bulletin d'infos hebdomadaires sur le devenir des cyber @ctions), reperes (une revue de presse hebdo) et cyber actions
La possibilité de participer au réseau boutiques solidaires pour
promouvoir une autre conception de l'économie allant dans le sens d'une décroissance conviviale.
Pour recevoir nos cyber_@ctions par courriel, et signer les pétitions par courier électronique, inscrivez vous à la liste de diffusion :
http://www.cyberacteurs.org/acteurs/index.php
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22/01/2007
Hugo Chávez - Les causes précèdent toujours les conséquences
Il est rare que la docte Assemblée générale des Nations unies éclate de rire. Mais Hugo Chávez réchaufferait une morgue, tout le monde le sait. Il faut préciser que la veille de ce jour mémorable du 19 septembre 2006, George W. Bush occupait la place du président vénézuélien devant ce gratin de la gouvernance (ou de l’ingouvernabilité) mondiale (chacun choisira sa version). Vingt-quatre heures ont passé. Chávez contemple l’assistance, prêt à se lancer avec délectation dans la bagarre. Et donc, il s’y lance, c’est son style à lui. « Hier le Diable est venu ici, dans ce même endroit. Ça sent encore le souffre sur ce pupitre d’où je parle maintenant », jette-t-il en se signant, puis en joignant les mains en signe de prière, levant les yeux au ciel pour en appeler à Dieu. D’où les rires, les applaudissements (et quelques grincements de dents). « Hier, Mesdames, Messieurs, depuis cette même tribune, Monsieur le président des États-Unis, que j’appelle le Diable, est venu, parlant comme s’il était le propriétaire du monde, le porte-parole de l’impérialisme venu délivrer son message de domination et d’exploitation. »
Évidemment, comme toujours, Chávez a agacé. Dans les jours qui suivront, on verra fleurir les commentaires sur son « anti-impérialisme histrionique », son « narcissisme léninisme », ses « gesticulations intercontinentales », etcetera, etcetera. Même ceux qui ne lui sont pas fondamentalement hostiles hocheront la tête, mi-amusés, mi-affligés. D’une façon générale, ce qui lui porte tort, c’est qu’il parle trop. Interrogé quelques jours plus tard par Time Magazine sur son discours au vitriol, le président vénézuélien s’en expliquera, posément cette fois : « Je n’attaque pas le président Bush. Simplement, je contre-attaque. Bush a attaqué le monde, et pas seulement avec des paroles. Avec des bombes ! Quand je prononce ces mots, je crois que je parle pour beaucoup de gens. Eux aussi croient le moment venu de stopper la menace de l’Empire US, qui utilise les Nations unies pour justifier ses agressions contre la moitié de la planète. »
Qu’on aime ou non Chávez, la thèse se défend. Évidemment, pas partout. Pour ses opposants, à Caracas, c’est tellement nul que c’en est comique (une fois de plus !). Mais eux n’ont pas envie de rire : le pays sombre dans l’anarchie et le président voyage beaucoup. Sans parler de ce qu’ils dénoncent depuis maintenant huit années : il menace la démocratie, gère mal l’économie du pays, dilapide l’argent du pétrole, provoque l’instabilité régionale.
Sur un point au moins, Chávez ne peut pas nier. Il ne laisse pas souvent l’avion présidentiel rouiller dans un hangar. En 2005, il a voyagé en Europe, on l’a même aperçu à Paris, chez Dominique de Villepin. À la fin juillet 2006, il a visité la Russie, la Biélorussie, le Qatar, l’Iran et le Vietnam. En août, il était en Chine, en Malaisie et en Angola. En Algérie, on ne sait plus quand, mais il y est allé. De même qu’au Mali et au Bénin. Sans parler, bien sûr, de tous ses séjours à Cuba... Chávez objecte qu’il ne court pas la planète pour le plaisir de vagabonder. Ces derniers temps, il cherche à faire en sorte que le Venezuela, en représentation de l’Amérique latine, occupe un siège de membre non permanent au Conseil de sécurité de l’ONU en 2007 et 2008. Dans une période où le président George W. Bush passe son temps à mener des « guerres justes » au nom de sa nation et de la démocratie, la démarche n’est pas forcément inutile. Mais, pour ce faire, il faut au Venezuela des alliés car Washington lui oppose le Guatemala [1].
Washington, faut-il le préciser, n’aime pas Chávez. Assis sur son pétrole et sa « révolution bolivarienne », il veut passionnément instaurer un pouvoir fort et fier défiant le néolibéralisme et les États-Unis. Le 18 août 2006, John Negroponte, directeur de la communauté du renseignement américain, a annoncé la création d’une nouvelle mission spéciale de la Central Intelligence Agency (CIA) pour superviser les activités de cette dernière au Venezuela (et à Cuba).
Comme directeur exécutif de cette nouvelle division, il a désigné un vétéran de l’Agence, J. Patrick Maher. Celui-ci devra faire en sorte que les décideurs politiques puissent disposer d’une panoplie complète de renseignements récents et efficaces sur lesquels ils pourront s’appuyer pour prendre leurs décisions. Quelles décisions, on l’ignore, mais, connaissant l’Amérique latine, du Chili au Nicaragua, on peut plus ou moins deviner. La stratégie implique en tout cas un accroissement des agents de la CIA sur le terrain.
Par rapport à ce type d’annonce, Chávez et les siens professent une théorie qui peut plus ou moins s’exprimer ainsi : l’idée selon laquelle la brute ne va pas venir s’en prendre à toi si tu baisses humblement la tête lorsqu’elle s’approche est complètement fausse, comme le savent tous les gamins dans les cours de récréation.
Les causes précèdent toujours les conséquences. Hugo Rafael Chávez Frías est devenu « Chávez » parce que, dans un Venezuela cinquième producteur mondial de pétrole, il a été un gosse si pauvre que ses parents durent l’envoyer vivre chez sa grand-mère. En ce temps-là - dans les années 1960, puis 1970 -, le pays vivait sous la coupe d’une classe politique corrompue jusqu’à la moelle, adepte de la kleptocratie. L’instinct de possession était fort chez ses membres et leurs affidés, le monde leur avait apporté richesse et succès, ils voulaient le garder en l’état. Un Venezuela transformé en méga centre commercial de produits importés pour une minorité.
Le jeune Hugo devint militaire en 1971 (nul n’est parfait). Encore que l’Amérique latine ait croisé, au long de son histoire tumultueuse, un certain nombre d’officiers progressistes : l’équatorien José Torres, le péruvien Velasco Alvarado, le panaméen Omar Torrijos, pour ne citer qu’eux. L’Europe elle-même n’étant pas en reste avec, par exemple, au Portugal, ceux qui menèrent la « révolution des œillets ». Comme quoi les idées toutes faites méritent à l’occasion d’être interrogées (même si une exception demeure une exception). D’autant que Chávez n’a pas pour modèles le chilien Augusto Pinochet, le paraguayen Gustavo Stroessner ou le nicaraguayen Anastasio Somoza, tous dictateurs de haute volée, mais trois Vénézuéliens dignes d’intérêt : Simón Bolivar (le libertador), Simón Rodríguez (le précepteur du premier), et Ezequiel Zamora (le général du peuple souverain), dont le mot d’ordre demeure d’actualité : « Terres et hommes libres, élection populaire, horreur de l’oligarchie. » Il s’agit là d’un bref rappel, tout cela est largement documenté.
Avec de pareils inspirateurs, qui pourrait s’étonner que, le 17 décembre 1982, en compagnie de trois autres officiers révolutionnaires, le jeune capitaine ait fait un serment, répétant les paroles de Bolivar, à Rome, en 1805 : « Je jure devant vous, je jure par le Dieu de mes pères, que je ne laisserai aucun repos à mon bras ni repos à mon âme jusqu’à voir rompues les chaînes qui nous oppriment. » Regard sombre, optimisme obstiné, grande confiance en soi, ardeur passionnée à vous convaincre : Chávez fait rapidement des émules. À tous les échelons, de nombreux militaires de carrière n’ont pour la IVe République que colère et mépris.
Les causes précèdent toujours les conséquences. On reproche beaucoup à Chávez d’avoir, en 1992, mené une tentative de coup d’État. L’image d’officier putschiste lui colle encore à la peau. On évoque moins la tragédie du « caracazo » survenue trois années auparavant. Tous de mèche, le président Carlos Andrés Pérez, les vagabonds du gouvernement et le Fonds monétaire international imposent alors au pays un dévastateur ajustement structurel. Frappée au cœur et à l’estomac, la population de Caracas se révolte, le 27 février 1989. Violence, incendies, mises à sac, la faim justifie les moyens. En réponse, la démocratie crache le feu. Oh, elle ne voulait tuer personne, uniquement semer la terreur. Résultat : plus ou moins trois mille morts ! Le pourcentage des Vénézuéliens vivant dans la pauvreté va bondir de 43,90 % à 66,50 % en un an. Mais toute action implique une réaction comme toute dictature, quelle que soit sa forme, matérialise une opposition. Déchiré, Chávez a grondé, au moment du « caracazo » : « Les armes des soldats, les tanks des soldats, les avions des soldats, de terre, d’air ou de mer, jamais, jamais plus sur cette terre de Bolivar ne doivent viser, comme en ce jour maudit ils l’ont fait, la poitrine douloureuse du peuple. Jamais ! Nunca jamás, hermanos. Jamais plus ! » Alors oui, le 4 février 1992, alors que - tout un symbole - le président Carlos Andrés Pérez rentre du Forum de Davos, le lieutenant-colonel de parachutistes Hugo Chávez, à la tête de militaires qui entendent épouser la cause populaire, tente de le renverser. Que ceux qui veulent lui jeter la première pierre la jettent. Le peuple vénézuélien ne l’a pas fait.
Les causes précèdent toujours les conséquences. C’est bel et bien ce coup de force qui, à l’époque, fait de Chávez l’homme le plus populaire du pays. Certes, il a échoué. Ce n’était pas nécessairement non plus le moment décisif. Condamné, emprisonné, puis amnistié deux ans plus tard par le président Rafael Caldera, l’ex-lieutenant-colonel se lance dans la politique - la continuation de la guerre par d’autres moyens. Irradiant, porté par un formidable instinct, il conquiert les foules. Par la faute de ses pitoyables meneurs, le pouvoir prend l’eau. Jusqu’au raz de marée électoral qui, en 1998, le fait couler définitivement.
De taille moyenne, le corps massif, les attaches épaisses, solidement accroché au sol, voilà Hugo Chávez président. Au Venezuela, l’opposition sonne le tocsin. À l’étranger, on l’observe l’homme avec circonspection. Bien peu se hasarderaient à la considérer « de gauche ». Détruire le monde ancien et, sur ses ruines, en édifier un nouveau, c’est là une très vieille idée. Jamais encore elle n’a donné les résultats qu’on attendait. Chávez ne désire-t-il pas simplement briser les chaînes d’une tradition autocratique pour profiter à son tour des avantages du pouvoir ? Dans le meilleur des cas, on estime que sa place se trouve au cabinet des curiosités.
Qu’il fasse approuver une nouvelle Constitution - « bolivarienne » - par référendum n’émeut pas grand monde. Qu’il transforme la République du Venezuela en République « bolivarienne » du Venezuela laisse rêveur. Bolivar... Pourquoi pas Jésus-Christ ? On s’esclaffe poliment. La seule chose qu’on retient de sa gestion, c’est Alo Presidente ! Un marathon télévisé dominical, qui dure parfois plus de six heures, style « le Président est à son poste de combat ». Chávez a un langage toujours direct, parfois brutal, d’une verdeur de corps de garde. C’est aussi un excellent comédien. Il interpelle ses ministres en direct. Même dans les moments difficiles, il a le talent de donner à chacun l’impression qu’il est son préféré. Sauf quand il les réprimande vertement, insatisfait de leurs résultats. Face aux caméras, il rit, il chante, il plaisante, mais, plus que tout, il explique, il détaille les mesures prises par la révolution, il commente la situation du pays. On ne retient de la performance que les rires, les chansons et les plaisanteries. Les opposants s’étranglent, accusant le chef de l’État de démagogie. Lui, tient le peuple en haleine, car, sous ses allures fantaisistes, il fait de la pédagogie. D’ailleurs, lors d’un discours tenu face à la foule réunie devant le Palais présidentiel de Miraflores, pour les cent premiers jours de son gouvernement, le 13 mai 1999, il s’en était expliqué : « Mon message n’est pas destiné aux érudits. Mes paroles, plates et simples vous sont destinées amis, amies. Je veux arriver jusqu’à vous avec mes paroles, arriver à l’homme du commun, à la femme du commun, au jeune du commun, pour qu’ensemble nous analysions et réfléchissions réellement. »
Les causes précèdent toujours les conséquences. Chez Chávez, l’action suit immédiatement la pensée. En novembre 2001, il annonce un sérieux train de réformes... Loi des terres, loi de la pêche, loi sur les hydrocarbures... Des gens de tout type, de préférence le plus mauvais, commencent à sérieusement s’agiter. Personne n’a jamais demandé cela, ce populiste divise le pays. Alors qu’ils vivaient jusque-là en totale harmonie, il dresse les Noirs contre les Blancs, les pauvres contre les riches, les imbéciles contre les gens intelligents...
Les causes précèdent toujours les conséquences. À quoi peut mener une politique qui refuse le capitalisme sauvage ? Qui souhaite un monde multipolaire plutôt que la domination des seuls États-Unis sur l’ensemble de la planète ? Qui refuse d’impliquer le Venezuela dans le plan Colombie, destiné par Bogotá et Washington à en terminer avec les guérillas de ce pays ? Qui sort Cuba de son isolement en lui fournissant du pétrole à un prix inférieur à celui du marché ? Qui veut redistribuer la terre aux paysans pauvres ? Qui crée des « cercles bolivariens » permettant à la population de s’impliquer directement dans la « démocratie participative » ? Qui s’attache à reprendre le contrôle de la compagnie pétrolière nationale - PDVSA - et interdit qu’elle soit privatisée ? Alors même que, le 27 mars 2001, le général Peter Pace, alors chef du Southern Command (le commandement Sud de l’armée des États-Unis), dans une déclaration devant le Congrès américain, a estimé que dans le schéma de pouvoir global, qui inclut le contrôle du pétrole, l’Amérique latine et la Caraïbe ont plus d’importance pour les États-Unis que le Proche-Orient. Oui, à quoi peut mener une telle politique ? En Amérique latine, pour conserver des situations acquises - « Over and over and over again... Oui, toujours plus » -, les privilégiés, main dans la main avec leurs protecteurs du Nord, ont toujours tendance à formuler la même réponse : un coup d’État. On ne s’étendra pas ici sur celui du 11 avril 2002, défini par Chávez comme « le macro coup d’État de l’autre Venezuela, celui de l’argent-roi, qui entend tout acheter avec des billets de banque ». Il s’est soldé par un échec fracassant, contré par une fantastique mobilisation populaire et l’action décidée des militaires loyaux. Pas plus qu’on ne reviendra sur toutes les conjurations naïves ou machiavéliques, les groupes dits secrets, les jours anxieux et les nuits sans sommeil, qui ont accompagné la déstabilisation économique de décembre 2002 - janvier 2003. Sinon pour dire que, après l’avoir pareillement déroutée, le peuple, massé derrière son président, a pris conscience de sa force et de son efficacité.
Les causes précèdent toujours les conséquences. Désormais, les marches de l’opposition attirent tellement peu de monde qu’on dirait des groupes de touristes. Les signaux témoignant de l’effondrement des lois de leur politique et du cadre théorique en vigueur se multiplient. Tout un monde s’écroule, et s’effondrera encore plus quand, le 15 août 2004, Chávez, en présence d’observateurs internationaux, gagne le référendum révocatoire rendu possible par la Constitution - et qu’a demandé l’opposition -, avec 59,06 % des voix.
En règle générale, s’il y a une contradiction entre ce qu’ils ont affirmé et la réalité, les médias nient la réalité. N’ont-ils pas répété en boucle, pendant deux années, sur la foi de « sondages » aimablement fournis, depuis Caracas, par l’opposition : « 70 % des Vénézuéliens souhaitent le départ de Chávez. » Lorsque le voile jeté par les pseudo-spécialistes se déchire, il faut d’urgence trouver une explication. On attribue cette victoire à là « petrochequera » : le chéquier pétrolier du président. Du fait de la situation internationale, les revenus des hydrocarbures se sont envolés, passant de 20 milliards de dollars à près de 50 milliards de dollars par an. Grâce à cette manne céleste et à une politique « clientéliste », Chávez aurait démagogiquement acheté des loyautés. Populiste, vous savez ce que cela signifie, non ? Cette ignorance chronique des choses de la vie, et surtout de la réalité vénézuélienne, n’a rien d’une nouveauté. À Miraflores - le Palais présidentiel -, on rit encore du Français Jacques Julliard, le brillant chroniqueur du Nouvel Obs, venu passer deux jours à Caracas, en juillet 2002, pour y visiter l’ambassade de France et donner une conférence au Teatro Trasnocho. De retour à Paris au terme de cette enquête approfondie, il n’hésita pas à écrire avec le plus grand sérieux : « De l’avis général, Chávez ne terminera pas l’année. »
L’argent de l’or noir, donc. Par certains côtés, l’argument recèle une étincelle de vérité. En décidant souverainement de la destination de ses ressources pétrolières, la révolution bolivarienne a pu financer un autre modèle de développement. Encore a-t-il fallu, pour ce faire, empêcher la privatisation de la compagnie nationale, PDVSA. Participer activement à la revitalisation de l’Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP). Et revoir le partage des bénéfices entre les multinationales et l’État. En vertu de la loi sur les hydrocarbures, une « nationalisation de basse intensité », a imposé à 32 de ces firmes (Shell, ExxonMobil, Chevron, Total, Repsol, YFP, Teikoku, etc.) de nouveaux contrats faisant d’elles des entreprises mixtes ayant pour partenaire PDVSA, laquelle devient majoritaire - 60 à 80 % - dans les nouvelles associations (seule l’Américaine ExxonMobil a refusé). C’est grâce à ce rééquilibrage que la révolution a pu développer des programmes sociaux sans équivalent dans les pays du Sud. Mais l’histoire ne s’arrête pas là...
Les causes précèdent toujours les conséquences. C’est le 30 janvier 2005, devant le Ve Forum social de Caracas, que Chávez s’est prononcé pour « un socialisme du XXIe siècle », sans formule toute faite et se construisant pas à pas. Le présent et le futur l’intéressent, il les invente pragmatiquement, perturbant pas mal les esprits entraînés à ne penser que dans les cadres anciens. Le mot « arbre » n’évoque pas la même image chez un bûcheron, un poète ou un mécanicien. Pareil pour le mot « révolution », selon qu’on est conservateur, social démocrate, altermondialiste ou membre d’une gauche ultra-radicale qui, sans jamais l’avoir faite, en connaît toutes les règles et tous les secrets. Sans compter ceux qui, nombreux, estiment que l’avenir est à la « désidéalisation ». Chávez ne mène-t-il
pas sa fameuse (d’autres disent fumeuse) révolution bolivarienne dans un cadre capitaliste où la propriété privée est respectée et où la majorité des moyens de production restent entre des mains privées ? Jamais les entreprises - en particulier les banques - n’ont fait autant de bénéfices au Venezuela !
Mais, par le biais des « Missions », les investissements sociaux - 15 % du Produit Intérieur Brut (PIB) - ont réussi progressivement à améliorer la qualité de la vie des citoyens aux ressources les plus faibles. Mais, grâce à 20 000 médecins cubains officiant dans des petits dispensaires de quartier, les déshérités ont enfin accès à la santé. Mais, dans le cadre de la campagne d’alphabétisation, plus d’un million de Vénézuéliens ont appris à lire et à écrire. Mais, la privatisation du système des retraites a été stoppée et un système public et solidaire de sécurité sociale a été créé - le nombre de pensionnés passant de 380 000 à 860 000. Mais, environ 15 millions de personnes, la majorité de ceux qui ont les revenus les plus faibles, ont accès à des aliments subventionnés. Mais, le secteur non pétrolier a connu une croissance supérieure au secteur pétrolier en 2005 - de l’ordre de 10,60 %. Et même si le chômage demeure à de hauts niveaux, l’emploi formel a augmenté. Sans parler des repas gratuits dans les écoles, pour s’arrêter là...
Dans les immenses plaines où les zones boisées s’appellent des montagnes, et dans les véritables montagnes qui ont pour nom les Andes, là où auparavant d’immenses étendues, entre les mains de grands propriétaires, ne remplissaient aucune fonction sociale, la réforme agraire a distribué 2 800 000 hectares de terre à 130 000 familles paysannes. Non sans retards, chausse-trappes et difficultés, c’est vrai, du fait d’institutions
fonctionnant trop souvent au ralenti. Il n’empêche que, dans les habitations de barro - mélange de boue plaqué sur un treillis de bois - surmontées de l’inévitable toit de tôle ondulée, qu’emplissent selles de cuir brut, lames, sacs de café, stocks de bougies, lampes tempête, pioches, pelles, bottes et piles de vêtements, on attend de pied ferme les opposants, à quelques mois de l’élection présidentielle de décembre 2006 : « Qu’ils se lavent dans leurs piscines. Mi presidente n’est pas seul. Tout le campo est d’accord avec le président. » Il est le lien entre l’or noir et les citoyens.
Les causes précèdent toujours les conséquences. En quelques années, Chávez est devenu le leader le plus influent de la région. Non que les gouvernements qui l’entourent, fussent-ils de centre gauche comme celui de Lula au Brésil, de Nestor Kirchner, en Argentine, ou de Tabare Vásquez en Uruguay, aient en partage son volontarisme radical. Mais parce qu’il est celui qui définit l’agenda et les termes du débat. Pendant longtemps, on n’a retenu que son amitié pour Fidel Castro et l’alliance stratégique établie par le Venezuela avec Cuba. L’échange pétrole contre médecins (pour aller vite). À l’exception des déshérités, peu ont dressé l’oreille lorsque, lançant la « Bataille des blouses blanches », en août 2005, Caracas et La Havane ont fait une offre généreuse à la région : soigner gratuitement, dans les dix prochaines années, six millions de Caribéens et Latino-américains touchés par de graves affections de la vue - glaucome, cataracte, etc. Et lorsqu’ils se sont engagés à former 200 000 médecins. Et surtout, lorsqu’ils sont passés à l’acte...On a considéré en ricanant la naissance de l’Alternative bolivarienne pour l’Amérique (ALBA), une intégration basée sur la coopération et non sur la concurrence, qui prendrait en compte les franges de population les plus défavorisées et reposerait sur les bases d’un développement endogène. Complémentarité, coopération, solidarité, respect de la souveraineté des pays, une rupture avec la logique de la compétition et celle, aveugle, de l’esprit de lucre. Mais très vite, on a dû prendre Chávez et son utopie d’intégration continentale au sérieux. Il ne s’agissait pas que d’un discours « à haut contenu émotionnel », comme on l’a trop souvent prétendu. En juin 2005, la naissance de Petrocaribe permet à 14 pays de la Caraïbe, étranglés par les prix internationaux des hydrocarbures, d’acheter leur pétrole au Venezuela à tarif préférentiel (avec facilités de paiement et crédits pouvant aller jusqu’à 25 ans). Le 27 avril 2006, dans un entretien à la BBC, le ministre de l’énergie Rafael Ramírez évoque la situation absurde qui prévalait jusque-là : « En cent années de production d’hydrocarbures dans le pays, on n’a pas envoyé un seul baril dans la Caraïbe, au Brésil, en Argentine, en Uruguay. » Tout pour les États-Unis, dont entre 11 % et 15 % des importations de pétrole proviennent du Venezuela - autant sinon plus que d’Arabie saoudite. Dès lors, Caracas multiplie les accords de coopération énergétiques avec le Brésil, l’Argentine, l’Équateur, la Bolivie. Un projet de gazoduc, d’une longueur de 8 000 kilomètres, a été officiellement lancé en décembre 2005, pour relier le Venezuela à l’Argentine via le Brésil. Son coût est estimé de 8 à 12 milliards de dollars, selon qu’il se raccorde aux gazoducs existants ou qu’il traverse le centre du Brésil. Bolivarien jusqu’au bout des ongles, Chávez accélère même avec son « frère ennemi », le président colombien Alvaro Uribe, la construction d’un oléoduc qui traversera une bonne partie du territoire des deux pays et amènera le brut et les produits raffinés vénézuéliens aux marchés asiatiques, en utilisant comme sortie un des ports colombiens situés sur le Pacifique (la Chine doublera sa consommation pétrolière au cours de la prochaine décennie et Chávez y a de bons contacts - vu ses voyages incessants !).
Signature d’accords allant du secteur énergétique au militaire avec le Brésil, naissance d’une télévision latina - TeleSur - pour contrer l’influence de CNN, projet de création d’une Banque sud-américaine pour le développement, échange intense de pétrole et autres combustibles avec l’Argentine, achat de bons de la dette extérieure de Buenos Aires, entrée du Venezuela dans le Marché commun du Sud (Mercosur), le 9 décembre 2005, nouvelles alliances avec les grands pays émergents que sont l’Inde, l’Afrique du Sud et la Chine, Chávez rompt le « cordon sanitaire » que Washington tentait d’établir autour de lui. Sa forte présence et le renforcement de l’axe La Havane-Caracas par La Paz depuis qu’Evo Morales a été élu président de la Bolivie, modifie la donne de l’intégration régionale et divise, c’est vrai, l’Amérique latine en blocs politico-idéologiques très marqués. Car, « ponts vers le premier monde » prêtant l’oreille aux sirènes du dollar, il reste des régimes de droite dans la région : Colombie, Équateur, Pérou, Mexique (peut-être grâce à une fraude électorale) ainsi que toutes les nations d’Amérique centrale. Cette tornade nommée Chávez ne cesse d’y agiter les sommeils et de creuser les ulcères plus profondément. On voit sa main partout. On l’accuse de financer les oppositions à coups de pétrodollars, on lie sa révolution pacifique avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), on implique son pays dans l’enlèvement et l’assassinat de Cecilia Cubas, fille de l’ex-président du Paraguay Raul Cubas, on prétend qu’il manipule Evo Morales lorsque celui-ci, souverainement, nationalise les hydrocarbures en Bolivie. Régulièrement, la voix sèche du président vénézuélien résonne au milieu du brouhaha : « Quelques individus indignes disent que j’ai un gros chéquier qui achète les volontés. Ils disent que j’achète Evo et tout un peuple. Ces vassaux de l’Empire, vendus à l’impérialisme, qui ont été élus présidents et ont trahi les espérances d’un peuple, passeront à l’histoire réduits en poussière. Ils disparaîtront. » Moyennant quoi, le général Michael D. Maples, directeur de l’Agence du renseignement de la Défense (DIA), ne se trompe pas vraiment lorsque, le 28 février 2006, il se présente devant la commission de la défense du Sénat américain : « Nous considérons que quelques-uns des objectifs stratégiques du président Chávez incluent l’affaiblissement de l’influence régionale des États-Unis et l’unification de l’Amérique latine sous une idéologie bolivarienne de gauche. Tandis qu’il coupe les liens avec les États-Unis, le président Chávez a cherché à augmenter ses liens commerciaux avec la Chine, l’Iran et la Russie, et a intensifié ses efforts pour influer sur quelques gouvernements de la région en leur offrant des accords pétroliers préférentiels. »
Les causes précèdent toujours les conséquences. Fonctionnant en mode binaire, à la manière des ordinateurs, les États-Unis aiment bien les alternatives : noir ou blanc ; bien ou mal ; ami ou ennemi. Depuis son arrivée au pouvoir, ils ont tout fait pour déstabiliser Chávez, appuyant en sous-main la tentative de coup d’État d’avril 2002. À présent, la tornade s’annonce sérieuse. Cet individu capable de terminer ses discours par un « Hasta la victoria siempre ; la patrie ou la mort ; venceremos » ! qu’on croyait définitivement éradiqué, ou, paraphrasant Che Guevara pour appeler à la création « d’une, deux, trois Bolivies en Amérique latine, dans les Caraïbes, afin de contrer les politiques néolibérales et sauvages de Washington », indispose la Maison Blanche au plus haut point. Récemment, il est allé jusqu’à s’opposer à la présence de la délégation du Conseil de gouvernement irakien aux réunions de l’OPEP...Haute tension et affrontements verbaux, en février 2005, en quelques jours, Washington a accusé le président vénézuélien, à travers ses porte-parole de la Maison Blanche, du Département d’État et de la CIA d’être une « menace régionale », un gouvernement « instable », un « fournisseur peu fiable de pétrole » et de mener une course aux armements. L’offensive a continué en 2006, le secrétaire d’État à la Défense Donald Rumsfeld comparant Chávez à Hitler - lui aussi élu démocratiquement ! Le 15 mai 2006, le département d’État a interdit l’exportation et le transfert au Venezuela d’équipements et de matériels militaires, l’accusant de ne pas coopérer suffisamment à la guerre contre le terrorisme. Engageant le fer, haussant le ton, Chávez a répondu en annonçant l’achat de 24 avions de chasse Sukhoi-30 et de 54 hélicoptères de combat à la Russie. Sans forcément rêver d’en découdre, mais brandissant l’exemple du soldat citoyen Simón Bolivar, il réorganise la réserve et entend préparer, entraîner et équiper entre 1,5 million et 2 millions de réservistes pour défendre jusqu’à l’ultime confin du pays en cas de « guerre asymétrique ». Depuis lors, des cohortes de civils et de militaires en tenue de camouflage se préparent pour faire face à une possible invasion. Derrière leur comandante, ils n’ont pas l’ombre d’une arrière-pensée. Que les Américains le sachent : tuer est un sport très amusant, à condition que les victimes veuillent bien se laisser abattre.
Les causes précèdent toujours les conséquences. On ne résiste pas à l’Empire en demeurant isolé. Le 16 septembre 2006, à Cuba, Chávez a exhorté les 56 chefs d’États et de gouvernements qui s’y trouvaient réunis au nom du Mouvement des non alignés - 116 pays, les 2/3 de l’Assemblée générale des Nations unies -, à relancer l’organisation pour faire face aux États-Unis. « L’impérialisme américain est en déclin. Un nouveau monde bipolaire apparaît. » Évidemment, emporté par sa fougue et le réflexe parfois nocif « les ennemis de mon ennemi sont mes amis », il lui arrive de dépasser les bornes du savoir vivre et d’en faire un peu trop. Lors de ses « tournées mondiales », il a pu, tout à sa propre expérience et à sa logique, féliciter le satrape biélorusse Alexander Lukashenko, souvent considéré comme « le dernier dictateur d’Europe », pour avoir « maté » sa contre-révolution. Dans les studios d’Al-Jazira, au Qatar, il a légitimement condamné l’intervention israélienne au Liban, mais a passablement dérapé lorsqu’il a déclaré que l’ « armée israélienne se comportait pire que les nazis ». Lorsqu’il reçoit, à Caracas, le président iranien Mahmoud Ahmadinedjad et s’enflamme - « Deux révolutions se donnent la main : le peuple perse, guerrier du Moyen-Orient et les fils de Simón Bolivar, les guerriers des Caraïbes, des peuples libres. » - beaucoup sursautent. Certes, Mahmoud Ahmedinedjad ne commence pas une intervention sans invoquer Allah et Chávez ne prononce pas un discours sans évoquer le Christ. Mais la ressemblance s’arrête là. Ahmedinedjad nie l’Holocauste et veut rayer Israël de la carte ; Chávez n’a jamais menacé aucun pays et se bat, au Venezuela, contre la hiérarchie catholique, pour faire respecter la laïcité. Lorsque le président vénézuélien donne une forte accolade à son homologue iranien, il n’appuie pas sa politique intérieure, mais défend le droit de ce pays - comme celui de la France, de la Grande-Bretagne, du Brésil, de l’Argentine, de tout autre, et même, pourquoi pas, du Venezuela - à maîtriser l’énergie atomique. En ne pointant du doigt que ces « dérapages », les médias occultent l’essentiel : la signature dans de nombreux autres pays, parfaitement démocratiques, d’accords Sud-Sud de tout type, et une action déterminée pour la démocratisation du Conseil de sécurité de l’ONU. Totalement passés sous silence. « Pourquoi subir ce scénario informatif qui, s’il agite les esprits en France, tourne radicalement le dos aux préoccupations des Vénézuéliens » ? s’insurge, depuis Caracas, Thierry Deronne, vice-président de la télévision communautaire ViveTV. « Je parle de huit années de travail mené par des millions de citoyens, qui découvrent le sens du mot démocratie, et dont les réalisations, désirs, pensées, actes transformateurs, organisations, sont exclus d’avance de ce théâtre médiatique bien huilé. »
Les causes précèdent toujours les conséquences. Peut-il y avoir un « chavisme » sans Chávez s’interrogent ceux qu’intéresse davantage le futur que le présent ? Ou qui s’inquiètent des menaces régulièrement proférées contre lui. Mais, somme toute, la question a son importance. Le futur président y avait répondu, par avance, dès 1996 : « Ici, il n’y aura pas de sauveur. Seul le peuple sauve le peuple. Il n’y aura ni sauveur, ni Messie, ni Chávez. Sans organisation populaire et un mouvement bien encadré, il n’y a aucun changement possible. » Un peu plus tard, déjà au pouvoir, et alors que certains s’impatientent de l’absence de clarté idéologique, d’une identification avec les politiques réformistes, et de l’absence de transformations immédiates : « Je me considère comme un
révolutionnaire. Maintenant, qu’un révolutionnaire ou un groupe de révolutionnaires puisse faire la révolution en si peu de temps, c’est une autre chose. » Qui oserait affirmer qu’on assiste, au Venezuela, à une révolution idéale ? Un nouveau modèle, prêt pour l’exportation. Le progrès y avance à grands ou petits pas, sans qu’on sache exactement où il va. Cela agace souvent ceux qui préfèrent une réponse rapide et simple à la description d’une réalité complexe. Parfois comique, mais somme toute significative. Car le Venezuela n’est ni la Suisse ni l’Australie, mais le Venezuela. Le sous-développement laisse des traces qu’on n’efface pas en un tournemain.
Le président se rend en province et prononce un discours devant une foule tout acquise, sous un cagnard de feu. Attentif au bien être du peuple, et au principe d’égalité, Chávez, à qui l’on a respectueusement réservé un auvent, constate avec un sourire amusé : « Je tiens à féliciter les organisateurs, mais je vois que nous seuls sommes à l’ombre. Je ne comprends pas, il y a des arbres là-bas. La prochaine fois, ou l’on met tout le monde à l’ombre, ou tout le monde au soleil. » Message reçu. La fois suivante, tout le monde se retrouve au soleil, Chávez y compris. L’organisation, les ministères, les organismes divers et variés nagent souvent dans les complications, les variantes continuelles, l’incohérence. La révolution se déroule dans le cadre d’un État pourri, d’une administration peu efficace, noyautée par l’opposition. Pacifique autant que démocratique, « le processus » a coupé peu de têtes. En 2005, le gouvernement a construit 41 500 nouveaux logements, le tiers des prévisions. Chávez enrage, l’intendance ne suit pas. D’ailleurs, il ne sait pas tout. Mais quand bien même... Pour les siens, il est extrêmement difficile de le critiquer, car chaque critique apporte des munitions à l’opposition. Le processus avance par à-coups, tantôt butant sur un obstacle incompréhensible, un événement inattendu. Mais soudain, il dépasse brusquement des barrières qui paraissaient infranchissables la veille encore. Projets sociaux, réforme agraire, logements populaires (malgré tout), universités décentralisées, comités des terres urbaines, Banque des femmes, Banque du peuple, microcrédits, création de milliers de coopératives, auto ou cogestion d’entreprises récupérées, démocratisation du spectre radioélectrique et création de médias communautaires, reconstruction des services publics, participation de la population à travers les mécanismes de la démocratie participative, le Venezuela est devenu un laboratoire de l’anti-néolibéralisme unique au monde.
Face au phénomène, l’opposition vieillit, n’arrive pas à accrocher les problèmes de fond, patine dans sa croisade contre les risques de tyrannie, se cantonnant à dénoncer la « tumeur maligne » qui, depuis plusieurs années déjà, ronge son malheureux pays. Bien qu’elle ait désigné un candidat unique, Manuel Rosales, gouverneur de l’État de Zulia, pour l’élection présidentielle du 3 décembre 2006 [article rédigé avant l’élection présidentielle, ndlr], nul ne peut parier que, devant une défaite probable, elle ne se retirera pas avant le scrutin, pour délégitimer la victoire de Chávez. Elle l’a déjà fait lors des législatives de décembre 2005. Dès lors, rien de plus facile que de reprendre et répandre les truismes de Washington, de ses amis européens et de la « bobocratie » triomphante. Première idée : le « populisme » constitue la cause des maux politiques et économiques de l’Amérique latine. Deuxième idée : les hommes politiques ou gouvernants peu dociles aux injonctions de Washington sont populistes. Quant au « populisme de gauche », c’est l’antichambre de la dictature !
Et justement, puisqu’on en parle... Le 1er septembre 2006, Chávez a annoncé la possible organisation d’un référendum ouvrant la possibilité, pour le chef de l’État, de se faire réélire indéfiniment, jusqu’à ce que le peuple lui dise « non » dans les urnes - alors que l’actuelle Constitution n’autorise qu’une seule réélection. « Chávez veut être président à vie » ont immédiatement réagi les gazettes Le Monde et Libération, pour ne citer qu’elles. L’ombre de Duvalier plane sur le Venezuela. Un peu hâtif... Vu le contexte du Venezuela, l’idée possède sa logique, qui tient aux énormes défis à relever. Pourquoi ne pas le dire ? L’habileté et la force de Chávez ont produit une extrême dépendance du mouvement qui l’appuie. De sorte que s’il disparaissait, tout le mouvement risquerait de se rompre en mille morceaux, ayant perdu le lien que le maintient uni. Il faut donner du temps au temps. On peut considérer la solution insatisfaisante, mais elle répond à une situation donnée. Pas forcément à un culte de la personnalité. Par ailleurs, depuis quand les référendums ne sont-ils plus démocratiques - surtout s’ils se déroulent en présence d’observateurs internationaux ? D’autant que, sauf erreur, rature ou omission, l’ « accusé » peut gagner le référendum, mais il peut aussi le perdre si les Vénézuéliens rejettent sa proposition. On ajoutera qu’il existe, dans la Constitution bolivarienne, la possibilité de révoquer le président à mi-mandat par voie référendaire si l’on n’est plus satisfait de son action. Enfin, sans être spécialiste du droit électoral international, on signalera qu’il existe au moins un pays, certes un petit pays, mais pas vraiment une République bananière, où l’on peut briguer plus de deux mandats : la France ! S’il le désire, Jacques Chirac peut se présenter une troisième fois, et pourquoi pas une quatrième, au suffrage de ses concitoyens. Parle-t-on ici de dictature et de présidence à vie ?
[1] [NDLR] L’Organisation des Nations Unies (ONU) a été le théâtre d’une âpre lutte d’influence en octobre et novembre. L’élection par l’Assemblée générale de nouveaux membres non permanents - pour deux ans - au Conseil de sécurité de l’organisation internationale a reflété fidèlement la conjoncture actuelle que traverse une Amérique latine polarisée. En effet, deux pays de l’hémisphère concourraient pour le siège réservé aux Latino-américains : le Guatemala, « candidat » des Etats-Unis, et le Venezuela. Si le Guatemala a remporté à chaque reprise les scrutins, il n’a jamais obtenu les deux tiers requis pour obtenir le siège convoité. Après 48 scrutins, les deux pays sont finalement arrivés à un compromis pour se retirer de la course et désigner le Panama.
www.risal.collectifs.net/article.php3?id_article=2025...
Source : Les Cahiers de Louise (http://www.lescahiersdelouise.org), décembre 2006.
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21/01/2007
méandres du vent
Ma mie, va t’en
Délie les sarments
Ne prononce pas le mot maudit
Je veux attendre seul
Les noirs méandres du vent
Ghalia Boustami
Lieu du larcin : dans la malle à Fricotage
20:58 Publié dans LES MOTS DÉROBÉS DU JOUR | Lien permanent | Commentaires (0)
POETE !
Idéaliste, irréaliste… Poète !!! Ce n’est pas un titre, ni une parure, ni une décoration, pas plus qu’un caprice, un beau vêtement… Non !
Poète c’est être nu alors même que les autres ont froid !
Poète c’est faire jouir ou faire horreur !
Poète c’est ce sang qui coule dans vos veines et que vous n’entendez pas !
Poète, c’est ce ridicule moineau qui se démène pour vous prévenir de vos folies froides et assassines, qui n’a de cesse de frapper de son bec fragile à la porte de vos cœurs, de ces forteresses que vous avez érigés pour vous protéger d’un ennemi mortel qui n’est autre que vous même !
Je suis comme vous mais je suis poète, race maudite, comme je l’aime !
13:48 | Lien permanent | Commentaires (1)
Août 2000 - Helsinki, Finlande
Une autre vie depuis Santa Maria de Feira. Rien à voir !
Je suis dans une chambre de l’hôtel Scandic grand luxe, mais ça ne vaudra jamais une nuit à la belle étoile.
Je suis heureuse aujourd’hui, chanter me comble ! J’ai mis du temps à trouver cette confiance mais elle ne fait que grandir.
Et le temps passe encore, nous sommes allés jouer sur l’île de Saarema en Estonie. Alcool et colère aussi, pas si injustifiée que ça… et nous voilà à 3h40 le 10 août, Helsinki de nouveau, mais plus pour longtemps. Dernier spectacle et en ce qui me concerne, peu de plaisir. Trop de tension, d’inattention. Je ne supporte plus cette façon de travailler, impossible de donner comme je le voudrais ! Trop de folie mais pas la bonne.
Je ne peux m’affirmer que « contre », alors ça donne envie d’aller se trouver ailleurs. Ce qui autrefois était un tremplin est devenu un frein. Je voudrais plus simple, plus fort.
Je suis fatiguée, en manque de solitude, je sature… Dormir.
Comme c’est bon une petite journée en retrait, terminée par un sauna « luxe » rien que pour moi (mais qui ne vaut pas le sauna de l’autre jour près d’Helsinki, le tout premier sauna de ma vie, à l’ancienne dans la cabane en bois au bord du lac noir, magique ! ).
J’aurai adoré voir une aurore boréale mais il aurait fallu venir un peu plus tôt et monter plus haut. L’hiver ici doit être une sacré expérience, surtout au nord en Laponie, au pays des glaces… Un expérience à vivre en amoureux, mais en ce qui me concerne, je suis bien trop attachée au sud.
Brugge, Belgique, dans une chambre de l’hôtel Ensor, face au petit canal, comme deux ans en arrière… dans une autre vie.
J’entends d’ici la musique du final, c’est l’heure des réglages pour la représentation d’ Ezili, ce soir. Dans deux heures, répétition du campement, puis briefing, puis aller gonfler la lune, puis s’habiller, mettre belle robe, chapeau à fleur, ne pas oublier ma plume… La routine ? J’avoue que je suis déjà sur la route vers Cauterets.
Pascale dort, moi je n’ai pas pu dormir longtemps, je ne suis pas fatiguée, simplement un peu impatiente.
En France dans le train pour Lourdes.
Un saut dans le temps, une décision qui ressemble à un coup de tête mais qu’il me fallait prendre et me voilà dans ce train, mais à vrai dire je ne sais pas où je suis vraiment…
Un compartiment à l’ancienne que je viens de quitter pour aller dans le couloir à cause d’une voisine indiscrète et un peu bizarre aussi, mais bon qui ne l’est pas ?
Moi-même aujourd’hui…
Fatiguée surtout. Faut dire que le retour a été chaud ! J’ai vu rouge ce matin en arrivant à l’atelier après x heures de route depuis Brugge. Trop, c’est trop ! Je devrais zapper mais la fatigue m’empêche de réaliser que c’est fini, pour un temps au moins.
C’est l’heure des grands changements, je suis prête à en assumer les conséquences. Ceux qui pensent avoir tout vu ne sont pas au bout de leur surprise !
Pour l’instant, je suis vidée, je m’en vais me ressourcer. Qu’importe les kilomètres, l’argent, je me donne les moyens de ma liberté. A l’écoute de mes sentiments profonds, loin des normes, des convenances, au-delà des griffes de ceux qui ne savent vivre qu’en dévorant les autres.
J’ai manqué de discernement dans ma vie, aujourd’hui je recommence, encore une fois, une nouvelle donne. C’est à moi de jouer. Danser !
Rien n’est parfait et c’est parfait !
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19/01/2007
Céréales vallée, réponse du Président du Conseil régional d'Auvergne
Clermont-Ferrand - Chamalières, le 19 janvier 2007
Madame,
Votre courriel m’est bien parvenu et a attiré toute mon attention.
Vous nous demandez d’annuler le vote d’une subvention de 700 000 € attribuée au pôle de compétitivité « Céréales Vallée » pour son programme « Semences de demain » parce que ce projet vous semble incompatible avec nos engagements politiques.
Même si la Région n’a pas directement compétence en matière d’OGM puisqu’il revient au Gouvernement et au Parlement de traiter cette question, le Conseil régional d’Auvergne s’est effectivement très tôt saisi de ce dossier. Dès juin 2004, il a adopté un vœu demandant l’arrêt des essais en plein champ et le développement de la recherche publique en milieu confiné.
En septembre 2005, il s’est à nouveau exprimé pour regretter que le gouvernement ne tienne pas compte de l’avis de la commission d’enquête parlementaire sur les OGM qui proposait un moratoire d’un an sur les cultures de plein champ. Le Conseil régional a également déploré l’absence de transparence et de concertation sur cette question. Il a donc pris l’engagement d’organiser un débat citoyen afin d’informer les Auvergnats et de leur donner la parole.
Les 4 réunions, organisées dans chaque département et rassemblant plus de 1 700 personnes, ont montré que cet exercice de démocratie participative était attendu et que le dialogue entre les anti-OGM et les pro-OGM, s’il était difficile ,n’était pas impossible.
Depuis 2004 et notre premier vœu, la situation a sensiblement évoluée puisque les superficies dédiées aux OGM se sont développées en France et dans le monde très rapidement. L’Auvergne, qui fût une terre d’essais OGM en 2005, est aujourd’hui quasiment vierge d’OGM à vocation de recherche et les productions commerciales y sont également absentes.
Notre exécutif régional, qui souhaite respecter ses engagements pris à la suite des assises territoriales de 2004 et faire de l’Auvergne une terre privilégiée pour l’agriculture biologique et l’agriculture de qualité, a pris une position claire sur la question des OGM en adhérant à la Charte de Florence ainsi qu’à la déclaration de Rennes.
Par ailleurs, nous avons récemment mis en place un Comité Consultatif OGM qui devrait se réunir prochainement et qui permettra, j’en suis convaincu, de poursuivre la concertation et d’apporter des éléments de réflexion concrets sur les positions et les engagements futurs que devra prendre notre exécutif régional sur ce dossier.
Pour autant, nous devons continuer à soutenir et accompagner les domaines de la recherche et de l’innovation qui ont également été définis, dans le cadre de notre nouvelle politique, comme étant prioritaires.
Notre région héberge de nombreux chercheurs de l’INRA et le pôle de compétitivité « Céréales Vallée » a récemment été labellisé.
Après avoir pris connaissance avec le plus grand intérêt du projet porté par Céréales Vallée, nous avons effectivement voté, le 20 novembre 2006, en commission permanente, le principe d’une participation financière du Conseil régional d’un montant de 700 000 €, réparti sur trois années.
Ce projet qui vise à approfondir les travaux dans le domaine de la recherche variétale des céréales doit également permettre des investissements créateurs d’emploi sur notre territoire.
Sur le fond, la Région ne s’engage qu’à financer des outils de recherche ayant pour finalité le développement de nouvelles variétés de blé et de maïs. Avec le souci de respecter les décisions qui sont les nôtres, nous n’avons accepté de contribuer qu’à des techniques non concernées par la production d’OGM que sont le génotypage haut débit, la sélection assistée des marqueurs et l’exploitation des ressources génétiques.
Il est important de rappeler que les différents volets de ce programme ne font pas du tout appel aux technologies de transformation génétiques OGM, que ce soit dans leurs approfondissements ou encore dans leurs applications et respectent bien les engagements et choix politiques que nous avons préalablement décidés.
Lors de la session du Conseil régional du 8 janvier 2007, une délégation anti-OGM a été reçue par Jean MALLOT, 1er Vice-Président du Conseil régional ainsi que par les 3 représentants de chaque groupe de la majorité : M. POMMAREL (Président du groupe Verts), M. BOURDUGE (représentant le groupe PC) et M. BACQUET (Président du groupe PS).
Il a été décidé que la participation régionale de 233 000 € par an ne pourra être versée qu’après avoir pris connaissance de l’avis du Comité consultatif et de suivi OGM.
En espérant que ces informations complémentaires vous apportent une meilleure lisibilité du programme « Semences de demain » et de notre engagement sur la question des OGM,
Je vous prie de croire, Madame, Monsieur, à l’attention de mes salutations distinguées.
René SOUCHON
Président du Conseil régional d'Auvergne
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18/01/2007
Juillet 1999 - En route pour Varsovie
Tant de kilomètres avalés, pour se retrouver à nouveau dans notre fidèle bus, qui cette fois nous emmène à Varsovie.
La Pologne, maintes fois passée au crible de notre regard, absorbée tant bien que mal par nos foies sous sa forme la plus liquide : vodka ! Cette fois, c'est la capitale qui nous attend avec son lourd passé. Et moi ? Je rêve déjà d'une autre destination, plus lointaine, le Brésil ou peut-être ailleurs...
Dehors sous le ciel gris de rage contenue, une éolienne tourne ses bras immenses. Campagne allemande, douce, fleurie, reposante, ordinaire, qu'importe ! Une fleur est belle, quelle que soit la terre qui la porte. Son pollen n'a pas besoin de papiers pour traverser les frontières.
Moi papillon, j’aime toutes les fleurs. Chacune a sa beauté particulière et le poème de son parfum. Je ne demande qu’à rêver, écouter et raconter à mon tour les histoires que le vent colporte.
Je n’ai pas peur, je n’ai pas perdu l'amour, il accompagne chacun de mes pas, juste à peine plus vaste, plus mûr et encore moins saisissable.
Rien ne sert de vouloir le retenir, l'amour ne se retient pas, il coule comme l’eau entre les doigts, il imprègne tout, mais ne demeure en rien.
Une brève éternité.
L'écriture semble superflue au cours de ces lointains et trop brefs voyages, alors j’écris après, mais peut-être qu'un jour je voyagerai à un autre rythme.
J’accorderai le voyage au rythme de ma plume jusqu’à finir peut-être par n’être plus qu’une plume voyageuse.
Certains mots-clés marquent les contours de mon existence, mots chevillés à mon âme, comme des lieux où l’on se sent bien une clairière, un flanc de colline, un désert, une chapelle dans la tête ! Des mots-pouvoirs qu’il ne faudrait pas révéler sous peine de les voir perdre leur sens.
J'aime, je n'aime plus et j'aimerai encore tant que le souffle voyagera dans mon corps !
Qu'importe son nom, ses différents visages, une seule personne suffit : l'Autre !
Je suis pleine de toutes ces images que tu m'offres encore et encore, sous tant de cieux différents. Je n'ai pas de pays, je n'ai qu'une Terre. Minuscule boule bleue qui tournoie sur elle-même autour d'un astre à la chaleur inconcevable.
Les éoliennes se dressent, immobiles cette fois, comme des albatros géants suspendus en plein vol. La campagne docile a été découpée à la machine. Un vol de pigeons gris nargue le pylône enfoncé de ses quatre pieds dans le sol. Ici l'esprit de la nature a disparu, arraché, vaincu !
Le paysage se couvre de moisissures publicitaires, de béton.
Une pensée m'emporte à Singapour et la vie me semble alors à cet instant, extraordinairement amusante.
Ailleurs j'étais, ici j'écris, en attendant un nouveau dépaysement, la dégringolade des repères, afin de me rencontrer encore sous une autre lumière.
Un panneau indique Leipzig, puis Bad Duremberg, un nom qui m'évoque une aristocrate rigidité, un orchestre aussi ennuyeux que pédant... Des mots, rien que des mots !
Chantier ! Les hommes n'ont de cesse de transformer cette planète en un vaste chantier. Ils espèrent sûrement aller un jour domestiquer les étoiles !
Ce voyage est long, une boucle dont le sens m'échappe. À peine le temps de revenir d'Asie, que déjà nous revoilà sur la route…
Au fond, c'est toujours la même, n'est-ce pas ?
La nuit est tombée, claire, la lune s'y baigne tout en demeurant invisible.
Une brume de légende flotte sur les champs, le repère des saisons s'est égaré.
Qu'est-ce que la réalité lorsque nous bougeons sans cesse ?
Qu'est-ce qui ne change pas ? Le mouvement, le courant ?
Traversées d'agglomérations anonymes, petit supermarché encore ouvert, des passants qui se promènent, puis la campagne à nouveau, et dans les replis de l'obscurité, des petits points lumineux clignotent. Un pylône de télévision braque sa multitude de prunelles rouges sur le ciel sans couleur et sans étoile.
Mon ex me retrouve et moi je trouve ça agréable parce que je fais semblant de me croire libre.
La route du retour qui n'en finit pas de s'étirer, et si peu de satisfactions...
Conflits souterrains, si difficiles à débusquer, toujours et encore ces non dits qui nous étouffent. J'aspire à la clarté et je sème la tempête !
Je suis déçue. Une mauvaise fatigue m'envahit, avec cortège de doutes grimaçants quant à l'avenir. Je ne regrette pas d’avoir mis les pieds dans le plat comme on dit, mais je doute que cela serve à quelque chose… Je suis déçue.
Mon oreille droite ne veut toujours pas se déboucher depuis le dernier avion au retour de l’Asie – que ne veut-elle pas entendre ?
Ma voiture est en panne… Beaucoup de lassitude.
J’ai besoin d'être en règle, avant tout avec moi-même. Je cherche ceux avec qui partager, besoin de réelles affinités. La diplomatie me pèse car elle a le goût nauséeux de l'hypocrisie...
Appel d'un « ailleurs », envie de passer à quelque chose de plus essentiel, plus fort.
J'en ai parfois par-dessus la tête des bonnes apparences qui dissimulent les moisissures. Je ne peux que me révolter, et tant pis pour la forme, si le fond me parait juste ! Je fais confiance à l'humain qui dort en chacun de nous.
Je désire le meilleur mais pour cela il me faudrait sans doute commencer par cesser de désirer ! Hélas, je fais partie de ces maudits passionnés, amoureux de la vie, de ces fous qui rêvent toujours et encore, cherchant des trésors sous les hardes misérables.
Étranges visionnaires en quête de véritable beauté humaine. Un joyau si difficile à reconnaître... Les Hommes excellent dans l’art de l’imitation.
La route défile et mon moral s’assèche.
Une nouvelle vie me tend peut-être les bras, mais je ne la vois pas !
Il y a encore des peaux mortes qui recouvrent mes yeux, des peurs, des lâchetés, et surtout un manque de confiance.
C'est toujours après que je réalise avec quelle intensité j’ai vécu certains moments de ma vie, au point de croire qu'il n'en serait jamais plus autrement.
Les émotions fortes laissent toujours place à un grand vide, et malgré qu'elles ne soient qu'illusions, il est difficile de s’en détacher.
Nous allons maintenant à Arcachon avant d’aller à Tours, et ma motivation bat franchement de l'aile. Rien ne semble pouvoir inverser le processus qui m'appelle vers un "autre chose" dont je ne distingue même pas les contours, juste un désir resté en suspens. Il me faut rompre avec ce qui n'est plus qu'habitude, sans saveur, sans surprise.
Je rumine mes déceptions, ce conflit inévitable et je sais que je suis en quête de libération.
Je la cherche cette complicité mille fois fantasmée ! Je la cherche dans les reflets changeants du ciel, sur le tableau noir des nuits étoilées, dans le murmure du vent, le frisson des feuilles, le mouvement de l'eau et la chanson des alcools rares...
Le soleil couchant balise le ciel de ses feux de cinabre.
Thierry partage les mêmes soupirs que moi. Ca pépie, ça grignote ou bouquine dans la volière ambulante. Il y a des oiseaux plus tristes que d'autres, chacun pousse son rêve, projette ses illusions sur le blanc du chemin, toujours plus en avant sans savoir vers où !
Un petit verre de vin pour allumer les regards et peut-être donner un peu de gaieté à ma plume. Les paysages du sud que nous traversons me laissent froide.
Jetée de Leyrac, tout au bord de l'océan. La plage, les vacanciers... Pourtant c'est agréable et malgré mon peu de sommeil, je me sens d'humeur sereine. Baignade et ramassage de coquillages après le montage, pour échapper un peu à l'électricité, voire à une franche agressivité qui règne au sein du groupe.
Je flotte au-dessus de tout ça. Savoir que très bientôt je vais faire une pause vacances, me permet de me détendre, de prendre la vie comme elle se présente. Je sors à nouveau de ma coquille, le "choc" de l'Asie s'estompe, la beauté de l'aventure reste.
Tours
L'ambiance est toujours aussi électrique, c'est à la limite du supportable ! Fatigue...
Nous sommes tous épuisés, avec de bonnes raisons de l'être, mais en ce qui me concerne, je n'ai pas envie de me laisser embarquer dans des situations qui dégénèrent aussi vite. Rester neutre, pas toujours facile...
Je me sens vraiment lasse, et ma vie hors de tout ça n'est qu'un grand point d'interrogation… Je me détache peu à peu du passé, parfois cela fait mal, une petite douleur là où ça ne veut pas lâcher...
C'est si facile de s'illusionner ! J'essaye de prêter une attention continue à ce qui me traverse, mais c'est fatigant.
Élargir le joug des émotions, des pensées pernicieuses, du conditionnement permanent afin de pouvoir mentalement accéder au plus grand nombre de points de vue possibles, tout en sachant qu'il y en a une infinité.
La multiplication des possibles permet d'entrevoir la trame de l'illusion, et en poussant plus loin, de réellement comprendre la vanité de tout conflit. Ce n’est pas tout de le dire !
23:45 | Lien permanent | Commentaires (0)
ça se confirme, la vérité sort bien par la bouche des enfants,
(en entendant les titres des infos à la radio)
Nicolas Sarkosi, oh nooooon, il faut que j’aille me laver les mains
ma fille, bientôt 4 ans
23:31 Publié dans LES MOTS DÉROBÉS DU JOUR | Lien permanent | Commentaires (0)
17/01/2007
Vigitox, mettons les toxiques hors-la-loi
Votre magnétoscope, votre parfum, les jouets de vos enfants ou encore le tapis de votre salle à manger contiennent tous quelques-unes des 100 000 molécules que l’industrie chimique a introduites sur le marché européen depuis les années 1950. Détergents pour le ménage, lessives pour le linge, peintures ou vernis pour le bricolage, engrais et insecticides au jardin… les produits chimiques sont omniprésents dans notre quotidien. Equipements électroniques, mobilier ou vêtements n’y échappent pas. Les plastiques et les textiles synthétiques sont d’origine pétrochimique, et les biens de consommation courante tirent la plupart de leurs propriétés (couleur, odeur, texture, résistance aux bactéries ou au feu, etc.) des ingrédients ou des additifs artificiels qui les composent.
Si toute cette chimie industrielle nous facilite la vie chaque jour, avec la réglementation en vigueur, elle nous expose également à des dangers. L’exposition à ces substances chimiques peut se faire par contact direct, mais pas seulement. Avec le temps et l’usure, les biens et produits de consommation courante libèrent leurs additifs toxiques. Ils polluent ainsi l’air que l’on respire au bureau, à la maison, dans les magasins, les cinémas, les restaurants, etc., où l’on passe 80 à 90 % de notre temps. Il est possible de limiter cette exposition quotidienne en faisant les bons choix de consommation. Voici quelques outils qui vont vous aider à devenir des « consomm’acteur ».
Pour connaître tous les produits classés à risque :
http://www.greenpeace.org/france/vigitox/consommer#
Faire autrement c'est possible, je vous assure... En commençant par supprimer l'inutile et c'est surprenant (?) à quel point c'est facile finalement. Cessons d'être les imbéciles même pas heureux pour lesquels on nous prend !
20:50 Publié dans AGIR | Lien permanent | Commentaires (0)
15/01/2007
La vague de viols qui frappe le Darfour gagne l'est du Tchad
Survivre
En 2004, quand les délégués d'Amnesty International ont tenté d'aborder le problème des viols au Darfour avec le gouvernement soudanais, tous les représentants du gouvernement qu'ils ont rencontrés leur ont affirmé qu'il n'était pas possible que des viols soient commis au Soudan. En juillet 2004, le gouvernement a créé des Comités chargés des viols, composés d'une femme juge, d'une personne représentant le ministère public et d'une policière, qui se sont rendus dans toutes les régions du Darfour. Cependant, les femmes ont dit ne pas avoir confiance en ces Comités, qui ont affirmé n'avoir trouvé que des cas isolés de viols.
Débordés, les travailleurs humanitaires et les organisations non gouvernementales (ONG) locales ont du mal à fournir des services médicaux ou une aide psychologique à la majorité des victimes de viol ou de violence sexuelle. Cependant, certaines organisations humanitaires et certaines ONG soudanaises travaillent auprès des femmes violées, en particulier dans les camps, et des femmes vivant dans les camps du Darfour aident et soutiennent les autres femmes. Ainsi, une femme d'un camp pour personne déplacées du sud du Darfour qui a été violée devant son mari – tué alors qu'il tentait de la protéger – a surmonté sa douleur et sa colère, et s'est engagée dans l'aide aux autres femmes victimes de violence.
Il est temps de protéger les femmes au Darfour et au Tchad
En ce qui concerne la pratique systématique des violences sexuelles et autres atrocités commises contre les femmes, le Darfour est loin d'être un cas isolé. Ces dernières années, des centaines de milliers de femmes touchées par des conflits partout dans le monde ont subi le même sort.
La violence contre les femmes, telle que définie dans les normes internationales, est prohibée en toutes circonstances et sous toutes ses formes par des traités internationaux et régionaux, ainsi que par le droit international coutumier. Même en période de conflit armé, les femmes, les jeunes filles et les fillettes doivent être protégées des crimes que sont les violences contre les femmes.
Aujourd'hui, il n'y a plus d'excuse pour fermer les yeux sur l'ampleur des crimes commis contre les femmes dans les conflits. Avec les informations presque quotidiennes qui nous parviennent des zones de conflit du monde entier, personne ne peut prétendre ne pas savoir ce qui se passe, ni se retrancher derrière l'argument selon lequel on ne peut rien faire. Il est urgent de trouver des formes d'action plus efficaces, proportionnelles à l'ampleur et à la gravité des crimes qui sont commis.
L'Union africaine (UA)
Appelez instamment l'Union africaine à :
renforcer immédiatement la MUAS et veiller à ce qu'elle prenne des mesures énergiques et efficaces pour protéger les civils ;
veiller à ce que le mandat de la MUAS et de toute autre force de maintien de la paix susceptible d'être déployée au Darfour à l'avenir comporte une forte dimension de genre et accorde une grande priorité à la protection des femmes, des jeunes filles et des fillettes ;
veiller à ce que des femmes des villes et villages touchés soient associées à toutes les initiatives destinées à résoudre le conflit, conformément à la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies.
Veuillez adresser vos appels au président de la Commission de l'Union africaine :
His Excellency Alpha Oumar Konaré
Chairperson of the Commission of the African Union
African Union Headquarters
PO Box 3243
Addis-Abeba
Éthiopie
Fax : +251 11 551 78 44
Adresse électronique : KonareAO@africa-union.org
Formule d'appel : Your Excellency, Votre Excellence
Le Conseil de sécurité des Nations unies
Envoyez des appels au président du Conseil de sécurité des Nations unies pour demander à ce Conseil de :
renforcer immédiatement la MUAS avec des structures de commandement et de contrôle et des moyens logistiques suffisants, afin qu'elle puisse prendre des mesures efficaces et énergiques pour protéger les civils ;
veiller à ce que le mandat de la MUAS et de toute autre force de maintien de la paix susceptible d'être déployée au Darfour à l'avenir comporte une forte dimension de genre et accorde une grande priorité à la protection des femmes, des jeunes filles et des fillettes ;
veiller à la pleine application de la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations unies, qui demande que les femmes des villes et villages touchés soient associées à la mise en œuvre de tous les accords de paix et à la résolution des conflits, et que des mesures soient prises pour protéger les droits des femmes, des jeunes filles et des fillettes.
Le gouvernement soudanais
Décrivez les violences dont sont victimes les femmes et exprimez votre préoccupation. Exhortez le gouvernement du Soudan à :
favoriser le déploiement d'une force de maintien de la paix efficace au Darfour, avec un mandat solide concernant la protection des civils ;
désarmer et démobiliser les milices janjawids ;
mettre un terme à toutes les violations du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains ;
permettre aux organisations humanitaires et aux organisations de défense des droits humains de se rendre librement au Darfour ;
veiller à ce que les auteurs de viol soient traduits en justice dans les plus brefs délais et dans le cadre de procès conformes aux normes internationales d'équité, avec une protection des victimes et des témoins.
Veuillez adresser vos appels au président et commandant en chef des forces armées du Soudan :
Lieutenant-General Omar Hassan Ahmad al-Bashir
President and Commander-in-chief of Armed Forces
President's Palace
PO Box 281
Khartoum
Soudan
Fax : + 249 183 776603 / 777583
Formule d'appel : Your Excellency, Votre Excellence
ainsi qu'à l'ambassade du Soudan dans votre pays.
Des informations complémentaires sur la situation au Darfour en matière de droits humains sont disponibles sur les sites
http://web.amnesty.org/pages/sdn-index-fra et http://hrw.org/doc?t=french_africa&c=sudan.
AMNESTY INTERNATIONAL
HUMAN RIGHTS WATCH
Document public
Index AI : AFR 54/087/2006
ÉFAI
«Nous avons entendu que les Janjawids allaient tirer sur la mosquée,
alors nous avons décidé de nous enfuir […]
Ils ont capturé les femmes […]
Les hommes les maintenaient à la gorge
et s'asseyaient sur elles pour les empêcher de bouger,
puis ils les ont déshabillées et violées.
Chaque femme a été violée par plusieurs hommes.
Je les entendais appeler au secours, mais il n'y avait personne pour les aider.»
Témoignage d'une femme recueilli par Amnesty International
à propos d'une attaque contre Djorlo, au Tchad, le 7 novembre 2006
Il est impossible de savoir combien de femmes ont été violées depuis le début du conflit armé au Darfour en 2003. Elles se comptent certainement par milliers.
En 2004, lors d'une visite de dix jours dans seulement trois camps de réfugiés au Tchad, Amnesty International a recueilli les noms de 250 femmes victimes de viol, ainsi que des témoignages terribles sur ce qu'elles avaient subi. Dans de nombreux cas, il s'agissait de viols collectifs. On recense 12 camps de réfugiés au Tchad et 173 camps pour personnes déplacées au Darfour.
Entre octobre 2004 et mi-février 2005, plus de 500 victimes de viol ont été soignées dans 25 dispensaires de Médecins sans Frontières au Darfour. La plupart avaient été violées par des membres des milices janjawids alors qu'elles vaquaient à leurs tâches quotidiennes à l'extérieur du camp.
Ces derniers mois, la reprise des combats au Darfour s'est accompagnée d'une augmentation considérable du nombre de viols. Rien que dans le camp de Kalma, au Darfour, le Comité international de secours a signalé que le nombre de viols était passé de moins de quatre à 200 par mois sur une période de cinq semaines, en juillet et en août 2006.
Malgré la présence d'une force de maintien de la paix de l'Union africaine (la Mission de l'Union africaine au Soudan [MUAS]) et la sensibilisation de l'opinion internationale à la situation au Darfour, les viols et les autres violences contre les femmes et les jeunes filles, loin de diminuer, ont au contraire augmenté en 2006.
En outre, les femmes signalent rarement les viols, même au personnel de santé, et les organisations humanitaires ont dû se retirer de nombreuses zones du Darfour. Par conséquent, celles qui se font soigner ne représentent certainement qu'une infime partie des femmes violées ou victimes d'autres formes de violence sexuelle.
Le viol et les violences sexuelles commis par des combattants sont reconnus comme crimes de guerre et comme crimes contre l'humanité. Les viols massifs et souvent systématiques sont l'illustration la plus flagrante de la violence subie par les femmes au Darfour. Les témoignages de la population du Darfour soulignent encore et encore l'atrocité et le caractère hors du commun de la situation : «On n'avait jamais vu ça dans les précédents conflits au Darfour.»
Au début du conflit, les femmes ne parlaient pas des viols. «Une femme ne vous dira pas facilement qu'elle a été violée. Dans notre culture, c'est une source de honte. Elle enfouit ça dans son cœur pour que l'homme ne l'apprenne pas», a expliqué une femme réfugiée au Tchad à Amnesty International en 2003.
Les femmes n'ont commencé à parler que la deuxième année des massacres et des déplacements forcés de population, lorsque les viols se sont comptés par milliers, que les enfants ainsi conçus ont commencé à naître, et qu'il est apparu évident qu'on ne pouvait plus cacher ces viols.
Le viol comme arme de guerre
Le viol et les autres formes de violence sexuelle au Darfour ne sont pas seulement une conséquence du conflit ou de l'indiscipline des soldats. Le viol constitue une arme de guerre. L'objectif est d'humilier, de punir, de contrôler, d'effrayer et de chasser de leurs terres les femmes et des groupes de population tout entiers. La multiplication des viols et les circonstances dans lesquelles ils sont commis laissent à penser qu'ils sont souvent utilisés pour terroriser les gens, les menacer et les obliger à partir.
La grande majorité des viols, des enlèvements, des cas de réduction en esclavage sexuel et des autres formes de violence sexuelle sont commis par les milices janjawids, soutenues par le gouvernement.
«Soudain, les Janjawids nous ont attaqués […] La majorité [des filles] ont réussi à s'échapper ; ma sœur, ma cousine et moi avons été capturées […] L'un des hommes m'a jetée à terre et, quand j'essayais de me débattre […] un autre pointait son fusil contre ma tempe […] J'ai été violée par quatre d'entre eux.»
Témoignage d'une jeune fille de seize ans
recueilli par Human Rights Watch
en février 2005.
Les Janjawids du Soudan ont maintenant étendu leurs violentes attaques contre les civils au Tchad voisin. Avec la complicité d'éléments armés de certains groupes ethniques du Tchad, ils semblent avoir pour objectif de vider les zones frontalières de différents groupes ethniques qui se considèrent et sont considérés comme des «Africains» et non comme des «Arabes». Dans le cadre de ce processus, ils commettent de nouveaux viols.
«C'était le huitième jour du Ramadan [le 30 septembre 2006] et nous étions huit – toutes à peu près du même âge, entre quinze et seize ans – à chercher du bois pour le feu […] C'est alors que nous sommes tombées sur trois cavaliers vêtus de djellabas […]. Ils nous ont menacées de leurs armes et nous ont insultées, nous traitant de Nawab [pluriel de Nouba, ou «Africains», utilisé comme insulte] en nous disant que la terre ne nous appartenait pas. Ils nous ont aussi frappées avec leurs cravaches et l'extrémité de leurs fusils. Ensuite, ils ont pris une des filles, l'un d'entre eux lui tenait les bras, l'autre les jambes et le troisième la violait, et ainsi chacun leur tour […] Quatre d'entre nous seulement ont été violées.»
Témoignage d'une jeune fille dago
recueilli par Amnesty International au Tchad
en novembre 2006.
Des viols ont aussi été commis par des membres des forces armées, des policiers et des réservistes de la police.
«Ils portaient des uniformes de l'armée et l'un deux avait une kalachnikov […] Trois d'entre eux m'ont fouettée avec deux cravaches […] Je n'ai rien dit, je ne pouvais pas crier. Ils m'ont violée tous les cinq. Je n'ai pas signalé le viol car c'étaient des soldats du gouvernement.»
Témoignage d'une femme
interrogée par Human Rights Watch dans le Darfour septentrional,
en juillet 2004.
Par ailleurs, un nombre croissant de viols commis au sein même de la population déplacée sont signalés dans les camps, où des centaines de milliers d'habitants du Darfour sont de fait tenus prisonniers par les milices janjawids. Beaucoup de ceux qui vivent ou travaillent dans ces camps pour personnes déplacées signalent aussi une augmentation de la violence domestique imputable aux maris et aux membres de la famille.
Les témoignages faisant état de viols commis par des membres des groupes d'opposition armés sont beaucoup plus rares. Cependant, un certain nombre de viols perpétrés par des membres de la faction Minni Minawi de l'Armée de libération du Soudan (ALS) –
l'une des signataires de l'Accord de paix sur le Darfour, qui agit maintenant aux côtés des forces gouvernementales – ont été signalés dans la région de Tawila en avril 2006, ainsi que lors de l'attaque et du massacre de Korma les 5 et 6 juillet 2006.
Réduction en esclavage sexuel et attaques à proximité des camps
Certaines femmes sont utilisées comme esclaves sexuelles. Une femme originaire du Darfour a raconté ce qui lui était arrivé lors de l'attaque de son village. Elle avait un bébé dans les bras et dit qu'elle a été violée alors qu'elle était enceinte de deux mois.
«J'ai été emmenée avec des dizaines d'autres filles par des attaquants en kaki et en civil ; nous avons dû marcher pendant trois heures. Pendant la journée, ils nous frappaient […] La nuit, ils nous emmenaient à un endroit dans les fourrés où ils nous violaient à plusieurs reprises. Pendant trois jours, nous n'avons reçu aucune nourriture et presque pas d'eau. Nous étions entourées de gardes armés. Au bout de trois jours, les Janjawids ont dû partir et ils nous ont libérées.»
Témoignage d'une femme du Darfour,
interrogée par Amnesty International au Tchad
en 2004.
Ces enlèvements se poursuivent en 2006. Le 7 octobre 2006, lors d'une attaque contre Djimeze Djarma, au Tchad, un groupe de femmes a été capturé par les Janjawids et détenu pendant vingt jours.
«Les hommes nous faisaient faire la cuisine, aller chercher de l'eau, nourrir les chameaux et les chevaux et préparer à manger. Ils passaient parmi nous et, si nous désobéissions, ils nous frappaient à coups de cravache. Nous avons beaucoup souffert. J'ai cru que j'allais être tuée.»
Témoignage d'une femme
interrogée par Amnesty International au Tchad
en novembre 2006.
La plupart des personnes déplacées à l'intérieur du Soudan, en particulier au Darfour occidental, sont pour ainsi dire prisonnières à l'intérieur des camps. Les Janjawids occupent le territoire et ceux qui s'aventurent à l'extérieur des camps risquent d'être tués, passés à tabac ou violés. Cette tactique de la terreur leur permet de tenir les groupes ethniques visés à l'écart de vastes étendues de territoire, car ils n'osent pas revenir sur leurs terres. Aller chercher du bois et de l'eau sont des tâches qui reviennent traditionnellement aux femmes, mais celles qui quittent les camps pour assurer leur subsistance sont menacées de viol, aujourd'hui comme en 2004.
«À Garsila, les femmes voulaient aller chercher du bois et de l'eau et plusieurs d'entre elles ont été violées par les Janjawids.»
Témoignage d'un homme du district de Garsila, au Darfour,
interrogé en 2004.
L'impunité pour les violeurs
Les auteurs de viol jouissent d'une impunité quasi totale. Les forces de la MUAS ont souvent essayé de protéger les femmes, par exemple en organisant des patrouilles pour la collecte du bois, mais leurs effectifs sont insuffisants. Quand une femme se fait violer, ils ont tendance à ne rien faire.
«L'UA [la MUAS] ne s'intéresse pas aux personnes déplacées […] Lorsqu'une fille se fait violer à proximité du camp, la seule chose que font les membres de la MUAS est de ramener la fille au camp. Ils ne font aucune enquête.»
Témoignage d'une femme masalit du Darfour,
interrogée par Amnesty International au Tchad
en 2006.
La police inspire surtout de la méfiance, en particulier chez les victimes de viol.
«Je ne peux pas porter plainte auprès de la police, car les policiers s'en prendraient encore plus à moi ; des Janjawids travaillent au sein de la police et certains policiers sont des Janjawids.»
Témoignage d'une jeune fille victime de viol,
recueilli dans un camp pour personnes déplacées du Darfour septentrional
en 2004.
Il arrive souvent que la police ne protège pas les civils attaqués. Une fois, des villageois ont cherché refuge au poste de police. Les policiers auraient regardé les Janjawids violer les femmes, ainsi que torturer et tirer des coups de feu sur les hommes qui tentaient de les protéger.
«Ils ont emmené les filles pendant plusieurs heures, puis les ont ramenées. Elles pleuraient, nous savions qu'ils les avaient violées. Certaines d'entre nous ont été violées devant tout le monde […] Je me suis débattue […] Ils m'ont frappée et ont décidé de me violer devant les autres […] Plusieurs jeunes hommes ont essayé de nous protéger […] Ils leur ont tiré dans les deux jambes […] D'autres ont été pendus nus à un arbre.»
Témoignage d'une femme four originaire du Darfour méridional,
interrogée par Human Rights Watch
en février 2005.
Traumatisme et déshonneur
Les auteurs de viol savent très bien quelles en sont les conséquences sur les femmes – non seulement elles souffrent elles-mêmes de traumatismes psychologiques mais, en outre, s'il s'agit d'une femme mariée elle risque d'être répudiée par son mari, et s'il s'agit d'une femme célibataire elle pourrait ne jamais trouver de mari.
«Puis, deux des hommes m'ont violée […] Je n'ai parlé à personne ce qui m'était arrivé […] Je ne sais pas comment mon mari réagirait s'il l'apprenait. Les hommes sont différents et certains se mettent en colère contre la femme.»
Témoignage d'une femme déplacée recueilli par Amnesty International
près de Goz Beïda, au Tchad, en novembre 2006.
Même lorsque les familles parviennent à arranger un mariage pour une fille qui a été violée, la victime reste traumatisée et la condamnation sociale peut avoir des effets dévastateurs sur la famille.
«Ma fille crie la nuit […] Je ne lui parle jamais de ce qui s'est passé, même si elle sait que je suis au courant de ce qui lui est arrivé […] Son père est très malade depuis. Il ne sort jamais avec les autres hommes et reste dans la pièce sans rien faire […] Maintenant, ma fille est mariée à son cousin, mais où est-il ? Il ne communique ni avec elle, ni avec nous.»
Témoignage de la mère d'une jeune fille de seize ans,
interrogée par Human Rights Watch au Darfour méridional
en février 2005.
Dans certaines circonstances, le viol peut entraîner la mort ou des lésions durables. Les mutilations génitales féminines par infibulation, qui sont pratiquées chez certains peuples du Darfour et de l'est du Tchad, peuvent accroître la gravité des lésions provoquées par le viol, et entraîner par exemple de graves hémorragies.
«Ils nous ont frappés et nous ont dit que nous, les Noirs, nous n'allions pas rester ici, qu'ils allaient tous nous éliminer. Ensuite, ils se sont emparés de ma demi-sœur, qui n'avait que dix ans […] J'ai vu deux d'entre eux coucher avec elle, puis ils sont partis. Quand nous sommes allés voir, elle était grièvement blessée et elle saignait. Elle a continué de perdre son sang pendant deux jours, puis elle est morte.»
Témoignage d'une femme déplacée sur une attaque
menée par des hommes en uniforme
près de Goz Beïda, au Tchad,
recueilli par Amnesty International
en novembre 2006.
Les femmes qui tombent enceintes à la suite d'un viol sont confrontées à de graves dilemmes. Certaines quittent leur famille pour cacher leur honte. D'autres sont rejetées par leur famille et abandonnent l'enfant à l'adoption. D'autres encore restent dans leur famille et élèvent l'enfant.
«Une fille qui a été violée revient dans sa famille, au bout de quelque temps elle accouche puis elle élève l'enfant, car le tuer serait haram [prohibé].»
Témoignage d'une réfugiée du Darfour,
interrogée au Tchad
en 2006.
En mars 2005, le secrétaire général des Nations unies s'est déclaré «très préoccupé par les informations inquiétantes faisant état d'arrestations par la police de femmes non mariées dans le secteur de Mukjar (Darfour-Ouest), qui sont enceintes à la suite de viols». Au Soudan, les femmes non mariées et enceintes sont souvent inculpées d'adultère et risquent la flagellation si elles sont reconnues coupables. Chez une femme mariée, en vertu du Code pénal de 1991, l'adultère est passible de la peine de mort.
12:19 Publié dans AGIR | Lien permanent | Commentaires (1)
14/01/2007
Survie organise en Février 2007 un « Moi(s) contre la Françafrique »
Afin d’interpeller citoyens et candidats aux élections présidentielle et législatives de 2007 sur la question des relations franco-africaines, Survie et une vingtaine d’ONG ont formulé des revendications "pour une politique de la France en Afrique responsable et transparente" dans le cadre de la campagne "2007 : état d’urgence planétaire, votons pour une France solidaire" du CRID (principale plateforme des ONG françaises www.crid.asso.fr dont Survie est membre).
Afin de donner une audience plus large à ces revendications, Survie organise tout au long du mois de février 2007 un mois de mobilisations partout en France : conférences-débats, projections, manifestations, concerts, avec 3 temps forts :
- un Sommet citoyen France-Afrique à Paris du 11 au 13 février, en contre-point du Sommet officiel des Chefs d’Etats franco-africains, organisé par Jacques Chirac à Cannes les 15 et 16 février,
- une manifestation à Paris le mardi 13 février à 18h30,
- le lancement de la nouvelle compilation musicale « Décolonisons ! » de Survie.
Tout le programme du Moi(s) régulièrement mis à jour sur http://www.survie-france.org/article.php3?id_article=848
12:51 Publié dans AGIR | Lien permanent | Commentaires (0)
13/01/2007
BATTRE DES PLUMES
le travail que chacun d'entre nous à accomplir sur lui-même est la base incontournable d'un monde plus équilibré...
l'art et toutes formes d'expression permettent de transcender la douleur ou tout au moins d’évacuer le pus des blessures
c'est pourquoi les cultures qui connaissent de grandes souffrances les ont exprimées si intensément d'une façon ou d'une autre
c'est un combat permanent que de se réapproprier son identité, son intégrité
les formes de domination sont innombrables
puissent les résistances ne faire qu'une
et unir la multitude de richesses qu'elles contiennent
avec le respect de la vie comme valeur première
l'humain est en guerre contre lui même
contre son alter ego déconsidéré
personne ne peut prévoir l'issue de cette guerre
mais on peut décider de désobéir
de poser les armes les armures les masques...
il nous faut battre des plumes si nous voulons voler
21:21 | Lien permanent | Commentaires (2)
12/01/2007
ce que vous devenez
Ce que j'ai conservé de vos mots dégoulinant d'amour
Comme un fruit trop mûr
Cache derrière sa couche sirupeuse
Le ver dans le noyau dur
Trop court le jour pour oublier qui vous êtes et puis ce que vous devenez
19:15 Publié dans LES MOTS DÉROBÉS DU JOUR | Lien permanent | Commentaires (1)
10/01/2007
Pour la décroissance
Contrairement à ce qu'a annoncé le journal "Le Monde" le 2 décembre dernier, le "Parti pour la décroissance" n'est pas "mort né". Comme toutes les structures politiques, il connaît des difficultés bien naturelles et s'emploie tant à les dépasser qu'à en tirer des enseignements. Construire du collectif dans une société marquée par l'individualisme forcené est une gageure.
Surtout quand les médias dominants, renonçant à leur rôle de quatrième pouvoir, se font les outils de la propagande consumériste.
Une idéologie qui amène chaque jour davantage de nos contemporains à se considérer d'abord comme des consommateurs et non plus avant tout comme des citoyens. Contrairement aussi à ce que laisse soupçonner la journaliste du "Monde", nous n'avons aucune accointance avec "des milieux très réactionnaires". La décroissance que nous défendons est au service des valeurs humanistes, républicaines, démocrates. Elle est au service d'un partage équitable des ressources de la planète. Elle combat l'idéologie du "sans limite" qui conduit à produire autant d'obèses que d'anorexiques. Est-ce cela être réactionnaire ? Est-il progressiste d'accepter le pillage et le gaspillage des ressources naturelles ou l'accaparation des ces ressources par une minorité ?
Nous constatons avec quels moyens les médias sous influence des intérêts économiques défendent les puissants. Heureusement, l'excellent dernier livre du journaliste du même journal Hervé Kempf "Comment les riches détruisent la planète" permet de comprendre les raisons de ces insinuations ignominieuses.
Le "Parti pour la décroissance" n'est pas mort né mais bien vivant. En revanche, la croissance et le développement économique sans limites sont, eux, condamnés. Cette idéologie irrationnelle et contre l'homme n'a pas d'avenir sauf de tout détruire. Les membres du "Parti pour la décroissance" s'emploient à réfléchir à une transition vers une société sobre et partageuse pour notre pays riche. Car la première des décroissances que nous voulons est celle des inégalités. La démocratie consiste à exposer les tensions pour engager un débat pacifique. C'est un exercice difficile et rebutant pour beaucoup. Pourtant, avons-nous d'autres choix ? Non. En nous y refusant nous contribuerions aux maux que nous dénonçons. En nous y refusant nous préparerions le chaos ou des politiques autoritaristes que vont engendrer inéluctablement un système qui ne tient compte ni des limites physiques, ni des limites humaines. Et ce n'est pas la farce médiatique conduite par l'animateur de TF1 Nicolas Hulot qui permettra de nourrir et sauver la démocratie, au contraire. Ce n'est pas non plus l'escroquerie sémantique du développement durable défendue par les Verts pour repeindre la société de consommation en vert. Foncièrement démocrates, nous voulons donc être le plus nombreux possibles lors des élections législatives de juin 2007 pour présenter la décroissance aux Français. Le "Parti pour la décroissance" y présentera des candidats pour la première fois de sa jeune existence.
L'Assemblée générale du Parti pour la décroissance le 27 janvier, à Lyon, sera un nouveau moment fondateur dans la vie de notre mouvement. Il est encore temps de présenter des motions ou de rejoindre celles déjà présentées pour nourrir le débat. Nous comptons sur vous pour cette nouvelle année 2007 que nous vous souhaitons la meilleure possible.
Julien Gonzalez, secrétaire national du "Parti pour la décroissance", le 8 janvier 2007.
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Vous pouvez retrouver cet éditorial sur le site ainsi que toutes les informations sur www.partipourladecroissance.net
20:49 Publié dans ALTERNATIVES | Lien permanent | Commentaires (8)
09/01/2007
J'ai lu Une saison de machettes de Jean Hatzfeld
Une saison de machettes
Jean Hartzfeld
Seuil 2003
Ancien reporter à Libération, Jean Hatzfeld a quitté le journalisme pour se pencher exclusivement sur le génocide rwandais. Après Dans le nu de la vie, dans lequel il rapportait les récits des rescapés tutsis, il sort un nouvel ouvrage consacré cette fois aux tueurs des marais, Une saison de machettes. Jean Hatzfeld y raconte ses entretiens avec les auteurs du massacre.
Ce que j’en pense :
On ne lit pas Une saison de machettes, on l’avale, comme on peut, difficilement.
On en prend un petit bout, puis on laisse reposer, afin que la nausée passe puis on reprend et comme ça peu à peu on arrive au bout de ces récits qui à vrai dire se passent de tout commentaires. On ne peut que saluer le courage de l’auteur qui a entrepris de recueillir ces témoignages et d’en faire ce document essentiel. Jean Hatzfeld avait déjà fait paraître en 2001 Dans le nu de la vie, Récits des marais rwandais, où il avait recueilli les témoignages des rescapés du génocide. Je n’ai pas lu ce livre, mais j’imagine qu’aussi insupportable qu’il soit, il demeure pourtant un témoignage de victimes, dont on ne peut que se sentir solidaires. Mais quand il s’agit de leurs tueurs, des tueurs qui sont leurs voisins, leurs collègues, leur co-équipiers de foot, leur instituteur, leurs époux… Des tueurs partis "couper", qui vous racontent ça comme des chasseurs du sud-ouest vous raconteraient une partie de chasse aux palombes, des tueurs qui quelque part ne font pas vraiment preuve de remords, qui ne saisissent ou ne veulent pas saisir l’horreur de leurs gestes, alors ces témoignages prennent une coloration complètement surréalistes, atrocement absurdes.
Et pourtant ces hommes là ont parlé, ont accepté de parler. Ils ont même, sauf un, posé pour une photo que l’on retrouve à la fin de l’ouvrage. Pourquoi ?
Et comment garder confiance en l’Homme lorsqu’on se trouve confronté à la folie bestiale d’un génocide ?
Ce sont les questions que posent ce livre, en tentant quelques comparaisons avec d’autres génocides et des ouvrages comme Des hommes ordinaires. Le 101e bataillon de réserve de la police allemande et la Solution finale en Pologne, publié en 1992 par le chercheur américain Christopher Browning, mais il n’y répond pas. Je crois bien qu’il est impossible d’y répondre.
Et en refermant Une saison de machettes, on ne peut s’empêcher de se demander lesquels d’entre nos voisins viendraient nous découper, nous éliminer ou nous vendre si tout à coup tout basculait…
Cathy Garcia
17:45 Publié dans CG - NOTES DE LECTURE | Lien permanent | Commentaires (0)
le pétrole tue encore et toujours
L’explosion d’un oléoduc fait des centaines de morts au Nigeria
27-12-2006 http://www.univers-nature.com/inf/inf_actualite1.cgi?id=2...
Si la NNPC parle de 200 à 250 morts, le quotidien évoque des sources non officielles faisant état d’au moins 1 000 victimes et de centaines de blessés.
Durant les périodes de pénurie de pétrole, au Nigeria, de tels pillages et accidents ne sont pas rares. Le plus meurtrier a fait un millier de morts, en 1998, à Warri, dans le sud du pays.
La NNPC aurait enregistré 2 258 actes de vandalisme sur ses oléoducs ces 5 dernières années. L’année dernière plus de 650 000 tonnes de pétrole auraient ainsi été détournées, soit plus de 20 % de la production nationale.
De tels faits, dans un pays qui est l’un des principaux fournisseurs mondiaux de pétrole brut, et le premier africain, avec 2,6 millions de barils par jour, sont scandaleux, mais hélas pas étonnants pour quiconque connaît la grande misère qui règne sur place. En effet, si le pays tire plus de 95 % de ses revenus, en devises étrangères, du pétrole, la population n’en tire quasiment aucun bénéfice avec une corruption généralisée du secteur.
Les Nigérians ne voyant pas la couleur des milliards déversés par l’or noir, comment s’étonner du pillage et des attentats contre les installations pétrolières. Par ailleurs, l’état des installations laisse à désirer, les fuites et autres accidents de production sont fréquents, faisant que chaque année, des milliers de tonnes de pétrole se déversent dans l’environnement, atteignant des milieux aussi riches que les mangroves, polluant les ruisseaux et rivières, pour au final mettre en danger la vie des habitants en polluant des lieux traditionnellement utilisés pour la pêche, l'agriculture...
Alex Belvoit
17:09 Publié dans QUAND LA BÊTISE A LE POUVOIR | Lien permanent | Commentaires (0)
Bolivie, Guaranis, paysans et captifs de père en fils
Bolivie
Guaranis, paysans et captifs de père en fils
Dans l’est de la Bolivie, 3 000 familles indigènes vivent sur des haciendas privées dans des conditions proches du servage. Des « communautés captives » emblématiques du gigantesque problème de la terre dont a hérité Evo Morales.
par Benito Pérez
3 janvier 2007
Une trentaine de cahutes émergent de la forêt. De bois et de paille, entre rivière et collines, Itakuatia a des airs de paradis originel. Pourtant, dans ce petit bout de Chaco [1], à cinq heures de Jeep de Camiri, la capitale pétrolière, guaranis et latifundiste [2] jouent et rejouent un drame ancestral. Comme des dizaines d’autres communautés indigènes de l’est bolivien, les habitants d’Itakuatia vivent sur les terres d’une hacienda. Spoliés de leur territoire, endettés de père en fils auprès de leur karay (seigneur), harcelés par ses sbires, oubliés des autorités, les villageois n’ont d’autre choix que de vendre à vil prix leur force de travail. « On dit que nous sommes une ’communauté captive’... Je n’aime pas. Mais c’est quand même un peu ça, non ? » Cornelio Jarillo ignore à quand remonte le funeste huis clos. « Mon père comme mon grand-père s’occupaient du bétail du karay, se souvient Don Cornelio. Jamais ils n’ont reçu un peso, jamais ils ne se sont plaints malgré les coups et les offenses. Ils avaient trop peur qu’on les jette dehors ! »
Du soja partout
Payés en nature, facilement grugés, les villageois sont tenus par de prétendues dettes. « Chaque année, à Carnaval, le patron de l’hacienda fait les comptes. Comme par hasard, ses paysans n’ont jamais assez travaillé pour rembourser la nourriture qui leur a été fournie », explique Vicki Miller. La coopérante de la Croix-Rouge suisse (CRS), qui soutient plusieurs communautés captives du Chaco, fait part de cas de ventes d’enfants à d’autres haciendas ou de fugitifs pourchassés dans tout le département.
Paradoxalement, la crainte de devoir abandonner leur terre natale est encore plus forte que l’envie de fuir. Jadis paradis des colons, le Département de Santa Cruz ne répertorie plus guère de terres inoccupées. Cinquante ans d’une « réforme agraire » dévoyée ont offert sur un plateau l’immense orient bolivien à une poignée de potentats locaux. Près de 80% de la surface distribuée l’a été à des exploitants possédant plus de 2 000 hectares. Aujourd’hui, ces latifundistes touchent le gros lot avec le boom du soja - 80% de la surface agricole cruceña - alors que les deux tiers des ruraux vivent sous le seuil de pauvreté.
« Les réunions m’ont réveillé »
A Itakuatia, les Chávez ( !) préfèrent consacrer leur 20 000 hectares à une autre juteuse agro-industrie : la cacahuète. Magnanime, la famille en a quand même confié quelques centaines à ses manants. De préférence, un lopin à défricher, qui leur sera repris quelques années plus tard.
Margarita vient de l’expérimenter à ses dépens. Sans cesser d’écosser des pois, de sa voix monocorde, elle raconte son malheur d’avoir perdu, coup sur coup, son mari et son précieux bout de terre. « J’ai quand même semé sur une partie de mon chaco, mais la récolte ne me suffira pas », soupire la jeune veuve, entourée d’une myriade de bambins curieux. Sans le soutien de proches ayant migré vers la ville, elle aurait suivi leurs pas et cherché fortune à Camiri.
Don Cornelio, lui, ne quittera jamais Itakuatia. « Où irais-je ? », interroge-t-il, en se tournant vers les collines avoisinantes. Mburuvicha (chef) du village depuis une dizaine d’années, il ne travaillera plus non plus pour son ancien patron. « Il a essayé de brûler ma maison parce que nous avions refusé qu’il détruise notre école », témoigne Cornelio Jarillo. C’était il y a à peine deux ans.
Des histoires comme celle-là, tout le village en bruisse. « Un jour, la femme du patron est venue me frapper chez moi : elle disait que je ne l’avais pas saluée », raconte Celso Mendieta. Mais, au dire du jeune maître d’école, la raison est tout autre : « Grâce à mes études, j’ai voyagé un peu, et je sais à quoi ressemble un titre de propriété. Un jour, j’ai demandé au patron de me montrer le sien... Je ne l’ai pas encore vu ! » sourit Celso Mendieta.
Une insolence nouvelle sur une terre de peine et de labeur. Cornelio Jarillo fixe le tournant à la fondation, il y a huit ans, d’une section locale de l’Assemblée du Peuple Guarani (APG). Jusqu’alors isolées, une vingtaine de communautés situées en amont du río Parapetí se sont fédérées en Capitania, faisant renaître la tradition guarani. Don Cornelio insiste : « Les réunions nous ont réveillés. Maintenant, nous connaissons nos droits et nous voulons récupérer notre terre. »
La peur enracinée
Sous le regard acquiesçant de son épouse, le mburuvicha d’Itakuatia parle sans crainte. Ils savent pourtant que le karay viendra bientôt enquêter sur les motifs de la visite. Nous le croisons - le regard noir - dès notre départ pour Guaraca, la communauté voisine de quelques kilomètres.
Ici, malgré l’annonce de notre arrivée, aucun des chefs du village n’est au rendez-vous. Du bout des lèvres, Ricardo [3] accepte de nous recevoir chez lui et nous invite à partager la chicha, la bière de maïs. Le village est en fête, c’est la San Pedro. Personne n’est allé travailler pour Don Mario, leur propriétaire, grand producteur de maïs et de cacahuètes. Un dur. Un jour, il a fait abattre toutes les bêtes d’une famille guarani récalcitrante. Tous ont quitté Guaraca, nous glisse Ricardo.
En contrebas du village, des enfants lancent des pétards, et s’enfuient en se moquant de leurs titubants aînés. La chicha coule à flots, mais elle ne délie pas les langues. Ricardo se ferme à son tour. Nous quittons le village avant de lui attirer des ennuis.
Dans son siège tout neuf - aménagé à Camiri grâce à l’appui d’amis genevois de Vicki Miller - le chef de la Capitania ne cache pas ces difficultés. « Notre organisation est encore très fragile. La peur demeure ancrée. Dans certaines communautés, les menaces des propriétaires nous obligent à nous cacher pour tenir les réunions », admet Marcelino Robles.
Système en crise
Pour les Guaranis du Alto Parapetí, pourtant, comme pour l’ensemble des 3 000 familles captives recensées, la vie n’est plus tout à fait la même. Sous la pression des mouvements indigènes et d’ONG, médias et gouvernement ont fini par admettre, début 2005, la survivance du travail forcé. Une effervescence peu goûtée par les patrons, et aggravée, cette année, par l’arrivée d’Evo Morales à la présidence du pays.
« Le système est entré en crise », confirme Vicki Miller. Pour la coopérante, les karays jouent profil bas, craignant que l’Etat ne vienne étudier de trop près leurs douteux titres de propriété. « Les mauvais traitements sont de plus en plus rares », souligne le « grand capitaine » Marcelino Robles, lui-même chassé naguère de son village.
Mais les latifundistes savent également qu’il leur sera difficile d’être rentables sans leurs travailleurs corvéables à merci. Du coup, certains essaient de vendre, d’autres « de se débarrasser de leur communauté pour qu’elle ne réclame pas ses terres », s’inquiète Mme Miller.
Revoir la propriété foncière
Un danger, semble-t-il, compris par le gouvernement qui entend s’opposer à toute transaction foncière dans la zone. Un paquet de projets de loi déposé en juillet par Evo Morales prévoit aussi de relancer la révision cadastrale et de distribuer les terres usurpées aux communautés paysannes.
Patients, les Guaranis savent qu’« on ne change pas un pays en six mois », selon Marcelino Robles. A Itakuatia, on préfère insister sur un progrès encore inespéré il y a peu : une journée de travail chez le karay est maintenant rétribuée. Dix bolivianos (près d’un euro) pour dix heures de labeur. Une révolution.
Ce reportage a été réalisé lors d’un voyage de presse organisé par la Croix-Rouge suisse.
******
« La santé doit être gérée par les gens, pas par les médecins »
Ne lui dites surtout pas qu’il est un médecin de brousse ! L’image du french doctor se précipitant vers des villages reculés pour sauver la veuve et l’orphelin, très peu pour lui. « Heureusement, je n’ai jamais dû sortir mon stéthoscope ! Je ne suis qu’épidémiologiste... » sourit-il. Pourtant, depuis quatre ans qu’il travaille pour la Croix-Rouge suisse (CRS), Never Aguilera sillonne inlassablement les collines du Chaco bolivien au volant de son pick-up. « Ma deuxième demeure... si ce n’est la première », dit, sans acrimonie, ce père de quatre bambins. « J’adore mon boulot et j’ai besoin de donner autant que possible », s’excuse presque Aguilar, fervent catholique à la mission peu orthodoxe : « Mon idéal, c’est de développer un système de santé à la cubaine : proche des gens et capable de grandes choses malgré de petits moyens. »
Pourquoi la CRS - dont la vocation première est la promotion de la santé - aide-t-elle les communautés captives à se structurer politiquement ?
Never Aguilera : Notre stratégie consiste à renforcer l’organisation de chaque communauté, afin qu’elle soit en mesure de prendre en charge la santé de ses membres, par exemple en revendiquant des moyens aux autorités politiques. Et ça fonctionne : nombre de luxueux postes de santé construits naguère dans le Chaco mais inutilisés faute de médecins ont reçu depuis du personnel. Mais ces soignants ne connaissent souvent rien aux besoins spécifiques des habitants. S’estimant dépositaires du savoir médical, ils se montrent méfiants envers toute demande provenant d’en bas. Selon nous, il faut renverser la pyramide : la gestion de la santé doit partir des gens, les institutions médicales étant simplement à leur service. Une communauté organisée est mieux armée pour forcer médecins et infirmiers à collaborer avec elle. Il y a aussi une autre raison : les principaux problèmes sanitaires que nous rencontrons sont des diarrhées et des infections dues à l’eau, ainsi que des séquelles de la malnutrition, due, elle, au manque de terres. Il est donc logique que la priorité aille à la lutte pour la terre et à la recherche d’eau potable.
Comment s’organise la médecine communautaire ?
Elle a deux principes : la détection et la prévention. Qui, plus que les membres d’une famille, se préoccupe des siens ? Personne. Eh bien la santé communautaire s’inspire du même principe. Dans chaque communauté, nous formons des promoteurs de santé qui visitent régulièrement les villageois, les informent et, si nécessaire, les aiguillent vers les services appropriés. Beaucoup de malades n’osent pas se rendre dans les postes de santé, et n’y vont qu’en dernier recours. Les promoteurs sont nos meilleurs atouts pour éviter que des maux bénins ne deviennent des affections chroniques. Notamment parce qu’ils font remonter l’information jusqu’aux médecins qui ne peuvent se rendre régulièrement dans les communautés reculées. L’autre pilier de la santé communautaire est constitué de contrôles de santé simples et systématiques menés par les villageois eux-mêmes. Ainsi, chaque mois, ils pèsent tous les enfants de moins de cinq ans pour détecter d’éventuels problèmes de dénutrition.
Que faites-vous de la médecine indigène ?
Elle occupe pour moi une place centrale. D’abord parce que les gens ont confiance dans les guérisseurs, qu’ils connaissent et qui parlent le même langage qu’eux. Ensuite, parce qu’il y a dans la médecine indigène un réservoir extraordinaire de remèdes simples, locaux et efficaces. Mais cette médecine va au-delà. Elle parle au coeur des gens. Elle a une dimension psychologique, dirions-nous, par les rites notamment. Malheureusement, ce savoir demeure souterrain et tend à se perdre. Il est rejeté par les médecins classiques et combattu par les religions, en particulier les sectes évangéliques. De notre côté, nous essayons de convaincre médecins traditionnels et classiques de collaborer. La conservation et la diffusion de ce patrimoine nous préoccupe également. L’an dernier, nous avons pu réunir des guérisseurs de diverses régions pour qu’ils échangent leurs savoirs. Une expérience que j’aimerais renouveler.
Notes:
[1] Le Chaco ou Gran Chaco est une région partagée entre le Paraguay, le Brésil, l’Argentine et la Bolivie. Elle se caractérise par sa couverture forestière, ses températures élevées et sa sécheresse.
[2] Grand propriétaire terrien.
[3] Prénom fictif.
www.risal.collectifs.net/article.php3?id_article=1887...
Source : Le Courrier (www.lecourrier.ch), 19 août 2006.
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